Exposition au Lycée : "La Dilection, l’Idéal et le Rêve dans la Littérature"
1. « Les passions abaissent, la passion élève. »
« (…) Je passe tout au long des rives,
Et je m’attends à chaque pas
Qu’elle surgisse des roseaux,
Et qu’elle tombe dans mes bras.
(…) Nous flotterons saisis du charme
Sous cette lune rayonnante.
Le vent bercera les roseaux ;
Les eaux chanteront ondoyantes !
Mais elle ne vient pas… Tout seul,
Je soupire, je souffre en vain,
Les yeux perdus sur mon lac bleu,
Qui de lourds nénuphars est plein. »
Mihai Eminescu
Michael Eminovicz, dit Mihai Eminescu,
« poète réel »,
qui naquit à Botoşani, le 15 janvier 1850,
et qui s’éteignit à Bucarest, le 15 juin 1889
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2. « Pensée fait la grandeur de l’homme. »
« (…) Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa
haute et pleine majesté, qu’il éloigne sa vue des objets bas qui
l’environnent, qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme une
lampe éternelle pour éclairer l’univers, que la terre lui paraisse comme
un point au prix du vaste tour que cet astre décrit, et qu’il s’étonne de ce
que ce vaste tour lui-même n’est qu’une pointe très délicate à l’égard de
celui que les astres qui roulent dans le firmament embrassent. Mais si
notre vue s’arrête là, que l’imagination passe outre. Elle se lassera plutôt
de concevoir que la nature de fournir. Tout ce monde visible n’est qu’un
trait imperceptible dans l’ample sein de la nature, nulle idée n’en
approche. »
Blaise Pascal
Blaise Pascal,
« le plus grand des Français »,
qui naquit à Clermont-Ferrand, le 19 juin 1623,
et qui s’éteignit à Paris, le 19 août 1662
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3. « Il n’est rien de réel que le rêve et l’amour.
« (…) S’en aller pensant ou rêvant,
Mais que le cœur donne sa sève
Et que l’âme chante et se lève
Comme une vague dans le vent.
Que le cœur s’éclaire ou se voile,
Qu’il soit sombre ou vif tour à tour,
Mais que son ombre et que son jour
Aient le soleil ou les étoiles… »
Anna de Noailles
Anna-Élisabeth de Noailles,
dite Princesse Bibesco Bassaraba de Brancovan,
« l’hypertrophie du moi »,
qui naquit à Paris, le 15 novembre 1876,
et qui s’éteignit à Paris, le 30 avril 1933
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4. Aux Arbres
« Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme !
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous ! — vous m’avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
(…) Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu !
(…) J’ai laissé loin de moi toute pensée amère,
Et mon cœur est encor tel que le fit ma mère !
(…) Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît ,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt ! c’est dans votre ombre et votre mystère,
C’est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m’endormirai. »
Victor Hugo (1802-1885),
Les Contemplations
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5. Cet Idéal de Douceur et de Beauté…
« S’il était permis d’assigner un sexe aux nations comme aux
individus, il faudrait dire sans hésiter que la race celtique, surtout
envisagée dans sa branche kymrique ou bretonne, est une race
essentiellement féminine. Aucune famille humaine, je crois, n’a porté
dans l’amour autant de mystère. Nulle autre n’a conçu avec plus de
délicatesse l’idéal de la femme et n’en a été plus dominée. C’est une sorte
d’enivrement, une folie, un vertige. (…) La femme telle que l’a conçue la
chevalerie, — cet idéal de douceur et de beauté posé comme but suprême
de la vie, — n’est une création ni classique, ni chrétienne, ni germanique,
mais bien réellement celtique. »
Ernest Renan (1823-1892),
D’Une Religion à l’Autre
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6. « (…) Et j’irai, moi, devant l’humanité entière, proclamer
Qu’un dieu, d’un cœur ami, te donne ton chant surnaturel. » »
« —Jeunes filles, parmi les poètes d’ici, quel est l’auteur des chants
les plus doux à vos oreilles ?
Alors, toutes ensemble, répondez à ce voyageur :
—C’est un poète aveugle, un aède venu des montagnes de l’âpre
Chios, dont les chants méritent à jamais la plus grande gloire.
Et nous, poètes, aussi longtemps que sur la terre nous porterons
nos pas vers les cités des hommes, nous leur chanterons vos louanges et
tout le monde nous croira puisque aussi bien tout ce que nous disons
dans nos chants n’est que la pure vérité. »
Homère
Hómêros, Homère,
« le Père de la Poésie »,
qui naquit vers le VIIIe siècle av. J.-C.,
et qui s’éteignit vers le VIIe siècle av. J.-C.
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7. « La poésie ne doit pas périr. Car, alors, où serait l’espoir
du Monde ? »
Léopold Sédar Senghor (1906-2001)
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8. « Amour sans crainte et sans peur c’est feu sans flamme et sans
chaleur, jour sans soleil, brèche sans miel, été sans fleur, hiver sans gel,
ciel sans lune, livre sans lettres. »
« Puisque ma dame de Champagne a pour vouloir que
j’entreprenne un conte en français, je le mettrai de grand cœur sur le
métier, en homme entièrement à sa dévotion dans tout ce qu’il peut
accomplir ici-bas, sans lui offrir un grain d’encens. (…) J’affirmerai sans
plus que son commandement agit dans cet ouvrage avec plus d’effet que
l’apport de mon talent et de mon labeur, quels qu’ils soient. Chrétien
commence à rimer son livre sur le Chevalier de la Charrette. Il tient de la
comtesse, en présent généreux, la matière avec l’idée maîtresse, et lui
veille à la façon, en ne donnant guère plus que son travail et son
application. »
Chrétien de Troyes
Chrétien de Troyes,
Poète champenois et Chantre de l’Amour Courtois,
« magnifique ouvrier des lettres »,
qui naquit vers 1135,
et qui s’éteignit vers 1183
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9. La Chartreuse de Parme
« Il reçut Mme Sanseverina avec grâce ; il lui dit des choses
spirituelles et fines ; mais elle remarqua fort bien qu’il n’y avait pas excès
dans la bonne réception. — Savez-vous pourquoi ? lui dit le comte Mosca
au retour de l’audience, c’est que Milan est une ville plus grande et plus
belle que Parme. Il eût craint, en vous faisant l’accueil auquel je
m’attendais et qu’il m’avait fait espérer, d’avoir l’air d’un provincial en
extase devant les grâces d’une belle dame arrivant de la capitale. Sans
doute aussi il est encore contrarié d’une particularité que je n’ose vous
dire : le prince ne voit à sa cour aucune femme qui puisse vous le disputer
en beauté. »
Stendhal (1783-1842),
La Chartreuse de Parme
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10. Brocéliande, « la Forêt des Merveilles »
« (…) Dans ce qu’on appelle la tradition, et aussi dans l’histoire,
Brocéliande apparaît comme un pays merveilleux où des chevaliers
errants se perdent à force de chercher vainement le Château du Graal,
mais pour moi, il s’agit d’une forêt bien réelle, située quelque part au
centre de la Bretagne armoricaine (…). C’est Brocéliande qui m’a
constitué, qui m’a fait, qui a modelé mon visage et mon âme, ouvrant,
dans les entrailles de la terre, un chemin profond que depuis lors je n’ai
cessé de suivre, persuadé qu’il me mènerait vers les éclatantes
éclaboussures des derniers rayons du soleil rouge, celui qu’on voit
disparaître, certains soirs, dans les vagues d’un océan qui passait
autrefois pour les limites de l’univers.
(…) Ce sont réellement des Routes de Nulle Part. (…) Et d’étranges
silhouettes se dessinent à travers les épines, (…) là où le soleil, le vent, la
brume et les grandes ombres magnétiques de la terre s’élancent en un
fantastique ballet (...). »
Jean Markale (1928-2008),
Brocéliande ou l’Énigme du Graal
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11. Je te salue,Vieil Océan !...
« Vieil océan, aux vagues de cristal, tu ressembles
proportionnellement à ces marques azurées que l’on voit sur le dos
meurtri des mousses ; tu es un immense bleu, appliqué sur le corps de la
terre : j’aime cette comparaison. (…) Je te salue, vieil océan !
(…) Vieil océan, ta grandeur matérielle ne peut se comparer qu’à la
mesure qu’on se fait de ce qu’il a fallu de puissance active pour engendrer
la totalité de ta masse. (…) Je te salue, vieil océan !
(…) Vieil océan, ô grand célibataire, quand tu parcours la solitude
solennelle de tes royaumes flegmatiques, tu n’enorgueillis à juste titre de
ta magnificence native, et des éloges vrais que je m’empresse de te
donner. Balancé voluptueusement par les mols effluves de ta lenteur
majestueuse, qui est le plus grandiose parmi les attributs dont le
souverain pouvoir t’a gratifié, tu déroules, au milieu d’un sombre
mystère, sur toute ta surface sublime, tes vagues incomparables, avec le
sentiment calme de ta puissance éternelle. (…) Je te salue, vieil océan ! »
Lautréamont (1846-1870),
Les Chants de Maldoror
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12. « (…) Je me demandais si je voyais un portrait de la candeur ou de
la volupté. Je n’avais jamais inventé rien de pareil (…). »
« L’impression du génie s’oublie ; celui de l’attrait est impérissable.
La beauté a un éclair qui foudroie. Celle de Madame Récamier n’était si
puissante et si achevée que parce qu’elle était l’enveloppe modelée sur
son intelligence et sur son âme. Ce n’était pas seulement son visage qui
était beau, c’était elle qui était belle. »
Madame Récamier
Jeanne Françoise Julie Adélaïde Bernard, Juliette Récamier,
« la Belle des Belles »,
qui naquit à Lyon, le 3 décembre 1777,
et qui s’éteignit à Paris, le 11 mai 1849
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13. Homme Libre,
toujours tu chériras la Mer !...
« Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plaine indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets ! (…) »
Charles Baudelaire (1821-1867),
Les Fleurs du Mal
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14. « Liberté, que de crimes commis en ton nom ! »
« Enfin j’ai vu le feu de la Liberté s’allumer dans mon pays ; il ne
saurait s’éteindre… Je finirai de vivre quand il plaira à la nature, mon
dernier souffle sera encore le souffle de la joie et de l’espérance pour les
générations qui vont nous succéder. »
Madame Roland
Marie-Jeanne Phlipon, dite Manon Roland,
« l’Égérie de la Gironde »,
qui naquit à Paris, le 17 mars 1754,
et qui s’éteignit à Paris, le 8 novembre 1793
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15. L’Art d’Aimer
« Si quelqu’un de notre peuple à qui l’art d’aimer soit inconnu, qu’il
lise ce poème, et, instruit par sa lecture, qu’il aime. C’est l’art avec lequel
la voile et la rame sont maniées qui permet aux vaisseaux de voguer
rapidement, l’art qui permet aux chars de courir légèrement : l’art doit
gouverner l’Amour. Automédon excellait à manier un char et les rênes
flexibles ; Tiphys était le pilote de la poupe hémonienne. Moi, Vénus m’a
donné comme maître au jeune Amour ; c’est le Tiphys et l’Automédon de
l’Amour que l’on me nommera. »
Ovide (43 av. J.-C. - 17 ap. J.-C.),
L’Art d’Aimer
~
Traduction d’Henri Bornecque
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16. L’Âme d’une Fleur parle
auCœur d’une Femme…
« (…) La racine, humble, obscure, au travail résignée,
Pour la superbe fleur par le soleil baignée,
A, sans en rien garder, fait ce parfum si doux
Qui vient si mollement de la nature à vous,
Qui vous charme, et se mêle à votre esprit, madame,
Car l’âme d’une fleur parle au cœur d’une femme. »
Victor Hugo (1802-1885),
Les Rayons et les Ombres
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17. « Fidèle à l’engagement que j’ai pris vis-à-vis de ma conscience, je
partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera, je
rentrerai. »
« (…) J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme ;
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu’un a plié qu’on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s’en vont qui devraient demeurer.
Si l’on est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla ;
S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! »
Victor Hugo
Victor-Marie Hugo,
« génie sans frontières »,
qui naquit à Besançon, le 26 février 1802,
et qui s’éteignit à Paris, le 22 mai 1885
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18. Laudine, la Dame de la Fontaine
et Yvain, le Chevalier au Lion
« En ce vouloir m’a mon cœur mis.
—Et qui le cœur, beau doux ami ?
Dame, les yeux. —Et les yeux, qui ?
La grande beauté qu’en vous je vis.
(…) —De quelle manière ?
—Telle qu’elle ne peut être plus grande, telle que de vous ne s’écarte
mon cœur, telle que tout à vous je m’octroie, telle que je vous aime plus
que moi, telle, s’il vous plaît, qu’à votre guise pour vous je veux mourir ou
vivre. »
Chrétien de Troyes (v. 1135-v. 1184),
Le Chevalier au Lion
~
Traduction de Jean-Pierre Foucher
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19. L’Odyssée
« C’est l’Homme aux mille tours, Muse, qu’il faut me dire, Celui qui
tant erra quand, de Troade, il eut pillé la ville sainte, Celui qui visita les
cités de tant d’hommes et connut leur esprit, Celui qui, sur les mers,
passa par tant d’angoisses, en luttant pour survivre et ramener ses gens.
Hélas ! même à ce prix, tout son désir ne put sauver son équipage : ils ne
durent la mort qu’à leur propre sottise, ces fous qui, du Soleil avaient
mangé les bœufs ; c’est lui, le Fils d’En Haut, qui raya de leur vie la
journée du retour.
Viens, ô fille de Zeus, nous dire, à nous aussi, quelqu’un de ces
exploits. »
Homère (v. le VIIIe siècle av. J.-C. ~ v. le VIIe siècle av. J.-C.),
L’Odyssée
~
Traduction de Victor Bérard
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