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La justice transitionnelle dans le
monde francophone : état des lieux

Conference Paper 2/2007
Dealing with the Past – Series




Schweizerische Eidgenossenschaft                   Ministère des Affaires étrangères de la République française
Confédération suisse
Confederazione Svizzera                            Centre international pour la justice transitionnelle
Confederaziun svizra
                                                   Centre sous-régional des Nations Unies pour les droits de
Département fédéral des affaires étrangères DFAE   l'homme et la démocratie en Afrique centrale
Publisher: Political Affairs Division IV, Federal Department of Foreign Affairs FDFA
General Editor: Mô Bleeker
Volume Co-Editor: Carol Mottet
Managing Editors: Fabien Pasquier, Geneviève Swedor
Illustrations: ©2000: Jonathan Sisson
Copies: 1500
Ordering Information: Political Affairs Division IV,
Federal Department of Foreign Affairs FDFA, Bundesgasse 32, CH-3003 Bern 7
Email: pa4@eda.admin.ch
Website: www.eda.admin.ch
ISBN 978-3-033-01231-8
Conference Paper                           2 | 2007

Dealing with the Past – Series

La justice transitionnelle dans le monde
francophone : état des lieux




Mô Bleeker, General Editor
A propos des organisateurs du séminaire
tenu à Yaoundé, Cameroun, du 4 au 6 décembre 2006

                                          La Division politique IV du Département fédéral des
                                          affaires étrangères s'occupe de sécurité humaine. Elle
                                          se concentre sur des politiques de promotion de la
                                          paix, de droits de l'homme et de politique humanitaire
                                          et de migration, et l'action de son Pool d'experts pour
                                          la promotion civile des conflits. Ses engagements en
                                          faveur de la transformation des conflits couvrent
                                          notamment la médiation, le partage du pouvoir, la
                                          démocratisation, la réforme du secteur de la sécurité et
                                          le traitement du passé.

                                          La Sous-direction de la gouvernance démocratique
                                          met en œuvre, au sein de la Direction des Politiques de
                                          Développement de la Direction Générale de la
                                          Coopération Internationale et du Développement
                                          (DGCID), la coopération dans les secteurs suivants :
                                          état de droit et libertés, prévention des conflits et
                                          reconstruction, modernisation de l’État et gouvernance
                                          locale, gouvernance financière et cadres stratégiques
                                          de lutte contre la pauvreté.


                                          Le Centre international pour la justice transitionnelle
                                          porte assistance à des pays confrontés à l'héritage d'un
                                          passé de violations massives et systématiques des
                                          droits de l'homme. Il oeuvre au sein de sociétés sortant
                                          de régimes autoritaires ou de conflits armés, aussi bien
                                          que de démocraties établies qui n'ont pas résolu les
                                          injustices passées. Fondé en 2001, le Centre compte
                                          aujourd'hui une quarantaine de collaborateurs et des
                                          bureaux à New York, Cape Town, Bruxelles et Genève.

                                          Le Centre des Nations Unies pour les droits de
                                          l’homme et la démocratie en Afrique centrale a pour
                                          mission de contribuer au développement de la culture
                                          des droits de l‘homme et de la démocratie en vue de
                                          prévenir les conflits et de promouvoir la paix et le
                                          développement durables en Afrique centrale. Ses
                                          principaux axes d’action sont l’éducation aux droits de
                                          l’homme et à la démocratie, le renforcement des
                                          capacités     gouvernementales,         des institutions
                                          nationales et l’appui à la société civile.




Ce rapport contient les textes des présentations qui ont été effectuées dans le cadre du
séminaire tenu du 4 au 6 décembre 2006 à Yaoundé. Au même titre que les opinions qui ont
été formulées à cette occasion, les présents écrits n'engagent exclusivement que leurs
auteurs ainsi que leur propre responsabilité et en aucune manière ne sont constitutifs d'une
position officielle du gouvernement suisse ou français.
Table des matières


   1   Introduction _____________________________________1

   2   Justice transitionnelle : principes et standards
       internationaux — un état des lieux _________________3
       2.1   Un état des lieux des principes et standards internationaux de la
             justice transitionnelle
             Louis Joinet                                                      3

   3   Mécanismes de la justice transitionnelle ___________17
       3.1   Commissions de vérité : mythes et leçons apprises
             Eduardo González Cueva                                             17
       3.2   Cour pénale internationale et principe de la complémentarité
             Wilbert van Hovell                                                 21
       3.3   Le système gacaca au Rwanda : avantages et limites
             Joseph Sanane Chiko                                                29
       3.4   Réforme du système de sécurité et procédures de vérification
             et de filtrage de la fonction publique (vetting)
             Alexander Mayer-Rieckh                                             43
       3.5   Politique de réparations : rôle normatif et défis des questions
             de genre et de l'identité
             Paige Arthur                                                       53
       3.6   Politiques de réparation et réhabilitation des victimes
             Lucien Toulou                                                      61

   4   La justice transitionnelle dans tous ses états :
       études de cas____________________________________71
       4.1   Justice transitionnelle et construction d’une paix durable :
             des agendas complémentaires
             Mô Bleeker                                                         71
       4.2   Afrique du Sud
             Olivier Kambala wa Kambala                                        83
       4.3   République démocratique du Congo
             Dieudonné Diku Mpongola                                           105
       4.4   Burundi
             Clotilde Ngendakumana                                             115
       4.5   Pérou
             Eduardo González Cueva                                            125
       4.6   Ouganda
             Chris Mburu                                                       131
       4.7   Tchad
             Jacqueline Moudeina                                               141
4.8   Algérie
          Nassera Dutour                            147

Annexes___________________________________________157
    A.    Recommandations du séminaire              157
    B.    Allocutions liminaires                    159
    C.    Allocutions de clôture                    171
    D.    Auteurs                                   177

Bibliographie ______________________________________183
Introduction

1   Introduction


    Du 4 au 6 décembre 2006, un séminaire international sur l’état des lieux de la
    justice transitionnelle dans le monde francophone a eu lieu à Yaoundé (Cameroun).
    Il a été organisé conjointement par le ministère français des Affaires
    étrangères, le Département fédéral des affaires étrangères de Suisse, le Centre
    sous-régional des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie
    en Afrique centrale et le Centre international pour la justice transitionnelle
    (ICTJ).

    Ce séminaire a réuni une cinquantaine d'experts, acteurs clés d’horizons variés
    et praticiens de la justice transitionnelle, représentants de gouvernements,
    d’organisations non gouvernementales, d’universités et de diverses
    institutions internationales. Ces personnalités francophones, en provenance
    d'une vingtaine de pays ont, pendant trois jours, partagé leurs expériences,
    leurs savoirs, leurs doutes et leurs inquiétudes relatifs à la justice
    transitionnelle.

    C'était aussi la première fois que cette thématique était abordée en référence à
    un contexte francophone, permettant de s'interroger sur les spécificités des
    expériences et des besoins des sociétés situées dans des espaces francophones
    et confrontées à un héritage douloureux du passé.

    Le séminaire se proposait plusieurs objectifs :

       1. Faire l’état des lieux des initiatives de justice transitionnelle dans les
          sociétés du monde francophone, notamment africain.

       2. Identifier les concepts, les leçons apprises et les bonnes pratiques en
          matière de justice transitionnelle.

       3. Comprendre comment les expériences de justice transitionnelle ont
          contribué au renforcement des droits de l’homme, à la promotion de la
          réconciliation et de la paix.

       4. Identifier les principaux défis qui se sont posés aux initiatives prises en
          matière de justice transitionnelle dans les sociétés du monde
          francophone , comme les mécanismes de recherche de la vérité dans
          plusieurs pays africains, les efforts engagés dans la lutte contre
          l’impunité et les tensions entre la paix et la justice qu’elle engendre dans
          certains pays en transition.

       5. Identifier un certain nombre de stratégies à mettre en œuvre à court et à
          moyen terme, qui permettront de développer de meilleures pratiques
          sur le terrain, des échanges d’expériences, le renforcement des capacités
          et des connaissances des acteurs, des praticiens et des décideurs
          politiques, ainsi que la recherche dans le domaine de la justice
          transitionnelle.




                                                                                    1
La justice transitionnelle dans le monde francophone




         6. Réfléchir aux modalités pratiques d’application de la justice
            transitionnelle dans les régimes juridiques de tradition française et dans
            les différents contextes juridiques, culturels et politiques africains.

      Ce document contient les communications présentées lors de ce séminaire.
      Nous avons jugé utile d’y adjoindre une bibliographie générale et quelques
      liens Internet pour celles et ceux qui veulent effectuer de plus amples
      recherches. La liste des participants, ainsi que le programme détaillé sont
      disponibles auprès des organisateurs ou sur leurs sites Internet.

      Comme le vocabulaire de la justice transitionnelle nous vient essentiellement
      des pays anglophones, nous avons opéré certains choix linguistiques pour
      cette édition française. Nous avons par exemple opté pour conserver
      l’expression « justice transitionnelle », communément utilisée, même si c’est
      un anglicisme. Le terme vetting est traduit par « procédure de vérification et
      de filtrage de la fonction publique », le terme accountability par « transparence
      administrative » et l’expression empowerment of citizens (control capacity) par
      « renforcement de la capacité de contrôle citoyen ».

      Ce séminaire a été riche en échanges, débats et questionnements. Il a permis
      d'approfondir la réflexion sur les exigences de la paix, de la réconciliation et
      de la justice, qui sont de grande actualité dans de nombreux pays du continent
      africain et dans le monde francophone en général. Ces situations sont
      effectivement très complexes et requièrent des sociétés en reconstruction
      qu'elles gèrent des équilibres délicats en réponse aux besoins parfois
      contradictoires auxquels elles font face. La remarque de Louis Joinet, dans sa
      communication au séminaire, illustre bien notre préoccupation commune, à
      savoir le besoin de développer des réflexions qui puissent éclairer et enrichir
      la pratique depuis divers contextes culturels, juridiques et politiques : « les
      principes et standards que devrait respecter la justice transitionnelle [...],
      stricto sensu, n’existent pas ou du moins pas encore. Le concept de justice
      transitionnelle est d’apparition trop récente pour qu’il puisse être inséré dans
      le corset d’une démarche normative. Il doit conserver toute sa créativité
      potentielle. Tout au plus peut-il être théorisé. Tel est le but de la présente
      contribution. Il faut en débattre. D’où l’importance de ce séminaire qui nous
      accueille à Yaoundé ».

      Pour conclure, nous ne pouvons donc que souligner l’importance de
      poursuivre ce dialogue et ces échanges d’expériences, notamment entre les
      praticiens et praticiennes du continent africain, qui ont en partage la langue
      française. Yaoundé II est déjà à l’horizon !




2
Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux

2    Justice transitionnelle : principes et standards
     internationaux — un état des lieux


2.1 Un état des lieux des principes et standards
    internationaux de la justice transitionnelle
     Louis Joinet

2.1.1 Introduction

     Avant de procéder à cet état des lieux, j’aimerais faire quelques commentaires
     pour clarifier certains concepts.

        1. « Justice de transition » ou « justice transitionnelle » ? Étant
           francophone, je préfère la première dénomination mais retiens la
           seconde, désormais francisée et communément admise comme concept
           de droit international.

        2. On a parfois tendance à considérer la question de la justice
           transitionnelle comme un « en soi » alors qu’elle n’est le plus souvent
           que l’un des aspects particuliers, à un moment déterminant de l’histoire
           d’un pays, d’un processus plus global dit « de transition politique ». Un
           tel processus ne concerne donc pas que la seule administration de la
           justice. Devant toujours être resitué dans le contexte plus global du
           processus de transition politique en cours, il concerne tout autant
           l’Exécutif (gouvernement de transition — et non provisoire — mis en
           place selon une procédure négociée et pour une période donnée), le
           Législatif (gouverner par décret ou toute autre forme dans l‘attente de
           l’installation d’une instance législative élue) que le Judiciaire.

        3. Chacun de ces processus politiques a sa propre spécificité. Aucun ne
           ressemble à l’autre. On peut cependant distinguer deux grandes
           catégories :

           – d’une part les processus qui accompagnent le passage de la guerre
             vers la paix par la négociation d’un accord de paix au terme duquel le
             bulletin de vote se substitue progressivement aux armes, notamment
             celles de la guérilla ;

           – d’autre part ceux qui, n’étant pas liés à un conflit armé, ont pour objet
             de progressivement faciliter le passage d’un régime autoritaire, voire
             totalitaire, à un état de droit par la négociation d’un accord politique
             de transition, quelle que soit sa dénomination (dialogue national,
             coalition ou pacte démocratique, plate-forme nationale ou autres).




                                                                                            3
La justice transitionnelle dans le monde francophone




          4. « Réconciliation » ou « conciliation » ? Mon rapport à la Sous-
             Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la protection
             et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité1
             préconise l’emploi du terme « conciliation » préalablement à celui de
             « réconciliation ». La conciliation relève de la démarche collective. Elle
             implique, à un moment ou un autre, un minimum de dialogue. La
             réconciliation, en revanche, relève de la morale en ce qu’elle passe par
             un acte personnel, le pardon. Mais à qui pardonner si l’auteur n’est
             toujours pas identifié ? Pourquoi lui pardonner s’il n’a pas manifesté le
             moindre repentir ? Le pardon implique qu’il soit demandé. Pour
             pouvoir tourner la page, dit-on, encore faut-il qu’elle ait été lue.

      Qu’il s’agisse d’un accord de paix ou d’un accord politique, quelles sont, dans
      ces deux cas de figure, les problématiques communes ? Tout processus
      transitionnel est rapidement confronté à trois fortes demandes sociales : le
      droit de savoir, le droit à la justice, le droit à réparation, droits qui sont
      étroitement liés à l’administration de la justice transitionnelle. Pour des
      raisons de temps, nous nous limiterons à l'examen des deux premiers.



2.1.2 Justice transitionnelle et droit de savoir

      Avant même que ne passe la justice, une réponse doit être apportée au
      « besoin de savoir ». Telle est la thèse avancée dans le rapport précité sur
      l’impunité. Deux raisons à cela : il s’agit certes d’un droit individuel qui, pour
      la victime, facilitera ultérieurement l’exercice de son « droit à la justice » ; mais
      il s’agit surtout d’un droit collectif qui trouve ses racines dans cette lancinante
      question qui se pose à tous, oppresseurs et opprimés : « Comment en est-on
      arrivé là ? »

      D’où l’émergence relativement récente, au fur et à mesure de la chute des
      régimes autoritaires ou dictatoriaux, d’une double préoccupation pour
      répondre à cette question : créer, quelle qu’en soit la dénomination, des
      commissions non judiciaires d’enquête communément appelées commissions
      de vérité et réconciliation et assurer à bref délai la préservation des archives
      de l’oppression.




      ______________________
      1   E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1.




4
Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux




2.1.2.1 Justice transitionnelle et commissions de vérité et réconciliation

C’est ce droit de savoir qui, dans de nombreux pays en sortie de crise, est à
l’origine de la création de telles commissions, dans l’attente que la justice soit
en mesure de prendre le relais. Leur mission est donc moins de recueillir des
preuves de type judiciaire que des informations permettant de mieux
comprendre les mécanismes de l’oppression violatrice pour en éviter le
renouvellement.

Dans la mesure du possible, de telles investigations doivent être menées à
relativement bref délai, avec célérité et, soulignons le encore, sans revêtir un
caractère judiciaire. Il faut en effet éviter, par exemple, ce que fut la triste
expérience de la France en 1944 lorsqu’à la Libération, plusieurs milliers de
personnes furent exécutées avec la caution d’une justice transitionnelle
expéditive. Une bonne justice, fût-elle transitionnelle, ne saurait être sommaire
sauf à devenir une parodie de justice de nature à compromettre le processus
transitionnel lui-même.

Les pionniers des commissions de vérité et réconciliation furent les Argentins
puis les Chiliens. La première de ces commissions a été créée en 1984 à Buenos
Aires, après la chute de la dictature, par le président Alfonsin
démocratiquement élu. Dénommée « Commission nationale sur les personnes
disparues » (CONADEP), ses travaux ont essentiellement porté sur les
disparitions forcées. Son rapport a été publié en septembre 1984 et les
nombreux témoignages recueillis ont permis d’identifier des lieux clandestins
de détention.

Au Chili, le président Alwyn créa la Commission nationale de vérité et
réconciliation par décret du 25 avril 1990. Son mandat, plus large, portait sur
l'ensemble des violations des droits de l'homme. Son rapport, publié en 1991,
illustre tout à fait cette recherche, en période de transition, du « Comment
avons-nous pu en arriver là ? » L’un de ses chapitres est par exemple consacré
à l’analyse du comportement de la société chilienne sous la dictature. Y sont
successivement analysés le comportement de la classe politique, celui des
syndicats, de la presse, des organisations non gouvernementales, des églises,
etc. Ce fut l’amorce d’un premier examen de conscience collectif, initialement
scellé par un acte symbolique également collectif très fort auquel j’ai assisté.
Le jour de son intronisation, le président Alwyn a conduit sur les lieux même
du Stade national — où tant de citoyens avaient été détenus, persécutés,
torturés lors du coup d’État de 1973 — une cérémonie au cours de laquelle,
dans un long et impressionnant silence, ont « défilé » sur le tableau d’affichage
du stade les noms de milliers de Chiliens disparus.

Puis on est passé, conciliation aidant, à un dialogue permettant de favoriser
l’amorce d’une lente évolution vers un éventuel processus de réconciliation.




                                                                                       5
La justice transitionnelle dans le monde francophone




      C’est ainsi que quelques années plus tard ont été mises en place des « tables
      rondes » auxquelles participaient d’une part des représentants des victimes,
      de la société civile ainsi que des autorités civiles, et d’autre part des militaires
      représentant en quelque sorte l’institution des anciens oppresseurs impliqués
      dans les violations graves des droits de l’homme, spécialement en ce qui
      concerne la pratique des disparitions forcées.

      Le but était de commencer à apporter une réponse à cette autre question
      qu’implique le droit de savoir : « Que sont-ils devenus ? » Même si beaucoup
      reste à faire, c’est en partie grâce à ce processus que l’on a réussi, avec la
      coopération de certains militaires chiliens, à localiser des charniers, à identifier
      des corps de disparus et ainsi permis à des familles d’assumer leur deuil.

      Le cas de l’Afrique du Sud mis à part (pour des raisons spécifiques sur
      lesquelles nous reviendrons), de nombreuses autres commissions du même
      type ont été créées par la suite, notamment en El Salvador, au Guatemala, au
      Ghana, au Nigéria, en Équateur, à Panama, au Pérou, au Timor oriental, etc.

      Ces commissions remplissent par ailleurs une mission essentielle de
      réhabilitation à l’égard des défenseurs des droits de l’homme. Quand la roue
      de l’histoire finit par tourner, on s’aperçoit que les allégations des
      organisations non gouvernementales, généralement qualifiées de
      grossièrement mensongères par les États concernés, étaient bien en deçà de la
      réalité finalement révélée.



      2.1.2.2 Transition et préservation des archives de l’oppression

      Autre aspect essentiel du droit de savoir, la question de la préservation des
      archives de l’oppression : « La connaissance par un peuple de l’histoire de son
      oppression appartient à son patrimoine et comme telle doit être préservée par
      des mesures appropriées au nom du devoir de mémoire qui incombe à l’État.
      Ces mesures ont pour but de préserver de l’oubli la mémoire collective
      notamment pour se prémunir contre le développement de thèses
      révisionnistes et négationnistes »2.

      Pour préserver ce précieux auxiliaire du droit de savoir, puis par la suite du
      droit à la justice, que sont les archives de l’oppression, des mesures
      conservatoires doivent être prises dès qu’est amorcé le processus de transition,
      pour éviter qu’elles ne disparaissent. Le rapport précité propose justement




      ______________________
      2   Ibid., Principe 2.




6
Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux




      une série de mesures urgentes destinées à limiter les risques soit de
      destruction du fait des anciens oppresseurs, soit de détournement — ainsi
      qu’on a pu le constater avec les archives du KGB — par des trafiquants qui se
      livrent, en connivence avec des collectionneurs indélicats, à un marché noir
      d’archives ou plus banalement, hélas, à des actes de chantage.

      La préservation des archives peut même poser de délicats problèmes
      politiques lorsqu’elles ont été détournées par transfert dans un pays étranger.
      Citons à titre d’exemple un cas qu’il m’a été donné de connaître dans le cadre
      de mon mandat d’expert indépendant désigné par le Secrétaire général des
      Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti. Il s’agissait en
      particulier des archives de la dictature du général Cédras. A sa chute, ces
      archives, qui contenaient en particulier celles des groupes paramilitaires (les
      « FRAPH »), ont été « exfiltrées » vers les États-Unis par les autorités
      américaines. Après de nombreuses démarches et pressions, elles ont été
      finalement restituées aux autorités haïtiennes mais après qu’aient été noircis,
      pour ne pas dire censurés, les passages les plus compromettants et ceci en
      application du Freedom of Information Act, c’est-à-dire de la législation
      américaine.



2.1.3 Justice transitionnelle et droit à la justice

      Ce droit repose sur un principe fondamental du droit international des droits
      de l’homme selon lequel « Toute personne a droit à ce que sa cause soit
      entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial »3. Il est
      donc très important que, dès le début du processus transitionnel, une haute
      priorité soit donnée à la réforme de l’administration de la justice pour
      atteindre la vitesse de croisière de la justice ordinaire et éviter que, la routine
      aidant, la justice transitionnelle ne vienne annihiler l’esprit de réforme.

      La création de cours pénales internationales ad hoc (ex-Yougoslavie, Rwanda)
      ou de la Cour pénale internationale ne dispense pas les États de rendre justice
      eux-mêmes des crimes selon le droit international commis sur leur territoire.
      La compétence des juridictions internationales ne reprend en effet sa
      prééminence que si la procédure devant la juridiction interne a eu pour but
      « de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des
      crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale » ou « n’a



      ______________________
      3   Voir notamment l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et
          politiques, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 16 décembre
          1966.




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La justice transitionnelle dans le monde francophone




      pas été menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des
      garanties d’un procès équitable prévues par le droit international, mais d’une
      manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec le motif pour
      lequel l’intéressé a été traduit en justice »4.

      A cette raison d’ordre juridique s’ajoute une raison d’ordre technique. Les
      juridictions internationales, compte tenu de l’importance et de la complexité
      des dossiers dont elles sont saisies, ne peuvent juger qu’un nombre très limité
      d’auteurs de violations graves des droits de l’homme. Cette contrainte
      explique par exemple que le Bureau du procureur de la Cour pénale
      internationale (CPI) donne priorité aux poursuites visant de hauts
      responsables politiques ou militaires, en raison de leur responsabilité dans la
      commission de crimes graves selon le droit international ; cela pour que passe
      la justice et que joue l’exemplarité. En ce sens, la CPI joue un rôle non
      seulement répressif mais également préventif en tant qu’épée de Damoclès
      brandie sur les oppresseurs en puissance.



      2.1.3.1 Principales difficultés que doit surmonter la justice transitionnelle

      Priorité donc, en phase transitionnelle, aux tribunaux nationaux. Mais alors,
      comment éviter qu’ils ne demeurent une cause majeure d’impunité ? Pour s’en
      tenir à l’essentiel on citera les difficultés suivantes :



      Appareil judiciaire souvent détruit dont hérite la justice transitionnelle

      Tel fut le cas au Timor, ainsi que j’ai pu le constater lors d’une mission
      effectuée après le départ des troupes indonésiennes (palais de justice
      incendiés, archives judiciaires, état civil et cadastre détruits, etc.), ou encore en
      Haïti, où de nombreux commissariats et prisons ont été rendus inutilisables
      après le départ du président Aristide. Dans de nombreuses localités, cela
      rendait impossible le strict respect des standards internationaux dans le
      domaine, par exemple, de la garde à vue et de la détention. Dans ce cas
      extrême, il n’est d’autre solution pour la justice transitionnelle que de faire
      application dans l’immédiat de la théorie de « l’équivalence de garanties » ou
      de « garanties de substitution ». Elle consiste, en l’espèce, à utiliser des locaux
      dont ce n’est pas la vocation (par exemple gymnases, entrepôts désaffectés ou
      autres), sous réserve de faire respecter au minimum trois règles essentielles :


      ______________________
      4   Statut de Rome de la Cour pénale internationale, A/CONF.183/9, art. 20, 17 juillet
          1998.




8
Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux




  a) que la liste de ces locaux soit rendue publique avec identification du
     responsable ;

  b) qu’un registre de présence et de mouvement des détenus soit tenu à
     jour ;

  c) que ces locaux soient accessibles à l’application de mesures de contrôle.



Absence ou carences du personnel judiciaire

A titre d'exemple, on rappellera que du temps de la dictature indonésienne,
les Timorais étaient interdits d’accès aux fonctions de magistrats. Après
l’indépendance, les tribunaux — ou plutôt ce qui en restait — se sont
retrouvés du jour au lendemain sans juges ni procureurs pour assurer un
minimum de justice en début de transition. Citons encore le cas de l’Éthiopie
dont la plupart des juges, après la chute du régime dictatorial, étaient soit en
fuite soit en prison en raison des violations graves des droits de l’homme
qu’ils avaient cautionnées ou dont ils s’étaient rendus complices. L’une des
solutions passe alors par la formation accélérée d’étudiants en droit, avec, le
cas échéant, le recours temporaire à des juristes étrangers siégeant
provisoirement (à titre consultatif ou non, selon les situations) dans les
juridictions internes, pour assurer la formation de la relève sans que soit
interrompu le cours de la justice. Cette sorte d’échevinage ne doit jamais être
détourné de sa finalité, qui est de transmettre le relais dès que possible aux
juges locaux.



Impunité liée à des raisons quantitatives

Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le nombre de personnes à juger est tel
qu’il n’est pas matériellement possible de les juger dans le strict respect des
normes internationales, notamment de celles relatives au droit à un procès
équitable (par exemple, exigence d’un délai raisonnable). Ce type de situation
pose la difficile question de l’applicabilité de ces normes dans certains
contextes transitionnels. On pense, par exemple, au Rwanda où — sauf à
entériner un déni de justice — il a fallu provisoirement faire appel à des
formes spécifiques de l’administration de la justice en recourant à des
juridictions coutumières peu conformes, sur un certain nombre de points, aux
standards internationaux.




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La justice transitionnelle dans le monde francophone




      Inamovibilité et vetting (vérification et filtrage de la fonction publique)

      Autre difficulté et non des moindres : comment assurer un minimum de
      compatibilité entre, d’une part, « l’inamovibilité » et, d’autre part,
      « l’assainissement » pour ne pas dire « l'épuration » (vetting) tant l’histoire
      montre combien les juges sont trop souvent un frein au changement ? Les
      mêmes causes produisant les mêmes effets, si tous restent en fonction, la
      transition risque de s’en trouver compromise. Essentielle certes, en tant que
      garantie de l’indépendance des juges, l'inamovibilité ne doit cependant pas
      devenir, là encore, une prime à l’impunité. D’où la proposition, certes
      imparfaite, pour concilier ces deux antagonismes, de recourir au principe
      fondamental de procédure du « parallélisme des formes ». Les magistrats qui,
      antérieurement à l’état de crise, avaient été nommés en conformité avec un
      état de droit respectueux des normes internationales, peuvent être confirmés
      dans leurs fonctions ; en revanche ceux qui ont été nommés de manière
      illégitime, c’est-à-dire hors la période d’état de droit, peuvent être destitués en
      application de ce principe du parallélisme des formes, quitte à être réintégrés,
      passé un certain délai, après examen de leur situation au cas par cas. Dans
      cette dernière hypothèse un minimum de garanties doit être prévu, étant
      observé que ceux qui ont été compromis dans des violations particulièrement
      graves des droits de l’homme doivent pouvoir être écartés disciplinairement
      avant même d’être jugés.



      2.1.3.2 Légalité transitionnelle et droit à la justice

      Dans un tout premier temps, la justice transitionnelle est presque toujours
      confrontée à la question de la légitimité de la législation en vigueur qui, en
      l’état, s’impose à elle tant qu’un législateur apte à promouvoir la légalité
      nouvelle, donc démocratiquement élu, n’a pas été mis en place. Or il en est
      ainsi dans la plupart des cas. Cette phase peut être schématiquement ramenée
      à trois étapes :



      Première étape, dite « abrogationniste »

      Il s'agit là d'une étape visant à l'abrogation des lois et juridictions d’exception,
      voire de la peine capitale, qui doit être franchie dans les tous premiers temps
      et avec célérité pour éviter, là encore, que les mêmes causes n’en viennent à
      produire les mêmes effets et que ne s’organisent les lobbies hostiles à la
      transition.




10
Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux




Deuxième étape : neutraliser la prescription et l'amnistie

La deuxième étape vise à neutraliser ces primes à l’impunité que sont la
prescription et l’amnistie, trop souvent utilisées pour « tourner la page sans
l’avoir lue », cela pour assurer la crédibilité des premiers pas de la justice
transitionnelle.

Pour ce qui concerne la prescription, s’agissant de violations des droits de
l’homme les plus graves (crimes contre l’humanité, crimes de guerre,
infractions graves aux Conventions de Genève et au Statut de Rome, etc.), on
constate fort heureusement une interprétation de plus en plus extensive, par le
droit international, de la notion d’imprescriptibilité. Encore faut-il que ces
évolutions soient prises en compte par la législation nationale, ce qui peut
prendre du temps en période transitionnelle en raison des réticences qui
peuvent se manifester sous la pression de l’ancien régime. Alors, que faire en
attendant que le législateur soit en mesure d’en prendre l’initiative ? C’est là
qu’une conception du rôle transitionnel de la jurisprudence prend — ou en
tout cas devrait prendre — toute sa place.

On citera parmi ces antidotes, l’originalité de la jurisprudence sur les
disparitions forcées engagée par la Cour interaméricaine des droits de
l’homme et reprise depuis dans certaines législations nationales et bientôt,
dans la Convention internationale contre les disparitions forcées. La Cour
qualifie ces violations de « crimes continus ». Autrement dit, la prescription ne
peut courir que du jour où le cas est élucidé, ce qui signifie par exemple que si
une personne a été portée disparue en mai 1980 et que son corps n’a été
retrouvé et identifié qu’en mars 1992, la prescription ne commencera à courir
qu’à compter de cette dernière date. En outre, même à compter de cette date,
le départ de la prescription peut encore être retardé de la durée correspondant
à la période pendant laquelle les conditions d’un procès équitable n’étaient
pas encore réunies, c’est-à-dire tant que la justice, en particulier
transitionnelle, ne présente pas de garanties suffisantes de procédure,
d’impartialité et d’indépendance.

La question de l’amnistie est encore plus délicate que celle de la prescription,
car elle est d’ordre politique plus que juridique. Les périodes de transition
sont souvent caractérisées tout à la fois par une soif de justice et par une soif
de paix, qui passent par un processus de conciliation pour, si possible,
amorcer plus tard un processus de réconciliation.

Dans ce contexte, l’amnistie peut certes faire partie d’un plan de réconciliation
ultérieure, mais pas à n’importe quel prix. C’est là que réside la principale
difficulté. On ne peut admettre — ne serait-ce que par respect pour les
victimes — que, par exemple, des auteurs de crimes contre l’humanité
puissent bénéficier d’une amnistie. Une exception toutefois a été admise. Il




                                                                                      11
La justice transitionnelle dans le monde francophone




      s’agit de la voie empruntée par l’Afrique du Sud après l’abolition de
      l’apartheid pourtant qualifié de crime contre l’humanité par le droit
      international. Cette réconciliation a été rendue possible parce que les auteurs
      de violations graves ont dû faire repentance, ce qui a permis — s’agissant
      d’audiences publiques avec retransmission par les médias — « de lire la page
      avant de la tourner ».

      Autre difficulté que peut rencontrer la justice transitionnelle : la pratique du
      « rejugement », qui neutralise le principe de « l’autorité de la chose jugée ».
      L’hypothèse est la suivante : pour certains, accepter de bénéficier d’une
      amnistie lors de la période de transition (nous faisons référence ici aux
      opprimés qui ont été condamnés sous le régime dictatorial et non aux
      oppresseurs) reviendrait à s’avouer coupables. La justice transitionnelle doit
      donc accepter de rejuger selon un procès équitable (il s’agit le plus souvent de
      prisonniers politiques) ceux qui ont été condamnés sans bénéficier de cette
      garantie fondamentale. Il s’agit donc bien d’ex-condamnés qui, pour cette
      raison, refusent l’amnistie. Le cas uruguayen est intéressant. La personne avait
      la possibilité d’être rejugée dans le cadre d’un procès équitable puis, soit elle
      était acquittée, soit elle était condamnée (par exemple pour des faits de
      guérilla établis). Dans ce dernier cas, la durée de l’emprisonnement subi sous
      le régime dictatorial était compensée selon l’équation suivante : en raison de
      l’absence de garanties et des mauvais traitements subis, une année de
      détention effectuée sous la dictature était réputée correspondre à trois années
      d’emprisonnement venant en déduction de la peine finalement prononcée par
      la justice transitionnelle. De telle sorte que ceux qui demandèrent à être
      rejugés ont été finalement soit acquittés soit condamnés et rapidement libérés.



      Troisième étape : légalité en période transitionnelle

      La troisième étape pose généralement le délicat problème de la légalité
      applicable pendant la période transitionnelle. En l’absence de législateur, les
      autorités de transition sont le plus souvent obligées de « légiférer » elles-
      mêmes par décrets ou actes assimilés. Faute de parlement, une garantie de
      substitution consiste à procéder dans la transparence et, autant que faire se
      peut, à de larges consultations de la société civile organisée. Puis se pose la
      nécessité, en sortie de crise, de faire « légaliser » ces décrets par le parlement
      nouvellement et démocratiquement élu. La solution la plus conforme à un état
      de droit voudrait que le parlement se prononce au cas par cas, comme s’il
      s’agissait de lois nouvelles. Mais cette procédure requiert de très longs délais.
      Or l’opinion demande des signes tangibles et rapides de changement, y
      compris dans le domaine de la loi. La moins mauvaise solution paraît être,
      dans ce cas, de recourir à la technique dite des « lois de validation ». Elle




12
Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux




permet un gain de temps appréciable tout en conservant, au plan
parlementaire, une équivalence de garanties significative. Cette technique
suppose l’existence d’un minimum de volonté politique commune entre les
différentes sensibilités politiques et permet de légiférer à titre transitionnel.
Elle consiste à présenter au parlement une loi unique comportant deux volets :

   • Le premier volet comporte la liste et les références des décrets
     promulgués irrégulièrement mais par nécessité par le gouvernement de
     transition (voire de certains textes remontant au régime précédent).
     Décrets qui, en raison de leur caractère consensuel (c’est souvent le cas
     pour les réformes abrogationistes précitées ou de celles relevant du droit
     civil), peuvent être validés en bloc pour leur conférer force de loi ;

   • Un deuxième volet comporte la liste des décrets de niveau législatif
     également pris par le gouvernement de transition, déclarés
     provisoirement applicables par la loi de validation dans l’attente du vote
     de lois nouvelles venant les réformer.

Ces clarifications apportées, comment appliquer la législation ancienne dans
les cas précités où elle demeure transitoirement applicable ?



2.1.3.3 Légalité transitionnelle et jurisprudence transitionnelle

Nous entendons par là l’interprétation de la loi (encore inchangée) à la
lumière des principes et valeurs des normes internationales pour combler les
lacunes les plus criantes en attendant que le législateur ne devienne
opérationnel.

Il est en effet rare — nous l’avons souligné — que la loi ancienne puisse être
changée à bref délai. La raison la plus fréquente en est le temps, souvent fort
long, nécessaire à la mise en place d’un processus électoral permettant
d’aboutir à l’élection d’un parlement apte à légiférer (deux ans dans le cas
d’Haïti, par exemple), alors que la volonté du corps social acteur du
changement doit être prise en compte dès que possible.

Sur le thème de l’État et du droit dans un régime de transition, il est essentiel
qu’universitaires, juges et avocats se familiarisent avec les techniques
transitionnelles d’interprétation de la loi antérieure (tant qu’elle demeure en
principe applicable), en prenant comme référent d’interprétation la norme
internationale. Tel fut l’objet, par exemple, d’un séminaire tenu en Ukraine sur
cette technique d’interprétation alternative dont l’intérêt a dépassé la situation
locale dans le contexte de la transition vers l’indépendance — sinon la
démocratie — des pays de l’ex-URSS. On conviendra que cette technique
d’interprétation était facilitée, même si elle a été insuffisamment suivie par les




                                                                                      13
La justice transitionnelle dans le monde francophone




      juges, par le fait que l’URSS avait ratifié — certes sans réelle volonté de les
      respecter — plusieurs traités internationaux des droits de l’homme dont le
      Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

      Mais qu’en est-il si le pays qui est engagé dans une période de transition n’est
      pas lié par une telle ratification ? Rappelons que, dans ce domaine, si les
      conventions internationales n’ont un effet « contraignant » qu’en ce qui
      concerne les État parties, elles conservent un effet « déclaratif » à l’égard de
      ceux qui ne les ont pas (encore) ratifiées. Ce qui signifie que le juge peut s’en
      inspirer et pratiquer ainsi une sorte d’interprétation alternative, ou plus
      exactement, une « jurisprudence transitionnelle » tendant, à la lumière de la
      norme internationale et de ses valeurs, à interpréter la loi antérieure encore
      applicable dans le sens de la légalité future.

      Il est vrai que les magistrats, en particulier ceux des cours suprêmes, sont
      souvent réticents à emprunter cette voie en raison d’une sorte de
      « souverainisme juridique » allergique à viser un texte qui n’appartient pas
      directement au corpus juridique national. L’un des moyens permettant de
      surmonter ces réticences consiste à utiliser la technique du « visa gigogne »
      qui, par exemple, s’énonce comme suit : « Vu l’article xx du code de procédure
      pénale, ensemble l’article yy du Pacte international relatif aux droits civils et
      politiques … ».



2.1.4 Conclusion

      Peut-on déduire de ce qui précède qu’il existe des « Principes et standards
      internationaux de la justice transitionnelle » puisque tel est le sujet du présent
      exposé ?

      De plus en plus nombreuses sont les initiatives de justice transitionnelle qui
      s’enrichissent les unes les autres. Leur « sédimentation » et leur créativité
      donnent progressivement naissance à une sorte de droit coutumier de la
      justice transitionnelle en cours de formation.

      De là à considérer qu’il existe des principes et standards en la matière serait
      prématuré tant qu’une réponse n’aura pas été apportée à la question de
      principe suivante : que faire lorsque, pour des raisons essentiellement
      techniques et non par absence de volonté politique (appareil judiciaire
      détruit), il n’est pratiquement pas possible, dans un processus de transition
      donné, de respecter strictement les standards internationaux des droits de
      l’homme applicables alors que, dans ce cas, la pression des organisations non
      gouvernementales se manifeste activement ? Dans ces situations transitoires,
      ne devrait-on pas admettre une certaine flexibilité (droits indérogeables




14
Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux




exceptés) quant à l’application desdits standards ou faut-il s’en tenir — en
toutes circonstances — à leur strict respect alors que l’institution judiciaire est
entièrement à reconstruire ? Le débat est ouvert.

Dans ces situations, entre l’idéalement souhaitable et le pratiquement possible,
sur le terrain il nous faut choisir, le pire étant l’immobilisme par excès de léga-
lisme. « Summum jus, summa injuria » — justice excessive devient injustice —
disaient les Romains. Il importe donc, dans ce cas, de toujours progresser
positivement même lorsqu’il est fait recours, nous l’avons vu, à des solutions
spécifiques (voir la théorie précitée de « l’équivalence des garanties » ou à
celle des « garanties de substitution »). De telles pratiques, dictées par les
contraintes de certaines périodes de transition, appellent la prudence. Elles ne
sont admissibles qu’à la double condition d’être strictement limitées dans le
temps (principe de proportionnalité ratione temporis) et surtout de toujours
tendre à ce que le pratiquement possible rejoigne progressivement
l’idéalement souhaitable et non l’inverse (principe de l’effet utile). Cette règle
d’interprétation, antidote de l’immobilisme, nous vient du droit romain. Elle a
été consacrée par Cicéron dans son De officiis par le célèbre adage « Actus
interpretandus est potius ut valeat quam ut pereat” » — l’acte doit être interprété
de façon à lui donner vie plutôt que de le laisser sans effet.

Je n’aurai donc pas l’audace d’énoncer quels sont les principes et standards
que devrait respecter la justice transitionnelle car, stricto sensu, ils n’existent
pas ou du moins pas encore. Le concept de justice transitionnelle est
d’apparition trop récente pour qu’il puisse être inséré dans le corset d’une
démarche normative. Il doit conserver toute sa créativité potentielle. Tout au
plus peut-il être théorisé. Tel est le but de la présente contribution. Il faut en
débattre. D’où l’importance de ce séminaire qui nous accueille à Yaoundé.
Que les organisateurs en soient ici remerciés.




                                                                                      15
La justice transitionnelle dans le monde francophone




16
Mécanismes de la justice transitionnelle

3   Mécanismes de la justice transitionnelle


3.1 Commissions de vérité : mythes et leçons apprises
    Eduardo González Cueva

    Je souhaiterais partager brièvement quelques réflexions sur les commissions
    de vérité, sur la base de l’expérience du Centre international pour la justice
    transitionnelle. Comme vous le savez, la création de commissions de vérité est
    devenue une pratique presque courante dans les scénarios les plus divers de
    transition politique ou de négociations de paix.

    L’accord de paix récemment signé pour mettre un terme au conflit au Népal
    comprend un accord spécifique pour la création d’une telle commission. Une
    commission de vérité figure également dans les accords passés en 2005 entre
    le gouvernement indonésien et les guérillas de la région d’Aceh. La même
    situation peut être observée dans les accords de paix au Burundi et en
    République démocratique du Congo. Finalement, diverses organisations
    internationales ont proposé la création de commissions pour le Darfour et la
    Côte d’Ivoire.

    Il est cependant plus facile de proposer des commissions que de les établir, et
    il est plus facile de les établir que d’en assurer le fonctionnement effectif.
    L’Indonésie a approuvé une loi portant création d’une commission de vérité et
    réconciliation en 2004, après six ans de négociation parlementaire, mais cette
    dernière n’a pu voir le jour. La République démocratique du Congo a créé
    quant à elle une commission similaire, mais qui ne fonctionne pas de manière
    régulière. Par ailleurs, diverses voix émanant de la société civile népalaise
    montrent leur scepticisme quant à la création d’une commission de vérité.

    La raison en est très simple : les commissions sont fréquemment proposées de
    manière automatique, avec l’espoir d’une réconciliation presque magique. Le
    cas sud-africain est fréquemment invoqué, mais rarement étudié. Or,
    l’invocation sans l’analyse équivaut à nous demander d’avoir la foi. La foi
    dans le mythe sud-africain suggère qu’une commission de vérité offre une
    alternative à la justice pénale, sur la base de la générosité individuelle des
    victimes et la repentance des tortionnaires. Dans ce mythe, il n’y a aucune
    place pour la reconnaissance du fait qu’en Afrique du Sud, la commission de
    vérité n’a accordé l’amnistie qu'à une fraction minime des tortionnaires ; qu’en
    Afrique du Sud, la justice pénale s’est montrée incapable de poursuivre les
    tortionnaires non amnistiés ; et finalement qu’en Afrique du Sud, les plus
    importantes organisations de victimes demandent toujours aujourd’hui, dix
    ans après les travaux de la Commission de vérité et réconciliation, que le
    gouvernement offre des réparations équitables.




                                                                                    17
La justice transitionnelle dans le monde francophone




      La loi portant création de la Commission de vérité et réconciliation
      d’Indonésie est un exemple clair des conséquences négatives de l’imitation
      sans aucun questionnement de l’expérience sud-africaine : selon cette loi, la
      commission est une instance par le biais de laquelle les victimes et les
      tortionnaires devraient « régler leurs comptes » directement, face à face. Si le
      tortionnaire admet son crime et que la victime pardonne, la commission
      recommande une amnistie pour le tortionnaire et une réparation pour la
      victime. Si la victime ne pardonne pas, le tortionnaire peut de toute façon
      recevoir une amnistie, mais la victime n’obtient pas la réparation. Dans tous
      les cas, le droit de la victime de recevoir réparation dépend de l’amnistie du
      tortionnaire. Évidemment, cette loi a été rejetée par les organisations de
      défense des droits de l’homme et fait l’objet d’un litige devant la Cour
      constitutionnelle indonésienne.

      Une autre conception problématique est l’idée que la composition des
      commissions de vérité doive refléter d’une manière précise l’équilibre
      politique qui marque la transition, ce qui voudrait dire qu’une commission
      regroupant toutes les tendances politiques soit plus à même de juger, soit plus
      juste. Or, la commission pour la République démocratique du Congo a été
      créée il y a plus de trois ans sans résultats réels, précisément parce que
      chacune des parties au conflit y est représentée. Naturellement, beaucoup de
      ses représentants ont été critiqués comme étant complices de violations des
      droits de l’homme par les autres factions et, en conséquence, la commission ne
      jouit pas d’une crédibilité suffisante.

      Mais les commissions de vérité continuent d’être proposées dans toutes sortes
      de situations. Comme cela a été mentionné auparavant, une commission a été
      proposée pour le Darfour, au Soudan, et une autre pour la Côte d’Ivoire. Mais
      il y a eu des propositions similaires pour le Liban, l’Irak, les îles Fidji, l’Algérie
      et la Colombie.

      Par rapport à de tels scénarios, marqués par des attentes excessives, certaines
      leçons apprises peuvent amener à une vision plus réaliste des commissions de
      vérité :

         1. La création de commissions de vérité ne peut pas se substituer à une
            politique intégrale de lutte contre l’impunité. L’établissement d’une
            vérité historique, c'est-à-dire une interprétation sociale des violations
            commises, peut refléter les revendications des collectifs de victimes,
            mais pas les revendications plus simples de leurs familles, qui
            demandent la vérité judiciaire. Même l’établissement des faits à travers
            les investigations d’une commission de vérité, similaire à une
            clarification judiciaire, peut devenir une sorte de re-victimisation, si les
            familles perçoivent que les faits ne sont pas accompagnés de sanction




18
Mécanismes de la justice transitionnelle




   pénale pour les tortionnaires, leurs institutions, ou d’une mesure de
   réparation. Attendre le pardon automatique des victimes pour la simple
   raison que la dimension sociale de la vérité a été livrée est abusif. La
   victime porte déjà des séquelles des crimes commis : elle n’a pas besoin
   d’être « victimisée » une nouvelle fois si elle refuse d’accorder le pardon.
   Au Maroc, la tentative de répondre et d’en terminer avec les demandes
   des victimes par la seule mise en place de réparations s’est soldée par la
   frustration des victimes et par la décision de créer une véritable
   commission de vérité : l’Instance Équité et Réconciliation. En Indonésie,
   l’idée d’une commission a été rejetée par la Cour constitutionnelle
   comme rendant le droit à la réparation contradictoire au droit de justice.

2. Les commissions de vérité doivent être proposées seulement lorsqu'il y a
   des garanties suffisantes pour assurer leur indépendance vis-à-vis de
   toute tendance politique. Les membres des commissions doivent être
   élus après une large consultation avec la société civile. Leur autorité
   morale est la priorité absolue, elle est préférable aux liens politiques et à
   l’expérience professionnelle ou juridique. Le cas de la République
   démocratique du Congo montre les limites de la création d’une
   commission de vérité sur la base des seuls critères politiques.

3. Les commissions de vérité ne garantissent pas automatiquement la
   réconciliation. La réconciliation doit être conçue comme un processus
   ouvert sur le long terme, une vision à atteindre, une idée qui inspire
   l’action pour une longue période historique. La réconciliation ne peut
   être réduite à la réconciliation entre des individus, qui sont régis par des
   situations psychologiques complexes. Il est impossible de décréter le
   pardon ou la repentance. Dans le meilleur des cas, il est possible de créer
   des situations favorables à la réconciliation entre individus. En même
   temps, la réconciliation entre individus ne se substitue pas au besoin de
   résoudre le conflit entre le citoyen et l’État : la réconciliation correspond
   également à l’établissement d’une situation sociale où l’État confronte
   les causes de la violence et restitue leurs droits aux citoyens. Sans un
   véritable état de droit établissant des droits effectifs, il est impossible
   d’empêcher le sentiment d’injustice et la tentation de recourir à des
   solutions violentes pour régler le conflit social.

4. La publication du rapport final de la commission de vérité ne devrait
   pas être considérée comme son principal produit et résultat : c’est plutôt
   le processus qui a présidé au travail de la commission qui doit être
   vu comme essentiel. Notre foi aveugle dans l’écriture ignore dans
   certains cas les conditions spécifiques de création et diffusion du
   discours public. La commission sud-africaine vit dans le souvenir




                                                                              19
La justice transitionnelle dans le monde francophone




            social, dans les images des victimes qui ont partagé leur témoignage
            avec la nation ; ce qui n’est pas toujours une fonction accomplie par le
            rapport final. Dans mon pays, le Pérou, la Commission de vérité et
            réconciliation a fait l’objet tant de vives critiques que de soutiens
            manifestes, le jour même de la présentation de son rapport final : aucun
            des opposants à la commission, ni ses défenseurs, naturellement,
            n’avaient lu le rapport final ; mais tous avaient reçu le message moral
            transmis par ses actions publiques. Tous savaient que la commission
            avait formulé une accusation historique contre les élites qui avaient
            ignoré les victimes, une accusation historique contre les spectateurs
            silencieux de la violence.

      L’expérience des commissions de vérité est très étendue aujourd’hui. Environ
      trente commissions ont été créées de par le monde, avec des succès variables.
      Certaines d’entre elles ont été établies comme des alternatives, d’autres
      comme un appui à la justice. Certaines commissions sont le résultat d’une
      pression sociale, d’autres ont vu le jour suite à un accord politique.

      Mais il est prévisible que les mythes ne disparaissent pas dans un futur
      immédiat. Pour éviter cette mythification, la communauté des défenseurs des
      droits de l’homme doit s'efforcer d'identifier les leçons apprises et les
      pratiques positives afin d’obtenir de meilleurs résultats pour les victimes et le
      renforcement de l’état de droit.




20
Mécanismes de la justice transitionnelle

3.2 Cour pénale internationale et principe de la
    complémentarité


     Wilbert van Hovell

3.2.1 Les progrès de la Cour pénale internationale

     En guise d’introduction, j’aborderai en quelques mots les progrès que nous
     sommes en train d’accomplir à la Cour pénale internationale (ci-après « la
     Cour » ou « la CPI »), qui est désormais une institution pleinement
     opérationnelle1. Nous menons des enquêtes, nous déployons des activités
     judiciaires et nous entretenons des relations avec des États, des organisations
     internationales, des organisations de la société civile ainsi qu’avec les victimes.
     Le Statut de Rome a déjà été ratifié par 104 États, dont 29 en Afrique, et leur
     nombre ne cesse de croître.

     Le Bureau du procureur (ci-après « le Bureau ») de la CPI mène des enquêtes à
     propos de trois situations : le nord de l’Ouganda, la République démocratique
     du Congo et le Darfour (Soudan). Les deux premières situations nous ont été
     déférées par les gouvernements des pays concernés, la dernière par le Conseil
     de sécurité des Nations Unies. Donnant suite à une requête du procureur dans
     le cas de l’Ouganda, les juges de la Chambre préliminaire ont délivré, le 8
     juillet 2005, des mandats d’arrêt visant les cinq plus hauts responsables de
     l’Armée de résistance du Seigneur. En ce qui concerne la République
     démocratique du Congo, M. Thomas Lubanga, un chef de milice bien connu, a
     été remis à la Cour en mars de cette année. Il est inculpé d’avoir recruté,
     enrôlé et utilisé des enfants soldats. Ces accusations figuraient au cœur de la
     première audience de confirmation des charges qui vient de se tenir devant la
     Cour et constitua un événement d’une portée véritablement historique. Au
     Darfour, l’enquête continue d’avancer. Nous poursuivons, en parallèle,
     l’analyse d’autres situations dans lesquelles des crimes internationaux
     auraient été commis, comme en République centrafricaine (suite au renvoi de
     cette situation par le gouvernement centrafricain) et dans certains autres pays
     — sur différents continents — sur la base des communications que nous
     recevons d’individus ou d’associations.




     ______________________
     1   Pour rédiger le présent exposé, je me suis appuyé sur la Communication relative à
         certaines questions de politique concernant le Bureau du procureur (septembre 2003), les
         rapports du Bureau du procureur au Conseil de sécurité des Nations Unies en
         application de la Résolution 1593 (2005), le rapport du Bureau du procureur sur les
         activités mises en œuvre au cours des trois premières années (septembre 2006) et
         des documents internes.




                                                                                              21
La justice transitionnelle dans le monde francophone




3.2.2 Justice pénale : avantages et défis

      Permettez-moi de faire quelques remarques liminaires sur les avantages et les
      limites des poursuites judiciaires dans le cadre des stratégies de justice
      transitionnelle, ceci étant le sujet principal de notre session. Je commencerai
      par les avantages bien connus. Les poursuites judiciaires visent à rendre
      justice aux victimes et à les aider à reconstruire leur vie. Elles permettent
      également de réitérer des valeurs fondamentales qui sont essentielles au
      fonctionnement pacifique de chaque société, de rétablir la confiance dans les
      institutions, et d'adresser un signal préventif clair selon lequel l’impunité pour
      les crimes graves n’est plus de mise.

      En général, il est également admis qu’il existe un lien bénéfique entre la justice
      pénale et l’établissement d’une paix durable, bien qu’il puisse y avoir une
      tension entre ces deux impératifs lors des efforts mêmes visant à mettre fin à
      un conflit. On considère aussi que les enquêtes et poursuites judiciaires
      peuvent faire la lumière sur ce qui s’est passé lors d’une période de répression
      ou de conflit, tout en sachant que la recherche de la vérité historique est une
      démarche complexe et requiert différentes approches.

      Toutefois, l’expérience de plusieurs pays, sur tous les continents, montre que
      la justice pénale, en période de transition, doit surmonter des obstacles et défis
      majeurs. Y figure notamment une limite pratique, dans la mesure où la totalité
      des crimes graves commis lors d’un conflit dépasse souvent la capacité
      judiciaire du pays concerné, qui sort déjà, dans la plupart des cas,
      sérieusement affaibli de cette période de crise. Dans de telles circonstances,
      une approche sélective des poursuites judiciaires est inévitable ; elle doit être
      fondée sur des critères objectifs et gagne à être conçue après consultation avec
      les victimes. La justice pénale pourrait être complétée par d’autres initiatives,
      telles qu’un programme de réparations, une tentative de recherche de la
      vérité, ou des initiatives de conciliation non judiciaire. Il est très important que
      la justice transitionnelle soit dispensée de manière indépendante et impartiale,
      et pour chaque approche de choisir le moment le plus opportun.

      Un deuxième défi majeur concerne la mise au clair des structures et des
      organisations qui ont présidé à la perpétration des crimes de génocide, des
      crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Une telle démarche est
      indispensable pour bien comprendre une situation dans son ensemble et
      identifier ceux qui portent la part de responsabilité la plus grande pour les
      crimes les plus graves. Il s’avère donc nécessaire d’analyser à fond le contexte
      et tous les aspects organisationnels et d’adopter une méthode d’enquête
      multidisciplinaire.

      En troisième lieu, il importe d’évoquer les difficultés liées à la protection des
      témoins, victimes ou autres. Il est clair que dans une situation de transition,




22
Mécanismes de la justice transitionnelle




     qui par définition n’est pas encore stabilisée, les risques concernant la sécurité
     des témoins sont particulièrement importants. Mettre sur pied un système de
     protection et y investir les ressources nécessaires est donc essentiel.



3.2.3 Le principe de complémentarité de la Cour pénale internationale

     Il appartient aux juridictions nationales d’agir comme premières lignes de
     défense contre l’impunité. A la différence des tribunaux spéciaux pour l’ex-
     Yougoslavie et le Rwanda, la CPI ne prime pas sur les systèmes nationaux.
     Elle n’a pas vocation à se substituer aux tribunaux nationaux, mais bien à agir
     lorsque les structures et les instances judiciaires nationales n’ont pas la volonté
     ou la capacité de mener des enquêtes et des poursuites. La CPI assume dès
     lors un rôle complémentaire à celui des systèmes nationaux. En cas de
     chevauchement des compétences entre les systèmes nationaux et la CPI, ce
     sont les premiers qui ont la priorité.

     Ce principe de complémentarité constitue la transposition de la volonté
     expresse des États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale2,
     de créer une institution qui ait un champ d’action mondial, tout en
     reconnaissant que c’est aux États qu’il incombe avant tout d’exercer leur
     compétence pénale. Ce principe découle de la reconnaissance du fait que
     l’exercice de la compétence pénale nationale est non seulement un droit, mais
     également un devoir des États3. Les questions de l’efficience et de l’efficacité
     sont, elles aussi, importantes, puisque ce sont en général les États qui peuvent
     le plus facilement avoir accès aux éléments de preuve et aux témoins.



3.2.4 Évaluer la complémentarité

     L’article 17 du Statut de Rome, qui régit la recevabilité des affaires soumises à
     la Cour, prévoit pour ce faire une analyse de la complémentarité en deux
     phases. La première phase consiste à répondre à la question empirique de
     savoir si une enquête ou des poursuites sont ou ont été menées à l’échelle



     ______________________
     2   Statut de Rome de la Cour pénale internationale, A/CONF.183/9, 17 juillet 1998. Le
         texte est amendé par les procès-verbaux en date des 10 novembre 1998, 12 juillet
         1999, 30 novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut de
         Rome est entré en vigueur le 1er juillet 2002.
     3   Le Statut de Rome rappelle « qu'il est du devoir de chaque État de soumettre à sa
         juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». Cf. Statut de
         Rome, op.cit., Préambule.




                                                                                          23
La justice transitionnelle dans le monde francophone




      nationale. Si la réponse est négative, l’affaire est manifestement recevable
      (compte tenu de l’absence de toute ambiguïté dans le texte de l’article 17).

      Si la réponse est positive, la deuxième phase pose une question qualitative : les
      procédures nationales sont-elles entachées de nullité du fait de manque de
      volonté ou de l’incapacité de mener véritablement l’enquête ou les
      poursuites ?4

      La mise en application par le procureur de l'article 53-1 du Statut de Rome,
      qui l'autorise à ouvrir une enquête en fonction de conditions données, passe
      également par une évaluation du rôle complémentaire de la Cour par rapport
      à celui du système pénal national concerné. Le procureur fondera notamment
      sa décision sur une analyse de la recevabilité (et donc de la complémentarité)
      en référence à l'article 17. Du fait qu'à ce stade, aucune affaire spécifique n’est
      encore ouverte devant la Cour, cet examen revêt cependant nécessairement un
      caractère plus général.

      Au moment de procéder à cet examen, le procureur prend en considération la
      nature des crimes allégués, de même que les renseignements ayant trait aux
      personnes qui pourraient en porter la responsabilité la plus lourde — en
      l’occurrence, la catégorie de personnes sur lesquelles le Bureau concentre ses
      efforts en matière d’enquêtes et de poursuites.

      Pour mener à bien son analyse, le Bureau examine les institutions, la
      législation et les procédures nationales pertinentes. Il est possible qu'il
      recherche des informations auprès de l’État concerné ou d’autres sources au
      sujet des procédures nationales susceptibles d’avoir été engagées à propos de
      crimes relevant de la compétence de la Cour, y compris dans le cadre de
      dispositifs judiciaires et non judiciaires spéciaux. D’une façon générale, le
      Bureau s'attache également à examiner les mécanismes dont disposent les
      personnes pour pouvoir signaler des crimes ou pour avoir accès à la justice en
      toute impartialité et indépendance. Un autre facteur pris en considération est
      la disponibilité des moyens nécessaires pour mener à bien les procédures
      (personnel, juges, enquêteurs, etc.)5.

      Une analyse méticuleuse a démontré toute sa pertinence dans la situation au
      Darfour, car le gouvernement soudanais avait annoncé publiquement sa



      ______________________
      4   Décision ICC-01/04-01/06 du 20.02.2006 (publiée en annexe de la Décision ICC-
          01/04-01/06-37 du 17.03.2006), para. 30-36.
      5   La Cour ne s’est pas encore prononcée sur l’interprétation de « manque de
          volonté » et « incapacité de l’État de mener véritablement à bien des poursuites ».
          Cf. Statut de Rome, op.cit., art. 17.




24
Mécanismes de la justice transitionnelle




volonté et sa capacité de mener des enquêtes et des poursuites à l’encontre des
crimes qui auraient été commis et ce, dans le cadre de son propre système
judiciaire6. Néanmoins saisi par le Conseil de sécurité, le Bureau du procureur
a décidé d'ouvrir une enquête, suite notamment à l'examen minutieux de la
recevabilité auquel il a procédé au regard de l'article 17 et du principe de
complémentarité susmentionnés.

Comme le procureur l’a indiqué dans les rapports qu’il a remis au Conseil de
sécurité des Nations Unies en application de la Résolution 1593 (2005),
l’examen de la recevabilité constitue un processus dynamique dans le temps.
A mesure que nous progressons, depuis l’analyse jusqu’à la sélection des
affaires qui feront l’objet de poursuites en passant par l’enquête, l’examen de
la recevabilité s’axera davantage sur des cas emblématiques.

Avant de demander à la Cour qu’elle délivre un mandat d’arrêt ou une
citation à comparaître à l’encontre d’une ou de plusieurs personnes, le Bureau
se doit d’évaluer si le gouvernement du pays concerné engage ou a engagé
des procédures nationales véritables qui englobent tant la personne que le
comportement faisant l’objet de l’affaire portée devant la Cour7.

Il est essentiel de mettre l’accent sur ce point, car l’appréciation de la
recevabilité est propre à chaque affaire et ne constitue aucun jugement du
système national de justice dans son ensemble.

S’il résulte de l'enquête du Bureau et du dialogue mené avec un État
particulier que des procédures nationales véritables ont été entamées,
l’initiative en matière de lutte contre l’impunité reviendra à l’État concerné.

L’examen de la recevabilité comprend également un examen de la législation
nationale concernée. Le simple fait que la législation n’a pas intégré les
infractions autonomes visées par le Statut de Rome ne constitue pas en soi, et à
lui seul, un élément déterminant. A mon avis, la Cour devrait prendre en
considération le résultat tangible susceptible de découler de toute procédure



______________________
6   En ce qui concerne les cas de l’Ouganda et de la République démocratique du
    Congo, ces États avaient décidé de ne pas engager eux-mêmes de procédures
    pénales et de saisir le procureur de la CPI.
7   Il convient aussi de noter que la recevabilité d’une affaire peut être contestée devant
    la Cour par un État « qui est compétent à l’égard du crime considéré du fait qu’il
    mène ou a mené une enquête, ou qu’il exerce ou a exercé des poursuites en
    l’espèce » Cf. Statut de Rome, op.cit., art. 19, para. 2. L’accusé ou la personne à
    l’encontre de laquelle a été délivré un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître
    peut également contester la recevabilité.




                                                                                        25
La justice transitionnelle dans le monde francophone




      nationale qui aura été entreprise. Il est nécessaire que l’affaire concernée
      puisse faire l’objet de poursuites sans que l’on puisse y voir une intention de
      soustraire la personne concernée à la justice.



3.2.5 Une approche positive en matière de complémentarité

      Plutôt que d’entrer en concurrence avec des systèmes nationaux en matière de
      compétence, le Bureau a opté pour une ligne de conduite positive, ce qui
      signifie qu’il encourage de véritables procédures nationales lorsque cela
      s’avère possible, qu’il s’appuie, pour ce faire, sur des réseaux nationaux et
      internationaux et qu’il participe à un système de coopération internationale.

      L’efficacité de la CPI ne doit pas se mesurer uniquement au nombre d’affaires
      dont elle est saisie. Au contraire, une augmentation du nombre d’enquêtes et
      de procès véritables menés à l’échelon national pourrait très bien prouver le
      bon fonctionnement du système de Rome dans son ensemble.

      Une ligne de conduite positive ou active en matière de complémentarité
      reconnaît la responsabilité première des États d’exercer la compétence pénale,
      aide à combler ce que l’on qualifie de « fossé de l’impunité » et permet à la
      Cour de concentrer ses efforts et ses ressources sur d’autres situations ou
      affaires.

      Il est des situations pour lesquelles le Bureau peut être en mesure
      d’encourager les procédures nationales par le simple fait d’attirer l’attention
      des États concernés sur de graves allégations, ou bien dans le cadre de
      recherche de renseignements supplémentaires au cours de l’analyse des
      communications faisant état de telles allégations. Les stratégies en matière de
      complémentarité positive englobent les échanges diplomatiques, le dialogue et
      les déclarations publiques, des conseils et la mise en commun de l’expérience
      acquise dans l’organisation d’enquêtes complexes. Une mobilisation de
      ressources extérieures (pour augmenter la capacité en matière d’enquête ou de
      logistique par exemple) peut en faire partie également, par le biais du réseau
      que la Cour s’efforce de constituer avec les États et les organisations
      internationales.



3.2.6 Le partage des tâches

      Il se peut que dans certaines situations la Cour et un État territorial
      conviennent qu’une division consensuelle du travail représente la façon la
      plus logique et la plus efficace d’appliquer la justice pénale. Les efforts
      judiciaires conjugués aux niveaux nationaux et internationaux ont




26
Mécanismes de la justice transitionnelle




     vraisemblablement un impact plus grand dans la lutte contre l’impunité,
     particulièrement dans des situations de crimes commis à grande échelle.

     Alors que le Bureau ciblerait normalement ses efforts sur les personnes qui
     portent la responsabilité la plus lourde pour les crimes les plus graves, les
     États concernés pourraient décider de poursuivre d’autres suspects. Il
     convient également de garder à l’esprit que les poursuites engagées par une
     cour internationale perçue comme étant neutre et impartiale peuvent
     constituer un avantage important dans des sociétés qui sont profondément
     divisées par un conflit ou en sortent tout juste.



3.2.7 Une démarche globale

     Nous convenons que dans les pays qui sortent de situations où des crimes ont
     été commis à grande échelle, rendre justice aux victimes passera souvent par
     différentes mesures prises dans le cadre d’une démarche globale. Comme je
     l’ai mentionné plus haut, les stratégies en matière de justice transitionnelle
     peuvent comprendre des formes nouvelles ou traditionnelles de
     responsabilité, de recherche de la vérité, de réparations et de vérification et de
     filtrage de la fonction publique (vetting).

     Selon la situation et en prenant en considération les vues et les intérêts des
     victimes, l’association d’efforts judiciaires et non judiciaires peut constituer
     une réponse globale au besoin de justice, de paix et de réconciliation.
     Cependant, particulièrement en ce qui concerne les personnes qui portent la
     responsabilité la plus lourde pour les crimes qui relèvent de la compétence de
     la Cour pénale internationale, l’impunité en matière de procédure pénale ne
     peut plus être une option.




                                                                                      27
La justice transitionnelle dans le monde francophone




28
Mécanismes de la justice transitionnelle

3.3 Le système gacaca au Rwanda : avantages et limites


     Joseph Sanane Chiko

3.3.1 Introduction

     D’avril à juin 1994, le génocide rwandais a fait près d'un million de morts,
     aggravant le clivage entre les deux principales communautés du pays, les
     Hutus et les Tutsis. Après la victoire militaire du Front patriotique rwandais
     (FPR), le gouvernement a inscrit dans ses priorités la réconciliation et la lutte
     contre l'impunité, conditions sine qua non de la reconstitution du tissu social
     déchiré. La réconciliation étant un long processus, les autorités ont engagé un
     débat afin d'arrêter des stratégies cohérentes pour atteindre cet objectif.

     Il est évident que le choix entre l'amnistie, les poursuites pénales et une
     commission de vérité, après des violations graves des droits de l'homme, est
     difficile à opérer. Certains analystes soutiennent que ce choix doit être
     déterminé par l'héritage du passé, les rapports de force au service de la
     société, la culture et l'origine des crimes1. Chacun de ces mécanismes de justice
     transitionnelle a ses avantages et ses limites, mais un choix résultant d'une
     large concertation, accepté par tous les acteurs, a plus de chance de produire
     les effets escomptés.

     Dans un premier temps, les autorités rwandaises ont opté pour les poursuites
     pénales en vue de régler le contentieux généré par le génocide. Vers la fin de
     l'année 1999, quelque 2 500 personnes avaient été jugées par les chambres
     spécialisées créées par la Loi organique n° 08/96 du 30 août 19962 au sein des
     tribunaux de première instance. Au même moment cependant, 120 000
     détenus attendaient leurs procès, alors que la justice rwandaise était
     complètement paralysée. Il fallait donc augmenter la capacité de la justice.
     C’est pour cette raison qu’a été adoptée en 2001, la première Loi organique sur
     les juridictions gacaca3.




     ______________________
     1   HUYSE, Luc , VAN DAEL, Ellen, « Justice après des violations graves des droits de
         l'homme », in Choix entre l'amnistie, la commission de vérité et les poursuites pénales,
         K.U.L, janvier 2001, pp. 10-11.
     2   Loi organique n° 08/96 du 30 août 1996 sur l'organisation des poursuites des
         infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité,
         commises à partir du 1er octobre 1990.
     3   Loi organique n° 40/2000 du 26 janvier 2001 portant création des juridictions gacaca
         et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou
         de crimes contre l'humanité commises entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre
         1994.




                                                                                              29
La justice transitionnelle dans le monde francophone




3.3.2 Fonctionnement des juridictions gacaca

      3.3.2.1 Composition

      Les juridictions gacaca4 constituent un système hybride, fondé sur une
      institution de droit coutumier, qui intègre simultanément des concepts
      propres au droit écrit dans le code pénal et la procédure pénale. Tout en
      s'appuyant sur les vertus « de la mise en débat » d'une affaire qui déchire la
      communauté, le système prévoit des jugements et des sanctions5.

      Les Gacaca sont conçues comme une justice participative devant permettre :

          • D'établir la vérité sur ce qui s'est passé lors du génocide ;

          • D’accélérer le cours de la justice ;

          • De mettre un terme à la culture de l'impunité ;

          • De réconcilier les Rwandais.

      Initialement, un total de 10 684 juridictions gacaca devaient être créées, à raison
      d'une juridiction par cellule (soit 8 987 juridictions, la cellule étant la plus
      petite unité administrative du pays), par secteur (1 530), par commune (154,
      aujourd’hui les districts) et par préfecture (13, aujourd’hui les provinces).

      Selon les termes de la Loi organique n° 40/2000 sur les Gacaca, une juridiction
      gacaca de cellule, une juridiction gacaca de secteur et une juridiction gacaca
      d'appel au niveau de chaque secteur ont été créées. La juridiction de cellule
      comprend une assemblée générale, un siège et un comité de coordination. La
      juridiction du secteur, qui a en son sein une juridiction d'appel, est composée
      d'une assemblée générale, d'un siège et d'un comité de coordination.
      L'instance compétente pour désigner les membres du siège l'est aussi pour
      leur remplacement.

      L'assemblée générale de la juridiction de cellule (article 6) est composée de
      tous les habitants de la cellule âgés d'au moins 18 ans. Lorsqu'il apparaît que
      dans une cellule donnée le nombre d'habitants âgés de 18 ans ou plus n'atteint
      pas 200, cette cellule peut être fusionnée avec une autre cellule du même


      ______________________
      4   « Gacaca » signifie « herbe » en kinyarwanda, et par extension « la justice sur
          l’herbe ». Ce mot désigne l'endroit où une communauté locale se réunissait
          traditionnellement pour trouver une solution aux litiges opposant les membres
          d'une même famille, plusieurs familles ou les habitants d'une entité.
      5   Avocats Sans Frontières, Vade-mecum : les crimes de génocide et les crimes contre
          l'humanité devant les juridictions ordinaires du Rwanda, Kigali et Bruxelles, 2004, p. 68.




30
Mécanismes de la justice transitionnelle




secteur pour former une juridiction de cellule. Il en est de même lorsqu'il est
constaté que le nombre requis de personnes intègres (voir plus bas) n'est pas
atteint. Quand les cellules fusionnées ne parviennent pas à réunir le nombre
requis de personnes intègres et que dans ce secteur il n'y a pas d'autres
cellules, ces cellules sont fusionnées avec celles du secteur voisin. Les secteurs
dont les cellules sont fusionnées sont à leur tour mis ensemble. La décision de
fusion de cellules est prise par le Service national chargé du suivi, de la
supervision et de la coordination des activités des juridictions gacaca, à son
initiative ou sur demande du maire du district ou de la ville.

Aux termes de l’article 7 de la Loi organique n° 40/2000, l'assemblée générale
du secteur est composée des organes suivants :

   • Les sièges des juridictions gacaca des cellules du secteur ;

   • Le siège de la juridiction gacaca du secteur ;

   • Le siège de la juridiction gacaca d'appel.

L'assemblée générale du secteur choisit en son sein neuf personnes intègres
qui forment la juridiction gacaca d'appel et cinq remplaçants, ainsi que neuf
personnes intègres qui forment le siège de la juridiction gacaca du secteur et
cinq remplaçants. Ces élections sont organisées et dirigées par la Commission
nationale électorale.

Selon les termes de l'article 14 de la Loi organique n° 40/2000, est élu
Inyagamugayo ou « personne intègre » tout Rwandais remplissant les
conditions suivantes :

   • N'avoir pas participé au génocide ;

   • Être exempt d'esprit de divisionnisme ;

   • N'avoir pas été condamné par un                  jugement      à   une   peine
     d'emprisonnement de six mois au moins ;

   • Être de bonne conduite, vie et mœurs ;

   • Dire toujours la vérité ;

   • Être honnête ;

   • Être caractérisé par l'esprit de partage de parole.

Ces critères ne sont pas objectifs et ils sont difficilement applicables, car les
concepts de divisionnisme, d'honnêteté et d'esprit de partage de parole ne
sont pas précisés par la législation sur les Gacaca. Il s'agit en réalité de notions
politiques qui donnent souvent lieu à des abus et à des règlements de compte
au niveau local.




                                                                                  31
La justice transitionnelle dans le monde francophone




      3.3.2.2 Compétences

      Le principe de la catégorisation des personnes accusées de crime de génocide
      et d'autres crimes contre l'humanité commis au Rwanda entre le 1er octobre
      1990 et le 31 décembre 1994 a été instauré par la Loi organique n° 08/96 du 30
      août 1996, qui porte sur l’organisation des poursuites des infractions
      constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité, commises
      à partir du 1er octobre 1990. Il était en effet apparu que les qualifications
      classiques du droit pénal rwandais et les échelles de peines qu'il prévoyait
      n’étaient pas adéquates en ce qui concerne la responsabilité des personnes qui
      avaient, à des degrés divers, pris part aux massacres.

      Cette loi créait quatre catégories d'infractions par rapport auxquelles devaient
      être classées des personnes soupçonnées d'avoir participé à la conception ou à
      l'exécution d'actes de génocide. Une nouvelle loi, la Loi organique n° 16/2004 a
      ramené ces catégories au nombre de trois6 :



      Catégorie 1 :

          • La personne que les actes criminels ou de participation criminelle
            rangent parmi les planificateurs, les organisateurs, les incitateurs, les
            superviseurs, les encadreurs du crime de génocide ou des crimes contre
            l’humanité, ainsi que ses complices ;

          • La personne qui, agissant en position d'autorité au niveau national, au
            niveau de la préfecture, au niveau de la sous-préfecture ou de la
            commune, au sein des partis politiques, de l'armée, de la gendarmerie,
            de la police communale, des confessions religieuses ou des milices, a
            commis ces infractions ou a encouragé les autres à les commettre, ainsi
            que ses complices ;

          • Le meurtrier de grand renom qui s'est distingué dans le milieu où il
            résidait ou partout où il est passé, à cause du zèle qui l'a caractérisé dans
            les tueries ou la méchanceté excessive avec laquelle celles-ci ont été
            exécutées, ainsi que ses complices ;

          • La personne qui a commis les actes de torture quand bien même les
            victimes n'en seraient pas succombées, ainsi que ses complices ;



      ______________________
      6   Article 51 de la Loi organique n° 16/2004 du 19 juin 2004 sur l'organisation des
          poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre
          l'humanité, commises à partir du 1er octobre 1990.




32
Mécanismes de la justice transitionnelle




   • La personne qui a commis l'infraction de viol ou des tortures sexuelles
     ainsi que ses complices ;

   • La personne qui a commis les actes dégradants sur des cadavres, ainsi
     que ses complices.



Catégorie 2 :

   • La personne que les actes criminels ou de participation criminelle
     rangent parmi les auteurs, coauteurs ou complices d'homicides
     volontaires ou d'atteintes graves contre les personnes ayant entraîné la
     mort, ainsi que ses complices ;

   • La personne qui, sans intention de donner la mort, a causé des blessures
     ou commis d'autres violences graves auxquelles les victimes n'ont pas
     succombé, ainsi que ses complices ;

   • La personne ayant commis d'autres actes criminels ou de participation
     criminelle envers les personnes sans l'intention de donner la mort, ainsi
     que ses complices.



Catégorie 3 :

   • La personne ayant seulement commis des infractions contre les biens,
     etc.

Les tribunaux de première instance (juridiction ordinaire) sont compétents
pour juger les auteurs présumés relevant de la première catégorie.

Les juridictions gacaca sont compétentes pour juger les personnes soupçonnées
d'infractions de catégories 2 et 3 selon la Loi organique de 2004 (2 à 4 sous la
loi précédente de 1996).

Une catégorisation « provisoire », opérée en phase préjuridictionnelle par les
juridictions gacaca de cellules, détermine la compétence matérielle.

Les juridictions gacaca de secteur sont habilitées à juger les personnes classées
en deuxième catégorie, tandis que les juridictions gacaca de cellule sont
compétentes pour juger les personnes placées en troisième catégorie.

Le législateur a appliqué, en matière de compétence, une règle de bon sens :
« qui peut le plus peut le moins ». La juridiction saisie de faits qui devraient en
réalité relever de la compétence d'une juridiction inférieure reste saisie et
tranche sur le fond.




                                                                                 33
La justice transitionnelle dans le monde francophone




      En revanche, aucune juridiction ne peut outrepasser ses compétences
      normales. Par exemple, la juridiction gacaca de cellule qui constate que les
      faits dont elle est saisie relèvent en réalité de la première catégorie doit
      renvoyer le dossier au Ministère public afin que celui-ci saisisse la juridiction
      ordinaire compétente.

      Nous avons souligné que le système gacaca est hybride en ce sens qu’il
      combine des éléments de la justice classique et de la justice traditionnelle. A ce
      titre, les juridictions gacaca peuvent interroger les témoins à charge et à
      décharge et assigner toute personne devant apporter des éclaircissements au
      tribunal. Elles peuvent ordonner des perquisitions et délivrer des mandats de
      justice. Elles peuvent enfin ordonner une détention préventive. Ces
      compétences sont dévolues au Comité de coordination.

      L'article 12 de la Loi organique n° 16/2004 circonscrit les attributions du
      Comité de coordination :

         1. Convoquer, présider les réunions et coordonner les activités du siège de
            la juridiction gacaca ;

         2. Enregistrer les plaintes, les témoignages et les preuves déposés par la
            population ;

         3. Recevoir les dossiers des prévenus ;

         4. Enregistrer les déclarations d'appel formées contre les jugements des
            juridictions gacaca ;

         5. Transmettre à la juridiction gacaca d'appel les dossiers dont les
            jugements sont frappés d'appel ;

         6. Rédiger les décisions prises par les organes de la juridiction ;

         7. Collaborer avec les autres institutions pour mettre en application les
            décisions de la juridiction gacaca.

      Les assemblées générales se réunissent une fois par mois. La présence de tous
      les membres y est devenue obligatoire depuis peu. Chaque assemblée
      générale élit pour une année les membres du siège et les personnes à déléguer
      à la juridiction gacaca immédiatement supérieure.

      Le siège de la juridiction gacaca de cellule établit, avec le concours de son
      assemblée générale, les listes des auteurs présumés du génocide ainsi que des
      biens endommagés. Il prend acte des offres de preuves et mène des enquêtes
      sur les dépositions des témoins. Toute personne qui refuse ou omet de
      témoigner fait l’objet de poursuites et encourt une peine d'emprisonnement de
      douze mois à trois ans dont la moitié est commuée en travaux d'intérêt
      général.




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La justice transitionnelle dans le monde francophone : état des lieux Conference Paper 2/2007

  • 1. La justice transitionnelle dans le monde francophone : état des lieux Conference Paper 2/2007 Dealing with the Past – Series Schweizerische Eidgenossenschaft Ministère des Affaires étrangères de la République française Confédération suisse Confederazione Svizzera Centre international pour la justice transitionnelle Confederaziun svizra Centre sous-régional des Nations Unies pour les droits de Département fédéral des affaires étrangères DFAE l'homme et la démocratie en Afrique centrale
  • 2. Publisher: Political Affairs Division IV, Federal Department of Foreign Affairs FDFA General Editor: Mô Bleeker Volume Co-Editor: Carol Mottet Managing Editors: Fabien Pasquier, Geneviève Swedor Illustrations: ©2000: Jonathan Sisson Copies: 1500 Ordering Information: Political Affairs Division IV, Federal Department of Foreign Affairs FDFA, Bundesgasse 32, CH-3003 Bern 7 Email: pa4@eda.admin.ch Website: www.eda.admin.ch ISBN 978-3-033-01231-8
  • 3. Conference Paper 2 | 2007 Dealing with the Past – Series La justice transitionnelle dans le monde francophone : état des lieux Mô Bleeker, General Editor
  • 4. A propos des organisateurs du séminaire tenu à Yaoundé, Cameroun, du 4 au 6 décembre 2006 La Division politique IV du Département fédéral des affaires étrangères s'occupe de sécurité humaine. Elle se concentre sur des politiques de promotion de la paix, de droits de l'homme et de politique humanitaire et de migration, et l'action de son Pool d'experts pour la promotion civile des conflits. Ses engagements en faveur de la transformation des conflits couvrent notamment la médiation, le partage du pouvoir, la démocratisation, la réforme du secteur de la sécurité et le traitement du passé. La Sous-direction de la gouvernance démocratique met en œuvre, au sein de la Direction des Politiques de Développement de la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement (DGCID), la coopération dans les secteurs suivants : état de droit et libertés, prévention des conflits et reconstruction, modernisation de l’État et gouvernance locale, gouvernance financière et cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté. Le Centre international pour la justice transitionnelle porte assistance à des pays confrontés à l'héritage d'un passé de violations massives et systématiques des droits de l'homme. Il oeuvre au sein de sociétés sortant de régimes autoritaires ou de conflits armés, aussi bien que de démocraties établies qui n'ont pas résolu les injustices passées. Fondé en 2001, le Centre compte aujourd'hui une quarantaine de collaborateurs et des bureaux à New York, Cape Town, Bruxelles et Genève. Le Centre des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale a pour mission de contribuer au développement de la culture des droits de l‘homme et de la démocratie en vue de prévenir les conflits et de promouvoir la paix et le développement durables en Afrique centrale. Ses principaux axes d’action sont l’éducation aux droits de l’homme et à la démocratie, le renforcement des capacités gouvernementales, des institutions nationales et l’appui à la société civile. Ce rapport contient les textes des présentations qui ont été effectuées dans le cadre du séminaire tenu du 4 au 6 décembre 2006 à Yaoundé. Au même titre que les opinions qui ont été formulées à cette occasion, les présents écrits n'engagent exclusivement que leurs auteurs ainsi que leur propre responsabilité et en aucune manière ne sont constitutifs d'une position officielle du gouvernement suisse ou français.
  • 5. Table des matières 1 Introduction _____________________________________1 2 Justice transitionnelle : principes et standards internationaux — un état des lieux _________________3 2.1 Un état des lieux des principes et standards internationaux de la justice transitionnelle Louis Joinet 3 3 Mécanismes de la justice transitionnelle ___________17 3.1 Commissions de vérité : mythes et leçons apprises Eduardo González Cueva 17 3.2 Cour pénale internationale et principe de la complémentarité Wilbert van Hovell 21 3.3 Le système gacaca au Rwanda : avantages et limites Joseph Sanane Chiko 29 3.4 Réforme du système de sécurité et procédures de vérification et de filtrage de la fonction publique (vetting) Alexander Mayer-Rieckh 43 3.5 Politique de réparations : rôle normatif et défis des questions de genre et de l'identité Paige Arthur 53 3.6 Politiques de réparation et réhabilitation des victimes Lucien Toulou 61 4 La justice transitionnelle dans tous ses états : études de cas____________________________________71 4.1 Justice transitionnelle et construction d’une paix durable : des agendas complémentaires Mô Bleeker 71 4.2 Afrique du Sud Olivier Kambala wa Kambala 83 4.3 République démocratique du Congo Dieudonné Diku Mpongola 105 4.4 Burundi Clotilde Ngendakumana 115 4.5 Pérou Eduardo González Cueva 125 4.6 Ouganda Chris Mburu 131 4.7 Tchad Jacqueline Moudeina 141
  • 6. 4.8 Algérie Nassera Dutour 147 Annexes___________________________________________157 A. Recommandations du séminaire 157 B. Allocutions liminaires 159 C. Allocutions de clôture 171 D. Auteurs 177 Bibliographie ______________________________________183
  • 7. Introduction 1 Introduction Du 4 au 6 décembre 2006, un séminaire international sur l’état des lieux de la justice transitionnelle dans le monde francophone a eu lieu à Yaoundé (Cameroun). Il a été organisé conjointement par le ministère français des Affaires étrangères, le Département fédéral des affaires étrangères de Suisse, le Centre sous-régional des Nations Unies pour les droits de l’homme et la démocratie en Afrique centrale et le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ). Ce séminaire a réuni une cinquantaine d'experts, acteurs clés d’horizons variés et praticiens de la justice transitionnelle, représentants de gouvernements, d’organisations non gouvernementales, d’universités et de diverses institutions internationales. Ces personnalités francophones, en provenance d'une vingtaine de pays ont, pendant trois jours, partagé leurs expériences, leurs savoirs, leurs doutes et leurs inquiétudes relatifs à la justice transitionnelle. C'était aussi la première fois que cette thématique était abordée en référence à un contexte francophone, permettant de s'interroger sur les spécificités des expériences et des besoins des sociétés situées dans des espaces francophones et confrontées à un héritage douloureux du passé. Le séminaire se proposait plusieurs objectifs : 1. Faire l’état des lieux des initiatives de justice transitionnelle dans les sociétés du monde francophone, notamment africain. 2. Identifier les concepts, les leçons apprises et les bonnes pratiques en matière de justice transitionnelle. 3. Comprendre comment les expériences de justice transitionnelle ont contribué au renforcement des droits de l’homme, à la promotion de la réconciliation et de la paix. 4. Identifier les principaux défis qui se sont posés aux initiatives prises en matière de justice transitionnelle dans les sociétés du monde francophone , comme les mécanismes de recherche de la vérité dans plusieurs pays africains, les efforts engagés dans la lutte contre l’impunité et les tensions entre la paix et la justice qu’elle engendre dans certains pays en transition. 5. Identifier un certain nombre de stratégies à mettre en œuvre à court et à moyen terme, qui permettront de développer de meilleures pratiques sur le terrain, des échanges d’expériences, le renforcement des capacités et des connaissances des acteurs, des praticiens et des décideurs politiques, ainsi que la recherche dans le domaine de la justice transitionnelle. 1
  • 8. La justice transitionnelle dans le monde francophone 6. Réfléchir aux modalités pratiques d’application de la justice transitionnelle dans les régimes juridiques de tradition française et dans les différents contextes juridiques, culturels et politiques africains. Ce document contient les communications présentées lors de ce séminaire. Nous avons jugé utile d’y adjoindre une bibliographie générale et quelques liens Internet pour celles et ceux qui veulent effectuer de plus amples recherches. La liste des participants, ainsi que le programme détaillé sont disponibles auprès des organisateurs ou sur leurs sites Internet. Comme le vocabulaire de la justice transitionnelle nous vient essentiellement des pays anglophones, nous avons opéré certains choix linguistiques pour cette édition française. Nous avons par exemple opté pour conserver l’expression « justice transitionnelle », communément utilisée, même si c’est un anglicisme. Le terme vetting est traduit par « procédure de vérification et de filtrage de la fonction publique », le terme accountability par « transparence administrative » et l’expression empowerment of citizens (control capacity) par « renforcement de la capacité de contrôle citoyen ». Ce séminaire a été riche en échanges, débats et questionnements. Il a permis d'approfondir la réflexion sur les exigences de la paix, de la réconciliation et de la justice, qui sont de grande actualité dans de nombreux pays du continent africain et dans le monde francophone en général. Ces situations sont effectivement très complexes et requièrent des sociétés en reconstruction qu'elles gèrent des équilibres délicats en réponse aux besoins parfois contradictoires auxquels elles font face. La remarque de Louis Joinet, dans sa communication au séminaire, illustre bien notre préoccupation commune, à savoir le besoin de développer des réflexions qui puissent éclairer et enrichir la pratique depuis divers contextes culturels, juridiques et politiques : « les principes et standards que devrait respecter la justice transitionnelle [...], stricto sensu, n’existent pas ou du moins pas encore. Le concept de justice transitionnelle est d’apparition trop récente pour qu’il puisse être inséré dans le corset d’une démarche normative. Il doit conserver toute sa créativité potentielle. Tout au plus peut-il être théorisé. Tel est le but de la présente contribution. Il faut en débattre. D’où l’importance de ce séminaire qui nous accueille à Yaoundé ». Pour conclure, nous ne pouvons donc que souligner l’importance de poursuivre ce dialogue et ces échanges d’expériences, notamment entre les praticiens et praticiennes du continent africain, qui ont en partage la langue française. Yaoundé II est déjà à l’horizon ! 2
  • 9. Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux 2 Justice transitionnelle : principes et standards internationaux — un état des lieux 2.1 Un état des lieux des principes et standards internationaux de la justice transitionnelle Louis Joinet 2.1.1 Introduction Avant de procéder à cet état des lieux, j’aimerais faire quelques commentaires pour clarifier certains concepts. 1. « Justice de transition » ou « justice transitionnelle » ? Étant francophone, je préfère la première dénomination mais retiens la seconde, désormais francisée et communément admise comme concept de droit international. 2. On a parfois tendance à considérer la question de la justice transitionnelle comme un « en soi » alors qu’elle n’est le plus souvent que l’un des aspects particuliers, à un moment déterminant de l’histoire d’un pays, d’un processus plus global dit « de transition politique ». Un tel processus ne concerne donc pas que la seule administration de la justice. Devant toujours être resitué dans le contexte plus global du processus de transition politique en cours, il concerne tout autant l’Exécutif (gouvernement de transition — et non provisoire — mis en place selon une procédure négociée et pour une période donnée), le Législatif (gouverner par décret ou toute autre forme dans l‘attente de l’installation d’une instance législative élue) que le Judiciaire. 3. Chacun de ces processus politiques a sa propre spécificité. Aucun ne ressemble à l’autre. On peut cependant distinguer deux grandes catégories : – d’une part les processus qui accompagnent le passage de la guerre vers la paix par la négociation d’un accord de paix au terme duquel le bulletin de vote se substitue progressivement aux armes, notamment celles de la guérilla ; – d’autre part ceux qui, n’étant pas liés à un conflit armé, ont pour objet de progressivement faciliter le passage d’un régime autoritaire, voire totalitaire, à un état de droit par la négociation d’un accord politique de transition, quelle que soit sa dénomination (dialogue national, coalition ou pacte démocratique, plate-forme nationale ou autres). 3
  • 10. La justice transitionnelle dans le monde francophone 4. « Réconciliation » ou « conciliation » ? Mon rapport à la Sous- Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité1 préconise l’emploi du terme « conciliation » préalablement à celui de « réconciliation ». La conciliation relève de la démarche collective. Elle implique, à un moment ou un autre, un minimum de dialogue. La réconciliation, en revanche, relève de la morale en ce qu’elle passe par un acte personnel, le pardon. Mais à qui pardonner si l’auteur n’est toujours pas identifié ? Pourquoi lui pardonner s’il n’a pas manifesté le moindre repentir ? Le pardon implique qu’il soit demandé. Pour pouvoir tourner la page, dit-on, encore faut-il qu’elle ait été lue. Qu’il s’agisse d’un accord de paix ou d’un accord politique, quelles sont, dans ces deux cas de figure, les problématiques communes ? Tout processus transitionnel est rapidement confronté à trois fortes demandes sociales : le droit de savoir, le droit à la justice, le droit à réparation, droits qui sont étroitement liés à l’administration de la justice transitionnelle. Pour des raisons de temps, nous nous limiterons à l'examen des deux premiers. 2.1.2 Justice transitionnelle et droit de savoir Avant même que ne passe la justice, une réponse doit être apportée au « besoin de savoir ». Telle est la thèse avancée dans le rapport précité sur l’impunité. Deux raisons à cela : il s’agit certes d’un droit individuel qui, pour la victime, facilitera ultérieurement l’exercice de son « droit à la justice » ; mais il s’agit surtout d’un droit collectif qui trouve ses racines dans cette lancinante question qui se pose à tous, oppresseurs et opprimés : « Comment en est-on arrivé là ? » D’où l’émergence relativement récente, au fur et à mesure de la chute des régimes autoritaires ou dictatoriaux, d’une double préoccupation pour répondre à cette question : créer, quelle qu’en soit la dénomination, des commissions non judiciaires d’enquête communément appelées commissions de vérité et réconciliation et assurer à bref délai la préservation des archives de l’oppression. ______________________ 1 E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1. 4
  • 11. Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux 2.1.2.1 Justice transitionnelle et commissions de vérité et réconciliation C’est ce droit de savoir qui, dans de nombreux pays en sortie de crise, est à l’origine de la création de telles commissions, dans l’attente que la justice soit en mesure de prendre le relais. Leur mission est donc moins de recueillir des preuves de type judiciaire que des informations permettant de mieux comprendre les mécanismes de l’oppression violatrice pour en éviter le renouvellement. Dans la mesure du possible, de telles investigations doivent être menées à relativement bref délai, avec célérité et, soulignons le encore, sans revêtir un caractère judiciaire. Il faut en effet éviter, par exemple, ce que fut la triste expérience de la France en 1944 lorsqu’à la Libération, plusieurs milliers de personnes furent exécutées avec la caution d’une justice transitionnelle expéditive. Une bonne justice, fût-elle transitionnelle, ne saurait être sommaire sauf à devenir une parodie de justice de nature à compromettre le processus transitionnel lui-même. Les pionniers des commissions de vérité et réconciliation furent les Argentins puis les Chiliens. La première de ces commissions a été créée en 1984 à Buenos Aires, après la chute de la dictature, par le président Alfonsin démocratiquement élu. Dénommée « Commission nationale sur les personnes disparues » (CONADEP), ses travaux ont essentiellement porté sur les disparitions forcées. Son rapport a été publié en septembre 1984 et les nombreux témoignages recueillis ont permis d’identifier des lieux clandestins de détention. Au Chili, le président Alwyn créa la Commission nationale de vérité et réconciliation par décret du 25 avril 1990. Son mandat, plus large, portait sur l'ensemble des violations des droits de l'homme. Son rapport, publié en 1991, illustre tout à fait cette recherche, en période de transition, du « Comment avons-nous pu en arriver là ? » L’un de ses chapitres est par exemple consacré à l’analyse du comportement de la société chilienne sous la dictature. Y sont successivement analysés le comportement de la classe politique, celui des syndicats, de la presse, des organisations non gouvernementales, des églises, etc. Ce fut l’amorce d’un premier examen de conscience collectif, initialement scellé par un acte symbolique également collectif très fort auquel j’ai assisté. Le jour de son intronisation, le président Alwyn a conduit sur les lieux même du Stade national — où tant de citoyens avaient été détenus, persécutés, torturés lors du coup d’État de 1973 — une cérémonie au cours de laquelle, dans un long et impressionnant silence, ont « défilé » sur le tableau d’affichage du stade les noms de milliers de Chiliens disparus. Puis on est passé, conciliation aidant, à un dialogue permettant de favoriser l’amorce d’une lente évolution vers un éventuel processus de réconciliation. 5
  • 12. La justice transitionnelle dans le monde francophone C’est ainsi que quelques années plus tard ont été mises en place des « tables rondes » auxquelles participaient d’une part des représentants des victimes, de la société civile ainsi que des autorités civiles, et d’autre part des militaires représentant en quelque sorte l’institution des anciens oppresseurs impliqués dans les violations graves des droits de l’homme, spécialement en ce qui concerne la pratique des disparitions forcées. Le but était de commencer à apporter une réponse à cette autre question qu’implique le droit de savoir : « Que sont-ils devenus ? » Même si beaucoup reste à faire, c’est en partie grâce à ce processus que l’on a réussi, avec la coopération de certains militaires chiliens, à localiser des charniers, à identifier des corps de disparus et ainsi permis à des familles d’assumer leur deuil. Le cas de l’Afrique du Sud mis à part (pour des raisons spécifiques sur lesquelles nous reviendrons), de nombreuses autres commissions du même type ont été créées par la suite, notamment en El Salvador, au Guatemala, au Ghana, au Nigéria, en Équateur, à Panama, au Pérou, au Timor oriental, etc. Ces commissions remplissent par ailleurs une mission essentielle de réhabilitation à l’égard des défenseurs des droits de l’homme. Quand la roue de l’histoire finit par tourner, on s’aperçoit que les allégations des organisations non gouvernementales, généralement qualifiées de grossièrement mensongères par les États concernés, étaient bien en deçà de la réalité finalement révélée. 2.1.2.2 Transition et préservation des archives de l’oppression Autre aspect essentiel du droit de savoir, la question de la préservation des archives de l’oppression : « La connaissance par un peuple de l’histoire de son oppression appartient à son patrimoine et comme telle doit être préservée par des mesures appropriées au nom du devoir de mémoire qui incombe à l’État. Ces mesures ont pour but de préserver de l’oubli la mémoire collective notamment pour se prémunir contre le développement de thèses révisionnistes et négationnistes »2. Pour préserver ce précieux auxiliaire du droit de savoir, puis par la suite du droit à la justice, que sont les archives de l’oppression, des mesures conservatoires doivent être prises dès qu’est amorcé le processus de transition, pour éviter qu’elles ne disparaissent. Le rapport précité propose justement ______________________ 2 Ibid., Principe 2. 6
  • 13. Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux une série de mesures urgentes destinées à limiter les risques soit de destruction du fait des anciens oppresseurs, soit de détournement — ainsi qu’on a pu le constater avec les archives du KGB — par des trafiquants qui se livrent, en connivence avec des collectionneurs indélicats, à un marché noir d’archives ou plus banalement, hélas, à des actes de chantage. La préservation des archives peut même poser de délicats problèmes politiques lorsqu’elles ont été détournées par transfert dans un pays étranger. Citons à titre d’exemple un cas qu’il m’a été donné de connaître dans le cadre de mon mandat d’expert indépendant désigné par le Secrétaire général des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti. Il s’agissait en particulier des archives de la dictature du général Cédras. A sa chute, ces archives, qui contenaient en particulier celles des groupes paramilitaires (les « FRAPH »), ont été « exfiltrées » vers les États-Unis par les autorités américaines. Après de nombreuses démarches et pressions, elles ont été finalement restituées aux autorités haïtiennes mais après qu’aient été noircis, pour ne pas dire censurés, les passages les plus compromettants et ceci en application du Freedom of Information Act, c’est-à-dire de la législation américaine. 2.1.3 Justice transitionnelle et droit à la justice Ce droit repose sur un principe fondamental du droit international des droits de l’homme selon lequel « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial »3. Il est donc très important que, dès le début du processus transitionnel, une haute priorité soit donnée à la réforme de l’administration de la justice pour atteindre la vitesse de croisière de la justice ordinaire et éviter que, la routine aidant, la justice transitionnelle ne vienne annihiler l’esprit de réforme. La création de cours pénales internationales ad hoc (ex-Yougoslavie, Rwanda) ou de la Cour pénale internationale ne dispense pas les États de rendre justice eux-mêmes des crimes selon le droit international commis sur leur territoire. La compétence des juridictions internationales ne reprend en effet sa prééminence que si la procédure devant la juridiction interne a eu pour but « de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale » ou « n’a ______________________ 3 Voir notamment l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 16 décembre 1966. 7
  • 14. La justice transitionnelle dans le monde francophone pas été menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d’un procès équitable prévues par le droit international, mais d’une manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec le motif pour lequel l’intéressé a été traduit en justice »4. A cette raison d’ordre juridique s’ajoute une raison d’ordre technique. Les juridictions internationales, compte tenu de l’importance et de la complexité des dossiers dont elles sont saisies, ne peuvent juger qu’un nombre très limité d’auteurs de violations graves des droits de l’homme. Cette contrainte explique par exemple que le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) donne priorité aux poursuites visant de hauts responsables politiques ou militaires, en raison de leur responsabilité dans la commission de crimes graves selon le droit international ; cela pour que passe la justice et que joue l’exemplarité. En ce sens, la CPI joue un rôle non seulement répressif mais également préventif en tant qu’épée de Damoclès brandie sur les oppresseurs en puissance. 2.1.3.1 Principales difficultés que doit surmonter la justice transitionnelle Priorité donc, en phase transitionnelle, aux tribunaux nationaux. Mais alors, comment éviter qu’ils ne demeurent une cause majeure d’impunité ? Pour s’en tenir à l’essentiel on citera les difficultés suivantes : Appareil judiciaire souvent détruit dont hérite la justice transitionnelle Tel fut le cas au Timor, ainsi que j’ai pu le constater lors d’une mission effectuée après le départ des troupes indonésiennes (palais de justice incendiés, archives judiciaires, état civil et cadastre détruits, etc.), ou encore en Haïti, où de nombreux commissariats et prisons ont été rendus inutilisables après le départ du président Aristide. Dans de nombreuses localités, cela rendait impossible le strict respect des standards internationaux dans le domaine, par exemple, de la garde à vue et de la détention. Dans ce cas extrême, il n’est d’autre solution pour la justice transitionnelle que de faire application dans l’immédiat de la théorie de « l’équivalence de garanties » ou de « garanties de substitution ». Elle consiste, en l’espèce, à utiliser des locaux dont ce n’est pas la vocation (par exemple gymnases, entrepôts désaffectés ou autres), sous réserve de faire respecter au minimum trois règles essentielles : ______________________ 4 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, A/CONF.183/9, art. 20, 17 juillet 1998. 8
  • 15. Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux a) que la liste de ces locaux soit rendue publique avec identification du responsable ; b) qu’un registre de présence et de mouvement des détenus soit tenu à jour ; c) que ces locaux soient accessibles à l’application de mesures de contrôle. Absence ou carences du personnel judiciaire A titre d'exemple, on rappellera que du temps de la dictature indonésienne, les Timorais étaient interdits d’accès aux fonctions de magistrats. Après l’indépendance, les tribunaux — ou plutôt ce qui en restait — se sont retrouvés du jour au lendemain sans juges ni procureurs pour assurer un minimum de justice en début de transition. Citons encore le cas de l’Éthiopie dont la plupart des juges, après la chute du régime dictatorial, étaient soit en fuite soit en prison en raison des violations graves des droits de l’homme qu’ils avaient cautionnées ou dont ils s’étaient rendus complices. L’une des solutions passe alors par la formation accélérée d’étudiants en droit, avec, le cas échéant, le recours temporaire à des juristes étrangers siégeant provisoirement (à titre consultatif ou non, selon les situations) dans les juridictions internes, pour assurer la formation de la relève sans que soit interrompu le cours de la justice. Cette sorte d’échevinage ne doit jamais être détourné de sa finalité, qui est de transmettre le relais dès que possible aux juges locaux. Impunité liée à des raisons quantitatives Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le nombre de personnes à juger est tel qu’il n’est pas matériellement possible de les juger dans le strict respect des normes internationales, notamment de celles relatives au droit à un procès équitable (par exemple, exigence d’un délai raisonnable). Ce type de situation pose la difficile question de l’applicabilité de ces normes dans certains contextes transitionnels. On pense, par exemple, au Rwanda où — sauf à entériner un déni de justice — il a fallu provisoirement faire appel à des formes spécifiques de l’administration de la justice en recourant à des juridictions coutumières peu conformes, sur un certain nombre de points, aux standards internationaux. 9
  • 16. La justice transitionnelle dans le monde francophone Inamovibilité et vetting (vérification et filtrage de la fonction publique) Autre difficulté et non des moindres : comment assurer un minimum de compatibilité entre, d’une part, « l’inamovibilité » et, d’autre part, « l’assainissement » pour ne pas dire « l'épuration » (vetting) tant l’histoire montre combien les juges sont trop souvent un frein au changement ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, si tous restent en fonction, la transition risque de s’en trouver compromise. Essentielle certes, en tant que garantie de l’indépendance des juges, l'inamovibilité ne doit cependant pas devenir, là encore, une prime à l’impunité. D’où la proposition, certes imparfaite, pour concilier ces deux antagonismes, de recourir au principe fondamental de procédure du « parallélisme des formes ». Les magistrats qui, antérieurement à l’état de crise, avaient été nommés en conformité avec un état de droit respectueux des normes internationales, peuvent être confirmés dans leurs fonctions ; en revanche ceux qui ont été nommés de manière illégitime, c’est-à-dire hors la période d’état de droit, peuvent être destitués en application de ce principe du parallélisme des formes, quitte à être réintégrés, passé un certain délai, après examen de leur situation au cas par cas. Dans cette dernière hypothèse un minimum de garanties doit être prévu, étant observé que ceux qui ont été compromis dans des violations particulièrement graves des droits de l’homme doivent pouvoir être écartés disciplinairement avant même d’être jugés. 2.1.3.2 Légalité transitionnelle et droit à la justice Dans un tout premier temps, la justice transitionnelle est presque toujours confrontée à la question de la légitimité de la législation en vigueur qui, en l’état, s’impose à elle tant qu’un législateur apte à promouvoir la légalité nouvelle, donc démocratiquement élu, n’a pas été mis en place. Or il en est ainsi dans la plupart des cas. Cette phase peut être schématiquement ramenée à trois étapes : Première étape, dite « abrogationniste » Il s'agit là d'une étape visant à l'abrogation des lois et juridictions d’exception, voire de la peine capitale, qui doit être franchie dans les tous premiers temps et avec célérité pour éviter, là encore, que les mêmes causes n’en viennent à produire les mêmes effets et que ne s’organisent les lobbies hostiles à la transition. 10
  • 17. Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux Deuxième étape : neutraliser la prescription et l'amnistie La deuxième étape vise à neutraliser ces primes à l’impunité que sont la prescription et l’amnistie, trop souvent utilisées pour « tourner la page sans l’avoir lue », cela pour assurer la crédibilité des premiers pas de la justice transitionnelle. Pour ce qui concerne la prescription, s’agissant de violations des droits de l’homme les plus graves (crimes contre l’humanité, crimes de guerre, infractions graves aux Conventions de Genève et au Statut de Rome, etc.), on constate fort heureusement une interprétation de plus en plus extensive, par le droit international, de la notion d’imprescriptibilité. Encore faut-il que ces évolutions soient prises en compte par la législation nationale, ce qui peut prendre du temps en période transitionnelle en raison des réticences qui peuvent se manifester sous la pression de l’ancien régime. Alors, que faire en attendant que le législateur soit en mesure d’en prendre l’initiative ? C’est là qu’une conception du rôle transitionnel de la jurisprudence prend — ou en tout cas devrait prendre — toute sa place. On citera parmi ces antidotes, l’originalité de la jurisprudence sur les disparitions forcées engagée par la Cour interaméricaine des droits de l’homme et reprise depuis dans certaines législations nationales et bientôt, dans la Convention internationale contre les disparitions forcées. La Cour qualifie ces violations de « crimes continus ». Autrement dit, la prescription ne peut courir que du jour où le cas est élucidé, ce qui signifie par exemple que si une personne a été portée disparue en mai 1980 et que son corps n’a été retrouvé et identifié qu’en mars 1992, la prescription ne commencera à courir qu’à compter de cette dernière date. En outre, même à compter de cette date, le départ de la prescription peut encore être retardé de la durée correspondant à la période pendant laquelle les conditions d’un procès équitable n’étaient pas encore réunies, c’est-à-dire tant que la justice, en particulier transitionnelle, ne présente pas de garanties suffisantes de procédure, d’impartialité et d’indépendance. La question de l’amnistie est encore plus délicate que celle de la prescription, car elle est d’ordre politique plus que juridique. Les périodes de transition sont souvent caractérisées tout à la fois par une soif de justice et par une soif de paix, qui passent par un processus de conciliation pour, si possible, amorcer plus tard un processus de réconciliation. Dans ce contexte, l’amnistie peut certes faire partie d’un plan de réconciliation ultérieure, mais pas à n’importe quel prix. C’est là que réside la principale difficulté. On ne peut admettre — ne serait-ce que par respect pour les victimes — que, par exemple, des auteurs de crimes contre l’humanité puissent bénéficier d’une amnistie. Une exception toutefois a été admise. Il 11
  • 18. La justice transitionnelle dans le monde francophone s’agit de la voie empruntée par l’Afrique du Sud après l’abolition de l’apartheid pourtant qualifié de crime contre l’humanité par le droit international. Cette réconciliation a été rendue possible parce que les auteurs de violations graves ont dû faire repentance, ce qui a permis — s’agissant d’audiences publiques avec retransmission par les médias — « de lire la page avant de la tourner ». Autre difficulté que peut rencontrer la justice transitionnelle : la pratique du « rejugement », qui neutralise le principe de « l’autorité de la chose jugée ». L’hypothèse est la suivante : pour certains, accepter de bénéficier d’une amnistie lors de la période de transition (nous faisons référence ici aux opprimés qui ont été condamnés sous le régime dictatorial et non aux oppresseurs) reviendrait à s’avouer coupables. La justice transitionnelle doit donc accepter de rejuger selon un procès équitable (il s’agit le plus souvent de prisonniers politiques) ceux qui ont été condamnés sans bénéficier de cette garantie fondamentale. Il s’agit donc bien d’ex-condamnés qui, pour cette raison, refusent l’amnistie. Le cas uruguayen est intéressant. La personne avait la possibilité d’être rejugée dans le cadre d’un procès équitable puis, soit elle était acquittée, soit elle était condamnée (par exemple pour des faits de guérilla établis). Dans ce dernier cas, la durée de l’emprisonnement subi sous le régime dictatorial était compensée selon l’équation suivante : en raison de l’absence de garanties et des mauvais traitements subis, une année de détention effectuée sous la dictature était réputée correspondre à trois années d’emprisonnement venant en déduction de la peine finalement prononcée par la justice transitionnelle. De telle sorte que ceux qui demandèrent à être rejugés ont été finalement soit acquittés soit condamnés et rapidement libérés. Troisième étape : légalité en période transitionnelle La troisième étape pose généralement le délicat problème de la légalité applicable pendant la période transitionnelle. En l’absence de législateur, les autorités de transition sont le plus souvent obligées de « légiférer » elles- mêmes par décrets ou actes assimilés. Faute de parlement, une garantie de substitution consiste à procéder dans la transparence et, autant que faire se peut, à de larges consultations de la société civile organisée. Puis se pose la nécessité, en sortie de crise, de faire « légaliser » ces décrets par le parlement nouvellement et démocratiquement élu. La solution la plus conforme à un état de droit voudrait que le parlement se prononce au cas par cas, comme s’il s’agissait de lois nouvelles. Mais cette procédure requiert de très longs délais. Or l’opinion demande des signes tangibles et rapides de changement, y compris dans le domaine de la loi. La moins mauvaise solution paraît être, dans ce cas, de recourir à la technique dite des « lois de validation ». Elle 12
  • 19. Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux permet un gain de temps appréciable tout en conservant, au plan parlementaire, une équivalence de garanties significative. Cette technique suppose l’existence d’un minimum de volonté politique commune entre les différentes sensibilités politiques et permet de légiférer à titre transitionnel. Elle consiste à présenter au parlement une loi unique comportant deux volets : • Le premier volet comporte la liste et les références des décrets promulgués irrégulièrement mais par nécessité par le gouvernement de transition (voire de certains textes remontant au régime précédent). Décrets qui, en raison de leur caractère consensuel (c’est souvent le cas pour les réformes abrogationistes précitées ou de celles relevant du droit civil), peuvent être validés en bloc pour leur conférer force de loi ; • Un deuxième volet comporte la liste des décrets de niveau législatif également pris par le gouvernement de transition, déclarés provisoirement applicables par la loi de validation dans l’attente du vote de lois nouvelles venant les réformer. Ces clarifications apportées, comment appliquer la législation ancienne dans les cas précités où elle demeure transitoirement applicable ? 2.1.3.3 Légalité transitionnelle et jurisprudence transitionnelle Nous entendons par là l’interprétation de la loi (encore inchangée) à la lumière des principes et valeurs des normes internationales pour combler les lacunes les plus criantes en attendant que le législateur ne devienne opérationnel. Il est en effet rare — nous l’avons souligné — que la loi ancienne puisse être changée à bref délai. La raison la plus fréquente en est le temps, souvent fort long, nécessaire à la mise en place d’un processus électoral permettant d’aboutir à l’élection d’un parlement apte à légiférer (deux ans dans le cas d’Haïti, par exemple), alors que la volonté du corps social acteur du changement doit être prise en compte dès que possible. Sur le thème de l’État et du droit dans un régime de transition, il est essentiel qu’universitaires, juges et avocats se familiarisent avec les techniques transitionnelles d’interprétation de la loi antérieure (tant qu’elle demeure en principe applicable), en prenant comme référent d’interprétation la norme internationale. Tel fut l’objet, par exemple, d’un séminaire tenu en Ukraine sur cette technique d’interprétation alternative dont l’intérêt a dépassé la situation locale dans le contexte de la transition vers l’indépendance — sinon la démocratie — des pays de l’ex-URSS. On conviendra que cette technique d’interprétation était facilitée, même si elle a été insuffisamment suivie par les 13
  • 20. La justice transitionnelle dans le monde francophone juges, par le fait que l’URSS avait ratifié — certes sans réelle volonté de les respecter — plusieurs traités internationaux des droits de l’homme dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Mais qu’en est-il si le pays qui est engagé dans une période de transition n’est pas lié par une telle ratification ? Rappelons que, dans ce domaine, si les conventions internationales n’ont un effet « contraignant » qu’en ce qui concerne les État parties, elles conservent un effet « déclaratif » à l’égard de ceux qui ne les ont pas (encore) ratifiées. Ce qui signifie que le juge peut s’en inspirer et pratiquer ainsi une sorte d’interprétation alternative, ou plus exactement, une « jurisprudence transitionnelle » tendant, à la lumière de la norme internationale et de ses valeurs, à interpréter la loi antérieure encore applicable dans le sens de la légalité future. Il est vrai que les magistrats, en particulier ceux des cours suprêmes, sont souvent réticents à emprunter cette voie en raison d’une sorte de « souverainisme juridique » allergique à viser un texte qui n’appartient pas directement au corpus juridique national. L’un des moyens permettant de surmonter ces réticences consiste à utiliser la technique du « visa gigogne » qui, par exemple, s’énonce comme suit : « Vu l’article xx du code de procédure pénale, ensemble l’article yy du Pacte international relatif aux droits civils et politiques … ». 2.1.4 Conclusion Peut-on déduire de ce qui précède qu’il existe des « Principes et standards internationaux de la justice transitionnelle » puisque tel est le sujet du présent exposé ? De plus en plus nombreuses sont les initiatives de justice transitionnelle qui s’enrichissent les unes les autres. Leur « sédimentation » et leur créativité donnent progressivement naissance à une sorte de droit coutumier de la justice transitionnelle en cours de formation. De là à considérer qu’il existe des principes et standards en la matière serait prématuré tant qu’une réponse n’aura pas été apportée à la question de principe suivante : que faire lorsque, pour des raisons essentiellement techniques et non par absence de volonté politique (appareil judiciaire détruit), il n’est pratiquement pas possible, dans un processus de transition donné, de respecter strictement les standards internationaux des droits de l’homme applicables alors que, dans ce cas, la pression des organisations non gouvernementales se manifeste activement ? Dans ces situations transitoires, ne devrait-on pas admettre une certaine flexibilité (droits indérogeables 14
  • 21. Justice transitionnelle : principes et standards internationaux – un état des lieux exceptés) quant à l’application desdits standards ou faut-il s’en tenir — en toutes circonstances — à leur strict respect alors que l’institution judiciaire est entièrement à reconstruire ? Le débat est ouvert. Dans ces situations, entre l’idéalement souhaitable et le pratiquement possible, sur le terrain il nous faut choisir, le pire étant l’immobilisme par excès de léga- lisme. « Summum jus, summa injuria » — justice excessive devient injustice — disaient les Romains. Il importe donc, dans ce cas, de toujours progresser positivement même lorsqu’il est fait recours, nous l’avons vu, à des solutions spécifiques (voir la théorie précitée de « l’équivalence des garanties » ou à celle des « garanties de substitution »). De telles pratiques, dictées par les contraintes de certaines périodes de transition, appellent la prudence. Elles ne sont admissibles qu’à la double condition d’être strictement limitées dans le temps (principe de proportionnalité ratione temporis) et surtout de toujours tendre à ce que le pratiquement possible rejoigne progressivement l’idéalement souhaitable et non l’inverse (principe de l’effet utile). Cette règle d’interprétation, antidote de l’immobilisme, nous vient du droit romain. Elle a été consacrée par Cicéron dans son De officiis par le célèbre adage « Actus interpretandus est potius ut valeat quam ut pereat” » — l’acte doit être interprété de façon à lui donner vie plutôt que de le laisser sans effet. Je n’aurai donc pas l’audace d’énoncer quels sont les principes et standards que devrait respecter la justice transitionnelle car, stricto sensu, ils n’existent pas ou du moins pas encore. Le concept de justice transitionnelle est d’apparition trop récente pour qu’il puisse être inséré dans le corset d’une démarche normative. Il doit conserver toute sa créativité potentielle. Tout au plus peut-il être théorisé. Tel est le but de la présente contribution. Il faut en débattre. D’où l’importance de ce séminaire qui nous accueille à Yaoundé. Que les organisateurs en soient ici remerciés. 15
  • 22. La justice transitionnelle dans le monde francophone 16
  • 23. Mécanismes de la justice transitionnelle 3 Mécanismes de la justice transitionnelle 3.1 Commissions de vérité : mythes et leçons apprises Eduardo González Cueva Je souhaiterais partager brièvement quelques réflexions sur les commissions de vérité, sur la base de l’expérience du Centre international pour la justice transitionnelle. Comme vous le savez, la création de commissions de vérité est devenue une pratique presque courante dans les scénarios les plus divers de transition politique ou de négociations de paix. L’accord de paix récemment signé pour mettre un terme au conflit au Népal comprend un accord spécifique pour la création d’une telle commission. Une commission de vérité figure également dans les accords passés en 2005 entre le gouvernement indonésien et les guérillas de la région d’Aceh. La même situation peut être observée dans les accords de paix au Burundi et en République démocratique du Congo. Finalement, diverses organisations internationales ont proposé la création de commissions pour le Darfour et la Côte d’Ivoire. Il est cependant plus facile de proposer des commissions que de les établir, et il est plus facile de les établir que d’en assurer le fonctionnement effectif. L’Indonésie a approuvé une loi portant création d’une commission de vérité et réconciliation en 2004, après six ans de négociation parlementaire, mais cette dernière n’a pu voir le jour. La République démocratique du Congo a créé quant à elle une commission similaire, mais qui ne fonctionne pas de manière régulière. Par ailleurs, diverses voix émanant de la société civile népalaise montrent leur scepticisme quant à la création d’une commission de vérité. La raison en est très simple : les commissions sont fréquemment proposées de manière automatique, avec l’espoir d’une réconciliation presque magique. Le cas sud-africain est fréquemment invoqué, mais rarement étudié. Or, l’invocation sans l’analyse équivaut à nous demander d’avoir la foi. La foi dans le mythe sud-africain suggère qu’une commission de vérité offre une alternative à la justice pénale, sur la base de la générosité individuelle des victimes et la repentance des tortionnaires. Dans ce mythe, il n’y a aucune place pour la reconnaissance du fait qu’en Afrique du Sud, la commission de vérité n’a accordé l’amnistie qu'à une fraction minime des tortionnaires ; qu’en Afrique du Sud, la justice pénale s’est montrée incapable de poursuivre les tortionnaires non amnistiés ; et finalement qu’en Afrique du Sud, les plus importantes organisations de victimes demandent toujours aujourd’hui, dix ans après les travaux de la Commission de vérité et réconciliation, que le gouvernement offre des réparations équitables. 17
  • 24. La justice transitionnelle dans le monde francophone La loi portant création de la Commission de vérité et réconciliation d’Indonésie est un exemple clair des conséquences négatives de l’imitation sans aucun questionnement de l’expérience sud-africaine : selon cette loi, la commission est une instance par le biais de laquelle les victimes et les tortionnaires devraient « régler leurs comptes » directement, face à face. Si le tortionnaire admet son crime et que la victime pardonne, la commission recommande une amnistie pour le tortionnaire et une réparation pour la victime. Si la victime ne pardonne pas, le tortionnaire peut de toute façon recevoir une amnistie, mais la victime n’obtient pas la réparation. Dans tous les cas, le droit de la victime de recevoir réparation dépend de l’amnistie du tortionnaire. Évidemment, cette loi a été rejetée par les organisations de défense des droits de l’homme et fait l’objet d’un litige devant la Cour constitutionnelle indonésienne. Une autre conception problématique est l’idée que la composition des commissions de vérité doive refléter d’une manière précise l’équilibre politique qui marque la transition, ce qui voudrait dire qu’une commission regroupant toutes les tendances politiques soit plus à même de juger, soit plus juste. Or, la commission pour la République démocratique du Congo a été créée il y a plus de trois ans sans résultats réels, précisément parce que chacune des parties au conflit y est représentée. Naturellement, beaucoup de ses représentants ont été critiqués comme étant complices de violations des droits de l’homme par les autres factions et, en conséquence, la commission ne jouit pas d’une crédibilité suffisante. Mais les commissions de vérité continuent d’être proposées dans toutes sortes de situations. Comme cela a été mentionné auparavant, une commission a été proposée pour le Darfour, au Soudan, et une autre pour la Côte d’Ivoire. Mais il y a eu des propositions similaires pour le Liban, l’Irak, les îles Fidji, l’Algérie et la Colombie. Par rapport à de tels scénarios, marqués par des attentes excessives, certaines leçons apprises peuvent amener à une vision plus réaliste des commissions de vérité : 1. La création de commissions de vérité ne peut pas se substituer à une politique intégrale de lutte contre l’impunité. L’établissement d’une vérité historique, c'est-à-dire une interprétation sociale des violations commises, peut refléter les revendications des collectifs de victimes, mais pas les revendications plus simples de leurs familles, qui demandent la vérité judiciaire. Même l’établissement des faits à travers les investigations d’une commission de vérité, similaire à une clarification judiciaire, peut devenir une sorte de re-victimisation, si les familles perçoivent que les faits ne sont pas accompagnés de sanction 18
  • 25. Mécanismes de la justice transitionnelle pénale pour les tortionnaires, leurs institutions, ou d’une mesure de réparation. Attendre le pardon automatique des victimes pour la simple raison que la dimension sociale de la vérité a été livrée est abusif. La victime porte déjà des séquelles des crimes commis : elle n’a pas besoin d’être « victimisée » une nouvelle fois si elle refuse d’accorder le pardon. Au Maroc, la tentative de répondre et d’en terminer avec les demandes des victimes par la seule mise en place de réparations s’est soldée par la frustration des victimes et par la décision de créer une véritable commission de vérité : l’Instance Équité et Réconciliation. En Indonésie, l’idée d’une commission a été rejetée par la Cour constitutionnelle comme rendant le droit à la réparation contradictoire au droit de justice. 2. Les commissions de vérité doivent être proposées seulement lorsqu'il y a des garanties suffisantes pour assurer leur indépendance vis-à-vis de toute tendance politique. Les membres des commissions doivent être élus après une large consultation avec la société civile. Leur autorité morale est la priorité absolue, elle est préférable aux liens politiques et à l’expérience professionnelle ou juridique. Le cas de la République démocratique du Congo montre les limites de la création d’une commission de vérité sur la base des seuls critères politiques. 3. Les commissions de vérité ne garantissent pas automatiquement la réconciliation. La réconciliation doit être conçue comme un processus ouvert sur le long terme, une vision à atteindre, une idée qui inspire l’action pour une longue période historique. La réconciliation ne peut être réduite à la réconciliation entre des individus, qui sont régis par des situations psychologiques complexes. Il est impossible de décréter le pardon ou la repentance. Dans le meilleur des cas, il est possible de créer des situations favorables à la réconciliation entre individus. En même temps, la réconciliation entre individus ne se substitue pas au besoin de résoudre le conflit entre le citoyen et l’État : la réconciliation correspond également à l’établissement d’une situation sociale où l’État confronte les causes de la violence et restitue leurs droits aux citoyens. Sans un véritable état de droit établissant des droits effectifs, il est impossible d’empêcher le sentiment d’injustice et la tentation de recourir à des solutions violentes pour régler le conflit social. 4. La publication du rapport final de la commission de vérité ne devrait pas être considérée comme son principal produit et résultat : c’est plutôt le processus qui a présidé au travail de la commission qui doit être vu comme essentiel. Notre foi aveugle dans l’écriture ignore dans certains cas les conditions spécifiques de création et diffusion du discours public. La commission sud-africaine vit dans le souvenir 19
  • 26. La justice transitionnelle dans le monde francophone social, dans les images des victimes qui ont partagé leur témoignage avec la nation ; ce qui n’est pas toujours une fonction accomplie par le rapport final. Dans mon pays, le Pérou, la Commission de vérité et réconciliation a fait l’objet tant de vives critiques que de soutiens manifestes, le jour même de la présentation de son rapport final : aucun des opposants à la commission, ni ses défenseurs, naturellement, n’avaient lu le rapport final ; mais tous avaient reçu le message moral transmis par ses actions publiques. Tous savaient que la commission avait formulé une accusation historique contre les élites qui avaient ignoré les victimes, une accusation historique contre les spectateurs silencieux de la violence. L’expérience des commissions de vérité est très étendue aujourd’hui. Environ trente commissions ont été créées de par le monde, avec des succès variables. Certaines d’entre elles ont été établies comme des alternatives, d’autres comme un appui à la justice. Certaines commissions sont le résultat d’une pression sociale, d’autres ont vu le jour suite à un accord politique. Mais il est prévisible que les mythes ne disparaissent pas dans un futur immédiat. Pour éviter cette mythification, la communauté des défenseurs des droits de l’homme doit s'efforcer d'identifier les leçons apprises et les pratiques positives afin d’obtenir de meilleurs résultats pour les victimes et le renforcement de l’état de droit. 20
  • 27. Mécanismes de la justice transitionnelle 3.2 Cour pénale internationale et principe de la complémentarité Wilbert van Hovell 3.2.1 Les progrès de la Cour pénale internationale En guise d’introduction, j’aborderai en quelques mots les progrès que nous sommes en train d’accomplir à la Cour pénale internationale (ci-après « la Cour » ou « la CPI »), qui est désormais une institution pleinement opérationnelle1. Nous menons des enquêtes, nous déployons des activités judiciaires et nous entretenons des relations avec des États, des organisations internationales, des organisations de la société civile ainsi qu’avec les victimes. Le Statut de Rome a déjà été ratifié par 104 États, dont 29 en Afrique, et leur nombre ne cesse de croître. Le Bureau du procureur (ci-après « le Bureau ») de la CPI mène des enquêtes à propos de trois situations : le nord de l’Ouganda, la République démocratique du Congo et le Darfour (Soudan). Les deux premières situations nous ont été déférées par les gouvernements des pays concernés, la dernière par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Donnant suite à une requête du procureur dans le cas de l’Ouganda, les juges de la Chambre préliminaire ont délivré, le 8 juillet 2005, des mandats d’arrêt visant les cinq plus hauts responsables de l’Armée de résistance du Seigneur. En ce qui concerne la République démocratique du Congo, M. Thomas Lubanga, un chef de milice bien connu, a été remis à la Cour en mars de cette année. Il est inculpé d’avoir recruté, enrôlé et utilisé des enfants soldats. Ces accusations figuraient au cœur de la première audience de confirmation des charges qui vient de se tenir devant la Cour et constitua un événement d’une portée véritablement historique. Au Darfour, l’enquête continue d’avancer. Nous poursuivons, en parallèle, l’analyse d’autres situations dans lesquelles des crimes internationaux auraient été commis, comme en République centrafricaine (suite au renvoi de cette situation par le gouvernement centrafricain) et dans certains autres pays — sur différents continents — sur la base des communications que nous recevons d’individus ou d’associations. ______________________ 1 Pour rédiger le présent exposé, je me suis appuyé sur la Communication relative à certaines questions de politique concernant le Bureau du procureur (septembre 2003), les rapports du Bureau du procureur au Conseil de sécurité des Nations Unies en application de la Résolution 1593 (2005), le rapport du Bureau du procureur sur les activités mises en œuvre au cours des trois premières années (septembre 2006) et des documents internes. 21
  • 28. La justice transitionnelle dans le monde francophone 3.2.2 Justice pénale : avantages et défis Permettez-moi de faire quelques remarques liminaires sur les avantages et les limites des poursuites judiciaires dans le cadre des stratégies de justice transitionnelle, ceci étant le sujet principal de notre session. Je commencerai par les avantages bien connus. Les poursuites judiciaires visent à rendre justice aux victimes et à les aider à reconstruire leur vie. Elles permettent également de réitérer des valeurs fondamentales qui sont essentielles au fonctionnement pacifique de chaque société, de rétablir la confiance dans les institutions, et d'adresser un signal préventif clair selon lequel l’impunité pour les crimes graves n’est plus de mise. En général, il est également admis qu’il existe un lien bénéfique entre la justice pénale et l’établissement d’une paix durable, bien qu’il puisse y avoir une tension entre ces deux impératifs lors des efforts mêmes visant à mettre fin à un conflit. On considère aussi que les enquêtes et poursuites judiciaires peuvent faire la lumière sur ce qui s’est passé lors d’une période de répression ou de conflit, tout en sachant que la recherche de la vérité historique est une démarche complexe et requiert différentes approches. Toutefois, l’expérience de plusieurs pays, sur tous les continents, montre que la justice pénale, en période de transition, doit surmonter des obstacles et défis majeurs. Y figure notamment une limite pratique, dans la mesure où la totalité des crimes graves commis lors d’un conflit dépasse souvent la capacité judiciaire du pays concerné, qui sort déjà, dans la plupart des cas, sérieusement affaibli de cette période de crise. Dans de telles circonstances, une approche sélective des poursuites judiciaires est inévitable ; elle doit être fondée sur des critères objectifs et gagne à être conçue après consultation avec les victimes. La justice pénale pourrait être complétée par d’autres initiatives, telles qu’un programme de réparations, une tentative de recherche de la vérité, ou des initiatives de conciliation non judiciaire. Il est très important que la justice transitionnelle soit dispensée de manière indépendante et impartiale, et pour chaque approche de choisir le moment le plus opportun. Un deuxième défi majeur concerne la mise au clair des structures et des organisations qui ont présidé à la perpétration des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Une telle démarche est indispensable pour bien comprendre une situation dans son ensemble et identifier ceux qui portent la part de responsabilité la plus grande pour les crimes les plus graves. Il s’avère donc nécessaire d’analyser à fond le contexte et tous les aspects organisationnels et d’adopter une méthode d’enquête multidisciplinaire. En troisième lieu, il importe d’évoquer les difficultés liées à la protection des témoins, victimes ou autres. Il est clair que dans une situation de transition, 22
  • 29. Mécanismes de la justice transitionnelle qui par définition n’est pas encore stabilisée, les risques concernant la sécurité des témoins sont particulièrement importants. Mettre sur pied un système de protection et y investir les ressources nécessaires est donc essentiel. 3.2.3 Le principe de complémentarité de la Cour pénale internationale Il appartient aux juridictions nationales d’agir comme premières lignes de défense contre l’impunité. A la différence des tribunaux spéciaux pour l’ex- Yougoslavie et le Rwanda, la CPI ne prime pas sur les systèmes nationaux. Elle n’a pas vocation à se substituer aux tribunaux nationaux, mais bien à agir lorsque les structures et les instances judiciaires nationales n’ont pas la volonté ou la capacité de mener des enquêtes et des poursuites. La CPI assume dès lors un rôle complémentaire à celui des systèmes nationaux. En cas de chevauchement des compétences entre les systèmes nationaux et la CPI, ce sont les premiers qui ont la priorité. Ce principe de complémentarité constitue la transposition de la volonté expresse des États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale2, de créer une institution qui ait un champ d’action mondial, tout en reconnaissant que c’est aux États qu’il incombe avant tout d’exercer leur compétence pénale. Ce principe découle de la reconnaissance du fait que l’exercice de la compétence pénale nationale est non seulement un droit, mais également un devoir des États3. Les questions de l’efficience et de l’efficacité sont, elles aussi, importantes, puisque ce sont en général les États qui peuvent le plus facilement avoir accès aux éléments de preuve et aux témoins. 3.2.4 Évaluer la complémentarité L’article 17 du Statut de Rome, qui régit la recevabilité des affaires soumises à la Cour, prévoit pour ce faire une analyse de la complémentarité en deux phases. La première phase consiste à répondre à la question empirique de savoir si une enquête ou des poursuites sont ou ont été menées à l’échelle ______________________ 2 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, A/CONF.183/9, 17 juillet 1998. Le texte est amendé par les procès-verbaux en date des 10 novembre 1998, 12 juillet 1999, 30 novembre 1999, 8 mai 2000, 17 janvier 2001 et 16 janvier 2002. Le Statut de Rome est entré en vigueur le 1er juillet 2002. 3 Le Statut de Rome rappelle « qu'il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». Cf. Statut de Rome, op.cit., Préambule. 23
  • 30. La justice transitionnelle dans le monde francophone nationale. Si la réponse est négative, l’affaire est manifestement recevable (compte tenu de l’absence de toute ambiguïté dans le texte de l’article 17). Si la réponse est positive, la deuxième phase pose une question qualitative : les procédures nationales sont-elles entachées de nullité du fait de manque de volonté ou de l’incapacité de mener véritablement l’enquête ou les poursuites ?4 La mise en application par le procureur de l'article 53-1 du Statut de Rome, qui l'autorise à ouvrir une enquête en fonction de conditions données, passe également par une évaluation du rôle complémentaire de la Cour par rapport à celui du système pénal national concerné. Le procureur fondera notamment sa décision sur une analyse de la recevabilité (et donc de la complémentarité) en référence à l'article 17. Du fait qu'à ce stade, aucune affaire spécifique n’est encore ouverte devant la Cour, cet examen revêt cependant nécessairement un caractère plus général. Au moment de procéder à cet examen, le procureur prend en considération la nature des crimes allégués, de même que les renseignements ayant trait aux personnes qui pourraient en porter la responsabilité la plus lourde — en l’occurrence, la catégorie de personnes sur lesquelles le Bureau concentre ses efforts en matière d’enquêtes et de poursuites. Pour mener à bien son analyse, le Bureau examine les institutions, la législation et les procédures nationales pertinentes. Il est possible qu'il recherche des informations auprès de l’État concerné ou d’autres sources au sujet des procédures nationales susceptibles d’avoir été engagées à propos de crimes relevant de la compétence de la Cour, y compris dans le cadre de dispositifs judiciaires et non judiciaires spéciaux. D’une façon générale, le Bureau s'attache également à examiner les mécanismes dont disposent les personnes pour pouvoir signaler des crimes ou pour avoir accès à la justice en toute impartialité et indépendance. Un autre facteur pris en considération est la disponibilité des moyens nécessaires pour mener à bien les procédures (personnel, juges, enquêteurs, etc.)5. Une analyse méticuleuse a démontré toute sa pertinence dans la situation au Darfour, car le gouvernement soudanais avait annoncé publiquement sa ______________________ 4 Décision ICC-01/04-01/06 du 20.02.2006 (publiée en annexe de la Décision ICC- 01/04-01/06-37 du 17.03.2006), para. 30-36. 5 La Cour ne s’est pas encore prononcée sur l’interprétation de « manque de volonté » et « incapacité de l’État de mener véritablement à bien des poursuites ». Cf. Statut de Rome, op.cit., art. 17. 24
  • 31. Mécanismes de la justice transitionnelle volonté et sa capacité de mener des enquêtes et des poursuites à l’encontre des crimes qui auraient été commis et ce, dans le cadre de son propre système judiciaire6. Néanmoins saisi par le Conseil de sécurité, le Bureau du procureur a décidé d'ouvrir une enquête, suite notamment à l'examen minutieux de la recevabilité auquel il a procédé au regard de l'article 17 et du principe de complémentarité susmentionnés. Comme le procureur l’a indiqué dans les rapports qu’il a remis au Conseil de sécurité des Nations Unies en application de la Résolution 1593 (2005), l’examen de la recevabilité constitue un processus dynamique dans le temps. A mesure que nous progressons, depuis l’analyse jusqu’à la sélection des affaires qui feront l’objet de poursuites en passant par l’enquête, l’examen de la recevabilité s’axera davantage sur des cas emblématiques. Avant de demander à la Cour qu’elle délivre un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître à l’encontre d’une ou de plusieurs personnes, le Bureau se doit d’évaluer si le gouvernement du pays concerné engage ou a engagé des procédures nationales véritables qui englobent tant la personne que le comportement faisant l’objet de l’affaire portée devant la Cour7. Il est essentiel de mettre l’accent sur ce point, car l’appréciation de la recevabilité est propre à chaque affaire et ne constitue aucun jugement du système national de justice dans son ensemble. S’il résulte de l'enquête du Bureau et du dialogue mené avec un État particulier que des procédures nationales véritables ont été entamées, l’initiative en matière de lutte contre l’impunité reviendra à l’État concerné. L’examen de la recevabilité comprend également un examen de la législation nationale concernée. Le simple fait que la législation n’a pas intégré les infractions autonomes visées par le Statut de Rome ne constitue pas en soi, et à lui seul, un élément déterminant. A mon avis, la Cour devrait prendre en considération le résultat tangible susceptible de découler de toute procédure ______________________ 6 En ce qui concerne les cas de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo, ces États avaient décidé de ne pas engager eux-mêmes de procédures pénales et de saisir le procureur de la CPI. 7 Il convient aussi de noter que la recevabilité d’une affaire peut être contestée devant la Cour par un État « qui est compétent à l’égard du crime considéré du fait qu’il mène ou a mené une enquête, ou qu’il exerce ou a exercé des poursuites en l’espèce » Cf. Statut de Rome, op.cit., art. 19, para. 2. L’accusé ou la personne à l’encontre de laquelle a été délivré un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître peut également contester la recevabilité. 25
  • 32. La justice transitionnelle dans le monde francophone nationale qui aura été entreprise. Il est nécessaire que l’affaire concernée puisse faire l’objet de poursuites sans que l’on puisse y voir une intention de soustraire la personne concernée à la justice. 3.2.5 Une approche positive en matière de complémentarité Plutôt que d’entrer en concurrence avec des systèmes nationaux en matière de compétence, le Bureau a opté pour une ligne de conduite positive, ce qui signifie qu’il encourage de véritables procédures nationales lorsque cela s’avère possible, qu’il s’appuie, pour ce faire, sur des réseaux nationaux et internationaux et qu’il participe à un système de coopération internationale. L’efficacité de la CPI ne doit pas se mesurer uniquement au nombre d’affaires dont elle est saisie. Au contraire, une augmentation du nombre d’enquêtes et de procès véritables menés à l’échelon national pourrait très bien prouver le bon fonctionnement du système de Rome dans son ensemble. Une ligne de conduite positive ou active en matière de complémentarité reconnaît la responsabilité première des États d’exercer la compétence pénale, aide à combler ce que l’on qualifie de « fossé de l’impunité » et permet à la Cour de concentrer ses efforts et ses ressources sur d’autres situations ou affaires. Il est des situations pour lesquelles le Bureau peut être en mesure d’encourager les procédures nationales par le simple fait d’attirer l’attention des États concernés sur de graves allégations, ou bien dans le cadre de recherche de renseignements supplémentaires au cours de l’analyse des communications faisant état de telles allégations. Les stratégies en matière de complémentarité positive englobent les échanges diplomatiques, le dialogue et les déclarations publiques, des conseils et la mise en commun de l’expérience acquise dans l’organisation d’enquêtes complexes. Une mobilisation de ressources extérieures (pour augmenter la capacité en matière d’enquête ou de logistique par exemple) peut en faire partie également, par le biais du réseau que la Cour s’efforce de constituer avec les États et les organisations internationales. 3.2.6 Le partage des tâches Il se peut que dans certaines situations la Cour et un État territorial conviennent qu’une division consensuelle du travail représente la façon la plus logique et la plus efficace d’appliquer la justice pénale. Les efforts judiciaires conjugués aux niveaux nationaux et internationaux ont 26
  • 33. Mécanismes de la justice transitionnelle vraisemblablement un impact plus grand dans la lutte contre l’impunité, particulièrement dans des situations de crimes commis à grande échelle. Alors que le Bureau ciblerait normalement ses efforts sur les personnes qui portent la responsabilité la plus lourde pour les crimes les plus graves, les États concernés pourraient décider de poursuivre d’autres suspects. Il convient également de garder à l’esprit que les poursuites engagées par une cour internationale perçue comme étant neutre et impartiale peuvent constituer un avantage important dans des sociétés qui sont profondément divisées par un conflit ou en sortent tout juste. 3.2.7 Une démarche globale Nous convenons que dans les pays qui sortent de situations où des crimes ont été commis à grande échelle, rendre justice aux victimes passera souvent par différentes mesures prises dans le cadre d’une démarche globale. Comme je l’ai mentionné plus haut, les stratégies en matière de justice transitionnelle peuvent comprendre des formes nouvelles ou traditionnelles de responsabilité, de recherche de la vérité, de réparations et de vérification et de filtrage de la fonction publique (vetting). Selon la situation et en prenant en considération les vues et les intérêts des victimes, l’association d’efforts judiciaires et non judiciaires peut constituer une réponse globale au besoin de justice, de paix et de réconciliation. Cependant, particulièrement en ce qui concerne les personnes qui portent la responsabilité la plus lourde pour les crimes qui relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale, l’impunité en matière de procédure pénale ne peut plus être une option. 27
  • 34. La justice transitionnelle dans le monde francophone 28
  • 35. Mécanismes de la justice transitionnelle 3.3 Le système gacaca au Rwanda : avantages et limites Joseph Sanane Chiko 3.3.1 Introduction D’avril à juin 1994, le génocide rwandais a fait près d'un million de morts, aggravant le clivage entre les deux principales communautés du pays, les Hutus et les Tutsis. Après la victoire militaire du Front patriotique rwandais (FPR), le gouvernement a inscrit dans ses priorités la réconciliation et la lutte contre l'impunité, conditions sine qua non de la reconstitution du tissu social déchiré. La réconciliation étant un long processus, les autorités ont engagé un débat afin d'arrêter des stratégies cohérentes pour atteindre cet objectif. Il est évident que le choix entre l'amnistie, les poursuites pénales et une commission de vérité, après des violations graves des droits de l'homme, est difficile à opérer. Certains analystes soutiennent que ce choix doit être déterminé par l'héritage du passé, les rapports de force au service de la société, la culture et l'origine des crimes1. Chacun de ces mécanismes de justice transitionnelle a ses avantages et ses limites, mais un choix résultant d'une large concertation, accepté par tous les acteurs, a plus de chance de produire les effets escomptés. Dans un premier temps, les autorités rwandaises ont opté pour les poursuites pénales en vue de régler le contentieux généré par le génocide. Vers la fin de l'année 1999, quelque 2 500 personnes avaient été jugées par les chambres spécialisées créées par la Loi organique n° 08/96 du 30 août 19962 au sein des tribunaux de première instance. Au même moment cependant, 120 000 détenus attendaient leurs procès, alors que la justice rwandaise était complètement paralysée. Il fallait donc augmenter la capacité de la justice. C’est pour cette raison qu’a été adoptée en 2001, la première Loi organique sur les juridictions gacaca3. ______________________ 1 HUYSE, Luc , VAN DAEL, Ellen, « Justice après des violations graves des droits de l'homme », in Choix entre l'amnistie, la commission de vérité et les poursuites pénales, K.U.L, janvier 2001, pp. 10-11. 2 Loi organique n° 08/96 du 30 août 1996 sur l'organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité, commises à partir du 1er octobre 1990. 3 Loi organique n° 40/2000 du 26 janvier 2001 portant création des juridictions gacaca et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité commises entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994. 29
  • 36. La justice transitionnelle dans le monde francophone 3.3.2 Fonctionnement des juridictions gacaca 3.3.2.1 Composition Les juridictions gacaca4 constituent un système hybride, fondé sur une institution de droit coutumier, qui intègre simultanément des concepts propres au droit écrit dans le code pénal et la procédure pénale. Tout en s'appuyant sur les vertus « de la mise en débat » d'une affaire qui déchire la communauté, le système prévoit des jugements et des sanctions5. Les Gacaca sont conçues comme une justice participative devant permettre : • D'établir la vérité sur ce qui s'est passé lors du génocide ; • D’accélérer le cours de la justice ; • De mettre un terme à la culture de l'impunité ; • De réconcilier les Rwandais. Initialement, un total de 10 684 juridictions gacaca devaient être créées, à raison d'une juridiction par cellule (soit 8 987 juridictions, la cellule étant la plus petite unité administrative du pays), par secteur (1 530), par commune (154, aujourd’hui les districts) et par préfecture (13, aujourd’hui les provinces). Selon les termes de la Loi organique n° 40/2000 sur les Gacaca, une juridiction gacaca de cellule, une juridiction gacaca de secteur et une juridiction gacaca d'appel au niveau de chaque secteur ont été créées. La juridiction de cellule comprend une assemblée générale, un siège et un comité de coordination. La juridiction du secteur, qui a en son sein une juridiction d'appel, est composée d'une assemblée générale, d'un siège et d'un comité de coordination. L'instance compétente pour désigner les membres du siège l'est aussi pour leur remplacement. L'assemblée générale de la juridiction de cellule (article 6) est composée de tous les habitants de la cellule âgés d'au moins 18 ans. Lorsqu'il apparaît que dans une cellule donnée le nombre d'habitants âgés de 18 ans ou plus n'atteint pas 200, cette cellule peut être fusionnée avec une autre cellule du même ______________________ 4 « Gacaca » signifie « herbe » en kinyarwanda, et par extension « la justice sur l’herbe ». Ce mot désigne l'endroit où une communauté locale se réunissait traditionnellement pour trouver une solution aux litiges opposant les membres d'une même famille, plusieurs familles ou les habitants d'une entité. 5 Avocats Sans Frontières, Vade-mecum : les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité devant les juridictions ordinaires du Rwanda, Kigali et Bruxelles, 2004, p. 68. 30
  • 37. Mécanismes de la justice transitionnelle secteur pour former une juridiction de cellule. Il en est de même lorsqu'il est constaté que le nombre requis de personnes intègres (voir plus bas) n'est pas atteint. Quand les cellules fusionnées ne parviennent pas à réunir le nombre requis de personnes intègres et que dans ce secteur il n'y a pas d'autres cellules, ces cellules sont fusionnées avec celles du secteur voisin. Les secteurs dont les cellules sont fusionnées sont à leur tour mis ensemble. La décision de fusion de cellules est prise par le Service national chargé du suivi, de la supervision et de la coordination des activités des juridictions gacaca, à son initiative ou sur demande du maire du district ou de la ville. Aux termes de l’article 7 de la Loi organique n° 40/2000, l'assemblée générale du secteur est composée des organes suivants : • Les sièges des juridictions gacaca des cellules du secteur ; • Le siège de la juridiction gacaca du secteur ; • Le siège de la juridiction gacaca d'appel. L'assemblée générale du secteur choisit en son sein neuf personnes intègres qui forment la juridiction gacaca d'appel et cinq remplaçants, ainsi que neuf personnes intègres qui forment le siège de la juridiction gacaca du secteur et cinq remplaçants. Ces élections sont organisées et dirigées par la Commission nationale électorale. Selon les termes de l'article 14 de la Loi organique n° 40/2000, est élu Inyagamugayo ou « personne intègre » tout Rwandais remplissant les conditions suivantes : • N'avoir pas participé au génocide ; • Être exempt d'esprit de divisionnisme ; • N'avoir pas été condamné par un jugement à une peine d'emprisonnement de six mois au moins ; • Être de bonne conduite, vie et mœurs ; • Dire toujours la vérité ; • Être honnête ; • Être caractérisé par l'esprit de partage de parole. Ces critères ne sont pas objectifs et ils sont difficilement applicables, car les concepts de divisionnisme, d'honnêteté et d'esprit de partage de parole ne sont pas précisés par la législation sur les Gacaca. Il s'agit en réalité de notions politiques qui donnent souvent lieu à des abus et à des règlements de compte au niveau local. 31
  • 38. La justice transitionnelle dans le monde francophone 3.3.2.2 Compétences Le principe de la catégorisation des personnes accusées de crime de génocide et d'autres crimes contre l'humanité commis au Rwanda entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 a été instauré par la Loi organique n° 08/96 du 30 août 1996, qui porte sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité, commises à partir du 1er octobre 1990. Il était en effet apparu que les qualifications classiques du droit pénal rwandais et les échelles de peines qu'il prévoyait n’étaient pas adéquates en ce qui concerne la responsabilité des personnes qui avaient, à des degrés divers, pris part aux massacres. Cette loi créait quatre catégories d'infractions par rapport auxquelles devaient être classées des personnes soupçonnées d'avoir participé à la conception ou à l'exécution d'actes de génocide. Une nouvelle loi, la Loi organique n° 16/2004 a ramené ces catégories au nombre de trois6 : Catégorie 1 : • La personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les planificateurs, les organisateurs, les incitateurs, les superviseurs, les encadreurs du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité, ainsi que ses complices ; • La personne qui, agissant en position d'autorité au niveau national, au niveau de la préfecture, au niveau de la sous-préfecture ou de la commune, au sein des partis politiques, de l'armée, de la gendarmerie, de la police communale, des confessions religieuses ou des milices, a commis ces infractions ou a encouragé les autres à les commettre, ainsi que ses complices ; • Le meurtrier de grand renom qui s'est distingué dans le milieu où il résidait ou partout où il est passé, à cause du zèle qui l'a caractérisé dans les tueries ou la méchanceté excessive avec laquelle celles-ci ont été exécutées, ainsi que ses complices ; • La personne qui a commis les actes de torture quand bien même les victimes n'en seraient pas succombées, ainsi que ses complices ; ______________________ 6 Article 51 de la Loi organique n° 16/2004 du 19 juin 2004 sur l'organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l'humanité, commises à partir du 1er octobre 1990. 32
  • 39. Mécanismes de la justice transitionnelle • La personne qui a commis l'infraction de viol ou des tortures sexuelles ainsi que ses complices ; • La personne qui a commis les actes dégradants sur des cadavres, ainsi que ses complices. Catégorie 2 : • La personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les auteurs, coauteurs ou complices d'homicides volontaires ou d'atteintes graves contre les personnes ayant entraîné la mort, ainsi que ses complices ; • La personne qui, sans intention de donner la mort, a causé des blessures ou commis d'autres violences graves auxquelles les victimes n'ont pas succombé, ainsi que ses complices ; • La personne ayant commis d'autres actes criminels ou de participation criminelle envers les personnes sans l'intention de donner la mort, ainsi que ses complices. Catégorie 3 : • La personne ayant seulement commis des infractions contre les biens, etc. Les tribunaux de première instance (juridiction ordinaire) sont compétents pour juger les auteurs présumés relevant de la première catégorie. Les juridictions gacaca sont compétentes pour juger les personnes soupçonnées d'infractions de catégories 2 et 3 selon la Loi organique de 2004 (2 à 4 sous la loi précédente de 1996). Une catégorisation « provisoire », opérée en phase préjuridictionnelle par les juridictions gacaca de cellules, détermine la compétence matérielle. Les juridictions gacaca de secteur sont habilitées à juger les personnes classées en deuxième catégorie, tandis que les juridictions gacaca de cellule sont compétentes pour juger les personnes placées en troisième catégorie. Le législateur a appliqué, en matière de compétence, une règle de bon sens : « qui peut le plus peut le moins ». La juridiction saisie de faits qui devraient en réalité relever de la compétence d'une juridiction inférieure reste saisie et tranche sur le fond. 33
  • 40. La justice transitionnelle dans le monde francophone En revanche, aucune juridiction ne peut outrepasser ses compétences normales. Par exemple, la juridiction gacaca de cellule qui constate que les faits dont elle est saisie relèvent en réalité de la première catégorie doit renvoyer le dossier au Ministère public afin que celui-ci saisisse la juridiction ordinaire compétente. Nous avons souligné que le système gacaca est hybride en ce sens qu’il combine des éléments de la justice classique et de la justice traditionnelle. A ce titre, les juridictions gacaca peuvent interroger les témoins à charge et à décharge et assigner toute personne devant apporter des éclaircissements au tribunal. Elles peuvent ordonner des perquisitions et délivrer des mandats de justice. Elles peuvent enfin ordonner une détention préventive. Ces compétences sont dévolues au Comité de coordination. L'article 12 de la Loi organique n° 16/2004 circonscrit les attributions du Comité de coordination : 1. Convoquer, présider les réunions et coordonner les activités du siège de la juridiction gacaca ; 2. Enregistrer les plaintes, les témoignages et les preuves déposés par la population ; 3. Recevoir les dossiers des prévenus ; 4. Enregistrer les déclarations d'appel formées contre les jugements des juridictions gacaca ; 5. Transmettre à la juridiction gacaca d'appel les dossiers dont les jugements sont frappés d'appel ; 6. Rédiger les décisions prises par les organes de la juridiction ; 7. Collaborer avec les autres institutions pour mettre en application les décisions de la juridiction gacaca. Les assemblées générales se réunissent une fois par mois. La présence de tous les membres y est devenue obligatoire depuis peu. Chaque assemblée générale élit pour une année les membres du siège et les personnes à déléguer à la juridiction gacaca immédiatement supérieure. Le siège de la juridiction gacaca de cellule établit, avec le concours de son assemblée générale, les listes des auteurs présumés du génocide ainsi que des biens endommagés. Il prend acte des offres de preuves et mène des enquêtes sur les dépositions des témoins. Toute personne qui refuse ou omet de témoigner fait l’objet de poursuites et encourt une peine d'emprisonnement de douze mois à trois ans dont la moitié est commuée en travaux d'intérêt général. 34