Idem est un magazine sur le handicap édité par la MDPH (Maison des Personnes Handicapées) de l'Eure. Pourquoi "Idem" ? Parce que nous sommes tous semblables, en dépit de nos singularités. Parce que ce qui nous rapproche est plus important que ce qui nous différencie. Dans ce magazine, une large place est laissée aux témoignages de personnes handicapées, afin de refléter la diversité des situations de handicap, mais aussi de faire mieux comprendre leurs envies, leurs révoltes, leurs difficultés, leurs passions.
L'objectif de ce magazine est de contribuer à changer le regard porté sur le handicap.
2. 2 | idem
L
a loi du 11 février 2005 a institué la créa-
tion des Maisons Départementales des
Personnes Handicapées (MDPH), au
sein desquelles œuvrent conjointement
le Département, l’Education Nationale,
la CAF, l’ARS, la CPAM, l’Etat et les associations
représentatives du champ médico-social et du han-
dicap. Pour la première fois, les représentants des
associationsdespersonneshandicapéesonteudroit
à une présence significative et à un statut décision-
naire.
Au-delà de ce caractère très novateur d’approche
delaproblématiqueduhandicapdansnotresociété,
il convient de souligner l’aspect symbolique extrê-
mement fort qui a consisté à imposer le terme «han-
dicap» dans l’appellation d’une structure gérée par
une collectivité territoriale.
Bien sûr, tout n’a pas été facile. Bien sûr, il a fallu
que des structures, des organismes, des entités aux
cultures différentes cohabitent et apprennent à tra-
vailler ensemble.
Il n’en reste pas moins que, depuis 2005, l’action,
la visibilité, la légitimité de la MDPH de l’Eure
sont devenues indiscutables et il convient de noter
l’excellent classement de la MDPH 27 comparée à
celles du territoire national. Un travail considérable
et positif a été réalisé et un dialogue réel et stable
s’est instauré entre les associations représentatives
du handicap et les autres partenaires, en particulier
le Conseil Général.
Au-delà de son action quotidienne au service des
personneshandicapées,lerôledelaMDPHestaussi
de sensibiliser le grand public aux thématiques du
handicap et de favoriser l’intégration des personnes
handicapées dans la société.
C’est la raison d’être de ce magazine annuel,
que nous avons intitulé « Idem ». Parce que nous
sommes tous semblables, en dépit de nos singulari-
tés. Parce que ce qui nous rapproche est plus impor-
tant que ce qui nous différencie.
Dans ce magazine, nous avons voulu laisser une
large place aux témoignages de personnes handi-
capées, afin de refléter la diversité des situations de
handicap, mais aussi de faire mieux comprendre
leurs envies, leurs révoltes, leurs difficultés, leurs
passions.
Nous avons également souhaité mettre en avant
les actions des associations de personnes handi-
capées et des structures qui agissent sur le terrain,
dans l’Eure.
Nous espérons que ce magazine contribuera à
changer le regard porté sur le handicap.
édito
Directricede la publication:
AndréeOger
Conceptionéditoriale
et rédactionenchef :
MarianneBernède
Journalistes :MarianneBernède,
ClémenceLamirand,FlorenceRaynal,
LaurentTastet,FrançoiseVlaemÿnck
Photographies :PhilippeDutel
saufmentionscontraires
Créationgraphique
et réalisation :
BertrandGrousset/4m2t
Impression:VertVillage–Evreux
Tirage15000exemplaires
DirecteurdelaMDPH27:
JeanMarieMarchand
Unremerciementtoutparticulierà
touteslespersonnesquiontacceptéde
témoignerpourcemagazine
4 histoires
de vie
14 c’est ma
passion
18 infos
24c’est
mon métier
quandl e
s’invite d
Idem, adverbe (i-dèm’). Terme emprunté du latin id
(Degaucheà droite)
JeanLouis
Destans,
PrésidentduConseil
généraldel’Eure
AndréeOger,
Vice-présidente
duConseilgénéral
del’Eure,Présidente
delacommission
exécutivedelaMDPH
del’Eure,
Michel-Edouard
Doucet,
Présidentdel’URAPEI
Haute-Normandie,
pour l’ensembledes
associationspartenaires
delaMDPH
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3. idem | 3
dl ehandicap
e dansla famille
28mes
obstacles
au quotidien
30handicap
travail
32 handicap
scolarité
34 voir
le handicap
autrement
36 proches
aidants
38Des
structures
ouvertes au
handicap
41 nos
partenaires
associatifs
6
in idem, qui signifie « le même »
LAMDPH
SUR LEWEB
La MDPH de l’Eure
lance son site internet
O
util interactif complémentaire du magazine an-
nuel Idem, le site de la MDPH 27 se veut simple
etattractif.Sonobjectifestavanttoutd’apporter
les informations pratiques dont les personnes
en situation de handicap et leurs proches ont
besoin.UneprésentationdelaMDPHpermetdemieuxcom-
prendre son fonctionnement, ses missions, son organisation.
Le formulaire de demande auprès de la MDPH est télé-
chargeable sur le site.
Grâce à la rubrique « questions fréquemment posées », il
est possible d’obtenir une réponse rapide à de nombreuses
questions.
Les informations pratiques sont organisées par rubriques :
adulte, enfant, besoin d’une carte…
Toutes les aides et prestations destinées aux personnes
handicapéesetgéréesparlaMDPHsontexpliquéesendétail.
Mais on peut aussi trouver des informations sur les héberge-
ments et les lieux de vie, les organismes dédiés à l’accompa-
gnement vers l’emploi, les établissements spécialisés pour les
enfants, les aides à la scolarité et au transport, etc.
Enfin, des histoires de vie représentatives de situations
prises en charge par la MDPH permettent de découvrir le
soutien financier, matériel ou humain qui peut être apporté
selon les cas.
www.mdph27.fr
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4. 4 | idem
Histoires
de vie
C’
est une histoire
qui peut malheu-
reusement arriver
à tout le monde.
Un accident de la
vie, comme on dit. A quelques an-
nées de la retraite, Alain Cuvillier
souffraitdeherniesdiscalesquioc-
casionnaient des douleurs insup-
portables. « J’ai été opéré trois fois.
Les deux premières opérations n’ont
rien résolu, mais la dernière inter-
vention a carrément raté : la dure
mère a été ouverte deux fois, donc
le chirurgien m’a coupé les muscles
et les nerfs de la jambe droite. Je n’ai
plusaucunesensibilitéauniveaudu
pied droit, je ne peux plus le bouger.
Je ne peux plus marcher car je n’ai
plus d’équilibre. Je me déplace avec
une canne, difficilement. Et j’ai tou-
jours mal dans le dos. »
M. Cuvillier a passé deux ans
en centre de rééducation. « C’est le
docteur de ce centre qui m’a dirigé
verslaMDPH.Jeneconnaissaispas
du tout. Quelqu’un qui est en bonne
santé ne pense pas à ça. Quand on
n’est pas confronté au handicap, on
ne s’y intéresse pas. »
A son domicile, Alain Cuvillier
avaitunesalledebains,maispasde
douche. « Je ne pouvais plus entrer
ni sortir de la baignoire. » Un réa-
ménagement était indispensable.
« Mais je n’avais pas les moyens
d’assumer ces travaux. Je suis en in-
validité depuis les premières inter-
ventions chirurgicales. J’ai engagé
en 2010 une action judiciaire contre
l’établissementoùj’aiétéopérémais
c’est très long, ça n’avance pas. »
Il a donc déposé un dossier à la
MDPH pour un aménagement de
sa salle de bains. « Une ergothéra-
peute est venue chez moi. Elle a pré-
conisé l’installation d’une douche
italienne avec des barres d’appui et
un siège, ainsi qu’un carrelage anti-
dérapant. » Trois mois environ se
sont écoulés entre la demande et
la réalisation des travaux et, dans
le cas de M. Cuvillier, il n’est resté
que 20 % du montant à sa charge.
Le plombier a parfaitement res-
pectéleplanréaliséparl’ergothéra-
peute.« C’est fantastique, s’exclame
M. Cuvillier. Je ne glisse pas, je n’ai
plus peur. Je suis pleinement satis-
fait de l’aide que j’ai reçue. »
marianne bernède
La MDPH au service
des personnes handicapées
«J’aigagnéenautonomie»
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5. idem | 5
N
athalie Micheletti est
la dynamique prési-
dente de l’association
Avenir Dysphasie
Eure (AAD 27). Elle
est aussi, et avant tout, la maman
de Leslie, 18 ans, qui souffre de
dysphasie, dyslexie et dysortho-
graphie. Des handicaps invisibles,
encore mal diagnostiqués et que
lesparentsontsouventdesdifficul-
tés à faire reconnaître et prendre
en compte dans le parcours sco-
laire de l’enfant. La dysphasie, un
trouble structurel de l’apprentis-
sage et du développement du lan-
gage, toucherait pourtant 2 % de la
population, soit plus d’un million
de personnes en France.
Se battre
sans fléchir
Lorsque le problème de Leslie a
été diagnostiqué à l’âge de 5 ans,
la famille habitait dans le sud de la
France. « A l’époque, je ne connais-
sais rien sur les droits, je ne savais
pascequ’ilfallaitfaire»,sesouvient
Nathalie. Elle s’est battue pour que
sa fille puisse suivre une scolarité
normaleenbénéficiantdesaména-
gements nécessaires. Cela n’a pas
été une mince affaire. « Beaucoup
de mamans arrêtent d’ailleurs de
travailler ou passent à temps par-
tiel pour s’occuper de leur enfant »,
explique Mme Micheletti, qui a
dû assurer elle-même temporaire-
ment l’éducation de sa fille, désco-
larisée de l’école primaire pendant
deux ans et demi.
Depuis son déménagement à
Évreux il y a quelques années, Na-
thalieatrouvéunsoutienauprèsde
la MDPH. « Ils se sont bien occupé
du dossier de Leslie, ils ont toujours
été attentifs à ses besoins. » Un pro-
jet personnalisé de scolarisation
(PPS) a été mis en place pour l’en-
trée de la jeune fille en 3ème avec
une auxiliaire de vie scolaire (AVS)
9 heures par semaine et une dis-
pense d’anglais, matière que Leslie
n’arrivait pas à suivre à cause de sa
dysphasie. « Mais j’ai dû me bagar-
rer avec le principal du collège qui
ne voulait pas reconnaître le PPS »,
précise la maman.
Le lycée,
un passage difficile
L’entrée en seconde a été une
épreuve pour Leslie. « Il a fallu
qu’elle s’habitue à une nouvelle au-
xiliaire de vie scolaire. D’autre part,
certains professeurs font beaucoup
d’efforts mais quelques-uns sont
récalcitrants. Une enseignante par-
lait trop vite, donc impossible pour
Leslie de noter. Une autre refusait
de donner des copies écrites de ses
cours. Ma fille s’est épuisée à tra-
vailler. Et puis elle supportait mal
leregarddesescamaradesdeclasse,
car son handicap n’était pas com-
pris. » Mme Micheletti déplore que
la thématique du handicap ne soit
pas intégrée dans les programmes
d’éducation civique ou d’édu-
cation à la santé. « On parle de la
drogue, de l’alcool, de la sexualité,
mais le handicap, on ne connaît
pas ! »
Peuaprèssarentréeen1ère
,Leslie
a craqué psychologiquement. Elle
a décidé de poursuivre son année
scolaire par correspondance. La
jeune fille souhaite s’orienter vers
une formation de technicienne
d’étude en bâtiment à l’ADAPT
(Association pour l’Insertion
Sociale et Professionnelle des Per-
sonnes Handicapées).
marianne bernède
Contact
AvenirDysphasie
Eure(AAD27)
aad27.famille.relais@gmail.com
www.facebook.com/
dysphasieeure.avenir
Tél:0687920151
«Nousavonstrouvéuneécoute»
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6. 6 | idem
dossier
A
gé de 14 ans, Tristan est né aux
Etats-Unis avec une infirmité mo-
trice cérébrale. Le diagnostic n’est
cependant tombé que plus tard,
en France, où ses parents avaient
décidé de rentrer, sentant, malgré les médecins,
que quelque chose n’allait pas. Après consulta-
tion de divers pédiatres et psychiatres et alors
que Tristan souffrait de problèmes d’équilibre
et de strabisme, un neurologue émit l’hypothèse
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7. idem | 7
Qu’ilsoitphysique,psychique ou mental, le handicap
d’unenfant perturbetoutela famille. Assaillis par la
tristesse,lacolère,ledéni,la culpabilité, l’anxiété, les
prochesseretrouventviteà devoirlivrer uncombatau
quotidien.Aurisquedel’épuisement. Au fildu temps et
souventavec l’aidedes associations, l’horizons’éclaircit.
qu’il avait dû manquer d’oxygène. Le dossier
médical fut alors rapatrié des USA : anoxie anté-
natale. « Tout était écrit noir sur blanc. On nous a
fait vivre deux ans et demi dans le mensonge ! »,
regrette Gabrielle Nouet, la maman de Tristan.
« Cela a été très douloureux. En fait, j’ai été sou-
lagée d’avoir un diagnostic, mais j’ai éprouvé un
énorme sentiment d’injustice. J’étais en colère…
je le suis encore. » Depuis deux ans, Tristan est
en fauteuil roulant. « On ne m’a pas non plus
informée qu’il pourrait perdre la marche. Le choc
a été énorme », poursuit Gabrielle, qui s’est arrê-
tée de travailler. Le handicap fait en effet souvent
irruption petit à petit dans la famille, par le jeu
d’annoncesdécalées,augrédel’apparitionoudu
repérage de nouveaux troubles, ravivant la dou-
leurdesprochesetlesobligeantàuneperpétuelle
adaptation.
Dans un registre différent, l’absence de dia-
gnostic affecte particulièrement les familles
confrontéesauhandicappsychique,carilestlong
àposer.«Onconstate,souventàl’adolescence,que
son enfant a des comportements différents, mais
on ne comprend pas ce qui se passe et on l’inter-
prète mal », résume Alain Triballier, animateur
de l’antenne d’Évreux de l’Unafam 27 (Union
nationale des familles ou amis de personnes
malades et handicapées psychiques). Les familles
sontdefaittrèsdéboussolées.« Ellespeuventdiffi-
cilement en parler et se voient parfois culpabilisées
carl’éducationpeutêtreconsidéréecommeétantà
l’origine des troubles », pointe l’Unafam dans un
rapportdel’Institutnationalpréventionetd’édu-
cation pour la santé (Inpes) (1). La culpabilité
est, de toute manière, un affect fréquent face au
handicap. « La honte et la culpabilité concernent
l’expérience d’avoir produit le handicap, elles sont
éprouvéesparlesparents,parlafratried’unenfant
présentant un handicap. Elles sont évidemment
aussi éprouvées par l’enfant lui-même », sou-
lignent Albert Ciccone et Alain Ferrant, psycho-
logues et psychanalystes (2). Le handicap bous-
culeeneffettoutelasphèrefamiliale.«Lesparents
sont très fragilisés. L’enfant rêvé, idéalisé, n’est pas
là et il y a une blessure narcissique. Plein de choses
vont s’entrechoquer sur deux individus blessés »,
constate Sandra Gibert, éducatrice spécialisée
au service d’éducation et de soins spécialisés à
domicile de l’Association des paralysés de France
(APF). La situation génère de ce fait — ou parce
que le handicap accapare trop l’un des conjoints
— des tensions au sein des couples, et beaucoup
finissentparexploser.
Les fratries aussi sont affectées. « La dyna-
mique familiale est difficile à trouver. Quand on
vaaudomicile,lesautresenfantssontsoittrèsdis-
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8. 8 | idem
Chacunvitlehandicapàsafaçon
“Bébé,Julienaeudes
problèmespours’asseoir
etversl’âgede9mois,un
scannerarévélédeslésionsau
cerveau.Personnenesavait
commentcelaévoluerait.Mon
épouseaarrêtédetravailler
dujouraulendemainpour
s’occuperdelui.À5ans,il
aobtenuuneplaceenIME,
celaaétéd’ungrandsoutien.
Chacunvitlehandicapà
safaçon.Nous,nousne
l’avonsjamaiscaché.Celui
deJulienestpeuapparent
physiquement,maisilne
parlepas.Surtout,iln’apas
lanotiondudanger,d’où
desaccidents.Celaimpose
unesurveillanceconstante
pourleprotégercontre
lui-même.Commeilcasse
aussibeaucoup,onaréduit
lesvisitesàlafamille,ça
nousaunpeuéloignésd’elle.
Maisleplusgênantdansle
handicapresteleregarddes
autres.Aujourd’hui,Juliena
22ans,ilrésidedansunfoyer
etrevientàlamaisontousles
15jours.C’estpournousune
deuxièmeviequicommence.
Avant2005,jenevoulais
pasm’impliquerdanslavie
associativecarmespriorités
étaientailleurs.Depuis2008,
jeprésidelesPapillonsblancs,
c’estpassionnant.”
StéphaneCléret,pèredeJulien
crets, soit très en appel, sur le mode : “Moi aussi,
je suis là !” », poursuit-elle. Tristan, lui, a un frère
et une sœur plus jeunes. « Ils vivent avec le han-
dicap, ne se plaignent pas, mais ça leur pèse car
je ne suis pas disponible comme ils le voudraient.
Le soir, je fais les devoirs avec Tristan. Les autres
passent toujours après, c’est dur », déplore Ga-
brielle Nouet.
À 12 ans Léa, elle, souffre des réactions que
suscite son frère de 9 ans atteint de surdité.
« Théo est souvent rejeté car il crie au lieu de par-
ler.Celaeffraiecertainsenfants,ellevitçatrèsmal
et pleure. Léa est aussi très protectrice », confie
Nadia Tanney, leur maman. Le risque est aussi
de surprotéger l’enfant handicapé. « Cela peut
générer un sentiment de toute puissance et freiner
son autonomie. On réalise beaucoup de soutien à
la parentalité pour que la vie familiale soit la plus
harmonieuse possible, on aide à poser les limites.
Les parents sont perdus, ils ont la réponse mais
il faut les encourager », explique Sandra Gibert.
La surprotection, c’est ce qui a poussé Gabrielle
Nouet à rompre avec quelques membres de sa
famille. « Je me bats pour que Tristan soit le plus
autonome possible, or certains déconstruisaient
tout derrière. Ils faisaient tout à sa place, il ne fal-
lait jamais le contrarier. S’il fait une bêtise, il doit
être traité comme les autres. Sinon, on en fait un
tyran et c’est dangereux pour son avenir et sa vie
sociale. » Le handicap peut ainsi avoir tendance
à isoler. C’est le cas notamment avec les schi-
zophrénies. « Stigmatisée, la maladie psychique
est difficile à accepter et à exposer, même dans sa
famille proche. Souvent, on se retrouve seul, tout
lemondefuit,c’esttrèscompliquéàgérer»,assure
Alain Triballier. La gêne, les préoccupations
constantes, le rythme imposé aux familles ne
facilitent pas non plus le maintien des relations.
Vivre avec
L’arrivée du handicap complique le quotidien
des familles sur tous les plans. Avec les troubles
psychiques, l’anxiété s’installe. « Les parents sont
en alerte permanente. Impossible de laisser ses
soucis à la porte quand on va au travail, car on
ne sait jamais dans quel état on retrouvera son
adolescent ni sa maison. La nuit, s’il se lève, on
l’écoute, cela peut perturber le sommeil. Et puis,
on s’inquiète pour son avenir », poursuit-il. Il faut
parfois enchaîner les consultations médicales,
les hospitalisations, les espoirs et les déceptions,
affronterlemanquedetactdecertainssoignants
alors que sa sensibilité est à fleur de peau. « Cer-
tains médecins ont des propos culpabilisants,
on n’a pas besoin de ça. Ou alors, ils alignent
devant l’enfant toutes ses incapacités au lieu de le
conforter en valorisant ses aptitudes », dénonce
Gabrielle Nouet. Il faut aussi lutter pour sa sco-
larité, son intégration, contre les préjugés, et as-
surer quelquefois des tâches physiques usantes :
porter un adolescent, par exemple. L’abattement,
l’épuisement guettent alors. « La fatigue s’accu-
mule, le ras-le-bol… Il faut se battre pour tout, je
sature », complète-t-elle. L’Inpes relève d’ailleurs
que « le stress et ses conséquences psychologiques
voire somatiques [sont] en tête des problèmes de
santé des aidants ». Selon le handicap, les loisirs
peuvent également devenir un casse-tête. « Le
jeune peut avoir une phobie des transports, il faut
parfois écourter les vacances… », témoigne Alain
Triballier.«Ondélaissesonconfortpersonnel.On
renonce à l’hôtel, on refuse des week-ends… pour
éviter tout problème », complète Stéphane Cléret,
président des Papillons blancs.
Mais peu à peu, souvent avec l’aide des asso-
ciations et leurs services (groupes de parole,
structures d’accueil, interventions à domicile…),
nombre de familles parviennent à mieux affron-
ter la situation. Pour autant, rappelle Stéphane
dossier
surinternet
MDPHdel’Eurewww.mdph27.fr
Ministèredesaffaires
socialesetdelasantewww.social-sante.gouv.fr
Aidehandicaphttp://eure.aide-handicap.info
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10. 10 | idem
dossier
Personnellement, je ne partage pas l’idée, courante,
de « faire le deuil de l’enfant normal ». Je préfère
qu’on reconnaisse que cet enfant a des difficultés,
qu’on ne le guérira pas et qu’il va falloir l’aider.
Queprovoquel’arrivéeduhandicapdans
la famille ? La révélation de l’existence
d’un handicap ne survient pas toujours de
lamanièredontonl’imagine.Leprocessus
de repérage peut être très progressif. La lit-
térature se focalise en effet sur le handicap
découvertàlanaissanceouavant,alorsque
beaucoupd’annoncess’effectuent«encas-
cade »quandl’enfantestplusâgé.Unjour,
la grand-mère dit : « Il ne tient pas bien
sa tête », puis l’institutrice s’étonne d’une
réactioninhabituelle…Peuàpeu,ledoute
s’immisce et les parents veulent en savoir
plus.Ensuite,ilfautsouventdutempspour
quelediagnosticsoitposé,parfoisilnel’est
jamais. On identifie les difficultés, on les
prend en compte sans en connaître forcé-
mentlacause.
Beaucoup de parents se disent choqués
delafaçondontlesannoncessontfaites :
brutalité, absence d’humanité… Il existe
encore des annonces réalisées par cour-
rier, par téléphone, dans un couloir ! Or
on sait combien il importe de préparer
psychologiquement les parents pour évi-
ter un choc brutal. Notamment, il ne faut
pas faire d’annonce grave à une personne
seule mais exiger la présence d’un proche
etéviterquel’undesparentsaitàinformer
l’autre.Celle-cidoitaussiêtreréaliséedans
un lieu intime, en prenant le temps néces-
saire. Les parents doivent pouvoir pleurer,
neriendire,réagiràleurrythme.
Comment impliquer l’enfant ? Lors de
l’annonce, on s’intéresse souvent à ce que
vivent les parents. L’enfant est alors une
sorte de spectateur de la scène. Il entend
desmotsquifontpleurersesparents;ilvoit
des médecins déstabilisés ; on lui dit : « Ne
t’inquiètepas,c’estrien »,saufquemaman
paraît triste, que papa a pris un jour de
congé, que mamie ne cesse d’appeler…
C’est un réel traumatisme. Il est indispen-
sable, à toutes les phases de découverte, de
dire quelque chose à l’enfant sur ce qui le
concerne. On évitera beaucoup de souf-
france psychique en s’adressant à lui, quel
que soit son âge. C’est aussi une aide pour
les parents. L’enfant ne doit pas être enfer-
mé dans une dyade mère-enfant mais être
pensédanssesmultiplesliensavecsonmi-
lieu familial. En particulier, la temporalité
delareconnaissancedutroubleinquiétant
n’est pas la même pour la mère, le père, les
frèresetsœursetl’enfantlui-même.
Quelle attitude adopter face à la fratrie ?
Les enfants peuvent se demander pour-
quoicepetitfrère,quin’apasl’airsibizarre
queça,mobilisetantl’attentionetperturbe
autantlafamille.Ilspeuventluienvouloir,
être inquiets… À eux aussi, il faut parler.
Mais inutile de faire de grands discours.
Il suffit de dire par exemple : « Oui, je suis
triste car ton petit frère lâche son verre et
ce n’est pas normal ». L’enfant croit tou-
joursquel’adultesaitets’ilvoitqu’ilsetait,
il imagine le pire. Il a juste besoin qu’on
reconnaisselalégitimitédesesquestionset
qu’onluiparlepourapaisersonangoisse.
Peut-on, faut-il, accepter le handicap de
son enfant ? On ne l’accepte jamais vrai-
ment mais on peut penser qu’on peut vivre
avecetnonpluscontre.Personnellement,je
ne partage pas l’idée, courante, de « faire le
deuil de l’enfant normal ». Je préfère qu’on
reconnaisse que cet enfant a des difficul-
tés, qu’on ne le guérira pas et qu’il va falloir
l’aider. Dans tous les cas, il faut du temps
pour que chacun fasse avec cette réalité. Et
le déni est, pour moi, transitoirement pro-
tecteur. Les professionnels estiment parfois
quelesparentsneréalisentpaslasouffrance
des frères et sœurs, par exemple. Mais c’est
faux.S’ilsnedisentrien,c’estparcequeleur
peine est trop grande et qu’ils ont du mal
à s’organiser pour s’occuper de tous leurs
enfants. Un jeune de 13 ans que je suis, qui
aunhandicapimportant,commenceseule-
mentàpouvoirdiremaintenantqu’ilsesait
handicapé. Il l’a toujours su au fond mais il
faisait« commesi ».Entrelefaitdesavoiret
celui de dire que l’on sait, il y a une marge,
unetemporalitéimportanteàrespecter.
Comment soutenir les parents dans cette
voie difficile ? Rencontrer un psychologue
peutêtreuneaide,maislesparentsd’enfants
handicapés peuvent souvent eux-mêmes,
ou aidés par leurs relations, répondre aux
besoins ordinaires de leur enfant. Il faut
aussi veiller à ne pas imputer au handicap
tous les malaises de la famille. Des parents
divorcent même en l’absence d’enfant han-
dicapé… Il importe de faire le distinguo
car l’enfant pourrait finir par penser qu’il a
“le mauvais œil”. Enfin, se tourner vers les
associationsdeparentspeutêtred’ungrand
secours.Toutcommel’usaged’internet,qui
permetd’échangerressentisetconseilsavec
d’autres personnes concernées. Les profes-
sionnels doivent apprendre à travailler avec
les informations véhiculées par internet et
aiderlesparents,sibesoin,àrepérerlessites
intéressants.
“Liens fraternels et handicap. De l’enfance
à l’âge adulte” (Éd. Érès, 2010). “Handi-
cap et psychopathologie de l’enfant et de
l’adolescent” (avec Jean-Philippe Reynaud,
Éd. Érès,2013).
Entretien avec Régine Scelles, psychologue et professeur
de psychopathologie à l’université de Rouen.
«Onn’acceptejamaisvraiment
le handicapd’unenfant»
Professeurdes
universitésen
psychopathologie,
responsable
dumaster2
Rechercheà
l’universitéde
Rouen,Régine
Scellesexerce
égalemententant
quepsychologue
clinicienne
dansunservice
desoinset
d’éducation
spécialiséeà
domicilepour
enfantsatteints
depathologies
diversesmotrices,
sensorielles,
métaboliques,
psychiques.
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11. idem | 11
temoignages Le handicap commence
dans le regard des autres.
«Atteintdusyndrome
d’Alport,jen’aivraiment
prisconsciencedemon
handicapquetardivement,
lorsquej’aiétéappareillé
pourmadéficienceauditive,
détectéeàl’âgede5ans.
J’avaisenviron11ansetj’avais
développéinstinctivement
destechniques,commela
lecturelabiale,pourpallier
masurdité.Monhandicap
aréellementcommencéà
meposerproblèmeen4e
.
Beaucoupdecollégiens
pensaientquej’avaisunretard
mentalcarjeleurdemandais
souventderépéter.Ilsne
faisaientd’ailleursrienpour
m’aider:ilssemettaientla
maindevantlaboucheoume
parlaientenmetournantle
dos…L’âgebête.Cefutdonc
unepériodedifficile,nonà
causedemasurditémaisde
laperceptionqu’enavaient
lesautres.L’entréeaulycée
aétéunevéritablebouffée
d’air :j’yaifaitlaconnaissance
d’adolescentsmaturesetj’ai
commencéàfaireduthéâtre.
À16ans,j’aiétésuiviau
Centrederééducationauditive
«Toutle monden’apeut-
êtrepasla chance d’être
malentendant.»
Rémi Piazzi,jeuneétudiantenlettres,
malentendantdepuisl’enfance
d’Évreux,oùj’aidéveloppé
lalecturelabialeetétéinitié
àlalanguedessignes.J’yai
surtoutrencontréd’autres
jeunesatteintsdesurdité
etcelam’abeaucoupaidé
àacceptermonhandicap.
Aujourd’hui,aprèsunbacL,je
suisinscritenlicencedelettres
modernesàl’universitédu
Havreetcelasepassetrèsbien.
Jerésidedansunlogement
étudiant,jecontinuelethéâtre
etj’écrisdesfanfictions,
dessketchshumoristiques,
desnouvelles,desanalyses
critiques…J’aimeraisensuite
metournerverslesmétiersdu
livreoudelaconservation.
Monhandicapfaitpartie
intégrantedemavie,j’ai
apprisàvivreavec.Ilnem’a
enfaitquepeugêné.Ilm’a
mêmeobligéàmesurpasser.
Leplusdurresteleregard
decertains.Maisavecle
théâtre,jeprouvequ’être
malentendantnem’empêche
pasdefairecequej’aime.Et
puislasurditén’apasquedes
inconvénients.Desvoisins
bruyants?Hop,j’enlève
mesappareilsauditifs !Une
personnevientmedéranger ?
Jeluirépondsqu’ilssonthors
service.Enfin,deparmes
difficultés,j’aieutrèstôtun
goûtpourlalecture,c’estune
richesse.Enconclusion,je
diraisquetoutlemonden’a
peut-êtrepaslachanced’être
malentendant. » fr
Mon handicap fait partie intégrante de ma vie,
j’ai appris à vivre avec. Il ne m’a en fait que peu
gêné. Il m’a même obligé à me surpasser.
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12. 12 | idem
DOSSIER
temoignages
Enfin, un jour, peiné, mon frère m’a dit maladroitement :
“À ta place, je me serais tiré une balle !“
«L’alcool,lavitesse…puis
cefutl’accident.C’était
auPortugal,uncopain
conduisait.Moncousinya
laissélavie.Àl’hôpitalde
Garchesoùj’aiétérapatriée,
lessoignantsm’ontprévenue
quemavieallaitchanger,
quej’allaisdevoirlire
beaucoup…Jenecomprenais
pas.Plustard,unmédecin
m’acarrémentlancé:“Situ
neremarchespasdansles
3mois,tuneremarcheras
jamais!”Mais,mêmelà,je
n’aipasréalisé.J’étaisdans
ledéni.C’étaittropbrutal,
tropinconcevable,j’allaisme
relever.
J’aiapprisàmanierun
fauteuil,àmetransférersous
ladouche,dansunevoiture,
j’aipoursuivimavied’ado,
passémonbac,monpermis,
gagnéenautonomie.Ilm’a
fallu4anspourmerendre
comptequejeresterais
peut-êtretoujoursenfauteuil
etc’està20ansquej’aipris
uneclaque.Unmatin,j’ai
sentiquejen’allaispasbien.
J’aiappelémesparentsqui,
divorcés,n’ontpasvoulu
voirmasouffrance.Jeme
suisalorssentietrèsseule…
avecmonfauteuil.Mon
père,c’estcommesijel’avais
déçu.Ilétaitfierdemoi,il
m’emmenaitpartout,onallait
aubal…Maintenant,j’aibeau
travailler,fairedelaplongée,
dukayak,duparachute,
voyager,c’esttoujourscomme
sijesurvivais.J’aimeraislui
direquetoutçan’estpasde
mafaute.Maisiln’écoutepas.
Iléprouvesansdoutedela
culpabilitémaisilnel’exprime
pas.Ilendevientmême
agressif.Quantàmamère,
ellearéagicommesic’était
ellel’accidentée.Elledisait:
“Pourquoimoi?”ou“Que
m’arrive-t-il?”…Certes,elle
souffraitmais,enattendant,
j’aimanquéduréconfort
dontj’avaisbesoin.Enfin,un
jour,peiné,monfrèrem’adit
maladroitement :“Àtaplace,
jemeseraistiréuneballe!”
Pourmoi,celasignifiait:“Ta
vievautmoinsquerien”.Ça
aétéduràentendre,mais
aujourd’huiilaffirmeêtrefier
demoi,ilmevoitenbattante,
commemessœurs,etçalui
donnedelaforce.
L’aideestenfaitdavantage
venuedemesamis,demes
petitscopains.Ilsm’ont
permisd’avoirunevie
socialeéquilibrée.Dèsle
début,mameilleureamie
m’aobligéeàressortiralors
que,parhonte,jenevoulais
En fauteuildepuis
l’âge de 16 ans, la
pétillanteKarine
Vieiradéborde
d’énergie. Après
avoir nié son
handicap,cette
jolie mamande
33ans a décidé
de l’accepter etde
vivre pleinement.
«Jesuis
en vie…
donc,
je vis!»
pasaffronterlesregards.
Ensemble,onarepousséles
limites.Jecontinued’ailleurs
surcettelancéepuisqueje
viensdeparticiperauRallye
AïchadesGazellesdans
ledésertmarocain(www.
rallyeaichadesgazelles.
com).Entre2008et2010,
j’aicependantdûsuivre
unepsychothérapie.J’étais
fatiguéemoralement,
physiquement,jebaissaisles
bras,j’étaisàdeuxdoigtsde
vouloirdisparaître.J’avais
tendanceàtoutrelieràmon
handicap,parexempleles
déceptionsamoureuses,
etjeperdaisconfiance.Ce
travailm’apermisdemieux
comprendremarelation
avecmesproches,quej’avais
ledroitdevivreetqu’ils
m’aimentmêmes’ilsse
taisent.Depuisdeuxanset
lanaissancedemafille,c’est
commesij’étaisrentréedans
lanormeetjelesvoism’aimer
àtraverselle.Ilssontfiers
carilsconstatentqu’elleest
épanouie,quejem’enoccupe
bien,qu’onvaauxbébés
nageurs…Jel’adoreet,pour
elle,jen’aipasledroitd’aller
mal.Toutn’estpastoujours
facilemaisjesuisenvie…
doncjevis!Mêmeenfauteuil,
onpeutêtreheureux. »fr
IDEM N1.indd 12 15/05/13 18:39
15. idem | 15
J
e viens d’avoir 26 ans et je suis ingé-
nieur mécanicien dans l’aérospatiale, à
Vernon.Jeconçoisdesmoteursdefusée
et d’avion. Je suis tétraplégique depuis
l’âgede15ans.J’étaisen3ème
aucollège
deBreteuil-sur-Iton.Jerentraisdel’écoleàmoby-
lette et une voiture m’a percuté. Le truc classique
etinévitable :lavoiturequicoupeunvirageparce
qu’elle arrive trop vite et heurte le deux-roues en
face. Fracture de la cinquième vertèbre cervicale
et deux ans de rééducation… J’ai toujours été
sportifetjeviensd’unefamilledemotards.Nous
avions deux amis qui étaient comme ça à cause
d’un accident de moto. Je « connaissais » donc
déjà le handicap. Et, immédiatement, je me suis
dit qu’il fallait y aller ! De toutes façons, je n’avais
pas le choix. Et puis à 15 ans, on ne voit pas vrai-
ment toutes les difficultés que l’on va rencontrer
par la suite. J’ai donc repris mes études deux ans
NTKRacing, lekart
pour tous enNormandie
« Sidestétraplégiquesoudesparaplégiquesveulentessayer
lekarting,nousavonslapossibilitédelesinitiersurlecircuit
d’Essay.Ets’ilssouhaitentcontinuer,nousnouschargeonsde
lesmettreenrelationaveclesbonnespersonnespourtrouver
unkart,leséquipementsetpourlaréalisationdesadaptations
surmesure ».
après l’accident, en seconde, dans un lycée ordi-
naire, et tout s’est bien passé. J’ai tout rattrapé, j’ai
continué jusqu’à bac plus 5, j’ai eu mon diplôme
d’ingénieur, et puis voilà (rires). Aujourd’hui, je
suisparalysé desquatremembresmaisj’aiquand
même une bonne motricité des bras et des poi-
gnets.Enrevanche,jenepeuxpasdutoutbouger
mes doigts. Mais j’arrive à me déplacer et à me
débrouiller au quotidien. Pas forcément tout seul
pourcertainsactesdelavie,maispourpasmalde
choses.Jesuisautonomeà80%.
Jerefused’être
réduitàdes sports
comme lasarbacane !
Dans ma famille, on aime les sports mécaniques.
Surtoutpapa,dontlavraie passionestlarestaura-
tion des motos anciennes. Ce virus, je l’ai attrapé
trèsjeune.Jefaisdelamotodepuisl’âgedecinqou
six ans ! Et même avant, puisque depuis tout petit,
j’airouléenside-car.
Le kart, c’est venu parce que faire de la moto
n’était plus possible. Très vite, pendant la rééduca-
tion,j’aivoulurefairedusport.Entantquetétraplé-
gique,onnousproposaitdefaireduping-pongou
delasarbacaneetçamesaoulait.Là,onnousprend
vraiment pour des handicapés ! Le problème, c’est
qu’un handicapé dans un sport extrême, c’est tout
desuitetrèsmalvu.« Ohlàlà !Iladéjàeuunacci-
dent, pourquoi il fait un truc pareil ?! ». Ben, parce
que c’est ma passion et que je veux la pratiquer.
Qu’ilyaitdescompétitionsdesarbacane,trèsbien,
c’est un très bon sport pour certains. Mais on ne
nousréduitqu’àçaencentrederééducationetpar-
tout ailleurs. C’est vraiment un truc qui m’énerve.
Le kart n’est pas plus dangereux qu’un autre sport
« Le problème, c’est qu’un handicapé dans un sport
extrême, c’est tout de suite très mal vu. “Oh là là ! Il a
déjà eu un accident, pourquoi il fait un truc pareil ?!” »
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16. 16 | idem
« En kart, l’accélération est plus rapide. Pour nous,
les tétras, le plus compliqué, c’est donc le maintien. »
c’est
ma
passion
si on ne fait pas n’importe quoi. Quoi qu’il en soit,
il me fallait quelque chose qui bouge. Un jour, je
suistombésurlesitedeFabriceDubois,lepremier
tétraplégique à avoir fait du karting en France et
même dans le monde. Il avait trouvé la solution :
mettre une direction assistée électrique. En gros,
quand je suis arrivé, tout était déjà fait. D’ailleurs,
monpremierkart,c’étaitlesien,jeluiairacheté.
Un sportquirevientcher
Pourunkartneuf,ilfautcompter8 000euros,etil
faut encore rajouter 2 000 euros pour la direction
assistée et les autres adaptations nécessaires. No-
tammentlabarrecintrée,reliéeaufreinetàl’accé-
lérateur, que l’on peut utiliser avec la main droite
et qui remplace les pieds. Il y a aussi la fourche au
volant qui permet de tourner avec l’autre main. Et
puis, il y a le siège. Normalement, dans un kart,
on n’est pas attaché. Mais là, on a mis un harnais
trois points que l’on serre un « max » pour qu’il
noussoutienne.Ilyamêmedesattachesauniveau
des jambes et des pieds. Parce qu’en kart, l’accélé-
ration est plus rapide dans certaines compétitions
automobilesclassiques.Pournouslestétras,leplus
compliqué,c’estdonclemaintien.
Lapremièrefoisquej’aiessayémonkart,jem’en
souviens très bien. C’était à Essay, dans l’Orne, le
plusbeaucircuitd’Europe,etc’étaittrèsviolent !Le
kart n’était pas encore réglé, il avait des pneus an-
ciensquiavaientdurci,etilacommencéàpleuvoir.
C’était une vraie catastrophe. En plus, il y avait
des gens qui s’entraînaient pour les championnats
d’Europeetjeroulaisenmêmetempsqu’eux.Jeme
suisfaitpeuràchaquemoment.Çaaccéléraittelle-
ment fort que je ne comprenais absolument rien.
Jamais au point de renoncer, mais j’ai le souvenir
d’avoirflippé.C’étaitvraimentimpressionnant.
Aujourd’hui,jetourneessentiellementàEssay,à
causedelaproximité.Parcequ’undéplacement,ça
mobilise toute une logistique derrière. Il faut déjà
deux personnes pour m’installer dans le kart. Et
puis quand on est sur un circuit, on cherche à se
dépasser, à taper du chrono, donc on sort souvent
de la piste et, dans ce cas, il faut du monde pour
nousremettresurlesrails.
Undemesmeilleurs
souvenirs estlié
àlacompétition
L’entraînement m’allait très bien, j’étais là pour
m’éclater.Jenepensaispasspécialementàlacom-
pétition. C’est Fabrice Dubois et son entourage,
dont Philippe Streiff, ancien pilote de Formule 1
et tétraplégique, qui m’ont poussé. En 2010, ils ont
mis en place une section handisport avec la Fédé-
ration française de sport automobile. La FFSA a
joué le jeu en créant une licence qui nous couvre
comme les valides, sans contrepartie financière
supplémentaire. Donc, pour la première course, je
mesuisditqu’ilfallaitquejeparticipe.Ças’estpas-
sé lors de la finale du championnat du monde de
karting et ça a surpris tout le monde. Vous lâchez
quinze handicapés avec des karts de compétition,
ils n’en revenaient pas ! Parce qu’il y avait de la ba-
tailledanstouslessens,çasepoussait…Iln’yavait
plus de potes sur la piste, on était tous des compé-
titeurs. Au début, ils avaient même peur au vu des
chronos que l’on tapait. Ils savaient que ça allait
très,trèsvite.Quandlacourses’estenfinterminée,
ilsontsoufflé.C’étaitunmomentexceptionnel !
Jepensefaire du kart
jusqu’à30ou 35ans
Maisdepuisdesannées,jeréfléchispourrevenirà
quelque chose de moins sportif, plus balade. Parce
que le kart, c’est compliqué. Il faut se lever tôt,
mettre la combinaison, se déplacer sur le circuit
avec une personne, et puis il y a le temps que mon
père doit passer avant pour préparer le kart. Au
final, pour rouler deux heures, il faut compter dix
heuresdepréparation.Jevoudraisun« truc »plus
simple,pourlequeljen’aibesoindepersonnepour
me transférer. Par exemple, adapter une Porsche
pour faire des balades le week-end. Là encore, ce
ne sera pas une question de vitesse mais de sensa-
tions. Avoir un moteur comme un Flat 6 Porsche
qui a un bruit unique ! Les moteurs font partie de
ma vie depuis tout petit. C’est en ça que le kart a
été essentiel. Mon seul regret, c’est que la musique
soit interdite en course. Sinon, je mettrais un bon
ACDC :« Highwaytohell » !
proposrecueillisparlaurenttastet
contact
NTKRacing
ntkracing@hotmail.fr
Tél :06 21 55 55 16
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17. idem | 17
I
ls avaient préparé leur voyage depuis des mois. En
août 2012, ils ont pédalé jusqu’à Londres pour assis-
terauxJeuxParalympiques.«Notreidéeestvraiment
de sensibiliser le maximum de personnes à la théma-
tiqueduhandicap,expliqueMagaliLeFloch,conseil-
lère d’animation sportive à l’origine du projet. Nous sou-
haitons montrer au plus grand nombre que les personnes
ensituationdehandicappeuvents’adonneràunepratique
sportive. » Les 28 participants, dont 9 équipages d’un duo
de sportifs valide et handicapé, ont fait six étapes dignes
du Tour de France pour se rendre dans la capitale an-
glaise. Avant de partir et tout au long de leur périple, ils
ont diffusé leur message. Evidemment, ils ont poursuivi
cette démarche d’information et de sensibilisation une
foisrentrésenFrance,latêterempliedesouvenirs.« Nous
avons connu des moments magiques à Londres, confirme
Lydie Mahé, jeune femme amputée d’une jambe qui
a parcouru les 360 kilomètres en handbike (vélo à trois
roues sur lequel on pédale avec les mains). Nous avons
aussi vécu une très belle aventure humaine. L’entraide au
sein du groupe était formidable. »
Retourd’expérience
Deleuraventureestnéunfilm.Ilssouhaitentaujourd’hui
le présenter au plus grand nombre en se rendant notam-
ment dans des écoles. « Parler du handicap à des enfants
est très pertinent car ce sont les adultes de demain, estime
Gilles Sorin, sportif handicapé qui s’est lui aussi rendu à
Londres en handbike. Les enfants posent facilement des
questions, ils sont plus à l’aise avec le handicap que les
adultes. Le dialogue est plus fluide, plus profond. » « Nous
espérons aussi que notre message passera des enfants aux
parents », ajoute Lydie Mahé.
Lors de ces interventions en milieu scolaire, ils ra-
content leur quotidien et leur pratique sportive. Des ate-
liers physiques pratiques sont également organisés. Ils
permettent aux personnes valides de se retrouver dans
la situation de personnes handicapées. « L’inverse n’étant
pas possible, ironise Gilles Sorin, 33 ans, nous proposons
à une personne valide de se mettre dans un fauteuil. C’est
plusparlantquen’importequeldiscoursetlemélangeentre
validesethandicapésestvraimentenrichissantpourtous. »
Une meilleure compréhension mutuelle : c’était l’objectif
recherché par les organisateurs de l’événement «Sur la
route des Jeux». « Il est important pour nous d’ouvrir les
portes de tous les clubs sportifs aux personnes handica-
pées », confirme Magali Le Floch.
Etdemain?
Ceux qui se sont rendus à Londres souhaitent faire per-
durer ce groupe qui a partagé une aventure incroyable.
« Nous nous sommes évidemment donné rendez-vous en
2016, s’exclame Magali Le Floch, nous verrons bien ! »
Mais ils comptent aussi continuer à sensibiliser le grand
public. « Il reste encore beaucoup à faire pour faire évoluer
les regards sur le handicap, insiste Gilles Sorin. Pour créer
une dynamique, nous devons en parler et en reparler… »
clémencelamirand
laroutedesjeuxNeuf équipages mixtes, composés d’une personne valide et d’une personne handicapée,
avaient enfourché leur vélo en été 2012, direction les Jeux paralympiques de Londres.
Aujourd’hui, ils racontent leur aventure, baptisée «Sur la route des Jeux», dans les écoles et
profitent de chaque occasion pour parler plus largement du handicap et de l’intérêt de la
pratique sportive pour les personnes handicapées.
«SurlaroutedesJeux »
versionéquitation!
Lecomitédépartementald’équitationdel’Euresouhaite,
surlemêmeprincipeque«SurlaroutedesJeux»(http://
surlaroutedesjeux.fr/),rejoindreCaenàchevalpourlesJeux
équestresmondiauxquisedéroulerontdansleCalvadosen
2014.L’occasiondereparlerdesportetdehandicap.
retour sur
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18. 18 | idem
infos
L’
Allocation aux Adultes Han-
dicapés (AAH, voir page 20)
est en principe réservée aux
personnes atteintes d’un taux
d’incapacité supérieur ou
égal à 80 %. Mais celles qui présentent
un taux d’incapacité compris entre 50 et
79 % peuvent aussi, sous certaines condi-
tions, bénéficier de cette allocation. Ces
conditions sont regroupées sous le terme
de restriction substantielle et durable
pour l’accès à l’emploi : RSDAE.
Que représentent ces cinq lettres ? Si
une personne rencontre, du fait de son
handicap, des difficultés importantes
d’accès à l’emploi et que cet état est re-
connu par la MDPH, elle peut bénéficier
de l’AAH. Dans ce cas, l’allocation est
Larestrictionsubsta
d’accèsà l’emploiUn décret sur les conditions d’attribution
de l’AAH a été publié en 2011 au Journal
Officiel, dans le but d’harmoniser l’attribution
de l’Allocation aux Adultes Handicapés sur
l’ensemble du territoire français.
Nouvelles lois, publication de
décrets… les textes législatifs
qui définissent et encadrent
les diverses aides destinées
aux personnes en situation de
handicap changent, et il est
important d’en être informé.
Eclairage sur deux évolutions
récentes.
Actualités
sociales
quoide neuf ?
Droits et prestations
IDEM N1.indd 18 15/05/13 18:39
19. idem | 19
U
n décret paru au Journal
Officielàl’été2012ainstauré
de nouvelles modalités d’ac-
compagnement des enfants
en situation de handicap en
milieu scolaire ordinaire. L’aide humaine
apportée à ces enfants au cours de leur
scolarité peut désormais être individuelle
ou mutualisée. Ceux qui ont besoin d’un
soutien à la fois dans l’accès aux activités
d’apprentissage, dans les activités sociales
et relationnelles et dans les actes de la vie
quotidienne conservent une aide indivi-
dualisée. Ceux dont la situation ne néces-
site un accompagnement que dans un ou
deux de ces domaines peuvent bénéficier
d’une aide mutualisée. Dans ce cas, un
même assistant d’éducation peut interve-
nir simultanément ou successivement au-
près de plusieurs élèves. L’aide individua-
lisée est apportée par un AVS-I (auxiliaire
de vie scolaire pour l’aide individuelle),
l’aidemutualiséeestassuréeparunAVS-M
(auxiliaire de vie scolaire pour l’aide mu-
tualisée).
Uneévaluationplus
précisepourune
décisionplus adaptée
Afin de proposer l’accompagnement le
plus adapté, les maisons départementales
des personnes handicapées (MDPH) ont
travaillé à l’amélioration de l’évaluation
des besoins des enfants, tant pour les acti-
vités liées à l’apprentissage qu’au point de
vue de la mobilité, la sécurité ou la vie so-
ciale. Cette évaluation nécessite un recueil
d’informations minutieux, auprès des pa-
rentsetdesprofesseursnotamment.
Lederniermot
pourlaCDAPH
La commission des droits et de l’autono-
miedespersonneshandicapées(CDAPH)
de la MDPH décide du type d’aide à par-
tir des éléments récoltés. D’autres mesures
peuvent également être proposées dans le
cadre du projet personnalisé de scolarisa-
tion(PPS)quiorganisetoutelascolaritéde
l’enfant : aide matérielle, aménagements
pédagogiques,etc.cl
bstantielle
Elèveshandicap:leschiffres
Laloidu11février2005avaitpourobjectifde
favoriserlascolarisationdesenfantshandicapés
enmilieuordinaire.Cettevolontés’estdéjà
traduitedanslesfaits.Ainsi,en2005,enFrance,
151523enfantshandicapésétaientscolarisésdans
unétablissementclassique.Cinqansplustard,
ilsétaient201388,soituneaugmentationd’un
tiers.Lapartdesélèvesensituationdehandicap
danslapopulationscolairegénéraleestpassée
de1,3à1,7%entre2005et2010.71%desélèves
handicapésétaientscolarisésenmilieuordinaire
en2009contre66%en2005.Enfin,enseptembre
2011,210395enfantsensituationdehandicapont
faitleurrentréedansdesétablissementsscolaires
publicsouprivés:130517enprimaireet79878
dansleseconddegré.
Al’école:aideindividuelleou mutualisée?
L’aide mutualisée permet aux élèves handicapés qui
ne requièrent pas une attention soutenue et continue
de recevoir une aide adaptée et souple au sein de leur
établissement scolaire.
accordée pour une durée maximale de
deux ans. Si la RSDAE n’est pas validée,
la personne peut faire valoir son droit à
d’autres aides, comme le RSA (revenu de
solidarité active).
Sur quels critères la commission de
la MDPH tranche-t-elle ? La CDAPH,
commission des droits et de l’autonomie
des personnes handicapées de la MDPH,
validelaRSDAEaprèsuneévaluationpré-
cise de la situation de la personne handi-
capée qui a déposé une demande d’AAH,
évaluation effectuée par une équipe plu-
ridisciplinaire. Les conséquences et effets
du handicap sur l’activité professionnelle
font partie des principaux critères. Les
contraintesliéesauxprisesdetraitements
ou aux traitements eux-mêmes sont
également pris en compte. Les données
recueillies auprès de la personne handi-
capée sont toujours comparées à celles
d’une personne valide se trouvant dans
unesituationprofessionnellecomparable.
clémencelamirand
2pointsclés
Silanotionderestrictionsubstantielle
etdurablepourl’accèsàl’emploi
estreconnue,lapersonneensituation
dehandicappeut:
•percevoirl’allocationauxadultes
handicapés(AAH)mêmesison
tauxd’incapacitéestcomprisentre
50 et 79 % ;
•bénéficierdecetteaidepourune
duréededeuxansmaximum.
Anoterqueleversementdecette
allocationestsoumisàdesconditions
administratives.
IDEM N1.indd 19 15/05/13 18:39
20. 20 | idem
infos Droits et prestations
en+Uncomplémentderessourcespeuts’ajouter
àl’AAHafindecompenseruneabsencede
revenuspourunepersonnehandicapéequinepeutplus
travailler.Unautrecomplément,lamajorationpourla
vieautonome,estégalementprévupourlesbénéficiaires
del’AAHquidisposentd’unlogementindépendant.
L’AAHenpratiqueL’allocation aux adultes handicapés (AAH)
permet de garantir un revenu minimal aux personnes en situation de handicap.
Zoom sur cette allocation.
Pour qui ? Pourpercevoirl’AAH,ilfautrésider
enFranceetavoirentre20ans(ou16ansdanscertaines
conditions)etmoinsde60ans(saufdanscertainscas).Le
tauxd’incapacitédubénéficiairedoitêtreaumoinségal
à80 %(ouentre50et79%siunerestrictionsubstantielle
d’accèsàl’emploiestreconnue–lirepage18).
Montant 776,59 €(tauxau1er
septembre2012):
c’est le montantmaximumquepeutpercevoirunepersonnequinedispose
d’aucun autrerevenu.Lemontantestvariableenfonctiondesressources
de la personneet desonconjoint.
CumulSilapersonnehandicapéeperçoitunepension
(invalidité,rented’accidentdutravail,retraite),ellepeut
bénéficierd’uneAAHréduite.Silapersonneensituationde
handicaptravailleàtempspartielparexemple,l’AAHest
calculéeenfonctiond’unepartieseulementdesesrevenus
d’activité.
Durée L’AAHestattribuéepouruneduréedeunà
cinqansrenouvelable.Cependant,silehandicapn’estpas
susceptibled’évoluer,laduréed’attributionpeutêtreplus
longue,sanstoutefoisdépasserlesdixanspourlespersonnes
ayantuntauxd’incapacitésupérieurouégalà80 %.
A qui s’adresser ? Ilfautdéposerun
dossieràlaMDPH.C’estlaCommissiondesDroitset
del’AutonomiedesPersonneshandicapées(CDAPH)
quidécidedel’attributiondel’AAH,sachantquecette
allocationestpayéeparlaCAF(Caissed’Allocations
Familiales)oulaMutualitéSocialeAgricole(MSA).
AvantagesL’AAHestinsaisissableetnon
imposable.Souscertainesconditions,lesbénéficiaires
peuventêtreexonérésdecertainestaxesetbénéficierde
tarifssociaux(abonnementstéléphoniques,électricité…)
IDEM N1.indd 20 15/05/13 18:39
21. idem | 21
L
a prestation de compensation
duhandicap(PCH)estuneaide
personnalisée qui peut être ap-
portéeauxadultesetauxenfants
handicapés. Créée par la loi du
11 février 2005, elle permet de faire face à
desdépensesspécifiquesliéesauhandicap.
Ainsi,ellepeutaideràl’aménagementd’un
véhicule,audédommagementd’unaidant
familial ou encore à l’installation d’une
rampepourfaciliterl’accèsaudomicile…
Enpratique
La PCH concerne les personnes de moins
de60ans(exceptionnellementdemoinsde
75ans).Ladécisiond’attributiondelaPCH
est prise par la Commission des Droits et
de l’Autonomie des Personnes Handica-
pées(CDAPH).
Combien ?
Le montant de la PCH varie en fonction
des dépenses prises en charge. C’est le Dé-
partement qui paye la PCH. Elle est versée
mensuellementouenplusieursfoisselonla
naturedesdépenses.
LaPCH,uneaidepourdesdépenses
directementliéesauhandicap
Témoignage
«Nousbénéficionsdelaprestationde
compensationduhandicapcarjem’occupe
demafilleauquotidien.Nousavons
dûcalculerletempsquejepasseauprès
d’elle.J’aiobtenuuneindemnisation
correspondantà5h45parjour.La
PCHnousaétéoctroyéepourcinqans.
L’assistantesocialedel’APF(Association
desParalysésdeFrance)nousabeaucoup
aidésdanstoutesnosdémarches
administrativesetdanscescalculs.»
— Jacqueline,dontlafilleest
tétraplégique.
Bonàsavoir LaPCH
n’estpas imposable. Toutefois,lemontantattribué
auxaidantsfamiliauxestàdéclarerautitredesbénéficesnon
commerciaux(serapprocherdel’administrationfiscale).
Les5voletsconcernésparlaPCH
L’attributiondelaPCHdépend
notammentdelanaturedela(oules)
difficultés(s)rencontrées.Ellepeut
prendreenchargediversesdépenses,
classéesencinqdomaines:
1 aideshumaines
(exemple:rémunérationd’un
auxiliairedevie)
2aides techniques
(exemple:appareilauditif)
3aménagementdu
logement,du véhicule
etfraisdetransport
(exemples:élargissementd’une
porte,adaptationd’unesalledebain,
surcoûtsdetransports)
4dépensesspécifiques
ouexceptionnelles
(exemple:abonnementàunservicede
téléalarme)
5aidesanimalières
(exemple:fraispourunchien
guided’aveugle)
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22. 22 | idem
Unecarte
désormais
européenne
Lacartedestationnementpour
personneshandicapéesaadoptéun
formateuropéen.Bleueetblanche,elle
présentesurlerectounlogofauteuil
roulant,unnumérodecarte,une
duréedevaliditéetlapréfecturequil’a
délivrée.Surleversofigurentlenom
etprénomdutitulaire,sasignatureet
saphotographie.Cettecartepeutêtre
utiliséedansles27paysdel’Union
européenne.
Le chiffre
2%des places de stationnement
au minimum doivent être
réservées aux personnes à
mobilité réduite
L
a carte de stationnement pour per-
sonnes handicapées permet de se
garer sur des places réservées. Cette
carteestvalablepourunepersonne,
quel que soit le véhicule utilisé.
La carte européenne de stationnement pour
personnes handicapées est attribuée à celles
et ceux qui rencontrent des difficultés pour se
déplacer. Il peut s’agir de personnes en fauteuil
roulant, de malades ayant besoin d’un appareil
fournissant de l’oxygène, de personnes qui ne
peuventpasmarchersansl’aided’untiers,etc.
En pratique
Ilfautdéposerundossieràlamaisondéparte-
mentale des personnes handicapées (MDPH).
C’est le préfet qui décide de la délivrance de
la carte, qui peut être valable pour un an ou à
titre définitif. La demande de renouvellement
doit être faite au moins 4 mois avant la date
d’expiration de la précédente carte.
La carte européenne de stationnement est
nominative et ne peut servir que lorsque son
bénéficiaire participe au déplacement.
Unecartepoursegarer
plusfacilement
Bon à savoir Il n’est plus obligatoire d’avoir été reconnu
invalide à 80 % pour obtenir la carte de stationnement
« Nous mettons toujours notre
carte juste derrière le pare-brise et
nous nous arrangeons pour que la
photo soit bien visible. Notre carte
est valable pour deux ans. Nous
ne l’utilisons que lorsque notre
enfant est dans le véhicule : cela
nous paraît évident, pourtant tout
le monde ne fait pas comme nous.
Certains l’utilisent alors que leur
proche handicapé n’est pas avec
eux... Et ne parlons même pas des
personnes qui se garent sur une
place réservée sans carte, juste
pour gagner un peu de temps ou
ne pas s’embêter à chercher une
place libre un peu plus loin !»
— Claire,mamand’unpetit
garçonenfauteuilroulant
Témoignage
infos Droits et prestations
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23. idem | 23
3Ledossier
estétudié.
Uneévaluationde
lademandeest
effectuéeparl’équipe
pluridisciplinairede
laMDPH,enlien
avecledemandeur.
5Unenotificationestadressée au
demandeur ainsiqu’auxorganismes
payeurset,lecas échéant,une information
estenvoyéeauxstructures médico-sociales
concernéesparles décisions de CDAPH.
1Lapersonneenvoieouapportedirectementàl’accueil
de laMDPHsonformulairededemandeaccompagné
despiècesjustificatives(notammentlecertificatmédical)
2LaMDPHtraitelademande,l’enregistre
etvérifiequeledossierestcomplet.
4Le dossier
est examiné
parlaCommission
des Droits et
de l’Autonomie
des personnes
handicapées,qui
rendsadécision.
Leparcoursd’unedemande
auprèsdelaMDPH
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24. 24 | idem
c’est
mon
metier
Un professionnel explique son métier au service des personnes handicapées
«S’INTéRESSERà LA
PERSONNE,PASSEULEMENT
AUHANDICAP»Évaluer le handicap d’une personne au regard des activités du
quotidien et œuvrer pour lui offrir le maximum d’autonomie : telle
est l’ambition de l’ergothérapeute. Un beau métier qui allie sens de la
relation et compétences techniques. Entretien avec Gilles Le Diberder,
ergothérapeute à l’hôpital La Musse, à Saint-Sébastien-de-Morsent.
Quelle est la spécificité de l’ergothéra-
pie ? L’ergothérapie vise à restaurer le plus
possiblel’autonomied’unpatientafinqu’il
puisse à nouveau se prendre en charge. Le
propre de cette approche est d’appréhen-
derlapersonnedanssaglobalitéetdoncde
tenircomptedeseshabitudesdevie,deson
environnementfamilial,social,profession-
nel… Autrement dit, l’ergothérapeute ne
traitepasuneprothèsedehanchemaisune
personne ayant une prothèse de hanche et
endifficultéfaceàunmilieucontraignant.
Nous évaluons les aptitudes fonctionnelles
(musculaires, articulaires…) et/ou cogni-
tives de la personne et tentons de trouver
des solutions pour qu’elle puisse regagner
descapacitésounepasenperdre.
Concrètement, comment intervenez-
vous ? Nous mettons le plus possible les
gens en situation. À l’hôpital, nous orga-
nisons des ateliers pratiques, de cuisine
par exemple, ou nous rendons visite aux
patients dans leur chambre lors de la toi-
lette pour voir avec eux ce qui leur pose
problème et envisager des solutions tech-
niques. À La Musse, nous disposons en
outre d’un appartement thérapeutique
qui nous permet, si un patient garde des
séquellesdesonaccidentoudesapatholo-
gie,d’évaluersonautonomietoutenluiga-
rantissant une sécurité maximale. Ainsi, à
partird’objectifsfixés,nousvérifionscom-
ment il gère certaines situations au plan
fonctionnel et cognitif. Est-il capable de se
déplacer, de se lever, de faire son café dans
desconditionsacceptables ?Parvient-ilàse
projetersurplusieursjours,parexempleen
programmantsescourses?Nouspouvons
même valider cela avec une sortie à l’exté-
rieur.
Dans un tel lieu, tout concourt à rassu-
rer la personne : aménagements adap-
tés, suivi par les ergothérapeutes, etc.
Comment préparez-vous le retour à la
vie ordinaire ? Tout comme les ergothé-
rapeutesdelaMDPH,nouseffectuonsdes
visites à domicile. Après avoir dressé un
pré-état des lieux au centre de rééducation
avec la personne, en nous projetant dans
son environnement, en imaginant une
journéetype,etc.,nousorganisons,àlade-
mande du médecin, une évaluation dans
son cadre de vie. Nous nous rendons avec
le patient dans son logement et analysons,
à partir de ce qu’il ne peut plus faire, tout
son quotidien. Cette visite peut être jugée
un peu intrusive car nous allons partout :
salledebains,chambre,garage,maisnous
n’imposons jamais rien. Nous réfléchis-
sons ainsi aux aménagements à envisager,
l’objectif étant de modifier le moins pos-
sible l’environnement de la personne, car
ilnes’agitpasdetransformersondomicile
enhôpital.Nousveillonsaussiàtrouverles
solutionslesmoinscoûteusespossibles.
Quels liens entretenez-vous avec la
MDPH de l’Eure ? Nous remplissons un
rôle de conseil. La MDPH peut apporter
uneaideauxpersonnesatteintesd’unhan-
dicap avant l’âge de 60 ans : cela concerne
donc également une dégradation ou
une séquelle qui surviendrait plus tard.
Lorsque, pour un de nos patients, des tra-
vauxserévèlentnécessaires,nousmontons
un dossier de prestation de compensation
ergothérapeute
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25. idem | 25
Témoignage
Unesalle de
bainsadaptée
Laurent Bercheuxestatteintd’une
pathologieévolutive invalidante.Grâce
auxconseils d’uneergothérapeute de la
MDPH,il afait réaménager une partie de
samaisonàVernon.
«Chezmoi,jemedéplace
soitenfauteuilroulant,soit
àl’aided’undéambulateur.
Dansnotremaison,lasalle
debainsétantsituéeàl’étage,
yaccéderétaitdevenutrès
difficile,voireimpossible.
Uneergothérapeutedela
MDPHestdoncvenueà
notredomicileafind’évaluer
lapossibilitédecréerau
rez-de-chaussée,àcôtéde
machambre,unesallede
bainsavectoilettes.Ensuite,
ellenousaproposédes
plansd’aménagementavec
douchedeplain-pied,lavabo
utilisableenfauteuil,wc
équipé,ported’accèsélargie…
Al’aidedesespropositions,
nousavonsensuitecontacté
desentreprisespourqu’elles
établissentdesdevis—ce
quin’apasétélapartiela
plussimple.Jusqu’audébut
destravaux,nousavonsété
enrelationconstanteavec
l’ergothérapeute,carila
fallufairedesajustements.
Aujourd’hui,lestravaux
sontquasimentachevéset
j’airegagnéenautonomie.
Parailleurs,grâceàl’aide
quenousavonsreçue,nous
n’avonsrégléque30%des
travaux.»f.vlaemÿnck
du handicap auquel nous joignons notre
compte-rendu de visite à domicile, ainsi
que des devis d’artisans. En effet, même
si nous avons des notions d’architecture,
nous faisons toujours valider nos propo-
sitions d’aménagement par des profes-
sionnels : un plombier pour s’assurer de la
possibilitédechangerdestoilettesdeplace
afin de laisser passer un fauteuil roulant,
un maçon pour créer un plan incliné, etc.
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26. 26 | idem
c’est
mon
metier
La demande est étudiée par une équipe
pluridisciplinaire de la MDPH. Celle-ci
analysenotreprojetd’aménagementetfait,
auregarddelaréglementation,unepropo-
sitiondefinancement.
La prise en charge de la personne étant
globale,letravaild’équipedoitêtreessen-
tiel?Lapluridisciplinaritéestimportante:
dans nos investigations, nous intervenons
rarement seuls. Nous exerçons sous le
contrôled’unmédecinetenlienavecdivers
professionnels : assistante sociale, psycho-
thérapeute, éducateur, psychomotricien,
qui eux aussi évaluent, par leur prisme, la
situation de la personne. L’ergothérapeute
est également amené parfois à travailler en
duo avec un autre spécialiste. Par exemple
un orthophoniste, s’il s’agit d’équiper une
personne ayant perdu l’usage de la parole
avecunmatérielparticulieretquedesaides
techniques se révèlent utiles pour amélio-
rerlacommunication.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans
l’exercice de votre profession ? Le plus
difficile, pour moi, est la sensation de ne
pastoujourspouvoirallerauboutdeladé-
marche. On réalise des visites à domicile,
on élabore des demandes de financement,
on imagine des solutions mais ensuite on
ne voit pas si les travaux réalisés sont bien
conformes à ce qui a été préconisé. Cela
peut être frustrant. Mais quand des pa-
tients reviennent en consultation, ils nous
fontdesretoursquisontgénéralementpo-
sitifs.Enfin,ilarriveque,pourdiversesrai-
sons, un logement ne soit pas adaptable et
qu’ilfailleenvisagerundéménagementou
une orientation en établissement spécia-
lisé. C’est une responsabilité pas toujours
simpleàassumer.
En résumé, quelles sont pour vous les
qualitésindispensablesàunbonergothé-
rapeute?Toutd’abord,lesensdurelation-
nel. L’ergothérapeute doit savoir écouter,
êtreenempathie,s’intéresseràlapersonne
et pas uniquement au handicap. Outre les
connaissances liées à sa formation, il doit
ensuite développer des compétences dans
des domaines spécialisés (pédiatrie, géria-
trie), ou des registres particuliers (fonc-
tions cognitives, outils informatiques). Il
doit enfin être curieux, savoir recueillir de
l’information et faire preuve d’ingéniosité.
Aujourd’hui, on parle de livres écrits par
despersonneshandicapéesavecleurspau-
pières… nul doute que là-dessous, il y a eu
desergothérapeutes!florenceraynal
Témoignage Entouteindépendance
Infirmemoteurcérébraldepuissanaissance,François Remyvit àÉvreux
depuisplusieursannées.Grâce autravail desergothérapeuteset àl’évolution des
matérielsetdestechnologies,il peut mainteniret faireprogressersonautonomie.
«Dèsl’âgede3ans,j’aiétéplacé
eninstitution.Dèsmonplusjeune
âge,j’aidoncétéenrelationavec
desergothérapeutes.Aufildu
temps,j’aivoulufairelemaximum
dechosespourdépassermon
handicapetêtreleplusautonome
possible.J’aieuunpremier
fauteuilmanuel,puisélectrique.
Cefutpourmoiunsentimentde
liberté.Jepouvaisdésormaisme
déplacerseulsansdépendred’un
« pousseur».Ensuite,j’aipuquitter
l’institutionpouremménager
dansmonpropreappartement.
Enfin,j’avaisunchezmoi!Avec
l’aided’unergothérapeute,ilafallu
l’aménager,àcommencerparla
ported’entréequ’ilétaitnécessaire
d’élargirafinquejepuissealleret
veniravecfacilité.Lasalledebains
adûaussiêtretotalementéquipée,
toutcommelestoilettesetma
chambre,notammentautourde
monlit.
Faireleschoses
soi-même
Commejevoulaism’investir
danslavieassociative,ilm’afallu
acquérirundispositifdesynthèse
vocalepourpréparer
mesinterventions
afind’êtrecompris
detous,touten
limitantmafatigue.
J’aiégalementdû
m’équiperd’un
ordinateuravec
unclavieretune
sourisspéciaux.Un
outilquimepermet
defairetousmes
courriersetmes
démarchesmoi-même.Achacune
decesétapes,j’aieurecoursaux
conseilsd’unergothérapeuteafin
d’arrêtermeschoixsurlesaides
techniquesadéquatesquime
permettaientdeconservermon
autonomieetmêmed’engagner.
Aujourd’hui,bienquelaplupartde
cesaménagementssoientachevés,
ilrestetoujoursdeschosesà
améliorer,carmasituationetmes
besoinsévoluentaufildesannées
etquelestechnologiesfacilitent
toujoursplusmoninclusiondans
lasociété.Ilrestecependantun
pointquiposeproblème:pouvoir
voyagerenFranceetàl’étranger
defaçonindépendante.Dansce
domaine,onnepeutcompter
quesurlaprisedeconscienceetla
volontédespouvoirspublicspour
changerleschoses…Enattendant,
monseulsouhaitestdevivre
pleinementmavie.Pourcela,je
peuxégalementm’appuyersurla
présenceetledévouementdemon
auxiliairedeviequi,auquotidien,
m’estd’uneaideprécieuse.»
françoisevlaemÿnck
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27. idem | 27
devenir
ergothérapeute
Coûtdelaformation
Il faut compter une centaine d’euros de frais
d’inscription au concours. En formation initiale, selon
les établissements, le coût de la scolarité varie de
1 500 € à 5 800 € par an.
salaire
La fourchette est large et dépend du
secteur d’activité : entre 1 500 € et
3 500 € euros bruts. A l’hôpital public :
1 500 € en début de carrière et 2 500 € en
fin de carrière.
Cursus
Laformationsepartageduranttrois
ansentrecoursthéoriques,sessions
pratiquesréaliséesauseindel’IFEet
stagescliniquesencentreshospitalo-
universitaires(CHU),cliniques,
associations,cabinetslibéraux…
Laformationestsanctionnéepar
undiplômed’État.Lediplômepeut
égalementêtreobtenuvialavalidation
desacquisprofessionnels(VAE)et
danslecadredelaformationcontinue.
Avec quelque 8 000 professionnels en activité, l’effectif des
ergothérapeutes a quasiment doublé en dix ans. La formation alterne
entre cours théoriques et stages sur le terrain.
Débouchésprofessionnels
Lesprincipauxsont:
•Lesétablissementsdesoins
etderééducation,lesmaisons
deretraite,lesétablissements
psychiatriques.Les
structuresdesoinsetde
maintienàdomicile,quise
développentdeplusenplus,
recrutentégalement,ainsi
quelesMDPH.
•Lesfabricantsd’appareils
d’équipementdomestique
etd’aménagementde
l’habitatfontaussiappelà
cesprofessionnelspourdu
conseiletdel’expertise.
•Enentreprise,les
ergothérapeutespeuvent
égalementintervenirpour
adapterlespostesdetravail
etformerlessalariésàdes
gestesetposturesadéquats
enfonctiondeleuractivité
professionnelle.
•Ensecteurlibéral,l’exercice
del’ergothérapiedemeure
rarecarleursprestations
nesontpasprisesencharge
parlaSécuritésociale.
Ainsi,seulsquelque500
ergothérapeutesexercenten
libéralenFrance.
Evolutiondecarrière
L’ergothérapeutepeut
accéderàdesfonctions
d’expertdansundomaine
particulier.Aprèsquatre
ansd’exercice,ilpeutaussi
entreprendreuneformation
decadredesantépuisgravir
leséchelons:assurerdes
fonctionsdecadresupérieur
desantéet,aprèsune
formationcomplémentaire,
devenirdirecteurdessoins
etdirecteurd’établissement
médico-social.
Entréeenformation
EnFrance,19institutsdeformation
energothérapie(IFE)publicsetprivés
préparentaumétierd’ergothérapeute.
Dansl’Eure,uninstitutouvrirases
portesenseptembre2013àl’hôpital
delaMusse,àSaint-Sébastien-de-
Morsent.Leconcoursd’entréedans
cesécolesestouvertauxpersonnes
possédantauminimumunBacou
équivalent.Parailleurs,certains
établissementsn’ouvrentleurconcours
qu’àdesétudiantsayanteffectuéla
Premièreannéecommuneauxétudes
desanté(Paces),la1èreannéedelicence
StapsoudelicencedeSciencesetVie.A
noterqu’ilexistedenombreusesclasses
préparatoiresauconcours.En2012,
seuls12%descandidatsontréussiles
épreuvesd’admission.85 %étaient
desbacheliersdelafilièrescientifique
etlamajoritéavaitsuiviuneclasse
préparatoire.
EnsavoirplusAssociationnationale
françaisedesergothérapeuteswww.anfe.fr
LacapacitédunouvelInstitutdeformationenergothérapie
àl’hôpitaldelaMusseestde35places.L’entrées’effectuepar
concours.Conditionsd’inscriptionsurlesite
www.larenaissancesanitaire.fr/musse.php
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28. 28 | idem
«
Je suis autonome dans l’espace
public, à condition toutefois
que je connaisse les lieux ou
que j’aie eu le temps de prendre
mes repères. Sinon, j’ai besoin
d’être accompagné. À Évreux, je n’ai pas
de difficulté pour me déplacer à pied
ou en bus car je connais bien la ville. Et
le fait d’avoir été voyant m’aide énor-
mément, d’autant que je possède une
excellente mémoire et une bonne repré-
sentation spatiale. Au fil du temps, j’ai
constatéquebeaucoupdechosesavaient
évoluépositivementpourfaciliterl’auto-
Affronterlaruenomie et la sécurité des personnes défi-
cientes visuelles dans la rue. Je pense par
exemple aux bandes podotactiles* ins-
tallées au sol et qui signalent un passage
protégé ou un arrêt de bus. De plus en
plus de feux tricolores sont également
sonorisés et indiquent parfois le nom de
la rue. Mais tous les carrefours n’en sont
pas équipés… De fait, je n’emprunte pas
toujours les trajets les plus courts mais
les moins difficiles à pratiquer. Le plus
souvent, je me fie uniquement à mon
ouïe. Ce qui implique de prendre son
temps pour analyser la circulation et
Non-voyant depuis l’âge de 36 ans, Sylvain Grille a continué d’enseigner les
mathématiques avant de prendre sa retraite. Piéton assidu, il constate cependant
que la rue est pleine de pièges qu’il n’est pas toujours aisé d’éviter.
Mes obstacles
au quotidien
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29. idem | 29
«
L’un des effets de ma maladie est
d’avoir la sensation d’être en per-
manenceunpeuivre,cequiocca-
sionne des troubles de la motri-
cité et des difficultés à conserver
l’équilibre.Danscesconditions,medépla-
cer à pied dans la rue est parfois difficile.
Par exemple, monter ou descendre un
trottoir entraîne de nombreuses ruptures
d’équilibre. Si contourner un poteau est
naturel pour la grande partie des piétons,
dévier de ma trajectoire me réclame un
gros effort de concentration ; et lorsque ce
poteau m’oblige à descendre du trottoir, ça
devient très compliqué à gérer. Idem avec
des pavés irréguliers. Il suffit que je bute
pour que mon équilibre soit rompu. Dans
ce cas, le risque de chute est réel ! Et que
dire des panneaux publicitaires plantés en
plein passage… Bref, désormais quand je
sais qu’il va me falloir marcher ou rester
deboutlongtemps,j’utiliseunfauteuilrou-
lant. Mais, là encore, ce n’est pas simple : il
faut que je sois accompagné parce que les
rues,laplupartdutemps,nesontpasprati-
cables. Mais cela me permet quand même
de renouer avec des activités que j’avais dû
abandonner, comme aller dans les musées
ou participer à diverses manifestations.
Danscessituations,eneffet,jenepeuxpas,
en même temps, me déplacer et soutenir
uneconversationcarilfautquejemobilise
ma concentration pour conserver mon
équilibre.
Uneformed’humiliation
Souvent, je perçois cette entrave à ma
liberté de circulation et à mon autonomie
commeuneatteinteàmonintimité ;jeme
sens parfois un sous-citoyen. On n’a pas
toujours envie d’être aidé ni de demander
de l’aide, même si, globalement, les gens
sont prévenants. Je vis la dépendance aux
autres comme une forme d’humiliation.
J’aimerais pouvoir faire des choses seul,
par exemple entrer dans une boulangerie
pour acheter du pain ! Mais force est de
constater qu’un grand nombre de com-
mercesdedétailsontinaccessiblesenville.
Si je peux comprendre que les petits com-
merçants n’aient pas toujours les moyens
d’investir pour aménager leur boutique,
je suis en boule lorsque je ne peux pas
accéder au guichet de ma banque ou à
celui d’une administration ! Une maman
avec une poussette ou une personne âgée
aura la même difficulté que moi. Dès lors,
prévoir des aménagements pour faciliter
la circulation et favoriser l’autonomie ne
concerne pas que les personnes handica-
péesmaisbientoutlemonde!Malgrécela,
je reste optimiste car, depuis le vote de la
loi de 2005, beaucoup de choses ont évo-
lué positivement en matière d’accessibilité.
Même si nous partons de très loin et qu’il
reste énormément à faire. » françoise
vlaemÿnck
IlrestebeaucoupàfaireA 57 ans, Luc Cassius, qui vit à Évreux, est atteint d’une
maladie neurologique rare entraînant des troubles de la
marche et de l’équilibre. Pour ce bénévole très actif de
l’association des paralysés de France (APF), se déplacer
en ville reste trop souvent un parcours du combattant.
savoir, par exemple, si l’on est dans une
rueàsensuniqueouàdoublesens.Dans
ces conditions, il faut avoir confiance en
soi pour affronter la rue. D’une manière
générale, évoluer dans l’espace public
demande d’ailleurs une bonne dose de
concentration. Si j’ai l’esprit ailleurs ou
que j’utilise mal la canne, je peux, par
exemple, me cogner dans des poteaux
implantés au milieu des trottoirs. Heu-
reusement, cela ne m’arrive pas très fré-
quemment…
Le cœur qui fait
un bond
Le plus souvent, et c’est ça qui repré-
sente un vrai danger pour les déficients
visuels, ce sont les évènements inhabi-
tuels, comme les travaux, qui ne sont
pas toujours bien signalés. Si un chan-
tier de voirie est matérialisé par des
barrières, cela ne pose pas de problème,
mais si les limites sont seulement repré-
sentées par des piquets et un bandeau
attaché en hauteur, je ne peux pas les
détecter avec une canne. Cela m’est déjà
arrivé de tomber dans une tranchée !
Les trottoirs étroits avec des poubelles
au milieu ou des voitures et deux-roues
mal garés sont aussi un vrai problème :
danscecas,jesuisobligédemarchersur
la chaussée ! Mais le plus désagréable,
ce sont les automobilistes qui, croyant
bien faire, klaxonnent pour prévenir
de leur passage. C’est très déstabili-
sant. Et, à chaque fois, mon cœur fait
un bond… Je n’aime pas trop non plus
marcher dans les « zones 30 » car il n’y
a pas de démarcation entre la chaussée
et la zone piétonne. D’ailleurs les asso-
ciations de déficients visuels militent
pourqu’ysoitaménagéunminimumde
matérialisation. Idem pour les bateaux
des trottoirs : ils sont parfois tellement
abaissés qu’ils ont disparu alors que des
normes existent et qu’elles conviennent
aussi bien aux personnes en fauteuil
roulant ou à mobilité réduite qu’à nous,
les déficients visuels. Les associations
souhaitent également que les véhicules
électriques émettent un son minimum,
car on ne les entend pas, tout comme les
vélos. Mais, heureusement, ces phéno-
mènes urbains ne se produisent pas tous
le même jour, sinon, il serait difficile de
sortir de chez soi ! » fv
* Une bande podotactile est une surface
présentant une texture que les piétons
atteints d’une déficience visuelle peuvent
reconnaître au toucher (par les pieds ou
avec leur canne blanche).
IDEM N1.indd 29 15/05/13 18:41
30. 30 | idem
handicap travail
«
Jesuisatteinted’unesurditébila-
térale depuis l’âge de deux ans.
J’ai donc suivi ma scolarité dans
des établissements spécialisés
pour sourds à Rouen et Paris. Je
suis appareillée et oralise, mais je com-
munique également en langue des signes
(LSF). J’ai une formation en comptabilité
et secrétariat administratif. Après mes
études, j’ai travaillé comme aide-comp-
table pendant deux ans puis, jusqu’en
2011, comme agent administratif à la di-
rection d’une école, mais c’était assez dif-
ficile car peu d’efforts étaient faits pour
que je m’intègre totalement.
J’ai pourtant fait le choix de continuer
à chercher un emploi en milieu ordi-
naire. Je n’ai jamais envisagé de travail-
ler en ESAT (Etablissement et Service
d’Aide par le Travail). J’avais l’impres-
sion qu’ils étaient plutôt destinés à des
personnes présentant un handicap
lourd et les tâches de production qui y
sont généralement proposées ne m’atti-
raient pas. Bref, je pensais que je ne me
sentirais pas très à l’aise dans cet univers
professionnel.
Je constate cependant qu’il est très
difficile de trouver un emploi lorsqu’on
est handicapé. Malgré la loi qui fait
obligation aux employeurs d’avoir au
moins 6 % de travailleurs handicapés
dans leur effectif, nombre d’entre eux
préfèrent payer une pénalité plutôt
que d’embaucher ce profil de salariés.
Le plus souvent, ils ont une mauvaise
opinion du handicap et de fait, je crois
qu’ils ne souhaitent pas que l’image de
leur entreprise y soit associée. Il faudrait
pourtant que les mentalités évoluent,
cela permettrait notamment de por-
ter un autre regard sur le handicap et
de mieux le comprendre, d’autant qu’il
peut survenir à n’importe quel moment
et toucher tout le monde.
Créer du lien
Depuis juillet 2012, je travaille à la
Maison départementale des personnes
handicapées (MDPH) de l’Eure. J’ai
postulé spontanément sur les conseils
de Cap Emploi, un dispositif financé
par l’Association de gestion du fonds
pour l’insertion des personnes handi-
capées (Agefiph). Je m’occupe de la ges-
tion électronique de documents. Je suis
très autonome dans mon travail et les
missions qui me sont confiées corres-
pondent parfaitement à ma formation.
Du moment que je n’ai pas à répondre
au téléphone, je n’ai pas besoin d’amé-
nagement spécifique de mon poste de
travail. En revanche, ici, mon handicap
est pris en considération. Lors de réu-
nions, par exemple, il y a désormais une
traduction écrite. Je suis rassurée de tra-
vailler dans cet environnement car mes
collègues comprennent mon handicap.
Par exemple, ils se placent bien face à
moi et ils articulent de manière à ce que
je puisse lire sur leurs lèvres. Mes condi-
tions de travail sont donc confortables
mais c’est loin d’être toujours le cas. Il
n’est pas rare en effet que des personnes
handicapées ne bénéficient d’aucun
aménagement de poste, pas rare non
plusqueleslocauxdesentreprisessoient
inaccessibles aux personnes à mobilité
réduite…
En dehors des aspects économiques,
travailler est socialement et personnel-
lement très important pour moi. Je n’ai
pas envie de rester dans mon coin, de
vivre repliée sur moi et ma petite famille
– j’ai deux enfants entendants. Travail-
ler permet, en effet, de créer du lien, de
se confronter à de nouvelles expériences
et aux autres, de s’enrichir, de sentir
qu’on a sa place dans la société et qu’on y
a toute son utilité. »
françoisevlaemÿnck
PrendresaplaceA 32 ans, Marie Kahilia mène de front sa vie
professionnelle et familiale. Pour elle, l’intégration dans le
monde du travail des personnes en situation de handicap
ne va pas de soi. Si certains employeurs font des efforts
pour intégrer ces salariés, trop se désintéressent encore
de cette question.
« Iln’estpas rare que des personnes handicapées
ne bénéficientd’aucunaménagementdeposte,ou que
leslocaux des entreprises soientinaccessibles. »
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31. idem | 31
«
De formation, je suis menui-
sier-charpentier. Mais j’avais
beaucoup de difficultés à trouver
un emploi dans cette branche
car, aux yeux des employeurs, je
n’avais pas suffisamment d’expérience.
Je me suis donc réorienté dans l’entretien
d’espacesvertspuisquej’avaisdesconnais-
sancesdanscedomaineetaussibeaucoup
de pratique. Cependant, je ne suis jamais
parvenu à trouver un emploi stable. Je
n’enchaînaisquedesCDDetdesmissions
d’intérim. Puis, il y a quelques années, j’ai
eu un accident et je suis resté hospitalisé
durant18moisavantd’entrerencentrede
rééducation. Je suis notamment resté am-
nésique pendant plusieurs mois. Tout en
poursuivant ma réadaptation, j’ai effectué
quelquesstagesenentreprisepourévaluer
mes capacités à retourner en milieu ordi-
naire. Le bilan ne fut pas très concluant.
Mon équilibre n’était pas très bon et je ne
pouvais plus porter de charge. Cela a été
dur d’accepter l’évidence. La formatrice
d’insertion sociale et professionnelle du
centre m’a alors proposé d’intégrer un
Esat.Jeconnaissaiscesstructuresdenom,
maisjenesavaispasexactementcequ’elles
faisaient.Et,commebeaucoup,j’avaisune
image assez négative du handicap. D’ail-
leurs, j’ai moi-même longtemps refusé
d’admettrequej’étaishandicapé.
Que va penser mon
employeur ?
J’ai quand même accepté de faire un
stage d’observation à l’Esat, et je dois
dire qu’à partir de ce moment-là, mon
regard sur le handicap a totalement
changé ! L’ambiance entre les collègues
et avec l’encadrement est très bonne.
Et je bénéficie d’un suivi social et pro-
fessionnel, ce qui est très sécurisant. Je
travaille dans les espaces verts, pour des
entreprises ou des particuliers qui ont
des contrats d’entretien avec l’Esat, mais
je suis en binôme. Quand je ne par-
viens pas à faire certaines tâches, mon
collègue m’aide et inversement. Par ail-
leurs, nous avons régulièrement des for-
mationssurlemaniementdumatérielet
la sécurité. Bref, je me sens plus à l’aise
dans mon travail qu’auparavant et j’ai
repris confiance en moi. Mon parcours
prouve qu’une personne handicapée, à
condition qu’elle soit soutenue et entou-
rée, peut surmonter son handicap et
faire des choses dans la vie de manière
autonome. Aujourd’hui, avec l’éduca-
teur, je prépare mon retour en milieu
ordinaire. Mais j’ai un peu d’appréhen-
sion sur les objectifs et le rendement
qui y est recherché. Les entreprises ne
réalisent pas toujours qu’un travailleur
À la suite d’un accident, Michel Quérité, 33 ans, s’est vu
reconnaître la qualité de travailleur handicapé. Il a depuis
intégré un établissement et service d’aide par le travail
(Esat) de l’association les Papillons blancs, à Évreux. Il a
pour projet de rejoindre une entreprise ordinaire dans les
prochains mois.
handicapé ne peut pas forcément four-
nir la même quantité de travail qu’un
salarié «normal». Si je n’y arrive pas, que
vapensermonemployeur:quejenesuis
pas la hauteur ? Ça me soucie. À l’Esat,
nousnesommespasconfrontésàça.On
s’entraide…» fv
Retrouverlaconfianceensoi
« Monparcours prouve qu’une personne
handicapée, à condition qu’elle soitsoutenue
et entourée, peutsurmonter sonhandicap.»
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nicolas,scolarisé
eninstitution
Ce jour-là, Nicolas, 13 ans, rentre d’une
sortiescolaire,unlargesourireauxlèvres.
Il fréquente depuis maintenant deux
ans l’Institut d’Education Motrice « La
Source » à Vernon. Auparavant, il était
scolarisé dans une école classique. Mais
sa maladie dégénérative, qui atteint les
muscles, a contraint ses parents à trouver
uneautresolutionpoursascolarité.
Nicolas a démarré son cursus scolaire
comme tous les autres enfants, dans le
Loiret. En 2006, ses parents ont déména-
gédansl’Eure,oùlejeunegarçonestren-
tré en CP. « Nous avions prévenu la maî-
tresse de Nicolas qu’il était dyspraxique
et souffrait de troubles de la coordina-
tion » se souvient Claire Dardennes, sa
maman. La même maîtresse l’a suivi
deux ans. Puis a proposé aux parents un
redoublement pour Nicolas.
Des aides mises en place
Pour son deuxième CE1, l’enfant a bé-
néficié d’un ordinateur et d’une auxi-
liaire de vie scolaire (AVS) six heures
par semaine : des aides attribuées par la
MDPH, sur avis de la commission des
droits et de l’autonomie des personnes
handicapées(CDAPH).L’annéesuivante,
Nicolas a fait sa rentrée en fauteuil rou-
lant ; l’AVSl’accompagnaitalors18heures
par semaine.Mais fatiguéparlamaladie,
UneécolepourchacunScolariserson enfant en situationde handicap pose de nombreusesquestionsaux
parents.Faut-ilprivilégierun établissementscolaire classique ou uneinstitution ?
Versquisetourner? Illustrationavec le portraitde deux enfants auxhandicapset
parcoursscolairestrèsdifférents : l’unestaccueillidans uncentre spécialisé,l’autre
passeuneheureet demieparjourdans l’école de sonquartier.
LaSource,institut d’Education
MotricedeVernon
Nicolasestdansuneclassede
neufenfantsâgésde12à16
ans.L’instituteurspécialisé
travailleavecdeuxéducatrices.
AlaSource,oncomptetrois
classeset22enfantsâgés
de5ansetdemià16ans.
L’établissementaétécrééen
1992.«Nousproposonsun
projetglobal:paramédical,
éducatifetsocial,décritle
directeurGillesCalderan,
nousajoutonségalementdans
nosprisesenchargeunvolet
socialetpsychologique.Toutse
construitautourdel’enfantqui
souffred’unhandicapmoteur
etdesesbesoins.»
handicap scolarité
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33. idem | 33
il a rencontré des difficultés pour suivre
lerythmeimposéparleprogramme.Son
maintien dans un établissement scolaire
classique s’est révélé incertain. Ses pa-
rents, conseillés par un enseignant réfé-
rent handicap, se sont alors tournés vers
le SESSAD, service d’éducation spéciale
et de soins à domicile. « Le SESSAD nous
a permis de proposer à Nicolas une prise
en charge globale et multidisciplinaire
avec un kiné, un ergothérapeute, un psy-
chologue, un psychomotricien », raconte
Claire Dardennes. « Nous n’avons pas
fait appel à eux tout de suite car nous ne
connaissions pas cette structure », ajoute
Eric Dardennes, le papa. « Pourtant, elle
nous a beaucoup apporté, et Nicolas a pu
rester auprès de ses camarades. »
Un centre spécialisé
finalement envisagé
En 2010, Nicolas a suivi son CM1 avec
18 heures d’AVS, l’accompagnement
du SESSAD et d’une orthophoniste en
libéral. Mais l’année d’après, Nicolas a dû
quitter ses camarades de classe pour re-
joindre un centre spécialisé. La décision
a été prise avec toute l’équipe éducative.
« L’école était devenue trop compliquée,
explique Eric Dardennes, et Nicolas souf-
frait de ses échecs… Cette décision a été
difficile à prendre mais nous souhaitions
que notre fils retrouve confiance en lui. »
Nicolas, délégué de sa classe, a long-
temps regretté son école et ses amis. A
la Source, il s’est trouvé confronté aux
handicaps des autres et inévitablement
à son propre handicap. « Nous pensons
aujourd’hui que nous avons fait au mieux,
même si cela n’était pas une évidence pour
nousaudébut »,analyselepèredeNicolas.
Aujourd’hui, après quelques mois dif-
ficiles et une angoisse générée par la nou-
veauté du lieu, Nicolas a pris ses marques
dans sa nouvelle classe et s’y sent bien.
« Il est heureux d’y aller, décrit Eric, il est
toujours souriant et blagueur ! »
Lamaternelleet
leCMPpourEnzo
Enzo Kiss Mombo Bokiba souffre d’au-
tisme. « Il présente en tout cas certains
signes, précise Myriam Mombo, sa ma-
man. A 5 ans, il peut dire quelques mots
mais ne fait aucune phrase. Et il est très
introverti. » Enzo partage ses matinées
entre l’école maternelle de son secteur et
le centre médico-psychologique (CMP).
Cette organisation s’est mise en place pe-
tit à petit.Il y a trois ans, la maman d’En-
zo, inquiète du comportement de son fils
alors âgé de deux ans, se rend au CMPP
(Centre médico-psycho-pédagogique).
On l’oriente vers le CMP. « Enzo y est
suivi depuis deux ans, raconte Myriam
Mombo. La directrice de l’école de mon
quartier m’a également contactée pour
medirequemonfilspouvaitêtrescolarisé.
Sans elle et ses conseils, je n’aurais pas su
qu’Enzo pouvait aller à l’école. »
Direction la MDPH
MyriamMomboentamedesdémarches
auprès de la MDPH et monte un dos-
sier avec le soutien de la directrice de
l’école. A la rentrée scolaire 2012, Enzo
découvre l’école maternelle. Il bénéfi-
cie d’une auxiliaire de vie scolaire pour
l’heure et demie qu’il passe quotidien-
nement à l’école et un chauffeur de taxi
gère ses trajets. « Aujourd’hui, le système
tourne plutôt bien », se réjouit Myriam
Mombo.
Après l’école, Enzo passe au moins
trois heures au CMP et l’après-midi,
il retrouve sa maman. « Le CMP res-
semble à une école mais les instituteurs
sont remplacés par des psychologues ou
des infirmières, décrit Myriam Mombo.
Enzo y pratique de nombreuses activités.
Une fois tous les deux mois, je fais un
point avec les professionnels du CMP, en
présence d’Enzo. Je tiens à ce que mon fils
fréquente cet établissement le plus pos-
sible, pour qu’il soit entouré. C’est très
important pour lui qui est très renfermé.
Et pour moi aussi. »
Les bienfaits de l’école
Même si Enzo a du mal à se concentrer,
à rester sur sa chaise et à ne pas se dépla-
cer dès qu’il le désire, son intégration
scolaire lui permet d’évoluer dans de
nombreux domaines. « J’aimerais bien
sûrqu’ilailledavantageàl’école,raconte
sa maman, mais avec la directrice et les
professionnels de la MDPH, nous avons
décidé de demander les mêmes horaires
pour l’année prochaine. Un accueil plus
long serait difficile pour tout le monde. Je
maintiens toutefois mon objectif de voir
mon fils aller à l’école primaire.» Pour la
maman d’Enzo, l’école est un vrai plus
pour son fils. Il lui a ramené récemment
sa première peinture. « Elle est magni-
fique, s’exclame la maman. Elle n’est
pas parfaite, mais je vois bien qu’il s’est
concentré. J’ai demandé confirmation à
la directrice de l’école : il n’a pas été aidé
pour faire son chef-d’œuvre qui est désor-
mais accroché dans ma cuisine. »
clémencelamirand
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34. 34 | idem
S
i certains pensent qu’elle
« occupe »sontempsenatten-
dant de retrouver un emploi,
d’autres la voient comme
une idéaliste. Mais ces réac-
tions ne surprennent pas cette communi-
cante, par ailleurs dotée d’un grand sens
de l’humour. Et du challenge ! Car pour
Véronique, ces attitudes sont avant tout
révélatrices du manque de culture du bé-
névolat en France, contre lequel elle milite
aujourd’hui pour faire bouger les lignes.
Rencontre avec une jeune femme au franc
parler,quiachangéderegardsurlehandi-
capens’engageant.
Qu’est-ce qui a motivé votre engage-
ment ? Pendant un an à Montréal, j’ai été
chargée de communication sur l’environ-
nement et le développement durable dans
un organisme à but non lucratif. J’y ai ren-
contrébeaucoupdejeunesquivenaientme
trouver pour faire du bénévolat. Là-bas,
c’est une deuxième nature, c’est logique. Et
ça m’a fait réfléchir. Je me suis dit que si je
rentraisenFrance,jem’engagerais.Quece
n’était pas une question de disponibilité,
qu’ilfallaitjusteavoirlecouragedelefaire.
Dès mon retour à Évreux, je suis allée voir
S’engagerpour
changer
deregardA 27 ans, après un séjour professionnel au Canada,
Véronique Guédée a choisi de devenir bénévole
auprès de l’Association des paralysés de France.
Une décision qui a surpris ses amis.
VOIR LE HANDICAP
AUTREMENT
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