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Congrès ASAC-IFSAM 2000                                                  François Brouard (étudiant)
Montréal, Québec                                                          Doctorat en administration
Canada                                                        Université du Québec à Trois-Rivières



                    QUE LA VEILLE STRATÉGIQUE SE LÈVE :
            FAISONS LE POINT SUR LA TERMINOLOGIE ET LE CONCEPT1


    La terminologie utilisée pour décrire le concept de la veille stratégique est très variée. La
    terminologie couvre deux dimensions différentes, soit le résultat et le processus, et varie
    selon les pays et la langue. Après avoir décrit le rôle et les types de veille, souligné le
    contexte historique et suggéré des termes en français et en anglais, les caractéristiques de la
    veille stratégique sont identifiées afin de s’entendre sur le concept et le définir.


                                            Introduction

Qu’elles soient économiques, politiques, technologiques ou sociales, diverses transformations
s’opèrent au sein de la société (Rondeau, 1999). Ces transformations ne sont pas nouvelles, mais elles
sont maintenant plus accélérées que jamais. Les différentes transformations, qui sont comprises sous
chaque dimension, ont une influence à des degrés divers sur les individus, les organisations, les
industries et la société en général. À titre d’exemple, mentionnons uniquement l’impact des
technologies de l’information et des communications pour illustrer les changements de
l’environnement dans lequel opèrent les individus et les organisations (Rivard et al., 1999).

Face à ces changements, les gestionnaires doivent reconnaître les mouvements de l’environnement
afin d’apporter les actions qui s’imposent (Nutt et Backoff, 1997). Au cours des dernières années,
de nombreux chercheurs se sont attardés à l’étude du changement organisationnel (Demers, 1999)
et à la stratégie (Mintzberg et al., 1999). L’importance de l’information et de la connaissance pour
effectuer ces changements sont reconnues (Hafsi et Toulouse, 1996; Jacob et al., 1997; Nonaka,
1994). Chaque entreprise doit devenir une «entreprise intelligente» possédant certaines «qualités qui
se manifestent dans son comportement global : rapidité d’action, adaptabilité à des situations
changeantes, souplesse de fonctionnement, habileté dans les relations humaines, dynamisme,
intuition, ouverture, imagination, innovation» (De Rosnay, 1995, p.258).

Jacob et al. (1997) ont identifié quatre leviers de l’apprentissage collectif. Ces leviers sont
l’apprentissage qualifiant, l’information structurante, l’information circulante et la concurrence/
coopération. L’un de ces leviers, l’information structurante, comprend le concept de veille
stratégique. La veille correspond aux activités d’anticipation des changements et ces activités se
retrouvent dans les pratiques organisationnelles tant en Asie, en Europe qu’en Amérique du Nord
(Aguilar, 1967; Kahaner, 1996). Par l’information structurante, la veille stratégique peut donc jouer
un rôle dans l’atteinte de cet apprentissage et aider les entreprises à atteindre leurs objectifs.

Toutefois, même s’il s’agit d’un moyen reconnu et utilisé pour surveiller les mouvements de
l’environnement (Subramanan et Ishak, 1998), la terminologie employée pour décrire les activités
de veille est nombreuse et confuse, et ce, tant en français qu’en anglais. Cette diversité
terminologique amène des problèmes de compréhension pour les praticiens et les chercheurs (Lesca,
1994). L’objet du présent texte vise à souligner la confusion terminologique, à proposer des
expressions françaises et anglaises reflétant les dimensions principales du concept de veille et à
présenter les caractéristiques pour définir la veille stratégique.



1
    L’auteur remercie Louis Raymond et Camille Carrier de l’UQTR et Louise Briand de l’UQAH pour les
    judicieux conseils et les encouragements.
L’étude se divise en quatre grandes sections. La première section s’attarde au contexte historique
dans lequel la veille s’est développée. La deuxième section présente les rôles de la veille et les types
de veille. Dans la troisième section, la confusion terminologique entourant le sujet est soulignée et
les termes utilisés pour décrire la veille sont classés selon qu’il s’agit d’un résultat ou d’un processus.
Le choix de l’expression «veille stratégique» est justifié. La quatrième section énumère des
caractéristiques afin de formuler une définition du concept de la veille stratégique. En conclusion,
le texte rappelle les idées développées et indique des pistes de recherche.


                                     Contexte historique de la veille

Le développement de ce concept est à la fois ancien et nouveau. Des exemples permettent de retracer
une origine plutôt lointaine. Notons simplement la légende du soldat de Marathon qui mourut pour
informer les Athéniens de leur victoire sur les Perses, les réseaux de veille développés par les Fuggers
au 15e siècle, les Rothschild au 19e siècle, la république de Venise et l’église catholique (Amabile,
1999; Dedijer, 1999). Il existe toutefois peu de travaux documentant et reliant les différents exemples
historiques de veille en dehors des travaux militaires (Dedijer, 1999). Comme l’illustre le tableau
A, qui résume les principales périodes du développement récent de la veille, ce développement
s’échelonne sur trois phases. Le développement ne s’est pas fait au même rythme dans tous les pays.

Le gouvernement japonais aurait implanté un système de veille au milieu du 19e siècle et aurait fait
du renseignement une ressource collective. Aux États-Unis, ce n’est que vers la fin des années 1950,
que les grandes entreprises ont commencé à implanter des services de veille (Jakobiak, 1998). En
France, l’engouement pour la veille n’a eu lieu que vers la fin des années 1980 (Bourthoumieu et al,
1999). L’intérêt des américains et des français seraient attribuables à une réaction face à la menace
étrangère, en particulier celle du Japon (Bourthoumieu et al, 1999; Jakobiak, 1998).



                                                  Tableau A

              Principales phases du développement récent de la veille 1960-1990

 Période             Phase                                   Particularités de la veille

            Recherche                                                peu ou pas
  1960-                                mode          orientation                       personnel =
            d’information sur les                                    d’analyse des
  1970                                 informel      tactique                          libraire / marketing
            compétiteurs                                             données

            Analyse des                                                                personnel =
                                       mode          orientation     analyse
   1980     compétiteurs et de                                                         marketing /
                                       formel        tactique        quantitative
            l’industrie                                                                planification

                                                                                       personnel =
            Intelligence de                          orientations    analyse
                                       mode                                            marketing /
   1990     l’entreprise pour des                    tactique et     quantitative
                                       formel                                          planification /
            décisions stratégiques                   stratégique     et qualitative
                                                                                       cellule de veille
Source : adapté de Prescott (1995) selon Attaway (1998)

C’est au cours du dernier tiers du 20e siècle que les processus de veille s’ancrent dans les pratiques
organisationnelles, en particulier avec les travaux d’Aguilar (1967) (Amabile, 1999). Une
constatation qui ressort du tableau A est la place importante de la fonction marketing dans le
développement de la veille et une évolution vers une analyse des données plus étendue .
Rôles et types de veille

Peu importe sous quel angle la veille est abordée, l’enjeu central «reste toujours la survie de
l’entreprise.» (Bourthoumieu et al., 1999, p.2). La prise de décision pour assurer cette survie est au
coeur des activités de veille. D’ailleurs, comme le souligne Amabile (1999, p.20) : «... il apparaît que
la plupart des auteurs justifient les activités de veille par "l’incertitude" qui caractérise
"l’environnement"».

La veille sert quatre fonctions : (1) appuyer la prise de décision stratégique, (2) servir d’avertissement
pour les occasions et les menaces, (3) évaluer les compétiteurs et les suivre, (4) appuyer la
planification stratégique et son implantation (Attaway, 1998). Le CCSE (1999) voit dans le concept
d’intelligence économique un rôle pour la cohésion sociale, pour les entreprises et pour l’État. Cette
cohésion sociale permet le maintien du tissu social par l’instauration de relations entre l’État et les
acteurs.

De leur côté, Hassid et al. (1997) identifient huit rôles à l’intelligence économique, soit : (1)
l’information comme un instrument de stratégie, (2) la logique réseau en interne et la mobilisation
des hommes, (3) la logique réseau externe pour renforcer la synergie public-privé et interentreprises,
(4) les stratégies indirectes et les ruses de l’intelligence, (5) l’usage offensif et défensif de
l’information, (6) l’information comme instrument d’influence et de lobbying, (7) la prise en compte
des facteurs culturels et (8) une gestion différente de la problématique coopération-concurrence.

Plusieurs types de veille comblent les fonctions qui lui sont attribuées. Chaque type de veille permet
de combler des besoins particuliers. Quatre types de veille peuvent être soulignés, soit : la veille
technologique, la veille concurrentielle, la veille commerciale et la veille sociétale (Martinet et
Ribault, 1989). La veille stratégique englobe l’ensemble des veilles particulières (Pateyron, 1998).
D’autres auteurs expriment des types de veille distincts qui peuvent toutefois être inclus dans les
catégories énumérées. Villain (1990) et Verna (1999) se servent du modèle de Porter (1982) sur
l’analyse de la concurrence pour distinguer les types de veille. Le tableau B illustre certains types
spécifiques de veille, leurs axes de surveillance et les forces selon le modèle de Porter (1982).


                                     Confusion terminologique

Constats sur les termes utilisés

L’analyse de la documentation portant sur la veille amène plusieurs constatations utiles pour préciser
l’objet. Une première constatation est le nombre élevé d’expressions pour exprimer ce concept. En
effet, comme le montre l’annexe A, le nombre d’expressions gravitant autour du concept de veille
est particulièrement élevé, soit plus d’une quarantaine. Une distinction est donc nécessaire pour
regrouper les expressions et leur donner un sens. Une explication à cette prolifération pourrait être
l’absence d’un cadre conceptuel accepté (Bergeron, 1997).

Une deuxième constatation nous amène à affirmer que les expressions utilisées expriment à la fois
un volet processus et un volet résultat. Bernhardt (1994) est l’un des rares auteurs à effectuer
explicitement ce constat. Comme l’indique l’annexe A, il nous semble pertinent de distinguer les
expressions selon qu’il s’agit d’un résultat, par exemple le renseignement, ou d’un processus, comme
la veille.
Tableau B

                     Axes de surveillance selon les différents types de veille

           Types de veille                             Axes de surveillance
                                           Sujets privilégiés                 Forces de Porter (1982)

                              - acquis scientifiques et technologies
               veille
                              - systèmes d’information                     produits substituts
           technologique
                              - matériaux, produits et procédés
      s                                                                    concurrents directs et
      t                       - stratégie des concurrents
               veille                                                      concurrents potentiels
      r    concurrentielle
 v
      a                       - clients
 e
      t                                                                    clients
 i
      é                       - clients communs                            et
 l
      g                                                                    fournisseurs
 l             veille         - clients et marchés
      i
 e          commerciale       - fournisseurs et main d’oeuvre
      q
      u
                              - environnement économique
      e
                              - environnement socio-culturel
                veille
                              - environnement politique et juridique
              sociétale
                              - environnement écologique
                              - démographie


Troisièmement, certaines expressions correspondent à des concepts plus généraux et englobant. Cette
constatation se vérifie au niveau du volet processus. Par exemple, les expressions «scanning» et
«veille» englobent d’autres expressions comme «environmental scanning», «veille technologique»,
«veille commerciale» et «veille compétitive» (Ashton et Stacey, 1995; Bergeron, 1995; Martinet et
Ribault, 1989; Verna, 1999). Cette constatation se vérifie aussi au niveau du volet résultat. Par
exemple, des expressions comme «business intelligence», «intelligence économique» et «intelligence
de l’entreprise» englobent des concepts plus spécifiques comme «competitive intelligence»,
«competitive technical intelligence» et «renseignement concurrentiel» (Ashton et Stacey, 1995).

Une quatrième constatation est l’évolution selon l’espace géographique. En se concentrant sur la
veille technologique, Julien (1999) illustre les différences entre les termes utilisés dans plusieurs
langues. Au Québec, l’expression «veille» semble l’expression la plus courante (Bergeron, 1995;
Jacob et al., 1997). Du côté américain, les expressions «competitive intelligence», «business
intelligence» et «environmental scanning» semblent les plus courantes. Suite à une enquête utilisant
sept appellations, Lesca (1994) conclut que les expressions «intelligence de l’entreprise» et
«perception de l’environnement de l’entreprise» devance le concept de «veille stratégique» en
France. L’État français préconise l’expression «intelligence économique», qui toutefois arrive au 5e
rang dans l’étude de Lesca (1994). Les expressions répertoriées à l’annexe A le sont pour illustrer
la diversité. Plusieurs autres expressions sont utilisées mais ne sont pas mentionnées ici (Cartier,
1998, 1999).

Une cinquième constatation liée à l’aspect temporel est l’utilisation actuelle, à quelques exceptions
près, de toutes les expressions. Il ne semble pas y avoir d’expressions qui datent et qui ne seraient
plus utilisées. Cette constatation pourrait s’expliquer par la nouveauté relative du domaine. Toutefois,
certaines expressions comme «environmental assessment», «environmental intelligence», «strategic
environmental scanning» et «strategic information scanning system» sont moins fréquentes.
Sixièmement, certaines expressions correspondent à des étapes du processus. Par exemple, les
expressions «monitoring» et «assessment» peuvent se concevoir comme des étapes d’un processus
pour arriver au résultat final (Ashton et Stacey, 1995). Aguilar (1967) distingue deux volets, soit
l’observation et la recherche. Pour sa part, Huber (1991) distingue le «noticing», le «search», le
«monitoring» et le «scanning». Ces distinctions au niveau des termes correspondent à des degrés
différents d’efforts de veille.

Une septième constatation est l’absence d’une définition généralement reconnue qui pourrait faire
l’unanimité parmi les auteurs. Cela fait en sorte de retrouver plusieurs expressions pour exprimer le
concept général de veille stratégique (Lesca, 1994). Même aujourd’hui, Aguilar (1967) constitue la
référence principale. Préparés par deux organisations importantes, deux définitions sont notables,
l’une preparée pour le gouvernement français et l’autre rédigée par la Society of Competitive
Intelligence Professionals (SCIP).

Le rapport Martre publié en 1994 en France définit l’intelligence économique comme «l’ensemble
des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation,
de l’information utile aux agents économiques» (Jakobiak, 1998, p.23).

L’association SCIP (1999) définit la veille concurrentielle comme ceci :
    «Competitive intelligence (CI) is the process of monitoring the competitive environment. CI
    enables senior managers in companies of all sizes to make informed decisions about
    everything from marketing, R&D, and investing tactics to long-term business strategies.
    Effective CI is a continuous process involving the legal and ethical collection of information,
    analysis that doesn't avoid unwelcome conclusions, and controlled dissemination of
    actionable intelligence to decision makers.»

Justification du choix des expressions «veille stratégique»et «intelligence de l’entreprise»

Compte tenu de la diversité des expressions et en l’absence d’une définition généralement reconnue,
il importe de proposer des expressions en les justifiant. Premièrement, il est important de distinguer
le processus et le résultat de ce processus. Cette distinction permet de mieux saisir les nuances au
niveau du résultat obtenu. Par exemple, Kalb (1999) établit une distinction selon plusieurs niveaux
que sont les données, l’information, les connaissances, l’intelligence, l’éclairage et la sagesse. Ces
nuances reflètent une différence dans les étapes du cycle de la veille.

Deuxièmement, l’interprétation du terme «veille», qui marque «bien l’idée de vigilance et d’attention
par rapport à ce qui existe ou ce qui s’en vient dans le secteur», est plus précise (Julien, 1999, p.1).
D’ailleurs, Prescott (1995) (selon Attaway, 1998) distingue trois grandes catégories d’activités liées
à l’intelligence, soit le renseignement militaire, la sécurité nationale et la veille stratégique. La veille
stratégique est liée aux organisations, sauf pour le rôle de protection joué de l’État.

Troisièmement, la notion de «veille» comprend différents pôles, qui sont indissociables et
indivisibles (Bergeron, 1995; Julien, 1999; Martinet et Ribault, 1989). Ces pôles peuvent être la
technologie, la concurrence, la clientèle, les fournisseurs et l’environnement général (Martinet et
Ribault, 1989). Ces pôles servent à orienter la stratégie, qui représente une finalité de l’entreprise
(Hafsi et Toulouse, 1996).


Quatrièmement, le qualificatif «stratégique» est ajouté au concept de veille pour souligner
l’importance de cette activité pour tous les membres d’une entité, incluant la haute direction.
L’information n’est pas intrinsèquement stratégique, mais elle le devient par son utilisation face à
des problèmes (Aguilar, 1967).

Cinquièmement, les deux grandes expressions françaises «veille stratégique» et «intelligence
économique» se distinguent par leur source d’inspiration. La veille stratégique est d’inspiration
universitaire et fait référence à l’information, alors que l’intelligence économique est d’inspiration
militaire et fait référence à la notion de renseignement (Pateyron, 1998). L’expression «veille
stratégique» est reconnue par divers auteurs dans des écrits récents et pourraient s’imposer (Cartier,
1998; Jakobiak, 1998; Jacob et al., 1997; Lesca, 1994; Pateyron, 1998).

Sixièmement, l’expression «intelligence de l’entreprise» et davantage générale que l’expression
«intelligence économique», qui peut être perçue comme représentant uniquement les renseignements
économiques, délaissant ainsi les autres types de renseignements fournis par tous les types de veille.

Les expressions françaises proposées sont «veille stratégique» au niveau du processus et «intelligence
de l’entreprise» au niveau du résultat. Les expressions anglaises seraient «strategic scanning»ou
«strategic monitoring» pour le processus et «business intelligence» au niveau du résultat. Les
traductions anglaises à l’égard du processus reflètent mieux l’aspect stratégique qui est absent de
l’expression «environmental scanning». L’expression «business intelligence» est plus générale que
«competitive intelligence», expression jugée restreinte à un seul type de veille, soit celle au niveau
des concurrents (Kalb, 1999).


                                 Définition de la veille stratégique

Caractéristiques pour formuler une définition de la veille stratégique

Afin de mieux cerner et définir la veille stratégique, certaines caractéristiques ou dimensions, qui
composent ce concept, sont retenues. Quatre caractéristiques sont identifiées :
        (1) finalité, (2) objet, (3) processus et (4) environnement.

Examinons brièvement chaque caractéristique.
 (1)  La finalité correspond à l’objectif poursuivi (Lesca, 1994). La finalité est liée à l’action et
      aux décisions à prendre. Cette finalité est également liée au respect des besoins des
      utilisateurs, qui sert de point de départ aux activités de veille stratégique. La réduction de
      l’incertitude représente un exemple de finalité.
 (2)  L’objet représente les changements sous observation et analyse. Les changements peuvent
      se manifester par des signaux, des événements, des tendances et des relations (Cartier, 1998).
      Des pôles ou des sujets particuliers constituent l’objet du processus de la veille stratégique
      (Bergeron, 1995; Julien et al., 1997). Il peut s’agir d’identifier les changements d’un ou
      plusieurs pôles, tels la technologie, les produits et procédés, les concurrents, les clients, les
      fournisseurs et les tendances lourdes de la société.
 (3)  Le processus correspond à la transformation nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis
      (Aguilar, 1967; Bergeron, 1995; Calof, 1997). L’anticipation des changements requiert
      d’être à l’écoute de leurs manifestations. Une méthodologie est généralement associée au
      processus de veille stratégique. Il s’agit des méthodes, outils et techniques pour réussir la
      transformation des données en information, en connaissances et en intelligence. Le choix de
      la méthodologie découle des conceptions et des théories privilégiées par le veilleur, par les
      gestionnaires et par l’organisation (Zou et Cavusgil, 1996). Le processus de la veille
      stratégique se conçoit comme une série continuelle et perpétuelle d’étapes. Ces étapes sont
      la planification, la collecte, l’analyse et la diffusion (Kahaner, 1996). Chaque étape se
      compose d’activités, qui permettent d’opérationnaliser la démarche.
 (4)  L’environnement comprend l’ensemble des facteurs qui entourent le cycle de la veille
      stratégique. L’environnement est externe et interne. L’environnement externe comprend le
      macro-environnement et les détenteurs d’enjeux (Aguilar, 1967; Calof, 1997).
      L’environnement interne correspond aux ressources, à la culture, aux stratégies, à la
      direction et à la structure (Liu, 1998; Jacob et al., 1997). L’environnement amène les
      changements et une incertitude qui obligent les décideurs à modifier leur stratégie.
Définition proposée du concept

S’appuyant sur les quatre caractéristiques identifiées, une définition du concept de la veille
stratégique est proposée.

                                         Définition retenue
              La veille stratégique est un processus informationnel par lequel une
              organisation se met à l’écoute de son environnement pour décider et
              agir dans la poursuite de ses objectifs.


                                             Conclusion

Il existe une confusion terminologique, tant en français qu’en anglais, pour décrire la veille
stratégique. Cette confusion est alimentée notamment par un nombre important de termes. En effet,
le nombre d’expressions gravitant autour du concept de veille s’élève à plus d’une quarantaine. Cette
confusion provient aussi de l’utilisation de termes qui représentent simultanément deux éléments, soit
le processus de la veille et le résultat de ce processus. Les termes varient aussi selon l’espace
géographique et la langue utilisée. Ces différences pourraient s’expliquer par un développement
relativement récent de la veille et par l’absence d’un cadre conceptuel accepté (Bergeron, 1997).

L’expression «veille stratégique» est suggérée pour décrire le processus et l’expression «intelligence
de l’entreprise» est suggérée pour décrire le résultat final résultant de ce processus. Les expressions
anglaises «strategic scanning», «strategic monitoring» et «business intelligence» sont suggérées pour
décrire respectivement le processus et le résultat. Quatre caractéristiques sont identifiées et servent
de base à une définition du concept et du construit de la veille stratégique. Ces caractéristiques sont
la finalité, l’objet, le processus et l’environnement.

La présente étude s’inscrit dans une démarche d’études doctorales et constitue une première étape
dans l’étude de ce phénomène. Cette première étape laisse entrevoir des pistes de recherche
intéressantes. Au delà de la sémantique, une analyse s’appuyant sur les courants épistémologiques
pourrait permettre de faire ressortir les fondements des termes utilisés et d’expliquer l’origine des
termes différents et de comprendre les distinctions au niveau du sens dans l’utilisation d’un même
terme.
Annexe A

                  Survol des principaux termes français et anglais utilisés
                     et classification selon les résultats et les processus

             Résultats                                        Processus
Termes français      Termes anglais       Termes anglais             Termes français
                                                                principal         secondaire
                                                                 gestion
    savoir                                 knowledge            du savoir
                                           management
 connaissance                                (KM)             gestion de la
                                                              connaissance
                                             scanning
  intelligence
                      intelligence          monitoring            veille               vigie
renseignement
                                              search
                                          environmental
                                            scanning
                                                                  veille             quête
intelligence de                              strategic         stratégique
  l’entreprise                              monitoring
                        business                            veille industrielle
 intelligence       intelligence (BI)        strategic
 économique                                                       veille            traque
                                           information
                                             scanning            intégrée
                                              system

renseignement          competitive                               veille
 concurrentiel      intelligence (CI)                        concurrentielle
                                           technological
                      competitive            scanning             veille
                        technical
                                           technological      technologique
                      intelligence
                                            monitoring
                       marketing                                 veille
                      intelligence                            commerciale
                                            strategic
  information         information         environmental
                                            scanning             veille
                                                                sociétale
                                          environmental                            antenne
                     environmental           analysis             veille           de veille
                      intelligence                          environnementale
                                          environmental
                                                                                  observatoire
                                           assessment
                                             business          espionnage         espionnage
                                            espionage           industriel        économique
Références


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  • 1. Congrès ASAC-IFSAM 2000 François Brouard (étudiant) Montréal, Québec Doctorat en administration Canada Université du Québec à Trois-Rivières QUE LA VEILLE STRATÉGIQUE SE LÈVE : FAISONS LE POINT SUR LA TERMINOLOGIE ET LE CONCEPT1 La terminologie utilisée pour décrire le concept de la veille stratégique est très variée. La terminologie couvre deux dimensions différentes, soit le résultat et le processus, et varie selon les pays et la langue. Après avoir décrit le rôle et les types de veille, souligné le contexte historique et suggéré des termes en français et en anglais, les caractéristiques de la veille stratégique sont identifiées afin de s’entendre sur le concept et le définir. Introduction Qu’elles soient économiques, politiques, technologiques ou sociales, diverses transformations s’opèrent au sein de la société (Rondeau, 1999). Ces transformations ne sont pas nouvelles, mais elles sont maintenant plus accélérées que jamais. Les différentes transformations, qui sont comprises sous chaque dimension, ont une influence à des degrés divers sur les individus, les organisations, les industries et la société en général. À titre d’exemple, mentionnons uniquement l’impact des technologies de l’information et des communications pour illustrer les changements de l’environnement dans lequel opèrent les individus et les organisations (Rivard et al., 1999). Face à ces changements, les gestionnaires doivent reconnaître les mouvements de l’environnement afin d’apporter les actions qui s’imposent (Nutt et Backoff, 1997). Au cours des dernières années, de nombreux chercheurs se sont attardés à l’étude du changement organisationnel (Demers, 1999) et à la stratégie (Mintzberg et al., 1999). L’importance de l’information et de la connaissance pour effectuer ces changements sont reconnues (Hafsi et Toulouse, 1996; Jacob et al., 1997; Nonaka, 1994). Chaque entreprise doit devenir une «entreprise intelligente» possédant certaines «qualités qui se manifestent dans son comportement global : rapidité d’action, adaptabilité à des situations changeantes, souplesse de fonctionnement, habileté dans les relations humaines, dynamisme, intuition, ouverture, imagination, innovation» (De Rosnay, 1995, p.258). Jacob et al. (1997) ont identifié quatre leviers de l’apprentissage collectif. Ces leviers sont l’apprentissage qualifiant, l’information structurante, l’information circulante et la concurrence/ coopération. L’un de ces leviers, l’information structurante, comprend le concept de veille stratégique. La veille correspond aux activités d’anticipation des changements et ces activités se retrouvent dans les pratiques organisationnelles tant en Asie, en Europe qu’en Amérique du Nord (Aguilar, 1967; Kahaner, 1996). Par l’information structurante, la veille stratégique peut donc jouer un rôle dans l’atteinte de cet apprentissage et aider les entreprises à atteindre leurs objectifs. Toutefois, même s’il s’agit d’un moyen reconnu et utilisé pour surveiller les mouvements de l’environnement (Subramanan et Ishak, 1998), la terminologie employée pour décrire les activités de veille est nombreuse et confuse, et ce, tant en français qu’en anglais. Cette diversité terminologique amène des problèmes de compréhension pour les praticiens et les chercheurs (Lesca, 1994). L’objet du présent texte vise à souligner la confusion terminologique, à proposer des expressions françaises et anglaises reflétant les dimensions principales du concept de veille et à présenter les caractéristiques pour définir la veille stratégique. 1 L’auteur remercie Louis Raymond et Camille Carrier de l’UQTR et Louise Briand de l’UQAH pour les judicieux conseils et les encouragements.
  • 2. L’étude se divise en quatre grandes sections. La première section s’attarde au contexte historique dans lequel la veille s’est développée. La deuxième section présente les rôles de la veille et les types de veille. Dans la troisième section, la confusion terminologique entourant le sujet est soulignée et les termes utilisés pour décrire la veille sont classés selon qu’il s’agit d’un résultat ou d’un processus. Le choix de l’expression «veille stratégique» est justifié. La quatrième section énumère des caractéristiques afin de formuler une définition du concept de la veille stratégique. En conclusion, le texte rappelle les idées développées et indique des pistes de recherche. Contexte historique de la veille Le développement de ce concept est à la fois ancien et nouveau. Des exemples permettent de retracer une origine plutôt lointaine. Notons simplement la légende du soldat de Marathon qui mourut pour informer les Athéniens de leur victoire sur les Perses, les réseaux de veille développés par les Fuggers au 15e siècle, les Rothschild au 19e siècle, la république de Venise et l’église catholique (Amabile, 1999; Dedijer, 1999). Il existe toutefois peu de travaux documentant et reliant les différents exemples historiques de veille en dehors des travaux militaires (Dedijer, 1999). Comme l’illustre le tableau A, qui résume les principales périodes du développement récent de la veille, ce développement s’échelonne sur trois phases. Le développement ne s’est pas fait au même rythme dans tous les pays. Le gouvernement japonais aurait implanté un système de veille au milieu du 19e siècle et aurait fait du renseignement une ressource collective. Aux États-Unis, ce n’est que vers la fin des années 1950, que les grandes entreprises ont commencé à implanter des services de veille (Jakobiak, 1998). En France, l’engouement pour la veille n’a eu lieu que vers la fin des années 1980 (Bourthoumieu et al, 1999). L’intérêt des américains et des français seraient attribuables à une réaction face à la menace étrangère, en particulier celle du Japon (Bourthoumieu et al, 1999; Jakobiak, 1998). Tableau A Principales phases du développement récent de la veille 1960-1990 Période Phase Particularités de la veille Recherche peu ou pas 1960- mode orientation personnel = d’information sur les d’analyse des 1970 informel tactique libraire / marketing compétiteurs données Analyse des personnel = mode orientation analyse 1980 compétiteurs et de marketing / formel tactique quantitative l’industrie planification personnel = Intelligence de orientations analyse mode marketing / 1990 l’entreprise pour des tactique et quantitative formel planification / décisions stratégiques stratégique et qualitative cellule de veille Source : adapté de Prescott (1995) selon Attaway (1998) C’est au cours du dernier tiers du 20e siècle que les processus de veille s’ancrent dans les pratiques organisationnelles, en particulier avec les travaux d’Aguilar (1967) (Amabile, 1999). Une constatation qui ressort du tableau A est la place importante de la fonction marketing dans le développement de la veille et une évolution vers une analyse des données plus étendue .
  • 3. Rôles et types de veille Peu importe sous quel angle la veille est abordée, l’enjeu central «reste toujours la survie de l’entreprise.» (Bourthoumieu et al., 1999, p.2). La prise de décision pour assurer cette survie est au coeur des activités de veille. D’ailleurs, comme le souligne Amabile (1999, p.20) : «... il apparaît que la plupart des auteurs justifient les activités de veille par "l’incertitude" qui caractérise "l’environnement"». La veille sert quatre fonctions : (1) appuyer la prise de décision stratégique, (2) servir d’avertissement pour les occasions et les menaces, (3) évaluer les compétiteurs et les suivre, (4) appuyer la planification stratégique et son implantation (Attaway, 1998). Le CCSE (1999) voit dans le concept d’intelligence économique un rôle pour la cohésion sociale, pour les entreprises et pour l’État. Cette cohésion sociale permet le maintien du tissu social par l’instauration de relations entre l’État et les acteurs. De leur côté, Hassid et al. (1997) identifient huit rôles à l’intelligence économique, soit : (1) l’information comme un instrument de stratégie, (2) la logique réseau en interne et la mobilisation des hommes, (3) la logique réseau externe pour renforcer la synergie public-privé et interentreprises, (4) les stratégies indirectes et les ruses de l’intelligence, (5) l’usage offensif et défensif de l’information, (6) l’information comme instrument d’influence et de lobbying, (7) la prise en compte des facteurs culturels et (8) une gestion différente de la problématique coopération-concurrence. Plusieurs types de veille comblent les fonctions qui lui sont attribuées. Chaque type de veille permet de combler des besoins particuliers. Quatre types de veille peuvent être soulignés, soit : la veille technologique, la veille concurrentielle, la veille commerciale et la veille sociétale (Martinet et Ribault, 1989). La veille stratégique englobe l’ensemble des veilles particulières (Pateyron, 1998). D’autres auteurs expriment des types de veille distincts qui peuvent toutefois être inclus dans les catégories énumérées. Villain (1990) et Verna (1999) se servent du modèle de Porter (1982) sur l’analyse de la concurrence pour distinguer les types de veille. Le tableau B illustre certains types spécifiques de veille, leurs axes de surveillance et les forces selon le modèle de Porter (1982). Confusion terminologique Constats sur les termes utilisés L’analyse de la documentation portant sur la veille amène plusieurs constatations utiles pour préciser l’objet. Une première constatation est le nombre élevé d’expressions pour exprimer ce concept. En effet, comme le montre l’annexe A, le nombre d’expressions gravitant autour du concept de veille est particulièrement élevé, soit plus d’une quarantaine. Une distinction est donc nécessaire pour regrouper les expressions et leur donner un sens. Une explication à cette prolifération pourrait être l’absence d’un cadre conceptuel accepté (Bergeron, 1997). Une deuxième constatation nous amène à affirmer que les expressions utilisées expriment à la fois un volet processus et un volet résultat. Bernhardt (1994) est l’un des rares auteurs à effectuer explicitement ce constat. Comme l’indique l’annexe A, il nous semble pertinent de distinguer les expressions selon qu’il s’agit d’un résultat, par exemple le renseignement, ou d’un processus, comme la veille.
  • 4. Tableau B Axes de surveillance selon les différents types de veille Types de veille Axes de surveillance Sujets privilégiés Forces de Porter (1982) - acquis scientifiques et technologies veille - systèmes d’information produits substituts technologique - matériaux, produits et procédés s concurrents directs et t - stratégie des concurrents veille concurrents potentiels r concurrentielle v a - clients e t clients i é - clients communs et l g fournisseurs l veille - clients et marchés i e commerciale - fournisseurs et main d’oeuvre q u - environnement économique e - environnement socio-culturel veille - environnement politique et juridique sociétale - environnement écologique - démographie Troisièmement, certaines expressions correspondent à des concepts plus généraux et englobant. Cette constatation se vérifie au niveau du volet processus. Par exemple, les expressions «scanning» et «veille» englobent d’autres expressions comme «environmental scanning», «veille technologique», «veille commerciale» et «veille compétitive» (Ashton et Stacey, 1995; Bergeron, 1995; Martinet et Ribault, 1989; Verna, 1999). Cette constatation se vérifie aussi au niveau du volet résultat. Par exemple, des expressions comme «business intelligence», «intelligence économique» et «intelligence de l’entreprise» englobent des concepts plus spécifiques comme «competitive intelligence», «competitive technical intelligence» et «renseignement concurrentiel» (Ashton et Stacey, 1995). Une quatrième constatation est l’évolution selon l’espace géographique. En se concentrant sur la veille technologique, Julien (1999) illustre les différences entre les termes utilisés dans plusieurs langues. Au Québec, l’expression «veille» semble l’expression la plus courante (Bergeron, 1995; Jacob et al., 1997). Du côté américain, les expressions «competitive intelligence», «business intelligence» et «environmental scanning» semblent les plus courantes. Suite à une enquête utilisant sept appellations, Lesca (1994) conclut que les expressions «intelligence de l’entreprise» et «perception de l’environnement de l’entreprise» devance le concept de «veille stratégique» en France. L’État français préconise l’expression «intelligence économique», qui toutefois arrive au 5e rang dans l’étude de Lesca (1994). Les expressions répertoriées à l’annexe A le sont pour illustrer la diversité. Plusieurs autres expressions sont utilisées mais ne sont pas mentionnées ici (Cartier, 1998, 1999). Une cinquième constatation liée à l’aspect temporel est l’utilisation actuelle, à quelques exceptions près, de toutes les expressions. Il ne semble pas y avoir d’expressions qui datent et qui ne seraient plus utilisées. Cette constatation pourrait s’expliquer par la nouveauté relative du domaine. Toutefois, certaines expressions comme «environmental assessment», «environmental intelligence», «strategic environmental scanning» et «strategic information scanning system» sont moins fréquentes.
  • 5. Sixièmement, certaines expressions correspondent à des étapes du processus. Par exemple, les expressions «monitoring» et «assessment» peuvent se concevoir comme des étapes d’un processus pour arriver au résultat final (Ashton et Stacey, 1995). Aguilar (1967) distingue deux volets, soit l’observation et la recherche. Pour sa part, Huber (1991) distingue le «noticing», le «search», le «monitoring» et le «scanning». Ces distinctions au niveau des termes correspondent à des degrés différents d’efforts de veille. Une septième constatation est l’absence d’une définition généralement reconnue qui pourrait faire l’unanimité parmi les auteurs. Cela fait en sorte de retrouver plusieurs expressions pour exprimer le concept général de veille stratégique (Lesca, 1994). Même aujourd’hui, Aguilar (1967) constitue la référence principale. Préparés par deux organisations importantes, deux définitions sont notables, l’une preparée pour le gouvernement français et l’autre rédigée par la Society of Competitive Intelligence Professionals (SCIP). Le rapport Martre publié en 1994 en France définit l’intelligence économique comme «l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile aux agents économiques» (Jakobiak, 1998, p.23). L’association SCIP (1999) définit la veille concurrentielle comme ceci : «Competitive intelligence (CI) is the process of monitoring the competitive environment. CI enables senior managers in companies of all sizes to make informed decisions about everything from marketing, R&D, and investing tactics to long-term business strategies. Effective CI is a continuous process involving the legal and ethical collection of information, analysis that doesn't avoid unwelcome conclusions, and controlled dissemination of actionable intelligence to decision makers.» Justification du choix des expressions «veille stratégique»et «intelligence de l’entreprise» Compte tenu de la diversité des expressions et en l’absence d’une définition généralement reconnue, il importe de proposer des expressions en les justifiant. Premièrement, il est important de distinguer le processus et le résultat de ce processus. Cette distinction permet de mieux saisir les nuances au niveau du résultat obtenu. Par exemple, Kalb (1999) établit une distinction selon plusieurs niveaux que sont les données, l’information, les connaissances, l’intelligence, l’éclairage et la sagesse. Ces nuances reflètent une différence dans les étapes du cycle de la veille. Deuxièmement, l’interprétation du terme «veille», qui marque «bien l’idée de vigilance et d’attention par rapport à ce qui existe ou ce qui s’en vient dans le secteur», est plus précise (Julien, 1999, p.1). D’ailleurs, Prescott (1995) (selon Attaway, 1998) distingue trois grandes catégories d’activités liées à l’intelligence, soit le renseignement militaire, la sécurité nationale et la veille stratégique. La veille stratégique est liée aux organisations, sauf pour le rôle de protection joué de l’État. Troisièmement, la notion de «veille» comprend différents pôles, qui sont indissociables et indivisibles (Bergeron, 1995; Julien, 1999; Martinet et Ribault, 1989). Ces pôles peuvent être la technologie, la concurrence, la clientèle, les fournisseurs et l’environnement général (Martinet et Ribault, 1989). Ces pôles servent à orienter la stratégie, qui représente une finalité de l’entreprise (Hafsi et Toulouse, 1996). Quatrièmement, le qualificatif «stratégique» est ajouté au concept de veille pour souligner l’importance de cette activité pour tous les membres d’une entité, incluant la haute direction. L’information n’est pas intrinsèquement stratégique, mais elle le devient par son utilisation face à des problèmes (Aguilar, 1967). Cinquièmement, les deux grandes expressions françaises «veille stratégique» et «intelligence économique» se distinguent par leur source d’inspiration. La veille stratégique est d’inspiration universitaire et fait référence à l’information, alors que l’intelligence économique est d’inspiration militaire et fait référence à la notion de renseignement (Pateyron, 1998). L’expression «veille
  • 6. stratégique» est reconnue par divers auteurs dans des écrits récents et pourraient s’imposer (Cartier, 1998; Jakobiak, 1998; Jacob et al., 1997; Lesca, 1994; Pateyron, 1998). Sixièmement, l’expression «intelligence de l’entreprise» et davantage générale que l’expression «intelligence économique», qui peut être perçue comme représentant uniquement les renseignements économiques, délaissant ainsi les autres types de renseignements fournis par tous les types de veille. Les expressions françaises proposées sont «veille stratégique» au niveau du processus et «intelligence de l’entreprise» au niveau du résultat. Les expressions anglaises seraient «strategic scanning»ou «strategic monitoring» pour le processus et «business intelligence» au niveau du résultat. Les traductions anglaises à l’égard du processus reflètent mieux l’aspect stratégique qui est absent de l’expression «environmental scanning». L’expression «business intelligence» est plus générale que «competitive intelligence», expression jugée restreinte à un seul type de veille, soit celle au niveau des concurrents (Kalb, 1999). Définition de la veille stratégique Caractéristiques pour formuler une définition de la veille stratégique Afin de mieux cerner et définir la veille stratégique, certaines caractéristiques ou dimensions, qui composent ce concept, sont retenues. Quatre caractéristiques sont identifiées : (1) finalité, (2) objet, (3) processus et (4) environnement. Examinons brièvement chaque caractéristique. (1) La finalité correspond à l’objectif poursuivi (Lesca, 1994). La finalité est liée à l’action et aux décisions à prendre. Cette finalité est également liée au respect des besoins des utilisateurs, qui sert de point de départ aux activités de veille stratégique. La réduction de l’incertitude représente un exemple de finalité. (2) L’objet représente les changements sous observation et analyse. Les changements peuvent se manifester par des signaux, des événements, des tendances et des relations (Cartier, 1998). Des pôles ou des sujets particuliers constituent l’objet du processus de la veille stratégique (Bergeron, 1995; Julien et al., 1997). Il peut s’agir d’identifier les changements d’un ou plusieurs pôles, tels la technologie, les produits et procédés, les concurrents, les clients, les fournisseurs et les tendances lourdes de la société. (3) Le processus correspond à la transformation nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis (Aguilar, 1967; Bergeron, 1995; Calof, 1997). L’anticipation des changements requiert d’être à l’écoute de leurs manifestations. Une méthodologie est généralement associée au processus de veille stratégique. Il s’agit des méthodes, outils et techniques pour réussir la transformation des données en information, en connaissances et en intelligence. Le choix de la méthodologie découle des conceptions et des théories privilégiées par le veilleur, par les gestionnaires et par l’organisation (Zou et Cavusgil, 1996). Le processus de la veille stratégique se conçoit comme une série continuelle et perpétuelle d’étapes. Ces étapes sont la planification, la collecte, l’analyse et la diffusion (Kahaner, 1996). Chaque étape se compose d’activités, qui permettent d’opérationnaliser la démarche. (4) L’environnement comprend l’ensemble des facteurs qui entourent le cycle de la veille stratégique. L’environnement est externe et interne. L’environnement externe comprend le macro-environnement et les détenteurs d’enjeux (Aguilar, 1967; Calof, 1997). L’environnement interne correspond aux ressources, à la culture, aux stratégies, à la direction et à la structure (Liu, 1998; Jacob et al., 1997). L’environnement amène les changements et une incertitude qui obligent les décideurs à modifier leur stratégie.
  • 7. Définition proposée du concept S’appuyant sur les quatre caractéristiques identifiées, une définition du concept de la veille stratégique est proposée. Définition retenue La veille stratégique est un processus informationnel par lequel une organisation se met à l’écoute de son environnement pour décider et agir dans la poursuite de ses objectifs. Conclusion Il existe une confusion terminologique, tant en français qu’en anglais, pour décrire la veille stratégique. Cette confusion est alimentée notamment par un nombre important de termes. En effet, le nombre d’expressions gravitant autour du concept de veille s’élève à plus d’une quarantaine. Cette confusion provient aussi de l’utilisation de termes qui représentent simultanément deux éléments, soit le processus de la veille et le résultat de ce processus. Les termes varient aussi selon l’espace géographique et la langue utilisée. Ces différences pourraient s’expliquer par un développement relativement récent de la veille et par l’absence d’un cadre conceptuel accepté (Bergeron, 1997). L’expression «veille stratégique» est suggérée pour décrire le processus et l’expression «intelligence de l’entreprise» est suggérée pour décrire le résultat final résultant de ce processus. Les expressions anglaises «strategic scanning», «strategic monitoring» et «business intelligence» sont suggérées pour décrire respectivement le processus et le résultat. Quatre caractéristiques sont identifiées et servent de base à une définition du concept et du construit de la veille stratégique. Ces caractéristiques sont la finalité, l’objet, le processus et l’environnement. La présente étude s’inscrit dans une démarche d’études doctorales et constitue une première étape dans l’étude de ce phénomène. Cette première étape laisse entrevoir des pistes de recherche intéressantes. Au delà de la sémantique, une analyse s’appuyant sur les courants épistémologiques pourrait permettre de faire ressortir les fondements des termes utilisés et d’expliquer l’origine des termes différents et de comprendre les distinctions au niveau du sens dans l’utilisation d’un même terme.
  • 8. Annexe A Survol des principaux termes français et anglais utilisés et classification selon les résultats et les processus Résultats Processus Termes français Termes anglais Termes anglais Termes français principal secondaire gestion savoir knowledge du savoir management connaissance (KM) gestion de la connaissance scanning intelligence intelligence monitoring veille vigie renseignement search environmental scanning veille quête intelligence de strategic stratégique l’entreprise monitoring business veille industrielle intelligence intelligence (BI) strategic économique veille traque information scanning intégrée system renseignement competitive veille concurrentiel intelligence (CI) concurrentielle technological competitive scanning veille technical technological technologique intelligence monitoring marketing veille intelligence commerciale strategic information information environmental scanning veille sociétale environmental antenne environmental analysis veille de veille intelligence environnementale environmental observatoire assessment business espionnage espionnage espionage industriel économique
  • 9. Références Aguilar, F.J., Scanning the Business Environment, New York : Macmillan, 1967. Amabile, S., «De la veille stratégique à une attention réticulée. Le réseau d’attention inter- organisationnel des mutuelles d’assurance automobile», Systèmes d’information et management, 4(2) (1999), 19-36. Ashton, W.B., Stacey, G.S., «Technical Intelligence in Business: Understanding Technology Threats and Opportunites», International Journal of Technology Management, 10(1) (1995), 79-104. Attaway, M.C., «A Review of Issues Related to Gathering and Assessing Competitive Intelligence», American Business Review, 16(1) (January 1998), 25-35. Bergeron, P., «Observations sur le processus de veille et les obstacles à sa pratique dans les organisations» Argus, 24(3) (septembre-décembre 1995), 17-22. Bergeron, P. «A qualitative case study approach to examine information resources management», Canadian Journal of Information and Library Science, 22(3/4) (September- October 1997), 1-19. Bernhardt, D.C., «”I Want it Fast, Factual, Actionable” - Tailoring Competitive Intelligence to Executives’ Needs», Long Range Planning, 27(1) (February 1994), 12-24. Bourthoumieu, L., Malard, J., Gros, S., Coudol, D. «La veille» [page WWW]; http://www-sv.cict.fr/urfist/veille.html [Accès le 16 juin 1999]. Calof, J., «For King and Country ...and Company», Ivey Business Quarterly, 61(3) (Spring 1997), 32-39. Cartier, M. «La veille économique» [page WWW] 17 février 1998; http://www.economedia.com/chroniques/cyber/cartier1.html [Accès le 1 février 1999]. Cartier, M. «La veille intégrée» [page WWW] janvier 1999; http://www.mmedium.com/veille/veille/index.html [Accès le 5 octobre 1999]. CCSE (Comité pour la Compétitivité et la Sécurité économique). L’intelligence économique [page WWW] http://www-sv.cict.fr/urfist/veille.html [Accès le 16 juin 1999]. De Rosnay, J., L’homme symbiotique : regards sur le troisième millénaire, Paris : Seuil, 1995. Dedijer, S., «Doing Business in a Changed World : The Intelligence Revolution and Our Planetary Civilization», Competitive Intelligence Review, 10(3) (1999), 67-78. Demers, C. «De la gestion du changement à la capacité de changer. L’évolution de la recherche sur le changement organisationnel de 1945 à aujourd’hui», Gestion, 24(3) (automne 1999), 131-139. Hafsi, T., Toulouse, J.M., La strategie des organisations : une synthese, Montreal : Transcontinental, 1996. Hassid, L., Jacques-Gustave, P., Moinet, N., Les PME face au défi de l’intelligence économique, Paris : Dunod, 1997. Huber, G.P., «Organizational Learning: The Contributing Processes and the Literatures», Organization Science, 2(1) (1991), 88-115. Jacob, R., Julien, P.A., Raymond, L., «Compétitivité, savoirs stratégiques et innovation : les leviers de l’apprentissage collectif en contexte de réseau», Gestion - Revue internationale de gestion, 22(3) (1997), 93-100. Jacobiak, F., L’intelligence économique en pratique, Paris : Éditions d’Organisation, 1998. Julien, P.-A. «La veille technologique» [page WWW]; http://www.uqtr.uquebec.ca/inrpme/cvett/html/editoriaux/pajveille.html [Accès le 8 mars 1999]. Julien, P.-A., Raymond, L., Jacob, R., Ramangalahy, C., «Information, stratégies et pratiques de veille technologique dans les PMI», Systèmes d’information & Management, 2(2) (1997) 63- 83. Kahaner, L., Competitive Intelligence: How to Gather, Analyze, and Use Information to Move Your Business to the Top, New York : Simon & Schuster,1996. Kalb, C.C., «Beyond Competitive Intelligence: Repositionning SCIP», Competitive Intelligence Review, 10(4) (1999), 1-2. Lesca, H., «Veille stratégique pour le management stratégique - État de la question et axes de recherche», Économies et Sociétés, Série Sciences de Gestion, SG 20 (5/1994), 31-50.
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