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ISPP/marketing 2A
Love affair
(NB : toute ressemblance avec des personnes
existantes est bien sûr fortuite…)
Monsieur A. B.,
Comme je vous l'ai dit de vive voix, j'ai longtemps
hésité avant de prendre l'initiative de vous
approcher. Mais la place que je donne à la vérité
dans ma vie a emporté mes dernières réticences et
m'amène aujourd'hui à vous écrire à coeur ouvert,
non pour ajouter de la souffrance, alors que la
mienne est à son comble, mais parce que j'ai espoir
que cette vérité aura la vertu d'apaiser durablement
le feu des passions qui pourraient nous dévorer,
vous et moi.
J'ai vécu avec Mounira une relation de plus de trois
années, qui a commencé, à son initiative à elle, au
mois d'août 2009 et qui vient de se finir le 4 avril de
cette année, jour de son anniversaire.
Je n'ai pas cherché cette relation et j'ai même mis un très long temps avant de
donner à Mounira la place qu'elle voulait dans ma vie. Sans doute en a-t-elle
souffert, mais je suis de ceux qui pense que les engagements de coeur ne sont
pas des choses à prendre à la légère si l'on veut qu'ils durent.
Lorsque pour la première fois j'ai répondu à son amour, au début de l'année
2010, j'ai aussitôt fixé une condition dirimante : qu'il n'y ait plus aucun autre
1
homme dans sa vie et, en particulier, que sa relation antérieure soit
définitivement enterrée. Mounira a répondu catégoriquement par l'affirmative à
cette condition, et c'est à cette unique occasion que j'ai appris votre existence,
puisqu'elle a brossé devant moi un portrait assez rapide de votre relation, en
des termes d'ailleurs assez peu flatteurs pour quelqu'un qui est aujourd'hui le
père furtif de son enfant, pour me persuader qu'il n'y avait aucun retour en
arrière possible de sa part avec un homme comme vous.
Mes relations amoureuses étant d'abord fondées sur la confiance et la
sincérité, je ne suis plus jamais revenu sur ce sujet avec Mounira, à tort quand
je vois aujourd'hui le nombre d'hommes dont elle décore sa vie.
Peu à peu, notre relation a commencé à dessiner les voies d'un bonheur
possible à deux et nous avons, chacun à notre façon, continuer d'y apporter
cette touche de magie qui en était la marque d'origine.
Très vite, en tout cas plus vite que moi, Mounira a souhaité donner à cette
relation un tour plus concret, en particulier en me demandant de lui faire cet
enfant dont elle rêvait depuis si longtemps et qui, à ses yeux, devait être la
consécration de notre amour. Au fond de moi, même si je n'en trouvais pas
encore les mots, je partageais la même envie, puisque depuis la toute
première fois, nous n'avions jamais cherché dans nos relations intimes à nous
protéger de cette éventualité. Dire que nous en étions déjà à nous chamailler
sur le nombre et les prénoms...
Mounira voulait aussi que je commence les démarches auprès de sa famille et
m'instruisait souvent, avec force détails et plaisanteries, de ce que j'aurais à
faire pour qu'elle devienne ma femme et partage mon nom. Combien de fois
n'a-t-elle pas insisté pour parler à ma maman...
Elle avait certes un temps d'avance, car je souhaitais qu'elle commence ses
études supérieures, en marketing à l'ISPP, et surtout que les choses se fassent
dans l'ordre puisque rien ne pressait vraiment, notre amour étant installé dans
la durée.
Autant que je puisse en juger aujourd'hui, et parler pour nous deux, nous
étions heureux et ce bonheur qui nous souriait semblait ne pas devoir finir.
Au début de l'année 2012, un petit nuage a pourtant obscurci notre relation,
sans que je comprenne immédiatement de quoi il s'agissait. C'est au retour de
son voyage à Niamey que Mounira a fini par m'avouer ce qui la torturait depuis
plusieurs semaines. Elle était tombée enceinte et, dans l'incertitude de ma
décision, mais aussi par crainte de menacer notre relation en m'imposant une
chose arrivée inopinément, elle avait pris seule la décision d'avorter. J'en étais
terriblement fâché, parce que, si elle avait consenti à mon avis, cet enfant
aurait aujourd'hui 4 ou 5 mois...
2
Cependant les choses ne se déroulaient pas comme il le fallait, et devant des
saignements incessants et des signes d'infection, elle était préoccupée par les
risques qu'elle faisait courir à sa santé. Je l'ai fait examiner par une amie
gynécologue, qui a réglé le problème médical, tout en lui faisant remarquer
que les produits chimiques qu'elle avait absorbés pour avorter, sans doute sur
les conseils de son ami Raïssa, et les conditions dans lesquelles cet avortement
avait eu lieu, pouvaient hypothéquer sa capacité à avoir des enfants.
La panique de Mounira était très grande. De là date cette sorte d'hystérie à
vouloir que je lui fasse absolument un enfant pour lui prouver qu'elle était
encore capable d'être maman. Ce fut une période très difficile puisque toute
son énergie, physique et morale, était concentrée sur ce désir d'enfant, qui
reléguait le reste de sa vie, études, famille, principes religieux, peut-être
même amour..., à la portion congrue.
Du mois de mai 2012 au début du Jeûne en juillet 2012, elle a sans doute tout
fait pour avoir cet enfant, en me mettant à contribution, mais aussi en prenant
des produits pour stimuler sa fertilité.
Aujourd'hui que je sais que, vous et moi, et d'autres encore sans doute,
partagions alors son corps, je comprends qu'elle a finalement réussi, puisque
Dieu a voulu que ce soit vous, ou un autre Africain, qui trouviez les voies de la
paternité avec elle.
Et quand je la revois sur les vidéos prises à son insu, dans notre chambre et
sur notre lit, ses mots, ses gestes, ses poses, ses murmures et ses plaisirs
ressemblent une comédie de vilaine petite fille qui, maintenant, a ajouté le
bébé d'un autre à ses caprices diaboliques.
Curieusement, pour des raisons dont elle seule a le secret, mais sans doute
pour n'éveiller aucun soupçon en moi, Mounira a continué à insister, en
particulier à son retour d'Accra, pour que je fasse les démarches et que notre
relation devienne plus officielle aux yeux de sa famille, évoquant un voyage à
deux au Sénégal, la nécessité de préparer une maison, et toujours l'envie que
je lui fasse un enfant. Peut-être avait-elle un doute réel sur l'origine de cet
enfant qu'elle portait depuis juin et voulait-elle ménager toutes les issues, au
cas où…
Néanmoins, jusqu'au début du mois de décembre, notre relation a conservé un
tour normal, même si nous nous voyions moins souvent pour des raisons liées
à ma situation personnelle.
C'est au début du mois de décembre, le 9 si mes souvenirs sont fidèles, que
Mounira est venue chez moi parce qu'elle avait besoin de me parler. Elle était
tourmentée et physiquement affectée, très nerveuse aussi. La discussion n'a
pas été facile. Nous étions sur notre lit. Elle a évoqué des problèmes d'argent,
la nécessité de se concentrer sur ses études, des soucis de famille surtout,
3
avec ses soeurs notamment, pour me demander de faire une petite pause dans
notre relation, le temps de régler elle-même tous ces problèmes.
Elle a insisté pour me dire que cela n'avait rien à voir avec notre relation, qu'il
ne s'agissait pas d'une rupture et qu'il était juste question, pour elle et pour
nous, de prendre un peu de recul avant de pousser plus loin notre amour.
Je n'avais aucune raison de lui refuser le temps de recul qu'elle me demandait.
Quelques jours plus tard, elle m'a appelé avec le portable de sa maman,
comme souvent, pour me demander si elle me manquait autant que je lui
manquais. C'était une évidence pour nous deux. Nous avons bavardé un long
moment ; je la sentais maladive et terriblement triste. Au sens juste, il y avait
du chagrin en elle, qui ne l'a plus jamais quittée depuis.
Chacun a passé les fêtes de fin d'année de son côté et je ne l'ai revue que le 3
janvier, au Calipso, où elle a ses habitudes comme moi. Je dois dire que nous
nous sommes manqués du fait que cette rencontre furtive et inattendue nous a
surpris tous les deux, et que j'ai refusé de l'embrasser...
Je lui ai rendu visite quelques jours plus tard. Je l'ai retrouvée terriblement
fermée, le visage creusé et frappé de boutons, et avec un regard qui donnait le
sentiment qu'elle affrontait un problème démesuré.
Nous avons bavardé dans la voiture, sans que je puisse savoir ce qui la mettait
dans un tel état de désespoir. Elle m'a cependant dit que sa maman, qui allait
et venait devant la maison, préparait à la hâte un voyage au Niger afin de faire
des courses pour le prochain mariage d'une parente, et que seule avec son
papa, elle allait vivre une semaine infernale. Elle semblait toujours détester
son papa, sans raison.
Elle avait besoin de tendresse, mais elle me demandait de patienter encore un
peu, qu'elle était vraiment en train de régler les problèmes dont elle m'avait
parlé et que bientôt tout serait comme avant. Nous nous sommes embrassés,
longuement. Puis je l'ai regardée rentrer dans la cour.
Le lundi 7 janvier, j'ai rencontré l'une de ses soeurs, Ramatou, pour essayer de
comprendre le drame qu'était en train de vivre Mounira. Celle-là a
effectivement évoqué devant moi une grossesse, des préparatifs de mariage et
un autre homme dans sa vie. Comme ses propos tranchaient avec toutes les
affirmations de Mounira, j'ai voulu en avoir le coeur net immédiatement. Je
suis donc allé chez elle. Sa nervosité était à son paroxysme et son visage était
creusé par le chagrin. Le doute m'a saisi et j'ai insisté pour apprendre ce qui se
passait réellement. Ecartant les problèmes de famille qu'elle évoquait à
nouveau, j'ai cherché à savoir ce qu'il en était de nous. Ne m'aimait-elle plus ?
Oui elle m'aimait. Y avait-il un autre homme dans sa vie ? Non, sinon elle me
l'aurait dit depuis longtemps. Ne voulait-elle plus devenir ma femme ? Si. La
mère de mes enfants ? Si.
4
Elle a cependant ajouté que l'un de mes amis lui avait laissé entendre qu'elle
n'avait pas d'avenir avec moi depuis le début, ce à quoi je lui répondis que
j'étais le seul à pouvoir lui donner cette réponse. De même, concernant les
rumeurs sur son état, elle m'a répété qu'elle m'avait toujours dit de lui poser
directement les questions et de m'en tenir à ses réponses.
Je suis reparti rassuré sur notre amour, mais toujours terriblement inquiet sur
son sort personnel.
De mon côté, j'avais mis à profit cette période de repli mutuel pour mûrir ma
décision et enclencher les démarches dont elle m'avait si souvent parlé comme
étant, avec l'enfant que nous devions faire ensemble, les plus belles choses de
sa vie — et qui se révéleront les plus médiocres, de sa grossesse à
l'accouchement en passant par ce mariage de façade, tout sera finalement
clandestin. Même Dieu, ces jours-là, a dû chercher à se dérober…
Sans doute impressionné par la situation dans laquelle je la trouvais et
soucieux de lui adresser un signal de réconfort et d'amour, je décidai avec ma
maman d'accélérer les choses. Le dimanche 13 janvier, j'ai donc attendu
qu'elle rentre, fort tard d'ailleurs, de chez sa soeur pour lui faire la surprise de
lui remettre sa bague de fiançailles, qui, me dit-elle, était exactement à sa
taille. La première fois qu'elle acceptait une bague de fiançailles...
Quelques jours plus tard, ma maman a téléphoné à Mounira pour lui dire
combien elle était heureuse qu'elle accepte de faire partie de notre famille et
qu'elle était impatiente de voir la femme que j'avais choisie. Mounira a
finalement donné un rendez-vous téléphonique à ma maman le dimanche
suivant pour que nous puissions discuter ensemble de toutes ces choses de
vive voix.
Dans l'intervalle, la maman de Mounira étant rentrée de son voyage de
Niamey, ma maman lui a téléphoné pour présenter nos intentions et échanger
brièvement avec elle à propos de ce que seules savent se dire des mères
quand il s'agit du bonheur de leurs enfants.
Le rendez-vous téléphonique du dimanche 20 janvier n'a finalement pas eu
lieu, Mounira ayant été retenue très tardivement chez sa soeur à Tampouy.
Le jour suivant, nous nous sommes longuement parlé au téléphone. Elle m'a
dit que sa situation devenait insupportable, qu'elle n'avait plus de moto (alors
que j'avais contribué à l'achat de celle qu'elle avait reçue pour son
anniversaire, en avril 2012), que ces portables ne fonctionnaient plus et qu'elle
n'allait même plus à l'ISPP faute d'avoir payé les frais de scolarité. Je
m'insurgeai contre le fait qu'elle n'allait plus à l'école et qu'elle se laissait
submerger par des soucis matériels alors que je pouvais lui venir en aide.
5
Il fut décidé que je me chargerais des frais de scolarité de l'ISPP, qui furent
payés le lundi 28 janvier. Je lui envoyai aussi un portable Samsung pour que
nous puissions communiquer normalement en lieu et place de son vieux
portable qui ne fonctionnait que sur haut-parleur. En revanche, pour ce qui
regardait la moto placée en gage à la suite d'une mauvaise affaire de pagnes
avec ses soeurs, elle me demanda de la laisser régler elle-même ce problème.
Elle ajouta même, sur le ton de la plaisanterie, si elle aussi, quand elle
travaillerait, elle aurait le droit de me faire autant de cadeaux...
Nous nous sommes parlé à plusieurs reprises jusqu'au jeudi, jour du mariage
de sa parente, où elle était demoiselle de compagnie. Alors qu'elle attendait à
la maison le retour des parents de Loumbila, elle paraissait exténuée et parlait
d'une voix quasiment inaudible, comme si parler la faisait souffrir
physiquement. J'étais franchement inquiet pour sa santé et je lui ai demandé
de se reposer, puisqu'au fond elle n'était pas indispensable à ce mariage.
Entre temps, mon chauffeur est allé lui remettre la brosse à dent électrique
qu'elle attendait depuis si longtemps et qui venait d'arriver. Elle me remercia
par téléphone et me promit de belles photos d'elle à ce mariage...
J'ai reparlé à Mounira plusieurs fois encore le soir, brièvement. Elle allait
mieux. Beaucoup de gens s'affairaient autour d'elle. On aurait dit qu'elle volait
les conversations que nous avions à je ne sais qui…
Les jours suivants je n'ai cessé de prendre de ses nouvelles, jusqu'au
dimanche où elle est restée injoignable jusqu'au petit matin.
Le lundi, j'ai insisté pour lui parler et la rencontrer. Il était 7 h 20. Elle se
préparait pour aller à l'école et m'a proposé un rendez-vous téléphonique à la
pause de 10 h 30. Comme elle n'a pas tenu ce rendez-vous, je me suis déporté
à l'école pour déjeuner avec elle.
Elle n'était pas là et il m'a fallu un long moment avant de pouvoir lui parler au
téléphone. Elle était dans un appartement dont je ne connaissais pas l'écho,
sans doute le vôtre, ou celui d'un autre de ses amants.
Elle était très énervée, y compris contre moi. Je lui demandai ce que je lui
avais fait, pourquoi elle semblait me fuir et pourquoi, s'il y avait un problème
entre nous, elle ne voulait pas me l'avouer.
Finalement, Mounira s'est calmée et m'a expliqué qu'elle m'avait demandé du
temps pour revenir dans notre relation, et qu'il fallait que cela vienne d'elle
même, qu'il restait un peu de chemin et que je devais être plus patient.
Pour ma part, j'avais besoin de réponses plus concrètes. Je lui ai donc proposé
d'arrêter notre attitude sur sa réponse à 5 questions que je jugeais essentielles
à notre relation amoureuse, et que je considérerais ses réponses comme
définitives en attendant son retour.
6
Y avait-t-il un autre homme dans sa vie ? Non, sinon j'aurais été le premier à
le savoir et je ne serais pas là en train de discuter avec elle.
Etait-elle enceinte ? Non, elle n'attendait un enfant de personne.
Avait-elle une maladie grave ? Non, aucune.
M'aimait-elle comme je l'aimais ? Oui, rien n'avait changé.
La pause qu'elle m'avait demandée, était-ce une façon de me quitter ou au
contraire de renforcer notre relation ? Si elle devait me quitter, elle me l'aurait
dit sans détour ; et c'était bien pour renforcer notre relation qu'elle m'avait
demandé cette pause.
Je lui ai dit que mon voeu le plus cher était de fêter cette année la Saint-
Valentin avec elle, mais elle a décliné l'invitation, m'affirmant qu'elle ne fêterait
pas, car elle devait travailler dur en classe pour rattraper son retard sur ses
partiels, avant de faire un voyage à Orodara avec l'ISPP. Mais elle a ajouté
spontanément que son voeu à elle, c'était de fêter son anniversaire, le 4 avril
prochain, en tête à tête avec moi. Je lui ai répondu que je commençais donc
dès maintenant à préparer celui-ci et elle m'a donné son accord. J'ajoutai que
mon anniversaire ayant lieu en avril également, elle aurait à préparer le mien,
ce à quoi elle consentit.
Nous avons encore plaisanté sur le nombre, deux, et le prénom, Inès et Carl,
de nos enfants avant de nous quitter.
Le 14 février, dans la soirée, alors qu'elle avait fini assez tard ses cours de
rattrapage à l'école et qu'elle dégustait le gâteau de Saint-Valentin que j'avais
envoyé à la maison, nous avons parlé de tout ce temps que nous avions perdu
sur notre amour et que nous avions à rattraper. Elle était détendue, presque
sereine. Pour calmer mon impatience de la voir mettre fin à notre pause, elle
s'amusait même de ce que toute la tendresse et l'amour qu'elle allait me
donner après l'épreuve qu'elle était en train de vivre seule allaient sûrement
me faire fuir. Au fond, qu'elle serait une amoureuse pire qu'avant...
Ce fut un beau moment. Je l'avais retrouvée, certes à distance, mais je l'avais
retrouvée. Je lui dis que je l'aimais, et elle me répondit que, elle, elle me
l'avait déjà dit en mangeant le coeur d'amour magique que je lui avais envoyé.
Nous avons continué à nous écrire jusqu'au 8 mars, date à partir de laquelle
elle est restée silencieuse, comme moi d'ailleurs, ce qui n'était pas pour me
surprendre puisque c'était la convention que nous avions passée.
Le 3 avril au soir, vers minuit, Mounira m'a adressé un message pour me dire
qu'elle avait envie de me voir. Comme elle semblait avoir perdu le chemin qui
menait jusqu'à moi, je lui ai proposé de lui envoyer mon ange gardien pour
qu'il lui prenne la main. Finalement, elle a accueilli celui-ci et la retenu pour
qu'il retrouve sa place dans ses nuits, comme avant...
7
Nous nous sommes séparés sur des rires, en attendant le lendemain, jour de
son anniversaire.
Je lui ai souhaité son anniversaire le matin et, vers 18 h, je lui ai annoncé que
je passerai la prendre à 20 h. Elle m'a répondu que maintenant elle était à
Tampouy et que de l'appeler en venant, sans doute parce qu'elle voulait être
certaine d'être de retour à la maison à Gounghin.
Peu avant 20h, je lui ai écrit que j'étais en route, sans qu'elle me réponde.
Arrivé à sa maison, je trouvais son papa assis dehors, je le saluai et lui dis que
je venais pour l'anniversaire de Mounira.
Nous sommes entrés dans la cour où la maman regardait la télévision et j'ai
attendu en leur compagnie le retour de Mounira, dont le téléphone était fermé.
Il régnait une ambiance lourde. Au bout d'une heure, j'ai pu la joindre au
téléphone et j'ai compris qu'elle demeurait maintenant chez sa soeur, où je me
suis transporté avec mon gâteau, pour lui fêter son anniversaire, comme elle
en avait exprimé le souhait.
La situation était à ce point surprenante que je m'attendais à tout. C'est
finalement par l'indiscrétion du kiosquier qui jouxte la maison de sa soeur que
j'ai appris que Mounira venait d'accoucher.
J'ai salué sa soeur, qui est allée chercher Mounira dans sa chambre. Nous nous
sommes salués en nous embrassant à peine. Il y avait de la colère en moi,
mais aussi tellement de questions qui me brûlaient les lèvres que je lui ai
demandé de s'asseoir dans le salon, et devant sa soeur, de me dire maintenant
toute la vérité. Elle refusait de s'exprimer devant sa soeur, prétextant aussi le
sommeil des enfants, alors que celle-ci n'y voyait aucun inconvénient, même si
elle ne semblait pas comprendre ce qui était en train de se dénouer.
Finalement, Mounira m'a avoué qu'elle venait d'avoir l'enfant que j'avais refusé
de lui faire alors qu'elle avait tellement insisté. J'ai regardé sa soeur, puis j'ai
demandé à Mounira pourquoi alors elle avait tué notre enfant en avortant il y a
un an, sans rien me dire, si c'était pour faire un enfant avec un autre homme
quelques mois plus tard, alors qu'à la même période, elle n'avait de cesse que
nous fassions l'amour pour avoir un enfant de moi !
Elle m'a répondu, la gorge serrée, qu'elle voulait absolument savoir si elle
pouvait encore ou non, à la suite de l'avortement, être mère. Que sans enfant,
sa vie ne serait rien. Et comme durant notre relation, elle n'avait connu aucun
autre homme et que je mettais du temps à lui faire son enfant, la seule
solution avait été, pour elle, d'utiliser son ex...
Elle voulu interrompre la conversation en me proposant de la retrouver le
lendemain dans la cour familiale où sa soeur la conduirait. J'ai refusé, car je
voulais que toute la vérité soit dite le soir même. Elle est rentrée dans sa
chambre, mais comme elle entendait que je continuais de discuter avec sa
soeur, elle est revenue s'asseoir au salon.
8
Je lui ai rappelé qu'il y avait un mois tout juste, elle avait répondu
positivement à mes 5 questions. Je voulais maintenant savoir s'il y avait
d'autres mensonges. Mounira voulait que je me calme, me demandait de lui
faire confiance, qu'elle n'avait menti que sur un seul point, que tout pouvait
s'arranger.
Franchement, je ne voyais pas ce qui pourrait s'arranger alors qu'en lieu et
place de notre enfant dont elle avait avorté, et qui aujourd'hui aurait 4 ou 5
mois, elle avait porté et mis au monde le vôtre, ou celui d'un autre. J'étais
désemparé, tout comme sa soeur, qui découvrait une situation qu'elle ne
pouvait même pas imaginer.
Je pressais Mounira de me dire ce qu'il y avait d'autre encore, et pourquoi tant
de mensonges sur ses sentiments, sur votre existence, sur son état...
Elle me demanda à nouveau de me calmer et d'accepter de la voir le
lendemain. Et elle ajouta que si elle avait accouché ici et qu'elle était ici avec
son enfant chez sa soeur, et non pas chez le père de l'enfant, c'était pour une
bonne raison, et que cela prouvait bien ses sentiments pour moi. Je devais
juste attendre, elle allait tout m'expliquer, et surtout continuer à lui faire
confiance, comme elle me l'avait demandé.
Comme son beau-frère venait de rentrer, Mounira préféra que nous sortions de
la cour, mais nos éclats de voix dans la rue étant trop forts, celui-ci nous invita
à rester à l'intérieur, dans le salon.
Nos échanges furent vifs, très vifs même, sans doute parce que de part et
d'autre notre orgueil saignait, au point que je finis par la gifler, sèchement. Elle
resta figée. Comme je me tenais devant la porte du salon pour partir, je me
suis retourné, je lui ai demandé de s'approcher, elle a hésité avant que je
prenne ses mains et que nous nous serrions dans les bras l'un de l'autre, avec
l'émotion que je lui connais depuis le premier jour. Elle était perdue.
Elle est rentrée dans sa chambre tandis que sa soeur me raccompagnait vers
la sortie. Dans la cour, j'ai présenté mes excuses à sa soeur, et du reste à
toute la famille, notamment au papa et à la maman qui, complices ou non,
avaient dû jouer un faux jeu devant moi quelques heures plutôt, je m'excusais
donc d'avoir introduit tant de tumulte dans une famille que, une heure plus tôt,
je présumais encore la mienne.
Son mari est venu la rejoindre, auquel j'ai également présenté mes excuses,
avant qu'il ne m'accompagne à mon véhicule devant lequel nous avons eu une
très longue discussion sur les tenants et les aboutissants de la situation de
duplicité que je venais de mettre à nue.
Ce n'est que le lendemain, à l'occasion d'une autre discussion avec son beau-
frère, en ville, que j'ai compris que le mariage où Mounira était censée n'être
qu'une demoiselle de compagnie et où je l'avais trouvée au téléphone minée
par le chagrin la concernait directement. En l'occurrence, je ne sais pas quelle
9
lecture il faut faire de la justice de Dieu, mais se marier à contrecoeur, en
longeant les murs comme s'il s'agissait d'une maladie honteuse, cela
ressemble à un châtiment…
Pendant ces trois années où nos vies ont été mêlées, vous et moi, Monsieur A.
B., et sans doute d'autres hommes inconnus de nous deux, sans que nous le
sachions et à notre corps défendant, je n'ai agi que selon les sentiments que
j'éprouvais et ceux qu'exprimait Mounira avec la plus grande intensité, de vive
voix et par écrit, devant moi comme devant mes amis, sans jamais soupçonner
que je puisse froisser le coeur ou ajouter de l'amertume à la vie de quiconque.
Ayant donc agi avec les sentiments et le naturel d'un homme qui aimait et qui
se sentait aimé, et ce jusqu'au jour où j'ai appris de la bouche de Mounira
qu'elle était la mère d'un enfant qui n'était pas de ma chair et de mon sang, je
pense n'avoir commis aucune faute volontaire, ni envers vous ni envers la
famille, faute dont je puisse porter la responsabilité, même si je regrette
amèrement d'avoir pu servir, ou d'avoir été l'instrument involontaire, peut-être
aveuglé par l'amour que je portais à Mounira, d'une douleur, d'une déception
ou d'une humiliation.
Si j'ai tenu à vous écrire cette longue lettre à coeur ouvert, qui me coûte sans
doute autant qu'à vous, c'est parce que je considère que, sur cette terre, et
chaque jour que Dieu fait, il ne saurait y avoir de bonheur en dehors de la
vérité et de la sincérité, même si cette vérité et cette sincérité sont parfois si
douloureuses à exprimer et à entendre.
Je viens de voir celle que je considérais comme la femme de ma vie, celle qui
devait partager mon nom, faire de son ventre le berceau de nos enfants et
conjuguer avec moi le bonheur d'être pour la vie à deux, disparaître
subitement, comme balayée par un ouragan de mensonges et de trahisons, et
qui, à mes yeux, apparaît aujourd'hui plus comme un monstre d'égoïsme, de
cruauté et de lâcheté que d'amour, je ne voulais donc pas davantage
succomber à ces mensonges et à ces trahisons, faire comme si de rien n'était
et réduire au silence éternel la simple vérité des mots, des gestes et des
sentiments qui ont été l'âme de ma relation d'amour avec Mounira.
Qu'il plaise à Dieu, et je le souhaite du fond du coeur, de ce coeur où j'ai puisé
tout l'amour que j'avais pour elle, de ce coeur aujourd'hui blessé à vif, que
Mounira vous rende, vous et cet enfant, plus heureux et plus longtemps que
moi-même et notre enfant mort avorté.
C'est une chose de faire l'amour avec une femme, de lui faire un enfant à la
dérobée ou de partager un poulet avec elle à la cantine de l'Aéroport, mais c'en
est une autre de vivre avec elle, jour après jour, sa duplicité, son mensonge et
10
ses lâchetés. J'ai fait l'amour avec Mounira, comme nombre d'autres hommes
sans doute durant cette période, mais maintenant c'est à vous, et à vous seul,
de vivre tout le reste, et pour un long temps.
Devant une femme, on se demande toujours s'il vaut mieux brûler ou durer ;
un jour, si vous en avez le courage, vous viendrez me dire qui de vous ou de
moi a fait le choix du paradis ou de l'enfer avec Mounira...
Très sincèrement,
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Ispp ouaga mounira love affair-13

  • 1. ISPP/marketing 2A Love affair (NB : toute ressemblance avec des personnes existantes est bien sûr fortuite…) Monsieur A. B., Comme je vous l'ai dit de vive voix, j'ai longtemps hésité avant de prendre l'initiative de vous approcher. Mais la place que je donne à la vérité dans ma vie a emporté mes dernières réticences et m'amène aujourd'hui à vous écrire à coeur ouvert, non pour ajouter de la souffrance, alors que la mienne est à son comble, mais parce que j'ai espoir que cette vérité aura la vertu d'apaiser durablement le feu des passions qui pourraient nous dévorer, vous et moi. J'ai vécu avec Mounira une relation de plus de trois années, qui a commencé, à son initiative à elle, au mois d'août 2009 et qui vient de se finir le 4 avril de cette année, jour de son anniversaire. Je n'ai pas cherché cette relation et j'ai même mis un très long temps avant de donner à Mounira la place qu'elle voulait dans ma vie. Sans doute en a-t-elle souffert, mais je suis de ceux qui pense que les engagements de coeur ne sont pas des choses à prendre à la légère si l'on veut qu'ils durent. Lorsque pour la première fois j'ai répondu à son amour, au début de l'année 2010, j'ai aussitôt fixé une condition dirimante : qu'il n'y ait plus aucun autre 1
  • 2. homme dans sa vie et, en particulier, que sa relation antérieure soit définitivement enterrée. Mounira a répondu catégoriquement par l'affirmative à cette condition, et c'est à cette unique occasion que j'ai appris votre existence, puisqu'elle a brossé devant moi un portrait assez rapide de votre relation, en des termes d'ailleurs assez peu flatteurs pour quelqu'un qui est aujourd'hui le père furtif de son enfant, pour me persuader qu'il n'y avait aucun retour en arrière possible de sa part avec un homme comme vous. Mes relations amoureuses étant d'abord fondées sur la confiance et la sincérité, je ne suis plus jamais revenu sur ce sujet avec Mounira, à tort quand je vois aujourd'hui le nombre d'hommes dont elle décore sa vie. Peu à peu, notre relation a commencé à dessiner les voies d'un bonheur possible à deux et nous avons, chacun à notre façon, continuer d'y apporter cette touche de magie qui en était la marque d'origine. Très vite, en tout cas plus vite que moi, Mounira a souhaité donner à cette relation un tour plus concret, en particulier en me demandant de lui faire cet enfant dont elle rêvait depuis si longtemps et qui, à ses yeux, devait être la consécration de notre amour. Au fond de moi, même si je n'en trouvais pas encore les mots, je partageais la même envie, puisque depuis la toute première fois, nous n'avions jamais cherché dans nos relations intimes à nous protéger de cette éventualité. Dire que nous en étions déjà à nous chamailler sur le nombre et les prénoms... Mounira voulait aussi que je commence les démarches auprès de sa famille et m'instruisait souvent, avec force détails et plaisanteries, de ce que j'aurais à faire pour qu'elle devienne ma femme et partage mon nom. Combien de fois n'a-t-elle pas insisté pour parler à ma maman... Elle avait certes un temps d'avance, car je souhaitais qu'elle commence ses études supérieures, en marketing à l'ISPP, et surtout que les choses se fassent dans l'ordre puisque rien ne pressait vraiment, notre amour étant installé dans la durée. Autant que je puisse en juger aujourd'hui, et parler pour nous deux, nous étions heureux et ce bonheur qui nous souriait semblait ne pas devoir finir. Au début de l'année 2012, un petit nuage a pourtant obscurci notre relation, sans que je comprenne immédiatement de quoi il s'agissait. C'est au retour de son voyage à Niamey que Mounira a fini par m'avouer ce qui la torturait depuis plusieurs semaines. Elle était tombée enceinte et, dans l'incertitude de ma décision, mais aussi par crainte de menacer notre relation en m'imposant une chose arrivée inopinément, elle avait pris seule la décision d'avorter. J'en étais terriblement fâché, parce que, si elle avait consenti à mon avis, cet enfant aurait aujourd'hui 4 ou 5 mois... 2
  • 3. Cependant les choses ne se déroulaient pas comme il le fallait, et devant des saignements incessants et des signes d'infection, elle était préoccupée par les risques qu'elle faisait courir à sa santé. Je l'ai fait examiner par une amie gynécologue, qui a réglé le problème médical, tout en lui faisant remarquer que les produits chimiques qu'elle avait absorbés pour avorter, sans doute sur les conseils de son ami Raïssa, et les conditions dans lesquelles cet avortement avait eu lieu, pouvaient hypothéquer sa capacité à avoir des enfants. La panique de Mounira était très grande. De là date cette sorte d'hystérie à vouloir que je lui fasse absolument un enfant pour lui prouver qu'elle était encore capable d'être maman. Ce fut une période très difficile puisque toute son énergie, physique et morale, était concentrée sur ce désir d'enfant, qui reléguait le reste de sa vie, études, famille, principes religieux, peut-être même amour..., à la portion congrue. Du mois de mai 2012 au début du Jeûne en juillet 2012, elle a sans doute tout fait pour avoir cet enfant, en me mettant à contribution, mais aussi en prenant des produits pour stimuler sa fertilité. Aujourd'hui que je sais que, vous et moi, et d'autres encore sans doute, partagions alors son corps, je comprends qu'elle a finalement réussi, puisque Dieu a voulu que ce soit vous, ou un autre Africain, qui trouviez les voies de la paternité avec elle. Et quand je la revois sur les vidéos prises à son insu, dans notre chambre et sur notre lit, ses mots, ses gestes, ses poses, ses murmures et ses plaisirs ressemblent une comédie de vilaine petite fille qui, maintenant, a ajouté le bébé d'un autre à ses caprices diaboliques. Curieusement, pour des raisons dont elle seule a le secret, mais sans doute pour n'éveiller aucun soupçon en moi, Mounira a continué à insister, en particulier à son retour d'Accra, pour que je fasse les démarches et que notre relation devienne plus officielle aux yeux de sa famille, évoquant un voyage à deux au Sénégal, la nécessité de préparer une maison, et toujours l'envie que je lui fasse un enfant. Peut-être avait-elle un doute réel sur l'origine de cet enfant qu'elle portait depuis juin et voulait-elle ménager toutes les issues, au cas où… Néanmoins, jusqu'au début du mois de décembre, notre relation a conservé un tour normal, même si nous nous voyions moins souvent pour des raisons liées à ma situation personnelle. C'est au début du mois de décembre, le 9 si mes souvenirs sont fidèles, que Mounira est venue chez moi parce qu'elle avait besoin de me parler. Elle était tourmentée et physiquement affectée, très nerveuse aussi. La discussion n'a pas été facile. Nous étions sur notre lit. Elle a évoqué des problèmes d'argent, la nécessité de se concentrer sur ses études, des soucis de famille surtout, 3
  • 4. avec ses soeurs notamment, pour me demander de faire une petite pause dans notre relation, le temps de régler elle-même tous ces problèmes. Elle a insisté pour me dire que cela n'avait rien à voir avec notre relation, qu'il ne s'agissait pas d'une rupture et qu'il était juste question, pour elle et pour nous, de prendre un peu de recul avant de pousser plus loin notre amour. Je n'avais aucune raison de lui refuser le temps de recul qu'elle me demandait. Quelques jours plus tard, elle m'a appelé avec le portable de sa maman, comme souvent, pour me demander si elle me manquait autant que je lui manquais. C'était une évidence pour nous deux. Nous avons bavardé un long moment ; je la sentais maladive et terriblement triste. Au sens juste, il y avait du chagrin en elle, qui ne l'a plus jamais quittée depuis. Chacun a passé les fêtes de fin d'année de son côté et je ne l'ai revue que le 3 janvier, au Calipso, où elle a ses habitudes comme moi. Je dois dire que nous nous sommes manqués du fait que cette rencontre furtive et inattendue nous a surpris tous les deux, et que j'ai refusé de l'embrasser... Je lui ai rendu visite quelques jours plus tard. Je l'ai retrouvée terriblement fermée, le visage creusé et frappé de boutons, et avec un regard qui donnait le sentiment qu'elle affrontait un problème démesuré. Nous avons bavardé dans la voiture, sans que je puisse savoir ce qui la mettait dans un tel état de désespoir. Elle m'a cependant dit que sa maman, qui allait et venait devant la maison, préparait à la hâte un voyage au Niger afin de faire des courses pour le prochain mariage d'une parente, et que seule avec son papa, elle allait vivre une semaine infernale. Elle semblait toujours détester son papa, sans raison. Elle avait besoin de tendresse, mais elle me demandait de patienter encore un peu, qu'elle était vraiment en train de régler les problèmes dont elle m'avait parlé et que bientôt tout serait comme avant. Nous nous sommes embrassés, longuement. Puis je l'ai regardée rentrer dans la cour. Le lundi 7 janvier, j'ai rencontré l'une de ses soeurs, Ramatou, pour essayer de comprendre le drame qu'était en train de vivre Mounira. Celle-là a effectivement évoqué devant moi une grossesse, des préparatifs de mariage et un autre homme dans sa vie. Comme ses propos tranchaient avec toutes les affirmations de Mounira, j'ai voulu en avoir le coeur net immédiatement. Je suis donc allé chez elle. Sa nervosité était à son paroxysme et son visage était creusé par le chagrin. Le doute m'a saisi et j'ai insisté pour apprendre ce qui se passait réellement. Ecartant les problèmes de famille qu'elle évoquait à nouveau, j'ai cherché à savoir ce qu'il en était de nous. Ne m'aimait-elle plus ? Oui elle m'aimait. Y avait-il un autre homme dans sa vie ? Non, sinon elle me l'aurait dit depuis longtemps. Ne voulait-elle plus devenir ma femme ? Si. La mère de mes enfants ? Si. 4
  • 5. Elle a cependant ajouté que l'un de mes amis lui avait laissé entendre qu'elle n'avait pas d'avenir avec moi depuis le début, ce à quoi je lui répondis que j'étais le seul à pouvoir lui donner cette réponse. De même, concernant les rumeurs sur son état, elle m'a répété qu'elle m'avait toujours dit de lui poser directement les questions et de m'en tenir à ses réponses. Je suis reparti rassuré sur notre amour, mais toujours terriblement inquiet sur son sort personnel. De mon côté, j'avais mis à profit cette période de repli mutuel pour mûrir ma décision et enclencher les démarches dont elle m'avait si souvent parlé comme étant, avec l'enfant que nous devions faire ensemble, les plus belles choses de sa vie — et qui se révéleront les plus médiocres, de sa grossesse à l'accouchement en passant par ce mariage de façade, tout sera finalement clandestin. Même Dieu, ces jours-là, a dû chercher à se dérober… Sans doute impressionné par la situation dans laquelle je la trouvais et soucieux de lui adresser un signal de réconfort et d'amour, je décidai avec ma maman d'accélérer les choses. Le dimanche 13 janvier, j'ai donc attendu qu'elle rentre, fort tard d'ailleurs, de chez sa soeur pour lui faire la surprise de lui remettre sa bague de fiançailles, qui, me dit-elle, était exactement à sa taille. La première fois qu'elle acceptait une bague de fiançailles... Quelques jours plus tard, ma maman a téléphoné à Mounira pour lui dire combien elle était heureuse qu'elle accepte de faire partie de notre famille et qu'elle était impatiente de voir la femme que j'avais choisie. Mounira a finalement donné un rendez-vous téléphonique à ma maman le dimanche suivant pour que nous puissions discuter ensemble de toutes ces choses de vive voix. Dans l'intervalle, la maman de Mounira étant rentrée de son voyage de Niamey, ma maman lui a téléphoné pour présenter nos intentions et échanger brièvement avec elle à propos de ce que seules savent se dire des mères quand il s'agit du bonheur de leurs enfants. Le rendez-vous téléphonique du dimanche 20 janvier n'a finalement pas eu lieu, Mounira ayant été retenue très tardivement chez sa soeur à Tampouy. Le jour suivant, nous nous sommes longuement parlé au téléphone. Elle m'a dit que sa situation devenait insupportable, qu'elle n'avait plus de moto (alors que j'avais contribué à l'achat de celle qu'elle avait reçue pour son anniversaire, en avril 2012), que ces portables ne fonctionnaient plus et qu'elle n'allait même plus à l'ISPP faute d'avoir payé les frais de scolarité. Je m'insurgeai contre le fait qu'elle n'allait plus à l'école et qu'elle se laissait submerger par des soucis matériels alors que je pouvais lui venir en aide. 5
  • 6. Il fut décidé que je me chargerais des frais de scolarité de l'ISPP, qui furent payés le lundi 28 janvier. Je lui envoyai aussi un portable Samsung pour que nous puissions communiquer normalement en lieu et place de son vieux portable qui ne fonctionnait que sur haut-parleur. En revanche, pour ce qui regardait la moto placée en gage à la suite d'une mauvaise affaire de pagnes avec ses soeurs, elle me demanda de la laisser régler elle-même ce problème. Elle ajouta même, sur le ton de la plaisanterie, si elle aussi, quand elle travaillerait, elle aurait le droit de me faire autant de cadeaux... Nous nous sommes parlé à plusieurs reprises jusqu'au jeudi, jour du mariage de sa parente, où elle était demoiselle de compagnie. Alors qu'elle attendait à la maison le retour des parents de Loumbila, elle paraissait exténuée et parlait d'une voix quasiment inaudible, comme si parler la faisait souffrir physiquement. J'étais franchement inquiet pour sa santé et je lui ai demandé de se reposer, puisqu'au fond elle n'était pas indispensable à ce mariage. Entre temps, mon chauffeur est allé lui remettre la brosse à dent électrique qu'elle attendait depuis si longtemps et qui venait d'arriver. Elle me remercia par téléphone et me promit de belles photos d'elle à ce mariage... J'ai reparlé à Mounira plusieurs fois encore le soir, brièvement. Elle allait mieux. Beaucoup de gens s'affairaient autour d'elle. On aurait dit qu'elle volait les conversations que nous avions à je ne sais qui… Les jours suivants je n'ai cessé de prendre de ses nouvelles, jusqu'au dimanche où elle est restée injoignable jusqu'au petit matin. Le lundi, j'ai insisté pour lui parler et la rencontrer. Il était 7 h 20. Elle se préparait pour aller à l'école et m'a proposé un rendez-vous téléphonique à la pause de 10 h 30. Comme elle n'a pas tenu ce rendez-vous, je me suis déporté à l'école pour déjeuner avec elle. Elle n'était pas là et il m'a fallu un long moment avant de pouvoir lui parler au téléphone. Elle était dans un appartement dont je ne connaissais pas l'écho, sans doute le vôtre, ou celui d'un autre de ses amants. Elle était très énervée, y compris contre moi. Je lui demandai ce que je lui avais fait, pourquoi elle semblait me fuir et pourquoi, s'il y avait un problème entre nous, elle ne voulait pas me l'avouer. Finalement, Mounira s'est calmée et m'a expliqué qu'elle m'avait demandé du temps pour revenir dans notre relation, et qu'il fallait que cela vienne d'elle même, qu'il restait un peu de chemin et que je devais être plus patient. Pour ma part, j'avais besoin de réponses plus concrètes. Je lui ai donc proposé d'arrêter notre attitude sur sa réponse à 5 questions que je jugeais essentielles à notre relation amoureuse, et que je considérerais ses réponses comme définitives en attendant son retour. 6
  • 7. Y avait-t-il un autre homme dans sa vie ? Non, sinon j'aurais été le premier à le savoir et je ne serais pas là en train de discuter avec elle. Etait-elle enceinte ? Non, elle n'attendait un enfant de personne. Avait-elle une maladie grave ? Non, aucune. M'aimait-elle comme je l'aimais ? Oui, rien n'avait changé. La pause qu'elle m'avait demandée, était-ce une façon de me quitter ou au contraire de renforcer notre relation ? Si elle devait me quitter, elle me l'aurait dit sans détour ; et c'était bien pour renforcer notre relation qu'elle m'avait demandé cette pause. Je lui ai dit que mon voeu le plus cher était de fêter cette année la Saint- Valentin avec elle, mais elle a décliné l'invitation, m'affirmant qu'elle ne fêterait pas, car elle devait travailler dur en classe pour rattraper son retard sur ses partiels, avant de faire un voyage à Orodara avec l'ISPP. Mais elle a ajouté spontanément que son voeu à elle, c'était de fêter son anniversaire, le 4 avril prochain, en tête à tête avec moi. Je lui ai répondu que je commençais donc dès maintenant à préparer celui-ci et elle m'a donné son accord. J'ajoutai que mon anniversaire ayant lieu en avril également, elle aurait à préparer le mien, ce à quoi elle consentit. Nous avons encore plaisanté sur le nombre, deux, et le prénom, Inès et Carl, de nos enfants avant de nous quitter. Le 14 février, dans la soirée, alors qu'elle avait fini assez tard ses cours de rattrapage à l'école et qu'elle dégustait le gâteau de Saint-Valentin que j'avais envoyé à la maison, nous avons parlé de tout ce temps que nous avions perdu sur notre amour et que nous avions à rattraper. Elle était détendue, presque sereine. Pour calmer mon impatience de la voir mettre fin à notre pause, elle s'amusait même de ce que toute la tendresse et l'amour qu'elle allait me donner après l'épreuve qu'elle était en train de vivre seule allaient sûrement me faire fuir. Au fond, qu'elle serait une amoureuse pire qu'avant... Ce fut un beau moment. Je l'avais retrouvée, certes à distance, mais je l'avais retrouvée. Je lui dis que je l'aimais, et elle me répondit que, elle, elle me l'avait déjà dit en mangeant le coeur d'amour magique que je lui avais envoyé. Nous avons continué à nous écrire jusqu'au 8 mars, date à partir de laquelle elle est restée silencieuse, comme moi d'ailleurs, ce qui n'était pas pour me surprendre puisque c'était la convention que nous avions passée. Le 3 avril au soir, vers minuit, Mounira m'a adressé un message pour me dire qu'elle avait envie de me voir. Comme elle semblait avoir perdu le chemin qui menait jusqu'à moi, je lui ai proposé de lui envoyer mon ange gardien pour qu'il lui prenne la main. Finalement, elle a accueilli celui-ci et la retenu pour qu'il retrouve sa place dans ses nuits, comme avant... 7
  • 8. Nous nous sommes séparés sur des rires, en attendant le lendemain, jour de son anniversaire. Je lui ai souhaité son anniversaire le matin et, vers 18 h, je lui ai annoncé que je passerai la prendre à 20 h. Elle m'a répondu que maintenant elle était à Tampouy et que de l'appeler en venant, sans doute parce qu'elle voulait être certaine d'être de retour à la maison à Gounghin. Peu avant 20h, je lui ai écrit que j'étais en route, sans qu'elle me réponde. Arrivé à sa maison, je trouvais son papa assis dehors, je le saluai et lui dis que je venais pour l'anniversaire de Mounira. Nous sommes entrés dans la cour où la maman regardait la télévision et j'ai attendu en leur compagnie le retour de Mounira, dont le téléphone était fermé. Il régnait une ambiance lourde. Au bout d'une heure, j'ai pu la joindre au téléphone et j'ai compris qu'elle demeurait maintenant chez sa soeur, où je me suis transporté avec mon gâteau, pour lui fêter son anniversaire, comme elle en avait exprimé le souhait. La situation était à ce point surprenante que je m'attendais à tout. C'est finalement par l'indiscrétion du kiosquier qui jouxte la maison de sa soeur que j'ai appris que Mounira venait d'accoucher. J'ai salué sa soeur, qui est allée chercher Mounira dans sa chambre. Nous nous sommes salués en nous embrassant à peine. Il y avait de la colère en moi, mais aussi tellement de questions qui me brûlaient les lèvres que je lui ai demandé de s'asseoir dans le salon, et devant sa soeur, de me dire maintenant toute la vérité. Elle refusait de s'exprimer devant sa soeur, prétextant aussi le sommeil des enfants, alors que celle-ci n'y voyait aucun inconvénient, même si elle ne semblait pas comprendre ce qui était en train de se dénouer. Finalement, Mounira m'a avoué qu'elle venait d'avoir l'enfant que j'avais refusé de lui faire alors qu'elle avait tellement insisté. J'ai regardé sa soeur, puis j'ai demandé à Mounira pourquoi alors elle avait tué notre enfant en avortant il y a un an, sans rien me dire, si c'était pour faire un enfant avec un autre homme quelques mois plus tard, alors qu'à la même période, elle n'avait de cesse que nous fassions l'amour pour avoir un enfant de moi ! Elle m'a répondu, la gorge serrée, qu'elle voulait absolument savoir si elle pouvait encore ou non, à la suite de l'avortement, être mère. Que sans enfant, sa vie ne serait rien. Et comme durant notre relation, elle n'avait connu aucun autre homme et que je mettais du temps à lui faire son enfant, la seule solution avait été, pour elle, d'utiliser son ex... Elle voulu interrompre la conversation en me proposant de la retrouver le lendemain dans la cour familiale où sa soeur la conduirait. J'ai refusé, car je voulais que toute la vérité soit dite le soir même. Elle est rentrée dans sa chambre, mais comme elle entendait que je continuais de discuter avec sa soeur, elle est revenue s'asseoir au salon. 8
  • 9. Je lui ai rappelé qu'il y avait un mois tout juste, elle avait répondu positivement à mes 5 questions. Je voulais maintenant savoir s'il y avait d'autres mensonges. Mounira voulait que je me calme, me demandait de lui faire confiance, qu'elle n'avait menti que sur un seul point, que tout pouvait s'arranger. Franchement, je ne voyais pas ce qui pourrait s'arranger alors qu'en lieu et place de notre enfant dont elle avait avorté, et qui aujourd'hui aurait 4 ou 5 mois, elle avait porté et mis au monde le vôtre, ou celui d'un autre. J'étais désemparé, tout comme sa soeur, qui découvrait une situation qu'elle ne pouvait même pas imaginer. Je pressais Mounira de me dire ce qu'il y avait d'autre encore, et pourquoi tant de mensonges sur ses sentiments, sur votre existence, sur son état... Elle me demanda à nouveau de me calmer et d'accepter de la voir le lendemain. Et elle ajouta que si elle avait accouché ici et qu'elle était ici avec son enfant chez sa soeur, et non pas chez le père de l'enfant, c'était pour une bonne raison, et que cela prouvait bien ses sentiments pour moi. Je devais juste attendre, elle allait tout m'expliquer, et surtout continuer à lui faire confiance, comme elle me l'avait demandé. Comme son beau-frère venait de rentrer, Mounira préféra que nous sortions de la cour, mais nos éclats de voix dans la rue étant trop forts, celui-ci nous invita à rester à l'intérieur, dans le salon. Nos échanges furent vifs, très vifs même, sans doute parce que de part et d'autre notre orgueil saignait, au point que je finis par la gifler, sèchement. Elle resta figée. Comme je me tenais devant la porte du salon pour partir, je me suis retourné, je lui ai demandé de s'approcher, elle a hésité avant que je prenne ses mains et que nous nous serrions dans les bras l'un de l'autre, avec l'émotion que je lui connais depuis le premier jour. Elle était perdue. Elle est rentrée dans sa chambre tandis que sa soeur me raccompagnait vers la sortie. Dans la cour, j'ai présenté mes excuses à sa soeur, et du reste à toute la famille, notamment au papa et à la maman qui, complices ou non, avaient dû jouer un faux jeu devant moi quelques heures plutôt, je m'excusais donc d'avoir introduit tant de tumulte dans une famille que, une heure plus tôt, je présumais encore la mienne. Son mari est venu la rejoindre, auquel j'ai également présenté mes excuses, avant qu'il ne m'accompagne à mon véhicule devant lequel nous avons eu une très longue discussion sur les tenants et les aboutissants de la situation de duplicité que je venais de mettre à nue. Ce n'est que le lendemain, à l'occasion d'une autre discussion avec son beau- frère, en ville, que j'ai compris que le mariage où Mounira était censée n'être qu'une demoiselle de compagnie et où je l'avais trouvée au téléphone minée par le chagrin la concernait directement. En l'occurrence, je ne sais pas quelle 9
  • 10. lecture il faut faire de la justice de Dieu, mais se marier à contrecoeur, en longeant les murs comme s'il s'agissait d'une maladie honteuse, cela ressemble à un châtiment… Pendant ces trois années où nos vies ont été mêlées, vous et moi, Monsieur A. B., et sans doute d'autres hommes inconnus de nous deux, sans que nous le sachions et à notre corps défendant, je n'ai agi que selon les sentiments que j'éprouvais et ceux qu'exprimait Mounira avec la plus grande intensité, de vive voix et par écrit, devant moi comme devant mes amis, sans jamais soupçonner que je puisse froisser le coeur ou ajouter de l'amertume à la vie de quiconque. Ayant donc agi avec les sentiments et le naturel d'un homme qui aimait et qui se sentait aimé, et ce jusqu'au jour où j'ai appris de la bouche de Mounira qu'elle était la mère d'un enfant qui n'était pas de ma chair et de mon sang, je pense n'avoir commis aucune faute volontaire, ni envers vous ni envers la famille, faute dont je puisse porter la responsabilité, même si je regrette amèrement d'avoir pu servir, ou d'avoir été l'instrument involontaire, peut-être aveuglé par l'amour que je portais à Mounira, d'une douleur, d'une déception ou d'une humiliation. Si j'ai tenu à vous écrire cette longue lettre à coeur ouvert, qui me coûte sans doute autant qu'à vous, c'est parce que je considère que, sur cette terre, et chaque jour que Dieu fait, il ne saurait y avoir de bonheur en dehors de la vérité et de la sincérité, même si cette vérité et cette sincérité sont parfois si douloureuses à exprimer et à entendre. Je viens de voir celle que je considérais comme la femme de ma vie, celle qui devait partager mon nom, faire de son ventre le berceau de nos enfants et conjuguer avec moi le bonheur d'être pour la vie à deux, disparaître subitement, comme balayée par un ouragan de mensonges et de trahisons, et qui, à mes yeux, apparaît aujourd'hui plus comme un monstre d'égoïsme, de cruauté et de lâcheté que d'amour, je ne voulais donc pas davantage succomber à ces mensonges et à ces trahisons, faire comme si de rien n'était et réduire au silence éternel la simple vérité des mots, des gestes et des sentiments qui ont été l'âme de ma relation d'amour avec Mounira. Qu'il plaise à Dieu, et je le souhaite du fond du coeur, de ce coeur où j'ai puisé tout l'amour que j'avais pour elle, de ce coeur aujourd'hui blessé à vif, que Mounira vous rende, vous et cet enfant, plus heureux et plus longtemps que moi-même et notre enfant mort avorté. C'est une chose de faire l'amour avec une femme, de lui faire un enfant à la dérobée ou de partager un poulet avec elle à la cantine de l'Aéroport, mais c'en est une autre de vivre avec elle, jour après jour, sa duplicité, son mensonge et 10
  • 11. ses lâchetés. J'ai fait l'amour avec Mounira, comme nombre d'autres hommes sans doute durant cette période, mais maintenant c'est à vous, et à vous seul, de vivre tout le reste, et pour un long temps. Devant une femme, on se demande toujours s'il vaut mieux brûler ou durer ; un jour, si vous en avez le courage, vous viendrez me dire qui de vous ou de moi a fait le choix du paradis ou de l'enfer avec Mounira... Très sincèrement, 11