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UNIVERSITE DE PARIS IV - SORBONNE
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2
2013
No du mém
ote
moire : 17/20
0
Me
ention : Très Bien
SOMMAIRE
INTRODUCTION-------------------------------------------------------------------------------------------- p 4

I – LE NOUVEL ÂGE DU MEDIA TELEVISION :
DU MEDIA AU METAMEDIA------------------------------------------------ p 13
A.
1.
a.
b.

L’écran : d’une fenêtre ouverte sur la culture à un objet culturel----------------Quand l’accès à l’image révolutionne l’accès à la culture------------------------------Le rôle social du média télévision à travers ses trois âges---------------------------------De la télévision cérémonielle au social média------------------------------------------------

2.

Instantanéité, contribution et partage des objets télévisuels :
vers un déterminisme de l’autonomie des usagers-------------------------------------------- p 20
La Social TV, culture de la participation du téléspect’acteur------------------------------- p 20
Les UGC, objets au service des marques programmes---------------------------------------- p 23

a.
b.

p 14
p 14
p 14
p 17

B.
1.
a.
b.

Quand la télévision devient un métamédia-------------------------------------------------- p 26
Un contexte de porosité des médias------------------------------------------------------------- p 26
Changement de paradigme de la médiativité-------------------------------------------------- p 26
Appropriation de la convergence Internet-Télévision --------------------------------------- p 28
par la télévision connectée

2.
a.
b.

De l’interaction à l’interactivité émetteur-récepteur------------------------------------------ p 31
Valorisation du média télévision par la notion d’interactivité------------------------------- p 31
La télévision, un média réinventé --------------------------------------------------------------- p 34

II – LE DIRECT : GENRE CONSTITUTIF DU
MEDIA TELEVISION ?--------------------------------------------------------- p 36
A.
1.
a.
b.

Le référent imaginaire global du spectacle ------------------------------------------------- p 37
Le direct sportif, la mise en spectacle du spectacle------------------------------------------- p 37
Le sport comme incarnation de valeurs identitaires du média------------------------------ p 37
La médiagénie du direct sportif dont la télévision serait le partenaire idéal-------------- p 40

2.
a.
b.

Le direct sportif, dramaturgie et panoptisation du spectacle---------------------------------- p 43
Une dramaturgie au service de l’attractivité du média télévision--------------------------- p 43
Panoptisation du spectacle------------------------------------------------------------------------p 46

B.
1.
a
b

Le référent imaginaire global technique----------------------------------------------------- p 49
Une programmation qui se nourrit du direct--------------------------------------------------- p 49
Une perception positive de la couverture télévisuelle---------------------------------------- p 49
Une diversité des formats------------------------------------------------------------------------ p 52

2.
a.
b.

Une technologie qui sublime l’événement par l’interactivité-------------------------------- p 53
Evolution de l’exploitation de l’environnement digital à l’antenne------------------------- p 53
Discours et appropriation des dispositifs interactifs------------------------------------------ p 56

2
PARTIE III – IMPACTS DE L’INNOVATION SUR LE MEDIA TELEVISION :
VERS UNE REMEDIATION----------------------------------------------------------- p 59
A.
1.
a.
b.

Quand le poste de télévision perd son monopole audiovisuel----------------------------p 60
La modification de la chaîne de valeur----------------------------------------------------------p 60
Le positionnement de la télévision et des nouveaux médias---------------------------------- p 60
Une nouvelle proposition d’usage transmédiatique------------------------------------------- p 62

2.
a.
b.

La délinéarisation : un nouveau contrat d’écoute,
une nouvelle posture des usagers ----------------------------------------------------------------p 65
La délinarisation, le fantasme de la liberté----------------------------------------------------- p 65
Une tendance de consommation plus individuelle -------------------------------------------- p 67

B.
1.
a.
b.

La télévision comme objet, matérialité et remédiation------------------------------------p 69
Matérialité et culture des usages----------------------------------------------------------------- p 69
Impact des innovations de l’objet sur la culture médiatique--------------------------------- p 69
Smart TV, une réalité d’usage en retrait-------------------------------------------------------- p 72

2.
a.
b.

Perspective d’une dématérialisation de l’objet télé-------------------------------------------- p 73
Déterminisme technique et immatérialité de l’image----------------------------------------- p 73
Perspective du « tout est écran », un rôle du média qui serait recentré ------------------- p 74
sur la production de contenus

CONCLUSION----------------------------------------------------------------------------------------------- p 77
BIBLIOGRAPHIE-------------------------------------------------------------------------------------------- p 80
ANNEXES---------------------------------------------------------------------------------------------------- p 83
RÉSUMÉ------------------------------------------------------------------------------------------------------ p 110
MOTS CLÉS-------------------------------------------------------------------------------------------------- p 111

3
INTRODUCTION

Télévision1 (1957) n.f. : « Transmission à distance, par courants électriques ou par ondes
hertziennes, de l’image d’un objet animé. »
Télévision2 (2001) n.f. 1. : « Transmission, par câble ou par ondes radioélectriques,
d’images pouvant être reproduites sur un écran au fur et à mesure de leur réception, ou
enregistrées en vue d’une reproduction ultérieure. – Télévision par câble(s) : télédistribution.
2. Ensemble des services assurant la transmission d’émissions, de reportages par télévision. 3.
Fam. Téléviseur. Abrév : télé. »
54 ans séparent ces deux définitions du mot télévision. La définition de 1957 ne fait aucune
référence à la matérialité du poste de télévision. Alors que les Français vont le découvrir en
1935 dans les lieux publics, en 19503, il n’y a pas plus de 3 794 postes récepteurs dans les
foyers (en raison du coût élevé de l’équipement). Mais, à la date de publication du
dictionnaire, on estime alors que le nombre de postes de télévision dans les foyers français
s'élève à un million. Alors pourquoi la définition ne tient-elle pas compte du récepteur ?
L’élément de réponse se trouve à un mot au-dessus de cette page 1174, la matérialité de la
télévision se nomme « téléviseur », mot quelque peu tombé en désuétude au XXIème siècle.
Pendant les années qui vont suivre, un million de téléviseurs sera vendu en France, jusqu'à ce
que chaque famille possède un poste à la fin des années 60. L’histoire de ce nouveau média de
masse ne va alors cesser de s’écrire au fil d’évolutions technologiques et sociales qui vont le
transformer jusqu’à l’inquiétude des acteurs de son industrie dans les années 2010.
Le rappel de la définition académique du mot « télévision » en introduction de ce travail de
recherche nous permettra d’en préciser la problématique et les hypothèses. Dans notre culture
actuelle et aux yeux du grand public, le mot « télévision » revêt des champs sémantiques qu’il
faut bien distinguer : nous regardons la télévision et on fait de la télévision, deux notions
relevant d’un côté de la réception et de l’autre du contenu. La définition 1. et 2. du
dictionnaire Larousse de 2001 est centrée sur le champ du dispositif technique sans
1

Dictionnaire Nouveau Larousse Classique, Editions Librairie Larousse, 1957
Dictionnaire Le Petit Larousse Illustré, Editions Larousse, 2001
3
ROZAT, Pascal «Histoire de la télévision : une exception française ? », inaglobal.fr [disponible en ligne :
http://www.inaglobal.fr/television/article/histoire-de-la-television-une-exception-francaise]
publié
le
09
décembre 2010, Mis à jour le 07 mars 2011, consulté le 10 juillet 2013
2

4
considération pour le récepteur, le message, le contenu. D’un point de vue étymologique4 le
mot télévision est composé de télé, du grec ancien τηλε, (tele), « loin » et de vision, du latin
visio, « voir ». Ce néologisme sera proposé par Constantin Perskyi dans sa communication
adressée le dernier jour du Congrès International d'Electricité qui se tient, dans le cadre de
l'Exposition Universelle de Paris, du 18 au 25 août 1900. Il est repris dans la presse anglaise
sous la forme « television ». Il supplante peu à peu d'autres termes de l'époque, comme
téléctroscope ou téléphote. Ici c’est encore l’innovation technique qui prend le pas, une
technologie qui permet à un médium de transmettre, littéralement, ce qui vient de loin.
Mais l’essor de la télévision, devenu le média préféré́ des Français5 pour l’information ou
pour comprendre un sujet de fond, est basé avant tout sur le contenu. C’est l’évolution de son
écosystème qui nourrira le petit écran de programmes pour que le dispositif technique prenne
tout son sens.
En 19486, les programmes sont essentiellement des spectacles de variété réalisés en
plateau. Les premières retransmissions de grands événements en direct font dans le même
temps leur apparition, comme l’arrivée du Tour de France au Parc des Princes ou la messe de
minuit à Notre-Dame. En 1949, Pierre Sabbagh lance le premier journal télévisé, alors que
Jacqueline Joubert devient la première speakerine. Se pose alors le problème des sources de
financement du flux télévisuel. La loi du 30 juillet instaure une redevance sur les postes de
télévision.
En 1974, apparaît la première notion de résultats sous forme de calculs d’audience, les trois
chaînes publiques se faisant alors concurrence pour la répartition du produit de la redevance
(devenant en partie corrélée aux résultats d’audience). La publicité introduite en 1968,
représente environ un quart des recettes de TF1 et d’Antenne 2. En 1982, la loi du 29 juillet
abroge le monopole d’état. Deux ans plus tard, Canal+ commence à émettre, le 4 novembre
1984, bientôt suivi par La Cinq et TV6 en 1986 ; puis TF1 est privatisée en 1987. La course à
l’audience est alors le nerf de la guerre du financement des programmes. L’ouverture du
marché à de nouveaux entrants (câble, satellite, TNT…) ne cessera de bouleverser la
télévision en tant qu’émetteur de contenus.

4

Anonyme « Télévision », Wiktionary.org [disponible en ligne :
http://fr.wiktionary.org/wiki/t%C3%A9l%C3%A9vision] publié le 10 juillet 2013, consulté le 27 juillet 2013
5
TNS Sofres pour La Croix, 22 janvier 2013
6
ROZAT, Pascal «Histoire de la télévision : une exception française ? », art. cit.
5
A l’aube de 2014, la télévision a dépassé l’âge de la post-télévision7, dont la téléréalité a
été le point de départ, et ne cesse de se développer. Elle a entamé sa mutation qui la fait entrer
dans un nouvel âge, dans un contexte d’innovations de plus en plus rapides et d’écosystème à
réinventer.
Les enjeux économiques et stratégiques se jouent au niveau de tous les champs
sémantiques de la télévision : du côté de l’industrie de l’écran aussi bien que du côté des
éditeurs de contenus. Et nous observons un oxymore complexe entre figure technique et
figure du discours. Le dernier CES8 (Consumer Electronics Show) de Las Vegas a mis en
exergue l’accélération permanente des innovations. L’écran n’est plus « le petit écran » en
opposition au « grand écran » de cinéma. Au CES, on découvre l’écran de grande taille, sur
tous les devices : la plupart des constructeurs de télévision ont présenté des écrans de très
grande taille, supérieur à 50 pouces voire à 80 pouces ; les constructeurs de téléphones
mobiles, des smartphones ressemblants de plus en plus à des tablettes. Autre grande tendance
du CES 2013, la télévision connectée :
« Le CES 2013 sera celui de l’avènement incontestable de la TV connectée, sans passer par une box
d’opérateur ou une console de jeu : c’est aujourd’hui la TV qui est connectée à internet directement, et ça change
tout. Pub ou contenus cliquables, applications installées, VOD, stockage via le cloud du constructeur ou du
vendeur de contenus, télécommandes intelligentes se transformant en souris, caméra embarquée installée sur la
TV pour communiquer à distance ou faire des exercices de sport, piloter la TV ou jouer à des jeux… La TV
connectée arrive enfin, avec ce qu’il faut pour qu’elle soit vraiment utile dans les usages qu’elle propose. Le
monde nouveau qu’on nous annonçait s’ouvre maintenant pour les contenus et la publicité. »

Enfin, il est important aussi de souligner que la qualité de l’image et de sa restitution est au
cœur des préoccupations des constructeurs. Avec l’image 4K (4000 pixels), l’image devient
aussi réaliste que le réel. Le média télévision n’est plus seulement un dispositif d’accès à
l’information, la culture, le divertissement. Il doit désormais répondre à une exigence de
réalisme d’images sublimées et plus vraies que nature.
Si nous observons maintenant la figure du discours, Jean-Louis Missika et Dominique
Wolton9 envisageaient déjà en 1980 trois formes possibles et simultanées de télévision : « la
télévision diversifiée (spécificité accrue des programmes), la télévision fragmentée
(spécification accrue des publics, et donc du support [...] et la télévision inter-active (c'est-à7

MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, Paris, Editions du Seuil, coll. « La République des Idées », 2006
BEAUDICHON, Bertrand « CES 2013 : des écrans, des données, des usages », Doc News [disponible en ligne :
http://www.docnews.fr/actualites/tribune,ces-2013-ecrans-donnees-usages,35,15648.html] publié le 15 janvier
2013, consulté le 15 janvier 2013
9
Le Nouvel Observateur, 27 sept. 1980, p. 58, col. 3
8

6
dire permettant des échanges audio-visuels entre usagers) ». Cette notion d’interactivité est la
clé de ce que nous avons défini comme quatrième âge de la télévision, qui en bouleverse les
usages et les fonctionnalités, un âge nourri par la digitalisation de l’Internet. La montée en
puissance de la digitalisation des contenus médiatiques, à son apogée depuis trois ans,
révolutionne tous les médias historiques, que ce soit la presse écrite, la radio, le livre ou la
télévision. Par un effet cliquet, le retour à des formes plus classiques de ces médias est
impossible. Afin de ne pas mourir, supplantés par les médias numériques, ils ont bien compris
la nécessité de se réinventer et d’innover.
Si nous revenons au média télévision, le concept de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any
Device) met-il en danger ce média de masse historique ? Les stratégies des éditeurs de chaînes
de télévision doivent être de plus en plus inventives pour satisfaire un récepteur hyper
connecté, maîtrisant ses horaires, ses programmes, pouvant les critiquer en direct et adepte de
la mobilité. La télévision connectée trônant au premier trimestre 2012 dans 10,7% des
foyers10, sera-t-elle à la hauteur des médias concurrents, l’ordinateur, les tablettes déjà
adoptées par 18% des foyers français11 au premier trimestre 2013 (ce nombre a plus que
doublé en 1 an) et smartphones ?
Mais avec une durée d’écoute en constante progression, nous sommes encore loin de
l’uchronie d’un monde où le support physique télévision aurait totalement disparu à la faveur
de nano écrans ou d’objets du quotidien projetant de l’image. En effet, cette approche semble
ne prendre en compte qu’une idéologie technique, sans considération pour le concept du
média de masse « télévision », objet culturel aux contenus riches et innovants. Les éditeurs de
télévision mettent tout en œuvre pour répondre aux usages connectés et à une concurrence de
contenus foisonnants disponibles sur internet. Pour affronter ces évolutions technologiques
d’accès aux images et aux divertissements, ils doivent impérativement négocier avec succès le
virage stratégique qui se présente tant au plan éditorial que commercial et ceci avec leurs
partenaires issus des nouvelles technologies.
Ces enjeux sont d’autant plus primordiaux pour les chaînes historiques. Déjà confrontées à
une fragmentation de l’audience dans un univers concurrentiel de plus en plus dense
10

BEMBARON, Elsa « Trois millions de foyers équipés de télé connectée », Lefigaro.fr [disponible en ligne :
http://www.lefigaro.fr/medias/2012/05/22/20004-20120522ARTFIG00662-trois-millions-de-foyers-equipes-detele-connectee.php] publié le 22 mai 2012, consulté le 25 avril 2013
11
Communiqué du 03/06/2013 Médiamétrie
7
(thématiques, TNT et nouveaux entrants), elles doivent continuer à jouer leur rôle de média de
masse (en opposition avec les programmes spécialisés, voire de niche des chaînes
thématiques), tout en répondant à la consommation plus individualiste des spectateurs
demandeurs d’expériences enrichies multi-écrans. Une autre opposition est au cœur des
problématiques de l’avenir de la télévision linéaire avec l’émergence des Over-The-Top
Content (OTT) : Google TV, Apple TV, ou consoles de jeux vidéo comme la Xbox.
Les inquiétudes sur la disparition du petit écran ne paraissent cependant actuellement pas
fondées. La substitution est loin d’avoir eu lieu : alors que 76% des Français sont internautes,
la durée d’écoute TV moyenne en 2012 était de 3h50 par jour12, soit trois minutes de plus
qu'en 2011 et 30 minutes de plus que dix ans plus tôt. Jamais le public n'a autant consommé
ce média. Mais cette observation faite en France est challengée par une autre étude réalisée
par l’agence eMarketer aux Etats-Unis en août 201313. Une étude comparant le temps moyen
passé devant les différents écrans (adultes de plus de 18 ans) entre 2010 et 2013 montre que
pour la première fois dans son histoire, la télévision n’est plus l’écran le plus consommé, à la
faveur des médias digitaux (5h16 par jour contre 4h31 pour la télévision).
Pour le moment, l’utilisation du second écran (tablettes et autres) est en devenir et connaît
un frémissement qui donne une perspective positive à la télévision. C’est un potentiel
d’enrichissement qui renforce l’expérience télévisuelle en offrant un espace de liberté
complémentaire au contenu diffusé sur l’écran principal. D’autant plus que les constructeurs
de télévision sont toujours plus innovants, apportant des fonctionnalités d’interface toujours
plus performantes, largement médiatisées au dernier CES. Même si les tablettes ont vu leur
part de marché exploser en 2013, la prime au grand écran est toujours un déclencheur de
l’acte d’achat de la télévision.
Ces fonctionnalités se font au service d’une interactivité toujours plus engageante du
téléspectateur. Le watermarking par exemple permet une synchronisation entre le programme
et une application qui enrichit un contenu live en temps réel (à l’instar de The Voice, Top Chef
ou des grands directs sportifs). Cet engagement favorise la fidélisation et le maintien
d’audiences significatives pour ces programmes en créant un lien privilégié entre la marque
12

Communiqué du 30/01/2013 Médiamétrie , Médiamat – France métropolitaine, plus de 4 ans équipés de
téléviseurs.
13
REDACTION « Digital Set to Surpass TV in Time Spent with US Media », emarketer.com [disponible en
ligne : http://www.emarketer.com/Article/Digital-Set-Surpass-TV-Time-Spent-with-US-Media/1010096] publié
le 1er août 2013, consulté le 1er août 2013
8
programme et le récepteur. La technologie Hbbtv permet de proposer de multiples services
pour les télévisions connectées, édités par de nombreuses sociétés françaises travaillant en
étroite collaborations avec les éditeurs de programmes (Dotscreen, Visiware…).
L’écosystème semble donc prêt à accompagner la mutation de la télévision confrontée à
une évolution sociologique de l’accès à l’information et au divertissement. Véritable portail
interactif, la télévision est désormais connectée et se pare de nouveaux attributs pour remplir
sa fonction sociale et culturelle. Nous allons au cours de notre recherche nous interroger
spécifiquement sur l’évolution de l’objet média télévision, en questionnant sa légitimité face à
des usages en constante mutation répondant à une évolution sociologique de la consommation
de l’image. Nous pouvons préciser la problématique avec la question suivante :

Dans un contexte de bouleversement des usages, de contournement de la
chronologie des médias, de porosité des médias historiques, comment le média télévision,
média roi du XXème siècle, se transforme-t-il dans sa fonction sociale et technique ?
Dans quelle mesure les avancées technologiques et l'émergence d'hypermédias
numériques la conduisent-elle à une réinvention de ses dispositifs communicationnels et
de sa matérialité ?
Pour

apporter

quelques

réponses

théoriques

à

ce

questionnement,

trois

méthodologies ont été retenues. Tout d’abord une analyse de discours construite sur des textes
scientifiques, des articles (issus de la presse et de sites internet entre septembre 1980 et août
2013) et des déclarations des acteurs impactés ou parties prenantes de la révolution
numérique : chercheurs en SIC, éditeurs de contenus de médias historiques, constructeurs de
télévision, réalisateurs de programmes ou observateurs de tendance. Cette analyse de discours
nous permettra de mieux comprendre l’imaginaire technologique vécu au travers de la télé
connectée. Ensuite nous avons retenu une analyse sémiologique du dispositif d’un événement
qui a fêté sa 100ème édition en juillet 2013, le Tour de France. Il s’agira ici d’étudier les
discours, signes et dispositifs d’une retransmission d’une étape de l’Alpe d’Huez, programme
télévisuel de mise en spectacle identitaire. Nous comparerons l’évolution de ces dispositifs
sur 3 périodes : 2006, 2011 et 2013. L’analyse des évolutions des dispositions et des usages,
de l’interactivité mise en œuvre sur les supports médiatiques en 8 ans, permettra de mieux
comprendre les contours de la révolution médiatique en marche et des nouveaux usages.
Enfin, nous dirigerons des entretiens semi-directifs de différents profils d’acteurs ou
9
consommateurs du média télévision : professionnels chez les éditeurs de contenus, du
marketing et de l’interactivité, consommateurs multi-générationnels. Ces entretiens nous
permettront de mieux cerner les pratiques digitales et transmédiatiques ainsi que les
comportements des téléspectateurs, leurs attentes et leurs évolutions.
Nous allons envisager trois hypothèses qui viendront nourrir les éléments de réponse à
notre questionnement. Nous posons d’abord l’hypothèse que l’âge de la post-télévision14
connaît un changement de paradigme de consommation qui met fin à cette période. Nous nous
questionnerons les fondements du média télévision dont la révolution épistémologique lui fait
perdre le monopole de l’accès par l’image à la culture. Le cadre de la recherche concerne la
figure technique de la télévision et ses répercussions sur son rôle social. Nous observons que
l’innovation tend à amplifier les usages au bénéfice de marques média qui deviennent des
objets culturels de plus en plus partagés. En passant de simple média à un métamédia qu’est la
télévision connectée, la télévision crée de nouvelles formes d’édition de contenus, lui
permettant de légitimer son rôle social. Les nouvelles fonctionnalités de l’objet bousculent le
modèle émetteur-récepteur, le récepteur pouvant même devenir émetteur par la création des
Users Generated Content. A ce titre Twitter ou le transmédia sont à l’initiative de cette
transformation de l’usage. Encore balbutiantes, ces formes de narration collaborative sont
encore rarement à l’origine d’une véritable production d’images ou de narration sur l’écran
principal (les tweets venant juste s’ajouter au contenu de l’éditeur). En cela Internet se
révèlerait être le média de la participation. Si les éditeurs de télévision maîtrisent encore leurs
contenus, la prise de pouvoir du public, qui peut s’exprimer sur les plateformes comme
Youtube ou Dailymotion, paraît modifier la nature des objets audiovisuels. La télévision
s’ancrerait-elle dans un modèle de curateur de contenu ou aurait-elle comme opportunité
d’évolution de tirer profit de son statut de métamédia ? Elle contribuerait alors à favoriser la
circulation de l’image et des contributions, produisant de la culture en renforçant la notion de
trivialité15 de ses contenus par l’appropriation sociale et la transformation des objets grâce aux
fonctionnalités d’Internet. Sa nouvelle médiativité s’appuierait ainsi sur son environnement
technologique.
Face à cela, nous posons pour seconde hypothèse que le média télévision se
distinguerait des nouveaux médias audiovisuels pour revendiquer une identité propre, lui
14

MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art. cit.
JEANNERET, Yves, Penser la trivialité, volume 1, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Sciences
Publications, coll. « Communication médiation et co », 2008

15

10
permettant de légitimer un usage singulier. S’il se nourrit de dispositifs complémentaires pour
fidéliser et accroître son audience, la singularité de contenus qui lui sont propres resterait son
élément constitutif essentiel. Le dispositif technique ne serait qu’au service d’une
éditorialisation dont le direct semble être la substantifique moelle. L’enrichissement d’un
programme d’exception au service de l’écran principal nourrirait un intérêt alors démultiplié.
La télévision s’auréolerait d’un imaginaire affirmé de l’événement exclusif. Cette hypothèse
induirait une notion de spectacle sublimée au service d’un flux linéaire, consommé
instantanément et en simultanéité, avec des moyens de production toujours plus ambitieux.
Elle serait appuyée par l’observation d’une panoptisation des dispositifs, satisfaisant un
récepteur de plus en plus exigeant, qui veut tout savoir, tout partager, immédiatement.
L’innovation bouscule alors la figure narrative et l’imaginaire du média qui tente de préserver
la singularité de son contenu. Le statut du message télévisuel deviendrait alors
monopolistique, dans un contexte d’instantanéité spécifique, de société de l’immédiateté et du
spectacle. Ce n’est alors pas le dispositif en lui-même qui est questionné mais ce qu’il émet.
En cela, nous nous demanderons si le direct peut nourrir la spécificité du média télévision.
Que ce soit lors de grands primes de divertissement comme The Voice, les grands rendez-vous
politiques que sont les élections ou encore les manifestations sportives de haut niveau (que les
diffuseurs s’arrachent à grands coût d’achat de droits exorbitants), la télévision préserverait
toute son attractivité par la nature incontournable du rendez-vous.
Enfin, une troisième hypothèse questionnera le média au sein d’un environnement
concurrentiel complexifié. Nous essayerons de placer la télévision dans une nouvelle chaîne
de valeur et d’étudier comment les éditeurs de contenus s’adaptent aux nouveaux contrats
d’écoute. La posture d’un utilisateur devenant son propre créateur d’objets médiatiques et
prenant la main sur sa programmation, modifie sa relation au média dans un fantasme de
liberté : en quoi cela impacte la nature des formes médiatiques télévisuelles ? Enfin, nous
nous tournerons vers le déterminisme technologique et à la matérialité de la télévision. Le
média télévisuel est un objet technique soumis à l'obsolescence, il vieillit. Mais il paraît se
métamorphoser plus qu’il ne disparaît. Néanmoins, il existe une friction entre la définition de
l’écran et celle du poste de télévision. Celui-ci connaît en ce sens une phase décisive autour
d’une matérialité réinventée au rythme frénétique des innovations qui déterminent les enjeux
stratégiques des constructeurs. Nous étudierons cette figure technique pour observer si la
matérialité de la télévision pourrait en être affectée, dans une perspective « où tout est
télévision ou rien n’est télévision ». Nous serons alors amenés à envisager qu’elle puisse
11
revendiquer sa remédiation vers une autre forme de média pour se renouveler. L’objet smart
TV ferait-il alors déjà parti d’un passé qui approche à grand pas ?

12
I – LE NOUVEL ÂGE DU MEDIA TELEVISION :
DU MEDIA AU METAMEDIA

Pendant près de 50 ans, la télévision, communément nommée « petit écran », a été
confortée dans une situation de monopole de l’accès à la culture par l’image au domicile.
Fenêtre sur le monde qui informe, elle divertit, suscite le débat ou place le spectateur au cœur
de spectacles géographiquement inaccessibles. Dans les années 2000, la bulle Internet vient
bouleverser son statut, l’ordinateur s’installe dans les foyers et connaît une évolution
technologie exponentielle. La télévision voit naître les NTIC (Nouvelles Technologies de
l’Information et de la Communication), concurrents impitoyables dans l’accès à la culture et à
l’information. La « vieille dame » entame alors sa route vers une mutation nécessaire pour
répondre à la transformation des usages de la société…. Renaissance ou sursis ?

13
A. L’écran : d’une fenêtre ouverte sur la culture à objet culturel
1. Quand l’accès à l’image révolutionne l’accès à la culture
a. Le rôle social du média télévision à travers ses trois âges

Pendant un quart de siècle, la télévision a été l’unique média permettant à une large part de
la population, hors intellectuels, l’ouverture sur le monde de son domicile. L’accès à l’image
culturelle n’est plus alors l’apanage du cinéma. La révolution sociale de la paléo-télévision16
est en route vers une forme de libération par l’accès à la culture, comme le souligne Isabelle
Veyrat-Masson17 :
« L’utopie du progrès et de la libération des hommes par la culture et la connaissance, si chère au
XIXe siècle, semble être revivifiée par l’invention de la télévision, par la possibilité qu’elle offre de
diffuser les grandes œuvres du patrimoine littéraire et artistique si longtemps réservées à des privilégiés,
de les recevoir chez soi en tournant un simple bouton. »

Sous l’emprise de l’Etat, la télévision devient au fil de son développement technologique et
de sa vulgarisation, un outil éducatif de la « masse » avec une véritable mission sociale de
démocratisation du savoir et d’uniformatisation de la culture française, comme l’a expliqué
Marie-Françoise Lévy18 :
« La télévision qui s’ancre sous la Quatrième République instaure un modèle de télévision fondé sur
la transmission du patrimoine et qui soutient l’idée d’une télévision comme instrument culturel au service
de l’unité et de l’égalité entre les hommes. La télévision sous de Gaulle est investie d’une mission
d’éducation morale et de guide au service du rassemblement des Français. Elle est aussi pensée comme
une représentation de la France. »

Il est bon ici de définir une notion de culture que nous choisirons au sens large : la culture
peut être définie comme étant l’ensemble des connaissances acquises dans divers domaines.
Le journal télévisé lancé en 1949 par Pierre Sabbagh est représentatif de cette vulgarisation de
l’accès à la connaissance par un médium présentateur qui se pose en commentateur pour
décrypter l’actualité et les enjeux politiques. Eliseo Veron19, dans son analyse du journal
télévisé, note à ce propos l’importance du lien entre ce médium présentateur, intermédiaire
entre l’événement et le téléspectateur, l’image délivrant en temps réel l’actualité quand vient

16

ECO, Umberto, La Guerre du faux, Paris, Grasset, 1985
VEYRAT-MASSON, Isabelle, Quand la télévision explore le temps. L’histoire au petit écran, 1953-2000,
Paris, Fayard, 2000, p.48
18
LEVY, Marie-Françoise, « Télévision, publics, citoyenneté » in COHEN Evelyne, LEVY Marie-Françoise
(dir.), La télévision des Trente Glorieuses, Paris, CNRS Editions, 2007, p 91-111
19
VERON, Eliseo, « Il est là, je le vois, il me parle » in Réseaux, Paris, Le Seuil, 1986, volume 4 n°21. p71-95.
17

14
l’ère du direct. Les techniques de productions, les moyens de transmissions et l’innovation
créeront un lien tout particulier entre le présentateur du journal télévisé, via une starification
de celui-ci qui le confirmera dans son rôle d’éducateur : « […] De même que je reçois les
nouvelles qu'il me transmet, il les a, à son tour, reçues. Sa circonspection me dit le travail
d'interprétation à faire et les précautions à prendre : l'actualité est souvent complexe, on ne
sait pas toujours très bien, bref : il faut faire attention. ». La pédagogie est au rendez-vous, la
posture médiatique de la télévision s’inscrit dans l’accompagnement de la libération de
l’Homme dans la connaissance. Idéaliste, humaniste, elle devient le principal média de masse
à la fin des années 70, entrant dans son âge de néo-télévision20. Toujours placée sous le signe
du média de la promotion de l’information et des programmes culturels, sa vocation est de
faciliter l’accès au plus grand nombre à des œuvres culturelles, inaccessibles par ailleurs.
L’objectif culturel, qui dans l’imaginaire collectif peut paraître élitiste, relève alors du média
de masse, deux notions antinomiques qui se rejoignent grâce à la télévision. Dès lors, les
éditeurs, sous le couvert de service public, créent des rendez-vous populaires et fédérateurs,
s’attachent à produire des programmes de qualité, accessibles et enrichissants. Toutefois, la
chaîne de valeur est modifiée par les modalités du discours, sa construction et la technologie de
diffusion.

Il ne faut pas cependant ignorer l’économie du média qui constitue aussi et avant tout un
produit commercial, à l’instar de la presse ou du cinéma. C’est en 1974 qu’apparaît la
première notion de résultats sous forme de calculs d’audience, pour la répartition de la
redevance. Quant à la publicité, elle arrive sur l’écran en 1968. Elle représente alors environ
un quart des recettes de TF1 et d’Antenne 2. Avec la fin du monopole d’Etat en 1982, de
nouveaux entrants se créent (Canal+ le 4 novembre 1984, La Cinq et TV6 en 1986), TF1 est
privatisée en 1987. Dans ce nouveau contexte économique, un des grands enjeux de la
télévision, a été de négocier le virage de la privatisation et ensuite de la création d’une
multitude d’offres de canaux avec un foisonnement de programmes thématiques ciblés. Les
chaînes historiques restent du domaine du « généraliste » en opposition avec les chaînes
thématiques qui explosent au sein d’offres de télévision payante. Dès lors chaque média
propose son contrat d’écoute spécifique qui lie la marque programme et son récepteur, la
société découvre un PAF multi-culturel mais moins fédérateur. La notion de communauté
émerge. « Je suis fan de musique, je regarde MCM ; je suis fans de sport, je regarde
Eurosport France ; je suis fan de découverte, je regarde Planète… ». L’offre de contenus
20

ECO, Umberto, art. cit.
15
s’inscrit dans cette prise en considération de l’évolution la société. L’individu se crée ses
propres communautés, loin des Institutions, et la télévision entre dans une logique de réponse
à la demande d’un consommateur émancipé avec une politique de marketing éditorial. « L’âge
d’or de la télévision » arrive à sa fin et on craint alors que la vocation culturelle fasse place à
la vocation commerciale du média en opposant service public et chaînes commerciales. Le
statut de média de masse au service de l’enrichissement général de la société se transforme
alors : la vocation du petit écran reste toujours de s’adresser au plus grand nombre avec des
discours didactiques, mais par le biais de multiples canaux moins généralistes. Le modèle
économique se voit lui aussi modifié avec l’apparition d’offres payantes avant la création des
chaînes de la TNT qui permettent un accès gratuit à différentes formes de contenus. La
télévision publique, qu’on appelle d’ailleurs le service public, se targue d’inventer des modes
de représentations esthétiques et artistiques garant de la qualité, induisant un objectif culturel.
De là à conclure que la télévision commerciale est en opposition un média de la société d’en
bas serait trop simpliste. Néanmoins malgré son statut de 8ème art acquis en 1982 par le
Ministère de la Culture, la télévision est décriée et des journaux comme Télérama s’infiltrent
dans la brèche pour critiquer la télévision commerciale et ses productions trop pauvres
intellectuellement parlant. La post-télévision21 introduit le phénomène de la téléréalité. Le rôle
social de la télévision est bouleversé et répond à l’évolution d’une société de la surveillance
du spectacle qui pousse au paroxysme la panoptique22 des dispositifs télévisuels. La promesse
de ces dispositifs est alors de tout voir, tout comprendre, tout expliquer, qu’importe la nature
du regard porté sur le contenu. En quoi le spectacle d’adolescents filmés 24h/24 nourrit
culturellement le téléspectateur et exacerbe sa liberté ? Les polémiques sont lancées en
réponse à Umberto Eco : « La télévision rend intelligents les gens qui n’ont pas accès à la
culture et abrutit ceux qui se croient cultivés ».
La transformation du rôle social de la télévision continue sur la lancée de l’ère numérique.
Comme nous l’avons évoqué, en un quart de siècle, la télévision passe d’un statut de média
d’accès à la culture à un média de l’industrie, à vocation lucrative, pour satisfaire une
curiosité de société du spectacle, dans des formes narratives distrayantes ou choquantes. Les
années 2000 marquent la société par l’accélération des nouvelles technologies. Les relations
sociales se transforment avec l’émergence de nouveaux acteurs qui bouleversent les usages et
les relations interpersonnelles. La télévision questionne alors sa place de mass média culturel,
21
22

MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art. cit.
FOUCAULT, Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975
16
déjà contrariée par la fragmentation de son offre, le web 2.0 et le numérique ayant ouverts
d’autres fenêtres sur le monde, définissant une nouvelle notion, celle de l’interactivité. D’outil
d’archivage de données culturelles consultables, l’interactivité est désormais un flux à double
sens. Il ne s’agit plus d’une action-réaction homme-machine mais la possibilité pour l’homme
de contribuer au contenu du média Internet. L’émergence des relations individuelles de
communauté à communauté ou d’émetteur-récepteur, via les réseaux sociaux, entraîne la
modification de la place de la télévision comme mass média unique et seul émetteur
audiovisuel. Le poste de télévision, qui jusqu’alors avait connu de nombreuses
transformations techniques (la télécommande, la couleur, la qualité de l’image…), trouve sa
matérialité transformée pour répondre aux nouveaux codes sociaux de consommation. Ainsi
débute un nouvel âge de la télévision que nous proposons de nommer « la proto-télévision »,
réinvention d’une nouvelle matérialité par la télévision connectée, prototype d’un nouvel
objet culturel.

b. De la télévision cérémonielle au social média

Comme nous venons de l’analyser, la télévision n’a cessé de s’inventer au fil des
innovations et des événements sociétaux (politique, relations sociales, croyances,
économie…). La conséquence majeure qu’il nous paraît intéressant d’étudier à ce niveau de
notre recherche, c’est le changement de fonction sociale au sein du foyer, plus largement du
lieu où est installé le poste de télévision. Depuis ses débuts, la télévision a toujours privilégié
la culture du spectacle avec des grands événements en direct suivis par des millions de foyers.
Qu’il s’agisse des événements politiques, culturels ou sociétaux, la télévision rassemble
autour de son écran pour partager des moments privilégiés en famille ou entre amis. C’est ce
que Daniel Dayan et Elihu Katz ont défini comme « La télévision cérémonielle »23. Ce que
nous pouvons souligner dans leur analyse, c’est la dimension de célébration autour du rendezvous télévisuel et la capacité fédératrice, collective de ce rendez-vous. Dans sa finalité, le
programme sera partagé, devant l’écran et hors écran, le lendemain à l’université, en soirée, à
la machine à café du bureau… La conversation est déjà inscrite dans l’ADN du programme
télévisé avant même l’arrivée de la social TV. Les programmes représentent bien des objets

23

DAYAN, Daniel, KATZ, Elihu, La télévision cérémonielle. Anthropologie et histoire en direct, Paris, PUF,
1996
17
culturels au sens trivial d’Yves Jeanneret24, qui se diffusent à travers la société et évoluent
avec le temps, les milieux dans lesquels ils naissent, se développent ou s’intègrent. La
télévision ne transmet plus la culture mais fait culture dans une société devenue société de
communication et d’information permanente.
Ce sont dans les années 2010 que le paradigme de consommation est modifié. C’est le
début de l’âge que nous avons nommé proto-télévision. Une autre forme de télévision prend
forme, balbutiante mais avec une rapidité de transformation jusqu’alors jamais égalée. Elles
marquent le début des annonces qui se succèdent autour de la télévision connectée : géants de
l’Internet (Google, Yahoo…), constructeurs de téléviseurs, éditeurs de télévisions, opérateurs
télécoms… voient le potentiel de cette nouvelle figure technique et adaptent leur stratégie de
développement. La mobilité fait sa grande entrée dans la valse des changements. La télévision
n’est plus une consommation de salon ou de chambre à coucher, elle s’emmène partout. Le
tout est résumé dans une devise : Anywhere, Any Time, Any Device (ATAWAD). Du côté de
l’offre de programmes, de nombreux éditeurs de contenus et services numériques, présents sur
ordinateurs et téléphones mobiles, réfléchissent à élargir leur stratégie multi-écrans à la
télévision. La multiplicité des écrans et le multitasking25 vont radicalement bouleverser les
usages du contenu télévisuel et l’usage médiatique des écrans. Dans une vision très
McLuahnienne26 de prolongement des êtres humains par les technologies, le medium a
changé l’individu lui apprenant à faire plusieurs choses à fois, abandonnant sa posture passive
devant l’écran. Ses fonctions et capacités manuelles, visuelles, mémorielles… se sont
étendues, prolongées et démultipliées grâce aux smartphones, tablettes tactiles ou télévisions
connectées. Il a le pouvoir de mener de front plusieurs actions au même moment.
De même l’arrivée de Facebook et de Twitter révolutionnent les interactions individuelles
autour de programmes télévisés. Plus tard, l’émergence des applications pour smartphone,
tablettes et télévisions connectées diversifient la relation émetteur-récepteur à l’instar de
MyTF1 Connect ou du watermarking de l’application « Devant ma télé » de M6. En plus
d'offrir des fonctionnalités de discussion, TF1 a mis en place, début 2013, un « Instant
Replay » qui permet aux utilisateurs de créer leur propre replay vidéo de 30 secondes et de les
diffuser sur les réseaux sociaux.
24

JEANNERET, Yves, Penser la trivialité, Volume 1, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Science
Publications, « Comunication, Médiation et co », 2008
25
Multi-tâche : consommation de plusieurs devices en même temps
26
MCLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme, Paris,
Mame/ Le Seuil, 1968
18
L’Instant Re
eplay de My TF1 Connect.
T
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27

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e
19
Les régies publicitaires s’en nourrissent pour déployer des offres commerciales elles-aussi
enrichies dans un objectif de rentabilité pour la création de contenus.

2. Instantanéité, contribution et partage des objets culturels : vers un déterminisme de
l’autonomie des usagers
a. La Social TV, culture de la participation du téléspect’acteur

La proto-télévision révolutionne la destination de l’usage du média télévision
(communication unilatérale de l’émetteur au récepteur avec une vocation de transmission de
connaissances) en ayant créé un prototype de système de partage social très vite approprié par
les individus. Le mouvement avait été initié par la post-télévision avec une première approche
lors des premières émissions de télé-réalité. Pour la première fois, le téléspectateur contribuait
au choix des protagonistes du spectacle par un système de vote déterminant ceux qui devaient
rester ou partir. Le numérique va accélérer le changement médiatique, agrégeant d’autres
écrans à la télévision, étant connectés en permanence, pouvant se synchroniser les uns avec
les autres sans liaison physique. Le digital a amplifié des usages qui s’étaient déjà
individualisés avec la mobilité et le multi-équipement. Surtout, il a favorisé l’interaction
instantanée, la contribution et le partage des objets faisant culture, ce qu’Yves Jeanneret28
nomme la « […] culture triviale : cette activité incessante par laquelle les hommes échangent
plus ou moins largement, de façon plus ou moins contrôlée, leurs conceptions du monde ».
D’abord craintif et méfiant, le monde de la télévision va s’approprier l’imaginaire
d’Internet et sa notion de web 2.0, pour en faire un concept de support, le site web venant
compléter l’émission télévisuelle. Il est décliné en format responsive design pour s’adapter à
tous les écrans au service de l’écran principal. Ainsi il favorise la contribution simultanée et le
partage, le téléspectateur devenant « téléspect’acteur ». Si les pratiques ont été initialement
l’apanage d’early adopters29, elles se sont largement démocratisées puisqu’aujourd’hui un
tiers des Français pratique la social TV30. Le phénomène s’explique en partie par la croissance
rapide du taux d’équipement de la population. Au premier trimestre 201331, 21,4 millions de
foyers (77%) sont équipés d’un ordinateur et pour près des 2/3 d’entre eux, il s’agit d’un
28

JEANNERET, Yves, L'affaire Sokal : comprendre la trivialité, in: Communication et langages. N°118, 4ème
trimestre 1998. pp. 13-26.
29
Adopteur précoce : personne qui s’approprie une nouvelle technologie avant l’usage collectif
30
Etude CSA réalisée en ligne du 11 au 13 juin 2013 auprès de 1 059 internautes français âgés de 15 ans et plus
31
Communiqué GFK/Médiamétrie, 3 juin 2013
20
portable dans une recherche de consommation mobile. Dans la logique de consommation
individuelle des écrans, on constate que plus de 2 foyers équipés sur 5, soit 8,8 millions, ont
au moins deux ordinateurs à la maison. Nouveau phénomène depuis fin 2012, la tablette
tactile connaît un engouement croissant en étant présente dans plus de 18% des foyers au 1er
trimestre 2013. Le nombre de foyers possédant une tablette a plus que doublé en un an
passant de 2,2 millions au 1er trimestre 2012 à 5,1 millions au 1er trimestre 2013. Elle séduit
tout particulièrement les hommes de moins de 50 ans, à la tête d’une famille plus nombreuse
que les possesseurs d’ordinateurs. Elle devient le device idéal pour la pratique second écran et
est utilisée dès le plus jeune âge, laissant présager un usage vulgarisé des générations futures.

Une étude du CSA réalisée en juin 2013, nous révèle que les internautes aiment toujours
parler de télévision en face à face : ils sont 80% à échanger sur ce sujet « dans la vraie vie »,
en famille ou entre amis et 58% entre collègues à la machine à café. Et ce sont 76% des
Français qui utilisent leur téléphone ou leur tablette tout en regardant un programme télé, 27%
commentant régulièrement les programmes sur les réseaux sociaux. Sur Internet, c’est
majoritairement sur Facebook que les conversations se tiennent à 52%, dépassant de loin les
forums et les blogs (17%), les sites de chaînes de télévision (13%) et Twitter (11%)32. On peut
se demander si la pratique social TV est générationnelle, ne concernant qu’une frange jeune
de la population. La même étude semble confirmer cette tendance. La pratique de
commentaire des programmes en ligne est certes de plus en plus vulgarisée avec 37% des
internautes concernés, mais 21% ne le font que rarement. En revanche, chez les moins de 18
ans, ils sont plus de 75% à commenter sur Internet les programmes télévisuels. Enfin, cette
enquête souligne la complémentarité de la relation entre Internet et télévision avec une
nouvelle posture des « télénautes », à la croisée des deux médias : sur Internet, ils se sentent
personnellement investis dans les programmes ; la télévision tient alors le rang de nouveau
lien social numérique. En interagissant avec les contenus et leurs communautés numériques,
ils compensent la solitude de consommation de l’écran par le rassemblement conversationnel.
Une autre spécificité d’Internet est de servir d’espace d’expression libre le plus souvent sous
une forme de tribune (voir tribunal) critique des objets télévisuels.
Facebook et Twitter, les deux marques qui ont révolutionné le lien social et lancé le boom
des réseaux sociaux, constituent donc les deux plateformes de contribution et de partage
32

Rappelons que Twitter n’est aujourd’hui fréquenté que par 5% des Français (étude Ipsos - mars 2013)
21
télévisuels. Le hashtag est omniprésent dans les dispositifs communicationnels des antennes,
les contributions apparaissant régulièrement directement à l’écran comme processus de
valorisation du téléspectateur, dans sa nouvelle posture d’éditeur de contenus en opposition
avec celle passive de simple spectateur. Cela pourrait signifier que Twitter a pris le pas dans
l’imaginaire collectif sur Facebook avec son principe de textes courts (140 signes) adapté à la
réaction spontanée et immédiate. Mais c’est Facebook33 qui s'impose largement comme la
plateforme de prédilection des téléspect’acteurs, 57 % d'entre eux utilisent Facebook pour
commenter des programmes de télévision, contre 15 % pour Twitter (Facebook ayant un taux
de pénétration encore bien plus fort que Twitter en France). Facebook qui n’a d’ailleurs pas
hésité à introduite le hashtag dans ses fonctionnalités le 12 juin dernier. Cette étude a dévoilé
également les motivations des téléspect’acteurs pour cette pratique : 69 % commentent des
programmes qui les passionnent pour partager leurs impressions, leurs avis avec d'autres
passionnés. Cette information vient appuyer la théorie communautaire, d’appartenance à une
tribu que revêt le média télévision, le confortant dans son rôle de lien social. 66 %
commentent des programmes qui leur permettent d'enrichir leurs connaissances et nourrir leur
réflexion en partageant leur point de vue avec les autres internautes, la télévision étant bien
confirmée comme un vecteur d’accès à la culture. Enfin, 61 % commentent des programmes
qui les font rire, la télévision remplissant une de ses vocations initiales de divertir. L’objectif
poursuivi par la social TV est d’aller dans le sens d’un renforcement de l’essence même de la
télévision : rassembler, informer et divertir.
Après nous être intéressés au profil des téléspect’acteurs, il est important de situer le type
de programmes qui sont les plus sujets à ces pratiques. Le jeu télévisé, le sport et les grands
événements (téléréalités et cérémonies) semblent être les plus adaptés à la simultanéité du
commentaire, favorisant le rassemblement. Les séries de fiction, les films et les magazines ont
un potentiel moins évident, demandant davantage d’attention de la part du téléspectateur et
s’inscrivant dans une autre temporalité de consommation. Plus propices à la délinérarisation,
ils construisent néanmoins d’autres formes de regroupement (à l’instar des communautés de
fans de séries). Plusieurs organismes se sont créés pour mesurer et analyser les audiences de
la social TV, dont Mésagraph que nous prendrons en référence. Les primes de divertissement
en direct sont régulièrement en tête des émissions les plus commentées. Ainsi, depuis le début
de sa diffusion fin juillet 2013, le prime « The Best » de TF1 s'est placé à la deuxième place
33

ILLIGO, étude Social TV, Perception & Usages des Français, sur 1 009 répondants âgés entre 18 et 64 ans,
représentatifs de la population française, avril 2013
22
du palmarès hebdomadaire des émissions qui font le plus réagir sur plus réagir sur Twitter,
(avec 298 533 tweets la semaine du 5 au 11 août) derrière « Secret Story » (675 000), toujours
sur TF1. Le sport également déchaîne les passions, dans les tribunes comme sur les réseaux
sociaux. Deux grandes affiches de reprise du championnat de France de Ligue 1 ayant pris
cette même semaine les deuxième et troisième places avec respectivement 59 233 et
58 549 tweets. Et c’est encore le football qui trône à la première place de l’événement sportif
de plus tweeté de l’histoire avec plus de 370 000 tweets générés lors du match de Ligue des
Champions PSG-Barça, pourtant diffusé sur une chaîne cryptée, Canal+. En complément des
performances d’audience de leurs programmes, attendues tous les matins avec grande
inquiétude, les chaînes ont désormais l’œil rivé sur le baromètre des médias sociaux, mesurant
l’engagement du téléspectateur à la marque programme. C’est une nouvelle relation qui lie
l’émetteur à son récepteur, qui par ses contributions devient l’ambassadeur et le porte-parole
du message.
La social TV est encore en phase de croissance de ses potentialités. En effet, les
motivations des utilisateurs sont bien ancrées dans le partage et le sentiment de vivre un
événement télévisuel individuel ou en nombre restreint physiquement. La trivialité de l’objet
télévisuel pour faire culture d’images par sa circulation peut encore être un phénomène qui
assurerait la pérennité du média télévision. En effet, les fonctionnalités d’instant share
proposées par les chaînes peuvent être amenées à se développer, favorisant la circulation du
programme, ainsi que les Users Generated Content34 (UGC) des internautes en optimisant la
diffusion des contributions.

b. Les UGC, objets au service des marques programmes

La révolution du web 2.0 a modifié la relation homme-machine en créant une réelle
interaction des flux médiatiques. Quittant sa destination initiale d’accès à des contenus
d’archivage, le récepteur devient lui-même émetteur en créant des contenus diffusés au
public. Il est dans ce contexte en co-production du sens. Encouragé par les plateformes de
vidéos en ligne comme Youtube et Dailymotion, l’internaute découvre et s’approprie son
nouveau pouvoir de création d’objets qu’il va faire circuler. Ce nouveau concept qui émerge

34

Contenus Générés par les Utilisateurs
23
en France courant 2005 provoque de grandes inquiétudes du média télévision. Il se sent
dépossédé de sa spécificité de producteur de contenus. Les moyens de production sont mis à
la disposition des individus grâce à une technologie simple et accessible au plus grand
nombre. Si la qualité des contenus n’est pas à la hauteur des productions professionnelles des
éditeurs, leur capacité à être viralisés et à créer du bruit médiatique suffit à préoccuper le
monde du petit écran. Avec le développement des technologies et des usages, des supports de
diffusion/logiciels et pratiques social TV, la tendance tend à s’inverser avec l’intégration des
UGC dans les dispositifs marketing des marques programmes des éditeurs. Dans la logique du
concept de « référent imaginaire global » de Catherine Guéneau, le média télévision va
s’approprier cette interactivité pour sa promotion : « Les discours d’accompagnement de
l’interactivité trouvent un terrain fertile dans le sillage des dérives déterministes, qui font de la
technique l’enjeu principal de nos sociétés en lui accordant un pouvoir surdimensionné : celui
de transformer le monde35 ». L’objet créé par l’internaute va devenir un objet culturel au
service du flux télévisuel, accompagnant sa promotion. Prenons l’exemple de la chaîne WGN
America (chaîne américaine du câble et du satellite) qui a déployé en 2012 un dispositif
d’UGC pour événementialiser sa série « How I met your mother ». Pour célébrer la Fête des
mères, la chaîne a programmé une journée marathon de la série. Les fans ont été invités à s’y
engager. En utilisant Facebook et Twitter, WGN America a demandé à ses « followers »
d’envoyer une photographie de leur mère accompagnée d’un bref message. Les photos ayant
remporté le plus de votes des internautes sur le site internet dédié ont été diffusées à l’antenne
pendant le marathon, les autres photos étant publiées sur le site. Cette initiative marketing a
changé la destination de la marque programme, passant d’une proposition d’expérience de
visionnage de flux linéaire à une expérience plus personnelle, dans laquelle les fans étaient
impliqués. Leur histoire personnelle réelle devenait aussi importante que celle des
protagonistes fictifs du programme. L’engagement des fans, et donc des ambassadeurs de la
marque programme, a été stimulé.
Encore à l’état de pratique exploratoire, l’avènement du transmédia et des normalisations
de flux visuels que l’innovation a généré, tend à penser que cette nouvelle vague de création
médiatique ne sera plus dans un temps court réservée à une minorité de geeks. Les
plateformes Tumblr, Vine, Instragram favorisent l’opportunité communicationnelle des
marques programmes. Sans exclure les UGC textuels générés par Facebook et Twitter, que la
35

GUENEAU, Catherine « L’interactivité : une définition introuvable », Communication & Langages n°145,
septembre 2005, p 117-129
24
télévision semble avoir plus rapidement maîtrisé au bénéfice de la croissance de l’engagement
de son audience. Le micro blogging se répand et se vulgarise. Les mèmes internet font l’objet
des réflexions stratégiques des dispositifs de marketing viral. Le mème est défini par le
dictionnaire anglais Oxford36, comme « 1. Un élément d'une culture ou d'un ensemble de
comportements qui se transmet d'un individu à l'autre par imitation ou par un quelconque
autre moyen non-génétique. 2. Une image, une vidéo, un morceau de texte…, humoristique
par nature, qui est copié et diffusé rapidement par les internautes, souvent avec de légères
variations ». Le mème a un statut scientifique communicationnel singulier, lui conférant un
rôle de lien social culturel par le partage de productions populaires. Jamais auparavant les
opportunités de diffusion de contenus n’avaient été aussi rapides, sans notion de territoires
géographiques.
Pour évaluer la valeur accordée à la culture médiatique des objets produits par les UGC, il
est intéressant de voir que la BBC37 les intègre dans ses FAQ38 en leur donnant une définition
précise :
« User generated content ("UGC"), plus communément connus comme « journalisme citoyen »,
« média social » ou « média participatif », font référence à une large variété de contenus
médiatiques produits par notre audience en opposition avec ceux faits par la BBC, sociétés de
production indépendantes ou contributeurs individuels commissionnés par la BBC. Ces dernières
années, les UGC sont en croissance, grâce aux vidéos et images digitales, messages textuels sur
mobile, blogging, messageries en ligne, emails et soumissions audio. ».

Réputée et reconnue par ses pairs à l’international, la BBC fait culture en reconnaissant les
nouvelles pratiques sociales de son média. Le sujet apparaissant dans les FAQ, littéralement
en Français « questions les plus courantes », traduit aussi la vulgarisation de l’usage de ces
contributions.
Le média télévision a su saisir cette nouvelle opportunité pour s’auréoler de nouveaux
codes de perception. En passant de « je regarde la télévision » à « je participe à ce que je vois
et à l’expérience télévisuelle », le média, à l’instar des autres médias historiques (talk de radio
par appel à contribution sur le web, livres participatifs, journalisme de contribution dans la
presse…), s’est doté d’une nouvelle sémiotique enrayant un déclin redouté. La sémiotique de

36

OXFORD, définition du dictionnaire numérique [disponible en ligne :
http://oxforddictionaries.com/definition/english/meme?q=meme], consulté le 18 août 2013
37
Site internet de la BBC [disponible en ligne : http://www.bbc.co.uk/terms/faq.shtml], consulté le 18 août 2013
38
Frequently asked questions
25
l’objet, devenant connecté à Internet, s’est gorgée de connotations positives et de fantasmes
d’idéaux : « je passe derrière l’écran », du côté de ceux qui fabriquent le contenu culturel.
L’objet reste désirable par le discours de l’interactivité.

B. Quand la télévision devient un métamédia
1. Un contexte de porosité des médias
a. Changement de paradigme de la médiativité.

En 2007, Apple lance son IPhone sur le marché, accélérant la révolution web 2.0 qui
vient perturber le statut du média télévision. Dans le contexte d’innovations fulgurantes et la
multiplication des supports audiovisuels, elle connaît une crise identitaire, les frontières entre
les différents médias historiques et les nouveaux médias (ordinateurs, smartphone, tablettes)
tendant à disparaître. On assiste à un phénomène d’hybridation des médias avec la spécificité
d’agréger différentes formes de contenus comme des sites internet de presse écrite
enrichissant leurs contenus textuels avec de la vidéo, modifiant le paradigme de médiativité
de chacun. Il est intéressant de considérer l’identité des médias du point de vue d’André
Gendreault et Philippe Marion39. Ils estiment qu’une identité n’est pas pérenne, qu’elle se
construit par son évolution et passe par une phase d’intermédialité initiale. Un média
s’observerait par « la façon dont ce média tisse sa relation aux autres médias à travers sa
dimension intermédiale ». L’enjeu serait alors pour la télévision de s’approprier de nouvelles
inter-connexions avec ces autres médias. Les nouveaux médias font naître pourtant dans
l’esprit collectif une forme d’obsolescence annoncée des médias historiques dont les
frontières d’usages étaient jusqu’alors clairement dessinées. La presse écrite sera la première
frappée de plein fouet par la révolution numérique en marche, avec un lectorat qui délaisse
certains supports pour une presse en ligne florissante. De leur côté, les nouveaux médias, dans
leur dispositif technique, se challengent dans une course à l’innovation effrénée. Le téléphone
devient intelligent dans sa mutation vers le smartphone et fait office d’ordinateur en se
connectant à Internet, l’ordinateur devient tablette dans sa version d’écran mobile et tactile. A
l’échelle des contenus, ils tendent à se consommer sur tous les supports, de façon
individualisée et délinéarisée. La consommation des contenus linéaires télévisuels est
39

GENDREAULT André (dir.), MARION Philippe (dir.), « Un média naît toujours deux fois... », Sociétés et
représentations n°9, avril 2000, p. 21-36
26
questionnée, la « vieille dame » observe avec inquiétude la multiplication des écrans et une
offre pléthorique de nouveaux médias avec des bénéfices d’usage qui lui échappent. En 2011,
avec le succès de l’Ipad lancé en 2010, les enjeux sont clairement définis pour les chaînes de
télévision. Elles intègrent dans leur ADN l’exposition de leurs contenus sur tous les supports,
comme déclaré par Jean-François Mulliez, alors Directeur Délégué de TF1 dans un article du
Monde40 à l’occasion du lancement de la nouvelle application pour IPhone le 24 janvier 2011.
En s’appropriant ce contexte de porosité des médias, les contenus médiatiques télévisuels ne
sont plus exclusivement diffusés sur la télévision de façon linéaire. Ils se consomment sur
l’ordinateur, puis s’adapteront à l’écran du smartphone et enfin la tablette. L’acronyme
ATAWAD41 est au centre de tous les plans de stratégie marketing avec quatre paramètres
essentiels. Le visionnage en direct du flux télévisuel ; la vidéo à la demande (VOD), pour un
rattrapage de ce qui a déjà été diffusé ; une connexion aux réseaux sociaux, qui permet de
commenter et de partager sur une marque programme ; de l’enrichissement du flux principal
qui va se développer via des applications ou des sites internet dédiés (interviews d’acteurs,
choix de caméras, statistiques…).
Une autre épée de Damoclès semble être suspendue sur la suprématie de la télévision,
particulièrement concernant sa mise à disposition d’œuvres cinématographiques et de fictions.
L’explosion d’Internet et du haut débit des années 200042 ne constitue pas uniquement un
dispositif d’accès à l’information ou à des contenus audiovisuels dont la diffusion est
réglementée. L’exception culturelle de la chronologie des médias43, protégeant l’écosystème
des créateurs, producteurs et ayant droits de diffusion, va très vite être technologiquement
contournée. Dans un modèle économique de gratuité et dans l’illégalité, les internautes
découvrent toutes les potentialités de consommation de films et de fiction sur la toile. Le
piratage devient la bête noire de l’industrie du média télévision. Au fil des années 2000, l’Etat
se mobilise, la chasse aux sorcières est ouverte. Dans le cadre des Assises du Numérique le 30
novembre 2011, Frédéric Mitterrand, alors Ministre de la Culture et de la Communication,
met au centre de son intervention sa volonté « d’accompagner les industries culturelles et en
particulier les industries de contenus dans le grand océan de l’Internet ». L’état d’urgence est
décrété pour la protection du média dans sa destination d’objets culturels : « Les réponses au
40

ZILBERTIN, Olivier, « La télé s’enrichit sur IPad », Le Monde, 30 janvier 2011
Any Time, AnyWhere, Any Device
42
Première offre haut débit ADSL en France en 1999 par Wanadoo (ADSL, 512k)
43
Chronologie des média : règlementation du cycle de diffusion des œuvres cinématographiques : salle, DVD,
VOD, télévision payante, télévision gratuite
41

27
piratage seront approfondies pour lutter plus efficacement contre toutes les formes de
piratage, quelles que soient les formes de diffusion et les moyens techniques, y compris le
streaming. ». Le cas Megaupload est symptomatique de ce nouveau phénomène sociologique
de libre accès aux œuvres grâce à l’innovation des dispositifs médiatiques. Société créée en
2005, elle proposait l’hébergement de fichiers en accès libre à n'importe quel internaute aux
Etats-Unis, aux Pays-Bas, au Canada et en France. En proposant la facilitation d’accès à un
dispositif technique complexe, la société permet l’échange et la viralisation de contenus
culturels cinématographiques et télévisuels piratés. En 2011, la plateforme compte 66 millions
d'utilisateurs. Contrainte à fermer ses portes en janvier 2012 pour violation des lois sur le
copyright par le FBI, l’affaire Megaupload est très largement médiatisée comme campagne de
communication de la lutte anti-piratage. Comble de l’ironie, le créateur de Megaupload vient
de lancer en janvier 2013, son nouveau site d’hébergement de stockage de données : Mega.
En France, la loi Hadopi du 12 juin 2009, lance la création d’une autorité publique
indépendante, la HADOPI (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des
droits sur Internet) pour réglementer la diffusion et la protection de la création sur internet et
la lutte sur le téléchargement illégal. D’autres acteurs numériques sont en ligne de mire des
éditeurs de contenus télévisuels. Les nouveaux entrants tels que Netflix ou Hulu (pas encore
présents sur le territoire français) ou Apple TV viennent challenger la médiativité de la
télévision. Ils favorisent la porosité des médias grâce à l’émergence de la télévision connectée
à Internet et à leur potentiel technique (accès à des contenus web sur la télévision). Ce sont
des concurrents de taille au regard de la sémiotique qu’ils incarnent et la relation avec
l’utilisateur qu’ils construisent.

b. Appropriation de la convergence Internet – Télévision par la télévision
connectée

La consommation de la vidéo sur Internet se vulgarise et constitue la première motivation
d’utilisation du média. L’entreprise Cisco44, leader mondial des équipements réseaux, dans
une étude prospective de mai 2013, estime que 55 % du trafic internet mondial sera constitué
par de la vidéo en 2016, contre 51 % en 2011. La télévision connectée à Internet, devient alors
le support technologique à s’approprier pour saisir une opportunité de consommation
44

CISCO, « Cisco Visual Networking Index: Forecast and Methodology, 2012–2017 », [disponible en ligne :
http://www.cisco.com/en/US/solutions/collateral/ns341/ns525/ns537/ns705/ns827/white_paper_c11481360_ns827_Networking_Solutions_White_Paper.html], publié le 29 mai2013, consulté le 20 juin 2013
28
complémentaire à la verticalité des programmes du flux linéaires. La grande révolution de la
figure technique de la télévision débute par la naissance de la télévision numérique en 1996
avec l’arrivée sur le marché de la diffusion par satellite et les nouveaux entrants Canalsatellite
et TPS, puis par le câble et l’ADSL45 vers 1998 et l’IPTV46 (2002 pour la Freebox). En 2005,
la TNT47 commence son déploiement. La conception des set-top-box hybrides associant la
réception de chaînes satellites ou TNT et une connexion aux services Internet (ADSL, fibre,
câble) a accéléré la mutation des usages en permettant l’accès d’Internet sur le poste de
télévision et la consommation délinéarisée des contenus. L’IPTV et les offres triple play
connaissent un grand succès commercial favorisant le succès de la télévision 2.0. La
fragmentation des audiences devient le risque majeur des chaînes de télévision qui craignent
une baisse de leurs audiences entraînant une baisse de leurs revenus publicitaires. En 2011,
cette perspective de baisse de chiffre d’affaire menace de mettre en péril le rôle de producteur
d’œuvres culturelles audiovisuelles et cinématographiques. En réponse aux transformations
sociologiques et technologiques, les éditeurs créent de nouveaux services de télévision de
rattrapage (comme Pluzz, My TF1 ou Canal+ Replay), ainsi que de vidéo à la demande
payante, et expérimentent de nouveaux services interactifs qui ne cessent de se développer
depuis 2012. Le déterminisme d’une vision défensive d’un Internet comme menace pour la
télévision semble disparaître.
En 2013, l’essor d’une télévision directement connectée à Internet, la smart TV (téléviseur
intelligent), favorise un imaginaire en construction d’un hypermédia intégrant textes, images
et sons, ouvert sur les mondes culturels. Le marché est en pleine expansion, le taux
d’équipement des foyers aux Etats-Unis48 a déjà progressé de 30,8% en 2011 et de 24,2% en
2012 avec une prévision de 31% en 2013. En France, le marché est encore en phase de
lancement mais on observe une tendance à la croissance avec 13,9% des foyers équipés au
4ème trimestre 2012 (soit 3 816 000 foyers), soit une progression de +10,3% par rapport au
3ème trimestre 2012 et de +84,1 % en un an49. Par ce nouveau dispositif directement connecté
au web, sans passer par une box d’opérateur, la télécommande donne un nouveau pouvoir à
l’utilisateur, celui d’accéder sur son écran de télévision à tous les mondes visuels médiatiques.
45

ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line) : Service d'accès à l'Internet par les lignes téléphoniques
IPTV (Internet Protocol Television), diffusion de la télévision, de la vidéo et des contenus multimédia sur un
réseau informatique IP vers des écrans de télévision et des PC
47
TNT : Télévision Numérique Terrestre
48
eMarketer, « Connected TVs reach one in four homes », [disponible en ligne :
http://www.emarketer.com/Article/Connected-TVs-Reach-One-Four-Homes/1009581], publié le 3 janvier 2013,
consulté le 5 juillet 2010
49
GFK/Médiamétrie T4, T3, T2, T1 2012 ; T4 et T3 2011
46

29
Il accélère les nouvelles pratiques d’horizontalité qui se banalisent, favorisant le
multitasking50 et l’activité de l’utilisateur en opposition avec une passivité des anciens modes
verticaux de consommation. La télévision doit alors faire en sorte que la distraction
provoquée par cette perte d’attention du récepteur par l’accomplissement de plusieurs actions
en parallèle du visionnage des contenus, se transforme au profit du contenu télévisuel.
L’éditorialisation de nouvelles formes de contenus est alors au service de la conversation
autour d’une marque programme. Cette éditorialisation passe par la création d’applications
(ou directement par la technologie HbbTV51) qui ne sont plus uniquement disponibles en
second écran (smatphone ou tablette) mais directement accessibles de la télévision. Des
sociétés spécialisées sont apparues sur le marché pour la création de ces applications pour
télévision connectée comme Visiware, créateur du « play along52 » en 2011 ou Dotscreen. En
créant des prolongements numériques des émissions et des événements diffusés à la télévision
utilisables par la télécommande, elles proposent aux éditeurs de contenus d’exploiter les
nouvelles solutions de pérennisation d’intérêt et d’engagement pour les marques programmes.
Le play along53 répond au phénomène de gamification des contenus, dont les jeux télévisés
sont la représentation la plus native. Ici encore, la passivité du récepteur prend fin. La
télévision lui permet de jouer en simultané avec son programme de jeu. Le bénéfice d’usage
est démultiplié en lui offrant de s’affronter à d’autres joueurs, valorisant la notion
d’expérience individuelle partagée par une communauté virtuelle. Une nouvelle forme de
média se construit par la convergence d’Internet et de la télévision, s’inscrivant dans la durée,
avec les perspectives d’innovations permanentes, et permet de réinventer les interactions entre
le téléspectateur et sa marque chaîne ou programme. Néanmoins, le support télévision devient
le propre concurrent des marques chaîne en donnant accès à des contenus Internet, échappant
donc à l’industrie télévisuelle, sur l’écran. Côté applications, si les éditeurs ont su développer
une stratégie d’exploitation de ce nouvel outil, les pure player54 et autres géants d’Internet ont
su riposter. En mars dernier, Dailymotion a annoncé le lancement de son application pour
smart TV. Cette application propose une nouvelle expérience de visionnage en mode « lean-

50

Ibid
Hybrid Broadcast Broadband Television : norme technique de télévision connectée permettant l’accès via la
télécommande à des informations complémentaires du programme
52
Traduction : entrer dans le jeu. Technologie qui rend la TV interactive en offrant la possibilité aux
téléspectateurs de participer de chez eux à des émissions TV
53
Ibid
54
Diffuseurs uniquement sur Internet
51

30
back55 », une lecture en continue des vidéos dès le lancement de l’application, totalement
adaptée aux usages sur les téléviseurs. Quant à Google, il a lancé Chromecast en juillet 2013,
accessoire, ressemblant à une clé USB, permettant de diffuser des vidéos YouTube, depuis son
smartphone, sur l'écran de son téléviseur.

2. De l’interaction à l’interactivité émetteur-récepteur
a. Valorisation du média télévision par la notion de l’interactivité

Le Web 1.0, celui des années 90, se distinguait par un fonctionnement très linéaire. Un
contenu proposé par un émetteur était affiché sur un site Internet consulté par des internautes.
Qualifié de web passif, c’était un outil de consommation d’'informations et d’archivage. Le
web 2.0 est un web social qui permet le partage et l’échange d’informations et de contenus
qui peuvent être créés par l’internaute. La notion 2.0 est gorgée d’une représentation positive
(poussée cependant par une notion 3.0 désignant la prochaine évolution du web qui semble
approcher à grand pas). Empruntée de la notion de web 2.0, la télévision 2.0 construit une
culture médiatique innovante et remettant en question la fonction sociologique du média, le
redéfinissant dans un système d’interactions avec d’autres médias. On assiste à un
bouleversement du schéma communicationnel et des relations entre émetteur et récepteur d’un
message qu’il soit textuel, visuel ou sonore. L’idéologie de l’interactivité s’établit par son
effectivité sociale. La notion 2.0 est valorisée, faisant référence à un idéal de communication
où le message audiovisuel n’est plus uniquement en réception. Les nouvelles technologies
permettent une activité du récepteur en lui offrant la possibilité d’interagir sur ce qu’il voit.
Etienne Candel56 théorise le passage de l’interaction à l’interactivité en distinguant les
dispositifs, les dispositions et les contenus disposés. Les dispositifs se définissent par la
forme, le support (le smartphone, l’ordinateur, la smart TV). Les dispositions sont du domaine
de la posture, du lien entre deux entités, des échanges (réseau social, social game…). Enfin
les contenus disposés réfèrent à ce que l’utilisateur peut créer ou ce à quoi il a accès (contenus
de web documentaires, les UGC, commentaires…). Ce triangle communicationnel caractérise
les médias informatisés avec des contenus sur lesquels le récepteur peut agir (image cliquable
55
56

Traduction : revenir en arrière
CANDEL, Etienne « La notion de l’intéractivité », in MASTER2 ICCM, 2012-2013
31
par exemple) et une posture d’énonciation de l’institution médiatique qui se déplace de
créateur culturel à initiateur de co-création. Le schéma communicationnel émetteur-acteur à
récepteur se transforme, la relation se faisant d’émetteur-acteur à récepteur-acteur. La
télévision, par son interactivité, renforce ainsi sa fonction d’accès à la culture en permettant la
transformation des objets en favorisant leur circulation par les réseaux sociaux. Elle favorise
un nouveau mode de circulation sociale par sa rupture d’usage de relation homme-homme
avec une posture d’altérité en opposition à la posture scientifique de la relation hommemachine.
La télévision interactive permettrait ainsi à la télévision de s’approprier une notion positive
qui tient valeur de motivation à son utilisation, contrariant les rumeurs de disparition du
média. En répondant à des besoins sociaux inscrits dans la modernité, la télévision interactive
fait rupture avec la représentation de média poussiéreux. Les marques chaînes n’hésitent pas
alors à promouvoir la notion d’interactivité par leurs discours marketing. Les campagnes de
publicité intègrent les nouvelles fonctionnalités d’usage, leur étant parfois même entièrement
consacrées. Prenons pour exemple Canal+57 et sa campagne en télévision pour le lancement
de son application « Grand Journal » en mai 2013, ou France Télévisions en juin 2013 dans sa
communication presse du Tour de France qui rappelle son « dispositif multicam sur
Francetvsport.fr pour réaliser votre propre direct en choisissant votre caméra ». Les usagers
constituent le référent imaginaire global58. Ils sont également amenés à créer de la valeur et à
rendre l’objet télévision nouvelle génération désirable par leur souhait d’appropriation de la
technique et leur discours d’accompagnement. Pour encourager les usages, la valorisation des
actions du récepteur et de sa co-production est essentielle. Le média télévision semble
maîtriser ce paramètre. Il propose ainsi un effet immédiat de la co-production de l’utilisateur.
Celui-ci peut décider de la présence ou non des protagonistes d’une émission par un système
de vote, voir apparaitre ses contributions à l’écran par la publication de ses tweets pendant des
directs, le faire jouer en simultané des candidats d’un jeu télé. La télévision sur- sémiotise la
co-production et l’intervention positive des téléspect’acteurs par la mise en spectacle de sa
création.
Il est intéressant de noter ici le changement de perception du média télévision dans sa
capacité à être éducative. Il a longtemps été décrié par les pédopsychiatres et les institutions
57
58

Cf ANNEXE 1
GUENEAU, Catherine « L’interactivité : une définition introuvable », op. cit.
32
pédagogiques, affirmant que si les enfants développaient leur sens visuel devant le petit écran,
c’était au détriment de leurs autres sens, notamment de leurs capacités psychomotrices.
Claude Allard, pédopsychiatre auteur de l’ouvrage « L’enfant au siècle des images59 »
déclarait dans une interview en octobre 2003 : « Les enfants ont besoin d’exprimer leurs
représentations imaginaires dans l’action, et la télévision leur propose de recevoir
passivement les constructions imaginaires d’autrui ». La passivité est donc au centre des
débats. Dix ans plus tard, la télévision commence à acquérir ses lettres de noblesses ludoéducatives, surtout chez les parents. Ce phénomène est fondamental, assurant l’avenir du
média auprès de la cible enfants aujourd’hui prescriptrice et demain décisionnaire d’achat de
biens culturels (télévision payante, VOD…).
Cette nouvelle perception est principalement due au sentiment d’activité proposée à
l’enfant par la télévision interactive, chez les constructeurs de smart TV (« Playing Nado
Hutos », « Sticker Theater », « Best Kids Song » chez Samsung) ou chez les marques chaînes
(application pour smart TV LG « Zouzous » de France 5). Le marché des applications pour
tablette destinées aux enfants est en plein essor. Les chaînes suivent le mouvement, qu’elles
soient historiques, de la TNT ou thématiques, en lançant leur propre application (TFou, Gulli,
Boomerang ou Piwi+ dès le 23 octobre 2013…). Ces applications permettent l’accès à des
contenus enrichis sous forme de jeux ludo-éducatifs dans l’univers de leurs héros de dessins
animés. La smart TV de Samsung permet même aux enfants d’interagir avec le contenu
diffusé à l’aide d’un capteur de mouvements, permettant une expérience immersive tournée
vers l’éducation, le développement et le divertissement. Le groupe MTV, éditeur de chaînes
thématiques dont celles pour enfants Nickelodeon et Nickelodeon Junior, a lui aussi exploité
l’innovation technologique au service de nouveaux arguments éducatifs de la télévision. En
juin 2012, il a lancé le premier concept de chaîne de télévision personnelle avec My
Nickelodeon Junior. Grâce à la connexion à Internet de l’IPTV, des smartphones et des
tablettes, la chaîne permet de créer une télévision sur mesure. En indiquant l'âge, les thèmes
souhaités de l’enfant, les programmes les plus adaptés sont proposés, le paramétrage de la
durée d’écoute est réglable par les parents. La télévision interactive a su ainsi mettre à profit
son nouvel environnement technologique pour se construire un nouvel imaginaire collectif
global positif.

59

ALLARD, Claude, L’enfant au siècle des images, Paris, Albin Michel, 2000

33
b. La télévision, un média réinventé
Nous avons étudié l’évolution du média télévision, de ses usages à sa matérialité dans un
contexte de multiplication des écrans et d’interconnexion médiatique. Le champ sémantique
lui-même a changé avec nombreux néologismes (play along, transmédia, UGC, ARG60…)
dont on pourrait craindre un rejet de l’utilisateur, hors digital native. Au lieu de ça,
l’appropriation sociologique des dispositifs est des usages semble être en marche. Le champ
sémiotique est lui aussi en pleine mutation, les codes, les signes, les images se modifiant au
cours de la révolution télévisuelle. L’écran diffuse les contributions des anonymes pendant le
programme, les plateaux de télévision offrent des salles de conversation où les protagonistes
peuvent échanger et partager en direct leurs expériences (V-Room de l’émission The Voice de
TF1)… Nous pouvons dire à ce stade de la recherche que la télévision est devenue un
métamédia,

multipliant

ses

fonctionnalités, sa

médiativité

et

ses

prédispositions

communicationnelles, comme le définit Gene Youngblood61 :
« Le métamédia constitue un outil permettant lui-même de créer de nouveaux outils. Les métamédias
permettent d'accéder à une nouvelle pratique culturelle : la méta-architecture. Le méta-architecte
manipule des contextes et non des contenus. La méta-architecture agit sur l'environnement. C'est
l'architecture d'un outillage individuel et social en tant qu'environnement. Ainsi se trouve créé un
métacontexte ou un environnement susceptible de favoriser le développement d'autres productions
culturelles. Un méta-architecte permet donc à une activité de se développer sans jamais influer sur son
orientation propre. D'autres contextes et d'autres contenus peuvent être ainsi créés — dans des situations
entièrement contrôlées par l'utilisateur, l'acteur, le participant ou l'agent d'un tel métasystème »

La télévision est sortie de son statut de média inscrit dans une verticalité de la
consommation avec de nouvelles pratiques culturelles. En installant une relation
d’horizontalité avec son public, elle lui permet de devenir méta-architecte en utilisant les
fonctionnalités d’un Internet accessible de la télévision. Le média s’est réinventé, devenant un
véritable portail multi-médias associant le son, l’image et le texte. Dans sa mutation, il a
contrarié la théorie des médias chauds et froids de Marshall McLuhan62 : « Les médias
chauds, au contraire, ne laissent à leur public que peu de blancs à remplir ou à compléter. Les
médias chauds, par conséquent, découragent la participation alors que les médias froids, au
contraire, les favorisent. ». La télévision se muterait-elle en média froid, encourageant la
participation de son audience, développant la social TV grâce à son hybridation avec
Internet ? Nouveau vecteur de communication et de création culturelle, elle favoriserait un
60

Alternate Reality Game : jeu en réalité augmentée
YOUNGBLOOD Gene, « Vidéo et utopie » In: Communications n°48, 1988, p 173-191.
62
McLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme. Op. cit.
61

34
renouvellement d’usage et un changement de perception. Tout en gardant sa vocation initiale
pour laquelle un bon nombre d’utilisateurs reste attaché au média, elle prépare son avenir en
s’adaptant aux pratiques des générations futures.
Nous avons bâti cette première hypothèse au fil des âges de la télévision pour observer ses
étapes de transformation identitaire ainsi que l’appropriation de son environnement
sociologique. Cette recherche nous conduit à penser que le contexte d’innovation transforme
le média télévision dans sa relation à ses usagers et son rôle social. Cette mutation s’opèrerait
également dans un contexte de porosité des médias, modifiant la médiativité de la télévision,
dans une réinvention à la faveur d’une activité et d’une participation croissante des
utilisateurs.
Notre deuxième hypothèse va plus spécifiquement questionner les fonctions distinctives et
constitutives du média télévision, par l’étude de ses formats et de ses discours, mais aussi de
ses dispositifs techniques. Nous avons choisi le genre du direct sportif pour appréhender la
corrélation entre médiagénie du programme et média télévision, tentant alors d’approcher une
notion de genre singulier qui le distinguerait des autres nouveaux médias.

35
II – LE DIRECT :
GENRE CONSTITUTIF DU MEDIA TELEVISION ?

Comme nous l’avons observé, le direct a été au cœur des productions de la paléo télévision
des années 50-60, rappelons-le, ancrée dans une destination sociale de pédagogie, de
démocratisation d’accès à l’information et à la culture. Le direct sera l’apanage des émissions
culturelles et littéraires, et des grandes cérémonies politiques, culturelles ou sportives :
premier match de football retransmis le 4 mai 1952 (finale de la Coupe de France),
couronnement de la reine Elisabeth II le 3 juin 1953 ou retransmission du concours
Eurovision de la chanson le 24 mai 1956. Dès lors, le direct devient le programme symbole du
média télévision, assurant sa légitimité de média du spectacle et de l’événement ainsi que sa
fonction distinctive. Au fil de son évolution, les formats et les discours se sont multipliés
donnant naissance à des genres et des narrations variées dont les succès ont été plus ou moins
avérés. L’ancrage d’Internet dans les usages, et sa fonction d’accès à une quantité
incommensurable de programmes audiovisuels, est venu contrarier l’écosystème d’une
télévision en quête d’une nouvelle identité médiatique.
Empruntant la maxime d’Antoine Laurent de Lavoisier « Rien ne se crée, rien ne se perd,
tout se transforme », nous pouvons nous demander si le direct ne constituerait pas le genre
intemporel de la télévision, garant de sa pérennité.

36
A. Le référent imaginaire global du spectacle
« Le Tour de France, c’est le mariage du sport et de l’épopée. Il a pris dans l’imaginaire
collectif la place d’un mythe et raconte à sa manière l’histoire des passions françaises »,
Jacques Chirac63. Le sport est un des programmes télévisuels le plus consommé au monde si
nous regardons les chiffres d’audience réalisés lors des retransmissions de grandes
compétitions en direct. Incarnant l’essence même du spectacle, il illustre ce que peut offrir le
média télévision pour transmettre un objet culturel inaccessible à ceux qui ne peuvent y
assister. A travers le Tour de France, nous avons un exemple représentatif de référent
imaginaire global du spectacle télévisuel en direct qui participe au succès du média. Nous
avons choisi cet événement comme support d’étude du direct.
1. Le direct sportif, la mise en spectacle du spectacle
a. Le sport comme incarnation de la médiativité de la télévision
Le direct sportif constitue un des contenus les plus probants à observer pour considérer
l’identité du média télévision et sa médiativité. Il est à la fois massivement suivi, ancré dans la
tradition historique des grands rendez-vous télévisuels, et touche le public par un storytelling
puissant et naturel. La médiativité est définie par Philippe Marion64 :
« Celle-ci rassemble tous les paramètres qui définissent le potentiel expressif et communicationnel
développé par le média. La médiativité est donc cette capacité propre de représenter – et de placer cette
représentation dans une dynamique communicationnelle - qu’un media possède quasi ontologiquement. ».

Qui n’a jamais assisté à une conversation enflammée autour d’un match de football, les
chances de victoire d’un tel ou d’un autre dans une grande compétition sportive ? Qui n’a
jamais crié, debout, s’agitant devant son écran de télévision, dans l’espoir qu’un Français
honore une identité nationale revendiquée ? A n’en pas douter, le sport provoque des
réactions de passion à tout âge, quel que soit le sexe, dans tous les milieux socio-culturels.
Que l’on soit un inconditionnel du sport en général, d’un sport en particulier, d’une équipe, ou
qu’on se déclare indifférent, nous avons tous au moins vibré une fois devant notre écran de
télévision au rythme de minutes éprouvantes d’un spectacle sportif. La valeur d’un
programme sportif connaît plusieurs niveaux d’appréciation selon son potentiel fédérateur.
63

AUGENDRE, Jacques, Le Tour, Paris, Solar Editions, 2011
MARION, Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en Communication,
n°7, Louvain-la-Neuve, UCL (COMU), 1997
64

37
LE MEDIA TELEVISION, CHRONIQUE D’UNE NON-MORT ANNONCEE ? SES ENJEUX DE MEDIATIVITE ET DE MATERIALITE FACE A SON CONTEXTE D’INNOVATIONS.
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LE MEDIA TELEVISION, CHRONIQUE D’UNE NON-MORT ANNONCEE ? SES ENJEUX DE MEDIATIVITE ET DE MATERIALITE FACE A SON CONTEXTE D’INNOVATIONS.

  • 1. UNIVERSITE DE PARIS IV - SORBONNE U E S CELS SA Ecole des hautes études en sc ciences de l’informatio et de la c é on communicat tion M MASTE 2è ER ème an nnée Mention : Infor rmation et Communica C ation Sp pécialité : M Médias et Co ommunication Pa arcours : Innovation et Création de Contenus Médiatiqu es t d s « LE MEDI TELEVI IA ISION, CH HRONIQUE D’UNE NON-MORT ANNONCEE ? E N T SES ENJ JEUX DE M MEDIATIVI ITE ET DE MATERIA E ALITE FACE A SON C E CONTEXTE D’INNOV E VATIONS » Préparé so la direct ous tion du Prof fesseur Véro onique RIC CHARD Na athalie HAC CHET-DEN IS Pr romotion : 2012-2013 2 Op ption : Médias et Comm munication So outenu le : 23 octobre 2 2 2013 No du mém ote moire : 17/20 0 Me ention : Très Bien
  • 2. SOMMAIRE INTRODUCTION-------------------------------------------------------------------------------------------- p 4 I – LE NOUVEL ÂGE DU MEDIA TELEVISION : DU MEDIA AU METAMEDIA------------------------------------------------ p 13 A. 1. a. b. L’écran : d’une fenêtre ouverte sur la culture à un objet culturel----------------Quand l’accès à l’image révolutionne l’accès à la culture------------------------------Le rôle social du média télévision à travers ses trois âges---------------------------------De la télévision cérémonielle au social média------------------------------------------------ 2. Instantanéité, contribution et partage des objets télévisuels : vers un déterminisme de l’autonomie des usagers-------------------------------------------- p 20 La Social TV, culture de la participation du téléspect’acteur------------------------------- p 20 Les UGC, objets au service des marques programmes---------------------------------------- p 23 a. b. p 14 p 14 p 14 p 17 B. 1. a. b. Quand la télévision devient un métamédia-------------------------------------------------- p 26 Un contexte de porosité des médias------------------------------------------------------------- p 26 Changement de paradigme de la médiativité-------------------------------------------------- p 26 Appropriation de la convergence Internet-Télévision --------------------------------------- p 28 par la télévision connectée 2. a. b. De l’interaction à l’interactivité émetteur-récepteur------------------------------------------ p 31 Valorisation du média télévision par la notion d’interactivité------------------------------- p 31 La télévision, un média réinventé --------------------------------------------------------------- p 34 II – LE DIRECT : GENRE CONSTITUTIF DU MEDIA TELEVISION ?--------------------------------------------------------- p 36 A. 1. a. b. Le référent imaginaire global du spectacle ------------------------------------------------- p 37 Le direct sportif, la mise en spectacle du spectacle------------------------------------------- p 37 Le sport comme incarnation de valeurs identitaires du média------------------------------ p 37 La médiagénie du direct sportif dont la télévision serait le partenaire idéal-------------- p 40 2. a. b. Le direct sportif, dramaturgie et panoptisation du spectacle---------------------------------- p 43 Une dramaturgie au service de l’attractivité du média télévision--------------------------- p 43 Panoptisation du spectacle------------------------------------------------------------------------p 46 B. 1. a b Le référent imaginaire global technique----------------------------------------------------- p 49 Une programmation qui se nourrit du direct--------------------------------------------------- p 49 Une perception positive de la couverture télévisuelle---------------------------------------- p 49 Une diversité des formats------------------------------------------------------------------------ p 52 2. a. b. Une technologie qui sublime l’événement par l’interactivité-------------------------------- p 53 Evolution de l’exploitation de l’environnement digital à l’antenne------------------------- p 53 Discours et appropriation des dispositifs interactifs------------------------------------------ p 56 2
  • 3. PARTIE III – IMPACTS DE L’INNOVATION SUR LE MEDIA TELEVISION : VERS UNE REMEDIATION----------------------------------------------------------- p 59 A. 1. a. b. Quand le poste de télévision perd son monopole audiovisuel----------------------------p 60 La modification de la chaîne de valeur----------------------------------------------------------p 60 Le positionnement de la télévision et des nouveaux médias---------------------------------- p 60 Une nouvelle proposition d’usage transmédiatique------------------------------------------- p 62 2. a. b. La délinéarisation : un nouveau contrat d’écoute, une nouvelle posture des usagers ----------------------------------------------------------------p 65 La délinarisation, le fantasme de la liberté----------------------------------------------------- p 65 Une tendance de consommation plus individuelle -------------------------------------------- p 67 B. 1. a. b. La télévision comme objet, matérialité et remédiation------------------------------------p 69 Matérialité et culture des usages----------------------------------------------------------------- p 69 Impact des innovations de l’objet sur la culture médiatique--------------------------------- p 69 Smart TV, une réalité d’usage en retrait-------------------------------------------------------- p 72 2. a. b. Perspective d’une dématérialisation de l’objet télé-------------------------------------------- p 73 Déterminisme technique et immatérialité de l’image----------------------------------------- p 73 Perspective du « tout est écran », un rôle du média qui serait recentré ------------------- p 74 sur la production de contenus CONCLUSION----------------------------------------------------------------------------------------------- p 77 BIBLIOGRAPHIE-------------------------------------------------------------------------------------------- p 80 ANNEXES---------------------------------------------------------------------------------------------------- p 83 RÉSUMÉ------------------------------------------------------------------------------------------------------ p 110 MOTS CLÉS-------------------------------------------------------------------------------------------------- p 111 3
  • 4. INTRODUCTION Télévision1 (1957) n.f. : « Transmission à distance, par courants électriques ou par ondes hertziennes, de l’image d’un objet animé. » Télévision2 (2001) n.f. 1. : « Transmission, par câble ou par ondes radioélectriques, d’images pouvant être reproduites sur un écran au fur et à mesure de leur réception, ou enregistrées en vue d’une reproduction ultérieure. – Télévision par câble(s) : télédistribution. 2. Ensemble des services assurant la transmission d’émissions, de reportages par télévision. 3. Fam. Téléviseur. Abrév : télé. » 54 ans séparent ces deux définitions du mot télévision. La définition de 1957 ne fait aucune référence à la matérialité du poste de télévision. Alors que les Français vont le découvrir en 1935 dans les lieux publics, en 19503, il n’y a pas plus de 3 794 postes récepteurs dans les foyers (en raison du coût élevé de l’équipement). Mais, à la date de publication du dictionnaire, on estime alors que le nombre de postes de télévision dans les foyers français s'élève à un million. Alors pourquoi la définition ne tient-elle pas compte du récepteur ? L’élément de réponse se trouve à un mot au-dessus de cette page 1174, la matérialité de la télévision se nomme « téléviseur », mot quelque peu tombé en désuétude au XXIème siècle. Pendant les années qui vont suivre, un million de téléviseurs sera vendu en France, jusqu'à ce que chaque famille possède un poste à la fin des années 60. L’histoire de ce nouveau média de masse ne va alors cesser de s’écrire au fil d’évolutions technologiques et sociales qui vont le transformer jusqu’à l’inquiétude des acteurs de son industrie dans les années 2010. Le rappel de la définition académique du mot « télévision » en introduction de ce travail de recherche nous permettra d’en préciser la problématique et les hypothèses. Dans notre culture actuelle et aux yeux du grand public, le mot « télévision » revêt des champs sémantiques qu’il faut bien distinguer : nous regardons la télévision et on fait de la télévision, deux notions relevant d’un côté de la réception et de l’autre du contenu. La définition 1. et 2. du dictionnaire Larousse de 2001 est centrée sur le champ du dispositif technique sans 1 Dictionnaire Nouveau Larousse Classique, Editions Librairie Larousse, 1957 Dictionnaire Le Petit Larousse Illustré, Editions Larousse, 2001 3 ROZAT, Pascal «Histoire de la télévision : une exception française ? », inaglobal.fr [disponible en ligne : http://www.inaglobal.fr/television/article/histoire-de-la-television-une-exception-francaise] publié le 09 décembre 2010, Mis à jour le 07 mars 2011, consulté le 10 juillet 2013 2 4
  • 5. considération pour le récepteur, le message, le contenu. D’un point de vue étymologique4 le mot télévision est composé de télé, du grec ancien τηλε, (tele), « loin » et de vision, du latin visio, « voir ». Ce néologisme sera proposé par Constantin Perskyi dans sa communication adressée le dernier jour du Congrès International d'Electricité qui se tient, dans le cadre de l'Exposition Universelle de Paris, du 18 au 25 août 1900. Il est repris dans la presse anglaise sous la forme « television ». Il supplante peu à peu d'autres termes de l'époque, comme téléctroscope ou téléphote. Ici c’est encore l’innovation technique qui prend le pas, une technologie qui permet à un médium de transmettre, littéralement, ce qui vient de loin. Mais l’essor de la télévision, devenu le média préféré́ des Français5 pour l’information ou pour comprendre un sujet de fond, est basé avant tout sur le contenu. C’est l’évolution de son écosystème qui nourrira le petit écran de programmes pour que le dispositif technique prenne tout son sens. En 19486, les programmes sont essentiellement des spectacles de variété réalisés en plateau. Les premières retransmissions de grands événements en direct font dans le même temps leur apparition, comme l’arrivée du Tour de France au Parc des Princes ou la messe de minuit à Notre-Dame. En 1949, Pierre Sabbagh lance le premier journal télévisé, alors que Jacqueline Joubert devient la première speakerine. Se pose alors le problème des sources de financement du flux télévisuel. La loi du 30 juillet instaure une redevance sur les postes de télévision. En 1974, apparaît la première notion de résultats sous forme de calculs d’audience, les trois chaînes publiques se faisant alors concurrence pour la répartition du produit de la redevance (devenant en partie corrélée aux résultats d’audience). La publicité introduite en 1968, représente environ un quart des recettes de TF1 et d’Antenne 2. En 1982, la loi du 29 juillet abroge le monopole d’état. Deux ans plus tard, Canal+ commence à émettre, le 4 novembre 1984, bientôt suivi par La Cinq et TV6 en 1986 ; puis TF1 est privatisée en 1987. La course à l’audience est alors le nerf de la guerre du financement des programmes. L’ouverture du marché à de nouveaux entrants (câble, satellite, TNT…) ne cessera de bouleverser la télévision en tant qu’émetteur de contenus. 4 Anonyme « Télévision », Wiktionary.org [disponible en ligne : http://fr.wiktionary.org/wiki/t%C3%A9l%C3%A9vision] publié le 10 juillet 2013, consulté le 27 juillet 2013 5 TNS Sofres pour La Croix, 22 janvier 2013 6 ROZAT, Pascal «Histoire de la télévision : une exception française ? », art. cit. 5
  • 6. A l’aube de 2014, la télévision a dépassé l’âge de la post-télévision7, dont la téléréalité a été le point de départ, et ne cesse de se développer. Elle a entamé sa mutation qui la fait entrer dans un nouvel âge, dans un contexte d’innovations de plus en plus rapides et d’écosystème à réinventer. Les enjeux économiques et stratégiques se jouent au niveau de tous les champs sémantiques de la télévision : du côté de l’industrie de l’écran aussi bien que du côté des éditeurs de contenus. Et nous observons un oxymore complexe entre figure technique et figure du discours. Le dernier CES8 (Consumer Electronics Show) de Las Vegas a mis en exergue l’accélération permanente des innovations. L’écran n’est plus « le petit écran » en opposition au « grand écran » de cinéma. Au CES, on découvre l’écran de grande taille, sur tous les devices : la plupart des constructeurs de télévision ont présenté des écrans de très grande taille, supérieur à 50 pouces voire à 80 pouces ; les constructeurs de téléphones mobiles, des smartphones ressemblants de plus en plus à des tablettes. Autre grande tendance du CES 2013, la télévision connectée : « Le CES 2013 sera celui de l’avènement incontestable de la TV connectée, sans passer par une box d’opérateur ou une console de jeu : c’est aujourd’hui la TV qui est connectée à internet directement, et ça change tout. Pub ou contenus cliquables, applications installées, VOD, stockage via le cloud du constructeur ou du vendeur de contenus, télécommandes intelligentes se transformant en souris, caméra embarquée installée sur la TV pour communiquer à distance ou faire des exercices de sport, piloter la TV ou jouer à des jeux… La TV connectée arrive enfin, avec ce qu’il faut pour qu’elle soit vraiment utile dans les usages qu’elle propose. Le monde nouveau qu’on nous annonçait s’ouvre maintenant pour les contenus et la publicité. » Enfin, il est important aussi de souligner que la qualité de l’image et de sa restitution est au cœur des préoccupations des constructeurs. Avec l’image 4K (4000 pixels), l’image devient aussi réaliste que le réel. Le média télévision n’est plus seulement un dispositif d’accès à l’information, la culture, le divertissement. Il doit désormais répondre à une exigence de réalisme d’images sublimées et plus vraies que nature. Si nous observons maintenant la figure du discours, Jean-Louis Missika et Dominique Wolton9 envisageaient déjà en 1980 trois formes possibles et simultanées de télévision : « la télévision diversifiée (spécificité accrue des programmes), la télévision fragmentée (spécification accrue des publics, et donc du support [...] et la télévision inter-active (c'est-à7 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, Paris, Editions du Seuil, coll. « La République des Idées », 2006 BEAUDICHON, Bertrand « CES 2013 : des écrans, des données, des usages », Doc News [disponible en ligne : http://www.docnews.fr/actualites/tribune,ces-2013-ecrans-donnees-usages,35,15648.html] publié le 15 janvier 2013, consulté le 15 janvier 2013 9 Le Nouvel Observateur, 27 sept. 1980, p. 58, col. 3 8 6
  • 7. dire permettant des échanges audio-visuels entre usagers) ». Cette notion d’interactivité est la clé de ce que nous avons défini comme quatrième âge de la télévision, qui en bouleverse les usages et les fonctionnalités, un âge nourri par la digitalisation de l’Internet. La montée en puissance de la digitalisation des contenus médiatiques, à son apogée depuis trois ans, révolutionne tous les médias historiques, que ce soit la presse écrite, la radio, le livre ou la télévision. Par un effet cliquet, le retour à des formes plus classiques de ces médias est impossible. Afin de ne pas mourir, supplantés par les médias numériques, ils ont bien compris la nécessité de se réinventer et d’innover. Si nous revenons au média télévision, le concept de l’ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device) met-il en danger ce média de masse historique ? Les stratégies des éditeurs de chaînes de télévision doivent être de plus en plus inventives pour satisfaire un récepteur hyper connecté, maîtrisant ses horaires, ses programmes, pouvant les critiquer en direct et adepte de la mobilité. La télévision connectée trônant au premier trimestre 2012 dans 10,7% des foyers10, sera-t-elle à la hauteur des médias concurrents, l’ordinateur, les tablettes déjà adoptées par 18% des foyers français11 au premier trimestre 2013 (ce nombre a plus que doublé en 1 an) et smartphones ? Mais avec une durée d’écoute en constante progression, nous sommes encore loin de l’uchronie d’un monde où le support physique télévision aurait totalement disparu à la faveur de nano écrans ou d’objets du quotidien projetant de l’image. En effet, cette approche semble ne prendre en compte qu’une idéologie technique, sans considération pour le concept du média de masse « télévision », objet culturel aux contenus riches et innovants. Les éditeurs de télévision mettent tout en œuvre pour répondre aux usages connectés et à une concurrence de contenus foisonnants disponibles sur internet. Pour affronter ces évolutions technologiques d’accès aux images et aux divertissements, ils doivent impérativement négocier avec succès le virage stratégique qui se présente tant au plan éditorial que commercial et ceci avec leurs partenaires issus des nouvelles technologies. Ces enjeux sont d’autant plus primordiaux pour les chaînes historiques. Déjà confrontées à une fragmentation de l’audience dans un univers concurrentiel de plus en plus dense 10 BEMBARON, Elsa « Trois millions de foyers équipés de télé connectée », Lefigaro.fr [disponible en ligne : http://www.lefigaro.fr/medias/2012/05/22/20004-20120522ARTFIG00662-trois-millions-de-foyers-equipes-detele-connectee.php] publié le 22 mai 2012, consulté le 25 avril 2013 11 Communiqué du 03/06/2013 Médiamétrie 7
  • 8. (thématiques, TNT et nouveaux entrants), elles doivent continuer à jouer leur rôle de média de masse (en opposition avec les programmes spécialisés, voire de niche des chaînes thématiques), tout en répondant à la consommation plus individualiste des spectateurs demandeurs d’expériences enrichies multi-écrans. Une autre opposition est au cœur des problématiques de l’avenir de la télévision linéaire avec l’émergence des Over-The-Top Content (OTT) : Google TV, Apple TV, ou consoles de jeux vidéo comme la Xbox. Les inquiétudes sur la disparition du petit écran ne paraissent cependant actuellement pas fondées. La substitution est loin d’avoir eu lieu : alors que 76% des Français sont internautes, la durée d’écoute TV moyenne en 2012 était de 3h50 par jour12, soit trois minutes de plus qu'en 2011 et 30 minutes de plus que dix ans plus tôt. Jamais le public n'a autant consommé ce média. Mais cette observation faite en France est challengée par une autre étude réalisée par l’agence eMarketer aux Etats-Unis en août 201313. Une étude comparant le temps moyen passé devant les différents écrans (adultes de plus de 18 ans) entre 2010 et 2013 montre que pour la première fois dans son histoire, la télévision n’est plus l’écran le plus consommé, à la faveur des médias digitaux (5h16 par jour contre 4h31 pour la télévision). Pour le moment, l’utilisation du second écran (tablettes et autres) est en devenir et connaît un frémissement qui donne une perspective positive à la télévision. C’est un potentiel d’enrichissement qui renforce l’expérience télévisuelle en offrant un espace de liberté complémentaire au contenu diffusé sur l’écran principal. D’autant plus que les constructeurs de télévision sont toujours plus innovants, apportant des fonctionnalités d’interface toujours plus performantes, largement médiatisées au dernier CES. Même si les tablettes ont vu leur part de marché exploser en 2013, la prime au grand écran est toujours un déclencheur de l’acte d’achat de la télévision. Ces fonctionnalités se font au service d’une interactivité toujours plus engageante du téléspectateur. Le watermarking par exemple permet une synchronisation entre le programme et une application qui enrichit un contenu live en temps réel (à l’instar de The Voice, Top Chef ou des grands directs sportifs). Cet engagement favorise la fidélisation et le maintien d’audiences significatives pour ces programmes en créant un lien privilégié entre la marque 12 Communiqué du 30/01/2013 Médiamétrie , Médiamat – France métropolitaine, plus de 4 ans équipés de téléviseurs. 13 REDACTION « Digital Set to Surpass TV in Time Spent with US Media », emarketer.com [disponible en ligne : http://www.emarketer.com/Article/Digital-Set-Surpass-TV-Time-Spent-with-US-Media/1010096] publié le 1er août 2013, consulté le 1er août 2013 8
  • 9. programme et le récepteur. La technologie Hbbtv permet de proposer de multiples services pour les télévisions connectées, édités par de nombreuses sociétés françaises travaillant en étroite collaborations avec les éditeurs de programmes (Dotscreen, Visiware…). L’écosystème semble donc prêt à accompagner la mutation de la télévision confrontée à une évolution sociologique de l’accès à l’information et au divertissement. Véritable portail interactif, la télévision est désormais connectée et se pare de nouveaux attributs pour remplir sa fonction sociale et culturelle. Nous allons au cours de notre recherche nous interroger spécifiquement sur l’évolution de l’objet média télévision, en questionnant sa légitimité face à des usages en constante mutation répondant à une évolution sociologique de la consommation de l’image. Nous pouvons préciser la problématique avec la question suivante : Dans un contexte de bouleversement des usages, de contournement de la chronologie des médias, de porosité des médias historiques, comment le média télévision, média roi du XXème siècle, se transforme-t-il dans sa fonction sociale et technique ? Dans quelle mesure les avancées technologiques et l'émergence d'hypermédias numériques la conduisent-elle à une réinvention de ses dispositifs communicationnels et de sa matérialité ? Pour apporter quelques réponses théoriques à ce questionnement, trois méthodologies ont été retenues. Tout d’abord une analyse de discours construite sur des textes scientifiques, des articles (issus de la presse et de sites internet entre septembre 1980 et août 2013) et des déclarations des acteurs impactés ou parties prenantes de la révolution numérique : chercheurs en SIC, éditeurs de contenus de médias historiques, constructeurs de télévision, réalisateurs de programmes ou observateurs de tendance. Cette analyse de discours nous permettra de mieux comprendre l’imaginaire technologique vécu au travers de la télé connectée. Ensuite nous avons retenu une analyse sémiologique du dispositif d’un événement qui a fêté sa 100ème édition en juillet 2013, le Tour de France. Il s’agira ici d’étudier les discours, signes et dispositifs d’une retransmission d’une étape de l’Alpe d’Huez, programme télévisuel de mise en spectacle identitaire. Nous comparerons l’évolution de ces dispositifs sur 3 périodes : 2006, 2011 et 2013. L’analyse des évolutions des dispositions et des usages, de l’interactivité mise en œuvre sur les supports médiatiques en 8 ans, permettra de mieux comprendre les contours de la révolution médiatique en marche et des nouveaux usages. Enfin, nous dirigerons des entretiens semi-directifs de différents profils d’acteurs ou 9
  • 10. consommateurs du média télévision : professionnels chez les éditeurs de contenus, du marketing et de l’interactivité, consommateurs multi-générationnels. Ces entretiens nous permettront de mieux cerner les pratiques digitales et transmédiatiques ainsi que les comportements des téléspectateurs, leurs attentes et leurs évolutions. Nous allons envisager trois hypothèses qui viendront nourrir les éléments de réponse à notre questionnement. Nous posons d’abord l’hypothèse que l’âge de la post-télévision14 connaît un changement de paradigme de consommation qui met fin à cette période. Nous nous questionnerons les fondements du média télévision dont la révolution épistémologique lui fait perdre le monopole de l’accès par l’image à la culture. Le cadre de la recherche concerne la figure technique de la télévision et ses répercussions sur son rôle social. Nous observons que l’innovation tend à amplifier les usages au bénéfice de marques média qui deviennent des objets culturels de plus en plus partagés. En passant de simple média à un métamédia qu’est la télévision connectée, la télévision crée de nouvelles formes d’édition de contenus, lui permettant de légitimer son rôle social. Les nouvelles fonctionnalités de l’objet bousculent le modèle émetteur-récepteur, le récepteur pouvant même devenir émetteur par la création des Users Generated Content. A ce titre Twitter ou le transmédia sont à l’initiative de cette transformation de l’usage. Encore balbutiantes, ces formes de narration collaborative sont encore rarement à l’origine d’une véritable production d’images ou de narration sur l’écran principal (les tweets venant juste s’ajouter au contenu de l’éditeur). En cela Internet se révèlerait être le média de la participation. Si les éditeurs de télévision maîtrisent encore leurs contenus, la prise de pouvoir du public, qui peut s’exprimer sur les plateformes comme Youtube ou Dailymotion, paraît modifier la nature des objets audiovisuels. La télévision s’ancrerait-elle dans un modèle de curateur de contenu ou aurait-elle comme opportunité d’évolution de tirer profit de son statut de métamédia ? Elle contribuerait alors à favoriser la circulation de l’image et des contributions, produisant de la culture en renforçant la notion de trivialité15 de ses contenus par l’appropriation sociale et la transformation des objets grâce aux fonctionnalités d’Internet. Sa nouvelle médiativité s’appuierait ainsi sur son environnement technologique. Face à cela, nous posons pour seconde hypothèse que le média télévision se distinguerait des nouveaux médias audiovisuels pour revendiquer une identité propre, lui 14 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art. cit. JEANNERET, Yves, Penser la trivialité, volume 1, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Sciences Publications, coll. « Communication médiation et co », 2008 15 10
  • 11. permettant de légitimer un usage singulier. S’il se nourrit de dispositifs complémentaires pour fidéliser et accroître son audience, la singularité de contenus qui lui sont propres resterait son élément constitutif essentiel. Le dispositif technique ne serait qu’au service d’une éditorialisation dont le direct semble être la substantifique moelle. L’enrichissement d’un programme d’exception au service de l’écran principal nourrirait un intérêt alors démultiplié. La télévision s’auréolerait d’un imaginaire affirmé de l’événement exclusif. Cette hypothèse induirait une notion de spectacle sublimée au service d’un flux linéaire, consommé instantanément et en simultanéité, avec des moyens de production toujours plus ambitieux. Elle serait appuyée par l’observation d’une panoptisation des dispositifs, satisfaisant un récepteur de plus en plus exigeant, qui veut tout savoir, tout partager, immédiatement. L’innovation bouscule alors la figure narrative et l’imaginaire du média qui tente de préserver la singularité de son contenu. Le statut du message télévisuel deviendrait alors monopolistique, dans un contexte d’instantanéité spécifique, de société de l’immédiateté et du spectacle. Ce n’est alors pas le dispositif en lui-même qui est questionné mais ce qu’il émet. En cela, nous nous demanderons si le direct peut nourrir la spécificité du média télévision. Que ce soit lors de grands primes de divertissement comme The Voice, les grands rendez-vous politiques que sont les élections ou encore les manifestations sportives de haut niveau (que les diffuseurs s’arrachent à grands coût d’achat de droits exorbitants), la télévision préserverait toute son attractivité par la nature incontournable du rendez-vous. Enfin, une troisième hypothèse questionnera le média au sein d’un environnement concurrentiel complexifié. Nous essayerons de placer la télévision dans une nouvelle chaîne de valeur et d’étudier comment les éditeurs de contenus s’adaptent aux nouveaux contrats d’écoute. La posture d’un utilisateur devenant son propre créateur d’objets médiatiques et prenant la main sur sa programmation, modifie sa relation au média dans un fantasme de liberté : en quoi cela impacte la nature des formes médiatiques télévisuelles ? Enfin, nous nous tournerons vers le déterminisme technologique et à la matérialité de la télévision. Le média télévisuel est un objet technique soumis à l'obsolescence, il vieillit. Mais il paraît se métamorphoser plus qu’il ne disparaît. Néanmoins, il existe une friction entre la définition de l’écran et celle du poste de télévision. Celui-ci connaît en ce sens une phase décisive autour d’une matérialité réinventée au rythme frénétique des innovations qui déterminent les enjeux stratégiques des constructeurs. Nous étudierons cette figure technique pour observer si la matérialité de la télévision pourrait en être affectée, dans une perspective « où tout est télévision ou rien n’est télévision ». Nous serons alors amenés à envisager qu’elle puisse 11
  • 12. revendiquer sa remédiation vers une autre forme de média pour se renouveler. L’objet smart TV ferait-il alors déjà parti d’un passé qui approche à grand pas ? 12
  • 13. I – LE NOUVEL ÂGE DU MEDIA TELEVISION : DU MEDIA AU METAMEDIA Pendant près de 50 ans, la télévision, communément nommée « petit écran », a été confortée dans une situation de monopole de l’accès à la culture par l’image au domicile. Fenêtre sur le monde qui informe, elle divertit, suscite le débat ou place le spectateur au cœur de spectacles géographiquement inaccessibles. Dans les années 2000, la bulle Internet vient bouleverser son statut, l’ordinateur s’installe dans les foyers et connaît une évolution technologie exponentielle. La télévision voit naître les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), concurrents impitoyables dans l’accès à la culture et à l’information. La « vieille dame » entame alors sa route vers une mutation nécessaire pour répondre à la transformation des usages de la société…. Renaissance ou sursis ? 13
  • 14. A. L’écran : d’une fenêtre ouverte sur la culture à objet culturel 1. Quand l’accès à l’image révolutionne l’accès à la culture a. Le rôle social du média télévision à travers ses trois âges Pendant un quart de siècle, la télévision a été l’unique média permettant à une large part de la population, hors intellectuels, l’ouverture sur le monde de son domicile. L’accès à l’image culturelle n’est plus alors l’apanage du cinéma. La révolution sociale de la paléo-télévision16 est en route vers une forme de libération par l’accès à la culture, comme le souligne Isabelle Veyrat-Masson17 : « L’utopie du progrès et de la libération des hommes par la culture et la connaissance, si chère au XIXe siècle, semble être revivifiée par l’invention de la télévision, par la possibilité qu’elle offre de diffuser les grandes œuvres du patrimoine littéraire et artistique si longtemps réservées à des privilégiés, de les recevoir chez soi en tournant un simple bouton. » Sous l’emprise de l’Etat, la télévision devient au fil de son développement technologique et de sa vulgarisation, un outil éducatif de la « masse » avec une véritable mission sociale de démocratisation du savoir et d’uniformatisation de la culture française, comme l’a expliqué Marie-Françoise Lévy18 : « La télévision qui s’ancre sous la Quatrième République instaure un modèle de télévision fondé sur la transmission du patrimoine et qui soutient l’idée d’une télévision comme instrument culturel au service de l’unité et de l’égalité entre les hommes. La télévision sous de Gaulle est investie d’une mission d’éducation morale et de guide au service du rassemblement des Français. Elle est aussi pensée comme une représentation de la France. » Il est bon ici de définir une notion de culture que nous choisirons au sens large : la culture peut être définie comme étant l’ensemble des connaissances acquises dans divers domaines. Le journal télévisé lancé en 1949 par Pierre Sabbagh est représentatif de cette vulgarisation de l’accès à la connaissance par un médium présentateur qui se pose en commentateur pour décrypter l’actualité et les enjeux politiques. Eliseo Veron19, dans son analyse du journal télévisé, note à ce propos l’importance du lien entre ce médium présentateur, intermédiaire entre l’événement et le téléspectateur, l’image délivrant en temps réel l’actualité quand vient 16 ECO, Umberto, La Guerre du faux, Paris, Grasset, 1985 VEYRAT-MASSON, Isabelle, Quand la télévision explore le temps. L’histoire au petit écran, 1953-2000, Paris, Fayard, 2000, p.48 18 LEVY, Marie-Françoise, « Télévision, publics, citoyenneté » in COHEN Evelyne, LEVY Marie-Françoise (dir.), La télévision des Trente Glorieuses, Paris, CNRS Editions, 2007, p 91-111 19 VERON, Eliseo, « Il est là, je le vois, il me parle » in Réseaux, Paris, Le Seuil, 1986, volume 4 n°21. p71-95. 17 14
  • 15. l’ère du direct. Les techniques de productions, les moyens de transmissions et l’innovation créeront un lien tout particulier entre le présentateur du journal télévisé, via une starification de celui-ci qui le confirmera dans son rôle d’éducateur : « […] De même que je reçois les nouvelles qu'il me transmet, il les a, à son tour, reçues. Sa circonspection me dit le travail d'interprétation à faire et les précautions à prendre : l'actualité est souvent complexe, on ne sait pas toujours très bien, bref : il faut faire attention. ». La pédagogie est au rendez-vous, la posture médiatique de la télévision s’inscrit dans l’accompagnement de la libération de l’Homme dans la connaissance. Idéaliste, humaniste, elle devient le principal média de masse à la fin des années 70, entrant dans son âge de néo-télévision20. Toujours placée sous le signe du média de la promotion de l’information et des programmes culturels, sa vocation est de faciliter l’accès au plus grand nombre à des œuvres culturelles, inaccessibles par ailleurs. L’objectif culturel, qui dans l’imaginaire collectif peut paraître élitiste, relève alors du média de masse, deux notions antinomiques qui se rejoignent grâce à la télévision. Dès lors, les éditeurs, sous le couvert de service public, créent des rendez-vous populaires et fédérateurs, s’attachent à produire des programmes de qualité, accessibles et enrichissants. Toutefois, la chaîne de valeur est modifiée par les modalités du discours, sa construction et la technologie de diffusion. Il ne faut pas cependant ignorer l’économie du média qui constitue aussi et avant tout un produit commercial, à l’instar de la presse ou du cinéma. C’est en 1974 qu’apparaît la première notion de résultats sous forme de calculs d’audience, pour la répartition de la redevance. Quant à la publicité, elle arrive sur l’écran en 1968. Elle représente alors environ un quart des recettes de TF1 et d’Antenne 2. Avec la fin du monopole d’Etat en 1982, de nouveaux entrants se créent (Canal+ le 4 novembre 1984, La Cinq et TV6 en 1986), TF1 est privatisée en 1987. Dans ce nouveau contexte économique, un des grands enjeux de la télévision, a été de négocier le virage de la privatisation et ensuite de la création d’une multitude d’offres de canaux avec un foisonnement de programmes thématiques ciblés. Les chaînes historiques restent du domaine du « généraliste » en opposition avec les chaînes thématiques qui explosent au sein d’offres de télévision payante. Dès lors chaque média propose son contrat d’écoute spécifique qui lie la marque programme et son récepteur, la société découvre un PAF multi-culturel mais moins fédérateur. La notion de communauté émerge. « Je suis fan de musique, je regarde MCM ; je suis fans de sport, je regarde Eurosport France ; je suis fan de découverte, je regarde Planète… ». L’offre de contenus 20 ECO, Umberto, art. cit. 15
  • 16. s’inscrit dans cette prise en considération de l’évolution la société. L’individu se crée ses propres communautés, loin des Institutions, et la télévision entre dans une logique de réponse à la demande d’un consommateur émancipé avec une politique de marketing éditorial. « L’âge d’or de la télévision » arrive à sa fin et on craint alors que la vocation culturelle fasse place à la vocation commerciale du média en opposant service public et chaînes commerciales. Le statut de média de masse au service de l’enrichissement général de la société se transforme alors : la vocation du petit écran reste toujours de s’adresser au plus grand nombre avec des discours didactiques, mais par le biais de multiples canaux moins généralistes. Le modèle économique se voit lui aussi modifié avec l’apparition d’offres payantes avant la création des chaînes de la TNT qui permettent un accès gratuit à différentes formes de contenus. La télévision publique, qu’on appelle d’ailleurs le service public, se targue d’inventer des modes de représentations esthétiques et artistiques garant de la qualité, induisant un objectif culturel. De là à conclure que la télévision commerciale est en opposition un média de la société d’en bas serait trop simpliste. Néanmoins malgré son statut de 8ème art acquis en 1982 par le Ministère de la Culture, la télévision est décriée et des journaux comme Télérama s’infiltrent dans la brèche pour critiquer la télévision commerciale et ses productions trop pauvres intellectuellement parlant. La post-télévision21 introduit le phénomène de la téléréalité. Le rôle social de la télévision est bouleversé et répond à l’évolution d’une société de la surveillance du spectacle qui pousse au paroxysme la panoptique22 des dispositifs télévisuels. La promesse de ces dispositifs est alors de tout voir, tout comprendre, tout expliquer, qu’importe la nature du regard porté sur le contenu. En quoi le spectacle d’adolescents filmés 24h/24 nourrit culturellement le téléspectateur et exacerbe sa liberté ? Les polémiques sont lancées en réponse à Umberto Eco : « La télévision rend intelligents les gens qui n’ont pas accès à la culture et abrutit ceux qui se croient cultivés ». La transformation du rôle social de la télévision continue sur la lancée de l’ère numérique. Comme nous l’avons évoqué, en un quart de siècle, la télévision passe d’un statut de média d’accès à la culture à un média de l’industrie, à vocation lucrative, pour satisfaire une curiosité de société du spectacle, dans des formes narratives distrayantes ou choquantes. Les années 2000 marquent la société par l’accélération des nouvelles technologies. Les relations sociales se transforment avec l’émergence de nouveaux acteurs qui bouleversent les usages et les relations interpersonnelles. La télévision questionne alors sa place de mass média culturel, 21 22 MISSIKA, Jean-Louis, La fin de la télévision, art. cit. FOUCAULT, Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975 16
  • 17. déjà contrariée par la fragmentation de son offre, le web 2.0 et le numérique ayant ouverts d’autres fenêtres sur le monde, définissant une nouvelle notion, celle de l’interactivité. D’outil d’archivage de données culturelles consultables, l’interactivité est désormais un flux à double sens. Il ne s’agit plus d’une action-réaction homme-machine mais la possibilité pour l’homme de contribuer au contenu du média Internet. L’émergence des relations individuelles de communauté à communauté ou d’émetteur-récepteur, via les réseaux sociaux, entraîne la modification de la place de la télévision comme mass média unique et seul émetteur audiovisuel. Le poste de télévision, qui jusqu’alors avait connu de nombreuses transformations techniques (la télécommande, la couleur, la qualité de l’image…), trouve sa matérialité transformée pour répondre aux nouveaux codes sociaux de consommation. Ainsi débute un nouvel âge de la télévision que nous proposons de nommer « la proto-télévision », réinvention d’une nouvelle matérialité par la télévision connectée, prototype d’un nouvel objet culturel. b. De la télévision cérémonielle au social média Comme nous venons de l’analyser, la télévision n’a cessé de s’inventer au fil des innovations et des événements sociétaux (politique, relations sociales, croyances, économie…). La conséquence majeure qu’il nous paraît intéressant d’étudier à ce niveau de notre recherche, c’est le changement de fonction sociale au sein du foyer, plus largement du lieu où est installé le poste de télévision. Depuis ses débuts, la télévision a toujours privilégié la culture du spectacle avec des grands événements en direct suivis par des millions de foyers. Qu’il s’agisse des événements politiques, culturels ou sociétaux, la télévision rassemble autour de son écran pour partager des moments privilégiés en famille ou entre amis. C’est ce que Daniel Dayan et Elihu Katz ont défini comme « La télévision cérémonielle »23. Ce que nous pouvons souligner dans leur analyse, c’est la dimension de célébration autour du rendezvous télévisuel et la capacité fédératrice, collective de ce rendez-vous. Dans sa finalité, le programme sera partagé, devant l’écran et hors écran, le lendemain à l’université, en soirée, à la machine à café du bureau… La conversation est déjà inscrite dans l’ADN du programme télévisé avant même l’arrivée de la social TV. Les programmes représentent bien des objets 23 DAYAN, Daniel, KATZ, Elihu, La télévision cérémonielle. Anthropologie et histoire en direct, Paris, PUF, 1996 17
  • 18. culturels au sens trivial d’Yves Jeanneret24, qui se diffusent à travers la société et évoluent avec le temps, les milieux dans lesquels ils naissent, se développent ou s’intègrent. La télévision ne transmet plus la culture mais fait culture dans une société devenue société de communication et d’information permanente. Ce sont dans les années 2010 que le paradigme de consommation est modifié. C’est le début de l’âge que nous avons nommé proto-télévision. Une autre forme de télévision prend forme, balbutiante mais avec une rapidité de transformation jusqu’alors jamais égalée. Elles marquent le début des annonces qui se succèdent autour de la télévision connectée : géants de l’Internet (Google, Yahoo…), constructeurs de téléviseurs, éditeurs de télévisions, opérateurs télécoms… voient le potentiel de cette nouvelle figure technique et adaptent leur stratégie de développement. La mobilité fait sa grande entrée dans la valse des changements. La télévision n’est plus une consommation de salon ou de chambre à coucher, elle s’emmène partout. Le tout est résumé dans une devise : Anywhere, Any Time, Any Device (ATAWAD). Du côté de l’offre de programmes, de nombreux éditeurs de contenus et services numériques, présents sur ordinateurs et téléphones mobiles, réfléchissent à élargir leur stratégie multi-écrans à la télévision. La multiplicité des écrans et le multitasking25 vont radicalement bouleverser les usages du contenu télévisuel et l’usage médiatique des écrans. Dans une vision très McLuahnienne26 de prolongement des êtres humains par les technologies, le medium a changé l’individu lui apprenant à faire plusieurs choses à fois, abandonnant sa posture passive devant l’écran. Ses fonctions et capacités manuelles, visuelles, mémorielles… se sont étendues, prolongées et démultipliées grâce aux smartphones, tablettes tactiles ou télévisions connectées. Il a le pouvoir de mener de front plusieurs actions au même moment. De même l’arrivée de Facebook et de Twitter révolutionnent les interactions individuelles autour de programmes télévisés. Plus tard, l’émergence des applications pour smartphone, tablettes et télévisions connectées diversifient la relation émetteur-récepteur à l’instar de MyTF1 Connect ou du watermarking de l’application « Devant ma télé » de M6. En plus d'offrir des fonctionnalités de discussion, TF1 a mis en place, début 2013, un « Instant Replay » qui permet aux utilisateurs de créer leur propre replay vidéo de 30 secondes et de les diffuser sur les réseaux sociaux. 24 JEANNERET, Yves, Penser la trivialité, Volume 1, La vie triviale des êtres culturels, Paris, Hermès Science Publications, « Comunication, Médiation et co », 2008 25 Multi-tâche : consommation de plusieurs devices en même temps 26 MCLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme, Paris, Mame/ Le Seuil, 1968 18
  • 19. L’Instant Re eplay de My TF1 Connect. T . Waterm marking de M6 M vision socia prend so essor alor que la co ale on rs onsommatio individua on alisée se gé énéralise. La télév Le téléspectateur voit son statut d’alté s érité renfor dans un système communic rcé u cationnel d’intera actions cons stantes. Il peut grâce à ces appl p lications co ommenter, p partager en instant n share27 ses vidéos préférées et vivre a s avec sa co ommunauté un flux e simultan Nous en né. retrouvo l’esprit communau ons utaire qu’ava favorisé l’émergenc de chaîne thématiqu de la ait ce es ues néo-télé évision, et le partage induit de la télévisi ion cérémo onielle, dan une form bien ns me différen mais tou aussi sociologiqueme semblab : le besoin d’identif nte ut ent ble fication à de tribus, es le parta d’une expérience collective, a même moment (ma plus au même endroit). La age c au m ais télévisio dans un écosystème enrichi d’ autres fonct on, e tionnalités, renforce sa capacité à créer du a lien, ma ce lien n ais n’est plus réservé un ce ercle proche d’amis ou de famille. Il se fait ég e galement avec de personnes tout à fait inconnues, fédérées au es s , utour d’une même pas e ssion ou d’u même un intérêt. La circulati des obje télévisue les mute en objets culturels, par leur cir ion ets els ent rculation pliée. démultip Com mme pour to nouveau phénomèn de société de consommation, e parce que l’usage out u ne é, et e s’est ins stallé très rapidement par une cop -constructio sociale à l’innovatio les obse on on, ervateurs et les p professionne ont crai l’émerge els int ence de ces nouveaux écrans, do x onnant accè à des ès contenu numériqu prolifiques et à un nouvelle autonomi des publi us ues ne es ie ics. Aujour rd’hui, il sembler que le statut de média social d la télévisi permett une relati privilégiée entre rait de ion te ion l’émette et le ré eur écepteur, la cible ma a arketing et la marque programm Sans pa me. arler des perspectives de re entabilité économique de ces nouveaux dispositifs multi-supports qui é es n d démultip plient des c contacts de plus en plus qualifiés, dans leur goût et profil de consom p s l mmation. 27 Partage instantané e 19
  • 20. Les régies publicitaires s’en nourrissent pour déployer des offres commerciales elles-aussi enrichies dans un objectif de rentabilité pour la création de contenus. 2. Instantanéité, contribution et partage des objets culturels : vers un déterminisme de l’autonomie des usagers a. La Social TV, culture de la participation du téléspect’acteur La proto-télévision révolutionne la destination de l’usage du média télévision (communication unilatérale de l’émetteur au récepteur avec une vocation de transmission de connaissances) en ayant créé un prototype de système de partage social très vite approprié par les individus. Le mouvement avait été initié par la post-télévision avec une première approche lors des premières émissions de télé-réalité. Pour la première fois, le téléspectateur contribuait au choix des protagonistes du spectacle par un système de vote déterminant ceux qui devaient rester ou partir. Le numérique va accélérer le changement médiatique, agrégeant d’autres écrans à la télévision, étant connectés en permanence, pouvant se synchroniser les uns avec les autres sans liaison physique. Le digital a amplifié des usages qui s’étaient déjà individualisés avec la mobilité et le multi-équipement. Surtout, il a favorisé l’interaction instantanée, la contribution et le partage des objets faisant culture, ce qu’Yves Jeanneret28 nomme la « […] culture triviale : cette activité incessante par laquelle les hommes échangent plus ou moins largement, de façon plus ou moins contrôlée, leurs conceptions du monde ». D’abord craintif et méfiant, le monde de la télévision va s’approprier l’imaginaire d’Internet et sa notion de web 2.0, pour en faire un concept de support, le site web venant compléter l’émission télévisuelle. Il est décliné en format responsive design pour s’adapter à tous les écrans au service de l’écran principal. Ainsi il favorise la contribution simultanée et le partage, le téléspectateur devenant « téléspect’acteur ». Si les pratiques ont été initialement l’apanage d’early adopters29, elles se sont largement démocratisées puisqu’aujourd’hui un tiers des Français pratique la social TV30. Le phénomène s’explique en partie par la croissance rapide du taux d’équipement de la population. Au premier trimestre 201331, 21,4 millions de foyers (77%) sont équipés d’un ordinateur et pour près des 2/3 d’entre eux, il s’agit d’un 28 JEANNERET, Yves, L'affaire Sokal : comprendre la trivialité, in: Communication et langages. N°118, 4ème trimestre 1998. pp. 13-26. 29 Adopteur précoce : personne qui s’approprie une nouvelle technologie avant l’usage collectif 30 Etude CSA réalisée en ligne du 11 au 13 juin 2013 auprès de 1 059 internautes français âgés de 15 ans et plus 31 Communiqué GFK/Médiamétrie, 3 juin 2013 20
  • 21. portable dans une recherche de consommation mobile. Dans la logique de consommation individuelle des écrans, on constate que plus de 2 foyers équipés sur 5, soit 8,8 millions, ont au moins deux ordinateurs à la maison. Nouveau phénomène depuis fin 2012, la tablette tactile connaît un engouement croissant en étant présente dans plus de 18% des foyers au 1er trimestre 2013. Le nombre de foyers possédant une tablette a plus que doublé en un an passant de 2,2 millions au 1er trimestre 2012 à 5,1 millions au 1er trimestre 2013. Elle séduit tout particulièrement les hommes de moins de 50 ans, à la tête d’une famille plus nombreuse que les possesseurs d’ordinateurs. Elle devient le device idéal pour la pratique second écran et est utilisée dès le plus jeune âge, laissant présager un usage vulgarisé des générations futures. Une étude du CSA réalisée en juin 2013, nous révèle que les internautes aiment toujours parler de télévision en face à face : ils sont 80% à échanger sur ce sujet « dans la vraie vie », en famille ou entre amis et 58% entre collègues à la machine à café. Et ce sont 76% des Français qui utilisent leur téléphone ou leur tablette tout en regardant un programme télé, 27% commentant régulièrement les programmes sur les réseaux sociaux. Sur Internet, c’est majoritairement sur Facebook que les conversations se tiennent à 52%, dépassant de loin les forums et les blogs (17%), les sites de chaînes de télévision (13%) et Twitter (11%)32. On peut se demander si la pratique social TV est générationnelle, ne concernant qu’une frange jeune de la population. La même étude semble confirmer cette tendance. La pratique de commentaire des programmes en ligne est certes de plus en plus vulgarisée avec 37% des internautes concernés, mais 21% ne le font que rarement. En revanche, chez les moins de 18 ans, ils sont plus de 75% à commenter sur Internet les programmes télévisuels. Enfin, cette enquête souligne la complémentarité de la relation entre Internet et télévision avec une nouvelle posture des « télénautes », à la croisée des deux médias : sur Internet, ils se sentent personnellement investis dans les programmes ; la télévision tient alors le rang de nouveau lien social numérique. En interagissant avec les contenus et leurs communautés numériques, ils compensent la solitude de consommation de l’écran par le rassemblement conversationnel. Une autre spécificité d’Internet est de servir d’espace d’expression libre le plus souvent sous une forme de tribune (voir tribunal) critique des objets télévisuels. Facebook et Twitter, les deux marques qui ont révolutionné le lien social et lancé le boom des réseaux sociaux, constituent donc les deux plateformes de contribution et de partage 32 Rappelons que Twitter n’est aujourd’hui fréquenté que par 5% des Français (étude Ipsos - mars 2013) 21
  • 22. télévisuels. Le hashtag est omniprésent dans les dispositifs communicationnels des antennes, les contributions apparaissant régulièrement directement à l’écran comme processus de valorisation du téléspectateur, dans sa nouvelle posture d’éditeur de contenus en opposition avec celle passive de simple spectateur. Cela pourrait signifier que Twitter a pris le pas dans l’imaginaire collectif sur Facebook avec son principe de textes courts (140 signes) adapté à la réaction spontanée et immédiate. Mais c’est Facebook33 qui s'impose largement comme la plateforme de prédilection des téléspect’acteurs, 57 % d'entre eux utilisent Facebook pour commenter des programmes de télévision, contre 15 % pour Twitter (Facebook ayant un taux de pénétration encore bien plus fort que Twitter en France). Facebook qui n’a d’ailleurs pas hésité à introduite le hashtag dans ses fonctionnalités le 12 juin dernier. Cette étude a dévoilé également les motivations des téléspect’acteurs pour cette pratique : 69 % commentent des programmes qui les passionnent pour partager leurs impressions, leurs avis avec d'autres passionnés. Cette information vient appuyer la théorie communautaire, d’appartenance à une tribu que revêt le média télévision, le confortant dans son rôle de lien social. 66 % commentent des programmes qui leur permettent d'enrichir leurs connaissances et nourrir leur réflexion en partageant leur point de vue avec les autres internautes, la télévision étant bien confirmée comme un vecteur d’accès à la culture. Enfin, 61 % commentent des programmes qui les font rire, la télévision remplissant une de ses vocations initiales de divertir. L’objectif poursuivi par la social TV est d’aller dans le sens d’un renforcement de l’essence même de la télévision : rassembler, informer et divertir. Après nous être intéressés au profil des téléspect’acteurs, il est important de situer le type de programmes qui sont les plus sujets à ces pratiques. Le jeu télévisé, le sport et les grands événements (téléréalités et cérémonies) semblent être les plus adaptés à la simultanéité du commentaire, favorisant le rassemblement. Les séries de fiction, les films et les magazines ont un potentiel moins évident, demandant davantage d’attention de la part du téléspectateur et s’inscrivant dans une autre temporalité de consommation. Plus propices à la délinérarisation, ils construisent néanmoins d’autres formes de regroupement (à l’instar des communautés de fans de séries). Plusieurs organismes se sont créés pour mesurer et analyser les audiences de la social TV, dont Mésagraph que nous prendrons en référence. Les primes de divertissement en direct sont régulièrement en tête des émissions les plus commentées. Ainsi, depuis le début de sa diffusion fin juillet 2013, le prime « The Best » de TF1 s'est placé à la deuxième place 33 ILLIGO, étude Social TV, Perception & Usages des Français, sur 1 009 répondants âgés entre 18 et 64 ans, représentatifs de la population française, avril 2013 22
  • 23. du palmarès hebdomadaire des émissions qui font le plus réagir sur plus réagir sur Twitter, (avec 298 533 tweets la semaine du 5 au 11 août) derrière « Secret Story » (675 000), toujours sur TF1. Le sport également déchaîne les passions, dans les tribunes comme sur les réseaux sociaux. Deux grandes affiches de reprise du championnat de France de Ligue 1 ayant pris cette même semaine les deuxième et troisième places avec respectivement 59 233 et 58 549 tweets. Et c’est encore le football qui trône à la première place de l’événement sportif de plus tweeté de l’histoire avec plus de 370 000 tweets générés lors du match de Ligue des Champions PSG-Barça, pourtant diffusé sur une chaîne cryptée, Canal+. En complément des performances d’audience de leurs programmes, attendues tous les matins avec grande inquiétude, les chaînes ont désormais l’œil rivé sur le baromètre des médias sociaux, mesurant l’engagement du téléspectateur à la marque programme. C’est une nouvelle relation qui lie l’émetteur à son récepteur, qui par ses contributions devient l’ambassadeur et le porte-parole du message. La social TV est encore en phase de croissance de ses potentialités. En effet, les motivations des utilisateurs sont bien ancrées dans le partage et le sentiment de vivre un événement télévisuel individuel ou en nombre restreint physiquement. La trivialité de l’objet télévisuel pour faire culture d’images par sa circulation peut encore être un phénomène qui assurerait la pérennité du média télévision. En effet, les fonctionnalités d’instant share proposées par les chaînes peuvent être amenées à se développer, favorisant la circulation du programme, ainsi que les Users Generated Content34 (UGC) des internautes en optimisant la diffusion des contributions. b. Les UGC, objets au service des marques programmes La révolution du web 2.0 a modifié la relation homme-machine en créant une réelle interaction des flux médiatiques. Quittant sa destination initiale d’accès à des contenus d’archivage, le récepteur devient lui-même émetteur en créant des contenus diffusés au public. Il est dans ce contexte en co-production du sens. Encouragé par les plateformes de vidéos en ligne comme Youtube et Dailymotion, l’internaute découvre et s’approprie son nouveau pouvoir de création d’objets qu’il va faire circuler. Ce nouveau concept qui émerge 34 Contenus Générés par les Utilisateurs 23
  • 24. en France courant 2005 provoque de grandes inquiétudes du média télévision. Il se sent dépossédé de sa spécificité de producteur de contenus. Les moyens de production sont mis à la disposition des individus grâce à une technologie simple et accessible au plus grand nombre. Si la qualité des contenus n’est pas à la hauteur des productions professionnelles des éditeurs, leur capacité à être viralisés et à créer du bruit médiatique suffit à préoccuper le monde du petit écran. Avec le développement des technologies et des usages, des supports de diffusion/logiciels et pratiques social TV, la tendance tend à s’inverser avec l’intégration des UGC dans les dispositifs marketing des marques programmes des éditeurs. Dans la logique du concept de « référent imaginaire global » de Catherine Guéneau, le média télévision va s’approprier cette interactivité pour sa promotion : « Les discours d’accompagnement de l’interactivité trouvent un terrain fertile dans le sillage des dérives déterministes, qui font de la technique l’enjeu principal de nos sociétés en lui accordant un pouvoir surdimensionné : celui de transformer le monde35 ». L’objet créé par l’internaute va devenir un objet culturel au service du flux télévisuel, accompagnant sa promotion. Prenons l’exemple de la chaîne WGN America (chaîne américaine du câble et du satellite) qui a déployé en 2012 un dispositif d’UGC pour événementialiser sa série « How I met your mother ». Pour célébrer la Fête des mères, la chaîne a programmé une journée marathon de la série. Les fans ont été invités à s’y engager. En utilisant Facebook et Twitter, WGN America a demandé à ses « followers » d’envoyer une photographie de leur mère accompagnée d’un bref message. Les photos ayant remporté le plus de votes des internautes sur le site internet dédié ont été diffusées à l’antenne pendant le marathon, les autres photos étant publiées sur le site. Cette initiative marketing a changé la destination de la marque programme, passant d’une proposition d’expérience de visionnage de flux linéaire à une expérience plus personnelle, dans laquelle les fans étaient impliqués. Leur histoire personnelle réelle devenait aussi importante que celle des protagonistes fictifs du programme. L’engagement des fans, et donc des ambassadeurs de la marque programme, a été stimulé. Encore à l’état de pratique exploratoire, l’avènement du transmédia et des normalisations de flux visuels que l’innovation a généré, tend à penser que cette nouvelle vague de création médiatique ne sera plus dans un temps court réservée à une minorité de geeks. Les plateformes Tumblr, Vine, Instragram favorisent l’opportunité communicationnelle des marques programmes. Sans exclure les UGC textuels générés par Facebook et Twitter, que la 35 GUENEAU, Catherine « L’interactivité : une définition introuvable », Communication & Langages n°145, septembre 2005, p 117-129 24
  • 25. télévision semble avoir plus rapidement maîtrisé au bénéfice de la croissance de l’engagement de son audience. Le micro blogging se répand et se vulgarise. Les mèmes internet font l’objet des réflexions stratégiques des dispositifs de marketing viral. Le mème est défini par le dictionnaire anglais Oxford36, comme « 1. Un élément d'une culture ou d'un ensemble de comportements qui se transmet d'un individu à l'autre par imitation ou par un quelconque autre moyen non-génétique. 2. Une image, une vidéo, un morceau de texte…, humoristique par nature, qui est copié et diffusé rapidement par les internautes, souvent avec de légères variations ». Le mème a un statut scientifique communicationnel singulier, lui conférant un rôle de lien social culturel par le partage de productions populaires. Jamais auparavant les opportunités de diffusion de contenus n’avaient été aussi rapides, sans notion de territoires géographiques. Pour évaluer la valeur accordée à la culture médiatique des objets produits par les UGC, il est intéressant de voir que la BBC37 les intègre dans ses FAQ38 en leur donnant une définition précise : « User generated content ("UGC"), plus communément connus comme « journalisme citoyen », « média social » ou « média participatif », font référence à une large variété de contenus médiatiques produits par notre audience en opposition avec ceux faits par la BBC, sociétés de production indépendantes ou contributeurs individuels commissionnés par la BBC. Ces dernières années, les UGC sont en croissance, grâce aux vidéos et images digitales, messages textuels sur mobile, blogging, messageries en ligne, emails et soumissions audio. ». Réputée et reconnue par ses pairs à l’international, la BBC fait culture en reconnaissant les nouvelles pratiques sociales de son média. Le sujet apparaissant dans les FAQ, littéralement en Français « questions les plus courantes », traduit aussi la vulgarisation de l’usage de ces contributions. Le média télévision a su saisir cette nouvelle opportunité pour s’auréoler de nouveaux codes de perception. En passant de « je regarde la télévision » à « je participe à ce que je vois et à l’expérience télévisuelle », le média, à l’instar des autres médias historiques (talk de radio par appel à contribution sur le web, livres participatifs, journalisme de contribution dans la presse…), s’est doté d’une nouvelle sémiotique enrayant un déclin redouté. La sémiotique de 36 OXFORD, définition du dictionnaire numérique [disponible en ligne : http://oxforddictionaries.com/definition/english/meme?q=meme], consulté le 18 août 2013 37 Site internet de la BBC [disponible en ligne : http://www.bbc.co.uk/terms/faq.shtml], consulté le 18 août 2013 38 Frequently asked questions 25
  • 26. l’objet, devenant connecté à Internet, s’est gorgée de connotations positives et de fantasmes d’idéaux : « je passe derrière l’écran », du côté de ceux qui fabriquent le contenu culturel. L’objet reste désirable par le discours de l’interactivité. B. Quand la télévision devient un métamédia 1. Un contexte de porosité des médias a. Changement de paradigme de la médiativité. En 2007, Apple lance son IPhone sur le marché, accélérant la révolution web 2.0 qui vient perturber le statut du média télévision. Dans le contexte d’innovations fulgurantes et la multiplication des supports audiovisuels, elle connaît une crise identitaire, les frontières entre les différents médias historiques et les nouveaux médias (ordinateurs, smartphone, tablettes) tendant à disparaître. On assiste à un phénomène d’hybridation des médias avec la spécificité d’agréger différentes formes de contenus comme des sites internet de presse écrite enrichissant leurs contenus textuels avec de la vidéo, modifiant le paradigme de médiativité de chacun. Il est intéressant de considérer l’identité des médias du point de vue d’André Gendreault et Philippe Marion39. Ils estiment qu’une identité n’est pas pérenne, qu’elle se construit par son évolution et passe par une phase d’intermédialité initiale. Un média s’observerait par « la façon dont ce média tisse sa relation aux autres médias à travers sa dimension intermédiale ». L’enjeu serait alors pour la télévision de s’approprier de nouvelles inter-connexions avec ces autres médias. Les nouveaux médias font naître pourtant dans l’esprit collectif une forme d’obsolescence annoncée des médias historiques dont les frontières d’usages étaient jusqu’alors clairement dessinées. La presse écrite sera la première frappée de plein fouet par la révolution numérique en marche, avec un lectorat qui délaisse certains supports pour une presse en ligne florissante. De leur côté, les nouveaux médias, dans leur dispositif technique, se challengent dans une course à l’innovation effrénée. Le téléphone devient intelligent dans sa mutation vers le smartphone et fait office d’ordinateur en se connectant à Internet, l’ordinateur devient tablette dans sa version d’écran mobile et tactile. A l’échelle des contenus, ils tendent à se consommer sur tous les supports, de façon individualisée et délinéarisée. La consommation des contenus linéaires télévisuels est 39 GENDREAULT André (dir.), MARION Philippe (dir.), « Un média naît toujours deux fois... », Sociétés et représentations n°9, avril 2000, p. 21-36 26
  • 27. questionnée, la « vieille dame » observe avec inquiétude la multiplication des écrans et une offre pléthorique de nouveaux médias avec des bénéfices d’usage qui lui échappent. En 2011, avec le succès de l’Ipad lancé en 2010, les enjeux sont clairement définis pour les chaînes de télévision. Elles intègrent dans leur ADN l’exposition de leurs contenus sur tous les supports, comme déclaré par Jean-François Mulliez, alors Directeur Délégué de TF1 dans un article du Monde40 à l’occasion du lancement de la nouvelle application pour IPhone le 24 janvier 2011. En s’appropriant ce contexte de porosité des médias, les contenus médiatiques télévisuels ne sont plus exclusivement diffusés sur la télévision de façon linéaire. Ils se consomment sur l’ordinateur, puis s’adapteront à l’écran du smartphone et enfin la tablette. L’acronyme ATAWAD41 est au centre de tous les plans de stratégie marketing avec quatre paramètres essentiels. Le visionnage en direct du flux télévisuel ; la vidéo à la demande (VOD), pour un rattrapage de ce qui a déjà été diffusé ; une connexion aux réseaux sociaux, qui permet de commenter et de partager sur une marque programme ; de l’enrichissement du flux principal qui va se développer via des applications ou des sites internet dédiés (interviews d’acteurs, choix de caméras, statistiques…). Une autre épée de Damoclès semble être suspendue sur la suprématie de la télévision, particulièrement concernant sa mise à disposition d’œuvres cinématographiques et de fictions. L’explosion d’Internet et du haut débit des années 200042 ne constitue pas uniquement un dispositif d’accès à l’information ou à des contenus audiovisuels dont la diffusion est réglementée. L’exception culturelle de la chronologie des médias43, protégeant l’écosystème des créateurs, producteurs et ayant droits de diffusion, va très vite être technologiquement contournée. Dans un modèle économique de gratuité et dans l’illégalité, les internautes découvrent toutes les potentialités de consommation de films et de fiction sur la toile. Le piratage devient la bête noire de l’industrie du média télévision. Au fil des années 2000, l’Etat se mobilise, la chasse aux sorcières est ouverte. Dans le cadre des Assises du Numérique le 30 novembre 2011, Frédéric Mitterrand, alors Ministre de la Culture et de la Communication, met au centre de son intervention sa volonté « d’accompagner les industries culturelles et en particulier les industries de contenus dans le grand océan de l’Internet ». L’état d’urgence est décrété pour la protection du média dans sa destination d’objets culturels : « Les réponses au 40 ZILBERTIN, Olivier, « La télé s’enrichit sur IPad », Le Monde, 30 janvier 2011 Any Time, AnyWhere, Any Device 42 Première offre haut débit ADSL en France en 1999 par Wanadoo (ADSL, 512k) 43 Chronologie des média : règlementation du cycle de diffusion des œuvres cinématographiques : salle, DVD, VOD, télévision payante, télévision gratuite 41 27
  • 28. piratage seront approfondies pour lutter plus efficacement contre toutes les formes de piratage, quelles que soient les formes de diffusion et les moyens techniques, y compris le streaming. ». Le cas Megaupload est symptomatique de ce nouveau phénomène sociologique de libre accès aux œuvres grâce à l’innovation des dispositifs médiatiques. Société créée en 2005, elle proposait l’hébergement de fichiers en accès libre à n'importe quel internaute aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, au Canada et en France. En proposant la facilitation d’accès à un dispositif technique complexe, la société permet l’échange et la viralisation de contenus culturels cinématographiques et télévisuels piratés. En 2011, la plateforme compte 66 millions d'utilisateurs. Contrainte à fermer ses portes en janvier 2012 pour violation des lois sur le copyright par le FBI, l’affaire Megaupload est très largement médiatisée comme campagne de communication de la lutte anti-piratage. Comble de l’ironie, le créateur de Megaupload vient de lancer en janvier 2013, son nouveau site d’hébergement de stockage de données : Mega. En France, la loi Hadopi du 12 juin 2009, lance la création d’une autorité publique indépendante, la HADOPI (Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet) pour réglementer la diffusion et la protection de la création sur internet et la lutte sur le téléchargement illégal. D’autres acteurs numériques sont en ligne de mire des éditeurs de contenus télévisuels. Les nouveaux entrants tels que Netflix ou Hulu (pas encore présents sur le territoire français) ou Apple TV viennent challenger la médiativité de la télévision. Ils favorisent la porosité des médias grâce à l’émergence de la télévision connectée à Internet et à leur potentiel technique (accès à des contenus web sur la télévision). Ce sont des concurrents de taille au regard de la sémiotique qu’ils incarnent et la relation avec l’utilisateur qu’ils construisent. b. Appropriation de la convergence Internet – Télévision par la télévision connectée La consommation de la vidéo sur Internet se vulgarise et constitue la première motivation d’utilisation du média. L’entreprise Cisco44, leader mondial des équipements réseaux, dans une étude prospective de mai 2013, estime que 55 % du trafic internet mondial sera constitué par de la vidéo en 2016, contre 51 % en 2011. La télévision connectée à Internet, devient alors le support technologique à s’approprier pour saisir une opportunité de consommation 44 CISCO, « Cisco Visual Networking Index: Forecast and Methodology, 2012–2017 », [disponible en ligne : http://www.cisco.com/en/US/solutions/collateral/ns341/ns525/ns537/ns705/ns827/white_paper_c11481360_ns827_Networking_Solutions_White_Paper.html], publié le 29 mai2013, consulté le 20 juin 2013 28
  • 29. complémentaire à la verticalité des programmes du flux linéaires. La grande révolution de la figure technique de la télévision débute par la naissance de la télévision numérique en 1996 avec l’arrivée sur le marché de la diffusion par satellite et les nouveaux entrants Canalsatellite et TPS, puis par le câble et l’ADSL45 vers 1998 et l’IPTV46 (2002 pour la Freebox). En 2005, la TNT47 commence son déploiement. La conception des set-top-box hybrides associant la réception de chaînes satellites ou TNT et une connexion aux services Internet (ADSL, fibre, câble) a accéléré la mutation des usages en permettant l’accès d’Internet sur le poste de télévision et la consommation délinéarisée des contenus. L’IPTV et les offres triple play connaissent un grand succès commercial favorisant le succès de la télévision 2.0. La fragmentation des audiences devient le risque majeur des chaînes de télévision qui craignent une baisse de leurs audiences entraînant une baisse de leurs revenus publicitaires. En 2011, cette perspective de baisse de chiffre d’affaire menace de mettre en péril le rôle de producteur d’œuvres culturelles audiovisuelles et cinématographiques. En réponse aux transformations sociologiques et technologiques, les éditeurs créent de nouveaux services de télévision de rattrapage (comme Pluzz, My TF1 ou Canal+ Replay), ainsi que de vidéo à la demande payante, et expérimentent de nouveaux services interactifs qui ne cessent de se développer depuis 2012. Le déterminisme d’une vision défensive d’un Internet comme menace pour la télévision semble disparaître. En 2013, l’essor d’une télévision directement connectée à Internet, la smart TV (téléviseur intelligent), favorise un imaginaire en construction d’un hypermédia intégrant textes, images et sons, ouvert sur les mondes culturels. Le marché est en pleine expansion, le taux d’équipement des foyers aux Etats-Unis48 a déjà progressé de 30,8% en 2011 et de 24,2% en 2012 avec une prévision de 31% en 2013. En France, le marché est encore en phase de lancement mais on observe une tendance à la croissance avec 13,9% des foyers équipés au 4ème trimestre 2012 (soit 3 816 000 foyers), soit une progression de +10,3% par rapport au 3ème trimestre 2012 et de +84,1 % en un an49. Par ce nouveau dispositif directement connecté au web, sans passer par une box d’opérateur, la télécommande donne un nouveau pouvoir à l’utilisateur, celui d’accéder sur son écran de télévision à tous les mondes visuels médiatiques. 45 ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line) : Service d'accès à l'Internet par les lignes téléphoniques IPTV (Internet Protocol Television), diffusion de la télévision, de la vidéo et des contenus multimédia sur un réseau informatique IP vers des écrans de télévision et des PC 47 TNT : Télévision Numérique Terrestre 48 eMarketer, « Connected TVs reach one in four homes », [disponible en ligne : http://www.emarketer.com/Article/Connected-TVs-Reach-One-Four-Homes/1009581], publié le 3 janvier 2013, consulté le 5 juillet 2010 49 GFK/Médiamétrie T4, T3, T2, T1 2012 ; T4 et T3 2011 46 29
  • 30. Il accélère les nouvelles pratiques d’horizontalité qui se banalisent, favorisant le multitasking50 et l’activité de l’utilisateur en opposition avec une passivité des anciens modes verticaux de consommation. La télévision doit alors faire en sorte que la distraction provoquée par cette perte d’attention du récepteur par l’accomplissement de plusieurs actions en parallèle du visionnage des contenus, se transforme au profit du contenu télévisuel. L’éditorialisation de nouvelles formes de contenus est alors au service de la conversation autour d’une marque programme. Cette éditorialisation passe par la création d’applications (ou directement par la technologie HbbTV51) qui ne sont plus uniquement disponibles en second écran (smatphone ou tablette) mais directement accessibles de la télévision. Des sociétés spécialisées sont apparues sur le marché pour la création de ces applications pour télévision connectée comme Visiware, créateur du « play along52 » en 2011 ou Dotscreen. En créant des prolongements numériques des émissions et des événements diffusés à la télévision utilisables par la télécommande, elles proposent aux éditeurs de contenus d’exploiter les nouvelles solutions de pérennisation d’intérêt et d’engagement pour les marques programmes. Le play along53 répond au phénomène de gamification des contenus, dont les jeux télévisés sont la représentation la plus native. Ici encore, la passivité du récepteur prend fin. La télévision lui permet de jouer en simultané avec son programme de jeu. Le bénéfice d’usage est démultiplié en lui offrant de s’affronter à d’autres joueurs, valorisant la notion d’expérience individuelle partagée par une communauté virtuelle. Une nouvelle forme de média se construit par la convergence d’Internet et de la télévision, s’inscrivant dans la durée, avec les perspectives d’innovations permanentes, et permet de réinventer les interactions entre le téléspectateur et sa marque chaîne ou programme. Néanmoins, le support télévision devient le propre concurrent des marques chaîne en donnant accès à des contenus Internet, échappant donc à l’industrie télévisuelle, sur l’écran. Côté applications, si les éditeurs ont su développer une stratégie d’exploitation de ce nouvel outil, les pure player54 et autres géants d’Internet ont su riposter. En mars dernier, Dailymotion a annoncé le lancement de son application pour smart TV. Cette application propose une nouvelle expérience de visionnage en mode « lean- 50 Ibid Hybrid Broadcast Broadband Television : norme technique de télévision connectée permettant l’accès via la télécommande à des informations complémentaires du programme 52 Traduction : entrer dans le jeu. Technologie qui rend la TV interactive en offrant la possibilité aux téléspectateurs de participer de chez eux à des émissions TV 53 Ibid 54 Diffuseurs uniquement sur Internet 51 30
  • 31. back55 », une lecture en continue des vidéos dès le lancement de l’application, totalement adaptée aux usages sur les téléviseurs. Quant à Google, il a lancé Chromecast en juillet 2013, accessoire, ressemblant à une clé USB, permettant de diffuser des vidéos YouTube, depuis son smartphone, sur l'écran de son téléviseur. 2. De l’interaction à l’interactivité émetteur-récepteur a. Valorisation du média télévision par la notion de l’interactivité Le Web 1.0, celui des années 90, se distinguait par un fonctionnement très linéaire. Un contenu proposé par un émetteur était affiché sur un site Internet consulté par des internautes. Qualifié de web passif, c’était un outil de consommation d’'informations et d’archivage. Le web 2.0 est un web social qui permet le partage et l’échange d’informations et de contenus qui peuvent être créés par l’internaute. La notion 2.0 est gorgée d’une représentation positive (poussée cependant par une notion 3.0 désignant la prochaine évolution du web qui semble approcher à grand pas). Empruntée de la notion de web 2.0, la télévision 2.0 construit une culture médiatique innovante et remettant en question la fonction sociologique du média, le redéfinissant dans un système d’interactions avec d’autres médias. On assiste à un bouleversement du schéma communicationnel et des relations entre émetteur et récepteur d’un message qu’il soit textuel, visuel ou sonore. L’idéologie de l’interactivité s’établit par son effectivité sociale. La notion 2.0 est valorisée, faisant référence à un idéal de communication où le message audiovisuel n’est plus uniquement en réception. Les nouvelles technologies permettent une activité du récepteur en lui offrant la possibilité d’interagir sur ce qu’il voit. Etienne Candel56 théorise le passage de l’interaction à l’interactivité en distinguant les dispositifs, les dispositions et les contenus disposés. Les dispositifs se définissent par la forme, le support (le smartphone, l’ordinateur, la smart TV). Les dispositions sont du domaine de la posture, du lien entre deux entités, des échanges (réseau social, social game…). Enfin les contenus disposés réfèrent à ce que l’utilisateur peut créer ou ce à quoi il a accès (contenus de web documentaires, les UGC, commentaires…). Ce triangle communicationnel caractérise les médias informatisés avec des contenus sur lesquels le récepteur peut agir (image cliquable 55 56 Traduction : revenir en arrière CANDEL, Etienne « La notion de l’intéractivité », in MASTER2 ICCM, 2012-2013 31
  • 32. par exemple) et une posture d’énonciation de l’institution médiatique qui se déplace de créateur culturel à initiateur de co-création. Le schéma communicationnel émetteur-acteur à récepteur se transforme, la relation se faisant d’émetteur-acteur à récepteur-acteur. La télévision, par son interactivité, renforce ainsi sa fonction d’accès à la culture en permettant la transformation des objets en favorisant leur circulation par les réseaux sociaux. Elle favorise un nouveau mode de circulation sociale par sa rupture d’usage de relation homme-homme avec une posture d’altérité en opposition à la posture scientifique de la relation hommemachine. La télévision interactive permettrait ainsi à la télévision de s’approprier une notion positive qui tient valeur de motivation à son utilisation, contrariant les rumeurs de disparition du média. En répondant à des besoins sociaux inscrits dans la modernité, la télévision interactive fait rupture avec la représentation de média poussiéreux. Les marques chaînes n’hésitent pas alors à promouvoir la notion d’interactivité par leurs discours marketing. Les campagnes de publicité intègrent les nouvelles fonctionnalités d’usage, leur étant parfois même entièrement consacrées. Prenons pour exemple Canal+57 et sa campagne en télévision pour le lancement de son application « Grand Journal » en mai 2013, ou France Télévisions en juin 2013 dans sa communication presse du Tour de France qui rappelle son « dispositif multicam sur Francetvsport.fr pour réaliser votre propre direct en choisissant votre caméra ». Les usagers constituent le référent imaginaire global58. Ils sont également amenés à créer de la valeur et à rendre l’objet télévision nouvelle génération désirable par leur souhait d’appropriation de la technique et leur discours d’accompagnement. Pour encourager les usages, la valorisation des actions du récepteur et de sa co-production est essentielle. Le média télévision semble maîtriser ce paramètre. Il propose ainsi un effet immédiat de la co-production de l’utilisateur. Celui-ci peut décider de la présence ou non des protagonistes d’une émission par un système de vote, voir apparaitre ses contributions à l’écran par la publication de ses tweets pendant des directs, le faire jouer en simultané des candidats d’un jeu télé. La télévision sur- sémiotise la co-production et l’intervention positive des téléspect’acteurs par la mise en spectacle de sa création. Il est intéressant de noter ici le changement de perception du média télévision dans sa capacité à être éducative. Il a longtemps été décrié par les pédopsychiatres et les institutions 57 58 Cf ANNEXE 1 GUENEAU, Catherine « L’interactivité : une définition introuvable », op. cit. 32
  • 33. pédagogiques, affirmant que si les enfants développaient leur sens visuel devant le petit écran, c’était au détriment de leurs autres sens, notamment de leurs capacités psychomotrices. Claude Allard, pédopsychiatre auteur de l’ouvrage « L’enfant au siècle des images59 » déclarait dans une interview en octobre 2003 : « Les enfants ont besoin d’exprimer leurs représentations imaginaires dans l’action, et la télévision leur propose de recevoir passivement les constructions imaginaires d’autrui ». La passivité est donc au centre des débats. Dix ans plus tard, la télévision commence à acquérir ses lettres de noblesses ludoéducatives, surtout chez les parents. Ce phénomène est fondamental, assurant l’avenir du média auprès de la cible enfants aujourd’hui prescriptrice et demain décisionnaire d’achat de biens culturels (télévision payante, VOD…). Cette nouvelle perception est principalement due au sentiment d’activité proposée à l’enfant par la télévision interactive, chez les constructeurs de smart TV (« Playing Nado Hutos », « Sticker Theater », « Best Kids Song » chez Samsung) ou chez les marques chaînes (application pour smart TV LG « Zouzous » de France 5). Le marché des applications pour tablette destinées aux enfants est en plein essor. Les chaînes suivent le mouvement, qu’elles soient historiques, de la TNT ou thématiques, en lançant leur propre application (TFou, Gulli, Boomerang ou Piwi+ dès le 23 octobre 2013…). Ces applications permettent l’accès à des contenus enrichis sous forme de jeux ludo-éducatifs dans l’univers de leurs héros de dessins animés. La smart TV de Samsung permet même aux enfants d’interagir avec le contenu diffusé à l’aide d’un capteur de mouvements, permettant une expérience immersive tournée vers l’éducation, le développement et le divertissement. Le groupe MTV, éditeur de chaînes thématiques dont celles pour enfants Nickelodeon et Nickelodeon Junior, a lui aussi exploité l’innovation technologique au service de nouveaux arguments éducatifs de la télévision. En juin 2012, il a lancé le premier concept de chaîne de télévision personnelle avec My Nickelodeon Junior. Grâce à la connexion à Internet de l’IPTV, des smartphones et des tablettes, la chaîne permet de créer une télévision sur mesure. En indiquant l'âge, les thèmes souhaités de l’enfant, les programmes les plus adaptés sont proposés, le paramétrage de la durée d’écoute est réglable par les parents. La télévision interactive a su ainsi mettre à profit son nouvel environnement technologique pour se construire un nouvel imaginaire collectif global positif. 59 ALLARD, Claude, L’enfant au siècle des images, Paris, Albin Michel, 2000 33
  • 34. b. La télévision, un média réinventé Nous avons étudié l’évolution du média télévision, de ses usages à sa matérialité dans un contexte de multiplication des écrans et d’interconnexion médiatique. Le champ sémantique lui-même a changé avec nombreux néologismes (play along, transmédia, UGC, ARG60…) dont on pourrait craindre un rejet de l’utilisateur, hors digital native. Au lieu de ça, l’appropriation sociologique des dispositifs est des usages semble être en marche. Le champ sémiotique est lui aussi en pleine mutation, les codes, les signes, les images se modifiant au cours de la révolution télévisuelle. L’écran diffuse les contributions des anonymes pendant le programme, les plateaux de télévision offrent des salles de conversation où les protagonistes peuvent échanger et partager en direct leurs expériences (V-Room de l’émission The Voice de TF1)… Nous pouvons dire à ce stade de la recherche que la télévision est devenue un métamédia, multipliant ses fonctionnalités, sa médiativité et ses prédispositions communicationnelles, comme le définit Gene Youngblood61 : « Le métamédia constitue un outil permettant lui-même de créer de nouveaux outils. Les métamédias permettent d'accéder à une nouvelle pratique culturelle : la méta-architecture. Le méta-architecte manipule des contextes et non des contenus. La méta-architecture agit sur l'environnement. C'est l'architecture d'un outillage individuel et social en tant qu'environnement. Ainsi se trouve créé un métacontexte ou un environnement susceptible de favoriser le développement d'autres productions culturelles. Un méta-architecte permet donc à une activité de se développer sans jamais influer sur son orientation propre. D'autres contextes et d'autres contenus peuvent être ainsi créés — dans des situations entièrement contrôlées par l'utilisateur, l'acteur, le participant ou l'agent d'un tel métasystème » La télévision est sortie de son statut de média inscrit dans une verticalité de la consommation avec de nouvelles pratiques culturelles. En installant une relation d’horizontalité avec son public, elle lui permet de devenir méta-architecte en utilisant les fonctionnalités d’un Internet accessible de la télévision. Le média s’est réinventé, devenant un véritable portail multi-médias associant le son, l’image et le texte. Dans sa mutation, il a contrarié la théorie des médias chauds et froids de Marshall McLuhan62 : « Les médias chauds, au contraire, ne laissent à leur public que peu de blancs à remplir ou à compléter. Les médias chauds, par conséquent, découragent la participation alors que les médias froids, au contraire, les favorisent. ». La télévision se muterait-elle en média froid, encourageant la participation de son audience, développant la social TV grâce à son hybridation avec Internet ? Nouveau vecteur de communication et de création culturelle, elle favoriserait un 60 Alternate Reality Game : jeu en réalité augmentée YOUNGBLOOD Gene, « Vidéo et utopie » In: Communications n°48, 1988, p 173-191. 62 McLUHAN, Marshall, Pour comprendre les médias. Les prolongements technologiques de l’homme. Op. cit. 61 34
  • 35. renouvellement d’usage et un changement de perception. Tout en gardant sa vocation initiale pour laquelle un bon nombre d’utilisateurs reste attaché au média, elle prépare son avenir en s’adaptant aux pratiques des générations futures. Nous avons bâti cette première hypothèse au fil des âges de la télévision pour observer ses étapes de transformation identitaire ainsi que l’appropriation de son environnement sociologique. Cette recherche nous conduit à penser que le contexte d’innovation transforme le média télévision dans sa relation à ses usagers et son rôle social. Cette mutation s’opèrerait également dans un contexte de porosité des médias, modifiant la médiativité de la télévision, dans une réinvention à la faveur d’une activité et d’une participation croissante des utilisateurs. Notre deuxième hypothèse va plus spécifiquement questionner les fonctions distinctives et constitutives du média télévision, par l’étude de ses formats et de ses discours, mais aussi de ses dispositifs techniques. Nous avons choisi le genre du direct sportif pour appréhender la corrélation entre médiagénie du programme et média télévision, tentant alors d’approcher une notion de genre singulier qui le distinguerait des autres nouveaux médias. 35
  • 36. II – LE DIRECT : GENRE CONSTITUTIF DU MEDIA TELEVISION ? Comme nous l’avons observé, le direct a été au cœur des productions de la paléo télévision des années 50-60, rappelons-le, ancrée dans une destination sociale de pédagogie, de démocratisation d’accès à l’information et à la culture. Le direct sera l’apanage des émissions culturelles et littéraires, et des grandes cérémonies politiques, culturelles ou sportives : premier match de football retransmis le 4 mai 1952 (finale de la Coupe de France), couronnement de la reine Elisabeth II le 3 juin 1953 ou retransmission du concours Eurovision de la chanson le 24 mai 1956. Dès lors, le direct devient le programme symbole du média télévision, assurant sa légitimité de média du spectacle et de l’événement ainsi que sa fonction distinctive. Au fil de son évolution, les formats et les discours se sont multipliés donnant naissance à des genres et des narrations variées dont les succès ont été plus ou moins avérés. L’ancrage d’Internet dans les usages, et sa fonction d’accès à une quantité incommensurable de programmes audiovisuels, est venu contrarier l’écosystème d’une télévision en quête d’une nouvelle identité médiatique. Empruntant la maxime d’Antoine Laurent de Lavoisier « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme », nous pouvons nous demander si le direct ne constituerait pas le genre intemporel de la télévision, garant de sa pérennité. 36
  • 37. A. Le référent imaginaire global du spectacle « Le Tour de France, c’est le mariage du sport et de l’épopée. Il a pris dans l’imaginaire collectif la place d’un mythe et raconte à sa manière l’histoire des passions françaises », Jacques Chirac63. Le sport est un des programmes télévisuels le plus consommé au monde si nous regardons les chiffres d’audience réalisés lors des retransmissions de grandes compétitions en direct. Incarnant l’essence même du spectacle, il illustre ce que peut offrir le média télévision pour transmettre un objet culturel inaccessible à ceux qui ne peuvent y assister. A travers le Tour de France, nous avons un exemple représentatif de référent imaginaire global du spectacle télévisuel en direct qui participe au succès du média. Nous avons choisi cet événement comme support d’étude du direct. 1. Le direct sportif, la mise en spectacle du spectacle a. Le sport comme incarnation de la médiativité de la télévision Le direct sportif constitue un des contenus les plus probants à observer pour considérer l’identité du média télévision et sa médiativité. Il est à la fois massivement suivi, ancré dans la tradition historique des grands rendez-vous télévisuels, et touche le public par un storytelling puissant et naturel. La médiativité est définie par Philippe Marion64 : « Celle-ci rassemble tous les paramètres qui définissent le potentiel expressif et communicationnel développé par le média. La médiativité est donc cette capacité propre de représenter – et de placer cette représentation dans une dynamique communicationnelle - qu’un media possède quasi ontologiquement. ». Qui n’a jamais assisté à une conversation enflammée autour d’un match de football, les chances de victoire d’un tel ou d’un autre dans une grande compétition sportive ? Qui n’a jamais crié, debout, s’agitant devant son écran de télévision, dans l’espoir qu’un Français honore une identité nationale revendiquée ? A n’en pas douter, le sport provoque des réactions de passion à tout âge, quel que soit le sexe, dans tous les milieux socio-culturels. Que l’on soit un inconditionnel du sport en général, d’un sport en particulier, d’une équipe, ou qu’on se déclare indifférent, nous avons tous au moins vibré une fois devant notre écran de télévision au rythme de minutes éprouvantes d’un spectacle sportif. La valeur d’un programme sportif connaît plusieurs niveaux d’appréciation selon son potentiel fédérateur. 63 AUGENDRE, Jacques, Le Tour, Paris, Solar Editions, 2011 MARION, Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en Communication, n°7, Louvain-la-Neuve, UCL (COMU), 1997 64 37