Formation échiquéenne jwhyCHESS, parallèle avec la planification de projet
Rennes-archive-ertzscheid
1. 15 Juin 2012
Séance n°4 : L’archive et les nouvelles
technologies.
15 Juin 2012.
WEB & ARCHIVE.
Des arts de la mémoire aux
technologies du souvenir.
1
2. 1
|ar| |chi| |ve| ou mémoire(s)
L’archive procède d’un travail de
mémoire.
La mémoire induit, à l’échelle d’un
collectif humain, la nécessité d’une
réflexion de nature archivistique.2
3. "Par archive, j’entends d’abord la masse des choses dites dans une culture,
conservées, valorisées, réutilisées, répétées et transformées. Bref toute cette masse
verbale qui a été fabriquée par les hommes, investie dans leurs techniques et leurs
institutions, et qui est tissée avec leur existence et leur histoire."
Michel Foucault, Sur l’archéologie des sciences (1968)
3
4. « Par archive j’entends d’abord la masse des choses dites dans une culture
• Lolcats
• Opencourseware du MIT
• Chuck Norris
• Wikipédia
• Etc …
4
5. « conservées »
28 décembre 1537
1er Août 2006. Dépôt légal de l’internet
5
7. « réutilisées, répétées, transformées »
Agencements collectifs d’énonciation.
+ Circuits courts de publication.
+ Ingénieries de l’éditorialisation (bouton like, +1, algorithmes) 7
= stochastique de l’engrammation collective.
8. Bref toute cette masse verbale qui a été fabriquée par les hommes
8
9. et qui est tissée avec leur existence et leur histoire. »
• 2 milliards d’internautes
• 500 millions de sites web (source : http://news.netcraft.com/)
• 1000 milliards d’URL indexés par Google (Juillet 2008. Source :
http://blog.veronis.fr/2008/07/google-mille-milliards.html)
• 1 site web (Facebook) : 850 millions d’utilisateurs
9
11. indexé
1er problème : Pangée archivistique non-indexé
Web public Web privé
Web extime
Web personnel Web intime (blogs)
(Desktop) (Mail)
2011
Web public Web privé
Web personnel Web intime Web extime
(Desktop) (Mail) (blogs)
2005
Web public
Web privé Web personnel Web intime
Web « invisible » (Desktop) (Mail)
11
1995
12. Comment (et pourquoi)
Cloud computing Faire mémoire ?
Trouver sa place ?
Retrouver et contrôler ses traces ?
Vagues algorithmiques
Traces & fragments mémoriels
2nd problème : notre positionnement
Bouleversement mémoriel semblable à celui
du passage de l’oralité à l’écriture.
12
13. 3ème problème : dresser une carte de l’archive à l’échelle du territoire de la mémoire.
Réponse de l’archiviste : NON. Choix. Sélection.
Réponse de l’algorithme : OUI (si je dispose de suffisamment de ressources « mémoire »)
"13
16. L’histoire commence en 1945
• http://mediateur.free.fr/web/hist_aswemaythink_fr.htm
• MEMEX = Memory Extender.
• « Imaginons un appareil de l'avenir à usage individuel, une sorte de
classeur et de bibliothèque personnels et mécaniques. (…) Un
memex, c'est un appareil dans lequel une personne stocke tous ses
livres, ses archives et sa correspondance, et qui est mécanisé de
façon à permettre la consultation à une vitesse énorme et avec une
grande souplesse. Il s'agit d'un supplément agrandi et intime de
sa mémoire. » Vannevar Bush
• Le parcours importe au moins autant que le lien.
16
17. Années 2000 : Le web devient un média « de masse »
« le Web s’impose aux médias et les transforme
en industries de la mémoire, par leur accès
transversal et leur archivage permanent. »
Jean-Michel Salaün
17
Source de l’image : http://www.flickr.com/photos/adamcrowe/3810700931/sizes/o/in/photostream/
18. Les mass-média n’ont pas de mémoire
Les livres ont besoin du dépôt légal.
La radio et la télé ont besoin de l’INA.
Le web a besoin d’une archive.
18
19. Question de sémantique ?
• Google, Apple et Amazon STOCKENT les livres que j’ai lus.
• Archive.org CONSERVE mon vieux skyblog d’il y a dix ans
• Facebook DISPOSE de la trace des mes conversations d’il
y a 8 ans.
• La bibliothèque du Congrès ARCHIVE Twitter.
19
20. • Poser la question de LA mémoire DU web a un sens. PATRIMONIAL.
• Poser la question de LA mémoire DE Facegoog en a un autre. Privauté des
espaces semi-publics. CULTURE NUMÉRIQUE.
• Poser la question de NOS mémoires SUR Facegoog. Celui du droit à l’oubli.
Existe depuis le projet Safari années 70. LÉGISLATIF.
• Poser la question de NOS mémoires sur LE web. La légitimité du droit de
ne pas se souvenir. La question de la transparence. POLITIQUE.
Question de point de vue 20
21. 4
Nouvelles dynasties.
Nouveaux empires.
Les dynasties de l’archive
(recollection)
bâtissent
Les industries de la mémoire …
(recall / rappel)
à l’aide
des technologies du souvenir …
(taux de précision)
21
22. 1 fantasme : la complétude, l’exhaustivité
• Star wars syndrome.
• Obi-Wan Kenobi : C'est impossible. Peut-être les archives sont-elles incomplètes ?
• JOCASTA NU : Les archives sont complètes et totalement sécurisées, mon jeune
Jedi. (…) si quelque chose n'apparaît pas dans nos archives, c'est qu'il n'existe pas !
• Fantasme déjà ancien (mythologie fondatrice des 1ères bib –
Alexandrie – Borges & bib de Babel, etc …)
• Fantasme désormais vécu comme possibilité atteinte. 22
23. Fantasme vécu comme possibilité atteinte
Une caméra frontale enregistrant notre vie
pendant 70 ans = 27,5 TB = 450 Ipods de 60
GB
Loi de Moore : dans 70 ans, il sera possible
de stocker l’enregistrement continu d’une vie
sur un grain de sable (projet M4L).
23
24. 1 stratégie
• le contrôle de l'engrammation, de ce qui "fait
mémoire", constituera la prochaine clé de leur
suprématie, et donc de leur survie. 24
26. Font collection
•Google : collection des accès (personnalisation)
•Wikipédia : collection des savoirs (accumulation)
•Facebook : collection des profils humain (sollicitation)
•…
De tous les SUPPORTS de mémoire
• Mémoire des textes : Google Books
• Mémoire des conversations : Facebook, Twitter
• Mémoire de la presse : Google News
• Mémoire photographique : Flickr / Flickr Commons
• Mémoire topographique : Google Maps
• Mémoire computationnelle (mémoire « vive », mémoire de la
mémoire) : data centers
• Etc … 26
27. Sur tous les territoires documentaires.
• Territoires de socialisation : mémoires
affectives « personnelles, sociales » (mes amis,
mes amours, mes emmerdes)
• Territoire du marketing : mémoires
« actionnables », intentionnelles (achat,
déplacement, sorties, restaurant)
• Territoire de la qualification : mémoires
documentaires (textes, statuts, articles, photos,
vidéos, tags ...)
27
28. Les arts de la mémoire ont cédé la place
aux technologies du souvenir
• Caractéristiques des cycles mémoriels « du »
numérique :
• engrammation contrainte.
• Opt-out mémoriel. On renverse la charge de la preuve
: nous nous souvenons de tout, à vous de n’avoir rien
à vous reprocher.
• Mémoire produite sur de l’excès et non plus pour
répondre à un manque. On crée de la mémoire sur de
la mémoire. Alors que depuis des siècles, on avait
appris à créer de la mémoire sur de l'oubli. Plus
précisément, on avait appris à créer de la mémoire
pour pallier l'oubli.
• 3 conséquences MAJEURES
• Patrimoine du temporaire
• on contrôle de moins en moins le processus
d’engrammation, c’est-à-dire le choix du support de
mise en mémoire et celui de sa restitution
• Ensuite, on ne maîtrise plus le processus d’activation,
de rappel : ce sont les algorithmes de Facebook qui
nous “disent” quand se souvenir de l’anniversaire de
nos amis.
28
30. 5
L’archive est un pharmakon
• « Terme de la Grèce ancienne, le pharmakon – le
médicament – , dans le Phèdre de Platon, y
désigne l’écriture, à la fois remède et poison, « ce
qui remédie aux failles de la mémoire et ce qui
affaiblit cette mémoire » (Stiegler, « Prendre
soin », p. 19).
• Le pharmakon, pour Stiegler, désigne aujourd’hui
l’ambivalence des technologies de la mémoire
actuelles, notamment des technologies
numériques. » Alexandre Serres
30
31. La mémoire de la
« Base de donnée
des intentions »
(John Battelle)
« We don’t need taxonomy of
knowledge. We need taxonomy
of desire, a marketplace of
intent » Prabhakar Raghavan.
Head of Research and Strategy
chez Yahoo! Sept. 2008
De la mémoire au désir. Du désir de faire mémoire. Mémoires
actionnables reposant sur des archives « suggestives »
C-O-N-C-R-È-T-E-M-E-N-T 31
32. L’archive entre itération et collection.
LOGIQUE ALGORITHMIQUE : ITÉRATION :
laisser les choix se faire à partir d’une
formule (un choix) de départ.
LOGIQUE ARCHIVISTIQUE : COLLECTION :
Disposer d’un cadre à l’intérieur
duquel on fait des choix.
32
33. L’archive comme oscillation
ti on ARCHIVISTE.
uc
Watching explicite (vue sur le monde)
éd
conditionne le Matching (capacité des
documents à être retrouvés)
R
si on
o r
ALGORITHME.
i st
Matching impose un Watching implicite, dissimulé (ex :
Google Bombing, Google Suggest, etc …) d
33
34. En- gram ma tion
collection
collection
collection
Tension à l’œuvre
itération itération
Pro- gram ma tion
itération
34
35. Faire œuvre d’archive, c’est aujourd’hui savoir ce
qui relève de l’engrammation et ce qui ressort
35
d’une programmation.
36. Citations & sources
• Sur l’archive et la mémoire du web
• Ertzscheid Olivier, « Total Recall, Silico transit memoria mundi. » Septembre 2011. En ligne :
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2011/09/total-recall.html
• Ertzscheid Olivier, « industries des données et écritures industrielles »,Juillet 2009. En ligne :
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2009/07/industrie-donnees-et-ecritures-industrielles.html
• Ertzscheid Olivier, « Twitter : un patrimoine superflu(x) ? », Mai 2012. En ligne :
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2010/05/twitter-le-patrimoine-du-superflux-.html
• Ertzscheid Olivier, « Nos mémoires de valent pas un cloud. » Juin 2011. En ligne :
http://affordance.typepad.com/mon_weblog/2011/06/nos-memoires-ne-valent-pas-un-cloud.html
• Sur l’œuvre numérique et la littérature hypertextuelle
• Ertzscheid Olivier, Les enjeux cognitifs et stylistiques de l’hypertexte. Le lieu, le lien, le livre. Thèse de doctorat. Lettres modernes.
Université Toulouse Le Mirail. Septembre 2002. En ligne : http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00006260
• Autres sources
• BNF, « Un instantané du web français en 2011 »,
http://blog.bnf.fr/lecteurs/index.php/2012/02/08/un-instantane-du-web-francais-en-2011/
• Kieron O'Hara, Richard Morris, Nigel Shadbolt, Graham J Hitch, Wendy Hall and Neil Beagrie, "Memories for life: a review of the science
and technology"J. R. Soc. Interface 2006 3, 351-365 En ligne : http://rsif.royalsocietypublishing.org/content/3/8/351.short
• Lesk Michael, « How much information is there in the world ? » 1997. En ligne : http://www.lesk.com/mlesk/ksg97/ksg.html
• Salaün Jean-Michel, « Vu, lu, su : résumé et couverture », Novembre 2011. En ligne :
http://blogues.ebsi.umontreal.ca/jms/index.php/post/2011/11/22/Vu,-lu,-su,-couverture-et-r%C3%A9sum%C3%A9
• Credits photographiques.
• Flickr.com / Toutes les images sous licence creative commons.
36
37. • Stratégiquement
– Laissons au Web le rôle de sédimenter, d’agglutiner
« l’archive » Foucaldienne
• Politiquement
– Confions aux archives publiques le rôle de DOCUMENTER
cette mémoire, ces traces, cette archive.
• Collectivement
– Veillons à ce que le web reste une mémoire « supplétive » et
ne puisse pas devenir une mémoire « privative »
• Individuellement
– Ayons conscience, en entrant sur le web, « d’entrer en
documentation de soi »
– Ne pas oublier l'importance de se souvenir même lorsqu’il
est devenu possible de tout se remémorer.
37
38. Wikipédia & le griot
"J'ai rencontré un jour un griot, un homme âgé, circulant de village
en village, racontant depuis toujours des histoires
interminables, notamment sur les épopées des familles nobles
de son pays, des histoires fourmillant de détails. Et je lui
demandai comment il faisait pour se souvenir de cet ensemble
de détails, pour n'en oublier aucun. Il me dit alors qu'il y avait
toujours dans l'assistance, quelqu'un qui lui-même avait été
bercé avec ces mêmes histoires, les avait entendues depuis son
enfance, et le corrigeait dès qu'il faisait une erreur ou oubliait
quelque chose."
À propos du « faire mémoire »
38
Notas del editor
L’archive procède d’un travail de mémoire. La mémoire induit, à l’échelle d’un collectif humain, la nécessité d’une réflexion de nature archivistique. Je vais, dans cet exposé, leur supposer un substrat commun. Et m’autoriser à employer l’un pour l’autre, étant entendu que je n’aborderai que les questions liées à l’archive ou aux mémoires collectives.
Pangée documentaire. Pour pouvoir être archivé, il faut qu’un document soit indexable. Or aujourd’hui TOUT est document (nous sommes des documents) et tout EST indexé.
Si toutes ces questions se posent aujourd’hui, c’est parce que depuis ses débuts …
Les mass media n’ont pas de mémoire. Ils ne constituent pas leur propre archive. Ils délèguent cela à d’autres. Le problème est que l’archive du web n’est déléguée à personne.
Donc petit à petit, se constitue cette mémoire du web. Se construit cette archive. Mais, nous le verrons, la plus grande part de cette construction n’appartient pas à des « spécialistes » de l’archive.
Tout cela pour dire que la question de l’archive est elle même un prisme/
Il est possible de se souvenir de tout. De tout enregistrer. De réaliser une archive complète. Alors pourquoi perdre du temps à faire le tri ?
Avant, on "déclenchait" un processus d'archivistique documentaire soit au moment ou un document parvenait en fin de cycle de vie, soit au moment ou sa valeur historique était attestée ou signalée comme valant la peine d'être conservée. Avec l'archivage de Twitter aucune de ces deux conditions n'est remplie. Or si l'on entreprend d'archiver de manière systématique, globale, des silos documentaires avant même qu'ils ne remplissent l'une ou l'autre de ces deux conditions, on risque d'entrer dans un cycle de (re)production mémorielle inédit. On va produire de la mémoire sur de l'excès au lieu d'en produire pour répondre à un manque.
Ce qui nous est UTILE et bénéfique l’est également pour ceux qui nous le proposent et le mettent en œuvre. Prabhakar Raghavan , Head of Research and Search Strategy chez Yahoo!. Sept 2008 Deuxième phrase clé : " We don't need taxonomy of knowledge. We need taxonomy of desire ". Cela renvoie à toutes les analyses dérivées de la "base de donnée des intentions" de John Battelle. P. Raghavan parle également de la création d'une "place de marché des intentions" ( A marketplace of intent ).
Laisser les choix se faire à partir d’un choix de départ. Voilà comment le web choisit de bâtir son archive.
La question que je laisse ouverte, c’est celle de savoir ce qui relève du choix conscient d’engrammation, et ce qui relève de la programmation qui en est faite. Ce qui relève de la collection et de l’itération.
Et pour vous illustrer cette question ouverte, j’ai voulu poser quelques questions au plus grand dépositaire de la plus grande archive.
" Par archive, j’entends d’abord la masse des choses dites dans une culture, conservées, valorisées, réutilisées, répétées et transformées. Bref toute cette masse verbale qui a été fabriquée par les hommes, investie dans leurs techniques et leurs institutions, et qui est tissée avec leur existence et leur histoire. " Michel Foucault, Sur l’archéologie des sciences (1968)