SlideShare una empresa de Scribd logo
1 de 11
Descargar para leer sin conexión
L’hôpital du Blanc et les sœurs de la congrégation
Jeanne Delanoue : une longue histoire
par Sœur Michelle MORIN *
Si l’hôpital du Blanc est aujourd’hui ce qu’il est - un hôpital de proximité, moderne, bien classé dans
le département et la région -, n’est-ce pas le fruit d’une longue évolution au cours de presque trois cents
ans ?
En effet, depuis 1713, il a fait l’objet d’une attention particulière des notables, des habitants du Blanc,
des membres des conseils d’administration qui ont su prendre les bonnes décisions dans les différents
tournants, du personnel médical et soignant qui s’y est dévoué, souvent sans tapage, au jour le jour, tout
au long de ces trois siècles, des religieuses de la Providence, filles de Jeanne Delanoue, qui l’ont fait vivre
au quotidien.
Oui, les Blancois ont de quoi être fiers de leur hôpital ! Ne serait-il pas dommage pour tous qu’il
disparaisse du paysage ?
Étant sœur de Jeanne Delanoue, j’ai cherché à retrouver cette longue histoire de la petite graine semée
par Ste
Jeanne Delanoue elle-même, en terre berrichonne, devenue cet arbre aux multiples branches
qu’est aujourd’hui l’hôpital. J’ai nettement conscience de l’imperfection de ce propos très incomplet, centré
surtout sur l’œuvre de près de 200 religieuses qui y ont consacré leur vie au fil des jours.
Il pourrait être bon d’étudier aussi les différents conseils d’administration, ou le dévouement des
chirurgiens, médecins, personnel soignant. Cela n’enrichirait-il pas cette histoire de l’hôpital du Blanc un
peu oubliée au fil du temps… Avis aux amateurs !
Cependant, aussi imparfaite qu’elle soit, cette recherche peut, me semble-t-il, aider les Blancois à
apprécier davantage leur hôpital en le défendant malgré tout. Sa fermeture ne serait-elle pas un réel
appauvrissement de la vie sociale du Blanc ?
Les débuts
En 1713, les
notables et les ha-
bitants se rendi-
rent compte qu’un
effort devait être
entrepris en faveur
du bien public…
Avec Pierre Louis
Duthois, ils achetè-
rent donc en 1713
et 1716 un corps
de logis dans le
faubourg Saint-La-
zare, au profit d’un
hôpital.
A cette même
date (1713), l’ar-
chiprêtre Joseph-Marie Grasset arriva à la cure de
Saint-Génitour. Dès 1724, il fit des démarches pour que
des Sœurs de la Providence, ordre nouvellement fondé
à Saumur, soient envoyées au Blanc. Il n’est pas impos-
sible que les prêtres de Récollets vivant en communauté
depuis 1619, en Ville haute, soient intervenus auprès du
curé du Blanc pour l’orienter dans sa démarche.
En effet il y avait aussi à Saumur un couvent desRé-
collets au courant de l’œuvre novatrice de Jeanne. Les
archives, elles, précisent que « c’est à la demande des
ecclésiastiques du
Blanc » qu’il fut dé-
cidé de mettre deux
sœurs en cette ville.
Toujours est-il
que c’est en 1728
que Ste
Jeanne De-
lanoue en personne
accompagna deux
de ses filles à l’hô-
pital du Blanc, au
faubourg Saint-La-
zare « pour soigner
les malades, les
pauvres infirmes,
faire des travaux
manuels et y donner
quelques leçons  ».
Dès le départ, les
sœurs avaient donc pour rôle de soigner, d’enseigner
et d’éduquer.
A vrai dire, on ne connaît pas le nom des deux
premières sœurs ni de celles qui leur ont succédé de
1728 à 1789, les archives ayant souffert de l’outrage
des ans. Mais la règle (une nouveauté à l’époque !)
signifiait que les sœurs envoyées dans les paroisses
«  devaient toujours se regarder comme membres de
la maison de la Providence, obligées en cette qualité
de porter l’habit (gris-bleu) et d’en suivre les règles
autant qu’il se pourrait faire. Elles seraient soumises
L’hôpital et ses jardins vers 1900 (Au premier plan, l’abattoir, à l’emplacement
de l’actuelle école de soins infirmiers...)
Revue des Amis du Blanc et de sa région	 19	 	 « Au fil du temps... »
* Religieuse de la communauté Jeanne Delanoue du Blanc.
à la supérieure qui pourrait les rappeler quand elle
le jugerait à propos et qui les rappellerait toujours
lorsque l’âge et les infirmités les rendraient incapables
d’exercer leur emploi » (1)
.
En 1728, l’hôpital avait six lits. Les sœurs y
soignaient les malades et les pauvres infirmes. Les
médecins et chirurgiens s’engageaient à donner
gratuitement les soins aux pauvres, tandis qu’on leur
fournissait drogues et médicaments.
Déjà dès 1741, des bâtiments avaient été agrandis
et, à la veille de la Révolution, l’hôpital comptait huit
lits. Il y avait un couloir d’entrée sur la rue, à main
gauche, deux chambres basses, un petit cabinet formant
cuisine et le logement des sœurs.
En 1787, quand la ville du Blanc organisa l’instruc-
tion de la jeunesse, cela se fit donc dans le vestibule de
l’hôtel-dieu que l’on sépara en deux salles, l’une pour
les garçons et l’autre pour les filles, sous la surveillance
des sœurs, plus à l’aise pour y donner les leçons.
Ainsi, l’hôpital traversa sans trop de difficultés
la plus grande partie du XVIIIe
siècle grâce à de
nombreuses libéralités.
Cour de l’hôpital vers 1910
La Révolution et la décrépitude
La Révolution devait être funeste à l’hôpital en
diminuant ses revenus.
Depuis 1728, deux sœurs avaient toujours été
présentes au Blanc. En 1789, c’était :
- Marguerite Gasnault admise dans la Congrégation le
7 mai 1765,
- Gabrielle Venon qui venait de prononcer ses vœux
le 15 mai 1788.
Du fait des événements, elles n’avaient rien reçu
de la municipalité depuis longtemps ; le 7 août 1793,
elles réclamèrent leurs gages. C’est ainsi que le 23
nivôse (13 janvier), le conseil général eut l’occasion de
s’occuper des religieuses qui, pour rester près de leurs
malades, s’étaient probablement sécularisées. On ne les
molesta pas autrement qu’en leur imposant le serment
1) J.A. Macé (aumônier), Vie de Jeanne de La Noue, fonda-
trice de la Providence de Saumur, Saumur, 1845, p. 271.
d’égalité et de liberté, lequel ne pouvait embarrasser
leur conscience. Elles comparurent donc devant la
municipalité et là, en vertu de la loi du 9 nivôse, elles
furent contraintes, sous peine d’être congédiées, de jurer
« d’obéir à la nation et à la loi, de maintenir l’égalité et
la liberté, de les défendre même au péril de leur vie ».
Ce serment est enregistré et signé des deux religieu-
ses, ainsi que du maire et des officiers municipaux.
Pendant toute la durée de la Révolution, l’hôpital
conserva ses sœurs. Marguerite Gasnault mourut le 4
frimaire an X (1802), septuagénaire, Gabrielle Venon
resta seule à son poste et fut souvent réduite aux
fonctions de concierge. A la réouverture, elle devint
économe et mourut le 29 novembre 1823.
De 1789 à 1791, l’hôpital fut occupé par des
Hollandais, puis par des prisonniers étrangers. Mais
l’établissement devint quasi-inexistant, ses revenus
ayant presque totalement disparu (2)
.
Vers l’an V de la République (1797), l’hôpital
périclita encore. Le registre des entrées est même
interrompu. En 1816, le maire écrira « que depuis plus
de vingt ans, il n’a pu recevoir de malades sauf en cas
d’extrême urgence »... ce qui s’explique car avant la
Révolution, l’hôpital jouissait de 1600 à 1700 livres de
revenus, mais, pendant la tourmente révolutionnaire,
les capitaux ayant été convertis en assignats, le revenu
se trouva réduit à 200 livres.
Il semble que la population soit restée indifférente
à cette situation.
Pourtant dès l’an VIII (1800), on avisa au moyen
de rétablir l’institution. 1200 F auraient suffi pour
l’entretenir. Une commission proposa de frapper d’une
taxe tous les cabaretiers, bouchers et tanneurs la fixant
à 1 F par poinçon de vin (11-12-14 fructidor), mais cela
n’alla pas plus loin …
Le 22 germinal an IX (1801), la commune cherchait
alors un presbytère. Considérant que la maison de l’hos-
pice ancien de cette ville était depuis longtemps inoccu-
pée, on offrit au curé une partie de l’immeuble en réser-
vant quelques chambres pour retirer les effets mobiliers
et pouvoir y mettre quelques malades, le cas échéant !
En 1810, le maire Souvigny estimait que l’hôpital
ne pourrait se relever que grâce à une dotation du gouver-
nement, ou par la création d’un octroi, et comme la ville
détestait les octrois, en porte-parole de ses administrés, il
conclut qu’un hospice est inutile au Blanc : « L’expérien-
ce a démontré que l’hospice n’était ni dans les goûts, ni
selon les mœurs des habitants de cette commune, pour
lesquels seuls il était fondé, puisqu’il avait sans cesse
augmenté ses capitaux en accumulant ses revenus, que
presqu’aucuns malades ne voulaient y consommer » (3)
.
2) Cf. Ferdinand Chertier, Le Blanc sous la Révolution.
3) Pierre Voisin, "L’Hôtel-Dieu - ses difficultés et son dévelop-
pement", Voix du Centre, série de cinq articles, 1937.
Les sœurs de l’hôpital
« Au fil du temps... »	 	 	 20 	 Revue des Amis du Blanc et de sa région
Un nouveau départ (1811-1830)
La première mesure qui devait contribuer au
relèvement de l’hôpital fut, sans contredit, le décret du
19 janvier 1811, relatif aux enfants trouvés, abandonnés
ou orphelins pauvres. Le décret instituait un hospice
d’enfants trouvés par arrondissement et ordonnait
l’installation d’un "tour" (4)
où l’on pouvait déposer
anonymement ces enfants. A partir du 1er
janvier 1812,
l’hôpital du Blanc devait en outre pouvoir recevoir les
enfants naturels.
Comme les revenus ne s’élevaient qu’à 300 F
environ, on envisagea de prélever une allocation sur
l’octroi. La ville s’opposa d’abord à cet octroi, mais
faute de ressources, elle se rendit à la raison. En 1812,
c’était chose faite. L’octroi était la deuxième étape vers
une "recréation" de l’hôpital.
A cette époque, on caressa au Blanc l’idée d’un hô-
pital général d’arrondissement pour les étrangers et les
militaires. La commune y voyait des moyens pour ne pas
supporter seule les frais d’entretien de l’établissement.
Ce projet ne put être mis à exécution (5)
.
Deux sœurs encapuchonnées (de dos) sur la place
du Marché (actuelle place de la Libération), vers 1900
Le roi Louis XVIII eut le dernier mot en signant
le 14 décembre 1815 aux Tuileries l’ordonnance
rétablissant l’hôpital du Blanc avec :
-1a fondation de 12 lits pour les malades et indigents,
- l’installation d’un local des malades,
- l’installation d’un local pour les "enfants trouvés",
- le prélèvement de 2000 F sur les produits d’octroi.
4) Tour : coffre cylindrique tournant sur son axe, encastré dans le
mur situé près de la porte des hôpitaux.
5) Cf. Pierre Voisin, op. cit.
La décision royale n’eut pas l’effet d’une baguette
magique. Cependant, en 1817, une sœur fut envoyée au
Blanc pour « ouvrir un asile pour les petits enfants ».
Elle ne resta pas longtemps. A la mort de Gabrielle
Venon (1823), personne ne la remplaça. Le maire du
Blanc, Collin de Souvigny, envoya lettre sur lettre
à la supérieure de la Providence pour lui demander
l’envoi d’une sœur ; il n’en voulait qu’une, malgré le
règlement qui en imposait deux à la fois. On fut même
obligé de confier le service à une laïque « intelligente
et humaine ».
Enfin le 25 juillet 1828, deux sœurs étaient
annoncées : sr
St
Louis eut la charge de supérieure.
On offrait 100 f par an à chacune et on leur promettait
des élèves pour l’enseignement de la lecture et du
catéchisme. Comme par le passé ! L’hôpital jouissait
alors de 700 f de rentes.
En 1830, un traité définitif s’établit entre l’Ordre
de la Providence et la Commission administrative après
approbation du ministre de l’Intérieur.
L’établissement redevenait viable, il pouvait
prendre son essor !
Sr
Marie-Thérèse, depuis 26 ans au Blanc, pendant l’exposition de 2009.
Les vitraux et la statue de sainte Anne proviennent de la chapelle de
l’hôpital, le tableau des bienfaiteurs se trouvait dans le hall d’entrée
La chapelle
Mère Marie du Calvaire, alors supérieure de
l’hospice, désirait une chapelle pour son établissement.
Elle saisit une occasion favorable pour en exprimer le
vœu à l’administration.
Dès 1831, une délibération administrative
considéra indispensable d’établir à l’hospice du Blanc,
un oratoire pour le service particulier des résidents.
Ce projet fut repris en 1832. « Cette construction était
vraiment d’une utilité indispensable, tant pour les
besoins de l’hospice que pour l’école des petites filles
tenue par les sœurs »...
Mais il fallait financer. Avec l’accord de l’admi-
Revue des Amis du Blanc et de sa région	 21	 	 « Au fil du temps... »
Les sœurs de l’hôpital
nistration et une grande foi en la Providence, Mère Ma-
rie du Calvaire fit commencer les travaux avec 6 sous
en poche ! Elle les confia à un certain Joseph Morin...
Elle quêta et joignant l’obole du pauvre à la plus grosse
somme du riche, elle put solder les dépenses de chaque
semaine... Ainsi monsieur Appé, curé du Blanc, fit don
à l’hospice de la somme de 1200 f pour l’établissement
de cet oratoire et
s’engagea à faire
face aux travaux
supplémentaires,
à pourvoir aux
frais de décora-
tion intérieure,
à tous les objets
nécessaires à la
célébration du
culte, à charge
pour l’adminis-
tration de l’ora-
toire de faire
célébrer au-dit
oratoire pendant
six ans, tous les
deuxièmes same-
dis du mois, une
messe à l’intention du donateur.
Ainsi, Mère Marie du Calvaire réussit à mener son
œuvre à bonne fin…
Le bâtiment achevé, il manquait un tabernacle.
La supérieure se souvint en avoir vu un dans un vieux
grenier, au-dessus de la sacristie, relégué là depuis
l’époque de la Grande Révolution. Elle l’emporta pour
le faire réparer et nettoyer par madame Lafargue et sa
fille. Quelle ne fut pas leur surprise en l’ouvrant pour
y passer le plumeau, de voir voltiger des hosties ! la
custode était renversée et les hosties répandues.Appelé,
monsieur le curé arriva et constata que les Saintes
Espèces n’avaient subi aucune altération. Il les remit
dans la custode et les emporta à l’église. Mère Marie
du Calvaire n’eut donc pas la joie de voir résider le St-
Sacrement dans le petit sanctuaire !
En 1909, on fit quelques réparations : les murs
furent repiqués et un "gobetage" en ciment fut décidé.
En 1935, la chapelle ayant besoin d’être restaurée,
l’économe,aprèsvotedesadministrateurs,refitlatoiture
et les ardoises remplacèrent avantageusement les tuiles.
En 1938, le travail fut repris et ce fut le ravalement
des murs extérieurs. 1939 vit la réfection intérieure :
carrelage en mosaïque, peintures, pose d’un lambris, de
vitraux dus au maître verrier Luc Tournier 5, rue des
Ursulines à Tours. On ajouta un confessionnal neuf,
une statue du Sacré Cœur et un frontispice au-dessus
du retable. En 1966, elle fut encore restaurée et repeinte
grâce à la bienveillance de l’administration.
La chapelle fut rasée au moment des grands travaux
pour le renouvellement de l’hôpital vers 1975. Une sal-
le cultuelle la remplaça, l’autel y fut d’abord transféré,
mais bientôt on prit conscience que cette salle pouvant
être au service des différents cultes, il ne pouvait y
avoir des éléments privilégiés pour un culte particulier.
On ne monta donc pas les vitraux comme cela avait été
initialement prévu
et on donna l’autel
au Père Robert pour
la paroisse de Tour-
non-Saint-Pierre.
Quelques points
du règlement in-
térieur de l’hô-
pital
1895  : le curé
de la paroisse sera
admis à l’hospice
aux heures dési-
gnées pour l’exerci-
ce du culte et sur la
demande librement
exprimée d’un ago-
nisant. Sa liberté de
conscience doit être respectée. En aucun cas, le curé ne
doit être mis en possession des clés de l’établissement.
Art. 21 (non daté) : le service des cultes est or-
ganisé à l’hôpital de manière à assurer le respect et la
liberté de conscience et à permettre l’accomplissement
des devoirs religieux.
A cet effet, les ministres des différents cultes doi-
vent avoir accès auprès des malades qui, soit au mo-
ment de leur entrée, soit pendant leur séjour, réclament
leur assistance par l’intermédiaire de l’administration
hospitalière. Celle-ci transmet les demandes des mala-
des sans délai aux ministres des différents cultes.
Les prières publiques dans les salles sont
formellement interdites (6)
.
Les différents agrandissements au XIXe
siècle
Si l’activité éducative était intense au sein de
l’établissement, elle n’était pas seule. L’hospice devint
vite insuffisant, il fallut l’agrandir, le surélever...
Ce fut d’abord l’affaire d’une douzaine de mille
francs. Le conseil municipal reconnut la nécessité
d’une subvention de 8000 F. Un moment, il pensa
même à la construction d’un édifice sur un autre terrain,
ce qui provoqua une crise au sein de l’assemblée.
En 1832, ce fut la construction de la chapelle sur
l’insistance de Mère Marie du Calvaire.
Le 18 février 1838 eut lieu l’adjudication de travaux.
6) Archives de la Maison Mère.
Église de Tournon-Saint-Pierre : l’ancien autel de la chapelle
de l’hôpital (photo Francis Calvet)
Les sœurs de l’hôpital
« Au fil du temps... »	 	 	 22 	 Revue des Amis du Blanc et de sa région
L’année suivante un traité de gré à gré fut passé avec Gué-
rinet et Saintier pour un bâtiment destiné aux aliénés.
L’établissement fut entièrement reconstruit de
1838 à 1840, date où fut faite la réception des travaux
(20 février).
Le jardin fut agrandi en 1844. Il y eut aussi la
création d’une nouvelle salle d’asile, l’acquisition de
l’ancienne auberge de la Promenade aux Maillet. Enfin,
en 1875, on acheta la maison Brunet attenante pour
8500 f dans le but de créer un hôpital militaire.
Ce n’est qu’avec l’apparition de la caserne que
le projet fut remis à l’étude. En effet, un sixième de
la population du Blanc était alors composé de soldats
et cela occasionnait des problèmes de santé comme
le signale Michel Germain : « Les militaires, pour la
plupart célibataires, fréquentaient les cabarets et les
maisons de prostitution. Les médecins constatèrent
que beaucoup de militaires en traitement à l’hospice,
étaient atteints de maladies syphilitiques » (7)
.
La commission administrative de l’hospice ap-
prouve donc le 20 octobre 1874 la construction mili-
taire dans l’enclos de l’établissement. Le 13 août 1875,
le maire expose au Conseil municipal, l’urgence de
construire un local pour accueillir ces malades ainsi que
7) Michel Germain, La garnison blancoise, Éditions Art & T,
2004.
les filles porteuses de cette affection.
Le 10 mai 1878, le maire réceptionnait les bâtiments
de l’hôpital militaire. Les dépenses s’élevaient à 63 386,
18 f, conformément au devis du 17 septembre 1875 avec
un supplément de 18 828, 18 f soit en tout : 82 214, 36 f.
L’hôpital prenait une nouvelle allure et il ne fut
plus possible de distinguer les bâtiments originels.
En 1878, l’hôpital se composait ainsi :
A la droite du bâtiment :
- une salle pour les femmes,
- une salle pour les hommes (au-dessus),
- des servitudes pour les lessives,
- à la suite, des « cabanes pour les fous »,
Du côté gauche :
- l’hôpital militaire récemment bâti,
Entre les deux se trouvaient :
- 1 parloir,
- 1 bureau,
- le réfectoire des sœurs,
- dans la cour : la chapelle.
A l’extrémité du jardin :
- 4 classes communales,
- l’asile faisait suite avec sa cour et ses 2 salles,
- au-dessus de l’une d’elles fut établi l’ouvroir en 1856 (8)
.
8) Archives de la Maison Mère.
Plan de l’hôpital après la reconstruction de 1830-1840
Revue des Amis du Blanc et de sa région	 	 23	 	 « Au fil du temps... »
Les sœurs de l’hôpital
L’hospice des enfants et l’enseignement
Avec le traité de 1830, tous les espoirs étaient
permis. Un legs de 20 000 f dû à la bienfaisance de
M. Legrand de Châteauroux ajouta un réel souffle
d’espérance.
Tout au long de ce XIXe
siècle, l’hospice des en-
fants et l’enseignement semblent avoir occupé une place
essentielle dans l’établissement hospitalier du Blanc.
De 1830 à 1882, on relève 42 sœurs enseignantes,
14 aux soins des malades !... et une dizaine de sœurs
pour les services généraux.
En 1829, Mère St
Jean de la Croix fit d’abord la
classe aux enfants pauvres et bientôt les deux religieuses
virent avec satisfaction se presser les petites filles à
instruire… Il y en eut 80 en 1832, ce qui motiva l’appel
d’une troisième sœur en 1833, puis d’une quatrième en
1842.... Le chiffre s’éleva à plus de 200 en 1848 et à
120 élèves pour une seule classe en 1857 !
Les classes se multiplièrent : un asile (= classe
maternelle) et 4 classes élémentaires. De plus en 1856,
sr
Ste
Hyacinthe inaugura un "ouvroir" de chemiserie
pour hommes dans le but de procurer du travail rétribué
aux jeunes filles et adolescentes. Il rendit de grands
services à la population ouvrière lors du fonctionnement
de la filature. Le directeur Giberton accorda même une
subvention de 150 f aux sœurs.
L’enseignement dispensé était en partie gratuit, mais
0,75 f était demandé aux élèves qui pouvaient payer.
En 1864, les 26 et 27 octobre, il y eut à Saint-Génitour
la bénédiction de trois autels par les évêques de Bourges, de
Limoges et d’Angoulême. A cette occasion, note Constan-
tin Gaudon dans l’Histoire du Blanc, « il y eut de grandes
festivités et processions, les jeunes filles élevées à l’hôpital
se faisaient remarquer par leurs costumes blancs et leurs
petites bannières blanches et roses » (9)
.
C’est en 1882, à la fin de l’année scolaire, que
Mère St
Macaire (alors supérieure de l’établissement)
reçut notification de la laïcisation des classes qui durent
être transférées à l’extérieur.
Les soins aux malades
L’enseignement semble prioritaire à cette époque,
mais il y avait aussi le service des malades.
En 1815, le rétablissement de l’hôpital du Blanc
stipule une fondation de 12 lits et l’installation d’un
local des malades.Acela s’ajoute en 1849, une chambre
des fous, dans la cour, et en 1851, deux chambres pour
les incurables et un dortoir pour les femmes...
Parmi les premières sœurs soignantes on note :
- Sœur Ste
Scolastique. Elle fut employée dans le service
hospitalier. S’il y avait quelques malades répugnantes
ou contagieuses, sr
Ste
Scolastique était toujours prête
même en dehors de son service,
9) Constantin Gaudon, Histoire du Blanc, 1868, p. 128.
- Sœur Ste
Geneviève : elle se distingua lors d’une
épidémie de choléra.
- Sœur Marie St
Vincent : son service était très bien tenu
avec une propreté impeccable.
On relève ainsi 14 sœurs au service des malades
avant 1882.
Les sœurs surent se faire aussi apprécier au service
des militaires :
- Sœur Ste
Dosithée fut envoyée à leur service dès 1873.
Elle était pleine d’attentions. Elle mourut le 8 novembre
1885 dans sa 72e
année et sa 46e
de religion. Sa sépulture
eut lieu au Blanc et une foule immense y assista,
- Sœur St
Sébastien de 1886 à 1887,
- Sœur Marie Florentine en 1895,
- Sœur Marie Clémentine de 1895 à 1900,
- Sœur Ste
Luce. Le 17 septembre 1900, elle revenait
au Blanc pour y prendre à l’hôpital le service des
militaires. Son bon esprit, sa bonté, son dévouement la
feront bientôt aimer de toutes ses sœurs et de ses chers
malades comme elle les appelait. Le jour de Noël 1901,
elle sentit des frissons et fut prise d’une fièvre qui, dès
le début, lui enleva toutes ses forces. Les médecins
finirent par reconnaître des accès de typhoïde et dirent
qu’il y avait peu d’espoir de sauver la bonne sœur. Le 5
janvier 1901, elle expira doucement. Elle était dans sa
34e
année et sa 11e
de religion.
	 Toute la garnison s’associa au deuil des religieuses
et les soldats, par l’intermédiaire de leurs chefs, offrirent
des couronnes à l’humble sœur qui les soignait avec la
tendresse et le dévouement d’une mère. La garnison tout
entière avec ses chefs ; colonel et commandant en tête,
assista en tenue à la sépulture. Il était beau et touchant de
les voir défiler en faisant respectueusement le salut mi-
litaire devant sa tombe. Le major lui-même fit son éloge
en ville dans plusieurs maisons. Une feuille locale, se
faisant l’écho du public, consacra une de ses colonnes à
faire l’éloge du dévouement de la bonne sœur (10)
.
Sœur Ste
Hyacinthe : une personnalité attachante
Elle était originaire de Mazé en Maine-et-Loire. En
1832, âgée de 22 ans, elle est envoyée au Blanc comme
supérieure de la Communauté avec la responsabilité
de l’Hospice. En ce temps-là, on ne voyageait pas
facilement, les diligences étaient rares et la plus grande
partie du parcours devait s’effectuer à cheval. Le brave
homme qui avait été choisi pour l’accompagner n’était
pas fort expérimenté. Il prit un chemin de traverse et
s’égara. A 10 h du soir, sr
Ste
Hyacinthe et son guide
erraientàl’aventuredansunboisqu’ilfallaitabsolument
traverser. L’orage grondait, la pluie tombait, seuls les
éclairs éclairaient le sentier. Le cheval était effrayé et
la sœur se mourait de peur sans oser descendre de la
monture que le pauvre conducteur tenait par la bride
en s’efforçant de l’amadouer pour la faire avancer.
10) Archives de la Maison Mère.
Les sœurs de l’hôpital
« Au fil du temps... »	 	 	 24 	 Revue des Amis du Blanc et de sa région
Enfin la sœur aperçut une petite lumière, ils en prirent
la direction. C’était bien l’hôtellerie où ils devaient
passer la nuit. Ils arrivèrent épuisés de faim, de fatigue
et trempés par la pluie. L’hôtelier les reçut avec bonté ;
il conduisit la bonne sœur dans une chambre et alluma
le feu et quand elle fut restaurée et couchée, on vint
chercher ses vêtements pour les faire sécher.
Le voyage se termina bien, mais la jeune sœur fut
accueillie assez froidement par l’administration. Quand
on la vit à l’œuvre, on lui fit confiance. « Son port noble,
plein de dignité, les traits réguliers de son visage,
qui reflétait une vive intelligence, une bonté exquise,
attiraient l’attention et suscitaient des réflexions
imprudentes.Alors elle s’entoura de précautions, elle ne
sortit jamais seule sans être revêtue de sa cape, tenant
toujours ses yeux modestement baissés ! » Elle quitta
Le Blanc en 1837, fut supérieure générale de 1838 à
1850. Elle y revint de 1854 à 1873, comme supérieure.
Elle fonda l’ouvroir en 1856 en confiant la direction à sr
St
Léon, ouvroir de chemiserie dans le but de procurer
du travail rétribué aux jeunes filles adolescentes.
1955 : sr
Thomas de Jésus (aux contagieux), sr
Angèle de St
Dominique (lingerie), mère Marie Edouard, sr
Ste
Charité
(cuisine). Au premier plan, sr
Yvonne (à la médecine) et
sr
Ste
Lucienne (aux soins des opérés)
Un Noël inattendu
En Berry, à cette époque, à l’occasion de Noël, on
mettait sur le lit des enfants, un noëlet, sorte de gâteau
dont la forme ressemblait plus ou moins à un enfant !
Ce Noël-là, les jeunes filles du Blanc voulurent
faire une surprise à Mère Ste
Hyacinthe qui aimait
beaucoup les enfants et l’idée leur vint d’habiller un
noëlet à la sortie de la messe de minuit. Ainsi les sœurs
auraient, elles aussi, leur noëlet.
Elles le déposèrent dans le tour et sonnèrent
vigoureusement avant de partir en courant. Les sœurs
allaient se mettre à table. Surprise, car cela arrivait
rarement, Mère Ste
Hyacinthe dit : « C’est un Jésus que
le Bon Dieu nous envoie, qu’il soit le bienvenu, l’heure
ne pouvait être mieux choisie !  » Et elle s’empressa
d’aller au tour. « Mais qu’est-ce que cela ? Ce n’est pas
un enfant, c’est un monstre ! » Elle n’osait le toucher…
Les sœurs accoururent et regardant de plus près, on
reconnut que le monstre était inoffensif. Le lendemain,
jeunes filles et sœurs partagèrent dans la joie le fameux
noëlet !
Mère St
Macaire (1835-1901) : une femme forte
Quand elle fut envoyée au Blanc en 1875, Mère
St
Macaire resta stupéfaite d’être placée à la tête de
cet établissement, alors un des plus considérables de
la Congrégation. Elle s’y soumit religieusement. A
son arrivée, elle fut accueillie avec bienveillance par
l’administration et avec cordialité par ses sœurs.
Elle fit de son mieux et ce mieux fut bien. En
vraie fille de Jeanne Delanoue, elle n’aurait pas
changé un iota à la règle pratiquant la Sainte Pauvreté
et le détachement. Elle avait un grand dévouement et
était toujours la première à la peine. La réputation du
prochain était à l’abri quand elle était présente à une
conversation.
Il y avait sept ans que Mère St
Macaire était au
Blanc, tout allait pour le mieux, lorsque à la fin de
1882, elle reçut notification de la laïcisation des classes
qu’elle aimait tant. C’était le premier coup porté
au démembrement de sa maison fondée par Jeanne
Delanoue elle-même. Ce fut un moment terrible, il
fallait agir…
Elle se met en campagne afin de trouver un asile
et des ressources pour la création d’une école libre...
Monsieur le baron de Villeneuve prend la tête d’une
souscription. Tous les deux cherchent un local conve-
nable pour quatre classes… Ils réussissent : l’école pri-
maire s’installera chez madame Hérault de la Véronne
en attendant la construction des classes rue de Ruffec
en 1883. Six mois plus tard, l’ouvroir est aussi prié de
quitter l’établissement et peu après l’asile lui-même…
Le cœur de Mère St
Macaire saignait, mais des
cœurs charitables se dilatèrent. Un nouveau terrain
est acheté pour l’Asile (= maternelle) rue Faye et les
constructions destinées aux classes s’augmentent pour
y recevoir l’ouvroir. Il ne restait plus à Mère St
Ma-
caire que la direction de son cher petit hôpital. Mais
hélas ! elle n’était pas au bout de ses épreuves. Satan se
trouva des adeptes parmi les nouveaux membres de la
Commission hospitalière ; il en résulta une déplorable
scission. On parla même de laisser l’hôpital. Mère St
Macaire, qui les gênait dans leurs projets infernaux, se
vit en butte aux contradictions de toutes sortes, mais
ne perdit pas courage. « Dieu m’a toujours secouru à
temps » disait-elle. Elle tint tête à l’ennemi, combattit,
Revue des Amis du Blanc et de sa région	 	 25	 	 « Au fil du temps... »
Les sœurs de l’hôpital
souffrit en silence et pria pour ses persécuteurs…
Les années s’écoulaient, elle demeurait ferme à
son poste, forçant les méchants eux-mêmes à admirer
et à louer son courage, sa vertu, sa grandeur d’âme.
Audébutdel’année1900,MèreSt
Macaireressentit
les premières attaques du mal qui devait la conduire
au tombeau. Elle continua d’abord à travailler, mais
bientôt une opération fut jugée nécessaire. Dès qu’elle
fut remise, elle revint au Blanc et se remit à l’œuvre
avec une nouvelle ardeur. Mais hélas le mal n’était pas
complètement détruit… elle s’affaiblissait de plus en
plus, le mal gagnait …
Le 15 septembre, elle quittait cet hôpital où elle
avait tant souffert. Elle avait offert à Dieu le sacrifice
de sa vie pour qu’il conservât à sa chère Communauté
cet établissement qui remontait à la vénérable Mère
Delanoue. Elle mourut le 7 octobre 1901 dans sa 67e
année et 45e
de religion.
Dès que la nouvelle de sa mort fut connue au Blanc,
les pauvres, les riches, les bons, les méchants eux-
mêmes trouvaient quelque chose à dire à sa louange.
Monsieur le Maire se fit l’écho de la population : « elle
fut le bon génie de l’hospice pendant 26 ans ! (11)
» …
J’ai tenu à garder le style de l’époque, celui-ci ne
montre-t-il pas clairement la mentalité d’alors.
Le développement de l’hôpital
A partir de 1882, l’enseignement étant installé
hors les murs de l’hôpital, celui-ci put se développer
pour le plus grand bien des habitants du Blanc. Et
cela, d’autant plus qu’en 1881, un legs important de
Mangin de Beauvais (ferme de Beauvais et moulin de
Chavigny) permit d’apporter de grosses améliorations
à l’établissement qui fonctionna alors tout à fait
normalement sous le supériorat de Mère St Macaire.
Cependant de 1893 à 1902, il y eut de très vives
tensions entre la direction de l’hôpital et la communauté
deSte
AnnedelaProvidencedeSaumur.MèreSt
Macaire
pensait alors qu’étant donné le courant anti-religieux de
l’époque, tous les prétextes étaient bons pour exacerber
la tension avec la communauté. Les administrateurs
envisagèrent même de renvoyer les sœurs. Mais Mère
Marie St
Louis, alors supérieure générale sut résister
aux différents assauts de la Commission en lui rappelant
adroitement mais fermement les engagements pris en
1830 par un traité définitif…
Tout se calma petit à petit et la vie continua à
l’hôpital !
Une épidémie de variole !
L’archiprêtre Guidault, curé du Blanc, décrit dans
son journal l’épidémie de variole qui toucha la ville du
Blanc.
11) Archives de la Maison Mère.
« 6 mars 1908 - La ville est en ce moment sous
l’impression de la panique causée par la variole. Cette
épidémie sévit surtout dans le quartier de l’hospice.
Toute la rue St
-Lazare en est contaminée. Elle a pris
naissance des familles de Roulants que l’on reçut par
pitié à l’hospice, où trois sur six moururent après
avoir fait leurs devoirs religieux. Deux religieuses
furent atteintes, puis dans la ville, presque le même
jour plusieurs cas se produisirent et aujourd’hui on en
compte une quarantaine. Deux personnes ont succombé.
On les a enterrées sans passer par l’église et 10 h après
leur décès.
Les écoles sont licenciées, les catéchismes
suspendus. La municipalité a supprimé la foire
importante du 8 mars. La population en masse s’est
fait vacciner. Beaucoup de malades sont transportés à
l’hospice où ils reçoivent les soins des religieuses dont
le dévouement n’a de limites que celles de leurs forces.
25 mars - L’épidémie décroît : jusqu’ici on a
compté 15 décès sur 42 cas de maladie. Il n’y a qu’un
seul homme qui ait succombé. Il a été enterré 2 h après
son décès.
Par décision de la commission d’hygiène, on
a pendant trois jours procédé à la désinfection de
l’église, de tout le mobilier et des murs à deux mètres
de hauteur, ainsi que du pavage. Toutes les chaises et
tous les bancs mobiles ont été soumis à la vapeur de
formol pendant sept heures. Le maître-autel a été lavé
par un pulvérisateur.
Vers le 8 mars, pendant trois jours, les reliques de
St
Génitour furent exposées et chaque soir on fit des
prières pour obtenir la protection du St
patron de la
paroisse… » (12)
La guerre de 1914-1918
Période bien sombre pour la France entière que
cette grande guerre ! …
Le Blanc n’était pas sur le front, mais la ville était
devenueunebasearrièredesoins.Desconvoisdeblessés
et de malades s’y succédaient. Il fallut s’organiser.
C’est ainsi que trois hôpitaux fonctionnèrent au
Blanc : deux ouverts spécialement pour faire face à
l’urgence de cette période difficile, le SBM (13)
dont le
personnel est foncièrement catholique, l’autre dans le
collège réquisitionné par la municipalité. C’est là que
se dévouera surtout Mlle
d’Airoles.
Le troisième est l’hôpital mixte tenu toujours par
les sœurs :
- Sr
Grégoire de Naziance avait la charge de supérieure
de 1909 à 1919,
- Sr
MarieAngélina s’était déjà fait remarquer lors des épi-
démies de scarlatine de 1907 et de variole en 1908. Elle
12) Cf. aussi René Desmaisons, "L’épidémie de variole au
Blanc en 1908", Au fil du temps..., n° 3, janvier 2002.
13) SBM : Secours aux blessés militaires.
Les sœurs de l’hôpital
« Au fil du temps... »	 	 	 26 	 Revue des Amis du Blanc et de sa région
était alors chargée des
salles militaires. Elle sera
d’ailleurs honorée en 1917
de la médaille de bronze
pour les services rendus,
- Sr
Marie-Albine était
aussi pour les soins aux
militaires (1901-1919),
- Sr
Marie Corentin
(1911-1921), sr
Ste
Chantal (1914-1915),
sr
St
Louis (1917-1918)
et sr
Félix de Valois se
dévouaient aux soins
des malades. Sr
Félix de
Valois, particulièrement,
fit preuve du plus
grand dévouement au
détriment de sa santé  ;
elle recevra, elle aussi, la
médaille d’honneur des
épidémies,
- Sr
St
Ernest fut d’abord garde-malade à domicile puis
plus spécialement au service des femmes incurables,
- Sr
St
Géréon s’activait à la lingerie, tandis que sr
Francis de Jésus aidait à la cuisine.
« Quand un convoi de blessés est signalé, c’est un
grand travail : va-et-vient avec l’hôpital mixte pour
le service de stérilisation, lits à faire, préparatifs de
toutes sortes… A partir de 8 h du soir on peut attendre
le convoi... Oh ! Le lugubre débarquement que celui de
ces malades et blessés aux vêtements collés par le sang
et la boue, parfois mangés de vermines… Le dernier
arrivage avait été terrible par la saleté des malheureux,
plus encore que par leurs blessures. Les pieds surtout
étaient dans un tel état qu’il fallait couper les souliers et
mettre le tout dans un bain pour décoller les chaussettes
qui tombaient alors en lambeaux avec la peau…
Nos majors sont chargés du triage. Ils vont à la gare
avec les infirmiers et les autos d’ambulance recevoir
les blessés qui seront répartis entre les trois hôpitaux :
les blessés à la Croix-Rouge et au collège, les malades
à l’hôpital mixte qui a des pavillons d’isolement ... »
Ainsi s’exprime mademoiselle d’Airoles relatant
ce temps de guerre au Blanc (14)
. Chaque lieu d’hôpital
devait donc faire face aux diverses situations qui se
présentaient à chaque nouveau convoi (15)
.
La modernisation de l’hôpital
En1937,onconstruisitunpavillond’isolement,une
14) Cf. Geneviève Duhamelet, Mlle d’Airoles, Éditions de
l’UCSS, 1950.
15) Sur la Seconde Guerre mondiale, cf. du même auteur,
"Des sœurs dans la tourmente", Au fil du temps..., n° spécial
1, novembre 2009, p. 45 sq.
clinique chirurgicale et
la maternité.
Il y avait alors huit
religieuses ; mère Marie
Madeleine de Jésus
y était la supérieure.
De 1952 à 1962, les
entrées ont doublé, les
interventions triplé et
les accouchements ont
augmenté de 50 %.Tout
semblait aller pour le
mieux !
De 1965 à 1970,
l’effectif du personnel
hospitalier est passé de
64 à 95 personnes avec
des créations de nou-
veaux postes : anesthé-
siste, ophtalmologiste,
gynécologue et internes.
En1966 :construc-
tion de services généraux : cuisine, lingerie, chaufferie,
réfectoire et deux pavillons de dépannage de 34 et 24
lits.
En 1970 : rénovation des bâtiments qui logeaient
la chirurgie. Création de nouveaux services (médecine,
consultations externes, électrocardiographie, nouvelle
maternité).
A la suite de ces transformations le nombre de lits
passa de 140 en 1965 à 250.
En 1971, une maison de retraite dépendant de l’hô-
pital fut construite à la Cubissole sur un terrain apparte-
nant à la commune.
En juin 1982, ouverture de la maison de retraite
de la rue Saint-Lazare, dans les locaux de l’hôpital an-
cien : 50 pensionnaires plus 10 convalescents.
En 1977, il y avait eu l’ouverture d’une école
d’infirmières. Sr
Jeanne d’Arc Soamanpionna, première
infirmière malgache des sœurs de Jeanne Delanoue,
y a fait ses études. Une école d’aides soignantes fut
également créée. Sr
Solange Fonteneau y participa
activement.
En 1981, l’hôpital comptait 226 agents. Il était le
premier employeur de la ville. On comptait 50 lits pour
le service de médecine avec 2 médecins, 50 lits pour la
chirurgie avec 2 chirurgiens, 6 lits pour l’ophtalmologie
avec un ophtalmologue, 19 lits pour la maternité avec
un gynécologue, 50 lits pour les moyens et longs sé-
jours au Pavillon Thomassin, 140 lits de maison de re-
traite : 80 à la Cubissole, 60 rue Saint-Lazare. Une unité
de radiologie était à la disposition de tous les services.
Cour de l’hôpital dans les années 50 : à droite l’aile donnant sur la rue
Saint-Lazare ; au centre, la clinique
(à l’emplacement de l’ancien hôpital militaire) ;
à gauche, partie de la chapelle
Revue des Amis du Blanc et de sa région	 27	 	 « Au fil du temps... »
Les sœurs de l’hôpital
Liste des Supérieures de l’hôpital du Blanc
Il est difficile de dater exactement les passages
des premières supérieures. Sur plusieurs documents
compulsés les dates ne correspondent pas.
Mère St
Louis,
Mère St
Jean de la Croix,
Mère Marie du Calvaire,
Mère St
Clément,
Mère St
Étienne,
1854-1873 : Mère St
Hyacinthe,
1873-1875 : Mère St
Al-
bert,
1875-1901 :MèreSt
Macaire,
1901-1909 : Mère M. An-
gélina,
1909-1919  : Mère Gré-
goire de Naziance,
1919-1922  : Mère Ste
Augustine,
1922-1928 : Mère St
Ber-
nardin,
1928-1936 : Mère Marie
Madeleine,
1936-1943 : Mère Marie
Madeleine de Jésus,
1943-1949  : Mère Louis
Bertrand,
1949-1953  : Mère St
Gustave,
1953  : Mère Joseph de
Jésus,
1954 : Mère M. Édouard,
1955-1958 : Mère Jeanne de Chantal,
1958-1962 : Mère Marie-Madeleine,
1962-1966 : Mère St
Joseph,
1966-1976 : Mère St
Jean Chrysostome.
	 Sr
Solange Fonteneau (sœur de sr
St Jean
Chrysostome) est restée au Blanc de 1968 à 1982 (seule
de 1976 à 1982), date à laquelle elle fut atteinte d’une
pénible hémiplégie. Après les premiers soins à l’hôpital
du Blanc, elle quitta définitivement son cher hôpital
fin mars 1983. Il n’y aura plus de sœurs à l’hôpital du
Blanc (16)
.
Souvenirs ! Souvenirs !...
Plusieurs ex-employées de l’hôpital ayant bien
connu les sœurs ont accepté de partager quelques
souvenirs… Ne sont-ils pas porteurs de toute une vie
dans cet hôpital du Blanc des années 60 à 82 ?
1) « Affectée en 1955 au Pavillon de l’hôpital, ma
sœur y a connu plusieurs religieuses. Tout d’abord,
sr
Thomas de Jésus, puis au fil des années sr
Marie-
Lucie, sr
Marie de la Providence… Sr
Solange fut la
dernière religieuse de ce service destiné à accueillir les
personnes âgées ou invalides.
Côté chirurgie, sr
Ste
Lucienne, puis sr
St Jean
(Chrysostome), toutes dévouées à leurs malades et très
proches des familles.
En médecine, sr
Ste
Yvonne, puis sr
Marie Ste
Irène,
service parfois surchargé.
Vers les cuisines ré-
gnait sr
Ste
Charité aidée
de son équipe. En plus
des tâches régulières, il
fallait également assu-
rer la cueillette des dif-
férents fruits et légumes
du jardin et effectuer les
conserves particulière-
ment appréciées durant
l’hiver. En ce temps-là,
il y avait un jardinier.
Des bâtiments que nous
connaissons actuelle-
ment ont été construits
dans le potager d’alors.
Pour la lingerie c’était sr
Angèle de St
Dominique.
On y lavait, repassait
tout le linge de l’établis-
sement ».
2) «  Je travaillais
à l’hôpital dans les an-
nées 60. A cette époque, il était géré par les sœurs…
Comment pourrais-je oublier cette petite voix de maître
de "Bonne Mère Marie-Thérèse". C’est elle qui était le
chef ! Qu’elle était charmante ! Toujours souriante !
En chirurgie, je travaillais sous l’œil vigilant de sr
St
Jean… Le soir elle était très fatiguée… Il faut dire que
les sœurs se levaient avant 6 h du matin car elles allaient
prier à la petite chapelle dans la cour. Quelle journée !
Jamais couchée avant 23 h et il fallait la réveiller au
beau milieu de la nuit quand il y avait besoin (il faut
16) Archives de la Maison Mère.
1966 : sr
Ste
Bathilde (lingerie), sr
St
Jean Chrysostome (infirmière),
Mère St
Joseph (responsable), sr
St
Didier,
sr
Marie de la Providence (infirmière).
Les sœurs de l’hôpital
« Au fil du temps... »	 	 	 28 	 Revue des Amis du Blanc et de sa région
Jeanne d’Arc
Soamanpionna,
sœur Jeanne d’Arc
née le 15 avril 1950,
élève infirmière 1981-83
dire qu’elle était infirmière). Puis quelques années plus
tard, ce fut une surprise de voir arriver la sœur de sr
St
Jean, sr
Solange !
Je me souviens aussi du petit pavillon au fond de
l’hôpital, vers la Creuse. Il était géré par sr
Hélène (je
crois) ; elle passait avec une telle fluidité que j’avais
l’impression de voir passer un ange. Très sérieuse elle
ne parlait que lorsque c’était nécessaire, mais elle était
très juste et gentille… Que de travail il fallait fournir,
mais n’est-ce pas le secret d’une vie bien remplie ? Il
y avait aussi un directeur que j’aimais bien : monsieur
Viguier, mais on le voyait peu.
Un autre souvenir me fait toujours rire : ce n’était
pas la promenade des Anglais, non, mais la promenade
des cafards, le long de ce vieux couloir, le soir, lorsqu’il
n’y avait plus que les petites veilleuses. Étant moi-mê-
me parfois veilleuse de nuit, je n’avais même pas peur,
sauf quand cela faisait trop de bruit, le long des plin-
thes en bois.
Quand j’y repense, je me dis : « Ah, c’est bien
sûr qu’il avait besoin d’être refait cet hôpital des an-
nées 60. Je suis contente de ce bel hôpital moderne de
maintenant, l’après 2000, même s’il m’arrive de me
perdre dans ces longs couloirs !... »
3) « Pendant les vacances de Noël 1953, nous ve-
nions avec mes sœurs et mon frère dans la cour de l’hô-
pital pour jouer. Au milieu de cette cour, il y avait une
chapelle. Nous y allions souvent pour mettre un sou qui
faisaitchanterle"gloria"àl’angequirecevaitlapièce…
Quand nous
n’avions plus
de pièces, Mère
Marie Édouard
vidait la "ca-
gnotte" de l’an-
ge et nous re-
commencions !
A cette
date,sr
SteCha-
rité travaillait
aux cuisines de
l’hôpital. Je l’ai
connue car ma-
man y faisait un
remplacement.
Dans cette
même période
sr
Ste
Lucienne
travaillait en
chirurgie. Elle me
demandait ce que je voulais faire plus tard. Je lui répon-
dais que je voulais faire le même travail qu’elle : soigner
les malades.
J’ai dû être entendue car à 28 ans, j’ai commencé à
travailler à l’hôpital pour y faire toute une carrière... »
4) « Durant cette période j’ai bien connu sr
St
Jean
infirmière en chirurgie au rez-de-chaussée et sr
Solan-
ge qui nous faisaient les cours d’aide soignantes. Elle
passait aussi près des malades pour savoir ce qu’ils
voulaient manger. Je dirais que j’ai été très marquée
en bien par Bonne Mère Marie Édouard et sr
Ste
Lu-
cienne.
En 1955, j’ai connu sr
Gabrielle, sr
Marie-Édouard,
très calme, très douce, elle essayait d’arrondir les
angles – Sr
St
Didier avec qui il était facile si l’on
avait de bons rapports avec elle, sinon il fallait faire
attention. Elle voulait que son personnel assiste à la
messe le dimanche matin.
Sr
St
Barthélémy était au pavillon. Elle était douce,
calme, ne voulant faire de peine à personne. Sr
St
Jean
était en chirurgie... »
Les sœurs quitteront officiellement l’hôpital du
Blanc en 1976. Seule sr
Solange Fonteneau restera
jusqu’en 1982.
Cependant la petite graine semée en terre du Blanc
en 1728 est devenue un grand arbre ! Tout peut continuer,
espérons-le, pour longtemps encore… Que deviendrait la
ville sans ce fleuron qui, contre vents et marées, a rendu
tant de services à la population ?
(Illustrations : Archives de la Maison Mère
de Saumur et coll. des Amis du Blanc)
* *
*
Entrée de l’hôpital (2008)
Revue des Amis du Blanc et de sa région	 33	 	 « Au fil du temps... »
Les sœurs de l’hôpital

Más contenido relacionado

Destacado

Alumnos
AlumnosAlumnos
Alumnos78355
 
Flf 201 presentation
Flf 201 presentationFlf 201 presentation
Flf 201 presentationdjgracie
 
Bill redirect manual_fr
Bill redirect manual_frBill redirect manual_fr
Bill redirect manual_frtopomax
 
Contes mille et une nuits tome 1 _ Dodobuzz.weebly.com
Contes mille et une nuits tome 1 _ Dodobuzz.weebly.comContes mille et une nuits tome 1 _ Dodobuzz.weebly.com
Contes mille et une nuits tome 1 _ Dodobuzz.weebly.comKarim Senoun
 
DMX Austria 2012, Wohin entwickelt sich Werbung am Smartphone?
DMX Austria 2012, Wohin entwickelt sich Werbung am Smartphone?DMX Austria 2012, Wohin entwickelt sich Werbung am Smartphone?
DMX Austria 2012, Wohin entwickelt sich Werbung am Smartphone?twyn group AG
 
Cours de reflexologie plantaire
Cours de reflexologie plantaireCours de reflexologie plantaire
Cours de reflexologie plantairetempodicrisi
 
Un pas de plus vers l'agilité de la DSI
Un pas de plus vers l'agilité de la DSIUn pas de plus vers l'agilité de la DSI
Un pas de plus vers l'agilité de la DSIMicrosoft Décideurs IT
 
Tendencia de los negocios
Tendencia de los negociosTendencia de los negocios
Tendencia de los negociosPaulaRueda15
 
immoRegion.fr - 1 an Nord - Pas de Calais - Février 2015
immoRegion.fr -  1 an Nord - Pas de Calais - Février 2015immoRegion.fr -  1 an Nord - Pas de Calais - Février 2015
immoRegion.fr - 1 an Nord - Pas de Calais - Février 2015atHomeGroup
 

Destacado (19)

Alumnos
AlumnosAlumnos
Alumnos
 
Guide de-70-metiers
Guide de-70-metiersGuide de-70-metiers
Guide de-70-metiers
 
Flf 201 presentation
Flf 201 presentationFlf 201 presentation
Flf 201 presentation
 
Lettre carole delga
Lettre carole delgaLettre carole delga
Lettre carole delga
 
Panorama cress 2012
Panorama cress 2012Panorama cress 2012
Panorama cress 2012
 
Bill redirect manual_fr
Bill redirect manual_frBill redirect manual_fr
Bill redirect manual_fr
 
Contes mille et une nuits tome 1 _ Dodobuzz.weebly.com
Contes mille et une nuits tome 1 _ Dodobuzz.weebly.comContes mille et une nuits tome 1 _ Dodobuzz.weebly.com
Contes mille et une nuits tome 1 _ Dodobuzz.weebly.com
 
SMG
SMGSMG
SMG
 
Licences cc version 1
Licences cc version 1Licences cc version 1
Licences cc version 1
 
Miradaespecial
MiradaespecialMiradaespecial
Miradaespecial
 
DMX Austria 2012, Wohin entwickelt sich Werbung am Smartphone?
DMX Austria 2012, Wohin entwickelt sich Werbung am Smartphone?DMX Austria 2012, Wohin entwickelt sich Werbung am Smartphone?
DMX Austria 2012, Wohin entwickelt sich Werbung am Smartphone?
 
Cours de reflexologie plantaire
Cours de reflexologie plantaireCours de reflexologie plantaire
Cours de reflexologie plantaire
 
Un pas de plus vers l'agilité de la DSI
Un pas de plus vers l'agilité de la DSIUn pas de plus vers l'agilité de la DSI
Un pas de plus vers l'agilité de la DSI
 
Lec8
Lec8Lec8
Lec8
 
Ppt1
Ppt1Ppt1
Ppt1
 
Tendencia de los negocios
Tendencia de los negociosTendencia de los negocios
Tendencia de los negocios
 
SMG
SMGSMG
SMG
 
immoRegion.fr - 1 an Nord - Pas de Calais - Février 2015
immoRegion.fr -  1 an Nord - Pas de Calais - Février 2015immoRegion.fr -  1 an Nord - Pas de Calais - Février 2015
immoRegion.fr - 1 an Nord - Pas de Calais - Février 2015
 
Slide salle d'attente
Slide salle d'attenteSlide salle d'attente
Slide salle d'attente
 

Similar a Revue 2010 les soeurs à l'hôpital

Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres ...
Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres ...Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres ...
Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres ...Pierre LABRUDE
 
La léproserie de saint lazare
La léproserie de saint lazareLa léproserie de saint lazare
La léproserie de saint lazareHistoires2Paris
 
Estissac et thuisy 2017
Estissac et thuisy   2017Estissac et thuisy   2017
Estissac et thuisy 2017Michel Bruley
 
SAINT VINCENT de PAUL (Francais).pptx
SAINT VINCENT de PAUL (Francais).pptxSAINT VINCENT de PAUL (Francais).pptx
SAINT VINCENT de PAUL (Francais).pptxMartin M Flynn
 
Aux détours des paroisses - Pays de Fouesnant jr1qz
Aux détours  des paroisses - Pays de Fouesnant  jr1qzAux détours  des paroisses - Pays de Fouesnant  jr1qz
Aux détours des paroisses - Pays de Fouesnant jr1qzFoenizella.com
 
Chateau & seignerie de Fouesnant dybpzk
Chateau &  seignerie de Fouesnant dybpzkChateau &  seignerie de Fouesnant dybpzk
Chateau & seignerie de Fouesnant dybpzkFoenizella.com
 
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926Francis Batt
 
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptxSainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptxMartin M Flynn
 
Goudelin début du 20em siècle version 12 diaporama
Goudelin début du 20em siècle version 12 diaporamaGoudelin début du 20em siècle version 12 diaporama
Goudelin début du 20em siècle version 12 diaporamasaintrond
 
Les français au Brésil, La Ravardière et la France équinoxiale (1612 -1615)
Les français au Brésil, La Ravardière et la France équinoxiale (1612 -1615)Les français au Brésil, La Ravardière et la France équinoxiale (1612 -1615)
Les français au Brésil, La Ravardière et la France équinoxiale (1612 -1615)Kevin Lognoné
 
Europe Au 18èMe 2007
Europe Au 18èMe 2007Europe Au 18èMe 2007
Europe Au 18èMe 2007origene
 
Quelques chartreuses françaises
Quelques chartreuses françaises Quelques chartreuses françaises
Quelques chartreuses françaises Balcon60
 
A quand remonte Saint-Grégoire (35) ? Naissance de la paroisse « territoriale...
A quand remonte Saint-Grégoire (35) ? Naissance de la paroisse « territoriale...A quand remonte Saint-Grégoire (35) ? Naissance de la paroisse « territoriale...
A quand remonte Saint-Grégoire (35) ? Naissance de la paroisse « territoriale...Kevin Lognoné
 

Similar a Revue 2010 les soeurs à l'hôpital (18)

Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres ...
Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres ...Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres ...
Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres ...
 
La léproserie de saint lazare
La léproserie de saint lazareLa léproserie de saint lazare
La léproserie de saint lazare
 
Estissac et thuisy 2017
Estissac et thuisy   2017Estissac et thuisy   2017
Estissac et thuisy 2017
 
SAINT VINCENT de PAUL (Francais).pptx
SAINT VINCENT de PAUL (Francais).pptxSAINT VINCENT de PAUL (Francais).pptx
SAINT VINCENT de PAUL (Francais).pptx
 
Aux détours des paroisses - Pays de Fouesnant jr1qz
Aux détours  des paroisses - Pays de Fouesnant  jr1qzAux détours  des paroisses - Pays de Fouesnant  jr1qz
Aux détours des paroisses - Pays de Fouesnant jr1qz
 
Chateau & seignerie de Fouesnant dybpzk
Chateau &  seignerie de Fouesnant dybpzkChateau &  seignerie de Fouesnant dybpzk
Chateau & seignerie de Fouesnant dybpzk
 
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
Les saintes-maries-de-la-mer-notice-historique-a-chapelle-marseille-1926
 
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptxSainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
Sainte Rose Philippine Duchesne (Francais).pptx
 
Goudelin début du 20em siècle version 12 diaporama
Goudelin début du 20em siècle version 12 diaporamaGoudelin début du 20em siècle version 12 diaporama
Goudelin début du 20em siècle version 12 diaporama
 
Au fil des lignes du métro
Au fil des lignes du métroAu fil des lignes du métro
Au fil des lignes du métro
 
Saint Vincent de Paul et les droits des pauvres
Saint Vincent de Paul et les droits des pauvresSaint Vincent de Paul et les droits des pauvres
Saint Vincent de Paul et les droits des pauvres
 
Les français au Brésil, La Ravardière et la France équinoxiale (1612 -1615)
Les français au Brésil, La Ravardière et la France équinoxiale (1612 -1615)Les français au Brésil, La Ravardière et la France équinoxiale (1612 -1615)
Les français au Brésil, La Ravardière et la France équinoxiale (1612 -1615)
 
Histoire du PSCSM
Histoire du PSCSMHistoire du PSCSM
Histoire du PSCSM
 
Les filles dieu
Les filles dieuLes filles dieu
Les filles dieu
 
Europe Au 18èMe 2007
Europe Au 18èMe 2007Europe Au 18èMe 2007
Europe Au 18èMe 2007
 
Quelques chartreuses françaises
Quelques chartreuses françaises Quelques chartreuses françaises
Quelques chartreuses françaises
 
Contes des landes
Contes des landesContes des landes
Contes des landes
 
A quand remonte Saint-Grégoire (35) ? Naissance de la paroisse « territoriale...
A quand remonte Saint-Grégoire (35) ? Naissance de la paroisse « territoriale...A quand remonte Saint-Grégoire (35) ? Naissance de la paroisse « territoriale...
A quand remonte Saint-Grégoire (35) ? Naissance de la paroisse « territoriale...
 

Revue 2010 les soeurs à l'hôpital

  • 1. L’hôpital du Blanc et les sœurs de la congrégation Jeanne Delanoue : une longue histoire par Sœur Michelle MORIN * Si l’hôpital du Blanc est aujourd’hui ce qu’il est - un hôpital de proximité, moderne, bien classé dans le département et la région -, n’est-ce pas le fruit d’une longue évolution au cours de presque trois cents ans ? En effet, depuis 1713, il a fait l’objet d’une attention particulière des notables, des habitants du Blanc, des membres des conseils d’administration qui ont su prendre les bonnes décisions dans les différents tournants, du personnel médical et soignant qui s’y est dévoué, souvent sans tapage, au jour le jour, tout au long de ces trois siècles, des religieuses de la Providence, filles de Jeanne Delanoue, qui l’ont fait vivre au quotidien. Oui, les Blancois ont de quoi être fiers de leur hôpital ! Ne serait-il pas dommage pour tous qu’il disparaisse du paysage ? Étant sœur de Jeanne Delanoue, j’ai cherché à retrouver cette longue histoire de la petite graine semée par Ste Jeanne Delanoue elle-même, en terre berrichonne, devenue cet arbre aux multiples branches qu’est aujourd’hui l’hôpital. J’ai nettement conscience de l’imperfection de ce propos très incomplet, centré surtout sur l’œuvre de près de 200 religieuses qui y ont consacré leur vie au fil des jours. Il pourrait être bon d’étudier aussi les différents conseils d’administration, ou le dévouement des chirurgiens, médecins, personnel soignant. Cela n’enrichirait-il pas cette histoire de l’hôpital du Blanc un peu oubliée au fil du temps… Avis aux amateurs ! Cependant, aussi imparfaite qu’elle soit, cette recherche peut, me semble-t-il, aider les Blancois à apprécier davantage leur hôpital en le défendant malgré tout. Sa fermeture ne serait-elle pas un réel appauvrissement de la vie sociale du Blanc ? Les débuts En 1713, les notables et les ha- bitants se rendi- rent compte qu’un effort devait être entrepris en faveur du bien public… Avec Pierre Louis Duthois, ils achetè- rent donc en 1713 et 1716 un corps de logis dans le faubourg Saint-La- zare, au profit d’un hôpital. A cette même date (1713), l’ar- chiprêtre Joseph-Marie Grasset arriva à la cure de Saint-Génitour. Dès 1724, il fit des démarches pour que des Sœurs de la Providence, ordre nouvellement fondé à Saumur, soient envoyées au Blanc. Il n’est pas impos- sible que les prêtres de Récollets vivant en communauté depuis 1619, en Ville haute, soient intervenus auprès du curé du Blanc pour l’orienter dans sa démarche. En effet il y avait aussi à Saumur un couvent desRé- collets au courant de l’œuvre novatrice de Jeanne. Les archives, elles, précisent que « c’est à la demande des ecclésiastiques du Blanc » qu’il fut dé- cidé de mettre deux sœurs en cette ville. Toujours est-il que c’est en 1728 que Ste Jeanne De- lanoue en personne accompagna deux de ses filles à l’hô- pital du Blanc, au faubourg Saint-La- zare « pour soigner les malades, les pauvres infirmes, faire des travaux manuels et y donner quelques leçons  ». Dès le départ, les sœurs avaient donc pour rôle de soigner, d’enseigner et d’éduquer. A vrai dire, on ne connaît pas le nom des deux premières sœurs ni de celles qui leur ont succédé de 1728 à 1789, les archives ayant souffert de l’outrage des ans. Mais la règle (une nouveauté à l’époque !) signifiait que les sœurs envoyées dans les paroisses «  devaient toujours se regarder comme membres de la maison de la Providence, obligées en cette qualité de porter l’habit (gris-bleu) et d’en suivre les règles autant qu’il se pourrait faire. Elles seraient soumises L’hôpital et ses jardins vers 1900 (Au premier plan, l’abattoir, à l’emplacement de l’actuelle école de soins infirmiers...) Revue des Amis du Blanc et de sa région 19 « Au fil du temps... » * Religieuse de la communauté Jeanne Delanoue du Blanc.
  • 2. à la supérieure qui pourrait les rappeler quand elle le jugerait à propos et qui les rappellerait toujours lorsque l’âge et les infirmités les rendraient incapables d’exercer leur emploi » (1) . En 1728, l’hôpital avait six lits. Les sœurs y soignaient les malades et les pauvres infirmes. Les médecins et chirurgiens s’engageaient à donner gratuitement les soins aux pauvres, tandis qu’on leur fournissait drogues et médicaments. Déjà dès 1741, des bâtiments avaient été agrandis et, à la veille de la Révolution, l’hôpital comptait huit lits. Il y avait un couloir d’entrée sur la rue, à main gauche, deux chambres basses, un petit cabinet formant cuisine et le logement des sœurs. En 1787, quand la ville du Blanc organisa l’instruc- tion de la jeunesse, cela se fit donc dans le vestibule de l’hôtel-dieu que l’on sépara en deux salles, l’une pour les garçons et l’autre pour les filles, sous la surveillance des sœurs, plus à l’aise pour y donner les leçons. Ainsi, l’hôpital traversa sans trop de difficultés la plus grande partie du XVIIIe siècle grâce à de nombreuses libéralités. Cour de l’hôpital vers 1910 La Révolution et la décrépitude La Révolution devait être funeste à l’hôpital en diminuant ses revenus. Depuis 1728, deux sœurs avaient toujours été présentes au Blanc. En 1789, c’était : - Marguerite Gasnault admise dans la Congrégation le 7 mai 1765, - Gabrielle Venon qui venait de prononcer ses vœux le 15 mai 1788. Du fait des événements, elles n’avaient rien reçu de la municipalité depuis longtemps ; le 7 août 1793, elles réclamèrent leurs gages. C’est ainsi que le 23 nivôse (13 janvier), le conseil général eut l’occasion de s’occuper des religieuses qui, pour rester près de leurs malades, s’étaient probablement sécularisées. On ne les molesta pas autrement qu’en leur imposant le serment 1) J.A. Macé (aumônier), Vie de Jeanne de La Noue, fonda- trice de la Providence de Saumur, Saumur, 1845, p. 271. d’égalité et de liberté, lequel ne pouvait embarrasser leur conscience. Elles comparurent donc devant la municipalité et là, en vertu de la loi du 9 nivôse, elles furent contraintes, sous peine d’être congédiées, de jurer « d’obéir à la nation et à la loi, de maintenir l’égalité et la liberté, de les défendre même au péril de leur vie ». Ce serment est enregistré et signé des deux religieu- ses, ainsi que du maire et des officiers municipaux. Pendant toute la durée de la Révolution, l’hôpital conserva ses sœurs. Marguerite Gasnault mourut le 4 frimaire an X (1802), septuagénaire, Gabrielle Venon resta seule à son poste et fut souvent réduite aux fonctions de concierge. A la réouverture, elle devint économe et mourut le 29 novembre 1823. De 1789 à 1791, l’hôpital fut occupé par des Hollandais, puis par des prisonniers étrangers. Mais l’établissement devint quasi-inexistant, ses revenus ayant presque totalement disparu (2) . Vers l’an V de la République (1797), l’hôpital périclita encore. Le registre des entrées est même interrompu. En 1816, le maire écrira « que depuis plus de vingt ans, il n’a pu recevoir de malades sauf en cas d’extrême urgence »... ce qui s’explique car avant la Révolution, l’hôpital jouissait de 1600 à 1700 livres de revenus, mais, pendant la tourmente révolutionnaire, les capitaux ayant été convertis en assignats, le revenu se trouva réduit à 200 livres. Il semble que la population soit restée indifférente à cette situation. Pourtant dès l’an VIII (1800), on avisa au moyen de rétablir l’institution. 1200 F auraient suffi pour l’entretenir. Une commission proposa de frapper d’une taxe tous les cabaretiers, bouchers et tanneurs la fixant à 1 F par poinçon de vin (11-12-14 fructidor), mais cela n’alla pas plus loin … Le 22 germinal an IX (1801), la commune cherchait alors un presbytère. Considérant que la maison de l’hos- pice ancien de cette ville était depuis longtemps inoccu- pée, on offrit au curé une partie de l’immeuble en réser- vant quelques chambres pour retirer les effets mobiliers et pouvoir y mettre quelques malades, le cas échéant ! En 1810, le maire Souvigny estimait que l’hôpital ne pourrait se relever que grâce à une dotation du gouver- nement, ou par la création d’un octroi, et comme la ville détestait les octrois, en porte-parole de ses administrés, il conclut qu’un hospice est inutile au Blanc : « L’expérien- ce a démontré que l’hospice n’était ni dans les goûts, ni selon les mœurs des habitants de cette commune, pour lesquels seuls il était fondé, puisqu’il avait sans cesse augmenté ses capitaux en accumulant ses revenus, que presqu’aucuns malades ne voulaient y consommer » (3) . 2) Cf. Ferdinand Chertier, Le Blanc sous la Révolution. 3) Pierre Voisin, "L’Hôtel-Dieu - ses difficultés et son dévelop- pement", Voix du Centre, série de cinq articles, 1937. Les sœurs de l’hôpital « Au fil du temps... » 20 Revue des Amis du Blanc et de sa région
  • 3. Un nouveau départ (1811-1830) La première mesure qui devait contribuer au relèvement de l’hôpital fut, sans contredit, le décret du 19 janvier 1811, relatif aux enfants trouvés, abandonnés ou orphelins pauvres. Le décret instituait un hospice d’enfants trouvés par arrondissement et ordonnait l’installation d’un "tour" (4) où l’on pouvait déposer anonymement ces enfants. A partir du 1er janvier 1812, l’hôpital du Blanc devait en outre pouvoir recevoir les enfants naturels. Comme les revenus ne s’élevaient qu’à 300 F environ, on envisagea de prélever une allocation sur l’octroi. La ville s’opposa d’abord à cet octroi, mais faute de ressources, elle se rendit à la raison. En 1812, c’était chose faite. L’octroi était la deuxième étape vers une "recréation" de l’hôpital. A cette époque, on caressa au Blanc l’idée d’un hô- pital général d’arrondissement pour les étrangers et les militaires. La commune y voyait des moyens pour ne pas supporter seule les frais d’entretien de l’établissement. Ce projet ne put être mis à exécution (5) . Deux sœurs encapuchonnées (de dos) sur la place du Marché (actuelle place de la Libération), vers 1900 Le roi Louis XVIII eut le dernier mot en signant le 14 décembre 1815 aux Tuileries l’ordonnance rétablissant l’hôpital du Blanc avec : -1a fondation de 12 lits pour les malades et indigents, - l’installation d’un local des malades, - l’installation d’un local pour les "enfants trouvés", - le prélèvement de 2000 F sur les produits d’octroi. 4) Tour : coffre cylindrique tournant sur son axe, encastré dans le mur situé près de la porte des hôpitaux. 5) Cf. Pierre Voisin, op. cit. La décision royale n’eut pas l’effet d’une baguette magique. Cependant, en 1817, une sœur fut envoyée au Blanc pour « ouvrir un asile pour les petits enfants ». Elle ne resta pas longtemps. A la mort de Gabrielle Venon (1823), personne ne la remplaça. Le maire du Blanc, Collin de Souvigny, envoya lettre sur lettre à la supérieure de la Providence pour lui demander l’envoi d’une sœur ; il n’en voulait qu’une, malgré le règlement qui en imposait deux à la fois. On fut même obligé de confier le service à une laïque « intelligente et humaine ». Enfin le 25 juillet 1828, deux sœurs étaient annoncées : sr St Louis eut la charge de supérieure. On offrait 100 f par an à chacune et on leur promettait des élèves pour l’enseignement de la lecture et du catéchisme. Comme par le passé ! L’hôpital jouissait alors de 700 f de rentes. En 1830, un traité définitif s’établit entre l’Ordre de la Providence et la Commission administrative après approbation du ministre de l’Intérieur. L’établissement redevenait viable, il pouvait prendre son essor ! Sr Marie-Thérèse, depuis 26 ans au Blanc, pendant l’exposition de 2009. Les vitraux et la statue de sainte Anne proviennent de la chapelle de l’hôpital, le tableau des bienfaiteurs se trouvait dans le hall d’entrée La chapelle Mère Marie du Calvaire, alors supérieure de l’hospice, désirait une chapelle pour son établissement. Elle saisit une occasion favorable pour en exprimer le vœu à l’administration. Dès 1831, une délibération administrative considéra indispensable d’établir à l’hospice du Blanc, un oratoire pour le service particulier des résidents. Ce projet fut repris en 1832. « Cette construction était vraiment d’une utilité indispensable, tant pour les besoins de l’hospice que pour l’école des petites filles tenue par les sœurs »... Mais il fallait financer. Avec l’accord de l’admi- Revue des Amis du Blanc et de sa région 21 « Au fil du temps... » Les sœurs de l’hôpital
  • 4. nistration et une grande foi en la Providence, Mère Ma- rie du Calvaire fit commencer les travaux avec 6 sous en poche ! Elle les confia à un certain Joseph Morin... Elle quêta et joignant l’obole du pauvre à la plus grosse somme du riche, elle put solder les dépenses de chaque semaine... Ainsi monsieur Appé, curé du Blanc, fit don à l’hospice de la somme de 1200 f pour l’établissement de cet oratoire et s’engagea à faire face aux travaux supplémentaires, à pourvoir aux frais de décora- tion intérieure, à tous les objets nécessaires à la célébration du culte, à charge pour l’adminis- tration de l’ora- toire de faire célébrer au-dit oratoire pendant six ans, tous les deuxièmes same- dis du mois, une messe à l’intention du donateur. Ainsi, Mère Marie du Calvaire réussit à mener son œuvre à bonne fin… Le bâtiment achevé, il manquait un tabernacle. La supérieure se souvint en avoir vu un dans un vieux grenier, au-dessus de la sacristie, relégué là depuis l’époque de la Grande Révolution. Elle l’emporta pour le faire réparer et nettoyer par madame Lafargue et sa fille. Quelle ne fut pas leur surprise en l’ouvrant pour y passer le plumeau, de voir voltiger des hosties ! la custode était renversée et les hosties répandues.Appelé, monsieur le curé arriva et constata que les Saintes Espèces n’avaient subi aucune altération. Il les remit dans la custode et les emporta à l’église. Mère Marie du Calvaire n’eut donc pas la joie de voir résider le St- Sacrement dans le petit sanctuaire ! En 1909, on fit quelques réparations : les murs furent repiqués et un "gobetage" en ciment fut décidé. En 1935, la chapelle ayant besoin d’être restaurée, l’économe,aprèsvotedesadministrateurs,refitlatoiture et les ardoises remplacèrent avantageusement les tuiles. En 1938, le travail fut repris et ce fut le ravalement des murs extérieurs. 1939 vit la réfection intérieure : carrelage en mosaïque, peintures, pose d’un lambris, de vitraux dus au maître verrier Luc Tournier 5, rue des Ursulines à Tours. On ajouta un confessionnal neuf, une statue du Sacré Cœur et un frontispice au-dessus du retable. En 1966, elle fut encore restaurée et repeinte grâce à la bienveillance de l’administration. La chapelle fut rasée au moment des grands travaux pour le renouvellement de l’hôpital vers 1975. Une sal- le cultuelle la remplaça, l’autel y fut d’abord transféré, mais bientôt on prit conscience que cette salle pouvant être au service des différents cultes, il ne pouvait y avoir des éléments privilégiés pour un culte particulier. On ne monta donc pas les vitraux comme cela avait été initialement prévu et on donna l’autel au Père Robert pour la paroisse de Tour- non-Saint-Pierre. Quelques points du règlement in- térieur de l’hô- pital 1895  : le curé de la paroisse sera admis à l’hospice aux heures dési- gnées pour l’exerci- ce du culte et sur la demande librement exprimée d’un ago- nisant. Sa liberté de conscience doit être respectée. En aucun cas, le curé ne doit être mis en possession des clés de l’établissement. Art. 21 (non daté) : le service des cultes est or- ganisé à l’hôpital de manière à assurer le respect et la liberté de conscience et à permettre l’accomplissement des devoirs religieux. A cet effet, les ministres des différents cultes doi- vent avoir accès auprès des malades qui, soit au mo- ment de leur entrée, soit pendant leur séjour, réclament leur assistance par l’intermédiaire de l’administration hospitalière. Celle-ci transmet les demandes des mala- des sans délai aux ministres des différents cultes. Les prières publiques dans les salles sont formellement interdites (6) . Les différents agrandissements au XIXe siècle Si l’activité éducative était intense au sein de l’établissement, elle n’était pas seule. L’hospice devint vite insuffisant, il fallut l’agrandir, le surélever... Ce fut d’abord l’affaire d’une douzaine de mille francs. Le conseil municipal reconnut la nécessité d’une subvention de 8000 F. Un moment, il pensa même à la construction d’un édifice sur un autre terrain, ce qui provoqua une crise au sein de l’assemblée. En 1832, ce fut la construction de la chapelle sur l’insistance de Mère Marie du Calvaire. Le 18 février 1838 eut lieu l’adjudication de travaux. 6) Archives de la Maison Mère. Église de Tournon-Saint-Pierre : l’ancien autel de la chapelle de l’hôpital (photo Francis Calvet) Les sœurs de l’hôpital « Au fil du temps... » 22 Revue des Amis du Blanc et de sa région
  • 5. L’année suivante un traité de gré à gré fut passé avec Gué- rinet et Saintier pour un bâtiment destiné aux aliénés. L’établissement fut entièrement reconstruit de 1838 à 1840, date où fut faite la réception des travaux (20 février). Le jardin fut agrandi en 1844. Il y eut aussi la création d’une nouvelle salle d’asile, l’acquisition de l’ancienne auberge de la Promenade aux Maillet. Enfin, en 1875, on acheta la maison Brunet attenante pour 8500 f dans le but de créer un hôpital militaire. Ce n’est qu’avec l’apparition de la caserne que le projet fut remis à l’étude. En effet, un sixième de la population du Blanc était alors composé de soldats et cela occasionnait des problèmes de santé comme le signale Michel Germain : « Les militaires, pour la plupart célibataires, fréquentaient les cabarets et les maisons de prostitution. Les médecins constatèrent que beaucoup de militaires en traitement à l’hospice, étaient atteints de maladies syphilitiques » (7) . La commission administrative de l’hospice ap- prouve donc le 20 octobre 1874 la construction mili- taire dans l’enclos de l’établissement. Le 13 août 1875, le maire expose au Conseil municipal, l’urgence de construire un local pour accueillir ces malades ainsi que 7) Michel Germain, La garnison blancoise, Éditions Art & T, 2004. les filles porteuses de cette affection. Le 10 mai 1878, le maire réceptionnait les bâtiments de l’hôpital militaire. Les dépenses s’élevaient à 63 386, 18 f, conformément au devis du 17 septembre 1875 avec un supplément de 18 828, 18 f soit en tout : 82 214, 36 f. L’hôpital prenait une nouvelle allure et il ne fut plus possible de distinguer les bâtiments originels. En 1878, l’hôpital se composait ainsi : A la droite du bâtiment : - une salle pour les femmes, - une salle pour les hommes (au-dessus), - des servitudes pour les lessives, - à la suite, des « cabanes pour les fous », Du côté gauche : - l’hôpital militaire récemment bâti, Entre les deux se trouvaient : - 1 parloir, - 1 bureau, - le réfectoire des sœurs, - dans la cour : la chapelle. A l’extrémité du jardin : - 4 classes communales, - l’asile faisait suite avec sa cour et ses 2 salles, - au-dessus de l’une d’elles fut établi l’ouvroir en 1856 (8) . 8) Archives de la Maison Mère. Plan de l’hôpital après la reconstruction de 1830-1840 Revue des Amis du Blanc et de sa région 23 « Au fil du temps... » Les sœurs de l’hôpital
  • 6. L’hospice des enfants et l’enseignement Avec le traité de 1830, tous les espoirs étaient permis. Un legs de 20 000 f dû à la bienfaisance de M. Legrand de Châteauroux ajouta un réel souffle d’espérance. Tout au long de ce XIXe siècle, l’hospice des en- fants et l’enseignement semblent avoir occupé une place essentielle dans l’établissement hospitalier du Blanc. De 1830 à 1882, on relève 42 sœurs enseignantes, 14 aux soins des malades !... et une dizaine de sœurs pour les services généraux. En 1829, Mère St Jean de la Croix fit d’abord la classe aux enfants pauvres et bientôt les deux religieuses virent avec satisfaction se presser les petites filles à instruire… Il y en eut 80 en 1832, ce qui motiva l’appel d’une troisième sœur en 1833, puis d’une quatrième en 1842.... Le chiffre s’éleva à plus de 200 en 1848 et à 120 élèves pour une seule classe en 1857 ! Les classes se multiplièrent : un asile (= classe maternelle) et 4 classes élémentaires. De plus en 1856, sr Ste Hyacinthe inaugura un "ouvroir" de chemiserie pour hommes dans le but de procurer du travail rétribué aux jeunes filles et adolescentes. Il rendit de grands services à la population ouvrière lors du fonctionnement de la filature. Le directeur Giberton accorda même une subvention de 150 f aux sœurs. L’enseignement dispensé était en partie gratuit, mais 0,75 f était demandé aux élèves qui pouvaient payer. En 1864, les 26 et 27 octobre, il y eut à Saint-Génitour la bénédiction de trois autels par les évêques de Bourges, de Limoges et d’Angoulême. A cette occasion, note Constan- tin Gaudon dans l’Histoire du Blanc, « il y eut de grandes festivités et processions, les jeunes filles élevées à l’hôpital se faisaient remarquer par leurs costumes blancs et leurs petites bannières blanches et roses » (9) . C’est en 1882, à la fin de l’année scolaire, que Mère St Macaire (alors supérieure de l’établissement) reçut notification de la laïcisation des classes qui durent être transférées à l’extérieur. Les soins aux malades L’enseignement semble prioritaire à cette époque, mais il y avait aussi le service des malades. En 1815, le rétablissement de l’hôpital du Blanc stipule une fondation de 12 lits et l’installation d’un local des malades.Acela s’ajoute en 1849, une chambre des fous, dans la cour, et en 1851, deux chambres pour les incurables et un dortoir pour les femmes... Parmi les premières sœurs soignantes on note : - Sœur Ste Scolastique. Elle fut employée dans le service hospitalier. S’il y avait quelques malades répugnantes ou contagieuses, sr Ste Scolastique était toujours prête même en dehors de son service, 9) Constantin Gaudon, Histoire du Blanc, 1868, p. 128. - Sœur Ste Geneviève : elle se distingua lors d’une épidémie de choléra. - Sœur Marie St Vincent : son service était très bien tenu avec une propreté impeccable. On relève ainsi 14 sœurs au service des malades avant 1882. Les sœurs surent se faire aussi apprécier au service des militaires : - Sœur Ste Dosithée fut envoyée à leur service dès 1873. Elle était pleine d’attentions. Elle mourut le 8 novembre 1885 dans sa 72e année et sa 46e de religion. Sa sépulture eut lieu au Blanc et une foule immense y assista, - Sœur St Sébastien de 1886 à 1887, - Sœur Marie Florentine en 1895, - Sœur Marie Clémentine de 1895 à 1900, - Sœur Ste Luce. Le 17 septembre 1900, elle revenait au Blanc pour y prendre à l’hôpital le service des militaires. Son bon esprit, sa bonté, son dévouement la feront bientôt aimer de toutes ses sœurs et de ses chers malades comme elle les appelait. Le jour de Noël 1901, elle sentit des frissons et fut prise d’une fièvre qui, dès le début, lui enleva toutes ses forces. Les médecins finirent par reconnaître des accès de typhoïde et dirent qu’il y avait peu d’espoir de sauver la bonne sœur. Le 5 janvier 1901, elle expira doucement. Elle était dans sa 34e année et sa 11e de religion. Toute la garnison s’associa au deuil des religieuses et les soldats, par l’intermédiaire de leurs chefs, offrirent des couronnes à l’humble sœur qui les soignait avec la tendresse et le dévouement d’une mère. La garnison tout entière avec ses chefs ; colonel et commandant en tête, assista en tenue à la sépulture. Il était beau et touchant de les voir défiler en faisant respectueusement le salut mi- litaire devant sa tombe. Le major lui-même fit son éloge en ville dans plusieurs maisons. Une feuille locale, se faisant l’écho du public, consacra une de ses colonnes à faire l’éloge du dévouement de la bonne sœur (10) . Sœur Ste Hyacinthe : une personnalité attachante Elle était originaire de Mazé en Maine-et-Loire. En 1832, âgée de 22 ans, elle est envoyée au Blanc comme supérieure de la Communauté avec la responsabilité de l’Hospice. En ce temps-là, on ne voyageait pas facilement, les diligences étaient rares et la plus grande partie du parcours devait s’effectuer à cheval. Le brave homme qui avait été choisi pour l’accompagner n’était pas fort expérimenté. Il prit un chemin de traverse et s’égara. A 10 h du soir, sr Ste Hyacinthe et son guide erraientàl’aventuredansunboisqu’ilfallaitabsolument traverser. L’orage grondait, la pluie tombait, seuls les éclairs éclairaient le sentier. Le cheval était effrayé et la sœur se mourait de peur sans oser descendre de la monture que le pauvre conducteur tenait par la bride en s’efforçant de l’amadouer pour la faire avancer. 10) Archives de la Maison Mère. Les sœurs de l’hôpital « Au fil du temps... » 24 Revue des Amis du Blanc et de sa région
  • 7. Enfin la sœur aperçut une petite lumière, ils en prirent la direction. C’était bien l’hôtellerie où ils devaient passer la nuit. Ils arrivèrent épuisés de faim, de fatigue et trempés par la pluie. L’hôtelier les reçut avec bonté ; il conduisit la bonne sœur dans une chambre et alluma le feu et quand elle fut restaurée et couchée, on vint chercher ses vêtements pour les faire sécher. Le voyage se termina bien, mais la jeune sœur fut accueillie assez froidement par l’administration. Quand on la vit à l’œuvre, on lui fit confiance. « Son port noble, plein de dignité, les traits réguliers de son visage, qui reflétait une vive intelligence, une bonté exquise, attiraient l’attention et suscitaient des réflexions imprudentes.Alors elle s’entoura de précautions, elle ne sortit jamais seule sans être revêtue de sa cape, tenant toujours ses yeux modestement baissés ! » Elle quitta Le Blanc en 1837, fut supérieure générale de 1838 à 1850. Elle y revint de 1854 à 1873, comme supérieure. Elle fonda l’ouvroir en 1856 en confiant la direction à sr St Léon, ouvroir de chemiserie dans le but de procurer du travail rétribué aux jeunes filles adolescentes. 1955 : sr Thomas de Jésus (aux contagieux), sr Angèle de St Dominique (lingerie), mère Marie Edouard, sr Ste Charité (cuisine). Au premier plan, sr Yvonne (à la médecine) et sr Ste Lucienne (aux soins des opérés) Un Noël inattendu En Berry, à cette époque, à l’occasion de Noël, on mettait sur le lit des enfants, un noëlet, sorte de gâteau dont la forme ressemblait plus ou moins à un enfant ! Ce Noël-là, les jeunes filles du Blanc voulurent faire une surprise à Mère Ste Hyacinthe qui aimait beaucoup les enfants et l’idée leur vint d’habiller un noëlet à la sortie de la messe de minuit. Ainsi les sœurs auraient, elles aussi, leur noëlet. Elles le déposèrent dans le tour et sonnèrent vigoureusement avant de partir en courant. Les sœurs allaient se mettre à table. Surprise, car cela arrivait rarement, Mère Ste Hyacinthe dit : « C’est un Jésus que le Bon Dieu nous envoie, qu’il soit le bienvenu, l’heure ne pouvait être mieux choisie !  » Et elle s’empressa d’aller au tour. « Mais qu’est-ce que cela ? Ce n’est pas un enfant, c’est un monstre ! » Elle n’osait le toucher… Les sœurs accoururent et regardant de plus près, on reconnut que le monstre était inoffensif. Le lendemain, jeunes filles et sœurs partagèrent dans la joie le fameux noëlet ! Mère St Macaire (1835-1901) : une femme forte Quand elle fut envoyée au Blanc en 1875, Mère St Macaire resta stupéfaite d’être placée à la tête de cet établissement, alors un des plus considérables de la Congrégation. Elle s’y soumit religieusement. A son arrivée, elle fut accueillie avec bienveillance par l’administration et avec cordialité par ses sœurs. Elle fit de son mieux et ce mieux fut bien. En vraie fille de Jeanne Delanoue, elle n’aurait pas changé un iota à la règle pratiquant la Sainte Pauvreté et le détachement. Elle avait un grand dévouement et était toujours la première à la peine. La réputation du prochain était à l’abri quand elle était présente à une conversation. Il y avait sept ans que Mère St Macaire était au Blanc, tout allait pour le mieux, lorsque à la fin de 1882, elle reçut notification de la laïcisation des classes qu’elle aimait tant. C’était le premier coup porté au démembrement de sa maison fondée par Jeanne Delanoue elle-même. Ce fut un moment terrible, il fallait agir… Elle se met en campagne afin de trouver un asile et des ressources pour la création d’une école libre... Monsieur le baron de Villeneuve prend la tête d’une souscription. Tous les deux cherchent un local conve- nable pour quatre classes… Ils réussissent : l’école pri- maire s’installera chez madame Hérault de la Véronne en attendant la construction des classes rue de Ruffec en 1883. Six mois plus tard, l’ouvroir est aussi prié de quitter l’établissement et peu après l’asile lui-même… Le cœur de Mère St Macaire saignait, mais des cœurs charitables se dilatèrent. Un nouveau terrain est acheté pour l’Asile (= maternelle) rue Faye et les constructions destinées aux classes s’augmentent pour y recevoir l’ouvroir. Il ne restait plus à Mère St Ma- caire que la direction de son cher petit hôpital. Mais hélas ! elle n’était pas au bout de ses épreuves. Satan se trouva des adeptes parmi les nouveaux membres de la Commission hospitalière ; il en résulta une déplorable scission. On parla même de laisser l’hôpital. Mère St Macaire, qui les gênait dans leurs projets infernaux, se vit en butte aux contradictions de toutes sortes, mais ne perdit pas courage. « Dieu m’a toujours secouru à temps » disait-elle. Elle tint tête à l’ennemi, combattit, Revue des Amis du Blanc et de sa région 25 « Au fil du temps... » Les sœurs de l’hôpital
  • 8. souffrit en silence et pria pour ses persécuteurs… Les années s’écoulaient, elle demeurait ferme à son poste, forçant les méchants eux-mêmes à admirer et à louer son courage, sa vertu, sa grandeur d’âme. Audébutdel’année1900,MèreSt Macaireressentit les premières attaques du mal qui devait la conduire au tombeau. Elle continua d’abord à travailler, mais bientôt une opération fut jugée nécessaire. Dès qu’elle fut remise, elle revint au Blanc et se remit à l’œuvre avec une nouvelle ardeur. Mais hélas le mal n’était pas complètement détruit… elle s’affaiblissait de plus en plus, le mal gagnait … Le 15 septembre, elle quittait cet hôpital où elle avait tant souffert. Elle avait offert à Dieu le sacrifice de sa vie pour qu’il conservât à sa chère Communauté cet établissement qui remontait à la vénérable Mère Delanoue. Elle mourut le 7 octobre 1901 dans sa 67e année et 45e de religion. Dès que la nouvelle de sa mort fut connue au Blanc, les pauvres, les riches, les bons, les méchants eux- mêmes trouvaient quelque chose à dire à sa louange. Monsieur le Maire se fit l’écho de la population : « elle fut le bon génie de l’hospice pendant 26 ans ! (11) » … J’ai tenu à garder le style de l’époque, celui-ci ne montre-t-il pas clairement la mentalité d’alors. Le développement de l’hôpital A partir de 1882, l’enseignement étant installé hors les murs de l’hôpital, celui-ci put se développer pour le plus grand bien des habitants du Blanc. Et cela, d’autant plus qu’en 1881, un legs important de Mangin de Beauvais (ferme de Beauvais et moulin de Chavigny) permit d’apporter de grosses améliorations à l’établissement qui fonctionna alors tout à fait normalement sous le supériorat de Mère St Macaire. Cependant de 1893 à 1902, il y eut de très vives tensions entre la direction de l’hôpital et la communauté deSte AnnedelaProvidencedeSaumur.MèreSt Macaire pensait alors qu’étant donné le courant anti-religieux de l’époque, tous les prétextes étaient bons pour exacerber la tension avec la communauté. Les administrateurs envisagèrent même de renvoyer les sœurs. Mais Mère Marie St Louis, alors supérieure générale sut résister aux différents assauts de la Commission en lui rappelant adroitement mais fermement les engagements pris en 1830 par un traité définitif… Tout se calma petit à petit et la vie continua à l’hôpital ! Une épidémie de variole ! L’archiprêtre Guidault, curé du Blanc, décrit dans son journal l’épidémie de variole qui toucha la ville du Blanc. 11) Archives de la Maison Mère. « 6 mars 1908 - La ville est en ce moment sous l’impression de la panique causée par la variole. Cette épidémie sévit surtout dans le quartier de l’hospice. Toute la rue St -Lazare en est contaminée. Elle a pris naissance des familles de Roulants que l’on reçut par pitié à l’hospice, où trois sur six moururent après avoir fait leurs devoirs religieux. Deux religieuses furent atteintes, puis dans la ville, presque le même jour plusieurs cas se produisirent et aujourd’hui on en compte une quarantaine. Deux personnes ont succombé. On les a enterrées sans passer par l’église et 10 h après leur décès. Les écoles sont licenciées, les catéchismes suspendus. La municipalité a supprimé la foire importante du 8 mars. La population en masse s’est fait vacciner. Beaucoup de malades sont transportés à l’hospice où ils reçoivent les soins des religieuses dont le dévouement n’a de limites que celles de leurs forces. 25 mars - L’épidémie décroît : jusqu’ici on a compté 15 décès sur 42 cas de maladie. Il n’y a qu’un seul homme qui ait succombé. Il a été enterré 2 h après son décès. Par décision de la commission d’hygiène, on a pendant trois jours procédé à la désinfection de l’église, de tout le mobilier et des murs à deux mètres de hauteur, ainsi que du pavage. Toutes les chaises et tous les bancs mobiles ont été soumis à la vapeur de formol pendant sept heures. Le maître-autel a été lavé par un pulvérisateur. Vers le 8 mars, pendant trois jours, les reliques de St Génitour furent exposées et chaque soir on fit des prières pour obtenir la protection du St patron de la paroisse… » (12) La guerre de 1914-1918 Période bien sombre pour la France entière que cette grande guerre ! … Le Blanc n’était pas sur le front, mais la ville était devenueunebasearrièredesoins.Desconvoisdeblessés et de malades s’y succédaient. Il fallut s’organiser. C’est ainsi que trois hôpitaux fonctionnèrent au Blanc : deux ouverts spécialement pour faire face à l’urgence de cette période difficile, le SBM (13) dont le personnel est foncièrement catholique, l’autre dans le collège réquisitionné par la municipalité. C’est là que se dévouera surtout Mlle d’Airoles. Le troisième est l’hôpital mixte tenu toujours par les sœurs : - Sr Grégoire de Naziance avait la charge de supérieure de 1909 à 1919, - Sr MarieAngélina s’était déjà fait remarquer lors des épi- démies de scarlatine de 1907 et de variole en 1908. Elle 12) Cf. aussi René Desmaisons, "L’épidémie de variole au Blanc en 1908", Au fil du temps..., n° 3, janvier 2002. 13) SBM : Secours aux blessés militaires. Les sœurs de l’hôpital « Au fil du temps... » 26 Revue des Amis du Blanc et de sa région
  • 9. était alors chargée des salles militaires. Elle sera d’ailleurs honorée en 1917 de la médaille de bronze pour les services rendus, - Sr Marie-Albine était aussi pour les soins aux militaires (1901-1919), - Sr Marie Corentin (1911-1921), sr Ste Chantal (1914-1915), sr St Louis (1917-1918) et sr Félix de Valois se dévouaient aux soins des malades. Sr Félix de Valois, particulièrement, fit preuve du plus grand dévouement au détriment de sa santé  ; elle recevra, elle aussi, la médaille d’honneur des épidémies, - Sr St Ernest fut d’abord garde-malade à domicile puis plus spécialement au service des femmes incurables, - Sr St Géréon s’activait à la lingerie, tandis que sr Francis de Jésus aidait à la cuisine. « Quand un convoi de blessés est signalé, c’est un grand travail : va-et-vient avec l’hôpital mixte pour le service de stérilisation, lits à faire, préparatifs de toutes sortes… A partir de 8 h du soir on peut attendre le convoi... Oh ! Le lugubre débarquement que celui de ces malades et blessés aux vêtements collés par le sang et la boue, parfois mangés de vermines… Le dernier arrivage avait été terrible par la saleté des malheureux, plus encore que par leurs blessures. Les pieds surtout étaient dans un tel état qu’il fallait couper les souliers et mettre le tout dans un bain pour décoller les chaussettes qui tombaient alors en lambeaux avec la peau… Nos majors sont chargés du triage. Ils vont à la gare avec les infirmiers et les autos d’ambulance recevoir les blessés qui seront répartis entre les trois hôpitaux : les blessés à la Croix-Rouge et au collège, les malades à l’hôpital mixte qui a des pavillons d’isolement ... » Ainsi s’exprime mademoiselle d’Airoles relatant ce temps de guerre au Blanc (14) . Chaque lieu d’hôpital devait donc faire face aux diverses situations qui se présentaient à chaque nouveau convoi (15) . La modernisation de l’hôpital En1937,onconstruisitunpavillond’isolement,une 14) Cf. Geneviève Duhamelet, Mlle d’Airoles, Éditions de l’UCSS, 1950. 15) Sur la Seconde Guerre mondiale, cf. du même auteur, "Des sœurs dans la tourmente", Au fil du temps..., n° spécial 1, novembre 2009, p. 45 sq. clinique chirurgicale et la maternité. Il y avait alors huit religieuses ; mère Marie Madeleine de Jésus y était la supérieure. De 1952 à 1962, les entrées ont doublé, les interventions triplé et les accouchements ont augmenté de 50 %.Tout semblait aller pour le mieux ! De 1965 à 1970, l’effectif du personnel hospitalier est passé de 64 à 95 personnes avec des créations de nou- veaux postes : anesthé- siste, ophtalmologiste, gynécologue et internes. En1966 :construc- tion de services généraux : cuisine, lingerie, chaufferie, réfectoire et deux pavillons de dépannage de 34 et 24 lits. En 1970 : rénovation des bâtiments qui logeaient la chirurgie. Création de nouveaux services (médecine, consultations externes, électrocardiographie, nouvelle maternité). A la suite de ces transformations le nombre de lits passa de 140 en 1965 à 250. En 1971, une maison de retraite dépendant de l’hô- pital fut construite à la Cubissole sur un terrain apparte- nant à la commune. En juin 1982, ouverture de la maison de retraite de la rue Saint-Lazare, dans les locaux de l’hôpital an- cien : 50 pensionnaires plus 10 convalescents. En 1977, il y avait eu l’ouverture d’une école d’infirmières. Sr Jeanne d’Arc Soamanpionna, première infirmière malgache des sœurs de Jeanne Delanoue, y a fait ses études. Une école d’aides soignantes fut également créée. Sr Solange Fonteneau y participa activement. En 1981, l’hôpital comptait 226 agents. Il était le premier employeur de la ville. On comptait 50 lits pour le service de médecine avec 2 médecins, 50 lits pour la chirurgie avec 2 chirurgiens, 6 lits pour l’ophtalmologie avec un ophtalmologue, 19 lits pour la maternité avec un gynécologue, 50 lits pour les moyens et longs sé- jours au Pavillon Thomassin, 140 lits de maison de re- traite : 80 à la Cubissole, 60 rue Saint-Lazare. Une unité de radiologie était à la disposition de tous les services. Cour de l’hôpital dans les années 50 : à droite l’aile donnant sur la rue Saint-Lazare ; au centre, la clinique (à l’emplacement de l’ancien hôpital militaire) ; à gauche, partie de la chapelle Revue des Amis du Blanc et de sa région 27 « Au fil du temps... » Les sœurs de l’hôpital
  • 10. Liste des Supérieures de l’hôpital du Blanc Il est difficile de dater exactement les passages des premières supérieures. Sur plusieurs documents compulsés les dates ne correspondent pas. Mère St Louis, Mère St Jean de la Croix, Mère Marie du Calvaire, Mère St Clément, Mère St Étienne, 1854-1873 : Mère St Hyacinthe, 1873-1875 : Mère St Al- bert, 1875-1901 :MèreSt Macaire, 1901-1909 : Mère M. An- gélina, 1909-1919  : Mère Gré- goire de Naziance, 1919-1922  : Mère Ste Augustine, 1922-1928 : Mère St Ber- nardin, 1928-1936 : Mère Marie Madeleine, 1936-1943 : Mère Marie Madeleine de Jésus, 1943-1949  : Mère Louis Bertrand, 1949-1953  : Mère St Gustave, 1953  : Mère Joseph de Jésus, 1954 : Mère M. Édouard, 1955-1958 : Mère Jeanne de Chantal, 1958-1962 : Mère Marie-Madeleine, 1962-1966 : Mère St Joseph, 1966-1976 : Mère St Jean Chrysostome. Sr Solange Fonteneau (sœur de sr St Jean Chrysostome) est restée au Blanc de 1968 à 1982 (seule de 1976 à 1982), date à laquelle elle fut atteinte d’une pénible hémiplégie. Après les premiers soins à l’hôpital du Blanc, elle quitta définitivement son cher hôpital fin mars 1983. Il n’y aura plus de sœurs à l’hôpital du Blanc (16) . Souvenirs ! Souvenirs !... Plusieurs ex-employées de l’hôpital ayant bien connu les sœurs ont accepté de partager quelques souvenirs… Ne sont-ils pas porteurs de toute une vie dans cet hôpital du Blanc des années 60 à 82 ? 1) « Affectée en 1955 au Pavillon de l’hôpital, ma sœur y a connu plusieurs religieuses. Tout d’abord, sr Thomas de Jésus, puis au fil des années sr Marie- Lucie, sr Marie de la Providence… Sr Solange fut la dernière religieuse de ce service destiné à accueillir les personnes âgées ou invalides. Côté chirurgie, sr Ste Lucienne, puis sr St Jean (Chrysostome), toutes dévouées à leurs malades et très proches des familles. En médecine, sr Ste Yvonne, puis sr Marie Ste Irène, service parfois surchargé. Vers les cuisines ré- gnait sr Ste Charité aidée de son équipe. En plus des tâches régulières, il fallait également assu- rer la cueillette des dif- férents fruits et légumes du jardin et effectuer les conserves particulière- ment appréciées durant l’hiver. En ce temps-là, il y avait un jardinier. Des bâtiments que nous connaissons actuelle- ment ont été construits dans le potager d’alors. Pour la lingerie c’était sr Angèle de St Dominique. On y lavait, repassait tout le linge de l’établis- sement ». 2) «  Je travaillais à l’hôpital dans les an- nées 60. A cette époque, il était géré par les sœurs… Comment pourrais-je oublier cette petite voix de maître de "Bonne Mère Marie-Thérèse". C’est elle qui était le chef ! Qu’elle était charmante ! Toujours souriante ! En chirurgie, je travaillais sous l’œil vigilant de sr St Jean… Le soir elle était très fatiguée… Il faut dire que les sœurs se levaient avant 6 h du matin car elles allaient prier à la petite chapelle dans la cour. Quelle journée ! Jamais couchée avant 23 h et il fallait la réveiller au beau milieu de la nuit quand il y avait besoin (il faut 16) Archives de la Maison Mère. 1966 : sr Ste Bathilde (lingerie), sr St Jean Chrysostome (infirmière), Mère St Joseph (responsable), sr St Didier, sr Marie de la Providence (infirmière). Les sœurs de l’hôpital « Au fil du temps... » 28 Revue des Amis du Blanc et de sa région Jeanne d’Arc Soamanpionna, sœur Jeanne d’Arc née le 15 avril 1950, élève infirmière 1981-83
  • 11. dire qu’elle était infirmière). Puis quelques années plus tard, ce fut une surprise de voir arriver la sœur de sr St Jean, sr Solange ! Je me souviens aussi du petit pavillon au fond de l’hôpital, vers la Creuse. Il était géré par sr Hélène (je crois) ; elle passait avec une telle fluidité que j’avais l’impression de voir passer un ange. Très sérieuse elle ne parlait que lorsque c’était nécessaire, mais elle était très juste et gentille… Que de travail il fallait fournir, mais n’est-ce pas le secret d’une vie bien remplie ? Il y avait aussi un directeur que j’aimais bien : monsieur Viguier, mais on le voyait peu. Un autre souvenir me fait toujours rire : ce n’était pas la promenade des Anglais, non, mais la promenade des cafards, le long de ce vieux couloir, le soir, lorsqu’il n’y avait plus que les petites veilleuses. Étant moi-mê- me parfois veilleuse de nuit, je n’avais même pas peur, sauf quand cela faisait trop de bruit, le long des plin- thes en bois. Quand j’y repense, je me dis : « Ah, c’est bien sûr qu’il avait besoin d’être refait cet hôpital des an- nées 60. Je suis contente de ce bel hôpital moderne de maintenant, l’après 2000, même s’il m’arrive de me perdre dans ces longs couloirs !... » 3) « Pendant les vacances de Noël 1953, nous ve- nions avec mes sœurs et mon frère dans la cour de l’hô- pital pour jouer. Au milieu de cette cour, il y avait une chapelle. Nous y allions souvent pour mettre un sou qui faisaitchanterle"gloria"àl’angequirecevaitlapièce… Quand nous n’avions plus de pièces, Mère Marie Édouard vidait la "ca- gnotte" de l’an- ge et nous re- commencions ! A cette date,sr SteCha- rité travaillait aux cuisines de l’hôpital. Je l’ai connue car ma- man y faisait un remplacement. Dans cette même période sr Ste Lucienne travaillait en chirurgie. Elle me demandait ce que je voulais faire plus tard. Je lui répon- dais que je voulais faire le même travail qu’elle : soigner les malades. J’ai dû être entendue car à 28 ans, j’ai commencé à travailler à l’hôpital pour y faire toute une carrière... » 4) « Durant cette période j’ai bien connu sr St Jean infirmière en chirurgie au rez-de-chaussée et sr Solan- ge qui nous faisaient les cours d’aide soignantes. Elle passait aussi près des malades pour savoir ce qu’ils voulaient manger. Je dirais que j’ai été très marquée en bien par Bonne Mère Marie Édouard et sr Ste Lu- cienne. En 1955, j’ai connu sr Gabrielle, sr Marie-Édouard, très calme, très douce, elle essayait d’arrondir les angles – Sr St Didier avec qui il était facile si l’on avait de bons rapports avec elle, sinon il fallait faire attention. Elle voulait que son personnel assiste à la messe le dimanche matin. Sr St Barthélémy était au pavillon. Elle était douce, calme, ne voulant faire de peine à personne. Sr St Jean était en chirurgie... » Les sœurs quitteront officiellement l’hôpital du Blanc en 1976. Seule sr Solange Fonteneau restera jusqu’en 1982. Cependant la petite graine semée en terre du Blanc en 1728 est devenue un grand arbre ! Tout peut continuer, espérons-le, pour longtemps encore… Que deviendrait la ville sans ce fleuron qui, contre vents et marées, a rendu tant de services à la population ? (Illustrations : Archives de la Maison Mère de Saumur et coll. des Amis du Blanc) * * * Entrée de l’hôpital (2008) Revue des Amis du Blanc et de sa région 33 « Au fil du temps... » Les sœurs de l’hôpital