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ACTUALITÉS LE GAG
nutes, mais en vues, en “like” et en
“followers”. Pour ces stats, ils sont
prêts à tout. Ou plutôt, à rien. Ces
ersatz des stars de la téléréalité (tu
parles d’une dégénérescence…)
buzzent du vide, beaucoup de vide.
Une inanité artistique inversement
proportionnelle à leur prétention
d’être pris au sérieux. La figure ar-
chétypique de cette génération
LES BUZZEURS DU
WEB BELGE
e buzz. Voilà le responsable.
Un mot passe-partout, deve-
nu presque vulgaire, qui a
nécrosé la vie médiatique et
culturelle. À sa trousse, des
quidams qui sont en quête
de la moindre minute de
notoriété. Sauf que
sur Internet, on ne
compte plus en mi-
Vague sosie de Justin Bieber, le Verviétois Christopher a 138.000 fans sur
Facebook. Auteur d’une chanson improbable (Çavad’aller), le Louviérois
Freddy Tougaux casse la baraque. Buzzer sur le Net, un job comme un autre?
double zéro se prénomme Christo-
pher Hagelstein. Ou plutôt Chris
Bieber, puisque ce Verviétois de 18
ans joue depuis deux ans les sosies
du petit Canadien Justin Bieber.
Repéré par un agent et encouragé à
fond par ses parents, il enchaîne
les séances de dédicaces, loue une
limousine pour faire un tour avec
ses fans, crée des émeutes, se pro-
Christopher
Hagelstein alias
Chris Bieber
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2. duit en showcase dans des boîtes
de nuit et se lance même dans la
musique avec un clip - Accroche-toi
à moi - dont la musique et le mon-
tage réussissent la prouesse d’éga-
ler l’abyssale vacuité du texte.
Et à force de faire semblant, il finit
par crocheter les portes du “vrai”
showbiz. Sans mérite, sinon celui
d’une (vague!) ressemblance avec
son idole; sans talent, sinon celui
de la comédie; mais avec beaucoup
de culot. “Christopher est un as de
la communication, confie son agent
Éloy Dufranne. Il a compris que tant
qu’on parle de lui, que ce soit en
bien ou en mal, il existe. Et là, il
existe énormément.”
JE BUZZE DONC JE SUIS
En effet. Pour preuve, sa fan-base
de 138.000 fans sur Facebook et
87.000 followers sur Twitter, consti-
tuée principalement d’adolescentes
en fleur qui le trouvent vraiment
“trooop sexy”. Surtout lorsqu’il dé-
voile ses fesses sur Internet
comme son idole ou pose nu pour
la Saint-Valentin… À côté des grou-
pies, sévit une autre communauté,
celle de ses détracteurs qui le
flinguent allègrement. Résultat, ses
vidéos sur Youtube comptabilisent
systématiquement plus de votes
négatifs que positifs. Et les com-
mentaires, eux, oscillent entre la
moquerie et l’insulte.
Chris Bieber est loin d’être un cas
isolé. Tous ceux qui exhibent sur le
Net un talent tout relatif s’exposent
à ces retours de bâton. Et même
lorsqu’on affirme se produire “pour
le fun”, on prend généralement la
critique au premier degré: ”Ça ne
me touche absolument pas, mais je
ne comprends pas pourquoi ça les
amuse de critiquer“, confie Mary-L,
une ancienne “élue” carolo du web,
aujourd’hui reconvertie dans la
chanson. “Les frustrés n’ont comme
défense que l’insulte.“
Beaucoup choisissent alors de blo-
quer la possibilité de commenter ou
de noter leur vidéo. Pas Chris Bie-
ber. “Ce sont les gens qui ne m’ai-
ment pas qui me font le plus de pub.
Par exemple, grâce à 100 ou 200
personnes qui m’ont descendu sur
Twitter il y a quelques jours, j’ai ga-
gné plus de 10.000 followers. Avoir
des jaloux, c’est très important.”
Une mauvaise pub est avant tout
une pub… In fine, certains arrivent
même à en tirer un profit pécuniaire.
Joharno, véritable légende du web,
est ainsi devenu le premier blogueur
belge payé par Youtube pour ses
monologues devant webcam. Quant
à Chris, outre ses prestations rému-
nérées (dont la demi-heure peut se
monnayer jusqu’à 600 €), ce sont
ses apparitions en télé, gratuites en
Belgique mais pas en France, qui lui
rapportent. Pas étonnant du coup
de le voir multiplier les plateaux:
TF1, France 2, France 3, M6, Direct
8, Star TV… Même la RTBF et RTL!
D’autant que les chaînes sont de-
mandeuses… “C’est une éponge à
clics, confie Aurore Peignois, une ex
de RTL, qui l’a interviewé en vidéo
pour le site de la chaîne. On le nour-
rit, mais il nous nourrit aussi.” At-
tention cependant à ne pas vampi-
riser un garçon qui ne mesure
peut-être pas les conséquences à
long terme… “Le web n’oublie pas.
Par exemple, la vidéo où il chante Je
l’aime à mourir est visible sur le site
de RTL jusqu’en 2019. Dans six
ans, on pourra donc encore se
foutre de sa gueule… Quand un
recruteur tapera son nom sur
Google, quelles seront alors ses
chances d’obtenir un emploi?” Peu
de chances que Christopher ac-
corde beaucoup d’importance à
ces considérations: il vient de par-
ticiper à sa première téléréalité, Les
sosies à Hollywood, diffusée uni-
quement en France depuis la se-
maine dernière et, nous rapporte-t-
on, d’une inertie sans nom. Pour
lui, une consécration.
DON QUI BUZZE
Heureusement, le web n’est pas
seulement peuplé de ces never
been. Il existe aussi des types qui
se jouent du buzz avec second de-
gré et dérision. Comme Freddy Tou-
gaux. Qui? “Une espèce de philo-
sophe du quotidien, qui donne ses
conseils tout faits, sur tout et sur
rien”, explique son créateur, David
Creuse, un comédien louviérois de
45 ans. Et si Chris Bieber est le
cousin spirituel de l’improbable
Mickaël Vendetta, Freddy Tougaux
est, lui, le frère d’armes de
Les autres “stars”
JOHARNO 600.000 VUES
Ce baraki patenté, supporter
d’Anderlecht, est la 28e
per-
sonne la plus regardée sur
YouTube.
MARY-L 175.000 VUES
Rebaptisée la “Shakira fran-
çaise” par un twitto sans doute
borgne, elle nous en fait voir de
“toutes les couleurs” (c’est le
nom d’un de ses tubes) avec sa
lingerie fine tout droit sortie
d’un Cash Converter.
NATOHÉ 22.000 VUES
On ne retiendra que cette cri-
tique de Pure FM: ”Elle a des
yeux qui crient braguette, elle
est maquillée comme une ba-
gnole tunée, elle est inespérée,
elle est parfaite”. La chanteuse
verviétoise assume: ”Mon côté
un peu kitsch m’a attiré les
foudres de nombreuses per-
sonnes. Mais ça m’encourage à
m’améliorer”.
ê
MathieuBuyse
David Creuse alias
Freddy Tougaux:
2 millions de vues
sur le Net.
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ACTUALITÉS BUZZEURS BELGES
Rémi Gaillard (autre curiosité
absolue du Net) et de son célèbre
slogan: “C’est en faisant n’importe
quoi qu’on peut devenir n’importe
qui”. N’importe quoi comme la
chanson Ça va d’aller. “Une bou-
tade“ qui - après un passage sur
M6 dans La France a un incroyable
talent - va atteindre près de 2 mil-
lions de vues. “Certains se défro-
queraient ou feraient des choses de
dingues au premier degré pour faire
le buzz. Ici, rien n’était calculé”, cer-
tifie le comédien. Assurément, l’une
des raisons du succès de cette
vidéo qui fait du bien.
Et Gilles Morin, son producteur et
patron des Kings of Comedy, de ra-
conter: “Un jour, on a reçu un mes-
sage: ”Mon père est malade d’un
cancer, Freddy ne peut-il pas l’appe-
ler pour lui dire “Ça va d’aller”?””
Mais ce morceau n’est pas seule-
ment une chanson thérapeutique,
c’est aussi un ultime pied de nez à
une certaine frange du web. A mille
lieues de ces turpitudes, Freddy
Tougaux s’est fixé un objectif ab-
surde: battre le record du milliard de
vues de la chanson Gangnam Style.
”C’est le Don Quichotte du Net, avec
des luttes dérisoires et des combats
perdus d’avance, avance David/
Freddy. L’idée, c’est s’attaquer à
l’industrie pop coréenne qui, avec
sa sous-culture, a écrasé le Vieux
Continent…” Lequel se convainc
que Ça va d’aller… Parce que,
comme le dit Freddy, “chacun chez
soi on est tout seul… Si tu cliques,
ça ne fait qu’un clic. Mais quand
tous les chacun sont ensemble, ça
fait tout le monde. Et si tout le
monde clique, on dépasse large-
ment un milliard hein”. Imparable.
hPierre Scheurette (st.)
kFaire le buzz, c’est une obsession?
CHRIS BIEBER - Non, mais ça me permet d’exister dans le
monde du showbiz. Si je ne fais pas le buzz, je suis
mort, on n’entend plus parler de moi, je n’existe plus.
kPourquoi est-ce si important?
C.B. - Parce que ça a beaucoup d’avantages: je fais des
plateaux, je rencontre mes idoles comme Justin ou
Rihanna, je vais à Los Angeles, je gagne pas mal d’ar-
gent, je roule en BMW, je bois gratuit en boîte…
kPourquoi t’es-tu lancé dans la musique?
C.B. - On m’y a poussé… Moi, je ne sais pas chanter du
tout: heureusement que les studios étaient là! Mais les
fans en redemandent. Elles craquent sur mon physique
et sur les paroles d’amour. J’ai un public assez jeune,
donc vite emballé à partir de pas grand-chose.
kHonnêtement, tu trouves vraiment que tu
ressembles à Justin Bieber?
C.B. - Juste un petit peu quand je mets la casquette et
quand je prends la pose… Mais les fans de Justin disent
que oui, ce sont elles qui me font douter. En fait, je m’en
fous un peu de lui ressembler ou pas… Tant que ça
marche.
kMérites-tu cette célébrité?
C.B. - Non, il y a des chanteurs qui ne sont pas connus
mais qui ont beaucoup de talent. Moi, je n’ai pas du tout
de talent… Mais j’essaie d’en créer un!
kTu es heureux?
C.B. - Franchement, je m’éclate. Il y a beaucoup de mo-
queries à gauche, à droite, mais ça fait partie du jeu. Et
le positif rattrape le négatif. Donc oui, je suis heureux,
très heureux.
Chris Bieber
“FRANCHEMENT,
JE M’ÉCLATE”
ê
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