Le Foyer Des Lycéennes, Un Internat Taille Patronne
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SPÉCIAL DIVERSITÉ
Le Foyer des lycéennes, un internat taille patronne
LE MONDE ECONOMIE | 08.03.10 | 10h43
e quartier est rassurant pour les parents. L'Ouest chic et bon teint, en plein coeur du 16e arrondissement
parisien. C'est là, au coin de la rue du Docteur-Blanche, que se dresse un fleuron architectural accueillant
la fine fleur des étudiantes. Les 490 pensionnaires du Foyer des lycéennes sont toutes inscrites dans les
grandes classes préparatoires de la capitale.
Des demoiselles à peine majeures, qui sont appelées à suivre de brillantes études, puis à occuper des
fonctions importantes. C'est d'ailleurs pour cette raison que ces jeunes filles sont prêtes à sacrifier deux ans de
leur vie dans ce "bagne", dixit madame la proviseure. Garçons interdits, ou presque. "Le bagne ? C'est
exagéré, sourit Clémentine. Mais c'est vrai qu'à part les concours, nous ne pensons pas à grand-chose." A 19
ans, cette petite brune venue de Rouen prépare les examens des écoles de commerce au lycée Henri-IV. Elle ne
postule que dans les "parisiennes", les business schools les plus réputées. Clémentine dort, mange, pleure, rit
et surtout étudie dans ce grand bâtiment de verre et de pierre.
A sa création, en 1954, l'internat devait héberger des jeunes filles de province "pauvres et méritantes",
montées à la capitale pour leurs études. "Aujourd'hui, notre mission est de prendre en charge des jeunes filles
venues du monde entier inscrites en prépa à Paris, et qui, autrement, n'auraient aucune chance d'étudier
dans de bonnes conditions", glisse Françoise Leblond, la proviseure de l'établissement. La plupart des places
en internat dans les grands lycées parisiens sont en effet réservées aux garçons.
C'est le cas notamment d'Henri-IV et de Stanislas. L'établissement a été conçu pour compenser cette inégalité
de fait, qui existe toujours un demi-siècle plus tard. Le loyer pour une chambre se limite à 2 000 euros par an,
bien en deçà des prix parisiens. Résultat, les postulantes se pressent au portillon. Elles sont dix pour une
place. "A dossier scolaire comparable, nous faisons notre choix sur les critères sociaux et l'éloignement du
domicile. Cette année, nous comptons 34 % de boursières, alors qu'en moyenne il n'y a que 8 % à 10 %
d'élèves boursiers en classe préparatoire", souligne Mme Leblond.
A peine sorties d'une longue journée de cours, Alison, Marion, Morgane et Wafa rejoignent Clémentine dans
une salle d'étude. Les jeunes filles chuchotent pour ne pas déranger leurs camarades, absorbées par leurs
livres dans les pièces voisines. Mais elles ne se gênent pas pour clamer haut et fort leurs ambitions. Affronter
les garçons ne leur fait pas peur. Etre manager non plus. "En prépa HEC, c'est le but des filles comme des
garçons. Je ne me sens pas forcément légitime aujourd'hui, mais après un bon diplôme, j'en aurai les
capacités", souligne Clémentine, qui entend prendre elle-même les décisions et faire ce qui lui plaît. Les autres
acquiescent à l'unisson.
Une attitude qui n'est pas toujours du goût de leurs camarades masculins, même jeunes, ouverts et brillants.
Alison en a d'ailleurs fait les frais récemment. Inscrite cette année au lycée Claude-Bernard, elle est l'une des
deux seules filles de sa classe préparatoire scientifique, une filière masculine par excellence. "C'est la première
fois que je rencontre des attitudes sexistes." Les blagues restent potaches, assure-t-elle, mais l'idée de "rester
mère au foyer" lui a alors traversé l'esprit. Alison s'est vite ressaisie. Son rêve, c'est toujours d'arborer le
bicorne de l'Ecole polytechnique, pour ensuite monter sa propre société d'informatique. Le nom de cette
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3504,50-1315838,0.html 09/03/2010