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UNIVERSITE DE DROIT D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-
MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE
Centre de Droit Maritime et
des Transports
Mémoire présenté par M. Jean-Charles VINCENT
« Responsabilité et obligations du chargeur en
conteneur »
Master II - Droit Maritime et des Transports
Année universitaire 2006/2007
Directeur : Christian Scapel
3, avenue Robert Schuman - 13628 Aix-en-Provence CEDEX 1
Tél. 04.42.17.28.62 - 04.91.13.74.74 - Fax. 04.42.17.28.62
2
A trois hommes de négoce et de droit
maritime :
Mon père,
Ma référence, Jean-Pierre ABITBOL,
Mon mentor, Max DENERY.
A mon épouse Christine, toujours présente dans les moments difficiles.
A mes enfants Arnaud et Mathilde,
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION p.4
Chapitre 1 - LE CADRE JURIDIQUE p.6
Section 1 - Evolution de la notion de responsabilité du transporteur et par suite,
du chargeur p.6
a) L’ « Ordonnance de la Marine » p.6
b) Le Code Civil et le Code de Commerce p.7
c) La « Common Law » Britannique p.8
d) Le « Harter Act » Américain p.10
e) Les Règles de La Haye p.10
Section 2 - La Convention de Bruxelles de 1924 p.11
a) Présentation de la Convention p.11
b) Le chargeur dans la Convention de Bruxelles p.12
Section 3 - Les autres conventions internationales p.13
a) La Convention de Hambourg p.13
b) Le projet de la CNUDCI p.14
Section 4 - La loi française de 1966 p.16
Section 5 - Rappel sur le régime général de responsabilité p.17
Chapitre 2 – LES LIMITATIONS DE RESPONSABILITE p.18
Section 1 - Les limitations au bénéfice du transporteur maritime p.18
a) Au regard de la Convention de Bruxelles p.18
b) Au regard de la Convention de Hambourg p.19
c) Au regard de la Loi française de 1966 p.20
4
Section 2 - La limitation de responsabilité du propriétaire de navire p.21
Section 3 - Vers une limitation de la responsabilité du chargeur ? p.24
Chapitre 3 – LES FAUTES DU CHARGEUR DE CONTENEUR ENGAGEANT
SA RESPONSABILITE p.27
Section 1 - Les documents afférents à la marchandise en conteneur p.27
a) La fausse déclaration p.27
b) Le défaut de documentation p.29
c) Les instructions p.29
Section 2 - L’empotage du conteneur p.30
a) Le calage et l’arrimage p.30
b) Le choix d’un conteneur inadapté p.32
Section 3 - La vérification du conteneur p.34
a) Le mauvais état du conteneur p.34
b) Le réglage de la température et des volets p.36
Section 4 - La préparation de la marchandise p.37
a) L’emballage et le conditionnement p.37
b) La pré-réfrigération p.38
c) Le vice propre p.39
d) L’impossibilité de vérification par le
transporteur maritime p.40
e) Le cas particulier des marchandises dangereuses p.42
Section 5 - Un exemple de faute non soulevée p.48
5
Chapitre 4 – LES DEVOIRS DU CHARGEUR DE CONTENEUR p.49
Section 1 - La préparation de l’expédition p.51
Section 2 - L’empotage du conteneur p.54
Section 3 - La déclaration et les instructions du chargeur p.56
Chapitre 5 – LES TRAVAUX DE LA CNUDCI p.59
CONCLUSION p.67
LEXIQUE p.71
BIBLIOGRAPHIE p.72
SITES INTERNET p.73
ANNEXES p.74
6
RESPONSABILITE ET OBLIGATIONS DU
CHARGEUR EN CONTENEUR
INTRODUCTION
En raison de considérations historiques et des aléas de la navigation maritime, la
responsabilité du transporteur maritime obéit à un régime spécial et moins rigoureux
que celui applicable aux autres transporteurs, notamment aux transporteurs terrestres. Il
n’en demeure pas moins que le transporteur maritime est présumé responsable en cas de
dommages à la marchandise transportée.
Cette présomption de responsabilité est apparue sous sa forme actuelle dans le cadre de
la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 et a été confirmée en droit français par la
Loi n°66-420 du 18 juin 1966 et le Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 qui font état
d’un certain nombre de cas exceptés pouvant exonérer le transporteur maritime de sa
responsabilité présumée.
Ces cas exceptés sont de trois types :
- cas exceptés liés au navire,
- cas exceptés extérieurs tant au navire qu’à la cargaison,
- cas exceptés liés à la cargaison.
Parmi ces derniers figurent le vice propre de la marchandise mais aussi et surtout, la
faute du chargeur.
7
Si les textes précités sont toujours applicables et plus que jamais appliqués, force est de
constater qu’ils ont été rédigés avant cette extraordinaire évolution du transport
maritime qu’a été l’apparition puis la généralisation du transport en conteneur dans le
dernier quart du XXème
siècle.
De ce fait, les transporteurs maritimes, du moins ceux qui exploitent des navires porte-
conteneurs (voire des navires rouliers qui les acceptent) ne transportent plus de la
marchandise en tant que telle mais seulement des « boites » la contenant.
Dans l’immense majorité des cas, les conteneurs sont empotés par le chargeur qui est
également le vendeur de la marchandise ou par le substitué avec lequel il contracte à cet
effet. Le transporteur maritime ne sait ce qu’il transporte que par la désignation de la
marchandise figurant sur le connaissement qui spécifie généralement « X conteneur(s)
disant contenir … (said to contain ou STC en langue anglaise).
Cela n’est pas sans incidence sur la recherche de responsabilité lorsque, à l’issue du
transport, la marchandise n’est pas livrée au destinataire dans l’état dans lequel elle est
censée avoir été remise au transporteur.
Ce mémoire a donc pour finalité d’étudier les raisons pour lesquelles la responsabilité
du chargeur en conteneur a pu être retenue par les juridictions françaises et de dresser,
d’une façon forcément non exhaustive, les devoirs du chargeur en conteneur* afin que
sa responsabilité ne puisse être engagée.
* D’un strict point de vue sémantique, faut-il dire « chargeur en conteneur » ou « chargeur de
conteneur » ? Nous retiendrons la première expression car c’est bien la marchandise qui est l’objet de
l’activité du chargeur.
8
Chapitre 1
LE CADRE JURIDIQUE
Section 1 - Evolution de la notion de responsabilité du transporteur et
par suite, du chargeur
a) L’ « Ordonnance de la Marine » de 1681
C’est cette ordonnance (1)
que l’on doit à Jean-Baptiste COLBERT, principal ministre
du Roi Louis XIV, qui, pour la première fois structure réellement l’activité maritime en
France (2)
et codifie le droit maritime. Il convient de donner acte à COLBERT que sous
son impulsion, la flotte française est passée de 18 vaisseaux en 1661 à 276 vaisseaux en
1683 (3)
.
Ce texte fondamental prévoyait déjà certaines situations que nous nommons aujourd’hui
cas exceptés (4)
.
Sans que le terme de responsabilité soit employé dans cette ordonnance, force est de
constater que celle du propriétaire ou du maître (capitaine) du navire, bref du
transporteur au sens large par opposition au « marchand chargeur », ne pouvait être que
faiblement engagée.
(1) Dont le triple objet était de « – fixer la jurisprudence des contrats maritimes, jusque là
incertaine – régler la juridiction des gens de l’Amirauté et les principaux devoirs des gens de
mer – établir une bonne police dans les ports, côtes et rades »Ainsi que les assurances
maritimes, la pêche, les ports, la surveillance du littoral, etc … Cette ordonnance qui est la plus
aboutie fait suite à celles de Charles VI (déc. 1400), Louis XI (Oct. 1480), François Ier
(juil.
1517 et Fév. 1543), Charles IX (Avr. 1562), Henri III (Mars 1584) et Louis XIII (Juil. 1634 et
Mars 1635)
(2) Dictionnaire d’histoire de France, PERRIN
(3) Sur l’innavigabilité du navire, cf Titre III « Du fret ou nolis » - Sur les causes extérieures, cf
Titre III et Titre VII « Des avaries » - Sur la cargaison, cf Titre VII et Titre VIII «Du jet & de la
contribution »
(4) Faits qui exonèrent le transporteur maritime de sa responsabilité
9
Cela est aisément compréhensible car la politique suivie était de développer la flotte
Française et par là même, favoriser la construction et l’armement des navires sans trop
d’astreintes pour les investisseurs et les officiers navigants.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que les membres de la noblesse, à qui le travail était
interdit, pouvaient exercer une activité maritime (5)
.
b) Le Code Civil (1804) et le Code de Commerce (1807)
Suite à la rédaction et à la codification des lois survenues sous le premier empire, le
transporteur maritime était soumis à un régime beaucoup plus sévère de responsabilité,
d’ordre contractuel, conformément au droit commun, considéré par certains comme une
« obligation stricte de résultats » (6)
comme cela était déjà le cas en Angleterre ainsi que
nous le verrons plus loin.
Néanmoins, en application des dispositions des articles 1147 et 1148 du Code Civil et
230 du Code de Commerce (7)
, le transporteur maritime était exonéré de toute
responsabilité lorsqu’il prouvait que les dommages survenus aux marchandises
résultaient d’une cause étrangère qui ne lui était pas imputable comme un cas fortuit, un
cas de force majeure, un vice propre de la marchandise, la faute du chargeur ou le fait
d’un tiers qu’il n’avait pu ni prévoir ni empêcher (8)
.
(5) notamment « faire construire ou acheter des navires, les équiper pour eux, les fréter à
d’autres, et faire le commerce par la mer par eux ou par personnes interposées, sans que par
raison de ce les Gentilshommes soient réputés faire acte dérogeant à la noblesse, pourvu qu’ils
ne vendent point en détail »
(6) CAUSES LÉGALES D’EXONÉRATION DU TRANSPORTEUR MARITIME DANS LE
TRANSPORT DE MARCHANDISES par Claude CHAIBAN, Étude en droit libanais, français
et anglo-saxon cité en (8)
(7) Abrogé et remplacé par la Loi du 18 juin 1966
(8) LA NEUTRALISATION DU « CAS EXCEPTE » PAR LA PREUVE DE LA FAUTE DU
TRANSPORTEUR par André JEBRAYEL, Thèse pour le Doctorat en Droit (1986), Faculté de
Droit et de Sciences Politiques d’Aix-Marseille
10
En outre, il était responsable en droit français, d’après le droit commun et avant la
convention de Bruxelles, des fautes du capitaine, du pilote et des membres de
l’équipage (9)
, ainsi que de celles de ses préposés terrestres (10)
.
Il s’évince de ces dispositions légales que, si le régime de responsabilité du transporteur
maritime s’est considérablement durci en France entre le XVIIème
et le XIXème
siècle,
c’est aussi au cours de cette période que la notion de faute du chargeur est apparue.
Avant d’aborder la Convention de Bruxelles de 1924 qui mit fin à plusieurs décennies
d’opposition entre chargeurs et transporteurs maritimes quand à la responsabilité de ces
derniers, il convient d’exposer sommairement les principes en vigueur en Angleterre et
aux Etats-Unis d’Amérique sur ce point aux XVIIIème
et XIXème
siècles.
c) La « COMMON LAW » Britannique
Le droit coutumier rendait déjà le transporteur maritime responsable de l’arrivée à bon
port de la marchandise dont il se chargeait, sauf toutefois, preuve de l’un des quatre cas
d’exonération coutumiers, à savoir :
- l’acte de Dieu,
- le vice propre de la marchandise et l’emballage défectueux,
- les ennemis du Roi, et
- le jet à la mer (11)
.
En dehors de ces cas, sa responsabilité se trouvait engagée de plein droit (12)
sans qu’il y
ait besoin d’établir sa faute.
(9) Article 216 du Code de Commerce abrogé par la Loi du 18 juin 1966
(10) Article 1384 du Code Civil
(11) Egalement prévu par l’Ordonnance de la Marine précitée, pour sauvegarder si nécessaire,
navire, équipage et cargaison
(12) André JEBRAYEL, op. cité page 5
11
Néanmoins, le transporteur maritime perdait le bénéfice de ces exonérations lorsqu’il ne
prenait pas les mesures raisonnables (reasonable steps) pour les éviter ainsi que leurs
effets possibles ou pour juguler leurs conséquences.
L’innavigabilité du navire antérieurement au voyage l’empêchait également de se
prévaloir de ces exonérations si elle était à l’origine du dommage.
La « Common Law » et la jurisprudence qui s’en est suivie ont été fortement marquées
par le célèbre jugement COGGS v. BERNARD rendu par Lord HOLT en 1703 qui
stipulait : « Celui qui entreprend de transporter, saines et sauves, des marchandises, est
responsable de tout dommage qu’elles peuvent subir par le transport par suite de sa
négligence, même s’il n’est pas un transporteur professionnel ».
Lord HOLT précisait toutefois que seul un évènement constitutif d’acte de Dieu (Act of
God) ou le fait des ennemis du Roi (ennemies of the King) pouvaient dégager le
transporteur de cette responsabilité.
Les contraintes du régime de responsabilité ont incité les transporteurs maritimes
Anglais à insérer dans leurs connaissements de multiples clauses de non responsabilité
dites « negligences clauses », leur permettant de pratiquer des frets peu élevés et de
concurrencer ainsi avantageusement leurs concurrents étrangers qui ne pouvaient s’en
prévaloir. Pour les chargeurs, si le prix du transport diminuait, le risque augmentait
considérablement en cas de sinistre.
L'habitude d'insérer dans les connaissements de telles "negligences clauses" était le fait
d'importantes compagnies maritimes anglaises, dont les dirigeants siégeaient au
Parlement.
En conséquence, ni le pouvoir législatif, ni les tribunaux anglais, n'étaient enclins à
entendre les plaintes des chargeurs contre ces pratiques. C'est aux Etats-Unis, où une
part prépondérante du commerce international était contrôlée par des intérêts anglais,
que les plaintes des chargeurs reçurent un écho favorable.
12
La situation exigeait l'intervention du législateur. Tel fut l'objet du « Harter Act », voté
par le Parlement américain en 1893.
d) Le « HARTER ACT » Américain
La situation était en effet différente aux Etats-Unis d’Amérique dans la mesure où ce
que l’on appellerait aujourd’hui le « lobby » des chargeurs était plus puissant que celui
des transporteurs maritimes.
En 1893, le parlement américain adoptait donc un texte de loi intitulé « Harter Act »
protégeant les chargeurs en prohibant l'insertion dans les connaissements des clauses
d'exonération pour les pertes ou avaries résultant de fautes ou de négligences dans le
chargement, l'arrimage, la garde ou la livraison des marchandises .
Le Doyen RODIERE estimait décisif, dans l'évolution mondiale du droit des transports,
le rôle joué par le « Harter Act » qui instaura un équilibre entre les intérêts des
transporteurs maritimes et ceux des chargeurs et qui ouvrit la voie aux « Règles de La
Haye » de 1921 suivies de la « Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour
l'unification de certaines règles en matière de connaissement » (13)
.
Le « Harter Act » allait rapidement faire école dans les « dominions » britanniques,
Australie, Nouvelle-Zélande, puis Canada qui adoptaient, au début du XXe
siècle, des
textes s’en inspirant fortement.
e) Les Règles de La Haye
Lors d’une conférence internationale réunie en 1921 à La Haye, l’Angleterre, sous la
pression de ses transporteurs maritimes, a déployé une grande activité pour éviter que
soit adopté un texte impératif.
(13) TRAITE GENERAL DE DROIT MARITIME, Tomes 1 & 2, par René RODIERE, éd.
DALLOZ 1967
13
Cette conférence publiera finalement « Les règles de la Haye », consistant en un
connaissement type, qui n'auront jamais le succès escompté du fait de leur caractère
supplétif.
Mais trois ans plus tard, le 25 août 1924, sera adoptée la « Convention internationale
pour l'unification de certaines règles en matière de connaissements », héritière directe
du « Harter Act » américain, qui sera ratifiée par l'essentiel de la communauté maritime
internationale de l'époque et entrera en vigueur le 2 juin 1931.
Section 2 - La Convention de Bruxelles de 1924
a) Présentation de la Convention
Cette convention, désignée parfois improprement sous la dénomination « Règles de La
Haye », a été adoptée en France par la Loi du 9 avril 1936 et mise en application par le
Décret du 25 mars 1937 (14)
. A ce jour, soixante dix-huit états sont liés par cette
convention.
Un premier protocole modificatif a été signé le 23 février 1968 et est entré en
application le 23 juin 1977. Vingt pays, dont la France, sont parties à ce protocole
également appelé « Règles de Visby » ou encore « Règles de La Haye-Visby »
Ce protocole de 1968 a modifié les articles 3 (§4 et 6), 4 (§5), 9 et 10 de la convention
originelle et rajouté un paragraphe 6 bis à l’article 3 ainsi qu’un article 4 bis.
Un second protocole modificatif a été signé, également à Bruxelles, le 21 décembre
1979, qui est applicable exclusivement à la version amendée par le protocole de 1968.
Ce deuxième protocole, a également signé par la France, est entré en vigueur le 18 mai
1986. Il fait suite à l’abandon de l’étalon Or et lui substitue le DTS (Droit de tirage
spécial) (15)
.
(14) PRECIS DE DROIT MARITIME par Georges RIPERT, DALLOZ, 4ème
éd. – 1947
(15) LAMY TRANSPORTS Tome 2, éd.Lamy, 2005
14
La Convention de Bruxelles met en place un régime de responsabilité objective du
transporteur maritime. Si la marchandise est endommagée à l'arrivée, le transporteur
maritime est présumé responsable. Cette présomption n'est pas irréfragable, le
transporteur peut la combattre et s'exonérer de sa responsabilité en invoquant un des cas
exceptés prévus par la Convention. En outre, le transporteur bénéficie d'une limitation
de responsabilité qui se traduit par un plafonnement de l'indemnisation de l’ayant droit,
destinataire ou chargeur.
b) Le chargeur dans la Convention de Bruxelles
Le chargeur est cité dans la Convention de Bruxelles pour la première fois au titre de
l’article 3, §5 : « Le chargeur sera considéré avoir garanti au transporteur, au moment
du chargement, l'exactitude des marques, du nombre, de la quantité et du poids tels
qu'ils sont fournis par lui, et le chargeur indemnisera le transporteur de toutes pertes,
dommages et dépenses provenant ou résultant d'inexactitudes sur ces points. Le droit du
transporteur à pareille indemnité ne limitera d'aucune façon sa responsabilité et ses
engagements sous l'empire du contrat de transport vis-à-vis de toute personne autre
que le chargeur ».
La responsabilité du chargeur peut également être mise en cause aux termes des
dispositions de l’article 4, §2, partiellement reproduit ci-après :
« Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage
résultant ou provenant :
(i) D'un acte ou d'une omission du chargeur ou propriétaire des marchandises, de son
agent ou représentant;
(m) De la freinte en volume ou en poids ou de toute autre perte ou dommage résultant
de vice caché, nature spéciale ou vice propre de la marchandise ;
(n) D'une insuffisance d'emballage ;
(o) D'une insuffisance ou imperfection de marques ;
15
(p) De vices cachés échappant à une diligence raisonnable ;
(q) De toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur ou du
fait ou de la faute des agents ou préposés du transporteur, mais le fardeau de la preuve
incombera à la personne réclamant le bénéfice de cette exception et il lui appartiendra
de montrer que ni la faute personnelle ni le fait du transporteur ni la faute ou le fait des
agents ou préposés du transporteur n'ont contribué à la perte ou au dommage. »
Notons également le troisième paragraphe du même article 4 : « Le chargeur ne sera
pas responsable des pertes ou dommages subis par le transporteur ou le navire et qui
proviendraient ou résulteraient de toute cause quelconque sans qu'il y ait acte, faute ou
négligence du chargeur, de ses agents ou de ses préposés », ainsi que le dernier alinéa
du cinquième paragraphe : « Ni le transporteur ni le navire ne seront en aucun cas
responsables pour perte ou dommage causé aux marchandises ou les concernant, si
dans le connaissement le chargeur a fait sciemment une déclaration fausse de leur
nature ou de leur valeur ».
Il s’évince des paragraphes 3 et 4 que la fausse déclaration du chargeur exonère le
transporteur maritime de toute responsabilité, quand bien même la cause de l’avarie ou
des dommages ne trouverait pas son origine dans l’inexactitude de la déclaration.
Nous verrons dans le troisième chapitre de ce mémoire que la conteneurisation a généré
d’autres éléments de nature à engager la responsabilité du chargeur.
Section 3 - Les autres conventions internationales
a) La Convention de Hambourg
Il s’agit tout d’abord de la « Convention des Nations Unies sur le transport des
marchandises par mer », également appelée « Règles de Hambourg » ou « Convention
de Hambourg », du nom de la ville où elle a été signée le 31 mars 1978 par treize pays.
16
Le dernier pays à y adhérer a été l’Albanie en juillet 2006 portant à 32 le nombre des
Etats parties à cette Convention.
La Loi n°81-348 du 15 avril 1981 a autorisé l’approbation de cette convention mais elle
n’a pas été suivie d’effet. Il en résulte que la France n’est toujours pas liée
juridiquement par cette convention qui n’a pas, pour le moment, vocation à régir des
transports au départ ou à destination de la France.
Par rapport à la Convention de Bruxelles, la Convention de Hambourg inaugure un
alignement progressif du droit maritime sur le droit terrestre, ses rédacteurs ayant
entendu rééquilibrer le contrat de transport maritime au profit des chargeurs.
Les éléments les plus notables en sont :
- une extension de son champ d’application par rapport à celui de la Convention
de Bruxelles,
- une extension de la période couverte par le contrat de transport (de la prise en
charge jusqu’à la livraison),
- un système de responsabilité fondé sur la présomption de faute (le transporteur
est responsable à moins qu’il ne prouve – ainsi que ses mandataires - avoir pris
toutes les mesures qui pouvaient être raisonnablement exigées pour éviter
l’évènement et ses conséquences),
- l’introduction de la responsabilité du fait du retard,
- la suppression de tous les cas exceptés d’exonération de responsabilité et
notamment de la faute nautique,
- l’introduction de règles spéciales concernant les marchandises dangereuses.
Il convient d’ajouter que tout état, partie à la Convention de Bruxelles, devra dénoncer
cette dernière en adhérant à la Convention de Hambourg.
b) Le projet de la CNUDCI
La Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI)
travaille depuis l’an 2000 sur un projet de texte visant à remplacer la « Convention de
17
Hambourg » jugée encore trop favorable aux transporteurs maritimes dans la mesure ou
ces derniers bénéficient d’une limitation de responsabilité, ce qui n’est pas le cas des
chargeurs ; ces derniers se verraient par contre définir un certain nombre d’obligations,
soit une novation importante par rapport à la « Convention de Hambourg ».
Le projet de table des matières retenu pour ce texte dès la 34ème
session tenue au cours
de l’été 2001 est le suivant :
I Introduction
II Contenu possible des travaux et questions devant être traités dans un futur
instrument sur le transport des marchandises par mer
A Définitions
B Champ d’application
C Durée de la responsabilité
D Obligations du transporteur
E Responsabilité du transporteur
F Obligations du chargeur
G Documents de transport
H Fret
I Livraison au destinataire
J Droit de disposer des marchandises
K Transfert des droits
L Droit d’agir en justice
M Prescription des actions
N Compétence et arbitrage
III Conclusion
En matière de transport par conteneurs, les différents documents préparatoires insistent
notamment sur le conditionnement de la marchandise et son arrimage par le chargeur
dans le conteneur.
Nous verrons au cinquième chapitre de ce mémoire, après avoir étudié plusieurs
décisions récentes, objet du chapitre 3, que certains points ne sont pas abordés dans ce
projet.
18
Section 4 - La Loi française de 1966
Les articles de la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 traitant de la responsabilité ou de la
faute du chargeur sont repris ci-après in extenso :
Article 19 (in Chapitre II – Le connaissement) : Le chargeur est garant de l'exactitude
des mentions relatives à la marchandise inscrite sur ses déclarations au connaissement.
Toute inexactitude commise par lui engage sa responsabilité à l'égard du transporteur.
Celui-ci ne peut s'en prévaloir qu'à l'égard du chargeur.
Article 25 (in Chapitre III – Exécution du contrat) : Le chargeur est responsable des
dommages causés au navire ou aux autres marchandises par sa faute ou par le vice
propre de sa marchandise.
Article 27 (in Chapitre IV – Responsabilité du transporteur) : Le transporteur est
responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en
charge jusqu'à la livraison, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ou dommages
proviennent :
a) De l'innavigabilité du navire sauf au transporteur à établir qu'il a satisfait aux
obligations énoncées à l'article 21 ci-dessus ;
b) Des fautes nautiques du capitaine, du pilote ou d'autres préposés du transporteur ;
c) D'un incendie ;
d) Des faits constituant un événement non imputable au transporteur ;
e) De grèves ou lock-out ou d'arrêts ou entraves apportés au travail pour quelque cause
que ce soit, partiellement ou complètement ;
f) Du vice propre de la marchandise ou de freintes de route dans la mesure des
tolérances d'usage au port de destination ;
g) Des fautes du chargeur, notamment dans l'emballage, le conditionnement ou le
marquage des marchandises ;
19
h) De vices cachés du navire échappant à un examen vigilant ;
i) D'un acte ou d'une tentative de sauvetage de vies ou de biens en mer ou de
déroutement à cette fin.
Le chargeur ou son ayant droit pourra néanmoins, dans ces cas, faire la preuve que les
pertes ou dommages sont dus, en tout ou en partie, à une faute du transporteur ou de
ses préposés, autre que la faute prévue à la lettre b ci-dessus.
Article 31 (in Chapitre IV – Responsabilité du transporteur) : Lorsque le chargeur a
fait une déclaration sciemment inexacte de la nature ou de la valeur des marchandises,
le transporteur n'encourt aucune responsabilité pour les pertes ou dommages survenus
à ces marchandises.
Le Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 rajoute par les articles 39 et 43 les modalités
de présentation de la marchandise au port d’embarquement et l’indemnisation
éventuelle due par le chargeur au transporteur maritime.
Section 4 - Rappel sur le régime général de responsabilité
En droit français, le principe qui prévaut est celui de la réparation totale, qu’il s’agisse
des « contrats ou obligations » (16)
ou encore des « engagements sans convention » (17)
,
Nous allons voir dans le chapitre suivant qu’il n’en est pas de même en ce qui concerne
le droit maritime.
(16) Articles 1147 et suivants du Code Civil
(17) Articles 1382 et suivants du Code Civil
20
Chapitre 2
LES LIMITATIONS DE RESPONSABILITE
La limitation de responsabilité est une règle propre au droit maritime, dérogatoire au
droit commun. Cette limitation est même qualifiée comme « l’institution la plus
originale du droit maritime » (18)
.
Le Doyen Georges RIPERT écrivait (19)
que l’un des principes fondamentaux du droit
maritime est que « l’exploitation du navire ne peut être bien comprise que si l’on a sans
cesse dans l’esprit cette idée que le propriétaire du navire n’est pas un débiteur
ordinaire … ne peut être indéfiniment responsable »
Avant d’aborder la responsabilité du chargeur, considérons dans les grandes lignes, les
limitations de responsabilité dont bénéficie le transporteur maritime.
Section 1 - Les limitations au bénéfice du transporteur maritime
a) Au regard de la Convention de Bruxelles
Dans la version originelle du 25 août 1924, la limitation de responsabilité du
transporteur est définie par l’article 4 - 5ème
alinéa et fixée à 100 £ sterling par colis ou
unité, ou contre-valeur dans une autre devise. Toutefois, si la valeur des marchandises
est insérée au connaissement, cette déclaration vaudra présomption, sauf preuve
contraire, et le transporteur pourra la contester. La valeur de 100 £ sterling par colis ou
unité sera appliquée quand bien même la valeur déclarée des marchandises lui serait
inférieure.
(18) in TRAITE DE DROIT MARITIME par Pierre BONNASSIES & CHristian SCAPEL, Ed.
L.G.D.J., 2006
(19) in DROIT MARITIME, Tome II, Ed. ROUSSEAU, 1929
21
En outre, la fausse déclaration de valeur exonère le transporteur maritime de toute
responsabilité pour perte ou dommages causés aux marchandises ou les concernant.
Le Protocole de 1979 a modifié l’article 4 - 5ème
alinéa en insérant plusieurs paragraphes
dont le § a) qui substitue à la valeur de « 100 £ sterling par colis ou unité » celle de
« 666,67 DTS (Droit de Tirage Spécial tel que défini par le Fonds Monétaire
International) par colis ou unité, ou 2 DTS par kilogramme de poids brut des
marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable ».
Le paragraphe « e) » de ce 5ème
alinéa exonère le transporteur maritime du bénéfice de
cette limitation « s’il est prouvé que le dommage résulte d’un acte ou d’une omission du
transporteur qui a eu lieu, soit avec l’intention de provoquer un dommage, soit
témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement ».
b) Au regard de la Convention de Hambourg
Par l’article 5 de ce texte qui, rappelons-le, n’a pas été ratifié par la France, le
transporteur maritime est responsable du préjudice résultant des pertes ou dommages
subis par les marchandises ainsi que du retard à la livraison, si l'événement qui a causé
la perte, le dommage ou le retard a eu lieu pendant que les marchandises étaient sous sa
garde, à moins qu'il ne prouve que lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris
toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l'événement
et ses conséquences.
L’article 6 définit les limites de cette responsabilité tant en ce qui concerne les pertes ou
dommages subis par les marchandises que pour retard à la livraison. Notons ici que la
Convention de Bruxelles n’envisage pas ce deuxième cas de figure.
En cas de pertes ou dommages subis par les marchandises, la responsabilité du
transporteur maritime est limitée à une somme équivalant à 835 DTS par colis ou autre
unité de chargement ou à 2,5 DTS par kilogramme de poids brut des marchandises
perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable (§a).
22
En cas de retard, cette responsabilité est limitée à une somme correspondant à deux fois
et demie le fret payable pour les marchandises ayant subi le retard, mais n'excédant pas
le montant total du fret payable en vertu du contrat de transport de marchandises par
mer (§b).
Le cumul des réparations dues par le transporteur en vertu des alinéas a) et b) du présent
paragraphe ne peut dépasser la limite qui serait applicable en vertu de l'alinéa a) du
présent paragraphe en cas de perte totale des marchandises pour le transport desquelles
la responsabilité du transporteur est engagée.
Les « Règles de Hambourg », autre nom de la convention, ont été adoptées alors que
(voir infra Chapitre 3, section 4, §d) le transport par conteneurs commençait à se
généraliser. De ce fait, il a été tenu compte de ce nouveau mode de transport.
En effet, en cas de transport par conteneur, ce dernier représente l’unité de chargement
s’il n’est spécifié au connaissement, ou sinon dans tout autre document faisant preuve
du contrat de transport par mer, le nombre de colis empotés.
c) Au regard de la Loi française de 1966
C’est l’article 28 de la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 qui définit la limitation de
responsabilité du transporteur maritime comme suit : « La responsabilité du
transporteur ne peut dépasser, pour les pertes ou dommages subis par les
marchandises, et par colis ou par unité, une somme dont le montant sera fixé par
décret ».
L’article 1er
du Décret n°67-268 du 23 mars 1967 à fixé ce montant à 2.000 F par colis
ou par unité.
La Loi n°86-1292 du 23 décembre 1986 a transposé dans le Droit français les
dispositions de l’article 4 - 5ème
alinéa du Protocole de 1979 modifiant la Convention de
Bruxelles originelle.
23
Dans leur récent ouvrage (18)
, MM. BONASSIES et SCAPEL rappellent la date
charnière du 1er
décembre 1986 depuis laquelle la limitation n’est exclue qu’en cas de
faute très grave, habituellement qualifiée de « faute inexcusable », alors qu’elle
intervenait auparavant dès lors que l’armateur n’avait pas commis de « faute
personnelle ».
Section 2 - La limitation de responsabilité du propriétaire de navire
Il convient également de citer la Loi n°67-5 du 3 janvier 1967 sur le statut des navires.
En effet, le chapitre VII de cette loi est consacré à la responsabilité du propriétaire de
navire ; l’article 58, modifié par la Loi n°84-1151 du 24 décembre 1984, stipule que :
« Le propriétaire d'un navire peut, même envers l'Etat et dans les conditions ci-après
énoncées, limiter sa responsabilité envers des cocontractants ou des tiers si les
dommages se sont produits à bord du navire ou s'ils sont en relation directe avec la
navigation ou l'utilisation du navire.
Il peut, dans les mêmes conditions, limiter sa responsabilité pour les mesures prises afin
de prévenir ou de réduire les dommages mentionnés à l'alinéa précédent, ou pour les
dommages causés par ces mesures.
Il n'est pas en droit de limiter sa responsabilité s'il est prouvé que le dommage résulte
de son fait ou de son omission personnels, commis avec l'intention de provoquer un tel
dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en
résulterait probablement ».
L’article 68 étend cette possibilité aux affréteurs, armateurs et armateurs-gérants,
capitaines, ou à leurs propres préposés nautiques et terrestres agissant dans l’exercice de
leurs fonctions, de la même manière que le propriétaire lui-même.
Cette loi est à rapprocher de la « Convention sur la Limitation de Responsabilité en
Matière de Créances Maritimes » signée à Londres le 19 novembre 1976 sous
l’appellation de « Convention on Limitation of Liability for Marine Claims » (LLMC),
adoptée par le Décret n°86-1371 du 23 décembre 1986 beaucoup plus détaillée :
24
Sans procéder à une exégèse du texte de la convention, notons que parmi les
bénéficiaires de la limitation, y figurent également les « assistants », c.a.d. toute
personne fournissant des services en relation directe avec les opérations d’assistance ou
de sauvetage, le droit de limiter leur responsabilité.
Les dispositions de la LLMC concernent les créances :
- pour mort, pour lésions corporelles, pour pertes et pour dommages à tous biens
survenus à bord du navire ou en relation directe avec l’exploitation de celui-ci ou
avec des opérations d’assistance ou de sauvetage, ainsi que pour tout autre
préjudice en résultant,
- pour tout préjudice résultant d’un retard dans le transport par mer de la
cargaison, des passagers ou de leurs bagages,
- pour d’autres préjudices résultant de l’atteinte à tous droits de source
extracontractuelle, et survenus en relation directe avec l’exploitation du navire
ou avec des opérations d’assistance ou de sauvetage,
- pour avoir renfloué, enlevé, détruit ou rendu inoffensif un navire coulé,
naufragé, échoué ou abandonné, y compris tout ce qui se trouve ou s’est trouvé à
bord,
- pour avoir enlevé, détruit ou rendu inoffensive la cargaison du navire,
- produites par une personne autre que la personne responsable pour les mesures
prises afin de prévenir ou de réduire un dommage pour lequel la personne
responsable peut limiter sa responsabilité conformément à la présente
Convention, et pour les dommages ultérieurement causes par ces mesures,
formées contre toute personne dont les faits, négligences et fautes entraînent la
responsabilité du propriétaire ou de l’assistant.
Par contre, sont exclues de la limitation les créances :
- du chef d’assistance, de sauvetage, ou de contribution en avarie commune;
- pour dommages dus à la pollution par les hydrocarbures au sens de la
Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la
pollution par les hydrocarbures en date du 29 novembre 1969, ou de tout
amendement ou de tout protocole à celle-ci qui est en vigueur;
25
- soumises à toute convention internationale ou législation nationale régissant ou
interdisant la limitation de la responsabilité pour dommages nucléaires;
- pour dommages nucléaires formées contre le propriétaire d’un navire nucléaire;
- des préposés du propriétaire du navire ou de l’assistant dont les fonctions se
rattachent au service du navire ou aux opérations d’assistance ou de sauvetage
Aux termes de l’article 4 de la Convention, une personne responsable n’est pas en droit
de limiter sa responsabilité s’il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son
omission personnels, commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou
commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait
probablement comme cela a été repris in extenso dans la loi française.
Les limites de la responsabilité à l’égard des créances, définies par la convention de
1976, sont indiquées dans le tableau suivant :
Jauge du navire Créances pour mort ou
lésions corporelles
Autres créances
Inférieure ou égale à 500 tx 333.000 DTS 167.000 DTS
De 501 à 3.000 tx 500 DTS/tx
De 3.001 à 30.000 tx 333 DTS/tx
167 DTS/tx
De 30.001 à 70.000 tx 250 DTS/tx 125 DTS/tx
Supérieure à 70.000 tx 167 DTS/tx 83 DTS/tx
La Convention LLMC prévoit également, entre autres, la constitution d’un fonds de
limitation et, par suite, sa répartition.
Le Protocole de 1996, entré en vigueur le 13 mai 2004 et dont la ratification par la
France a été autorisée par une loi du 5 juillet 2006 (publiée au JORF du 06/07/2006), a
augmenté de façon sensible le plancher de jauge mais également et surtout le montant
des limitations, repris dans le tableau ci-après :
26
Jauge du navire Créances pour mort ou
lésions corporelles
Autres créances
Inf. ou égale à 2.000tx 2.000.000 DTS 1.000.000 DTS
De 2.001 à 30.000 tx 800 DT/tx 400 DTS/tx
De 30.001 à 70.000 tx 600 DTS/tx 300 DTS/tx
Supérieure à 70.000 tx 400 DTS/tx 200 DTS/tx
Notons également une augmentation beaucoup plus importante pour les navires
transporteurs de passagers (20)
.
Section 3 - Vers une limitation de la responsabilité du chargeur ?
Dans son rapport préliminaire aux travaux de la 34ème
session tenue au cours de l’été
2001, le Secrétaire Général de la CNUDCI écrivait : « Dans les régimes internationaux
en vigueur, la responsabilité du chargeur est très limitée et ses obligations, si tant est
qu’elles existent, ne sont pas bien définies. Durant les travaux du sous-comité
international, on a estimé qu’il serait utile d’énoncer plus précisément lesdites
obligations ». Il faut entendre par là que ces textes ne traitent que fort peu de la
responsabilité du chargeur.
Nous venons de voir que le transporteur maritime peut donc aujourd’hui, sauf faute
inexcusable, opposer à ses créanciers deux régimes de limitation de responsabilité ; face
à cela, le chargeur ne peut en opposer aucune ce qui parait inéquitable.
Est-il pour autant nécessaire de règlementer ou de légiférer sur ce qui pourrait n’être
qu’un besoin apparent d’équité ?
Quels pourraient être les cas dans lesquels la responsabilité du chargeur en conteneur
serait telle qu’une limitation doive être envisagée ?
(20) Tous les montants relatifs au Protocole de 1996 sont issus de la source citée en (18)
27
Considérons tout d’abord le cas dans lequel la faute du chargeur n’entraîne de
dommages qu’à sa propre marchandise, chargée dans un conteneur qu’il a lui-même
empoté.
Cela peut être, par exemple, la conséquence d’un défaut d’arrimage ou de calage dans le
conteneur.
Aucun tiers n’ayant subi de préjudice, limiter la responsabilité du chargeur est sans
objet dans ce cas de figure.
Envisageons ensuite le cas où la faute du chargeur entraîne non seulement des
dommages à sa propre marchandise mais également à celle empotée dans d’autres
conteneurs.
Par une erreur matérielle dont il importe peu ici qu’elle soit ou non volontaire, le poids
de la marchandise a été déclaré au connaissement pour 2.000 kilos alors qu’il s’agissait
en fait de 20.000 kilos.
Le transporteur a positionné le conteneur à bord de son navire, en sommet de pile et à
l’extrémité d’une rangée (« bay » en langue anglaise). La force centrifuge générée par
un coup de roulis fait céder les « twist-locks » (21)
du premier conteneur non saisi (22)
de
la pile et trois conteneurs tombent à la mer, endommageant dans leur chute le
bastingage et les œuvres mortes (23)
du navire.
La valeur moyenne de la marchandise se situant dans une fourchette allant de 45.000 $ à
100.000 €, le coût des réparations étant de l’ordre de 100 K€ et le navire devant être
immobilisé trois jours pour les réaliser (avec un cout d’immobilisation de 150 K€/jour),
les sommes en jeu peuvent atteindre le million d’euros en tenant compte de la valeur de
remplacement des conteneurs.
(21) Il s’agit des verrous automatiques positionnés à chaque coin supérieur d’un conteneur,
destiné à solidariser de la pile celui qui va lui être superposé
(22) En pontée, seuls les deux premières rangées d’une pile sont saisies sur le navire au moyen
de tringles et de ridoirs, outre les « twist-locks » ; ces derniers assurent seuls la solidarisation des
trois ou quatre rangées supérieures
(23) Partie émergée de la coque par opposition à la partie immergée dénommée « œuvres vives »
28
D’un strict point de vue financier, le principe de la limitation peut être envisagé, mais
dans le cas exposé, il ne faut pas oublier que le chargeur a fait une fausse déclaration.
Il faudra donc, si le principe de limitation de la responsabilité du chargeur doit être
retenu dans l’avenir, envisager les critères d’exclusion du droit à cette limitation.
Nous verrons au chapitre suivant (section 3-e) que les dommages peuvent être encore
plus importants.
29
Chapitre 3
LES FAUTES DU CHARGEUR DE CONTENEURS
ENGAGEANT SA RESPONSABILITE
Si la fausse déclaration et le mauvais empotage sont des fautes évidentes du chargeur
que la jurisprudence a unanimement reconnues depuis plusieurs années comme
exonérant le transporteur de sa responsabilité, les différentes juridictions mettent peu à
peu à jour d’autres erreurs ou manquements qu’elles analysent également en une faute
du chargeur pouvant exonérer totalement ou partiellement le transporteur de sa
responsabilité présumée.
Les différentes décisions de justice auxquelles il va être fait référence, de façon non
exhaustive, dans ce chapitre, sont citées pour illustrer les différentes fautes jugées et
tenter par la suite, dans le troisième chapitre du présent mémoire, d’établir un vade-
mecum du chargeur de conteneurs.
Section 1 - Les documents afférents à la marchandise en conteneur
a) la fausse déclaration
Il s’agit de la seule faute caractérisée et nommément citée par les textes en vigueur,
qu’il s’agisse de la Convention de Bruxelles 1924 (art.3 §5) ou de la loi n°66-420 de
1966 (art.31). Ces dispositions conventionnelles ou légales ont été adoptées bien avant
que n’apparaisse la conteneurisation des marchandises transportées et les taux de fret
standardisés par conteneur pour un voyage déterminé que nous connaissons
actuellement. A l’époque, les navires étaient chargés par « palanquées » au moyen des
apparaux de levage des navires, voire à dos d’homme et les taux de frets étaient
exprimés à la tonne métrique ou au mètre cube transporté. Dans de telles conditions, la
tentation était grande pour des chargeurs peu scrupuleux de minorer le poids ou le
volume déclaré des marchandises à transporter.
30
La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a considéré comme relevant de la
fausse déclaration, des marques et calibrage non conformes à ceux déclarés aux
connaissements (24)
, une dénomination erronée (25)
(« metal toys » pour des briquets), ou
encore un poids inexact (26)
(pelle mécanique dotée d’accessoires dont le poids n’avait
pas été déclaré). Notons toutefois dans ce dernier cas qu’il ne s’agissait pas d’un
transport conteneurisé.
L’extraordinaire essor du transport par conteneurs au cours des trente dernières années
et la tarification des transporteurs par conteneur/voyage a permis de limiter la pratique
de fausse déclaration qui ne trouve plus d’intérêt pour les chargeurs que sur des
marchandises spécifiques dont le fret est calculé « ad valorem ». Néanmoins, certains
chargeurs la pratiquent encore de façon quasi institutionnelle, sans intention dolosive à
l’encontre du transporteur maritime, mais à des fins purement commerciales ; par
exemple, pour compenser une freinte de route sur le cacao (27)
.
Il n’en demeure pas moins que la fausse déclaration de poids peut avoir des
conséquences fâcheuses lors des opérations de chargement ou de déchargement quand
le poids brut déclaré du conteneur plein est inférieur au poids maximal autorisé par
l’engin de levage mais que le poids réel le dépasse. Elle peut également mettre en cause
la sécurité de la cargaison en ce que les conteneurs doivent être, lors du chargement,
« gerbés » en fonction de leur poids, les plus pondéreux à la base des piles.
Outre le poids, la nature même de la marchandise peut faire l’objet d’une déclaration
volontairement erronée, pour minimiser la dangerosité de la marchandise et parfois
ainsi, le prix du fret.
(24) 7 déc. 1983 – pourvoi n°81-14489 confirmant l’arrêt rendu par la CA Aix en Pce le 14 mai
1981 (Legifrance)
(25) 18 avr. 1983 – pourvoi n°78-15945 cassant partiellement l’arrêt rendu par la CA Paris le 7
juil. 1978 (Legifrance)
(26) 14 fév. 1967 cassation partielle sur arrêt CA Montpellier le 6 nov. 1963 (Legifrance)
(27) Constaté à Madagascar où les chargeurs de la région du Sambirano déclarent par EVP 300
sacs de 62 kilos brut (60 kilos de fèves et 2 kilos de sacherie jute double épaisseur) alors que, en
parfaite connaissance des sociétés de surveillance, les sacs sont pesés à 62 kilos net pour pallier
la dissécation en cours de transport de 2 kilos par sac.
31
Or, l’un des impératifs auxquels doit répondre un document de transport de matières
dangereuses, inflammables ou explosives est de fournir au transporteur les
renseignements essentiels sur les risques qu’elles présentent (28)
.
Il est à noter que les marchandises au chargement desquelles le transporteur n’aurait pas
consenti s’il avait eu connaissance de leur dangerosité pourront être déchargées, rendues
inoffensives ou même détruites, le chargeur pouvant également être rendu responsable
de tout dommage résultant directement ou indirectement de leur embarquement (29)
.
Enfin, la mauvaise rédaction du connaissement par le chargeur est aussi constitutive
d’une faute.
b) Le défaut de documentation
Le Tribunal de Commerce de Marseille, seule juridiction française à être dotée de deux
chambres de jugement spécifiquement dédiées au droit maritime et des transports, a
rendu récemment une décision dans laquelle la responsabilité du chargeur a été engagée
du fait que n’étaient fournis ni la facture commerciale relative à la marchandise afin de
procéder à son dédouanement ni, s’agissant de marchandises dangereuses, l’autorisation
préalable nécessaire à l’importation dans le pays de destination (30)
.
c) Les instructions
Il appartient au chargeur de donner au transporteur maritime des instructions claires et
précises sur les soins particuliers à apporter à la marchandise qui lui est confiée.
La responsabilité du chargeur qui a donné instruction de transporter des avocats à une
température de 4,5° Celsius alors que ce type de marchandise doit voyager à 7° Celsius
a été partiellement retenue (31)
.
(28) LAMY TRANSPORTS Tome 3 – Marchandises dangereuses, §1742, Ed. Lamy, 2006
(29) Convention de Bruxelles, art. 4 §6 ; Décret n°66-1078 du 314 déc. 1966
(30) TC Marseille, 24 janv. 2006, CMA CGM c/ Galax Chemicals & Eurosped (inédit)
(31) TC Marseille, 17 janv. 2006, Allianz & autres c/ ZIM (inédit) ; TC Marseille, un jugement
du 13 sept. 2005, AXA & autres c/ Capitaine du « Claes Maersk » & autres (inédit)
32
Le chargeur doit également prévenir le transporteur maritime de tout dépassement de
hauteur en cas de chargement dans un conteneur « open top » (32)
.
Il commet également une faute en donnant instruction de charger alors qu’il sait
pertinemment que le port de destination est en grève au moment où il donne ses
instructions (33)
.
Section 2 - L’empotage du conteneur
a) Le calage et l’arrimage
De nombreux dommages trouvent leur origine dans le mauvais empotage ou saisissage
à l’intérieur du conteneur, qui peuvent entraîner des avaries tant à la marchandise qu’au
conteneur, voire même au navire où à d’autres marchandises ou conteneurs.
Les défauts d’emballage et d’arrimage de la marchandise constituent la principale faute
commise par le chargeur. En effet, lorsque les marchandises voyagent en conteneur, le
chargeur doit veiller à ce que leur arrimage soit correct car bien qu'offrant une
protection remarquable à la marchandise qu'il contient, le conteneur ne peut lui épargner
les violents efforts qui s'exercent longitudinalement et transversalement lors de la
traversée maritime ou, verticalement, lors des manutentions (34)
.
Il importe donc que le chargeur soigne l’emballage puis la répartition de la marchandise
dans le conteneur afin d’en équilibrer la charge, puis le calage et l’arrimage (35)
.
(32) TC Marseille, 29 nov. 2002, Generali & autres et Eurocopter c/ Delmas et Marfret (inédit)
(33) Cass. com., 30 juin 2004, n° 03-10650 Mutuelles du Mans & autres c/ SGAN (Légifrance)
(34) LAMY TRANSPORTS Tome 2, éd.Lamy, 2005
(35) Cass. com., 5 mars 1996, n° 94-14627 et, sur renvoi, CA Rouen, 1ère
et 2ème
ch. civ., 8 déc.
1998, DMF 2000, p. 126 ; CA Versailles, 3ème
ch., 17 avr. 1992, Samr c/ Schmeider et autres
(Lamy Transports T2 Ed. 2006)
33
Citons ici quelques décisions rendues par le Tribunal de Commerce de Marseille, qui
illustrent ce que peut être un empotage défectueux :
- dans un transport de fûts de produit chimiques : faute du chargeur car ce dernier
n’avait pas « respecté les spécifications de chargement définies par le fabricant
de fûts, ni … posé entre les rangs de fûts des plaques d’un matériau
suffisamment résistant pour répartir la charge » se référant à l’arrêt précité de la
Cour de Cassation (36)
;
- concernant un conteneur tombé de la tête de sa pile suite à une rupture de
saisissage conjuguée à un « calage notoirement insuffisant » : la responsabilité
du sinistre a été partagée en parts égales entre transporteur et chargeur (37)
;
- pour une avarie par mouille dans le chargement d’un conteneur «open top» avec
dépassement de hauteur de 0,80 m , le tribunal précité a estimé que « les tauds
fournis par l’armement ne pouvaient être de dimensions suffisantes pour remplir
leur office … en conséquence qu’il appartenait au chargeur au connaissement
de prendre toutes dispositions relatives à la couverture des conteneurs et
par là même à la protection de la marchandise, relevant de l’emballage qui est
effectué sous la seule responsabilité du chargeur » (38)
.
- concernant un transport de caisses de verre à vitres d’Anvers à Nouméa,
également avec dépassement de hauteur d’un conteneur « open top », la faute du
chargeur a été retenue au motif que « l’arrimage était donc insuffisant, la
marchandise n’ayant pas été saisie sur les cornières de pied du conteneur ; …
que l’arrimage mis en place par le chargeur avait pour seule fonction
d’empêcher le balancement transversal des caisses à l’intérieur du conteneur »
(39)
.
- très récemment, la même juridiction a rappelé la nécéssité d’arrimer un véhicule
dans un conteneur tout en neutralisant les suspensions du véhicule (par calage),
(36) TC Marseille, 14 mars 2000, Borchard Lines c/ 3D Chimie (inédit)
(37) TC Marseille, 9 mai 2000, Groupama c/ CMA (inédit)
(38) TC Marseille, 6 juin 2000, Tokio Marine & Fire et autres co-ass. c/ CMA (inédit)
(39) TC Marseille, 5 sept. 2000, Jem Export c/ Contship Container Lines (inédit)
34
comme cela se fait normalement dans les navires rouliers (40)
.
Ces décisions sont dans le droit fil de décisions antérieures rendues tant en première
instance qu’en appel, ou encore en cassation (41)
.
Il convient de préciser également que l'empotage trop compact d'un conteneur
frigorifique empêchant la circulation de l'air froid est constitutif d’une faute du chargeur
(42)
.
b) Le choix d’un conteneur inadapté
Il s’agit là d’un risque pris par le chargeur en connaissance de cause et qui trouve son
origine soit dans le refus d’assumer le surcoût d’un conteneur spécifique, par exemple
l’utilisation d’un conteneur standard « dry » alors que la nature même de la
marchandise impose un conteneur réfrigéré « reefer », soit parce qu’il ne peut faire
autrement pour des raisons logistiques qui sont propres au transporteur maritime et qu’il
est contraint de subir (43)
.
Ce dernier point concerne principalement les conteneurs ventilés qui se distinguent des
conteneurs standard par la présence de huit grilles de ventilation (à chaque coin, sur les
parois latérales) contre quatre seulement (de plus petites dimensions et sur les coins
supérieurs uniquement) pour un conteneur standard.
Certains produits, comme notamment le cacao en fèves, nécessitent l’utilisation de
conteneurs dry ventilés dont aucun transporteur maritime ne possède une flotte en
(40) TC Marseille, 30 mai 2006, AMDT c/ CMA CGM (inédit)
(41) Cass. com., 27 mars 1973, n° 71-13729, no 272, BT 1973, p. 240 ; CA Montpellier, 2ème
ch.,
23 janv. 2001, Cie Generali Transports c/ Sté France Euro Tramp, BTL 2001, p. 93 ; CA Lyon,
11 mai 1978, BT 1978, p. 317 ; TC Paris, 13 févr. 1974, BT 1975, p. 97 ; TC Paris, 7 déc. 1977,
DMF 1978, p. 441
(42) CA Aix-en-Provence, 2e ch., 24 févr. 1994, GAN Accidents & autres c/ Nippon Yusen
Kaisha & autres (Lamy Transports T2 Ed. 2006)
(43) voir annexe sur les différents types de conteneurs
35
adéquation avec la demande. En outre la gestion de ces modules spécifiques s’avère
complexe et coûteuse pour les armements avec la nécessité fréquente de les réexpédier à
vide vers les pays de l’hémisphère Sud ce qui génère une surtaxation du fret.
Dans ce contexte de pénurie dont il n’est pas excessif de dire qu’elle est organisée par
les armements, le chargeur ivoirien, brésilien, malgache … n’a d’autre solution que
d’empoter sa marchandise soit dans un conteneur réfrigéré avec ventilation mécanique
uniquement) dont le surcoût du fret, encore plus important, ne sera pas répercuté à
l’acquéreur qui refuse systématiquement de le prendre à sa charge, soit dans un
conteneur standard (dry) avec le risque que cela comporte pour la conservation de la
marchandise pendant le transport.
Depuis de nombreuses années, la jurisprudence considère comme une faute du chargeur
l’emploi d’un conteneur inadapté (44)
; citons pour l’exemple :
- un conteneur isotherme pour l'acheminement de produits dentaires, dont des
anesthésiants, au lieu d'un conteneur à température contrôlée (45)
;
- un conteneur non étanche et mal ventilé pour le transport de pistaches (46)
;
- un conteneur dry pour le transport d'ail (47)
;
- le placement en conteneur non réfrigéré d'une marchandise sensible à la chaleur
(des fûts de cristaux de menthol), alors que selon un expert « il se produit dans
ce type de matériel un effet de serre qui tend à en accroître la température » (48)
.
(44) Cass. Com. Du 8 juin 1993 sur pourvois n°91-16 510 (CA Paris) et n°91-16 511 (CA
Rouen) (Legifrance) ; TC Marseille : 3 juin 2003, Hannover & autres c/ Capitaine du « Hansa
Commodore » & autres (inédit) – 14 mars 2006 : Fortis & autres c/ CMA CGM (deux jugements
inédits) – 5 mai 2006 : Hillebrand & autres c/ Marfret (inédit)
(45) Cass. com., 1er déc. 1992, no 90-19.611/A, BTL 1992, p. 806
(46) CA Aix-en-Provence, 27 févr. 1997, Unata & autres c/ China Ocean Shipping (Lamy
Transports T2 Ed. 2006)
(47) TC Le Havre, 14 sept. 1993, Maison Papou c/ Navale Delmas International, BTL 1993,
p. 739 et Lamy Transports T2 Ed. 2006
(48) CA Aix-en-Provence, 11 mars 1992, Freight Trans International Cy c/ People's Insurance
Cy of China (Lamy Transports T2 Ed. 2006)
36
Section 3 – La vérification du conteneur
a) Le mauvais état du conteneur
La Cour de Cassation a retenu la responsabilité du chargeur qui avait empoté sa
marchandise dans un conteneur fourni par ses soins, dont les experts avaient mis en
cause l’insuffisance d’isothermie (49)
. Certaines juridictions d’appel ont conclu de même
pour un défaut d’étanchéité du conteneur (46 & 50)
.
Cette jurisprudence est parfaitement logique dans la mesure où le chargeur doit
assumer la responsabilité du conteneur défectueux qu’il fournit. Qu’en est-il lorsque le
conteneur est fourni par l’armement ?
L’ouvrage de référence qu’est le LAMY TRANSPORTS (tome 2) indique que : « Le
transporteur est tenu de délivrer un conteneur en bon état. Qu’il en soit propriétaire ou
simplement exploitant, le transporteur est responsable des dommages survenus aux
Marchandises résultant d’une défectuosité du conteneur (par exemple, des trous en
toiture ou encore, défaillance de la sonde d’un conteneur sous température dirigée)
fourni par ses soins ».
Si la plupart des arrêts cités (51)
font application du droit maritime, le droit commun a été
retenu par la Cour suprême dans sa décision du 13 juin 1995 en raison de la survenance
du dommage avant la conclusion du contrat de transport ainsi que par la cour d'appel
d'Aix-en-Provence le 31 mai 1990, les dommages étant toutefois survenus durant le pré-
acheminement terrestre.
(49) Cass. com., 27 oct. 1998, pourvoi n° 96-15654 sur un arrêt rendu par la CA Rouen, 2ème
ch.
Civ., Nedlloyd c/ Alte Leipziger & autres (Legifrance)
(50) CA Paris, 30 janv. 1979, BT 1979, p. 172 et CA Aix en Pce, 27 mai 1988, c/ Beldjilali et
CNAN (Lamy Transports T.2 - Lamyline)
(51) Cass. com., 13 juin 1995, n° 93-14861 (Legifrance) ; CA Paris, 30 sept. 1992, no 91/8157,
China Oceanshipping Cy Shanghai c/ UAP et CA Paris, 5e ch. A, 10 juin 1986, SNCDV
c/ Cie La Concorde et autres (Lamy Transports T.2 - Lamyline) ; CA Aix-en-Provence, 31 mai
1990, BT 1990, p. 663 ; CA Rouen, 2 déc. 1982, BT 1983, p. 210
37
Mais des décisions plus récentes ont conclu à la faute du chargeur pour des empotages
dans des conteneurs défectueux fournis par l’armement.
Citons tout d’abord un arrêt intéressant confirmant en toutes ses dispositions un
jugement de première instance (52)
pour lequel la faute du chargeur a été retenue ; le
conteneur présentait des trous en toiture lorsque le chargeur l’a reçu, ce qui n’a pas
empêché ce dernier de l’empoter et de le faire charger. La cour d’appel a motivé comme
suit : « … il est acquis que ces trous, dus à la corrosion, existaient au moment de
l’empotage. Or il appartenait au chargeur qui seul pouvait pénétrer à l’intérieur du
conteneur dans les instants précédant le chargement de vérifier l’état de celui-ci. Il est
en effet constant que la présence de trous dans un conteneur se révèle fort aisément de
l’intérieur par apparition de la lueur du jour, alors que la présence de trous de si
petites dimensions vus de l’extérieur ne se détecte pas, voire ne se détecte que très
difficilement ».
Citons également dans la même veine, un empotage dans un conteneur réfrigéré dont un
des joints de porte était manquant lors de l’empotage : « … qu’effectivement, il importe
de considérer que s’il n’est pas possible de savoir à quel moment la partie haute du
joint de porte est sortie de son logement, il convient de dire que par contre, l’absence
de joint dans la partie basse de la porte ne pouvait qu’exister au moment du
chargement, faute de quoi le morceau de joint manquant aurait été trouvé au moment
de l’expertise et mentionné dans le rapport ; qu’il s’agissait d’une défectuosité du
conteneur évidente qui ne pouvait pas ne pas être remarquée par le chargeur ; qu’en
l’espèce, il y a bien faute du chargeur qui a accepté l’utilisation d’un conteneur
défectueux » (53)
.
Les cas d’espèce précités relatifs aux trous en toiture du conteneur démontrent bien que
le débat n’est pas clos : est-ce le transporteur qui est fautif de fournir un conteneur percé
ou bien le chargeur de l’utiliser dans l’état ?
(52) CA Aix en Provence du 26 oct. 2004, Pierre Fabre Santé c/ Safmarine en appel d’un
jugement rendu par le TC Marseille le 21 nov. 2000 (inédits)
(53) TC Marseille du 1er
mars 2005, Victoria Versicherung & autres c/ CMA CGM (inédit)
38
La jurisprudence fluctue comme les textes l’ont fait au cours des siècles passés (54)
entre
une option plutôt favorable au transporteur et l’autre, plutôt favorable au chargeur. La
jurisprudence de la Cour d’Appel d’Aix en Provence (52)
, confirmant celle du Tribunal
de Commerce de Marseille, ainsi que celle de la Cour d’Appel de Versailles (55)
met en
exergue le caractère apparent du vice pouvant affecter un conteneur et la vérification a
minima que doit effectuer le chargeur.
Par contre, et la jurisprudence est unanime sur ce point, le dysfonctionnement d’un
conteneur réfrigéré au cours du transport reste de la seule responsabilité du transporteur
quand bien même le contrat de location du conteneur est distinct du contrat de transport.
Selon la même logique, une clause du connaissement écartant la responsabilité du
transporteur pour les conséquences résultant de la fourniture du conteneur par une autre
société doit être réputée non écrite au regard de la loi du 18 juin 1966 (56)
.
b) Le réglage de la température et des volets
Que ce soit à l’occasion de la réservation du fret ou de la demande de mise à disposition
d’un conteneur par l’armement (cette double demande souvent conjointe est dénommée
« booking » en langue anglaise), certains chargeurs sollicitent du transporteur maritime
certaines particularités à ce propos. Il n’en demeure pas moins que le chargeur, même
s’il a communiqué des instructions précises quand au réglage de la température et de
l’ouverture des volets d’aération ne peut pas s’exonérer de vérifier, en professionnel
parfaitement informé des conditions nécessaires au transport de sa marchandise, que
tout est conforme avant d’empoter. La Cour d’Appel de Paris a jugé à plusieurs reprises
que l'omission d'ouverture des volets d'aération était constitutive d’une faute du
chargeur (57)
.
(54) voir chapitre1, section 1 du présent mémoire
(55) CA Versailles, 16 juin 1988, BT 1989, p145
(56) CA Rouen, 2ème
ch., 28 fév. 2002, CP Ships c/ P&O Nedlloyd, BTL 2002, p. 356
(57) CA Paris : 3 juill. 1987, BT 1988, p. 58 - 5ème
ch., 23 oct. 2002, Sarl René Lacour c/ CMA
CGM, BTL 2002, p. 830
39
Par contre la jurisprudence reste intransigeante sur l’obligation du transporteur de
surveiller la température des conteneurs réfrigérés pendant le transport.
Il convient également de noter qu’en professionnel avisé, le transporteur maritime doit
relever et passer outre les incohérences pouvant exister dans les instructions de transport
- température de -20° Celsius incompatible avec un « assemblage positif » (58)
- qui ne
constituent qu’une faute partielle du chargeur.
Retenons enfin à titre anecdotique cette décision rendue pour un conteneur de fruits de
mer congelés arrivés en avarie, dont le connaissement ne stipulait aucune mention de
température, ce dont se prévalait le transporteur maritime en exonération de sa
responsabilité ; le Président ABITBOL, négociant de son état, alors dans sa dix-
septième année de judicature dont seize en chambre maritime, rédigeait de façon
surprenante mais non sans bon sens un attendu comme suit : « quand on charge un
conteneur frigo qui est plein, c’est pour le transporter à une certaine température de
froid » (59)
. La faute du chargeur n’a pas été retenue.
Section 4 – La préparation de la marchandise
a) L’emballage et le conditionnement
Avant même d’être empotée et arrimée, la marchandise doit être emballée et
conditionnée de telle sorte qu’elle ne souffre pas des aléas inhérent à un transport
maritime qui peut s’effectuer dans des conditions de mer très défavorables. En effet, ce
n’est pas parce qu’un conteneur offre une excellente protection à la marchandise que le
chargeur doit s’abstenir de l’emballer, de la conditionner et de l’arrimer avec soin (36 &
60)
.
(58) CA Versailles, 12ème
ch., 29 juin 1999, CGM c/ SCAC (Lamyline)
(59) TC Marseille, 14 juin 2002, Le Continent c/ CMA CGM cité dans LAMY TRANSPORTS
Tome 2, éd.Lamy, 2003 et dans le BTL 2002, p. 712
(60) entre autres : Cass. com., 22 mars 1994, n°92-12648, SA Miroiterie du Rhin c/ Someport &
autres (Legifrance) - CA Versailles, 18 nov. 1988, Mme Lafeuillade c/ International et autres
(Lamyline) - Cass. com. 27 mars 1973, n°71-13729, n°272 BT 1973 p.240 - CA Montpellier, 23
40
janv. 2001, Générali transports c/ France Euro Tramp, BTL 2001 p.93 - CA Lyon, 11 mai 1978,
BT 1978, p.317 - TC Paris, 13 fév.1974, BT 1975 p.97 - TC Paris, 7 déc. 1977, DMF 1978,
p.441
_____________________________________________________________________________
b) La pré-réfrigération
Un conteneur réfrigéré (reefer) est un contenant isotherme doté d’un groupe frigorifique
qui sert à maintenir la marchandise à une certaine température (négative à légèrement
positive) pendant les opérations de transport. Il est connecté à une alimentation
électrique (du bord ou à quai) et possède le plus souvent un groupe thermique pour
pallier une éventuelle coupure de courant. Le reefer n’est en aucun cas conçu pour faire
baisser la température de la marchandise qui doit y être empotée à la température
requise pour le transport mais seulement la maintenir (61)
.
En outre, l’incidence du débranchement pendant quelques heures pour les nécessités
d’un transbordement est insignifiante, un conteneur reefer étant conçu pour que la
marchandise empotée ne perde que 1° Celsius par période de vingt-quatre heures (sous
réserve bien entendu que les portes restent fermées).
Certains chargeurs, volontairement ou non, font fi de ces précautions fondamentales
dont le non respect est constitutif d’une faute de leur part unanimement reconnue par la
jurisprudence. Or, l'absence de pré-réfrigération avant l'empotage tout comme la
mauvaise congélation de la marchandise sont de nature à exonérer le transporteur
maritime de sa responsabilité en cas d’avarie (62)
.
(61) CA Aix en Provence, 2° ch. Com., 16 janv. 2003, Cie Rhône Méditerranée & autres c/ A.P.
MOLLER & autres, DMF 2003 p.588, note J. Bonnaud et Ph. Garo - CA Paris, 5° ch., 8 avr.
1999, BTL 1999 p.399 - TC Marseille, 24 août 2004, Albingia c/ Capitaine du navire « CGM
Sevilla » & Companhia Linhas Brasileiras de Navegacao (inédit)
(62) CA Rouen, 8 déc. 1998, DMF 2000, p. 126 ; CA Paris, 5e ch., 8 avr. 1999, BTL 1999,
p. 399 ; CA Versailles, 8 mars 2001, CGM Sud c/ SGC Maritime et CA Versailles, 5 avr. 2001,
CGM Sud c/ Réunion Européenne & autres (Legifrance) ; TC Marseille, 19 déc. 2000, Descours
& Helvétia c/ CSAV (inédit) ; CA Aix en Provence, 16 janvier 2003, RHONE MEDITERRANEE
& autres c/ MOLLER AP & autres (revue SCAPEL 1er
trim. 2003)
41
c) Le vice propre
La Convention de Bruxelles de 1924 et la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 exonèrent le
transporteur maritime des dommages provenant du vice propre de la marchandise.
La Cour de Cassation en a donné une définition qui a le mérite d’être d’une grande
clarté : « le vice propre est la propension de la marchandise à se détériorer sous l’effet
d’un transport maritime effectué dans des conditions normales » (63)
.
La notion de « vice propre » est bien connue et la jurisprudence très abondante (64)
. Le
transporteur doit toutefois en apporter la preuve (65)
.
Citons pour l’exemple l’affaire « OREBI » confirmée en deuxième instance : une
société de ce nom avait importé 250 tonnes de fèves de cacao, fumigées au Ghana avant
leur expédition, qui ont été stockées chez SCAC à Marseille ; lors de l’inspection au
dépotage des conteneurs chez cette dernière, la SGS a certifié que les fèves étaient
exemptes d’insectes.
(63) Cass. com., 9 juil. 1996, pourvoi n° 93-14861 sur CA Rouen du 30 juin 1994, CGM c/ Cial
Union & Scandutch (Legifrance)
(64) CA Paris, 17 févr. 1977, DMF 1977, p. 535 ; CA Rouen, 5 janv. 1978, DMF 1978, p. 592 ;
CA Paris, 26 juin 1979, Belin & autres c/ Pyott (Lamyline) ; Cass. com., 24 févr. 1981, n° 79-
13916 (Legifrance) ; CA Montpellier, 29 janv. 1987, Guardian Royal Exchange c/ Méridionale
des bois et matériaux (Lamyline) ; CA Paris, 3 nov. 1987, DMF 1988, som., p. 409, pourvoi
rejeté par Cass. com., 20 févr. 1990, n° 88-10800, BT 1990, p. 704 ; CA Paris, 22 févr. 1991,
BTL 1991, p. 337 ; TC Nanterre, 13 sept. 1991, BTL 1991, p. 670 ; CA Aix-en-Provence, 2e ch.,
16 sept. 1993, Tropical Fruit c/ Capitaine du navire « Narval » & autres, BTL 1993, p. 918 ;
CA Paris, 5e ch., sect. A, 11 janv. 1995, Helfer & autres c/ Johnson Line (Lamy Transports T.2);
CA Rouen, 19 oct. 1995, Réunion Européenne & autres c/ Hapag Lloyd (Lamyline); Cass. com.,
20 janv. 1998, n° 95-20705, n° 95-20750, n° 95-21587, Bull. civ. IV, no 37, p. 26 ; CA Rouen,
8 déc. 1998, DMF 2000, p. 126, sur renvoi de Cass. com., 5 mars 1996, no 94-14.627, Bull.
civ. IV, no 78, p. 64 ; CA Paris, 5e ch., 8 avr. 1999, BTL 1999, p. 399
(65) CA Montpellier, 2 déc. 1965, DMF 1966, p. 536 ; CA Rennes, 10 oct. 1985, DMF 1987,
p. 87 ; Cass. com., 4 mars 1986, DMF 1987, p. 360 ; CA Aix-en-Provence, 4 juill. 1986,
Hesnault c/ NCHP & autres (Lamyline) ; Cass. com., 5 mars 1996, n° 94-14627, Bull. civ. IV,
n° 78, p. 64 ; Cass. com., 22 janv. 2002, n° 99-18463, BTL 2002, p. 113 ;
42
Pour une question de coût, la société OREBI a refusé la proposition de la SCAC de
traiter de façon préventive les fèves de cacao à leur entrée en magasin ; quelques jours
plus tard, les entrepôts de la SCAC étaient infectés d’insectes dont un expert judiciaire
reconnu a confirmé que l’infestation était consécutive à l’entrée chez SCAC du lot
chargé par la société OREBI.
La SCAC a engagé certains frais pour détruire les insectes et sauvegarder la
marchandise entreposée, puis assigné le chargeur OREBI en remboursement desdits
frais et obtenu gain de cause (66)
.
La compagnie d’assurance AXA, assureur de la société OREBI, avait entre-temps
intenté une action récursoire à l’encontre du transporteur maritime MAERSK dont elle a
été déboutée (67)
.
Les sociétés AXA et OREBI ont fait appel des deux décisions rendues par le Tribunal
de Commerce de Marseille. Dans un arrêt techniquement fort bien motivé, la Cour
d’Appel d’Aix en Provence a confirmé le principe des décisions rendues en première
instance (68)
.
d) L’impossibilité de vérification par le transporteur maritime
A l’exception des conteneurs empotés par l’armement, on dit alors LCL pour « less than
a container loaded », qui ne représentent qu’une minorité des cas, les conteneurs sont
remis au transporteur maritime scellés c.a.d. munis d’un plomb inviolable sur chacune
de ses portes.
En conséquence le transporteur maritime ne peut vérifier ce qu’il contient et s’en remet
sur ce point aux déclarations du chargeur ; il en est de même en ce qui concerne
l’emballage et le conditionnement de la marchandise ainsi que de son arrimage ou de sa
préparation, notamment la mise en froid.
(66) TC Marseille, 21 nov. 2000, SCAC c/ OREBI & AXA (inédit)
(67) TC Marseille, 12 juin 2001, AXA c/ MAERSK (inédit)
(68) CA Aix en Provence, 28 oct. 2004, n°2004/670, AXA & OREBI c/ SCAC & Maersk (inédit)
43
Le développement du conteneur est étroitement lié à celui des échanges internationaux
par voie maritime. C’est à la société nord-américaine SEA-LAND SERVICE que l’on
doit l’invention du conteneur en 1956.
Mais il a fallu attendre 1967 pour que la taille des conteneurs soit normalisée alors que
le premier navire « porte-conteneurs » ( le « Hakone Maru » de l’armement NKY Line)
a été lancé en 1968. L’année d’après, la première ligne régulière était mise en service
entre l’Europe, l’Australie et la Nouvelle Zélande.
Les premiers porte-conteneurs français, le « Kangourou » et le « Korrigan » ont été
lancés en 1973. Les années « 70 » auront été celles des balbutiements, la
conteneurisation des marchandises transportées ne s’étant généralisée qu’au cours de la
décennie suivante.
Les textes qui régissent le transport maritime en droit français, Convention de Bruxelles
et loi de 1966, sont donc antérieurs à la conteneurisation et par là même n’ont prévu
aucune disposition spécifique à ce mode de transport. C’est donc la jurisprudence qui a
pallié à cette carence.
La Cour de Cassation a constaté l’impossibilité matérielle pour le transporteur maritime
de vérifier la température de la marchandise empotée dans le conteneur plombé qui lui
avait été remis et pour lequel il n’avait donc pas pris de réserves (69)
.
(69) Cass. com., 11 mai 1993, pourvoi n° 91-12531 sur CA Aix en Provence du 25 sept.1990
(Legifrance) ; voir également, cité par le LAMY TRANSPORTS T.2 comme faute du chargeur :
la défaillance d'un conteneur à température dirigée (pour un conteneur frigorifique : CA Aix-en-
Provence, 4 févr. 1982, DMF 1983, p. 531 ; CA Aix-en-Provence, 7 janv. 1986, Sofraco c/ Lloyd
Triestino et AMG, énonçant le principe, mais ne l'estimant pas applicable à l'espèce ; pour un
conteneur citerne dans lequel du glucose devait être transporté à 60 °C : CA Paris, 3 mars 1992,
BTL 1992, p. 499)
44
e) Le cas particulier des marchandises dangereuses
Lors de la session « INFO DROIT » organisée par l’I.M.T.M. (70)
le 26 juin 2006,
Maître Ch. SCAPEL a développé un thème intitulé « Grandeur et servitude du chargeur
de conteneur » dans lequel il a développé le cas imaginaire dont nous reprenons ci-après
le principe tout en espérant qu’il ne se produira jamais.
« Suite à un incendie à bord qui n’a pu être maîtrisé, le porte-conteneurs X… de la
classe « over panamax » (71)
appartenant à l’armement Y…, qui effectuait un voyage
régulier entre l’Europe et l’Extrême Orient a coulé corps et biens au large des Iles
Maldives alors qu’il faisait route vers le Détroit de Malacca, transportant 9 410 EVP
(72)
. Les vingt-huit hommes d’équipage et officiers ont pu être repêchés sains et saufs
par un navire de la marine Sri Lankaise. D’après les éléments de l’enquête, l’incendie
s’est déclaré dans un conteneur contenant 800 sacs de Percarbonate de Sodium chargé
en cale puis s’est propagé aux conteneurs adjacents sans que les moyens de lutte contre
l’incendie du bord ne parviennent à l’éteindre. Le navire, construit par un chantier
japonais et lancé fin 2005 était considéré comme l’un des fleurons de la marine
marchande mondiale. Le coût des dommages s’élève à plus d’un milliard de dollars
dont 150 millions de dollars (corps) et 941 millions de dollars (marchandises
transportées). La pré-expertise vient de révéler que la marchandise (auto inflammable)
aurait dû être empotée dans un conteneur réfrigéré positionné en pontée et que la
nature exacte de la marchandise n’était pas indiquée sur le connaissement. La
responsabilité du chargeur est donc engagée mais son assureur a d’ores et déjà fait
savoir que le montant de sa garantie RC est limité à 1.000.000 USD. L’on ignore
encore les répercussions financières de la pollution qui résultera de ce naufrage, le
navire transportant 3.000 tonnes de carburant dans ses soutes ».
(70) Institut Méditerranéen des Transports Maritimes
(71) se dit des navires d’une largeur supérieure à 32 mètres qui ne peuvent franchir le Canal de
Panama ; les navires les plus récents, d’une capacité d’environ 9.500 EVP ont une largeur
supérieure à 40 mètres
(72) EVP « équivalent vingt pieds » : unité de compte utilisée pour quantifier la capacité de
chargement d’un navire porte-conteneurs ; se dit TEU « twenty feets equivalent unit » en langue
anglaise
45
Si certains juristes pourraient se réjouir des innombrables procédures que génèrerait un
tel accident, ce ne serait certainement pas le cas des assureurs corps et facultés qui
auraient à supporter le coût total du sinistre, sans parler du chargeur qui serait à tout
coup ruiné.
Le transport maritime des marchandises dangereuses n’est pas une activité anodine et
la moindre faute peut avoir des conséquences humaines et économiques considérables.
Le transport maritime de marchandises dangereuses est régi par :
- le code IMDG (73)
- Convention SOLAS de 1974 dite « SOLAS 74 » (74)
,
- Convention MARPOL de 1973 modifiée en 1978 dite « MARPOL 73/78 » (75)
,
- Convention sur la sécurité des conteneurs de 1972 dite « CSC » (76)
.
Nous nous limiterons donc à un cas d’espèce, ayant fait l’objet d’une décision récente
du Tribunal de Commerce de Marseille, dont le principe n’est pas très éloigné du
scénario catastrophe imaginaire exposé supra.
(73) Le « Code Maritime International des Marchandises Dangereuses » a été rédigé à partir
de 1960 par l’OMI, de concert avec la comité d’experts de l’ONU, afin d’éviter, si possible, les
dommages corporels et les avaries au navire, à la cargaison et à l’environnement mais de ne pas
entraver inutilement les mouvements de marchandises. La première édition fut publiées en 1965.
Ce code a pour finalité de garantir l’application du chapitre VII de la convention SOLAS (66)
.
(74) La « Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer »
fait l’objet en droit français du Décret n°80-369 du 14 mai 1980, entré en vigueur le 25 mai
1980. Constituant le texte de base quand à la sécurité au plan international, elle vise à instaurer
un niveau de sécurité acceptable de manière à ce que la concurrence entre armateurs ne s’exerce
pas au détriment de cette sécurité. Chaque Etat signataire s’engage à faire respecter ce niveau de
sécurité à bord de tout navire battant son pavillon. Selon l’OMI, 141 pays représentant 98,3% du
tonnage transporté, auraient ratifié ladite Convention.
(75) La « Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution des mers par
les navires » a été adoptée par la Loi n°81-742 du 5 août 1981 ; les modifications apportées par
le Protocole de 1978 ont fait l’objet du Décret n°83-874 du 27 septembre 1983. Elle reconnaît la
nécessité de protéger le milieu marin en limitant les déversements de polluants (accidentels ou
non) transportés par les navires. Ladite Convention couvre toutes les pollutions susceptibles
46
d’être engendrées par des navires et précise les moyens à mettre en œuvre pour les prévenir ou
les réduire.
(76) La « Convention internationale sur la sécurité des conteneurs » (International Convention
for Safe Containers en anglais) a été élaborée lors de la conférence internationale sur les
conteneurs tenue à Genève en 1972. Elle a fait l’objet du Décret n°77-1043 du 9 septembre 1977.
Les trois séries d’amendements qu’elle a subies en 1981,1983 et 1991 ont été reprises par les
Décrets n°82-143 du 4 février 1982, n°84-149 du 28 février 1984 et n°95-1266 du 27 novembre
1995.
_____________________________________________________________________________
En effet, cette juridiction vient tout juste de rendre un jugement attendu par de
nombreux intervenants du monde maritime sur le sinistre subi par le navire CMA
Djakarta (77)
.
Après avoir chargé dans différents ports chinois, ce navire lancé en 1998 et affrété à
temps par la COMPAGNIE MARITIME D’AFFRETEMENT (CMA) a entamé début
juillet 1999 son voyage retour vers l’Europe. Après avoir franchi sans encombre le
Détroit de Malacca, traversé l’Océan Indien puis embouqué le Canal de Suez, le CMA
Djakarta a fait escale au port de Damiette en Egypte d’où il est reparti le 10 juillet 1999.
Le soir même, un incendie s’est déclaré à bord, prenant rapidement des proportions
considérables. Les moyens du bord n’ont pas suffi à en venir à bout, quelques membres
de l’équipage ont été blessés en le combattant, appel à assistance a été fait avec
déclaration d’avarie commune. Le navire a été finalement abandonné par l’équipage et
le Capitaine le 11 juillet et les navires d’assistance arrivés sur les lieux ont mis pas
moins d’une semaine pour venir à bout de l’incendie.
Le navire a finalement été remorqué à Malte, où la cargaison a été déchargée et triée,
puis jusqu’en Croatie pour réparations. Près de deux cent conteneurs ont été déclarés en
perte totale, et le navire a du subir des réparation d’un montant quasiment équivalent au
coût de sa construction. Sur requête du transporteur maritime, le Tribunal de Commerce
de Marseille avait nommé dès le 26 août 1999 un expert judiciaire.
(77) TC Marseille, 21 nov. 2006, MURESA INTERTRADE c/ CMA (inédit)
47
Consécutivement à ce sinistre, plus de trente recours ont été initiés par les intérêts
facultés devant la juridiction commerciale marseillaise. Après quarante-quatre mois
d’enquête et d’étude des faits pour laquelle il s’est adjoint deux sapiteurs, l’expert
judiciaire, qui a rendu un rapport aussi complet que volumineux (rapport et annexes
représentant plus de mille pages réparties en cinq tomes), ne pouvait affirmer la cause
exacte du sinistre et suggérait deux causes possibles, l’une « la plus probable » et l’autre
« très probable ».
La responsabilité du transporteur maritime n’apparaissant pas dans la cause de
l’incendie, toutes les parties ont abandonné l’action qu’elles avaient engagée … sauf
une, malgré les dispositions de l’article 4-2-c de la Convention de Bruxelles de 1924,
applicable au cas d’espèce, qui stipulent que « Ni le transporteur ni le navire ne seront
responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant d’un incendie à moins
qu’il ne soit causé par le fait ou la faute du transporteur » ;
Cette action émanant du chargeur au connaissement ayant intérêt à agir et non d’un
assureur facultés, il y a tout lieu de penser que la marchandise (six conteneurs 40’ de
pneumatiques et chambres à air) n’était pas assurée.
La position de la demanderesse était la suivante : « L’existence d’un cas exonératoire
n’empêche pas de démontrer que le transporteur a commis une faute à l’origine des
dommages subis par les marchandises. A coté du cas prévu à l’article 4-2-c où
l’incendie est causé par le transporteur, il faut également envisager le cas ou le
transporteur apparaît défaillant dans la mise en œuvre des moyens matériels et humains
de lutte contre l’incendie. En l’espèce, c’est précisément ce que l’on est en droit de
reprocher au transporteur » ;
La CMA opposait une stricte interprétation de la Convention de Bruxelles qui ne retient
la responsabilité du transporteur maritime que s’il a causé l’incendie et ajoutait que,
dans la mesure où le transporteur n’est pas responsable de la cause de l’incendie, il ne
peut être tenu pour responsable de ses conséquences.
Quand bien même l’expert judiciaire ne concluait nullement à la responsabilité du
transporteur maritime mais seulement que l’origine de l’incendie était inconnue, le
48
Tribunal a entendu considérer chacun des manquements allégués par la demanderesse,
figurant pour partie dans les conclusions de l’expert, sans que ce dernier les ait qualifiés
comme tels.
Bien que la législation soit claire et la jurisprudence constante sur le cas excepté que
constitue l’incendie (78)
, les juges consulaires marseillais ont estimé nécessaire de
répondre aux arguments avancés par la demanderesse, savoir :
- l’inadaptation des moyens dont disposait le navire pour lutter contre l’incendie,
- le manque de qualification et d’entraînement de l’équipage,
- les carences de l’équipage qui auraient eu pour effet de favoriser le
développement de l’incendie jusqu’à ce que les produits 5.1 s’enflamment.
Cela sans doute parce que les feux de conteneurs à bord de navires ont fait l´objet de
nombreux articles de presse ces dernières années notamment le CMA Djakarta objet de
la procédure et le HANJIN Pennsylvania en décembre 2003.
Le Tribunal a répondu à chaque argument en utilisant les conclusions de l’expert
judiciaire qui avait soigneusement vérifié que les conventions SOLAS, MARPOL et
CSC ainsi que le Code IMDG avaient bien été respectés, tant en ce qui concernait la
navigabilité du navire CMA Djakarta que la sécurité de la cargaison.
Une remarque toutefois : le troisième argument de la défenderesse établit pour postulat
que l’incendie ait trouvé sa source dans un conteneur autre que contenant des matières
dangereuses classées 5.1. alors qu’il ne s’agit que de l’une des deux causes possibles
retenues par l’expert judiciaire.
Il est intéressant de noter que ce dernier a relevé dans son rapport deux exceptions à la
conformité à la réglementation :
- d’une part, que les conteneurs dans lesquels ont été chargées les marchandises
classées 5.1 disposaient d’un plancher en bois ;
(78) CA Rouen, 12 juil. 1957, DMF 1958 p.27 - TC Marseille, 4 mars 1959, DMF 1959 p.425 -
TC Paris, 25 juin 1975, DMF 1976 p.154 - CA Aix en Provence, 16 juil.1977, BT 1977 p.587
49
- d’autre part, que l’entreposage à bord des conteneurs de marchandises classées
5.1 n’aurait pas été fait dans un endroit frais mais que ce terme n’est pas
quantitativement défini par le code IMDG ni par la Convention SOLAS ;
Sur la première exception, le Tribunal a jugé qu’il ressortait des textes en vigueur (Code
IDMG, Conventions SOLAS et CSC) que des marchandises classées 5.1 (matières
comburantes) peuvent être empotées dans des conteneurs disposant de planchers en bois
sous réserve qu’ils soient munis de leur plaque d’agrément.
Sur la deuxième exception, le Tribunal a jugé qu’il s’évinçait des extraits du plan de
chargement que ces conteneurs avaient été placés en pontée et à l’abri du soleil estival,
c'est-à-dire à des emplacements qui, à défaut d’être frais au sens littéral du terme, sont
les moins exposés à la chaleur.
Le Tribunal a donc suivi l’expert judiciaire en omettant toutefois de préciser que la
réglementation précise et stricte sur le positionnement et la séparation des conteneurs de
matières dangereuses à bord, définie par les articles 7.2.3.2.1.4 et suivants du Code
IMDG, avait été respectée lors de l’élaboration du « bay-plan » et au cours du
chargement.
In fine, le demandeur a été débouté, le tribunal estimant que la responsabilité du
transporteur maritime CMA n’était pas établie, ni dans la survenance du sinistre, ni dans
ses conséquences.
Si la décision est logique au regard de la Convention de Bruxelles, il est dommage que
cette procédure n’ait pas permis d’aller plus loin dans l’étude des causes du sinistre. En
effet, le rapport d’expertise judiciaire soulevait l’absence totale de coopération de la part
du chargeur et du fabricant de l’hypochlorite de calcium classé 5.1 dont la combustion,
spontanée ou non, a conféré à l’incendie l’importance que l’on sait.
De ce fait, il n’est pas possible de savoir si les emballages étaient conformes ou non au
dispositions du code IMDG, ni comment il a été procédé à l’empotage des deux
conteneurs d’hypochlorite de calcium.
50
Compte tenu des conclusions du rapport d’expertise, il semble peu probable que la
responsabilité du chargeur et/ou du fabricant ait pu être recherchée.
Section 5 - Un exemple de faute non soulevée
Si la jurisprudence évolue chaque jour pour équilibrer les responsabilités entre chargeur
et transporteur, encore faut-il que ce dernier se prévale de la faute du chargeur, ce qui
n’est pas toujours le cas.
Citons à cet effet un arrêt très récent de la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui a
condamné le transporteur maritime à rembourser l’indemnité payée par l’assureur
facultés au bénéficiaire de la garantie. Dans le cas d’espèce, le conteneur (fourni par
l’armement) était dans un état déplorable avant l’empotage (absence du joint
d’étanchéité au bas de la porte gauche et trou au plafond du conteneur).
Toujours est-il que le transporteur maritime a basé son argumentation sur la recevabilité
de la demande (exclusivement en première instance et principalement en appel) sans
soulever la faute du chargeur qui n’avait manifestement pas vérifié l’état du conteneur
avant de l’empoter.
Les Conseillers se sont référés à la police d’assurance qui, si elle excluait les dommages
ayant pour origine « l’absence, l’insuffisance ou l’inadaptation de la préparation de
l’emballage ou du conditionnement de la marchandise et du calage ou de l’arrimage »,
ne stipulait pas l’insuffisance du conteneur et ont logiquement condamné le transporteur
maritime (79)
qui n’a pas soulevé le seul point pouvant l’exonérer et auquel la Cour avait
fait droit dans une décision antérieure (52)
.
(79) CA Aix en Provence, 10 avril 2006, MENORAH INSURANCE COMPANY c/ MARFRET sur
appel d’une décision rendue par le TC Marseille le 22 juil. 2003 qui avait déclaré la
demanderesse irrecevable (inédits)
51
Chapitre 4
LES DEVOIRS DU CHARGEUR DE CONTENEUR
La revue DMF a récemment publié un article intitulé « 40 ans d’application des cas
exceptés de responsabilité des Règles de La Haye-Visby »(80)
dans lequel le rédacteur
indiquait que : « les juges recherchent systématiquement un comportement fautif du
chargeur pour fonder l’exonération du transporteur. Cette exonération semble entendue
moins comme un cas excepté en faveur du transporteur que comme une sanction du
chargeur, et ce, à chaque étape de la préparation des marchandises en vue du transport
maritime. Ces causes d’exonération ne sont pas particulières. En droit commun de la
responsabilité contractuelle, en effet, les fautes du co-contractant libèrent le débiteur
d’une obligation contractuelle » (81)
.
La présomption de responsabilité du transporteur, définie par les textes régissant la
matière, devrait les amener les juges à se demander en cours de délibéré : « Quelle
faute a commis le transporteur pour que la marchandise arrive ainsi endommagée ? » ;
mais l’avocat du transporteur défendeur a plaidé en dernier et n’a pas oublié de mettre
en avant les cas exceptés possibles, dont principalement la faute du chargeur.
Dans la pratique, les juges, qui sont d’abord et avant tout des hommes, abordent
naturellement le litige en se posant la question suivante : « Que s’est-il passé avant,
pendant ou après le transport pour que la marchandise arrive ainsi endommagée dans le
conteneur ? ».
La nuance est de taille, et elle est double :
- d’abord d’un point de vue sémantique puisque le cas excepté, hors de la règle
générale, est porté au même niveau que la généralité qui impose la responsabilité
du transporteur,
- ensuite et surtout d’un point de vue pratique parce qu’apparaît le conteneur.
(80) LE DROIT MARITIME FRANÇAIS, n°664 – nov. 2005, p. 908
(81) Idem, pages 918 et 919
52
Affirmer comme cela a été fait dans la revue DMF (80)
que la démarche des magistrats
consulaires semble relever davantage d’une volonté de sanction à l’encontre du
chargeur que d’un cas excepté en faveur du transporteur n’engage que le rédacteur de
l’article.
La lecture attentive des différentes décisions citées dans ce mémoire permet de constater
que les juges de première instance s’attachent en priorité à l’analyse des faits (82)
pour
déterminer ensuite lequel des co-contractants, transporteur ou chargeur, n’a pas effectué
sa prestation dans les règles de l’art.
En cas de chargement en navire conventionnel, la responsabilité du chargeur portait et
porte encore principalement sur deux points : le vice propre et l’insuffisance
d’emballage.
La conteneurisation a induit d’autres facteurs de responsabilité pour le chargeur dont il
faut souligner qu’il n’est que très rarement partie à la procédure intentée, dans la grande
majorité des cas, par l’assureur facultés subrogé dans les droits du destinataire, voire par
ce dernier. De ce fait, le chargeur n’a que rarement l’occasion de se défendre lui-même
et de faire valoir ses propres observations.
Pour sa part, le transporteur a vu sa responsabilité se réduire à deux facteurs principaux :
le respect des instructions et le saisissage du conteneur.
Concernant le conteneur, la jurisprudence des « juridictions provençales » reprise par la
doctrine (83)
a distingué le contrat de location du conteneur du contrat de transport. Dans
ces conditions, pour quelles raisons objectives le chargeur, locataire du conteneur, se
dispenserait de vérifier l’état apparent du matériel qu’il loue alors que ce type de
vérification est systématique entre locataire et loueur d’un bien immobilier ou d’un
véhicule automobile ?
(82) Voir à cet effet TC Marseille, 5 oct. 2004 - Navire Cap Canaille et obs. du Prof. TASSEL
dans DMF n°664 – Nov. 2005, et TC Marseille, 8 juin 2004 – Navire Kalliste et obs. du Prof.
DELEBECQUE dans DMF n°669 – Avril 2006
(83) CA Aix-en-Provence, 19 févr. 1987, BT 1988, p. 521 ; CA Aix-en-Provence, 25 mai 1988,
Rev. Scapel 1989, p. 27 ; TC Marseille, 29 août 1989, Gilnavi c/ Eugène Malbec (Lamyline)
53
Il semble surtout que les textes en vigueur sont inadaptés au transport par conteneur et il
est à craindre que celui de la CNUDCI ne dérogera pas à cette règle. Nous allons donc
tenter dans ce troisième chapitre d’essayer d’établir une sorte de « vade mecum » du
chargeur de conteneur.
N’en déplaise à certains juristes « maritimistes » ou à certains transporteurs, le transport
maritime n’est pas une fin mais un moyen, une phase, dans une opération beaucoup plus
vaste de commerce international. Dans l’immense majorité des cas, le chargeur est
d’abord et avant tout un vendeur. Ce qui l’intéresse au premier chef, c’est de vendre,
d’exporter sa marchandise et le transport n’est qu’accessoire.
Certains chargeurs confient la préparation de leur expédition à un professionnel, souvent
leur transitaire qui effectuera pour leur compte les formalités en douane et remettra le
conteneur empoté au transporteur maritime. Ce faisant, le professionnel pourra
éventuellement acquérir la qualité de commissionnaire de transport et interviendra vis à
vis du transporteur maritime comme chargeur « pour compte ».
Nous nous placerons ci-après dans la position du chargeur qui effectue lui-même
l'empotage de sa marchandise, identique à celle du professionnel agissant pour compte
d'un tiers.
Section 1 - La préparation de l’expédition
Le cubage doit intervenir en premier lieu afin de déterminer le type de conteneur qui
doit être utilisé, 20' (vingt pieds) ou 40' (40 pieds) (84)
.
Le poids de la marchandise à empoter doit également être pris en compte afin de ne pas
dépasser la charge maximale admise par type de conteneur.
(84) les containers répondent aux normes ISO 668 (1985) ou ISO 1496-1 (1990)
54
Dans l'hypothèse où un chargeur néophyte ignorerait cette charge maximale, il faut
savoir que celle-ci est indiquée sur chaque conteneur.
Certaines charges très lourdes qui ne peuvent être translatées et donc empotées dans un
conteneur standard (20' ou 40') doivent être grutées, ce qui impose l'utilisation d'un
conteneur « open top ». Certaines autres, trop volumineuses pour passer entre les portes
d'un conteneur, peuvent être chargées sur un conteneur « flat ».
Lorsque le chargeur ne dispose pas de sa propre flotte de conteneurs, il doit en
demander au transporteur maritime auquel il confiera le soin de transporter sa
marchandise qu'il lui en mette un (ou plusieurs) à sa disposition. Cette demande se fait
généralement simultanément à la réservation du fret (booking).
Le chargeur qui envisage de faire transporter de la marchandise sensible doit demander
un conteneur qui soit adapté au produit qu'il doit transporter qu'il doit transporter
comme nous l'avons vu supra. Il doit notamment être conscient des températures élevées
qui peuvent être atteintes à l'intérieur d'un conteneur standard (dry) de l'ordre de 60°
Celsius en Mer Rouge. Certains produits qui se conservent normalement à température
ambiante (20/25°) peuvent très bien ne pas résister à une telle chaleur.
Lorsque le conteneur vide lui a été livré par l'agent local du transporteur maritime et
quand bien même aucun texte ne lui en fait obligation, le chargeur doit vérifier l'état
apparent du conteneur mis à sa disposition (51& 52)
. Dans le cas d'un conteneur « dry », il
doit vérifier :
- qu'il n'y a pas de trou dans les portes, parois et plafond du conteneur,
- que les joints de porte sont en place et en bon état,
- que les portes ne soient pas voilées et qu'elles ferment correctement,
- que les pattes de support des crémones et les charnières soient rivetées et non
boulonnées auquel cas le conteneur pourrait être pillé sans effraction,
- que le plancher (en bois ou en bambou) soit sec et propre,
- qu'il ne règne pas dans le conteneur une odeur susceptible d’altérer la marchandise,
- que les orifices de ventilation ne soient pas obstrués,
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Chargeur en conteneur

  • 1. 1 UNIVERSITE DE DROIT D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX- MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE Centre de Droit Maritime et des Transports Mémoire présenté par M. Jean-Charles VINCENT « Responsabilité et obligations du chargeur en conteneur » Master II - Droit Maritime et des Transports Année universitaire 2006/2007 Directeur : Christian Scapel 3, avenue Robert Schuman - 13628 Aix-en-Provence CEDEX 1 Tél. 04.42.17.28.62 - 04.91.13.74.74 - Fax. 04.42.17.28.62
  • 2. 2 A trois hommes de négoce et de droit maritime : Mon père, Ma référence, Jean-Pierre ABITBOL, Mon mentor, Max DENERY. A mon épouse Christine, toujours présente dans les moments difficiles. A mes enfants Arnaud et Mathilde,
  • 3. 3 SOMMAIRE INTRODUCTION p.4 Chapitre 1 - LE CADRE JURIDIQUE p.6 Section 1 - Evolution de la notion de responsabilité du transporteur et par suite, du chargeur p.6 a) L’ « Ordonnance de la Marine » p.6 b) Le Code Civil et le Code de Commerce p.7 c) La « Common Law » Britannique p.8 d) Le « Harter Act » Américain p.10 e) Les Règles de La Haye p.10 Section 2 - La Convention de Bruxelles de 1924 p.11 a) Présentation de la Convention p.11 b) Le chargeur dans la Convention de Bruxelles p.12 Section 3 - Les autres conventions internationales p.13 a) La Convention de Hambourg p.13 b) Le projet de la CNUDCI p.14 Section 4 - La loi française de 1966 p.16 Section 5 - Rappel sur le régime général de responsabilité p.17 Chapitre 2 – LES LIMITATIONS DE RESPONSABILITE p.18 Section 1 - Les limitations au bénéfice du transporteur maritime p.18 a) Au regard de la Convention de Bruxelles p.18 b) Au regard de la Convention de Hambourg p.19 c) Au regard de la Loi française de 1966 p.20
  • 4. 4 Section 2 - La limitation de responsabilité du propriétaire de navire p.21 Section 3 - Vers une limitation de la responsabilité du chargeur ? p.24 Chapitre 3 – LES FAUTES DU CHARGEUR DE CONTENEUR ENGAGEANT SA RESPONSABILITE p.27 Section 1 - Les documents afférents à la marchandise en conteneur p.27 a) La fausse déclaration p.27 b) Le défaut de documentation p.29 c) Les instructions p.29 Section 2 - L’empotage du conteneur p.30 a) Le calage et l’arrimage p.30 b) Le choix d’un conteneur inadapté p.32 Section 3 - La vérification du conteneur p.34 a) Le mauvais état du conteneur p.34 b) Le réglage de la température et des volets p.36 Section 4 - La préparation de la marchandise p.37 a) L’emballage et le conditionnement p.37 b) La pré-réfrigération p.38 c) Le vice propre p.39 d) L’impossibilité de vérification par le transporteur maritime p.40 e) Le cas particulier des marchandises dangereuses p.42 Section 5 - Un exemple de faute non soulevée p.48
  • 5. 5 Chapitre 4 – LES DEVOIRS DU CHARGEUR DE CONTENEUR p.49 Section 1 - La préparation de l’expédition p.51 Section 2 - L’empotage du conteneur p.54 Section 3 - La déclaration et les instructions du chargeur p.56 Chapitre 5 – LES TRAVAUX DE LA CNUDCI p.59 CONCLUSION p.67 LEXIQUE p.71 BIBLIOGRAPHIE p.72 SITES INTERNET p.73 ANNEXES p.74
  • 6. 6 RESPONSABILITE ET OBLIGATIONS DU CHARGEUR EN CONTENEUR INTRODUCTION En raison de considérations historiques et des aléas de la navigation maritime, la responsabilité du transporteur maritime obéit à un régime spécial et moins rigoureux que celui applicable aux autres transporteurs, notamment aux transporteurs terrestres. Il n’en demeure pas moins que le transporteur maritime est présumé responsable en cas de dommages à la marchandise transportée. Cette présomption de responsabilité est apparue sous sa forme actuelle dans le cadre de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 et a été confirmée en droit français par la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 et le Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 qui font état d’un certain nombre de cas exceptés pouvant exonérer le transporteur maritime de sa responsabilité présumée. Ces cas exceptés sont de trois types : - cas exceptés liés au navire, - cas exceptés extérieurs tant au navire qu’à la cargaison, - cas exceptés liés à la cargaison. Parmi ces derniers figurent le vice propre de la marchandise mais aussi et surtout, la faute du chargeur.
  • 7. 7 Si les textes précités sont toujours applicables et plus que jamais appliqués, force est de constater qu’ils ont été rédigés avant cette extraordinaire évolution du transport maritime qu’a été l’apparition puis la généralisation du transport en conteneur dans le dernier quart du XXème siècle. De ce fait, les transporteurs maritimes, du moins ceux qui exploitent des navires porte- conteneurs (voire des navires rouliers qui les acceptent) ne transportent plus de la marchandise en tant que telle mais seulement des « boites » la contenant. Dans l’immense majorité des cas, les conteneurs sont empotés par le chargeur qui est également le vendeur de la marchandise ou par le substitué avec lequel il contracte à cet effet. Le transporteur maritime ne sait ce qu’il transporte que par la désignation de la marchandise figurant sur le connaissement qui spécifie généralement « X conteneur(s) disant contenir … (said to contain ou STC en langue anglaise). Cela n’est pas sans incidence sur la recherche de responsabilité lorsque, à l’issue du transport, la marchandise n’est pas livrée au destinataire dans l’état dans lequel elle est censée avoir été remise au transporteur. Ce mémoire a donc pour finalité d’étudier les raisons pour lesquelles la responsabilité du chargeur en conteneur a pu être retenue par les juridictions françaises et de dresser, d’une façon forcément non exhaustive, les devoirs du chargeur en conteneur* afin que sa responsabilité ne puisse être engagée. * D’un strict point de vue sémantique, faut-il dire « chargeur en conteneur » ou « chargeur de conteneur » ? Nous retiendrons la première expression car c’est bien la marchandise qui est l’objet de l’activité du chargeur.
  • 8. 8 Chapitre 1 LE CADRE JURIDIQUE Section 1 - Evolution de la notion de responsabilité du transporteur et par suite, du chargeur a) L’ « Ordonnance de la Marine » de 1681 C’est cette ordonnance (1) que l’on doit à Jean-Baptiste COLBERT, principal ministre du Roi Louis XIV, qui, pour la première fois structure réellement l’activité maritime en France (2) et codifie le droit maritime. Il convient de donner acte à COLBERT que sous son impulsion, la flotte française est passée de 18 vaisseaux en 1661 à 276 vaisseaux en 1683 (3) . Ce texte fondamental prévoyait déjà certaines situations que nous nommons aujourd’hui cas exceptés (4) . Sans que le terme de responsabilité soit employé dans cette ordonnance, force est de constater que celle du propriétaire ou du maître (capitaine) du navire, bref du transporteur au sens large par opposition au « marchand chargeur », ne pouvait être que faiblement engagée. (1) Dont le triple objet était de « – fixer la jurisprudence des contrats maritimes, jusque là incertaine – régler la juridiction des gens de l’Amirauté et les principaux devoirs des gens de mer – établir une bonne police dans les ports, côtes et rades »Ainsi que les assurances maritimes, la pêche, les ports, la surveillance du littoral, etc … Cette ordonnance qui est la plus aboutie fait suite à celles de Charles VI (déc. 1400), Louis XI (Oct. 1480), François Ier (juil. 1517 et Fév. 1543), Charles IX (Avr. 1562), Henri III (Mars 1584) et Louis XIII (Juil. 1634 et Mars 1635) (2) Dictionnaire d’histoire de France, PERRIN (3) Sur l’innavigabilité du navire, cf Titre III « Du fret ou nolis » - Sur les causes extérieures, cf Titre III et Titre VII « Des avaries » - Sur la cargaison, cf Titre VII et Titre VIII «Du jet & de la contribution » (4) Faits qui exonèrent le transporteur maritime de sa responsabilité
  • 9. 9 Cela est aisément compréhensible car la politique suivie était de développer la flotte Française et par là même, favoriser la construction et l’armement des navires sans trop d’astreintes pour les investisseurs et les officiers navigants. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les membres de la noblesse, à qui le travail était interdit, pouvaient exercer une activité maritime (5) . b) Le Code Civil (1804) et le Code de Commerce (1807) Suite à la rédaction et à la codification des lois survenues sous le premier empire, le transporteur maritime était soumis à un régime beaucoup plus sévère de responsabilité, d’ordre contractuel, conformément au droit commun, considéré par certains comme une « obligation stricte de résultats » (6) comme cela était déjà le cas en Angleterre ainsi que nous le verrons plus loin. Néanmoins, en application des dispositions des articles 1147 et 1148 du Code Civil et 230 du Code de Commerce (7) , le transporteur maritime était exonéré de toute responsabilité lorsqu’il prouvait que les dommages survenus aux marchandises résultaient d’une cause étrangère qui ne lui était pas imputable comme un cas fortuit, un cas de force majeure, un vice propre de la marchandise, la faute du chargeur ou le fait d’un tiers qu’il n’avait pu ni prévoir ni empêcher (8) . (5) notamment « faire construire ou acheter des navires, les équiper pour eux, les fréter à d’autres, et faire le commerce par la mer par eux ou par personnes interposées, sans que par raison de ce les Gentilshommes soient réputés faire acte dérogeant à la noblesse, pourvu qu’ils ne vendent point en détail » (6) CAUSES LÉGALES D’EXONÉRATION DU TRANSPORTEUR MARITIME DANS LE TRANSPORT DE MARCHANDISES par Claude CHAIBAN, Étude en droit libanais, français et anglo-saxon cité en (8) (7) Abrogé et remplacé par la Loi du 18 juin 1966 (8) LA NEUTRALISATION DU « CAS EXCEPTE » PAR LA PREUVE DE LA FAUTE DU TRANSPORTEUR par André JEBRAYEL, Thèse pour le Doctorat en Droit (1986), Faculté de Droit et de Sciences Politiques d’Aix-Marseille
  • 10. 10 En outre, il était responsable en droit français, d’après le droit commun et avant la convention de Bruxelles, des fautes du capitaine, du pilote et des membres de l’équipage (9) , ainsi que de celles de ses préposés terrestres (10) . Il s’évince de ces dispositions légales que, si le régime de responsabilité du transporteur maritime s’est considérablement durci en France entre le XVIIème et le XIXème siècle, c’est aussi au cours de cette période que la notion de faute du chargeur est apparue. Avant d’aborder la Convention de Bruxelles de 1924 qui mit fin à plusieurs décennies d’opposition entre chargeurs et transporteurs maritimes quand à la responsabilité de ces derniers, il convient d’exposer sommairement les principes en vigueur en Angleterre et aux Etats-Unis d’Amérique sur ce point aux XVIIIème et XIXème siècles. c) La « COMMON LAW » Britannique Le droit coutumier rendait déjà le transporteur maritime responsable de l’arrivée à bon port de la marchandise dont il se chargeait, sauf toutefois, preuve de l’un des quatre cas d’exonération coutumiers, à savoir : - l’acte de Dieu, - le vice propre de la marchandise et l’emballage défectueux, - les ennemis du Roi, et - le jet à la mer (11) . En dehors de ces cas, sa responsabilité se trouvait engagée de plein droit (12) sans qu’il y ait besoin d’établir sa faute. (9) Article 216 du Code de Commerce abrogé par la Loi du 18 juin 1966 (10) Article 1384 du Code Civil (11) Egalement prévu par l’Ordonnance de la Marine précitée, pour sauvegarder si nécessaire, navire, équipage et cargaison (12) André JEBRAYEL, op. cité page 5
  • 11. 11 Néanmoins, le transporteur maritime perdait le bénéfice de ces exonérations lorsqu’il ne prenait pas les mesures raisonnables (reasonable steps) pour les éviter ainsi que leurs effets possibles ou pour juguler leurs conséquences. L’innavigabilité du navire antérieurement au voyage l’empêchait également de se prévaloir de ces exonérations si elle était à l’origine du dommage. La « Common Law » et la jurisprudence qui s’en est suivie ont été fortement marquées par le célèbre jugement COGGS v. BERNARD rendu par Lord HOLT en 1703 qui stipulait : « Celui qui entreprend de transporter, saines et sauves, des marchandises, est responsable de tout dommage qu’elles peuvent subir par le transport par suite de sa négligence, même s’il n’est pas un transporteur professionnel ». Lord HOLT précisait toutefois que seul un évènement constitutif d’acte de Dieu (Act of God) ou le fait des ennemis du Roi (ennemies of the King) pouvaient dégager le transporteur de cette responsabilité. Les contraintes du régime de responsabilité ont incité les transporteurs maritimes Anglais à insérer dans leurs connaissements de multiples clauses de non responsabilité dites « negligences clauses », leur permettant de pratiquer des frets peu élevés et de concurrencer ainsi avantageusement leurs concurrents étrangers qui ne pouvaient s’en prévaloir. Pour les chargeurs, si le prix du transport diminuait, le risque augmentait considérablement en cas de sinistre. L'habitude d'insérer dans les connaissements de telles "negligences clauses" était le fait d'importantes compagnies maritimes anglaises, dont les dirigeants siégeaient au Parlement. En conséquence, ni le pouvoir législatif, ni les tribunaux anglais, n'étaient enclins à entendre les plaintes des chargeurs contre ces pratiques. C'est aux Etats-Unis, où une part prépondérante du commerce international était contrôlée par des intérêts anglais, que les plaintes des chargeurs reçurent un écho favorable.
  • 12. 12 La situation exigeait l'intervention du législateur. Tel fut l'objet du « Harter Act », voté par le Parlement américain en 1893. d) Le « HARTER ACT » Américain La situation était en effet différente aux Etats-Unis d’Amérique dans la mesure où ce que l’on appellerait aujourd’hui le « lobby » des chargeurs était plus puissant que celui des transporteurs maritimes. En 1893, le parlement américain adoptait donc un texte de loi intitulé « Harter Act » protégeant les chargeurs en prohibant l'insertion dans les connaissements des clauses d'exonération pour les pertes ou avaries résultant de fautes ou de négligences dans le chargement, l'arrimage, la garde ou la livraison des marchandises . Le Doyen RODIERE estimait décisif, dans l'évolution mondiale du droit des transports, le rôle joué par le « Harter Act » qui instaura un équilibre entre les intérêts des transporteurs maritimes et ceux des chargeurs et qui ouvrit la voie aux « Règles de La Haye » de 1921 suivies de la « Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement » (13) . Le « Harter Act » allait rapidement faire école dans les « dominions » britanniques, Australie, Nouvelle-Zélande, puis Canada qui adoptaient, au début du XXe siècle, des textes s’en inspirant fortement. e) Les Règles de La Haye Lors d’une conférence internationale réunie en 1921 à La Haye, l’Angleterre, sous la pression de ses transporteurs maritimes, a déployé une grande activité pour éviter que soit adopté un texte impératif. (13) TRAITE GENERAL DE DROIT MARITIME, Tomes 1 & 2, par René RODIERE, éd. DALLOZ 1967
  • 13. 13 Cette conférence publiera finalement « Les règles de la Haye », consistant en un connaissement type, qui n'auront jamais le succès escompté du fait de leur caractère supplétif. Mais trois ans plus tard, le 25 août 1924, sera adoptée la « Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissements », héritière directe du « Harter Act » américain, qui sera ratifiée par l'essentiel de la communauté maritime internationale de l'époque et entrera en vigueur le 2 juin 1931. Section 2 - La Convention de Bruxelles de 1924 a) Présentation de la Convention Cette convention, désignée parfois improprement sous la dénomination « Règles de La Haye », a été adoptée en France par la Loi du 9 avril 1936 et mise en application par le Décret du 25 mars 1937 (14) . A ce jour, soixante dix-huit états sont liés par cette convention. Un premier protocole modificatif a été signé le 23 février 1968 et est entré en application le 23 juin 1977. Vingt pays, dont la France, sont parties à ce protocole également appelé « Règles de Visby » ou encore « Règles de La Haye-Visby » Ce protocole de 1968 a modifié les articles 3 (§4 et 6), 4 (§5), 9 et 10 de la convention originelle et rajouté un paragraphe 6 bis à l’article 3 ainsi qu’un article 4 bis. Un second protocole modificatif a été signé, également à Bruxelles, le 21 décembre 1979, qui est applicable exclusivement à la version amendée par le protocole de 1968. Ce deuxième protocole, a également signé par la France, est entré en vigueur le 18 mai 1986. Il fait suite à l’abandon de l’étalon Or et lui substitue le DTS (Droit de tirage spécial) (15) . (14) PRECIS DE DROIT MARITIME par Georges RIPERT, DALLOZ, 4ème éd. – 1947 (15) LAMY TRANSPORTS Tome 2, éd.Lamy, 2005
  • 14. 14 La Convention de Bruxelles met en place un régime de responsabilité objective du transporteur maritime. Si la marchandise est endommagée à l'arrivée, le transporteur maritime est présumé responsable. Cette présomption n'est pas irréfragable, le transporteur peut la combattre et s'exonérer de sa responsabilité en invoquant un des cas exceptés prévus par la Convention. En outre, le transporteur bénéficie d'une limitation de responsabilité qui se traduit par un plafonnement de l'indemnisation de l’ayant droit, destinataire ou chargeur. b) Le chargeur dans la Convention de Bruxelles Le chargeur est cité dans la Convention de Bruxelles pour la première fois au titre de l’article 3, §5 : « Le chargeur sera considéré avoir garanti au transporteur, au moment du chargement, l'exactitude des marques, du nombre, de la quantité et du poids tels qu'ils sont fournis par lui, et le chargeur indemnisera le transporteur de toutes pertes, dommages et dépenses provenant ou résultant d'inexactitudes sur ces points. Le droit du transporteur à pareille indemnité ne limitera d'aucune façon sa responsabilité et ses engagements sous l'empire du contrat de transport vis-à-vis de toute personne autre que le chargeur ». La responsabilité du chargeur peut également être mise en cause aux termes des dispositions de l’article 4, §2, partiellement reproduit ci-après : « Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant : (i) D'un acte ou d'une omission du chargeur ou propriétaire des marchandises, de son agent ou représentant; (m) De la freinte en volume ou en poids ou de toute autre perte ou dommage résultant de vice caché, nature spéciale ou vice propre de la marchandise ; (n) D'une insuffisance d'emballage ; (o) D'une insuffisance ou imperfection de marques ;
  • 15. 15 (p) De vices cachés échappant à une diligence raisonnable ; (q) De toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur ou du fait ou de la faute des agents ou préposés du transporteur, mais le fardeau de la preuve incombera à la personne réclamant le bénéfice de cette exception et il lui appartiendra de montrer que ni la faute personnelle ni le fait du transporteur ni la faute ou le fait des agents ou préposés du transporteur n'ont contribué à la perte ou au dommage. » Notons également le troisième paragraphe du même article 4 : « Le chargeur ne sera pas responsable des pertes ou dommages subis par le transporteur ou le navire et qui proviendraient ou résulteraient de toute cause quelconque sans qu'il y ait acte, faute ou négligence du chargeur, de ses agents ou de ses préposés », ainsi que le dernier alinéa du cinquième paragraphe : « Ni le transporteur ni le navire ne seront en aucun cas responsables pour perte ou dommage causé aux marchandises ou les concernant, si dans le connaissement le chargeur a fait sciemment une déclaration fausse de leur nature ou de leur valeur ». Il s’évince des paragraphes 3 et 4 que la fausse déclaration du chargeur exonère le transporteur maritime de toute responsabilité, quand bien même la cause de l’avarie ou des dommages ne trouverait pas son origine dans l’inexactitude de la déclaration. Nous verrons dans le troisième chapitre de ce mémoire que la conteneurisation a généré d’autres éléments de nature à engager la responsabilité du chargeur. Section 3 - Les autres conventions internationales a) La Convention de Hambourg Il s’agit tout d’abord de la « Convention des Nations Unies sur le transport des marchandises par mer », également appelée « Règles de Hambourg » ou « Convention de Hambourg », du nom de la ville où elle a été signée le 31 mars 1978 par treize pays.
  • 16. 16 Le dernier pays à y adhérer a été l’Albanie en juillet 2006 portant à 32 le nombre des Etats parties à cette Convention. La Loi n°81-348 du 15 avril 1981 a autorisé l’approbation de cette convention mais elle n’a pas été suivie d’effet. Il en résulte que la France n’est toujours pas liée juridiquement par cette convention qui n’a pas, pour le moment, vocation à régir des transports au départ ou à destination de la France. Par rapport à la Convention de Bruxelles, la Convention de Hambourg inaugure un alignement progressif du droit maritime sur le droit terrestre, ses rédacteurs ayant entendu rééquilibrer le contrat de transport maritime au profit des chargeurs. Les éléments les plus notables en sont : - une extension de son champ d’application par rapport à celui de la Convention de Bruxelles, - une extension de la période couverte par le contrat de transport (de la prise en charge jusqu’à la livraison), - un système de responsabilité fondé sur la présomption de faute (le transporteur est responsable à moins qu’il ne prouve – ainsi que ses mandataires - avoir pris toutes les mesures qui pouvaient être raisonnablement exigées pour éviter l’évènement et ses conséquences), - l’introduction de la responsabilité du fait du retard, - la suppression de tous les cas exceptés d’exonération de responsabilité et notamment de la faute nautique, - l’introduction de règles spéciales concernant les marchandises dangereuses. Il convient d’ajouter que tout état, partie à la Convention de Bruxelles, devra dénoncer cette dernière en adhérant à la Convention de Hambourg. b) Le projet de la CNUDCI La Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI) travaille depuis l’an 2000 sur un projet de texte visant à remplacer la « Convention de
  • 17. 17 Hambourg » jugée encore trop favorable aux transporteurs maritimes dans la mesure ou ces derniers bénéficient d’une limitation de responsabilité, ce qui n’est pas le cas des chargeurs ; ces derniers se verraient par contre définir un certain nombre d’obligations, soit une novation importante par rapport à la « Convention de Hambourg ». Le projet de table des matières retenu pour ce texte dès la 34ème session tenue au cours de l’été 2001 est le suivant : I Introduction II Contenu possible des travaux et questions devant être traités dans un futur instrument sur le transport des marchandises par mer A Définitions B Champ d’application C Durée de la responsabilité D Obligations du transporteur E Responsabilité du transporteur F Obligations du chargeur G Documents de transport H Fret I Livraison au destinataire J Droit de disposer des marchandises K Transfert des droits L Droit d’agir en justice M Prescription des actions N Compétence et arbitrage III Conclusion En matière de transport par conteneurs, les différents documents préparatoires insistent notamment sur le conditionnement de la marchandise et son arrimage par le chargeur dans le conteneur. Nous verrons au cinquième chapitre de ce mémoire, après avoir étudié plusieurs décisions récentes, objet du chapitre 3, que certains points ne sont pas abordés dans ce projet.
  • 18. 18 Section 4 - La Loi française de 1966 Les articles de la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 traitant de la responsabilité ou de la faute du chargeur sont repris ci-après in extenso : Article 19 (in Chapitre II – Le connaissement) : Le chargeur est garant de l'exactitude des mentions relatives à la marchandise inscrite sur ses déclarations au connaissement. Toute inexactitude commise par lui engage sa responsabilité à l'égard du transporteur. Celui-ci ne peut s'en prévaloir qu'à l'égard du chargeur. Article 25 (in Chapitre III – Exécution du contrat) : Le chargeur est responsable des dommages causés au navire ou aux autres marchandises par sa faute ou par le vice propre de sa marchandise. Article 27 (in Chapitre IV – Responsabilité du transporteur) : Le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu'à la livraison, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ou dommages proviennent : a) De l'innavigabilité du navire sauf au transporteur à établir qu'il a satisfait aux obligations énoncées à l'article 21 ci-dessus ; b) Des fautes nautiques du capitaine, du pilote ou d'autres préposés du transporteur ; c) D'un incendie ; d) Des faits constituant un événement non imputable au transporteur ; e) De grèves ou lock-out ou d'arrêts ou entraves apportés au travail pour quelque cause que ce soit, partiellement ou complètement ; f) Du vice propre de la marchandise ou de freintes de route dans la mesure des tolérances d'usage au port de destination ; g) Des fautes du chargeur, notamment dans l'emballage, le conditionnement ou le marquage des marchandises ;
  • 19. 19 h) De vices cachés du navire échappant à un examen vigilant ; i) D'un acte ou d'une tentative de sauvetage de vies ou de biens en mer ou de déroutement à cette fin. Le chargeur ou son ayant droit pourra néanmoins, dans ces cas, faire la preuve que les pertes ou dommages sont dus, en tout ou en partie, à une faute du transporteur ou de ses préposés, autre que la faute prévue à la lettre b ci-dessus. Article 31 (in Chapitre IV – Responsabilité du transporteur) : Lorsque le chargeur a fait une déclaration sciemment inexacte de la nature ou de la valeur des marchandises, le transporteur n'encourt aucune responsabilité pour les pertes ou dommages survenus à ces marchandises. Le Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 rajoute par les articles 39 et 43 les modalités de présentation de la marchandise au port d’embarquement et l’indemnisation éventuelle due par le chargeur au transporteur maritime. Section 4 - Rappel sur le régime général de responsabilité En droit français, le principe qui prévaut est celui de la réparation totale, qu’il s’agisse des « contrats ou obligations » (16) ou encore des « engagements sans convention » (17) , Nous allons voir dans le chapitre suivant qu’il n’en est pas de même en ce qui concerne le droit maritime. (16) Articles 1147 et suivants du Code Civil (17) Articles 1382 et suivants du Code Civil
  • 20. 20 Chapitre 2 LES LIMITATIONS DE RESPONSABILITE La limitation de responsabilité est une règle propre au droit maritime, dérogatoire au droit commun. Cette limitation est même qualifiée comme « l’institution la plus originale du droit maritime » (18) . Le Doyen Georges RIPERT écrivait (19) que l’un des principes fondamentaux du droit maritime est que « l’exploitation du navire ne peut être bien comprise que si l’on a sans cesse dans l’esprit cette idée que le propriétaire du navire n’est pas un débiteur ordinaire … ne peut être indéfiniment responsable » Avant d’aborder la responsabilité du chargeur, considérons dans les grandes lignes, les limitations de responsabilité dont bénéficie le transporteur maritime. Section 1 - Les limitations au bénéfice du transporteur maritime a) Au regard de la Convention de Bruxelles Dans la version originelle du 25 août 1924, la limitation de responsabilité du transporteur est définie par l’article 4 - 5ème alinéa et fixée à 100 £ sterling par colis ou unité, ou contre-valeur dans une autre devise. Toutefois, si la valeur des marchandises est insérée au connaissement, cette déclaration vaudra présomption, sauf preuve contraire, et le transporteur pourra la contester. La valeur de 100 £ sterling par colis ou unité sera appliquée quand bien même la valeur déclarée des marchandises lui serait inférieure. (18) in TRAITE DE DROIT MARITIME par Pierre BONNASSIES & CHristian SCAPEL, Ed. L.G.D.J., 2006 (19) in DROIT MARITIME, Tome II, Ed. ROUSSEAU, 1929
  • 21. 21 En outre, la fausse déclaration de valeur exonère le transporteur maritime de toute responsabilité pour perte ou dommages causés aux marchandises ou les concernant. Le Protocole de 1979 a modifié l’article 4 - 5ème alinéa en insérant plusieurs paragraphes dont le § a) qui substitue à la valeur de « 100 £ sterling par colis ou unité » celle de « 666,67 DTS (Droit de Tirage Spécial tel que défini par le Fonds Monétaire International) par colis ou unité, ou 2 DTS par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable ». Le paragraphe « e) » de ce 5ème alinéa exonère le transporteur maritime du bénéfice de cette limitation « s’il est prouvé que le dommage résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur qui a eu lieu, soit avec l’intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement ». b) Au regard de la Convention de Hambourg Par l’article 5 de ce texte qui, rappelons-le, n’a pas été ratifié par la France, le transporteur maritime est responsable du préjudice résultant des pertes ou dommages subis par les marchandises ainsi que du retard à la livraison, si l'événement qui a causé la perte, le dommage ou le retard a eu lieu pendant que les marchandises étaient sous sa garde, à moins qu'il ne prouve que lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l'événement et ses conséquences. L’article 6 définit les limites de cette responsabilité tant en ce qui concerne les pertes ou dommages subis par les marchandises que pour retard à la livraison. Notons ici que la Convention de Bruxelles n’envisage pas ce deuxième cas de figure. En cas de pertes ou dommages subis par les marchandises, la responsabilité du transporteur maritime est limitée à une somme équivalant à 835 DTS par colis ou autre unité de chargement ou à 2,5 DTS par kilogramme de poids brut des marchandises perdues ou endommagées, la limite la plus élevée étant applicable (§a).
  • 22. 22 En cas de retard, cette responsabilité est limitée à une somme correspondant à deux fois et demie le fret payable pour les marchandises ayant subi le retard, mais n'excédant pas le montant total du fret payable en vertu du contrat de transport de marchandises par mer (§b). Le cumul des réparations dues par le transporteur en vertu des alinéas a) et b) du présent paragraphe ne peut dépasser la limite qui serait applicable en vertu de l'alinéa a) du présent paragraphe en cas de perte totale des marchandises pour le transport desquelles la responsabilité du transporteur est engagée. Les « Règles de Hambourg », autre nom de la convention, ont été adoptées alors que (voir infra Chapitre 3, section 4, §d) le transport par conteneurs commençait à se généraliser. De ce fait, il a été tenu compte de ce nouveau mode de transport. En effet, en cas de transport par conteneur, ce dernier représente l’unité de chargement s’il n’est spécifié au connaissement, ou sinon dans tout autre document faisant preuve du contrat de transport par mer, le nombre de colis empotés. c) Au regard de la Loi française de 1966 C’est l’article 28 de la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 qui définit la limitation de responsabilité du transporteur maritime comme suit : « La responsabilité du transporteur ne peut dépasser, pour les pertes ou dommages subis par les marchandises, et par colis ou par unité, une somme dont le montant sera fixé par décret ». L’article 1er du Décret n°67-268 du 23 mars 1967 à fixé ce montant à 2.000 F par colis ou par unité. La Loi n°86-1292 du 23 décembre 1986 a transposé dans le Droit français les dispositions de l’article 4 - 5ème alinéa du Protocole de 1979 modifiant la Convention de Bruxelles originelle.
  • 23. 23 Dans leur récent ouvrage (18) , MM. BONASSIES et SCAPEL rappellent la date charnière du 1er décembre 1986 depuis laquelle la limitation n’est exclue qu’en cas de faute très grave, habituellement qualifiée de « faute inexcusable », alors qu’elle intervenait auparavant dès lors que l’armateur n’avait pas commis de « faute personnelle ». Section 2 - La limitation de responsabilité du propriétaire de navire Il convient également de citer la Loi n°67-5 du 3 janvier 1967 sur le statut des navires. En effet, le chapitre VII de cette loi est consacré à la responsabilité du propriétaire de navire ; l’article 58, modifié par la Loi n°84-1151 du 24 décembre 1984, stipule que : « Le propriétaire d'un navire peut, même envers l'Etat et dans les conditions ci-après énoncées, limiter sa responsabilité envers des cocontractants ou des tiers si les dommages se sont produits à bord du navire ou s'ils sont en relation directe avec la navigation ou l'utilisation du navire. Il peut, dans les mêmes conditions, limiter sa responsabilité pour les mesures prises afin de prévenir ou de réduire les dommages mentionnés à l'alinéa précédent, ou pour les dommages causés par ces mesures. Il n'est pas en droit de limiter sa responsabilité s'il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l'intention de provoquer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement ». L’article 68 étend cette possibilité aux affréteurs, armateurs et armateurs-gérants, capitaines, ou à leurs propres préposés nautiques et terrestres agissant dans l’exercice de leurs fonctions, de la même manière que le propriétaire lui-même. Cette loi est à rapprocher de la « Convention sur la Limitation de Responsabilité en Matière de Créances Maritimes » signée à Londres le 19 novembre 1976 sous l’appellation de « Convention on Limitation of Liability for Marine Claims » (LLMC), adoptée par le Décret n°86-1371 du 23 décembre 1986 beaucoup plus détaillée :
  • 24. 24 Sans procéder à une exégèse du texte de la convention, notons que parmi les bénéficiaires de la limitation, y figurent également les « assistants », c.a.d. toute personne fournissant des services en relation directe avec les opérations d’assistance ou de sauvetage, le droit de limiter leur responsabilité. Les dispositions de la LLMC concernent les créances : - pour mort, pour lésions corporelles, pour pertes et pour dommages à tous biens survenus à bord du navire ou en relation directe avec l’exploitation de celui-ci ou avec des opérations d’assistance ou de sauvetage, ainsi que pour tout autre préjudice en résultant, - pour tout préjudice résultant d’un retard dans le transport par mer de la cargaison, des passagers ou de leurs bagages, - pour d’autres préjudices résultant de l’atteinte à tous droits de source extracontractuelle, et survenus en relation directe avec l’exploitation du navire ou avec des opérations d’assistance ou de sauvetage, - pour avoir renfloué, enlevé, détruit ou rendu inoffensif un navire coulé, naufragé, échoué ou abandonné, y compris tout ce qui se trouve ou s’est trouvé à bord, - pour avoir enlevé, détruit ou rendu inoffensive la cargaison du navire, - produites par une personne autre que la personne responsable pour les mesures prises afin de prévenir ou de réduire un dommage pour lequel la personne responsable peut limiter sa responsabilité conformément à la présente Convention, et pour les dommages ultérieurement causes par ces mesures, formées contre toute personne dont les faits, négligences et fautes entraînent la responsabilité du propriétaire ou de l’assistant. Par contre, sont exclues de la limitation les créances : - du chef d’assistance, de sauvetage, ou de contribution en avarie commune; - pour dommages dus à la pollution par les hydrocarbures au sens de la Convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures en date du 29 novembre 1969, ou de tout amendement ou de tout protocole à celle-ci qui est en vigueur;
  • 25. 25 - soumises à toute convention internationale ou législation nationale régissant ou interdisant la limitation de la responsabilité pour dommages nucléaires; - pour dommages nucléaires formées contre le propriétaire d’un navire nucléaire; - des préposés du propriétaire du navire ou de l’assistant dont les fonctions se rattachent au service du navire ou aux opérations d’assistance ou de sauvetage Aux termes de l’article 4 de la Convention, une personne responsable n’est pas en droit de limiter sa responsabilité s’il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnels, commis avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement comme cela a été repris in extenso dans la loi française. Les limites de la responsabilité à l’égard des créances, définies par la convention de 1976, sont indiquées dans le tableau suivant : Jauge du navire Créances pour mort ou lésions corporelles Autres créances Inférieure ou égale à 500 tx 333.000 DTS 167.000 DTS De 501 à 3.000 tx 500 DTS/tx De 3.001 à 30.000 tx 333 DTS/tx 167 DTS/tx De 30.001 à 70.000 tx 250 DTS/tx 125 DTS/tx Supérieure à 70.000 tx 167 DTS/tx 83 DTS/tx La Convention LLMC prévoit également, entre autres, la constitution d’un fonds de limitation et, par suite, sa répartition. Le Protocole de 1996, entré en vigueur le 13 mai 2004 et dont la ratification par la France a été autorisée par une loi du 5 juillet 2006 (publiée au JORF du 06/07/2006), a augmenté de façon sensible le plancher de jauge mais également et surtout le montant des limitations, repris dans le tableau ci-après :
  • 26. 26 Jauge du navire Créances pour mort ou lésions corporelles Autres créances Inf. ou égale à 2.000tx 2.000.000 DTS 1.000.000 DTS De 2.001 à 30.000 tx 800 DT/tx 400 DTS/tx De 30.001 à 70.000 tx 600 DTS/tx 300 DTS/tx Supérieure à 70.000 tx 400 DTS/tx 200 DTS/tx Notons également une augmentation beaucoup plus importante pour les navires transporteurs de passagers (20) . Section 3 - Vers une limitation de la responsabilité du chargeur ? Dans son rapport préliminaire aux travaux de la 34ème session tenue au cours de l’été 2001, le Secrétaire Général de la CNUDCI écrivait : « Dans les régimes internationaux en vigueur, la responsabilité du chargeur est très limitée et ses obligations, si tant est qu’elles existent, ne sont pas bien définies. Durant les travaux du sous-comité international, on a estimé qu’il serait utile d’énoncer plus précisément lesdites obligations ». Il faut entendre par là que ces textes ne traitent que fort peu de la responsabilité du chargeur. Nous venons de voir que le transporteur maritime peut donc aujourd’hui, sauf faute inexcusable, opposer à ses créanciers deux régimes de limitation de responsabilité ; face à cela, le chargeur ne peut en opposer aucune ce qui parait inéquitable. Est-il pour autant nécessaire de règlementer ou de légiférer sur ce qui pourrait n’être qu’un besoin apparent d’équité ? Quels pourraient être les cas dans lesquels la responsabilité du chargeur en conteneur serait telle qu’une limitation doive être envisagée ? (20) Tous les montants relatifs au Protocole de 1996 sont issus de la source citée en (18)
  • 27. 27 Considérons tout d’abord le cas dans lequel la faute du chargeur n’entraîne de dommages qu’à sa propre marchandise, chargée dans un conteneur qu’il a lui-même empoté. Cela peut être, par exemple, la conséquence d’un défaut d’arrimage ou de calage dans le conteneur. Aucun tiers n’ayant subi de préjudice, limiter la responsabilité du chargeur est sans objet dans ce cas de figure. Envisageons ensuite le cas où la faute du chargeur entraîne non seulement des dommages à sa propre marchandise mais également à celle empotée dans d’autres conteneurs. Par une erreur matérielle dont il importe peu ici qu’elle soit ou non volontaire, le poids de la marchandise a été déclaré au connaissement pour 2.000 kilos alors qu’il s’agissait en fait de 20.000 kilos. Le transporteur a positionné le conteneur à bord de son navire, en sommet de pile et à l’extrémité d’une rangée (« bay » en langue anglaise). La force centrifuge générée par un coup de roulis fait céder les « twist-locks » (21) du premier conteneur non saisi (22) de la pile et trois conteneurs tombent à la mer, endommageant dans leur chute le bastingage et les œuvres mortes (23) du navire. La valeur moyenne de la marchandise se situant dans une fourchette allant de 45.000 $ à 100.000 €, le coût des réparations étant de l’ordre de 100 K€ et le navire devant être immobilisé trois jours pour les réaliser (avec un cout d’immobilisation de 150 K€/jour), les sommes en jeu peuvent atteindre le million d’euros en tenant compte de la valeur de remplacement des conteneurs. (21) Il s’agit des verrous automatiques positionnés à chaque coin supérieur d’un conteneur, destiné à solidariser de la pile celui qui va lui être superposé (22) En pontée, seuls les deux premières rangées d’une pile sont saisies sur le navire au moyen de tringles et de ridoirs, outre les « twist-locks » ; ces derniers assurent seuls la solidarisation des trois ou quatre rangées supérieures (23) Partie émergée de la coque par opposition à la partie immergée dénommée « œuvres vives »
  • 28. 28 D’un strict point de vue financier, le principe de la limitation peut être envisagé, mais dans le cas exposé, il ne faut pas oublier que le chargeur a fait une fausse déclaration. Il faudra donc, si le principe de limitation de la responsabilité du chargeur doit être retenu dans l’avenir, envisager les critères d’exclusion du droit à cette limitation. Nous verrons au chapitre suivant (section 3-e) que les dommages peuvent être encore plus importants.
  • 29. 29 Chapitre 3 LES FAUTES DU CHARGEUR DE CONTENEURS ENGAGEANT SA RESPONSABILITE Si la fausse déclaration et le mauvais empotage sont des fautes évidentes du chargeur que la jurisprudence a unanimement reconnues depuis plusieurs années comme exonérant le transporteur de sa responsabilité, les différentes juridictions mettent peu à peu à jour d’autres erreurs ou manquements qu’elles analysent également en une faute du chargeur pouvant exonérer totalement ou partiellement le transporteur de sa responsabilité présumée. Les différentes décisions de justice auxquelles il va être fait référence, de façon non exhaustive, dans ce chapitre, sont citées pour illustrer les différentes fautes jugées et tenter par la suite, dans le troisième chapitre du présent mémoire, d’établir un vade- mecum du chargeur de conteneurs. Section 1 - Les documents afférents à la marchandise en conteneur a) la fausse déclaration Il s’agit de la seule faute caractérisée et nommément citée par les textes en vigueur, qu’il s’agisse de la Convention de Bruxelles 1924 (art.3 §5) ou de la loi n°66-420 de 1966 (art.31). Ces dispositions conventionnelles ou légales ont été adoptées bien avant que n’apparaisse la conteneurisation des marchandises transportées et les taux de fret standardisés par conteneur pour un voyage déterminé que nous connaissons actuellement. A l’époque, les navires étaient chargés par « palanquées » au moyen des apparaux de levage des navires, voire à dos d’homme et les taux de frets étaient exprimés à la tonne métrique ou au mètre cube transporté. Dans de telles conditions, la tentation était grande pour des chargeurs peu scrupuleux de minorer le poids ou le volume déclaré des marchandises à transporter.
  • 30. 30 La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a considéré comme relevant de la fausse déclaration, des marques et calibrage non conformes à ceux déclarés aux connaissements (24) , une dénomination erronée (25) (« metal toys » pour des briquets), ou encore un poids inexact (26) (pelle mécanique dotée d’accessoires dont le poids n’avait pas été déclaré). Notons toutefois dans ce dernier cas qu’il ne s’agissait pas d’un transport conteneurisé. L’extraordinaire essor du transport par conteneurs au cours des trente dernières années et la tarification des transporteurs par conteneur/voyage a permis de limiter la pratique de fausse déclaration qui ne trouve plus d’intérêt pour les chargeurs que sur des marchandises spécifiques dont le fret est calculé « ad valorem ». Néanmoins, certains chargeurs la pratiquent encore de façon quasi institutionnelle, sans intention dolosive à l’encontre du transporteur maritime, mais à des fins purement commerciales ; par exemple, pour compenser une freinte de route sur le cacao (27) . Il n’en demeure pas moins que la fausse déclaration de poids peut avoir des conséquences fâcheuses lors des opérations de chargement ou de déchargement quand le poids brut déclaré du conteneur plein est inférieur au poids maximal autorisé par l’engin de levage mais que le poids réel le dépasse. Elle peut également mettre en cause la sécurité de la cargaison en ce que les conteneurs doivent être, lors du chargement, « gerbés » en fonction de leur poids, les plus pondéreux à la base des piles. Outre le poids, la nature même de la marchandise peut faire l’objet d’une déclaration volontairement erronée, pour minimiser la dangerosité de la marchandise et parfois ainsi, le prix du fret. (24) 7 déc. 1983 – pourvoi n°81-14489 confirmant l’arrêt rendu par la CA Aix en Pce le 14 mai 1981 (Legifrance) (25) 18 avr. 1983 – pourvoi n°78-15945 cassant partiellement l’arrêt rendu par la CA Paris le 7 juil. 1978 (Legifrance) (26) 14 fév. 1967 cassation partielle sur arrêt CA Montpellier le 6 nov. 1963 (Legifrance) (27) Constaté à Madagascar où les chargeurs de la région du Sambirano déclarent par EVP 300 sacs de 62 kilos brut (60 kilos de fèves et 2 kilos de sacherie jute double épaisseur) alors que, en parfaite connaissance des sociétés de surveillance, les sacs sont pesés à 62 kilos net pour pallier la dissécation en cours de transport de 2 kilos par sac.
  • 31. 31 Or, l’un des impératifs auxquels doit répondre un document de transport de matières dangereuses, inflammables ou explosives est de fournir au transporteur les renseignements essentiels sur les risques qu’elles présentent (28) . Il est à noter que les marchandises au chargement desquelles le transporteur n’aurait pas consenti s’il avait eu connaissance de leur dangerosité pourront être déchargées, rendues inoffensives ou même détruites, le chargeur pouvant également être rendu responsable de tout dommage résultant directement ou indirectement de leur embarquement (29) . Enfin, la mauvaise rédaction du connaissement par le chargeur est aussi constitutive d’une faute. b) Le défaut de documentation Le Tribunal de Commerce de Marseille, seule juridiction française à être dotée de deux chambres de jugement spécifiquement dédiées au droit maritime et des transports, a rendu récemment une décision dans laquelle la responsabilité du chargeur a été engagée du fait que n’étaient fournis ni la facture commerciale relative à la marchandise afin de procéder à son dédouanement ni, s’agissant de marchandises dangereuses, l’autorisation préalable nécessaire à l’importation dans le pays de destination (30) . c) Les instructions Il appartient au chargeur de donner au transporteur maritime des instructions claires et précises sur les soins particuliers à apporter à la marchandise qui lui est confiée. La responsabilité du chargeur qui a donné instruction de transporter des avocats à une température de 4,5° Celsius alors que ce type de marchandise doit voyager à 7° Celsius a été partiellement retenue (31) . (28) LAMY TRANSPORTS Tome 3 – Marchandises dangereuses, §1742, Ed. Lamy, 2006 (29) Convention de Bruxelles, art. 4 §6 ; Décret n°66-1078 du 314 déc. 1966 (30) TC Marseille, 24 janv. 2006, CMA CGM c/ Galax Chemicals & Eurosped (inédit) (31) TC Marseille, 17 janv. 2006, Allianz & autres c/ ZIM (inédit) ; TC Marseille, un jugement du 13 sept. 2005, AXA & autres c/ Capitaine du « Claes Maersk » & autres (inédit)
  • 32. 32 Le chargeur doit également prévenir le transporteur maritime de tout dépassement de hauteur en cas de chargement dans un conteneur « open top » (32) . Il commet également une faute en donnant instruction de charger alors qu’il sait pertinemment que le port de destination est en grève au moment où il donne ses instructions (33) . Section 2 - L’empotage du conteneur a) Le calage et l’arrimage De nombreux dommages trouvent leur origine dans le mauvais empotage ou saisissage à l’intérieur du conteneur, qui peuvent entraîner des avaries tant à la marchandise qu’au conteneur, voire même au navire où à d’autres marchandises ou conteneurs. Les défauts d’emballage et d’arrimage de la marchandise constituent la principale faute commise par le chargeur. En effet, lorsque les marchandises voyagent en conteneur, le chargeur doit veiller à ce que leur arrimage soit correct car bien qu'offrant une protection remarquable à la marchandise qu'il contient, le conteneur ne peut lui épargner les violents efforts qui s'exercent longitudinalement et transversalement lors de la traversée maritime ou, verticalement, lors des manutentions (34) . Il importe donc que le chargeur soigne l’emballage puis la répartition de la marchandise dans le conteneur afin d’en équilibrer la charge, puis le calage et l’arrimage (35) . (32) TC Marseille, 29 nov. 2002, Generali & autres et Eurocopter c/ Delmas et Marfret (inédit) (33) Cass. com., 30 juin 2004, n° 03-10650 Mutuelles du Mans & autres c/ SGAN (Légifrance) (34) LAMY TRANSPORTS Tome 2, éd.Lamy, 2005 (35) Cass. com., 5 mars 1996, n° 94-14627 et, sur renvoi, CA Rouen, 1ère et 2ème ch. civ., 8 déc. 1998, DMF 2000, p. 126 ; CA Versailles, 3ème ch., 17 avr. 1992, Samr c/ Schmeider et autres (Lamy Transports T2 Ed. 2006)
  • 33. 33 Citons ici quelques décisions rendues par le Tribunal de Commerce de Marseille, qui illustrent ce que peut être un empotage défectueux : - dans un transport de fûts de produit chimiques : faute du chargeur car ce dernier n’avait pas « respecté les spécifications de chargement définies par le fabricant de fûts, ni … posé entre les rangs de fûts des plaques d’un matériau suffisamment résistant pour répartir la charge » se référant à l’arrêt précité de la Cour de Cassation (36) ; - concernant un conteneur tombé de la tête de sa pile suite à une rupture de saisissage conjuguée à un « calage notoirement insuffisant » : la responsabilité du sinistre a été partagée en parts égales entre transporteur et chargeur (37) ; - pour une avarie par mouille dans le chargement d’un conteneur «open top» avec dépassement de hauteur de 0,80 m , le tribunal précité a estimé que « les tauds fournis par l’armement ne pouvaient être de dimensions suffisantes pour remplir leur office … en conséquence qu’il appartenait au chargeur au connaissement de prendre toutes dispositions relatives à la couverture des conteneurs et par là même à la protection de la marchandise, relevant de l’emballage qui est effectué sous la seule responsabilité du chargeur » (38) . - concernant un transport de caisses de verre à vitres d’Anvers à Nouméa, également avec dépassement de hauteur d’un conteneur « open top », la faute du chargeur a été retenue au motif que « l’arrimage était donc insuffisant, la marchandise n’ayant pas été saisie sur les cornières de pied du conteneur ; … que l’arrimage mis en place par le chargeur avait pour seule fonction d’empêcher le balancement transversal des caisses à l’intérieur du conteneur » (39) . - très récemment, la même juridiction a rappelé la nécéssité d’arrimer un véhicule dans un conteneur tout en neutralisant les suspensions du véhicule (par calage), (36) TC Marseille, 14 mars 2000, Borchard Lines c/ 3D Chimie (inédit) (37) TC Marseille, 9 mai 2000, Groupama c/ CMA (inédit) (38) TC Marseille, 6 juin 2000, Tokio Marine & Fire et autres co-ass. c/ CMA (inédit) (39) TC Marseille, 5 sept. 2000, Jem Export c/ Contship Container Lines (inédit)
  • 34. 34 comme cela se fait normalement dans les navires rouliers (40) . Ces décisions sont dans le droit fil de décisions antérieures rendues tant en première instance qu’en appel, ou encore en cassation (41) . Il convient de préciser également que l'empotage trop compact d'un conteneur frigorifique empêchant la circulation de l'air froid est constitutif d’une faute du chargeur (42) . b) Le choix d’un conteneur inadapté Il s’agit là d’un risque pris par le chargeur en connaissance de cause et qui trouve son origine soit dans le refus d’assumer le surcoût d’un conteneur spécifique, par exemple l’utilisation d’un conteneur standard « dry » alors que la nature même de la marchandise impose un conteneur réfrigéré « reefer », soit parce qu’il ne peut faire autrement pour des raisons logistiques qui sont propres au transporteur maritime et qu’il est contraint de subir (43) . Ce dernier point concerne principalement les conteneurs ventilés qui se distinguent des conteneurs standard par la présence de huit grilles de ventilation (à chaque coin, sur les parois latérales) contre quatre seulement (de plus petites dimensions et sur les coins supérieurs uniquement) pour un conteneur standard. Certains produits, comme notamment le cacao en fèves, nécessitent l’utilisation de conteneurs dry ventilés dont aucun transporteur maritime ne possède une flotte en (40) TC Marseille, 30 mai 2006, AMDT c/ CMA CGM (inédit) (41) Cass. com., 27 mars 1973, n° 71-13729, no 272, BT 1973, p. 240 ; CA Montpellier, 2ème ch., 23 janv. 2001, Cie Generali Transports c/ Sté France Euro Tramp, BTL 2001, p. 93 ; CA Lyon, 11 mai 1978, BT 1978, p. 317 ; TC Paris, 13 févr. 1974, BT 1975, p. 97 ; TC Paris, 7 déc. 1977, DMF 1978, p. 441 (42) CA Aix-en-Provence, 2e ch., 24 févr. 1994, GAN Accidents & autres c/ Nippon Yusen Kaisha & autres (Lamy Transports T2 Ed. 2006) (43) voir annexe sur les différents types de conteneurs
  • 35. 35 adéquation avec la demande. En outre la gestion de ces modules spécifiques s’avère complexe et coûteuse pour les armements avec la nécessité fréquente de les réexpédier à vide vers les pays de l’hémisphère Sud ce qui génère une surtaxation du fret. Dans ce contexte de pénurie dont il n’est pas excessif de dire qu’elle est organisée par les armements, le chargeur ivoirien, brésilien, malgache … n’a d’autre solution que d’empoter sa marchandise soit dans un conteneur réfrigéré avec ventilation mécanique uniquement) dont le surcoût du fret, encore plus important, ne sera pas répercuté à l’acquéreur qui refuse systématiquement de le prendre à sa charge, soit dans un conteneur standard (dry) avec le risque que cela comporte pour la conservation de la marchandise pendant le transport. Depuis de nombreuses années, la jurisprudence considère comme une faute du chargeur l’emploi d’un conteneur inadapté (44) ; citons pour l’exemple : - un conteneur isotherme pour l'acheminement de produits dentaires, dont des anesthésiants, au lieu d'un conteneur à température contrôlée (45) ; - un conteneur non étanche et mal ventilé pour le transport de pistaches (46) ; - un conteneur dry pour le transport d'ail (47) ; - le placement en conteneur non réfrigéré d'une marchandise sensible à la chaleur (des fûts de cristaux de menthol), alors que selon un expert « il se produit dans ce type de matériel un effet de serre qui tend à en accroître la température » (48) . (44) Cass. Com. Du 8 juin 1993 sur pourvois n°91-16 510 (CA Paris) et n°91-16 511 (CA Rouen) (Legifrance) ; TC Marseille : 3 juin 2003, Hannover & autres c/ Capitaine du « Hansa Commodore » & autres (inédit) – 14 mars 2006 : Fortis & autres c/ CMA CGM (deux jugements inédits) – 5 mai 2006 : Hillebrand & autres c/ Marfret (inédit) (45) Cass. com., 1er déc. 1992, no 90-19.611/A, BTL 1992, p. 806 (46) CA Aix-en-Provence, 27 févr. 1997, Unata & autres c/ China Ocean Shipping (Lamy Transports T2 Ed. 2006) (47) TC Le Havre, 14 sept. 1993, Maison Papou c/ Navale Delmas International, BTL 1993, p. 739 et Lamy Transports T2 Ed. 2006 (48) CA Aix-en-Provence, 11 mars 1992, Freight Trans International Cy c/ People's Insurance Cy of China (Lamy Transports T2 Ed. 2006)
  • 36. 36 Section 3 – La vérification du conteneur a) Le mauvais état du conteneur La Cour de Cassation a retenu la responsabilité du chargeur qui avait empoté sa marchandise dans un conteneur fourni par ses soins, dont les experts avaient mis en cause l’insuffisance d’isothermie (49) . Certaines juridictions d’appel ont conclu de même pour un défaut d’étanchéité du conteneur (46 & 50) . Cette jurisprudence est parfaitement logique dans la mesure où le chargeur doit assumer la responsabilité du conteneur défectueux qu’il fournit. Qu’en est-il lorsque le conteneur est fourni par l’armement ? L’ouvrage de référence qu’est le LAMY TRANSPORTS (tome 2) indique que : « Le transporteur est tenu de délivrer un conteneur en bon état. Qu’il en soit propriétaire ou simplement exploitant, le transporteur est responsable des dommages survenus aux Marchandises résultant d’une défectuosité du conteneur (par exemple, des trous en toiture ou encore, défaillance de la sonde d’un conteneur sous température dirigée) fourni par ses soins ». Si la plupart des arrêts cités (51) font application du droit maritime, le droit commun a été retenu par la Cour suprême dans sa décision du 13 juin 1995 en raison de la survenance du dommage avant la conclusion du contrat de transport ainsi que par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 31 mai 1990, les dommages étant toutefois survenus durant le pré- acheminement terrestre. (49) Cass. com., 27 oct. 1998, pourvoi n° 96-15654 sur un arrêt rendu par la CA Rouen, 2ème ch. Civ., Nedlloyd c/ Alte Leipziger & autres (Legifrance) (50) CA Paris, 30 janv. 1979, BT 1979, p. 172 et CA Aix en Pce, 27 mai 1988, c/ Beldjilali et CNAN (Lamy Transports T.2 - Lamyline) (51) Cass. com., 13 juin 1995, n° 93-14861 (Legifrance) ; CA Paris, 30 sept. 1992, no 91/8157, China Oceanshipping Cy Shanghai c/ UAP et CA Paris, 5e ch. A, 10 juin 1986, SNCDV c/ Cie La Concorde et autres (Lamy Transports T.2 - Lamyline) ; CA Aix-en-Provence, 31 mai 1990, BT 1990, p. 663 ; CA Rouen, 2 déc. 1982, BT 1983, p. 210
  • 37. 37 Mais des décisions plus récentes ont conclu à la faute du chargeur pour des empotages dans des conteneurs défectueux fournis par l’armement. Citons tout d’abord un arrêt intéressant confirmant en toutes ses dispositions un jugement de première instance (52) pour lequel la faute du chargeur a été retenue ; le conteneur présentait des trous en toiture lorsque le chargeur l’a reçu, ce qui n’a pas empêché ce dernier de l’empoter et de le faire charger. La cour d’appel a motivé comme suit : « … il est acquis que ces trous, dus à la corrosion, existaient au moment de l’empotage. Or il appartenait au chargeur qui seul pouvait pénétrer à l’intérieur du conteneur dans les instants précédant le chargement de vérifier l’état de celui-ci. Il est en effet constant que la présence de trous dans un conteneur se révèle fort aisément de l’intérieur par apparition de la lueur du jour, alors que la présence de trous de si petites dimensions vus de l’extérieur ne se détecte pas, voire ne se détecte que très difficilement ». Citons également dans la même veine, un empotage dans un conteneur réfrigéré dont un des joints de porte était manquant lors de l’empotage : « … qu’effectivement, il importe de considérer que s’il n’est pas possible de savoir à quel moment la partie haute du joint de porte est sortie de son logement, il convient de dire que par contre, l’absence de joint dans la partie basse de la porte ne pouvait qu’exister au moment du chargement, faute de quoi le morceau de joint manquant aurait été trouvé au moment de l’expertise et mentionné dans le rapport ; qu’il s’agissait d’une défectuosité du conteneur évidente qui ne pouvait pas ne pas être remarquée par le chargeur ; qu’en l’espèce, il y a bien faute du chargeur qui a accepté l’utilisation d’un conteneur défectueux » (53) . Les cas d’espèce précités relatifs aux trous en toiture du conteneur démontrent bien que le débat n’est pas clos : est-ce le transporteur qui est fautif de fournir un conteneur percé ou bien le chargeur de l’utiliser dans l’état ? (52) CA Aix en Provence du 26 oct. 2004, Pierre Fabre Santé c/ Safmarine en appel d’un jugement rendu par le TC Marseille le 21 nov. 2000 (inédits) (53) TC Marseille du 1er mars 2005, Victoria Versicherung & autres c/ CMA CGM (inédit)
  • 38. 38 La jurisprudence fluctue comme les textes l’ont fait au cours des siècles passés (54) entre une option plutôt favorable au transporteur et l’autre, plutôt favorable au chargeur. La jurisprudence de la Cour d’Appel d’Aix en Provence (52) , confirmant celle du Tribunal de Commerce de Marseille, ainsi que celle de la Cour d’Appel de Versailles (55) met en exergue le caractère apparent du vice pouvant affecter un conteneur et la vérification a minima que doit effectuer le chargeur. Par contre, et la jurisprudence est unanime sur ce point, le dysfonctionnement d’un conteneur réfrigéré au cours du transport reste de la seule responsabilité du transporteur quand bien même le contrat de location du conteneur est distinct du contrat de transport. Selon la même logique, une clause du connaissement écartant la responsabilité du transporteur pour les conséquences résultant de la fourniture du conteneur par une autre société doit être réputée non écrite au regard de la loi du 18 juin 1966 (56) . b) Le réglage de la température et des volets Que ce soit à l’occasion de la réservation du fret ou de la demande de mise à disposition d’un conteneur par l’armement (cette double demande souvent conjointe est dénommée « booking » en langue anglaise), certains chargeurs sollicitent du transporteur maritime certaines particularités à ce propos. Il n’en demeure pas moins que le chargeur, même s’il a communiqué des instructions précises quand au réglage de la température et de l’ouverture des volets d’aération ne peut pas s’exonérer de vérifier, en professionnel parfaitement informé des conditions nécessaires au transport de sa marchandise, que tout est conforme avant d’empoter. La Cour d’Appel de Paris a jugé à plusieurs reprises que l'omission d'ouverture des volets d'aération était constitutive d’une faute du chargeur (57) . (54) voir chapitre1, section 1 du présent mémoire (55) CA Versailles, 16 juin 1988, BT 1989, p145 (56) CA Rouen, 2ème ch., 28 fév. 2002, CP Ships c/ P&O Nedlloyd, BTL 2002, p. 356 (57) CA Paris : 3 juill. 1987, BT 1988, p. 58 - 5ème ch., 23 oct. 2002, Sarl René Lacour c/ CMA CGM, BTL 2002, p. 830
  • 39. 39 Par contre la jurisprudence reste intransigeante sur l’obligation du transporteur de surveiller la température des conteneurs réfrigérés pendant le transport. Il convient également de noter qu’en professionnel avisé, le transporteur maritime doit relever et passer outre les incohérences pouvant exister dans les instructions de transport - température de -20° Celsius incompatible avec un « assemblage positif » (58) - qui ne constituent qu’une faute partielle du chargeur. Retenons enfin à titre anecdotique cette décision rendue pour un conteneur de fruits de mer congelés arrivés en avarie, dont le connaissement ne stipulait aucune mention de température, ce dont se prévalait le transporteur maritime en exonération de sa responsabilité ; le Président ABITBOL, négociant de son état, alors dans sa dix- septième année de judicature dont seize en chambre maritime, rédigeait de façon surprenante mais non sans bon sens un attendu comme suit : « quand on charge un conteneur frigo qui est plein, c’est pour le transporter à une certaine température de froid » (59) . La faute du chargeur n’a pas été retenue. Section 4 – La préparation de la marchandise a) L’emballage et le conditionnement Avant même d’être empotée et arrimée, la marchandise doit être emballée et conditionnée de telle sorte qu’elle ne souffre pas des aléas inhérent à un transport maritime qui peut s’effectuer dans des conditions de mer très défavorables. En effet, ce n’est pas parce qu’un conteneur offre une excellente protection à la marchandise que le chargeur doit s’abstenir de l’emballer, de la conditionner et de l’arrimer avec soin (36 & 60) . (58) CA Versailles, 12ème ch., 29 juin 1999, CGM c/ SCAC (Lamyline) (59) TC Marseille, 14 juin 2002, Le Continent c/ CMA CGM cité dans LAMY TRANSPORTS Tome 2, éd.Lamy, 2003 et dans le BTL 2002, p. 712 (60) entre autres : Cass. com., 22 mars 1994, n°92-12648, SA Miroiterie du Rhin c/ Someport & autres (Legifrance) - CA Versailles, 18 nov. 1988, Mme Lafeuillade c/ International et autres (Lamyline) - Cass. com. 27 mars 1973, n°71-13729, n°272 BT 1973 p.240 - CA Montpellier, 23
  • 40. 40 janv. 2001, Générali transports c/ France Euro Tramp, BTL 2001 p.93 - CA Lyon, 11 mai 1978, BT 1978, p.317 - TC Paris, 13 fév.1974, BT 1975 p.97 - TC Paris, 7 déc. 1977, DMF 1978, p.441 _____________________________________________________________________________ b) La pré-réfrigération Un conteneur réfrigéré (reefer) est un contenant isotherme doté d’un groupe frigorifique qui sert à maintenir la marchandise à une certaine température (négative à légèrement positive) pendant les opérations de transport. Il est connecté à une alimentation électrique (du bord ou à quai) et possède le plus souvent un groupe thermique pour pallier une éventuelle coupure de courant. Le reefer n’est en aucun cas conçu pour faire baisser la température de la marchandise qui doit y être empotée à la température requise pour le transport mais seulement la maintenir (61) . En outre, l’incidence du débranchement pendant quelques heures pour les nécessités d’un transbordement est insignifiante, un conteneur reefer étant conçu pour que la marchandise empotée ne perde que 1° Celsius par période de vingt-quatre heures (sous réserve bien entendu que les portes restent fermées). Certains chargeurs, volontairement ou non, font fi de ces précautions fondamentales dont le non respect est constitutif d’une faute de leur part unanimement reconnue par la jurisprudence. Or, l'absence de pré-réfrigération avant l'empotage tout comme la mauvaise congélation de la marchandise sont de nature à exonérer le transporteur maritime de sa responsabilité en cas d’avarie (62) . (61) CA Aix en Provence, 2° ch. Com., 16 janv. 2003, Cie Rhône Méditerranée & autres c/ A.P. MOLLER & autres, DMF 2003 p.588, note J. Bonnaud et Ph. Garo - CA Paris, 5° ch., 8 avr. 1999, BTL 1999 p.399 - TC Marseille, 24 août 2004, Albingia c/ Capitaine du navire « CGM Sevilla » & Companhia Linhas Brasileiras de Navegacao (inédit) (62) CA Rouen, 8 déc. 1998, DMF 2000, p. 126 ; CA Paris, 5e ch., 8 avr. 1999, BTL 1999, p. 399 ; CA Versailles, 8 mars 2001, CGM Sud c/ SGC Maritime et CA Versailles, 5 avr. 2001, CGM Sud c/ Réunion Européenne & autres (Legifrance) ; TC Marseille, 19 déc. 2000, Descours & Helvétia c/ CSAV (inédit) ; CA Aix en Provence, 16 janvier 2003, RHONE MEDITERRANEE & autres c/ MOLLER AP & autres (revue SCAPEL 1er trim. 2003)
  • 41. 41 c) Le vice propre La Convention de Bruxelles de 1924 et la Loi n°66-420 du 18 juin 1966 exonèrent le transporteur maritime des dommages provenant du vice propre de la marchandise. La Cour de Cassation en a donné une définition qui a le mérite d’être d’une grande clarté : « le vice propre est la propension de la marchandise à se détériorer sous l’effet d’un transport maritime effectué dans des conditions normales » (63) . La notion de « vice propre » est bien connue et la jurisprudence très abondante (64) . Le transporteur doit toutefois en apporter la preuve (65) . Citons pour l’exemple l’affaire « OREBI » confirmée en deuxième instance : une société de ce nom avait importé 250 tonnes de fèves de cacao, fumigées au Ghana avant leur expédition, qui ont été stockées chez SCAC à Marseille ; lors de l’inspection au dépotage des conteneurs chez cette dernière, la SGS a certifié que les fèves étaient exemptes d’insectes. (63) Cass. com., 9 juil. 1996, pourvoi n° 93-14861 sur CA Rouen du 30 juin 1994, CGM c/ Cial Union & Scandutch (Legifrance) (64) CA Paris, 17 févr. 1977, DMF 1977, p. 535 ; CA Rouen, 5 janv. 1978, DMF 1978, p. 592 ; CA Paris, 26 juin 1979, Belin & autres c/ Pyott (Lamyline) ; Cass. com., 24 févr. 1981, n° 79- 13916 (Legifrance) ; CA Montpellier, 29 janv. 1987, Guardian Royal Exchange c/ Méridionale des bois et matériaux (Lamyline) ; CA Paris, 3 nov. 1987, DMF 1988, som., p. 409, pourvoi rejeté par Cass. com., 20 févr. 1990, n° 88-10800, BT 1990, p. 704 ; CA Paris, 22 févr. 1991, BTL 1991, p. 337 ; TC Nanterre, 13 sept. 1991, BTL 1991, p. 670 ; CA Aix-en-Provence, 2e ch., 16 sept. 1993, Tropical Fruit c/ Capitaine du navire « Narval » & autres, BTL 1993, p. 918 ; CA Paris, 5e ch., sect. A, 11 janv. 1995, Helfer & autres c/ Johnson Line (Lamy Transports T.2); CA Rouen, 19 oct. 1995, Réunion Européenne & autres c/ Hapag Lloyd (Lamyline); Cass. com., 20 janv. 1998, n° 95-20705, n° 95-20750, n° 95-21587, Bull. civ. IV, no 37, p. 26 ; CA Rouen, 8 déc. 1998, DMF 2000, p. 126, sur renvoi de Cass. com., 5 mars 1996, no 94-14.627, Bull. civ. IV, no 78, p. 64 ; CA Paris, 5e ch., 8 avr. 1999, BTL 1999, p. 399 (65) CA Montpellier, 2 déc. 1965, DMF 1966, p. 536 ; CA Rennes, 10 oct. 1985, DMF 1987, p. 87 ; Cass. com., 4 mars 1986, DMF 1987, p. 360 ; CA Aix-en-Provence, 4 juill. 1986, Hesnault c/ NCHP & autres (Lamyline) ; Cass. com., 5 mars 1996, n° 94-14627, Bull. civ. IV, n° 78, p. 64 ; Cass. com., 22 janv. 2002, n° 99-18463, BTL 2002, p. 113 ;
  • 42. 42 Pour une question de coût, la société OREBI a refusé la proposition de la SCAC de traiter de façon préventive les fèves de cacao à leur entrée en magasin ; quelques jours plus tard, les entrepôts de la SCAC étaient infectés d’insectes dont un expert judiciaire reconnu a confirmé que l’infestation était consécutive à l’entrée chez SCAC du lot chargé par la société OREBI. La SCAC a engagé certains frais pour détruire les insectes et sauvegarder la marchandise entreposée, puis assigné le chargeur OREBI en remboursement desdits frais et obtenu gain de cause (66) . La compagnie d’assurance AXA, assureur de la société OREBI, avait entre-temps intenté une action récursoire à l’encontre du transporteur maritime MAERSK dont elle a été déboutée (67) . Les sociétés AXA et OREBI ont fait appel des deux décisions rendues par le Tribunal de Commerce de Marseille. Dans un arrêt techniquement fort bien motivé, la Cour d’Appel d’Aix en Provence a confirmé le principe des décisions rendues en première instance (68) . d) L’impossibilité de vérification par le transporteur maritime A l’exception des conteneurs empotés par l’armement, on dit alors LCL pour « less than a container loaded », qui ne représentent qu’une minorité des cas, les conteneurs sont remis au transporteur maritime scellés c.a.d. munis d’un plomb inviolable sur chacune de ses portes. En conséquence le transporteur maritime ne peut vérifier ce qu’il contient et s’en remet sur ce point aux déclarations du chargeur ; il en est de même en ce qui concerne l’emballage et le conditionnement de la marchandise ainsi que de son arrimage ou de sa préparation, notamment la mise en froid. (66) TC Marseille, 21 nov. 2000, SCAC c/ OREBI & AXA (inédit) (67) TC Marseille, 12 juin 2001, AXA c/ MAERSK (inédit) (68) CA Aix en Provence, 28 oct. 2004, n°2004/670, AXA & OREBI c/ SCAC & Maersk (inédit)
  • 43. 43 Le développement du conteneur est étroitement lié à celui des échanges internationaux par voie maritime. C’est à la société nord-américaine SEA-LAND SERVICE que l’on doit l’invention du conteneur en 1956. Mais il a fallu attendre 1967 pour que la taille des conteneurs soit normalisée alors que le premier navire « porte-conteneurs » ( le « Hakone Maru » de l’armement NKY Line) a été lancé en 1968. L’année d’après, la première ligne régulière était mise en service entre l’Europe, l’Australie et la Nouvelle Zélande. Les premiers porte-conteneurs français, le « Kangourou » et le « Korrigan » ont été lancés en 1973. Les années « 70 » auront été celles des balbutiements, la conteneurisation des marchandises transportées ne s’étant généralisée qu’au cours de la décennie suivante. Les textes qui régissent le transport maritime en droit français, Convention de Bruxelles et loi de 1966, sont donc antérieurs à la conteneurisation et par là même n’ont prévu aucune disposition spécifique à ce mode de transport. C’est donc la jurisprudence qui a pallié à cette carence. La Cour de Cassation a constaté l’impossibilité matérielle pour le transporteur maritime de vérifier la température de la marchandise empotée dans le conteneur plombé qui lui avait été remis et pour lequel il n’avait donc pas pris de réserves (69) . (69) Cass. com., 11 mai 1993, pourvoi n° 91-12531 sur CA Aix en Provence du 25 sept.1990 (Legifrance) ; voir également, cité par le LAMY TRANSPORTS T.2 comme faute du chargeur : la défaillance d'un conteneur à température dirigée (pour un conteneur frigorifique : CA Aix-en- Provence, 4 févr. 1982, DMF 1983, p. 531 ; CA Aix-en-Provence, 7 janv. 1986, Sofraco c/ Lloyd Triestino et AMG, énonçant le principe, mais ne l'estimant pas applicable à l'espèce ; pour un conteneur citerne dans lequel du glucose devait être transporté à 60 °C : CA Paris, 3 mars 1992, BTL 1992, p. 499)
  • 44. 44 e) Le cas particulier des marchandises dangereuses Lors de la session « INFO DROIT » organisée par l’I.M.T.M. (70) le 26 juin 2006, Maître Ch. SCAPEL a développé un thème intitulé « Grandeur et servitude du chargeur de conteneur » dans lequel il a développé le cas imaginaire dont nous reprenons ci-après le principe tout en espérant qu’il ne se produira jamais. « Suite à un incendie à bord qui n’a pu être maîtrisé, le porte-conteneurs X… de la classe « over panamax » (71) appartenant à l’armement Y…, qui effectuait un voyage régulier entre l’Europe et l’Extrême Orient a coulé corps et biens au large des Iles Maldives alors qu’il faisait route vers le Détroit de Malacca, transportant 9 410 EVP (72) . Les vingt-huit hommes d’équipage et officiers ont pu être repêchés sains et saufs par un navire de la marine Sri Lankaise. D’après les éléments de l’enquête, l’incendie s’est déclaré dans un conteneur contenant 800 sacs de Percarbonate de Sodium chargé en cale puis s’est propagé aux conteneurs adjacents sans que les moyens de lutte contre l’incendie du bord ne parviennent à l’éteindre. Le navire, construit par un chantier japonais et lancé fin 2005 était considéré comme l’un des fleurons de la marine marchande mondiale. Le coût des dommages s’élève à plus d’un milliard de dollars dont 150 millions de dollars (corps) et 941 millions de dollars (marchandises transportées). La pré-expertise vient de révéler que la marchandise (auto inflammable) aurait dû être empotée dans un conteneur réfrigéré positionné en pontée et que la nature exacte de la marchandise n’était pas indiquée sur le connaissement. La responsabilité du chargeur est donc engagée mais son assureur a d’ores et déjà fait savoir que le montant de sa garantie RC est limité à 1.000.000 USD. L’on ignore encore les répercussions financières de la pollution qui résultera de ce naufrage, le navire transportant 3.000 tonnes de carburant dans ses soutes ». (70) Institut Méditerranéen des Transports Maritimes (71) se dit des navires d’une largeur supérieure à 32 mètres qui ne peuvent franchir le Canal de Panama ; les navires les plus récents, d’une capacité d’environ 9.500 EVP ont une largeur supérieure à 40 mètres (72) EVP « équivalent vingt pieds » : unité de compte utilisée pour quantifier la capacité de chargement d’un navire porte-conteneurs ; se dit TEU « twenty feets equivalent unit » en langue anglaise
  • 45. 45 Si certains juristes pourraient se réjouir des innombrables procédures que génèrerait un tel accident, ce ne serait certainement pas le cas des assureurs corps et facultés qui auraient à supporter le coût total du sinistre, sans parler du chargeur qui serait à tout coup ruiné. Le transport maritime des marchandises dangereuses n’est pas une activité anodine et la moindre faute peut avoir des conséquences humaines et économiques considérables. Le transport maritime de marchandises dangereuses est régi par : - le code IMDG (73) - Convention SOLAS de 1974 dite « SOLAS 74 » (74) , - Convention MARPOL de 1973 modifiée en 1978 dite « MARPOL 73/78 » (75) , - Convention sur la sécurité des conteneurs de 1972 dite « CSC » (76) . Nous nous limiterons donc à un cas d’espèce, ayant fait l’objet d’une décision récente du Tribunal de Commerce de Marseille, dont le principe n’est pas très éloigné du scénario catastrophe imaginaire exposé supra. (73) Le « Code Maritime International des Marchandises Dangereuses » a été rédigé à partir de 1960 par l’OMI, de concert avec la comité d’experts de l’ONU, afin d’éviter, si possible, les dommages corporels et les avaries au navire, à la cargaison et à l’environnement mais de ne pas entraver inutilement les mouvements de marchandises. La première édition fut publiées en 1965. Ce code a pour finalité de garantir l’application du chapitre VII de la convention SOLAS (66) . (74) La « Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer » fait l’objet en droit français du Décret n°80-369 du 14 mai 1980, entré en vigueur le 25 mai 1980. Constituant le texte de base quand à la sécurité au plan international, elle vise à instaurer un niveau de sécurité acceptable de manière à ce que la concurrence entre armateurs ne s’exerce pas au détriment de cette sécurité. Chaque Etat signataire s’engage à faire respecter ce niveau de sécurité à bord de tout navire battant son pavillon. Selon l’OMI, 141 pays représentant 98,3% du tonnage transporté, auraient ratifié ladite Convention. (75) La « Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution des mers par les navires » a été adoptée par la Loi n°81-742 du 5 août 1981 ; les modifications apportées par le Protocole de 1978 ont fait l’objet du Décret n°83-874 du 27 septembre 1983. Elle reconnaît la nécessité de protéger le milieu marin en limitant les déversements de polluants (accidentels ou non) transportés par les navires. Ladite Convention couvre toutes les pollutions susceptibles
  • 46. 46 d’être engendrées par des navires et précise les moyens à mettre en œuvre pour les prévenir ou les réduire. (76) La « Convention internationale sur la sécurité des conteneurs » (International Convention for Safe Containers en anglais) a été élaborée lors de la conférence internationale sur les conteneurs tenue à Genève en 1972. Elle a fait l’objet du Décret n°77-1043 du 9 septembre 1977. Les trois séries d’amendements qu’elle a subies en 1981,1983 et 1991 ont été reprises par les Décrets n°82-143 du 4 février 1982, n°84-149 du 28 février 1984 et n°95-1266 du 27 novembre 1995. _____________________________________________________________________________ En effet, cette juridiction vient tout juste de rendre un jugement attendu par de nombreux intervenants du monde maritime sur le sinistre subi par le navire CMA Djakarta (77) . Après avoir chargé dans différents ports chinois, ce navire lancé en 1998 et affrété à temps par la COMPAGNIE MARITIME D’AFFRETEMENT (CMA) a entamé début juillet 1999 son voyage retour vers l’Europe. Après avoir franchi sans encombre le Détroit de Malacca, traversé l’Océan Indien puis embouqué le Canal de Suez, le CMA Djakarta a fait escale au port de Damiette en Egypte d’où il est reparti le 10 juillet 1999. Le soir même, un incendie s’est déclaré à bord, prenant rapidement des proportions considérables. Les moyens du bord n’ont pas suffi à en venir à bout, quelques membres de l’équipage ont été blessés en le combattant, appel à assistance a été fait avec déclaration d’avarie commune. Le navire a été finalement abandonné par l’équipage et le Capitaine le 11 juillet et les navires d’assistance arrivés sur les lieux ont mis pas moins d’une semaine pour venir à bout de l’incendie. Le navire a finalement été remorqué à Malte, où la cargaison a été déchargée et triée, puis jusqu’en Croatie pour réparations. Près de deux cent conteneurs ont été déclarés en perte totale, et le navire a du subir des réparation d’un montant quasiment équivalent au coût de sa construction. Sur requête du transporteur maritime, le Tribunal de Commerce de Marseille avait nommé dès le 26 août 1999 un expert judiciaire. (77) TC Marseille, 21 nov. 2006, MURESA INTERTRADE c/ CMA (inédit)
  • 47. 47 Consécutivement à ce sinistre, plus de trente recours ont été initiés par les intérêts facultés devant la juridiction commerciale marseillaise. Après quarante-quatre mois d’enquête et d’étude des faits pour laquelle il s’est adjoint deux sapiteurs, l’expert judiciaire, qui a rendu un rapport aussi complet que volumineux (rapport et annexes représentant plus de mille pages réparties en cinq tomes), ne pouvait affirmer la cause exacte du sinistre et suggérait deux causes possibles, l’une « la plus probable » et l’autre « très probable ». La responsabilité du transporteur maritime n’apparaissant pas dans la cause de l’incendie, toutes les parties ont abandonné l’action qu’elles avaient engagée … sauf une, malgré les dispositions de l’article 4-2-c de la Convention de Bruxelles de 1924, applicable au cas d’espèce, qui stipulent que « Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant d’un incendie à moins qu’il ne soit causé par le fait ou la faute du transporteur » ; Cette action émanant du chargeur au connaissement ayant intérêt à agir et non d’un assureur facultés, il y a tout lieu de penser que la marchandise (six conteneurs 40’ de pneumatiques et chambres à air) n’était pas assurée. La position de la demanderesse était la suivante : « L’existence d’un cas exonératoire n’empêche pas de démontrer que le transporteur a commis une faute à l’origine des dommages subis par les marchandises. A coté du cas prévu à l’article 4-2-c où l’incendie est causé par le transporteur, il faut également envisager le cas ou le transporteur apparaît défaillant dans la mise en œuvre des moyens matériels et humains de lutte contre l’incendie. En l’espèce, c’est précisément ce que l’on est en droit de reprocher au transporteur » ; La CMA opposait une stricte interprétation de la Convention de Bruxelles qui ne retient la responsabilité du transporteur maritime que s’il a causé l’incendie et ajoutait que, dans la mesure où le transporteur n’est pas responsable de la cause de l’incendie, il ne peut être tenu pour responsable de ses conséquences. Quand bien même l’expert judiciaire ne concluait nullement à la responsabilité du transporteur maritime mais seulement que l’origine de l’incendie était inconnue, le
  • 48. 48 Tribunal a entendu considérer chacun des manquements allégués par la demanderesse, figurant pour partie dans les conclusions de l’expert, sans que ce dernier les ait qualifiés comme tels. Bien que la législation soit claire et la jurisprudence constante sur le cas excepté que constitue l’incendie (78) , les juges consulaires marseillais ont estimé nécessaire de répondre aux arguments avancés par la demanderesse, savoir : - l’inadaptation des moyens dont disposait le navire pour lutter contre l’incendie, - le manque de qualification et d’entraînement de l’équipage, - les carences de l’équipage qui auraient eu pour effet de favoriser le développement de l’incendie jusqu’à ce que les produits 5.1 s’enflamment. Cela sans doute parce que les feux de conteneurs à bord de navires ont fait l´objet de nombreux articles de presse ces dernières années notamment le CMA Djakarta objet de la procédure et le HANJIN Pennsylvania en décembre 2003. Le Tribunal a répondu à chaque argument en utilisant les conclusions de l’expert judiciaire qui avait soigneusement vérifié que les conventions SOLAS, MARPOL et CSC ainsi que le Code IMDG avaient bien été respectés, tant en ce qui concernait la navigabilité du navire CMA Djakarta que la sécurité de la cargaison. Une remarque toutefois : le troisième argument de la défenderesse établit pour postulat que l’incendie ait trouvé sa source dans un conteneur autre que contenant des matières dangereuses classées 5.1. alors qu’il ne s’agit que de l’une des deux causes possibles retenues par l’expert judiciaire. Il est intéressant de noter que ce dernier a relevé dans son rapport deux exceptions à la conformité à la réglementation : - d’une part, que les conteneurs dans lesquels ont été chargées les marchandises classées 5.1 disposaient d’un plancher en bois ; (78) CA Rouen, 12 juil. 1957, DMF 1958 p.27 - TC Marseille, 4 mars 1959, DMF 1959 p.425 - TC Paris, 25 juin 1975, DMF 1976 p.154 - CA Aix en Provence, 16 juil.1977, BT 1977 p.587
  • 49. 49 - d’autre part, que l’entreposage à bord des conteneurs de marchandises classées 5.1 n’aurait pas été fait dans un endroit frais mais que ce terme n’est pas quantitativement défini par le code IMDG ni par la Convention SOLAS ; Sur la première exception, le Tribunal a jugé qu’il ressortait des textes en vigueur (Code IDMG, Conventions SOLAS et CSC) que des marchandises classées 5.1 (matières comburantes) peuvent être empotées dans des conteneurs disposant de planchers en bois sous réserve qu’ils soient munis de leur plaque d’agrément. Sur la deuxième exception, le Tribunal a jugé qu’il s’évinçait des extraits du plan de chargement que ces conteneurs avaient été placés en pontée et à l’abri du soleil estival, c'est-à-dire à des emplacements qui, à défaut d’être frais au sens littéral du terme, sont les moins exposés à la chaleur. Le Tribunal a donc suivi l’expert judiciaire en omettant toutefois de préciser que la réglementation précise et stricte sur le positionnement et la séparation des conteneurs de matières dangereuses à bord, définie par les articles 7.2.3.2.1.4 et suivants du Code IMDG, avait été respectée lors de l’élaboration du « bay-plan » et au cours du chargement. In fine, le demandeur a été débouté, le tribunal estimant que la responsabilité du transporteur maritime CMA n’était pas établie, ni dans la survenance du sinistre, ni dans ses conséquences. Si la décision est logique au regard de la Convention de Bruxelles, il est dommage que cette procédure n’ait pas permis d’aller plus loin dans l’étude des causes du sinistre. En effet, le rapport d’expertise judiciaire soulevait l’absence totale de coopération de la part du chargeur et du fabricant de l’hypochlorite de calcium classé 5.1 dont la combustion, spontanée ou non, a conféré à l’incendie l’importance que l’on sait. De ce fait, il n’est pas possible de savoir si les emballages étaient conformes ou non au dispositions du code IMDG, ni comment il a été procédé à l’empotage des deux conteneurs d’hypochlorite de calcium.
  • 50. 50 Compte tenu des conclusions du rapport d’expertise, il semble peu probable que la responsabilité du chargeur et/ou du fabricant ait pu être recherchée. Section 5 - Un exemple de faute non soulevée Si la jurisprudence évolue chaque jour pour équilibrer les responsabilités entre chargeur et transporteur, encore faut-il que ce dernier se prévale de la faute du chargeur, ce qui n’est pas toujours le cas. Citons à cet effet un arrêt très récent de la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui a condamné le transporteur maritime à rembourser l’indemnité payée par l’assureur facultés au bénéficiaire de la garantie. Dans le cas d’espèce, le conteneur (fourni par l’armement) était dans un état déplorable avant l’empotage (absence du joint d’étanchéité au bas de la porte gauche et trou au plafond du conteneur). Toujours est-il que le transporteur maritime a basé son argumentation sur la recevabilité de la demande (exclusivement en première instance et principalement en appel) sans soulever la faute du chargeur qui n’avait manifestement pas vérifié l’état du conteneur avant de l’empoter. Les Conseillers se sont référés à la police d’assurance qui, si elle excluait les dommages ayant pour origine « l’absence, l’insuffisance ou l’inadaptation de la préparation de l’emballage ou du conditionnement de la marchandise et du calage ou de l’arrimage », ne stipulait pas l’insuffisance du conteneur et ont logiquement condamné le transporteur maritime (79) qui n’a pas soulevé le seul point pouvant l’exonérer et auquel la Cour avait fait droit dans une décision antérieure (52) . (79) CA Aix en Provence, 10 avril 2006, MENORAH INSURANCE COMPANY c/ MARFRET sur appel d’une décision rendue par le TC Marseille le 22 juil. 2003 qui avait déclaré la demanderesse irrecevable (inédits)
  • 51. 51 Chapitre 4 LES DEVOIRS DU CHARGEUR DE CONTENEUR La revue DMF a récemment publié un article intitulé « 40 ans d’application des cas exceptés de responsabilité des Règles de La Haye-Visby »(80) dans lequel le rédacteur indiquait que : « les juges recherchent systématiquement un comportement fautif du chargeur pour fonder l’exonération du transporteur. Cette exonération semble entendue moins comme un cas excepté en faveur du transporteur que comme une sanction du chargeur, et ce, à chaque étape de la préparation des marchandises en vue du transport maritime. Ces causes d’exonération ne sont pas particulières. En droit commun de la responsabilité contractuelle, en effet, les fautes du co-contractant libèrent le débiteur d’une obligation contractuelle » (81) . La présomption de responsabilité du transporteur, définie par les textes régissant la matière, devrait les amener les juges à se demander en cours de délibéré : « Quelle faute a commis le transporteur pour que la marchandise arrive ainsi endommagée ? » ; mais l’avocat du transporteur défendeur a plaidé en dernier et n’a pas oublié de mettre en avant les cas exceptés possibles, dont principalement la faute du chargeur. Dans la pratique, les juges, qui sont d’abord et avant tout des hommes, abordent naturellement le litige en se posant la question suivante : « Que s’est-il passé avant, pendant ou après le transport pour que la marchandise arrive ainsi endommagée dans le conteneur ? ». La nuance est de taille, et elle est double : - d’abord d’un point de vue sémantique puisque le cas excepté, hors de la règle générale, est porté au même niveau que la généralité qui impose la responsabilité du transporteur, - ensuite et surtout d’un point de vue pratique parce qu’apparaît le conteneur. (80) LE DROIT MARITIME FRANÇAIS, n°664 – nov. 2005, p. 908 (81) Idem, pages 918 et 919
  • 52. 52 Affirmer comme cela a été fait dans la revue DMF (80) que la démarche des magistrats consulaires semble relever davantage d’une volonté de sanction à l’encontre du chargeur que d’un cas excepté en faveur du transporteur n’engage que le rédacteur de l’article. La lecture attentive des différentes décisions citées dans ce mémoire permet de constater que les juges de première instance s’attachent en priorité à l’analyse des faits (82) pour déterminer ensuite lequel des co-contractants, transporteur ou chargeur, n’a pas effectué sa prestation dans les règles de l’art. En cas de chargement en navire conventionnel, la responsabilité du chargeur portait et porte encore principalement sur deux points : le vice propre et l’insuffisance d’emballage. La conteneurisation a induit d’autres facteurs de responsabilité pour le chargeur dont il faut souligner qu’il n’est que très rarement partie à la procédure intentée, dans la grande majorité des cas, par l’assureur facultés subrogé dans les droits du destinataire, voire par ce dernier. De ce fait, le chargeur n’a que rarement l’occasion de se défendre lui-même et de faire valoir ses propres observations. Pour sa part, le transporteur a vu sa responsabilité se réduire à deux facteurs principaux : le respect des instructions et le saisissage du conteneur. Concernant le conteneur, la jurisprudence des « juridictions provençales » reprise par la doctrine (83) a distingué le contrat de location du conteneur du contrat de transport. Dans ces conditions, pour quelles raisons objectives le chargeur, locataire du conteneur, se dispenserait de vérifier l’état apparent du matériel qu’il loue alors que ce type de vérification est systématique entre locataire et loueur d’un bien immobilier ou d’un véhicule automobile ? (82) Voir à cet effet TC Marseille, 5 oct. 2004 - Navire Cap Canaille et obs. du Prof. TASSEL dans DMF n°664 – Nov. 2005, et TC Marseille, 8 juin 2004 – Navire Kalliste et obs. du Prof. DELEBECQUE dans DMF n°669 – Avril 2006 (83) CA Aix-en-Provence, 19 févr. 1987, BT 1988, p. 521 ; CA Aix-en-Provence, 25 mai 1988, Rev. Scapel 1989, p. 27 ; TC Marseille, 29 août 1989, Gilnavi c/ Eugène Malbec (Lamyline)
  • 53. 53 Il semble surtout que les textes en vigueur sont inadaptés au transport par conteneur et il est à craindre que celui de la CNUDCI ne dérogera pas à cette règle. Nous allons donc tenter dans ce troisième chapitre d’essayer d’établir une sorte de « vade mecum » du chargeur de conteneur. N’en déplaise à certains juristes « maritimistes » ou à certains transporteurs, le transport maritime n’est pas une fin mais un moyen, une phase, dans une opération beaucoup plus vaste de commerce international. Dans l’immense majorité des cas, le chargeur est d’abord et avant tout un vendeur. Ce qui l’intéresse au premier chef, c’est de vendre, d’exporter sa marchandise et le transport n’est qu’accessoire. Certains chargeurs confient la préparation de leur expédition à un professionnel, souvent leur transitaire qui effectuera pour leur compte les formalités en douane et remettra le conteneur empoté au transporteur maritime. Ce faisant, le professionnel pourra éventuellement acquérir la qualité de commissionnaire de transport et interviendra vis à vis du transporteur maritime comme chargeur « pour compte ». Nous nous placerons ci-après dans la position du chargeur qui effectue lui-même l'empotage de sa marchandise, identique à celle du professionnel agissant pour compte d'un tiers. Section 1 - La préparation de l’expédition Le cubage doit intervenir en premier lieu afin de déterminer le type de conteneur qui doit être utilisé, 20' (vingt pieds) ou 40' (40 pieds) (84) . Le poids de la marchandise à empoter doit également être pris en compte afin de ne pas dépasser la charge maximale admise par type de conteneur. (84) les containers répondent aux normes ISO 668 (1985) ou ISO 1496-1 (1990)
  • 54. 54 Dans l'hypothèse où un chargeur néophyte ignorerait cette charge maximale, il faut savoir que celle-ci est indiquée sur chaque conteneur. Certaines charges très lourdes qui ne peuvent être translatées et donc empotées dans un conteneur standard (20' ou 40') doivent être grutées, ce qui impose l'utilisation d'un conteneur « open top ». Certaines autres, trop volumineuses pour passer entre les portes d'un conteneur, peuvent être chargées sur un conteneur « flat ». Lorsque le chargeur ne dispose pas de sa propre flotte de conteneurs, il doit en demander au transporteur maritime auquel il confiera le soin de transporter sa marchandise qu'il lui en mette un (ou plusieurs) à sa disposition. Cette demande se fait généralement simultanément à la réservation du fret (booking). Le chargeur qui envisage de faire transporter de la marchandise sensible doit demander un conteneur qui soit adapté au produit qu'il doit transporter qu'il doit transporter comme nous l'avons vu supra. Il doit notamment être conscient des températures élevées qui peuvent être atteintes à l'intérieur d'un conteneur standard (dry) de l'ordre de 60° Celsius en Mer Rouge. Certains produits qui se conservent normalement à température ambiante (20/25°) peuvent très bien ne pas résister à une telle chaleur. Lorsque le conteneur vide lui a été livré par l'agent local du transporteur maritime et quand bien même aucun texte ne lui en fait obligation, le chargeur doit vérifier l'état apparent du conteneur mis à sa disposition (51& 52) . Dans le cas d'un conteneur « dry », il doit vérifier : - qu'il n'y a pas de trou dans les portes, parois et plafond du conteneur, - que les joints de porte sont en place et en bon état, - que les portes ne soient pas voilées et qu'elles ferment correctement, - que les pattes de support des crémones et les charnières soient rivetées et non boulonnées auquel cas le conteneur pourrait être pillé sans effraction, - que le plancher (en bois ou en bambou) soit sec et propre, - qu'il ne règne pas dans le conteneur une odeur susceptible d’altérer la marchandise, - que les orifices de ventilation ne soient pas obstrués,