1. UNIVERSITE PAUL CEZANNE-AIX-MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE
Centre de Droit Maritime et des Transports
LE TRANSPORT DE MARCHANDISES
DANGEREUSES
PAR PORTE-CONTENEURS
Mémoire présenté par Julie SEGUINEAU
Sous la direction de Maître Christian Scapel
Master II Droit Maritime et des Transports
Promotion 2007-2008
1
2. Les marchandises dangereuses, comme le reste des marchandises transportées
par mer, ont été concernées par l'important développement qu'a connu la
conteneurisation depuis une cinquantaine d'années. Dans un tel cas, l’opération de
transport toute entière est alors conditionnée par les risques que présente une telle
marchandise. Un système de classification a été mis en place, déterminé par le danger
et les propriétés du produit. Cette classification est le point de départ de toutes les
modalités du transport. En effet, elle détermine l’empotage du conteneur, son arrimage
et d’autres règles particulières.
Aucun sinistre sérieux, aucune pollution impliquant des marchandises
dangereuses n’est heureusement à déplorer. Néanmoins, plusieurs incidents impliquant
des marchandises dangereuses se sont produits durant ces dix dernières années. Cela a
permis d’attirer l’attention sur les risques d’un tel transport et sur le problème de la
fausse déclaration de marchandise dangereuse par le chargeur. De plus, cela a aussi
permis de rappeler que le coût de tels sinistres peut être élevé au regard de la haute
valeur de la cargaison et du navire. La sécurité maritime est un sujet important
aujourd’hui avec un trafic maritime en constante augmentation et un risque de pollution
accru. Le problème du transport de marchandises dangereuses doit être pris en compte
pour l’objectif d’une meilleure sécurité en mer.
Hazardous goods, as all the rest of cargo carried by sea, have been influenced by
the great development which the containerisation has known since the last fifty year. In
such a case, all the carriage operation is thus influenced by the hazardous goods because
of the risks of such cargo. A system of classification has been designed determined upon
the hazard and properties of goods. This classification is the starting point of all the
process. Indeed, it determines the stuffing of the container, the stowing on board and
other specific rules.
Luckily, no huge damages, pollutions or loss is to be deplored because of
hazardous cargos. Nevertheless, several incidents involving hazardous cargos occurred
during the last ten years. It has drawn the attention on the risk of such carriage on the
issue of wrong declaration of hazardous cargo by the shipper. Moreover, it has reminded
the fact that the cost of such incidents can be high regarding the great value of the cargo
and the vessel. The maritime safety is an important issue today with the growing traffic
by sea and the risk of pollution. The issue of carriage of hazardous goods has to be taken
into account for safer seas.
2
3. Remerciements
Je tiens tout d’abord à remercier l’équipe du service juridique de la Compagnie maritime
MARFRET et plus particulièrement Monsieur François Luigi pour leur accueil chaleureux
durant mon stage et l’aide qu’ils m’ont apporté pour le présent mémoire.
Je remercie Maître Scapel, directeur du Centre de Droit maritime et des transports pour
m’avoir permis d’intégrer le Master II Droit maritime et des transports.
Mes remerciements vont également à l’ensemble des professeurs et intervenants du
Master pour leurs enseignements et interventions de qualité.
3
4. Le transport de marchandises dangereuses
par porte-conteneurs
Résumé p.1
Remerciements p.2
Sommaire p.3
Introduction p.4
Partie I. La prise en compte technique de la spécificité du transport de
marchandise dangereuse
p.10
Chapitre 1. Un conditionnement spécial exigé par le risque présenté par la
marchandise
P.11
Section 1 : Le contenu : la marchandise dangereuse p.11
Section 2. Le contenant : le conteneur p.21
Chapitre 2. Un mode de transport particulier p.26
Section 1. Le navire porte-conteneurs p.26
Section 2. Une documentation spécifique pour tenir compte de la dangerosité
de la marchandise transportée
p.30
Partie 2. L’ajustement juridique à la spécificité du transport de
marchandise dangereuse
p. 34
Chapitre 1. Ajustement des obligations et de la responsabilité des parties au
contrat de transport
p.35
Section 1. Le Chargeur p.35
Section 2. Le transporteur p.39
Chapitre 2 Le cas particulier de l’affréteur à temps p.45
Section 1. Dispositions des chartes parties p.45
Section 2. Reconnaissance de la responsabilité de l’affréteur à temps par la
jurisprudence
P.46
Partie 3. Plus de sécurité pour un transport à risque p.49
Chapitre 1. Les moyens d’action mis en œuvre face à un transport à risque p.50
Section 1. Un risque à ne pas négliger p.50
Section 2. Instruments pour assurer la sécurité de la navigation maritime p.56
Chapitre 2 Outils et propositions pour un transport de marchandises plus sûr p.64
Section 1. La nécessité d’un meilleur contrôle p.64
Section 2. Formation et information du personnel à terre et en mer p.67
Conclusion p.71
Bibliographie P.72
Annexe p.74
Table des matières p.78
4
5. La mondialisation des échanges renforce le rôle du transport maritime par
l'ampleur de son développement qui tend à influencer le volume des marchandises
transportées ainsi que leur nature. A cet égard, le transport de marchandises
dangereuses est un sujet qui préoccupe de plus en plus le monde maritime. En effet, les
matières dangereuses, qu’on peut trouver dans les produits manufacturés ou qui sont
produits uniquement dans certaines régions, doivent être acheminées là où on en a
besoin. Mais ce transport particulier comporte de nombreux risques. Les conséquences
éventuelles sur les navires, personnels et environnement suscitent l’intérêt et la
nécessité d’’instaurer des règles de sécurité.
Le risque lié au transport maritime ne peut donc être négligé, surtout que le
transport conteneurisé a connu un intense développement. On estime ainsi que sur
chaque navire porte-conteneurs est chargé un ou plusieurs conteneurs de marchandises
dangereuses. Selon le UK P&I club, environ 10% des conteneurs transportés par voie
maritime contiennent des substances dangereuses.
Chaque jour des milliers de conteneurs transportant des marchandises
dangereuses sont transportés à bord de navires porte-conteneurs. Beaucoup de ces
chargements représentent un potentiel danger. Il est ainsi indispensable de procéder à
une identification précise des marchandises transportées afin d’adapter les règles de
sécurité et notamment celles liées aux caractéristiques de conditionnement et
chargement. Du fait des propriétés physiques et chimiques (matières explosive, toxique,
à combustion instantanée, inflammable) des produits, il a fallu édicter des règles tenant
compte de ces particularités pour garantir un acheminement en toute sécurité.
L’une des constantes du droit international réside dans sa difficile mise en œuvre.
Au sein d’un système juridique complexe, la constitution de règles et de normes
reconnues par tous pose un réel problème. Le droit maritime ne fait pas exception à cette
règle. Mais face a l’existence d’un risque réel en matière de transport de marchandises
dangereuses, force est de constater l’enjeu d’une règlementation internationalement
reconnue.
Deux conventions sont la base de toute la réglementation concernant les
marchandises dangereuses transportées par mer: la convention SOLAS et la convention
MARPOL.
Le texte fondamental pour le transport maritime de marchandises dangereuses en
colis est le Code maritime international des marchandises dangereuses ou Code IMDG,
adopté en 1965 par l’OMI. Le Code IMDG a pour objet de renforcer la sécurité du
transport des marchandises dangereuses tout en favorisant la circulation libre et sans
entrave.
5
6. Le Code IMDG est le résultat d’un long processus d’élaboration, indissociable du
développement de la Convention pour la sauvegarde de la vie en mer dite Convention
SOLAS. Le transport maritime de marchandises dangereuses est visé au chapitre VII de
la Convention SOLAS de 1974. Il interdit le transport par mer des marchandises
dangereuses à moins qu’il ne s’effectue selon les dispositions de la Convention SOLAS. Le
chapitre VII de la convention SOLAS opère plusieurs renvois importants au Code IMDG.
A la base de cette réglementation, repose une volonté commune d’uniformisation
des règles sur le transport des marchandises dangereuses. Lors de la conférence SOLAS
de 1960, fut prise la décision d’adopter un Code international unique du transport par
mer des marchandises dangereuses. Le Code IMDG fut ainsi adopté en 1965. Depuis, le
Code a subi divers changements autant en apparence qu’en contenu pour le maintenir en
conformité avec les nouvelles exigences liées au développement des industries. Les
recommandations du Code IMDG ont été intégrées en droit français par le règlement
annexé à l'arrêté du 23 novembre 1987 (Journal Officiel 27 Février 1988).
Un grand changement est intervenu avec l’incorporation du Code IMDG dans la
Convention SOLAS qui a eu pour conséquence de rendre son application obligatoire. Il
s’agit d’une véritable avancée. Le Code IMDG est entré en vigueur le 1er
janvier 2004.
Depuis cette date, tout transport de marchandises dites dangereuses doit
impérativement obéir aux prescriptions établies par le présent code.
Le Code IMDG établit neuf classes de danger et comportent notamment des
dispositions sur l’emballage et le conditionnement, le chargement et la séparation des
marchandises. Il s’adresse à tous les acteurs de la chaine de transport maritime, de
l’expéditeur au destinataire. Le Code IMDG permet ainsi à ces acteurs de connaître les
renseignements essentiels sur les risques présentés par les marchandises dangereuses et
de prendre les dispositions qui s’imposent quant au transport en conformité avec le Code
IMDG.
Le Code a évolué depuis l’époque où ce n’était qu’un simple recueil de faits et
instructions pour les navigants. En plus de 50 ans d’existence, de modifications, de
discussion d’experts, le Code s’est densifié. Il se présente aujourd’hui sous la forme de 2
volumes accompagnés d’un supplément. Le Code doit aujourd’hui être facilement
compréhensible pour le personnel opérationnel et en même temps il doit être assez
complet et technique pour prendre en compte les propriétés de chaque produit et
permettre d’effectuer un transport en toute sécurité. Il se veut exhaustif dans son
ensemble quant au recensement des marchandises concernées et relativement simple
d’accès pour faciliter son application par tous.
6
7. Les marchandises transportées en colis font donc l’objet d’une attention
particulière. La notion de colis regroupe l’ensemble des marchandises conditionnées, peu
importe l’emballage. Il s’agit ainsi des bouteilles, fûts, bidons et autres caisses,
conteneurs et grands récipients pour le vrac.
Cette étude s’intéresse plus particulièrement au transport par conteneurs qui a
connu un spectaculaire développement au cours des dernières décennies et révolutionné
le transport maritime. Ce phénomène trouve son origine dans la mondialisation
croissante de l’économie qui est l’une des causes de l’évolution rapide du transport
maritime tant au niveau de son organisation que du perfectionnement des technologies
employées.
Les transformations liées au transport maritime de conteneurs débutent au cours
des années 1960 et se poursuivront par la suite avec une accélération au cours de la
dernière décennie. Cette évolution, somme toute relativement récente est marquée par
l’apparition de navires spécialisés dans le transport de conteneurs, les porte-conteneurs.
Auparavant, les marchandises conditionnées en conteneurs étaient acheminées par
navires conventionnels.
Aujourd’hui, les porte-conteneurs sont équipés de cales compartimentées par des
cloisons transversales et verticales, comportant de larges écoutilles qui permettent le
chargement modulaire, éliminant ainsi le classique déplacement transversal des
chargements, qui facilitent des glissières1
. L’essor de la conteneurisation a conduit à la
construction de navires spécifiques, dont le volume ne cesse de croître.
La conteneurisation vient d’une idée simple au départ : grouper dans une sorte de
"boîte" des marchandises afin d'en faciliter le déplacement, tout en assurant, autant que
possible, leur protection contre diverses avaries. Il s’agissait à la base de la simple mise
en œuvre de postulats économiques. La conteneurisation a permis d’envisager le
transport sans rupture de charge, grâce aux dimensions standardisées des conteneurs
s’adaptant à tout type de véhicule. C’est l’instrument par excellence du transport
multimodal. Le conteneur peut être utilisé aussi bien pour le transport maritime que
routier ou encore ferroviaire ou aérien. Pourtant, bien qu’elle soit envisagée, il n’y a pas
de réglementation applicable au transport multimodal concernant les marchandises
dangereuses. La réglementation a une base commune. En effet, La classification des
marchandises, à quelques exceptions près, est similaire pour le transport maritime et le
transport terrestre. Mais la profusion de textes pour chaque type de transport ne
contribue pas à la clarté de cette réglementation.
Dans cette étude nous nous limiterons aux dispositions relatives au transport
maritime tout en évoquant lorsque nécessaire les dispositions relatives au transport
terrestre lorsque nécessaire. Le transport maritime, transport principal, est toujours suivi
1
Veaux-Fournerie P., JurisClasseur Transport, Cote : 05,2003, Fasc. 975 : TRANSPORT PAR CONTENEUR
7
8. de phase de pré acheminement et post acheminement terrestre. Les réglementations s’y
référant ne doivent pas être négligées lors de la préparation de l’opération de transport.
Bien entendu les marchandises dangereuses peuvent être transportées sous des
formes différentes. Sur les 3000 produits chimiques qui empruntent la voie maritime,
10% seulement sont chargés sur des navires chimiquiers ou gaziers alors que le reste
voyage sur les lignes régulières en conteneur, difficiles à contrôler et répartis sur un
grand nombre de voyage2
.Ainsi, même si les quantités de marchandises dangereuses les
plus importantes sont transportées en vrac, les risques sont plus grands pour les services
de lignes régulières. En effet, pour le transport en vrac, on utilise des navires
spécialement conçus pour un tel transport avec des mesures de sécurité strictes. Pour le
transport de lignes régulières, où on utilise le plus souvent des conteneurs, le risque de
mauvaise déclaration est plus grand.
Le transport de marchandises dangereuses en colis a fait l’objet d’une
réglementation spécifique qui est à distinguer de celle édictée pour le transport en vrac3
.
On remarque que la réglementation sur le transport de marchandises dangereuses
en vrac se focalise sur les navires. C’est là une différence essentielle entre le transport de
marchandises dangereuses en vrac et celui en conteneurs. Pour le vrac, des critères
précis sont prévus pour tenir compte de la dangerosité de la marchandise pour le
transport tandis que ni les conteneurs ni les navires porte-conteneurs ne doivent
respectés des règles sur la construction pour tenir compte du risque. La réglementation
pour le transport en colis porte sur le risque présenté sur la marchandise et son
chargement : empotage et arrimage.
D’autres marchandises dangereuses font également l’objet de réglementation
spécifique : le transport par hydrocarbures et le transport de matière nucléaire. Ces
domaines font notamment l’objet de conventions internationales instaurant des régimes
spéciaux de responsabilité pour l’exploitant ou le propriétaire du navire.
Le droit international a également prévu un régime spécial de responsabilité pour les
marchandises dangereuses mais qui n’est pas encore en application. L’indemnisation des
dommages causés par des substances nocives potentiellement dangereuses est régie par
le Convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages
liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses
(Convention HNS). Elle a été adoptée par les gouvernements dans le cadre d’une
conférence diplomatique qui s’est tenue en 1996 sous l’égide de l’OMI. Les conditions de
2
Juris Classeur Europe, fascicule 1141 : transports maritimes, III Sécurité maritime.
3
On peut citer le recueil IGC, recueil international de règles relatives à la construction et à l’équipement des
navires transportant des gaz liquéfiés en vrac adopté le 17 juin 1983. Il existe également le recueil
international de règles relatives à la construction et à l’équipement des navires transportant des produits
chimiques dangereux en vrac dit recueil IBC adopté en 1983.
8
9. son entrée en vigueur ne sont toujours pas réunies au jour d’aujourd’hui. La Convention
HNS prévoit un système d’indemnisation à deux niveaux. Le propriétaire du navire est
responsable en premier lieu et ensuite un fond complémentaire est disponible, c’est le
fonds HNS dont la conception étant largement basée sur le régime existant pour les
pollutions par pétroliers. Le parallèle avec le système d’indemnisation mis en place dans
le cadre des pollutions par hydrocarbures est évident.
Le transport de produits nocifs concernent donc un grand nombre de produits
transportés sous des formes diverses. Mais la notion de risque est une constante pour
l’acheminement de tels produits. Le transport de marchandises dangereuses est la
superposition de 2 risques : d’une part, le risque lié au transport et d’autre part le risque
lié à la marchandise. Les risques liés au transport de marchandises dangereuses peuvent
s’apprécier sur deux plans différents : individuel et collectif4
. Sur le plan individuel,
certaines substances nuisibles peuvent êtres très nocives pour la santé. Sur le plan
collectif, les incendies ou explosions de navires ou la pollution marine sont des risques à
prendre en compte.
Aucun accident, aucune avarie majeure dont la principale cause est le transport de
marchandises dangereuses n’est heureusement à déplorer aujourd’hui. Mais la
communauté maritime internationale a pris conscience qu’il existe un risque. Ces
dernières années, plusieurs incendies ou explosions à bord de navire porte-conteneurs,
impliquant des substances dangereuses ont montré que ce transport n’était pas à
négliger. Ces accidents (MSC Napoli, Hyundai fortune, CMA Djakarta) montre
l’importance, l’impact de du transport de marchandises dangereuses sur la navigation et
la sécurité maritime.
Le bilan statistique des accidents maritimes concernant les marchandises
dangereuses reste globalement satisfaisant compte tenu du volume mondial des
marchandises transportées. La raison doit être recherchée dans la multiplication des
efforts de prévention accomplis par la communauté maritime dans son ensemble.
Il a été constaté cependant que la plupart des incidents maritimes impliquant des
marchandises dangereuses transportées en conteneurs ont eu lieu à cause d’une
ségrégation incorrecte ou d’une absence de ségrégation entre les marchandises. Une
autre cause majeure des accidents est la fausse ou mauvaise déclaration de la
marchandise dangereuse.
Face aux risques d’un tel transport, il y a une prise de conscience de la
communauté internationale. Les nombreuses réflexions, propositions et réglementation
montrent la volonté d’encadrer ce transport avant qu’un accident important ne se
4
Philippe BOISSON Politique et droit de la sécurité maritime. Ed. Véritas 1998 , P. 337
9
10. produise. C’est un domaine que le droit essaye de réglementer avant qu’une catastrophe
se produise et non pas a posteriori comme ce fut le cas pour le transport
d’hydrocarbures.
Le transport de marchandises dangereuses par porte-conteneurs concerne un
domaine particulier du transit maritime. Sa spécificité engendre une réglementation
particulière établie par divers textes. Il est nécessaire d’en étudier le contenu, son
efficacité. Face à ce transport particulier, se pose également la question des obligations
et de la responsabilité des acteurs maritimes. Il faut également s’interroger sur les
mesures mises en œuvre ou futures pour assurer la sécurité de l’acheminement de la
marchandise et de l’expédition maritime.
Dans la présente étude, il s’agit, a partir d’une analyse des spécificités techniques
du transport de marchandises dangereuses (partie 1), d’envisager successivement les
aspects juridiques liés à ce type spécifique de transport et notamment ceux relatifs a la
responsabilité des parties (Partie 2). Par la suite seront envisagées les mesures actuelles
et les projets pour répondre aux exigences d’une sécurité renforcée (partie 3).
10
11. PARTIE I
LA PRISE EN COMPTE TECHNIQUE
DE LA SPECIFICITE
DU TRANSPORT
DE MARCHANDISE DANGEREUSE
Le transport de marchandises dangereuses doit tenir compte de la particularité
présenté par le produit transporté. Du fait de leurs propriétés physiques et chimiques, il a
fallu établir des règles de conditionnement et de chargement pour des groupes de
produits ayant les mêmes caractéristiques. Ce conditionnement spécifique prend donc en
compte la dangerosité de la marchandise (Chapitre 1).
Le second risque lié au transport de marchandise dangereuse est celui lié à
l’opération de transport. Pour les produits dangereux, il a fallu édicter des règles
d’arrimage et de séparation des marchandises à bord des navires. L’acheminement de la
marchandise par conteneurs a connu un intense développement. La dangerosité de la
marchandise a des répercussions sur l’expédition maritime par navire porte-conteneurs.
Il est notamment prévu une documentation obligatoire aux informations précieuses.
(Chapitre 2)
11
12. Chapitre 1
Un conditionnement spécial exigé par le risque présenté par la marchandise
La marchandise dangereuse mise en conteneur détermine les règles de son
conditionnement. Pour cela, il faut d’abord clairement identifier le contenu, c'est-à-dire la
matière nocive et déterminer son emballage (Section 1). Des règles particulières
s’appliquent ensuite au contenant c'est-à-dire au conteneur (Section 2).
Section 1 : Le contenu : la marchandise dangereuse
La marchandise dangereuse doit en premier lieu être identifiée et classée selon le
danger qu’elle représente (§1). Suivant cette classification, elle doit ensuite être
conditionnée dans un emballage approprié (§2)
§1. La classification
A. Le système de classification
Il existe plus de 5 000 substances dangereuses recensées dans le monde. Des
marchandises aussi courantes que la lessive ou les pièces détachées de voitures sont
considérées comme des marchandises dangereuses. En conséquence, leur transport doit
obéir à des règles particulières pour tenir compte du risque de la marchandise
transportée.
Pourtant, la notion de marchandise dangereuse est difficile à définir. De
nombreuses expressions sont utilisées dans la réglementation internationale ajoutant
ainsi des difficultés à une définition harmonisée : cargaisons potentiellement
dangereuses, substances nuisibles, marchandises dangereuses ou encore substances
nocives et potentiellement dangereuses. Ces expressions sont rarement définies
précisément.
Seule la convention MARPOL dans son article 2.2 donne une définition du terme
substance nuisible : « toute substance dont l’introduction dans la mer est susceptible de
mettre en danger la santé de l’homme, de nuire aux ressources biologiques, à la faune et
à la flore marines, de porter atteinte à l’agrément des sites ou de gêner toute autre
utilisation légitime de la mer, et notamment toute substance soumise à un contrôle en
vertu de la présente convention. » Beaucoup de textes se contentent d’établir une
classification selon le risque présenté par les produits ou d’énumérer des listes de
produits. On peut estimer que l’expression « marchandise dangereuse », utilisée dans le
Code IMDG et la Convention SOLAS, s’appliquent à toutes les matières dont l’expérience
12
13. a montré ou pourra montrer qu’elle présente un risque pour la santé et la sécurité des
personnes et des biens ou pour l’environnement5
.
Selon les critères de classification et d’identification de l’OMI, plus de la moitié des
cargaisons peuvent être considérées comme dangereuses ou nuisibles pour le milieu
marin6
. Ila fallu établir une classification des produits dangereux selon leur dangerosité et
les propriétés intrinsèques du produit. Ce qui fut fait avec le Code IMDG, texte référence
en matière de transport maritime de transport de marchandises dangereuses en colis. Ce
système comporte 9 classes de marchandises. Ce texte international reprend le même
système de classification pour le transport maritime que celui des règlementations
internationale sur le transport routier, ferroviaire et aérien, à quelques exceptions près.
Ce système harmonisé de classification est incontestablement un avantage pour le
transport par conteneurs, transport multimodal par excellence.
On retrouve cette classification au Chapitre 2 du volume 1 du Code IMDG. Les
chapitres 2.1 à 2.9 décrivent les 9 classes de danger et indiquent les procédures de
classement à suivre. Le Code IMDG ajoute un autre critère de dangerosité. Il s’agit des
polluants marins (Chapitre 2.10 Code IMDG). Ce sont des matières qui peuvent être
bioaccumulées dans les aliments d’origine marine ou qui présentent un degré de toxicité
élevé pour la vie aquatique7
.
Cette classification des polluants marins est reprise de la Convention
Internationale sur la pollution des mers, dite MARPOL 73/78. Leur classification est
répartie en deux groupes. Le premier groupe incluent les produits regroupant 10% ou
plus d’un polluant marin et est référencé sous le sigle « P ». Le deuxième groupe est
celui présentant des risques graves de pollution et est référencé sous le sigle « PP ».
En conséquence, une même marchandise dangereuse peut à la fois relever d’une
classe de danger et être considérée comme un polluant marin.
Avant de procéder à la classification d’une marchandise dangereuse, il faut
l’identifier, déterminer quels peuvent être les risques lors de son transport. La
classification des matières dans une classe de danger fait l’objet de tests chimiques et
biologiques, d’essais en laboratoire, suivant des procédures strictes. Un règlement type
de l’ONU contient des critères, des méthodes d’épreuve et des procédures qu’il convient
d’appliquer pour classer les marchandises dangereuses. C’est le « Manuel d’épreuves et
de critères ». Les dispositions relatives aux procédures de classement, aux méthodes
d'épreuve et aux critères se découpent en trois parties. La première partie concerne
5
Philippe BOISSON Politique et droit de la sécurité maritime. Ed. Véritas 1998, p. 334
6
« Transport par mer des cargaisons dangereuses, potentiellement dangereuses et nuisibles, y compris les
matières dangereuses du point de vue de l’environnement (polluants marins) et les déchets » Reflets de l’OMI.
Aout 1992 J/37 37/Rev.4
7
Code IMDG, disposition 2.10.1
13
14. matières ou objets explosibles à la classe 1. La deuxième partie a trait à l'affectation des
matières autoréactives à la division 4.1 et des peroxydes organiques à la division 5.2. La
troisième partie vise l'affectation des matières ou objets à la classe 3, à la classe 4, à la
division 5.1 ou à la classe 9. Ces classes établies par l’ONU sont similaires à celles
utilisées par le Code IMDG.
Une fois ces tests réalisés, la matière ou l’objet est répertoriée dans une classe de
danger.
Le code IMDG s’applique également au transport de déchets dangereux. Il
s’applique en complément de la Convention de Bâle du 22 mars 1989 relative au contrôle
des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. On
retrouve les dispositions sur les déchets au chapitre 7.8 du Code IMDG. « On entend par
déchets, les matières, solutions, mélanges ou objets renfermant un ou plusieurs
composants auxquels s'appliquent les dispositions du Code IMDG, ou contaminés par un
ou plusieurs de ces composants, et dont aucun emploi direct n'est envisagé mais qui sont
transportés afin d'être immergés, incinérés ou éliminés selon tout autre procédé. »8
Pour une approche plus rapide et facile du système de classification, le Chapitre
3.2 du volume 2 du Code IMDG comporte une liste des marchandises dangereuses. Elle
concerne les marchandises dangereuses les plus couramment transportées. Cette Liste a
pour objet de synthétiser l’ensemble des dispositions applicables lors du transport d’une
marchandise dangereuse. Cette liste est partagée en 18 colonnes. Les marchandises
dangereuses sont désignées par leur numéro ONU, par ordre croissant. Pour chaque
numéro ONU, la liste résume les dispositions et instructions pour le transport et
l’emballage, la désignation officielle, les dispositions relatives à l’arrimage et à la
séparation. Cette liste est un bon résumé des prescriptions à suivre pour un transport de
marchandises dangereuses en conformité avec le Code IMDG.
Un numéro ONU est assigné à chaque rubrique de la liste des marchandises
dangereuses. On retrouve 4 types de rubriques : des rubriques individuelles pour les
matières et objets bien définis, des rubriques génériques pour un groupe bien défini de
matières ou d’objet, des rubriques NSA spécifiques, qui portent sur un groupe de
matières ou produits de nature chimique particulière, des rubriques NSA générales qui
portent sur un groupe de matières ou objets répondant aux critères d’une ou plusieurs
classes9
. Le numéro ONU à 4 chiffres est précédé des lettres UN. On le retrouve sur
chaque document qui décrit les marchandises ainsi que sur l’emballage.
8
Lamy 2008, Tome III, §. 1509
9
Dispositions 2.0.2.2, Code IMDG
14
15. La désignation officielle de transport de la marchandise dangereuse figure en
lettres majuscules à la suite du numéro ONU. Une fois la marchandise répertoriée suivant
ses propriétés chimiques et physiques, elle est nommée par une désignation officielle de
transport.
Cette liste recense les marchandises dangereuses le plus couramment
transportées. Lorsqu’un objet ou un produit figure nommément dans la liste, il sera
identifié par sa désignation officielle lors du transport. Pour les produit qui n’y figure pas
nommément, des rubriques de désignation « génériques » ou « non spécifié par
ailleurs »(NSA) sont prévues. Pour ces rubriques il faut alors préciser les noms
techniques ou les noms de groupe chimique.
Lorsque la matière présente plus d’un risque, il faut se reporter au tableau de
prépondérance de la disposition 2.O.3.6 du code IMDG pour déterminer quelle classe
caractérise ce produit. Mais ce tableau d’ordre de prépondérance ne s’applique pas à
certaines matières lorsque leurs caractéristiques principales correspondent à une des
classes énumérées à la disposition 2.0.3.4. Dans ce cas, le transport de cette matière
dangereuse sera fait en suivant les règles de cette classe. Lorsqu’une marchandise
dangereuse répond aux critères de plusieurs classes, la Liste des marchandises
dangereuses indique quels sont les risques subsidiaires à prendre en compte dans sa
colonne 4.
Ainsi chaque objet ou produit est testé puis identifié par une désignation officielle
de transport et répertoriée dans une classe de danger.
B. Présentation succincte des classes de marchandises
Les marchandises dangereuses sont réparties en 9 classes de danger, selon leurs
propriétés physiques. Elles peuvent également appartenir à la classe des « polluants
marins ».Dans le Code IMDG, on retrouve les 9 classes de danger qui sont ensuite
subdivisées en fonction du risque ou de la nature de la marchandise. Il est nécessaire
d’étudier les caractéristiques et règles spécifiques qui s’appliquent à chaque classe pour
mieux comprendre le système de classification et les prescriptions pour le transport qui
en découlent.
Classe 1 : Matières et objets explosifs
La classe 1 se subdivise de cette façon :
— Division 1.1.Matières et objets présentant un risque d’explosion en masse
15
16. — Division 1.2. Matières et objets présentant un risque de projection, sans risque
d’explosion en masse
— Division 1.3. Matières et objets présentant un risque d’incendie avec un risque
léger de souffle, ou de projection, ou des deux, sans risque d’explosion en masse
— Division 1.4. Matières et objets ne présentant pas de risque notable
— Division 1.5. Matières très peu sensibles présentant un risque d’explosion en
masse
— Division 1.6. Objets extrêmement peu sensibles ne présentant pas de risque
d’explosion en masse
La classe 1, classe présentant le plus de danger est soumise à des interdictions de
transport très strictes. Les matières explosibles tellement sensibles ou réactives qu'elles
sont sujettes à réaction spontanée10
sont interdites au transport. La classe 1 est une
classe limitative. Ainsi, les matières et objets explosibles qui ne figurent pas dans la liste
des marchandises dangereuses du Code IMDG, sauf autorisation des autorités
compétentes11
sont interdits au transport. Le degré très important de danger de cette
classe 1 a conduit à déterminer des groupes de compatibilités. Des marchandises de la
classe 1 sont dites « compatibles » lorsqu'on peut les arrimer ou les transporter
ensemble en toute sécurité sans augmenter de façon notable ni la probabilité d'un
accident ni, pour une quantité donnée de matières explosibles, les effets d'un tel
accident12
. En vertu de ce critère, les marchandises de la classe 1 ont été réparties en un
certain nombre de groupes de compatibilité.
Classe 2 : Gaz
La classe 2 se subdivise de cette façon :
— Classe 2.1. Gaz inflammables
— Classe 2.2. Gaz ininflammables, non toxiques
— Classe 2.3. Gaz toxiques
La classe 2 vise les gaz comprimés, les gaz liquéfiés, les gaz liquéfiés réfrigérés,
les gaz dissous, les mélanges d'un ou plusieurs gaz avec une ou plusieurs vapeurs de
matières d'autres classes, les objets chargés de gaz, et les aérosols.
10
Disposition 2.1.1.2 du code IMDG
11
Disposition 2.1.0 du code IMDG
12
Disposition 2.1.2.1 du code IMDG
16
17. Pour l’emballage et l’arrimage, les caractéristiques de chaque gaz sont à prendre
en compte également pour connaître les dispositions à observer. On prend ainsi en
considérateur le fait que les vapeurs du gaz soient plus légères ou plus lourdes que l’air.
Classe 3 : liquides inflammables
Le point éclair d’un liquide inflammable est la température la plus basse de ce
liquide à laquelle ses vapeurs forment avec l’air un mélange inflammable. Le point éclair
permet de mesurer le risque de formation de mélanges explosibles ou inflammables
lorsqu'un liquide s'écoule de son emballage. Un liquide inflammable ne peut être
enflammé tant que sa température est inférieure au point d'éclair13
. Il ne faut pas
confondre le point éclair et la température d'inflammation, 2 caractéristiques
indépendantes des liquides inflammables. La température d’inflammation est la
température à laquelle il faut porter le mélange explosible composé d’air et de vapeurs
pour provoquer réellement une explosion.
Il faut tenir compte des matières ajoutées ou des impuretés contenus dans les
produits commerciaux qui peuvent modifier les points d'éclair par rapport aux matières
chimiquement pures. En effet, cela peut avoir une incidence sur la classification et la
définition du groupe d'emballage pour un produit donné. En cas de doute concernant la
classification ou le groupe d'emballage d'une matière, il convient de vérifier par des
essais le point d'éclair des matières.
Classe 4 : matières solides inflammables ; matières sujettes à l’inflammation spontanée
La classe 4 est subdivisée de cette façon :
— Classe 4.1. Matières solides inflammables, matières autoréactives et matières
explosibles Désensibilisées
— Classe 4.2. Matières sujettes à l’inflammation spontanée
— Classe 4.3. Matières, qui au contact de l’eau, dégagent des gaz inflammables
La classe 4 regroupe les matières autres que celles qui sont classées comme
matières explosives et qui, dans les conditions qui se présentent en cours de transport,
s’enflamment facilement ou sont de nature à provoquer ou aggraver un incendie14
.
Classe 5 : Matières comburantes et peroxydes organiques
La classe 5 se subdivise de cette façon :
— Classe 5.1. Matières comburantes
13
Disposition 2.3.3.1, Code IMDG
14
Code IMDG, disposition 2.4.1.1
17
18. — Classe 5.2. Peroxydes organiques
Les matières comburantes sont des matières qui, sans être nécessairement
combustibles, peuvent, en général en cédant de l'oxygène, provoquer ou favoriser la
combustion d'autres matières.
Les matières de cette classe peuvent dégager de l’oxygène ou des gaz toxiques, ce
qui accroit le risque et la violence de l’incendie de matières explosives.
Les matières comburantes peuvent être solides ou liquides. Des tests sont réalisés
pour mesurer le pouvoir d'accroître la vitesse de combustion ou l'intensité de combustion
d'une matière combustible avec laquelle la matière comburante serait mélangée.
Les peroxydes organiques sont des matières organiques contenant la structure
bivalente – O-O – et pouvant être considérés comme des dérivées du peroxyde
d'hydrogène, dans lesquels un ou les deux atomes d'hydrogène sont remplacés par des
radicaux organiques. Les peroxydes organiques sont des matières thermiquement
instables qui peuvent subir une décomposition exothermique auto-accélérée. En outre, ils
peuvent avoir une ou plusieurs propriétés suivantes : être sujet à décomposition
explosive, brûler rapidement, être sensible aux chocs et aux frottements, réagir
dangereusement avec d'autres matières, provoquer des lésions des yeux15
. De plus,
Certains peroxydes organiques de la classe 5.2 ne peuvent être transportés que sous
régulation de température, alors indiqué dans la désignation officielle de transport de la
marchandise.
Classe 6 : Matières toxiques et matières infectieuses
La classe 6 est subdivisée de cette façon :
Classe 6.1. Matières toxiques
Classe 6.2. Matières infectieuses
Les matières toxiques sont des matières, qui peuvent soit provoquer la mort ou de
graves lésions, soit être nuisibles à la santé de l'homme si elles sont absorbées soit par
ingestion, soit par inhalation ou par voie cutanée16
.
Classe 7 : Matières radioactives
« Le Code IMDG fixe des normes de sûreté permettant une maîtrise, d'un niveau
acceptable, des risques radiologiques, des risques de criticité et des risques thermiques
auxquels sont exposés les personnes, les biens et l'environnement du fait du transport de
matières radioactives. Elles sont fondées sur le Règlement de transport des matières
radioactives de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), édition de 1996,
15
disposition 2.5.1, Code IMDG
16
LAMY 2008, Tome 3, § 1475
18
19. Collection Normes de sûreté no
ST-1 et établissent des prescriptions à l'attention
notamment des navigants et des personnes appelées à manipuler des colis contenant des
matières radioactives dans les ports et à bord des navires. 17
»
Classe 8 : Les matières corrosives
Les matières corrosives sont des matières qui, par action chimique, causent de graves
dommages aux tissus vivants ou qui, en cas de fuite, peuvent endommager
sérieusement d'autres marchandises ou les engins de transport18
.
Classe 9: Matières et objets dangereux divers
Les matières et objet de la classe 9 sont des matières et objets qui présentent dans le
transport un risque autre que ceux visés dans les autres classes.
On constate que les classes de danger concernent des matières et objets aux
propriétés physiques et chimiques très diverses. Les risques de chaque marchandise :
incendie, explosion, toxicité, corrosion, doivent donc être pris en compte. Ils permettent
de déterminer quelle est la classe applicable et ainsi les prescriptions à respecter pour un
transport plus sûr.
C’est la responsabilité du chargeur d’identifier et classer la marchandise. Une fois
la classification correspondant à la marchandise à transporter identifiée, vient l’étape du
conditionnement. C’est une étape nécessaire qui doit être conduite de façon soigneuse
pour limiter les risques induits par la marchandise dangereuse.
§2. Emballage et conditionnement
Une fois le classement de la matière réalisé, le choix du conditionnement d'une
marchandise dangereuse n'est pas libre. Les marchandises dangereuses doivent être
emballées conformément à l'instruction d'emballage appropriée, indiquée dans le Code
IMDG selon la classe du produit visé. En effet, les emballages utilisés pour le transport
des matières dangereuses sont réglementés.
La construction des emballages destinés à contenir des matières dangereuses est
encadrée. On fait subir à un modèle type d’emballages des tests. Les emballages pour
être conformes et ainsi utilisés pour un tel transport subissent des épreuves de chute,
d’étanchéité, des épreuves de pression interne hydraulique et/ou des épreuves de
gerbage. La sévérité et le nombre des épreuves sur le modèle type varient selon le
17
LAMY 2008, Tome 3, § 1484
18
Code IMDG, disposition2.8.1.1
19
20. groupe d'emballage des matières auxquelles est destiné l'emballage, selon l'état
physique et la densité de la matière à transporter et selon le type d'emballage concerné.
L’opération d’emballage est effectuée par l’expéditeur lors de la phase pré-
transport. Elle doit être réalisée en tenant compte des risques présentées par la
marchandise elle-même mais également en tenant compte des risques et spécificités du
transport maritime.
La marchandise peut être conditionnée dans des fûts, des cartons ou sacs, des
bidons ou des emballages composites. L’emballage peut être constitué de différents
matériaux : acier, aluminium, bois naturel, plastique, textile…
Il faut distinguer l’emballage intérieur et l’emballage extérieur. L’emballage
intérieur est un emballage individuel, par exemple bouteille, aérosols, pour les produits
manufacturés. C’est un emballage individuel. L’emballage extérieur peut consister en un
fût, cartons. Le code IMDG prescrit que les emballages intérieurs doivent être emballés
dans les emballages extérieurs de façon à éviter, dans les conditions normales de
transport, qu’ils se brisent soient perforés ou laissent échapper leur contenu. Aucune
disposition précise n’existe pour l’emballage intérieur mais un transporteur peut refuser
la marchandise ou le chargeur être sanctionné pour mauvaise déclaration si la description
de l’emballage intérieur n’est pas conforme à la réalité. Par exemple, un chargeur peut
déclarer une marchandise en bouteille alors qu’elle est contenue dans un aérosol, or les
aérosols composés de gaz font l’objet de prescriptions spéciales d’emballages dans le
code IMDG.
Selon le degré de danger qu’elles présentent, les marchandises sont réparties en
3 groupes d’emballages :
Groupe d’emballage I : matières très dangereuses
Groupe d’emballage II : matières moyennement dangereuses
Groupe d’emballage III : matières faiblement dangereuses
Les 3 groupes d’emballages permettent à l’intérieur d’une même classe de donner
des indications sur le type d’emballage en fonction du danger. Par exemple, pour la
classe 3 concernant les liquides inflammables, c’est la fourchette de température pour le
point éclair qui est prise en compte. Pour les matières de la classe 8, c’est le degré de
corrosivité qui détermine la répartition dans un des groupes d’emballages.
Cette répartition en groupe d’emballage est applicable aux matières ou objets des
classes 3, 4.1 (à l'exception des matières auto réactives), 4.2, 4.3, 5.1, 6.1, 8 et 9. Les
autres classes font l’objet de dispositions spéciales du chapitre 4.1 du Code IMDG.
20
21. Chaque classe de marchandise fait également l’objet de dispositions spécifiques,
compte tenu des risques liés à la nature de la marchandise. Le type d’emballage est
parfois même déterminant pour classer la marchandise dans une subdivision de la
classe, comme c’est le cas pour la classe 1 concernant les objets et matières
explosives.19
.
Après avoir choisi un emballage conforme aux prescriptions du code IMDG, la
personne qui a réalisé l’emballage doit procéder au marquage de la marchandise. La
marchandise emballée doit être marquée selon la classe de danger ou le polluant marin
qu’elle représente.
Sur chaque unité, colis, est apposée une étiquette comportant les mentions
obligatoires : numéro ONU, nom chimique de la marchandise. Y est également apposé
des étiquettes indiquant la classe de danger de la matière contenue. L’étiquetage et le
marquage doivent être résistants. En effet, ils doivent être conçus pour pouvoir être
déchiffrés au moins trois mois après un séjour dans l’eau de mer.
Une importance particulière doit donc être accordée à l’étape de l’emballage du
produit dangereux. En effet, avant que la marchandise ne soit saisie et empotée à
l’intérieur du conteneur, son conditionnement influence sur la sécurité et les risques dus
à la marchandise. Une fois la marchandise dangereuse et/ou le polluant clairement
identifié et emballé et suivant les prescriptions du Code IMDG, vient l’étape de la mise en
conteneur.
Section 2. Le contenant: le conteneur
Le transport peut se faire dans différents types de conteneurs adapté à la nature
de la marchandise (§1). Ensuite la mise en conteneur doit obéir à des règles spéciales eu
égard à la nature de la marchandise (§2).
§1. Les types de conteneurs utilisés.
De simple boîte, le conteneur est devenu une structure aménagée en fonction de
la spécificité de l'objet à transporter. Aujourd’hui le transport se fait dans des conteneurs
ISO, types de conteneurs aux dimensions standardisées. Les plus courants sont ceux de
19
Code IMDG, disposition 2.1.0
21
22. 20 pieds et 40 pieds. Le terme conteneur n’est pas clairement défini dans la
réglementation. Pourtant il a un cadre juridique légal. Il existe des conceptions
spécifiques telles que la Convention sur la sécurité des conteneurs ou des conventions
internationales qui évoquent les termes de colis ou unité.
Le conteneur, dans le Code IMDG, s’entend comme un engin de transport de
caractère permanent et de ce fait assez résistant pour permettre un usage répété,
spécialement conçu pour faciliter le transport des marchandises, sans rupture de charge,
pour un ou plusieurs modes de transport ; conçu pour être assujetti et/ou manipulé
facilement, des accessoires étant prévus à cet effet.
Le type de conteneurs utilisés pour le transport est un choix fondamental pour
réaliser avec succès une opération de transport. Il faut tenir compte de la marchandise,
de la destination et de la température que va pouvoir rencontrer le conteneur durant le
voyage. Selon le voyage et la destination, il peut ainsi être nécessaire d’utiliser un
conteneur sous température dirigée, pour garder une température stable à l’intérieur du
conteneur durant la durée du voyage.
Pour le transport de marchandises dangereuses, les conteneurs les plus
couramment utilisés sont les conteneurs à usage général pour les marchandises sèches,
dénommés Dry, de 20 ou 40 pieds ainsi que les conteneurs citernes, conçus pour
transporter les liquides chimiques ou alimentaires.
Les conteneurs dry sont des conteneurs fermés ayant un toit, des parois latérales
et des extrémités rigides. Ils sont conçus pour un chargement frontal.
Le transport de marchandises dangereuses peut donc se faire dans des
conteneurs à usage général mais le type de conteneurs définis ci-dessous est peu ventilé.
Or certaines marchandises dangereuses nécessitent un transport dans un conteneur
permettant la circulation de l’air pour éviter le développement et la stagnation de gaz
toxiques. Des conteneurs super-ventilés peuvent donc être utilisés. Ce sont des
conteneurs à usage général dont la surface de ventilation naturelle a été accrue par
l'ouverture d'orifices de ventilation dans les longerons et qui sont étanches.
Les liquides dangereux peuvent être stockés dans des fûts empotés dans un
conteneur à usage général ou pour le transport en grande quantité dans un conteneur
citerne. Ce conteneur est composé d’une citerne entouré d’une structure métallique. La
citerne sera remplie au minimum à 80% de la capacité totale et au maximum à 90% de
la capacité totale, pour permettre une meilleure stabilisation de l’ensemble.
La convention la plus importante sur les conteneurs est la convention
internationale sur la sécurité des conteneurs (CSC), adoptée sous l’impulsion de l’ONU en
22
23. 197220
. La convention CSC poursuit un double objectif : maintenir un niveau élevé de
sécurité lors du transport et de la manutention des conteneurs et faciliter le transport
international des conteneurs en énonçant des règles de sécurité universelles uniformes.
Tout conteneur pour pouvoir être utilisé pour le transport maritime et terrestre
doit être agréé par l’administration d’un Etat. En France, plusieurs organismes sont
compétents pour délivrer cet agrément, dont la SNCF et le Bureau Veritas. Il doit alors
obligatoirement comporter une plaque d’agrément sur les parois. Le conteneur est
soumis à des essais et contrôle lors de sa mise en service puis régulièrement ensuite. Cet
agrément est l’assurance d’un conteneur en bon état capable de contenir des
marchandises en sécurité.
Le Code IMDG contient des prescriptions relatives aux différents engins de
transport. Le conteneur est considéré comme un engin de transport. Ces engins doivent
être approuvés et agréés par les autorités du pays dans lequel ils sont construits. Le code
IMDG exige qu’une plaque d’identification ou d’agrément soit apposée sur chaque engin.
Le type de conteneur adapté à la marchandise et au voyage prévu est choisi par le
chargeur. Il doit vérifier que ce conteneur est agréé et conforme pour un transport en
sécurité, notamment grâce aux plaques d’agrément sur le conteneur. Lorsque le choix du
conteneur est réalisé, vient l’étape de la mise en conteneur, c'est-à-dire de l’empotage.
§2. Mise en conteneur
Un soin particulier doit être apporté à la mise en conteneur de la marchandise
dangereuse à l’intérieur du conteneur. En effet, le chargement de la marchandise dans le
conteneur doit tenir compte des contraintes traditionnelles d’un transport par mer mais
également des risques particuliers liés à la nature de la cargaison.
En conséquence, un grand soin doit être apporté à cette opération puisque un
mauvais empotage peut être à l’origine de dommages à la marchandise, au conteneur
ainsi que d’accidents au cours du transport comme la chute du conteneur à la mer par
exemple.
Compte tenu de toutes ces données, il est nécessaire de réaliser un véritable
arrimage de la cargaison à l’intérieur du conteneur et non pas de se contenter de remplir
le conteneur de façon désordonnée.
20
La CSC est entrée en vigueur en France le 6 septembre 1977. Depuis lors, elle a subi trois séries
d'amendements en 1981, 1983 et 1991
23
24. Il est donc acquis que le chargement du conteneur a une incidence directe sur la
sécurité du transport de marchandises dangereuses.
Le supplément au Code IMDG inclut les directives OMI/OIT/CEE-ONU pour le
chargement des cargaisons dans des engins de transport. Ces directives ont été publiées
en 1974 en tant que guide de formation pour le chargement des cargaisons dans les
conteneurs notamment. Elles mettent l’accent sur les effets de la mer sur les conteneurs
qui exercent des contraintes (tangage, roulis) qu’on ne retrouve pas lors du transport
terrestre. Le conteneur étant dédié au transport multimodal, il est donc nécessaire pour
la personne qui le charge de prendre en compte les différents modes de transport et
d’être particulièrement vigilant à l’empotage lorsqu’il est prévu qu’une phase de transport
se fasse par mer. La personne chargeant une marchandise dangereuse doit donc tenir
compte de ces directives.
Mais avant de charger le conteneur, il faut que la personne responsable de cette
charge vérifie le conteneur. Il faut notamment examiner s’il ne comporte pas de trou, de
traces de corrosion. Il est important de vérifier s’il est propre s’il n’y a pas de restes de la
marchandise précédemment chargé à l’intérieur, si les marquages du précédent voyage
ont bien été enlevés. En effet, un conteneur souillé peut avoir une incidence pour le
transport de marchandises dangereuses si le produit précédemment chargé entre en
contact avec le produit dangereux et provoque ainsi une réaction chimique.
Un empotage en conformité avec le Code IMDG implique que le conteneur soit
donc être propre et sec. Il faut également que tous les colis aient été examinés
extérieurement en vue de déceler tout dégât. Seuls des colis en bon état doivent être
chargés.
La mise en conteneur peut d’autant plus s’avérer compliquée si le conteneur est
un lot de groupage contenant des marchandises dangereuses et non dangereuses.
Au sein d'un conteneur, il est possible de placer des marchandises dangereuses
différentes, soigneusement conditionnées dans des emballages séparées. Pour se faire il
faut tenir compte des dispositions relatives à la séparation des matières. Il faut
également anticiper que ces marchandises ne réagissent pas dangereusement entre elles
en cas de fuite. Il est de la responsabilité du chargeur de s’assurer que les différentes
marchandises dangereuses chargées à l’intérieur d’un même conteneur sont bien
séparées et ne vont pas interagir dangereusement.
Les marchandises dangereuses qui possèdent des caractéristiques similaires ont
été regroupées en une liste donnée à la disposition 7.2.1.7.2 du Code IMDG. On trouve
par exemple comme groupe : acides, chlorates, chlorites, plomb et ses composés….
24
25. Lorsque dans la liste des marchandises dangereuses, une prescription particulière
relative à la séparation renvoie à un groupe de matière, la prescription particulière en
question s’applique aux marchandises affectées au groupe de séparation des matières
correspondant.
Lorsque plusieurs marchandises dangereuses sont empotées dans un même
conteneur, le conteneur doit alors être marqué et porté les étiquettes conformément aux
prescriptions pour toutes les marchandises.
Une fois les marchandises soigneusement marquées et mises en conteneur, il faut
également apposées les étiquettes correspondant à chaque marchandise dangereuse sur
chaque face du conteneur.
Lorsque l’opération d’empotage du conteneur est terminée, les personnes
responsables de l’empotage doivent préparer un certificat d’empotage qui déclare que
l’opération de mise en conteneur a été conduite conformément aux dispositions
spécifiées à la disposition 5.4.2.1 du Code IMDG. Cette déclaration doit être signée et
datée par la personne qui a fait l’empotage.
La personne réalisant l’empotage doit aussi garder à l’esprit que durant le
voyage, les conditions climatiques peuvent sensiblement variées (température,
humidité…). Cela peut affecter les conditions internes à l’intérieur du conteneur, ce qui
peut former de la condensation à l’intérieur. Pa exemple, lorsque l’expéditeur sait que la
marchandise dangereuse qu’il souhaite faire transporter est susceptible d’être
endommagé à cause de la condensation, il vaut mieux qu’il fasse intervenir un expert
pour valider l’empotage. De toute façon, il est préférable de faire intervenir un expert
lors de l’empotage d’un conteneur de marchandises dangereuses.
Après le transport de la marchandise dangereuse et le conteneur vidé de la
marchandise dangereuse, il convient de s’assurer que celui-ci ne contient aucune trace
de contamination susceptible de le rendre dangereux. Il est nécessaire de procéder à un
nettoyage soigneux du conteneur. Souvent le conteneur rendu vide sera accompagné
d’un document certifiant du nettoyage et de la possibilité d’utiliser le conteneur pour
charger une autre marchandise. Le chargeur doit, pour les emballages vides non
nettoyés, les désigner, les marquer, et les munir de plaques-étiquettes conformément
aux dispositions applicables aux marchandises dangereuses préalablement transportées.
L’empotage est ainsi une étape importante dans l’acheminement de la
marchandise dangereuse. Le conteneur ne doit pas être trop chargé et les marchandises
25
26. à l’intérieur doivent être chargées de façon à ne pas être se désarrimer lors du transport
et provoquer des dommages à la marchandise ou au conteneur.
Toute cette première phase liée à la préparation de la marchandise en vue de son
transport doit être réalisée avec soin. En effet, du classement de la marchandise dépend
toutes les conditions du transport. La classification, l’emballage et la mise en conteneur
de la marchandise dangereuse se font sous la responsabilité du chargeur. La seconde
phase est celle du transport proprement dit. Il y a toujours un pré-acheminement et un
post-acheminement terrestre. La marchandise doit être préparée et transportée en
conformité avec les règlementations en la matière. Entre ces deux opérations de
transport est effectué le transport maritime sous la responsabilité du transporteur
maritime.
26
27. Chapitre 2
Une opération de transport
L’acheminement de la marchandise dangereuse mise en conteneur se réalise sur
un type de navire spécialisé (Section 1). Cette opération de transport doit être effectuée
en tenant compte d’une documentation essentielle (Section 2).
Section 1. Le navire porte-conteneurs
Le navire spécialement adapté au transport de conteneurs et la dangerosité de la
marchandise expliquent les particularités de cette opération de transport (§1). Le
chargement à bord de tels navires est très importants et doit obéir à des règles
impératives d’arrimage et de ségrégation (§2).
§1. Un mode de transport particulier pour un chargement adapté
Le développement du transport en conteneurs s’est accompagné de la
construction de navires spécifiques : les porte-conteneurs. Ces navires sont dotés
d'installations spécifiques, pourvu de cales munies de glissières et de systèmes
particuliers de saisissage et d'arrimage des conteneurs en cellules. Cela permet de
superposer les conteneurs en cale ou sur le pont. L’avancée majeure que constitue
l’apparition de nouveaux navires et l’œuvre d’armateurs américains conscients de
l’opportunité de construire de nouveaux navires spécialement équipés afin de recevoir les
conteneurs de marchandises.
Les navires sont de taille variable dont la capacité est mesurée en e.v.p
(équivalent 20 pieds), c'est-à-dire selon le nombre de conteneurs que peut embarquer le
navire. On constate aujourd’hui une course au gigantisme avec la construction de porte-
conteneurs toujours plus grands.
Cette course au gigantisme pose de nombreuses questions notamment en relation
avec le transport de marchandises dangereuses. Les marchandises déclarées comme
soumise au Code IMDG représentent entre 5 et 10% du volume conteneurisé dans le
monde. Le volume de marchandises conteneurisées transportées augmente d’année en
année, notamment les marchandises dangereuses. Sur des navires de plus en plus
grands, la probabilité d’avoir à bord différentes marchandises dangereuses est donc
forte. Cela implique des questions sur la sécurité, la séparation des conteneurs de
dangereux à bord des navires.
27
28. La taille des navires posent également un problème concernant l’assistance. En
cas d’incident, l’assistance à apporter à un navire de grande taille peut s’avérer
compliquée. La présence de marchandises dangereuse risque de compliquer la tache des
sauveteurs. L’assistance à de tels navires a bien entendu un coût. L’incendie ou explosion
qui peut se déclarer à bord peut provoquer des dommages considérables, sans parler de
la sécurité des sauveteurs en cas d’implications de marchandises dangereuses dont le
comportement est bien souvent imprévisible.
Concernant la marchandise dangereuse transportée, le transport en conteneur est
souvent propice à la fausse déclaration de la marchandise. En effet, la conteneurisation
permet que la vraie nature de la marchandise puisse être plus facilement dissimulée que
pour un autre type de transport. La taille toujours grandissante des navires, la
concentration de valeur marchandise à bord d’un porte-conteneurs modernes et donc la
responsabilité à laquelle le transporteur est exposé peut être considérable. Ce problème
de la fausse déclaration est alors à mettre en perspective avec les coûts lors d’un sinistre
sur de tels navires. De récents incendies et explosions dus très probablement à des
marchandises dangereuses montrent que le montant du préjudice peu se révéler très
élevé sur des navires de taille moyenne. Par exemple, La réclamation total concernant le
Hanjin Pennsylvania, porte conteneurs de 4 400 evp, a atteint 130 millions de USDollars .
De même, les dommages dus à l’explosion à bord du Hyundai fortune sont estimés à 100
millions de USDollars. La question du coût d’un sinistre entrainant de graves dommages
voir une perte totale du navire se pose pour les navires de plus de 11 000 evp qui sont
actuellement en construction. Comme on va le voir, les sinistres causé par des
marchandises dangereuses ne sont pas si rares et causent bien souvent de lourds
dommages. Les volumes de marchandises transportées et la taille des navires toujours
plus grands conduisent à une concentration, une agrégation des risques. Cette
concentration des risques pourrait avoir de lourdes conséquences financières dans le cas
d’une perte totale ou même partielle d’un navire de plus de 14 000 evp21
.
Comme on le verra ci-dessous, il existe une documentation spécifique concernant
le transport de marchandise dangereuse. Cette documentation s’attache au produit
transporté. Mais le navire doit aussi respecté des normes de sécurité, qui donnent lieu à
l’émission d’un document de conformité ; C’est le « document of compliance for ships
carrying dangerous goods » visé à la règle II-2/19 de la Convention SOLAS 74. C’est un
document valable 5 ans. Il atteste que le navire et ses équipements sont agrées pour le
transport de marchandises dangereuses.
21
Communiqué de presse du 26 avril 2007 du TT club disponible sur leur site internet
28
29. Le navire porte-conteneurs est aussi construit avec une structure qui tend à ne
plus différencier le pont de la cale. Dans certains navires, la séparation n’est même pas
marquée par des panneaux de cale. Cette spécificité doit être mise en perspective avec
les prescriptions du code IMDG concernant l’arrimage et la séparation des conteneurs.
§2. Arrimage et ségrégation de la marchandise à risque
Le Code IMDG prévoit des règles de séparation, de ségrégation entre les
marchandises dangereuses. Il prévoit également des règles concernant l’arrimage, la
position à bord du navire.
Toutes ces dispositions obligatoires du code IMDG sont visées à la partie 7 «
dispositions relatives aux opérations de transport ».
Le Chapitre 7.1 contient des dispositions sur l’arrimage. Selon les catégories allant
de A à E définies à l’Appendice B du code IMDG, les matières et objets dangereux
peuvent être arrimés en pontée ou sous pont.
La position des conteneurs ne se détermine plus en fonction de la notion de
pontée mais est déterminée par un plan d’arrimage, établi de façon informatique du fait
de sa grande complexité par le shipplanner.
L’arrimage en pontée a longtemps été interdit sauf si le chargeur a donné son
consentement, selon l’article 22 de la loi de 1966. Le développement des Les porte-
conteneurs, navires spécialisés, ne comportant plus véritablement de pont, a incité le
législateur à prendre en compte cette évolution. En conséquence, l’Article 22 a été
modifié par la loi de 1979. En cas de chargement en conteneur à bord de navires munis
d’installations appropriées pour ce type de transport, le transporteur peut sans
commettre de faute, arrimer sur le pont le conteneur car le consentement du chargeur
est supposé donné. Le transporteur peut également insérer dans son contrat de transport
une clause pour le transport en pontée régulier.
Pour les marchandises dangereuses, l’arrimage en pontée ou en cale est souvent
seulement recommandé. L’arrimage en pontée est déclaré obligatoire lorsqu’une
surveillance constante est nécessaire ou lorsque la facilité d’accès est spécialement
nécessaire ou lorsqu’il y a un risque notable de formations de mélanges détonants de
gaz, d’émission de vapeurs très toxiques ou de corrosion du navire susceptibles de
passer inaperçue22
.
22
Disposition 7.1.1.8, Code IMDG
29
30. En pratique, l’arrimage des conteneurs de dangereux se fait le plus souvent en
pontée. Lorsque le conteneur devient un danger il est ainsi plus facile de le jeter à la mer
si nécessaire, ou de maitriser le début d’incendie.
Il peut être indiqué que la marchandise doit être arrimée protégée de la chaleur
rayonnante. C’est le cas lorsqu’il est nécessaire d’empêcher une accumulation de la
pression ou de la décomposition ou polymérisation d’une matière23
. Il faut alors veiller à
ce que le conteneur soit à l’abri d’un soleil trop fort lorsqu’il est en pontée et loin des
sources de chaleur lorsqu’il est chargé en cale.
Le Code IMDG peut également prescrire un arrimage à distance des locaux
d’habitation et des aires de travail. C’est notamment le cas pour les produits de la classe
1. Dans ce cas, il faut tenir compte de la possibilité que des vapeurs s’échappent et
pénètrent dans les locaux d’habitation, les locaux de services ou les locaux des machines.
Pour la position du conteneur à bord, il faut donc voir si un arrimage en pontée ou
plutôt en cale est recommandé voir obligatoire. L’arrimage doit également tenir compte
de la distance avec les locaux d’habitation et de la nécessité de mettre à l’abri de la
chaleur ou des rayons directs du soleil la marchandise.
Au-delà de ces contraintes tenant à la nature de la marchandise elle-même,
viennent s’ajouter des règles de séparation entre les marchandises dangereuses à bord
d’un même navire.
Les marchandises incompatibles doivent être séparées les unes des autres.
« Deux matières ou objets sont considérées comme incompatibles lorsque leur arrimage
en commun peut entraîner des risques excessifs en cas de fuite ou de déversement ou de
tout autre accident »24
. Les règles concernant la séparation des matières sont visées au
chapitre 7.2 du Code IMDG.
On a vu précédemment les règles et prescriptions à prendre en compte lorsque
plusieurs types de marchandises étaient empotés dans un même conteneur, il y a aussi
des prescriptions à suivre pour positionner plusieurs conteneurs de marchandises
dangereuses à bord d’un même navire.
La séparation peut se faire en respectant une certaine distance entre deux
marchandises ou en isolant ces deux marchandises par des cloisons ou des ponts en
acier.
Les expressions utilisées aux fins de la séparation des conteneurs sont « loin de »,
« séparé de », « séparé par un compartiment ou une cale complet de », « séparé
longitudinalement par un compartiment ou une cale intermédiaire complet de ». Le code
23
Disposition 7.1.1.13, Code IMDG
24
Disposition7.2.1.3, Code IMDG
30
31. IMDG contient des schémas précis pour expliquer à quoi correspondent précisément ces
notions.
Tous ces paramètres de séparation et de contraintes d’arrimage compliquent le
travail du shipplanner. Auparavant c’était le commandant qui établissait le plan de
chargement. Mais aujourd’hui avec le raccourcissement des escales, la taille grandissante
des navires, ce travail est réalisé par le shipplanner avec l’aide d’un logiciel établissant le
plan de chargement. Autant dire qu’un travail déjà fastidieux est d’autant plus compliqué
quant entrent en jeu les contraintes d’arrimage et de séparation des marchandises
dangereuses…
Section 2. Une documentation spécifique pour tenir compte de la dangerosité de
la marchandise transportée
Les informations de cette documentation sont nécessaires lors de l’acheminement
de la marchandise dangereuse (§1). Le document clé pour l’opération de transport est le
manifeste de marchandises dangereuses (§2).
§1.Une documentation aux informations essentielles
Tous les documents ayant trait au transport de marchandises dangereuses doivent
comporter trois informations spécifiques : le numéro du conteneur, le numéro ONU, le
nom et contact de la personne qui a empoté le conteneur.
Un document qui revêt une importance particulière est le manifeste de
marchandise dangereuse, qui sera étudié plus en détail ci-dessous.
Un autre document clé est le certificat d’empotage du conteneur, document qui
doit accompagner le conteneur durant tout le transport. Ce document doit être fourni par
les responsables de l’empotage du véhicule. Il indique que le conteneur a été empoté
conformément aux conditions définies dans le Code IMDG25
. Il indique notamment que le
conteneur était propre et sec et en état de recevoir la marchandise, que seuls les colis en
bon état ont été chargés après examen, que le conteneur et les colis sont marqués et
étiquetés.
25
Disposition 5.4.2.1, Code IMDG
31
32. Un autre document qui peut être fourni est la déclaration de marchandises
dangereuses. Mais c’est un document préliminaire dans la chaine IMDG. C’est un
enregistrement du « booking » fait par le chargeur au transporteur. Il ne reflète pas
nécessairement ce qui sera chargé dans le conteneur finalement.
Pour une simplification de la documentation, les informations contenues dans le
document de transport des marchandises dangereuses et le certificat d’empotage
peuvent être rassemblées dans un seul document : le formulaire cadre pour le transport
multimodal de marchandises dangereuses26
. Si ce n’est pas le cas, les 2 documents
doivent être attachés durant le transport pour être sûr que les informations essentielles
ne seront pas égarées.
Pour des questions de sécurité, une fois tous les documents fournis et les
conteneurs embarqués, les officiers du bord devraient vérifier que les conteneurs chargés
sur le pont correspondent bien au plan de chargement final en comparant avec le numéro
du conteneur, la position à bord et le numéro ONU . Mais ces recommandations, faute de
temps durant les escales, ne sont bien souvent pas suivies.
Il est important de rappeler que les informations relatives au transport et à la
manutention sont toutes reliées au numéro ONU de la marchandise dangereuse. Ainsi,
lorsqu’un incident se produit ou qu’une information essentielle est nécessaire
immédiatement, le numéro ONU fournit la clé pour les informations nécessaires à la
sécurité. Il st ainsi plus rapide de consulter la liste de marchandise dangereuse, rangée
par ordre croissant de numéros ONU, pour déterminer qu’elles étaient les prescriptions
d’emballages, d’arrimage de ségrégation à suivre et de se reporter à la description des
propriétés de la marchandise.
On ne peut que déplorer que les informations, la déclaration de marchandises
dangereuses qui permet d’établir la documentation soit bien souvent inexacte. En effet,
lors des incidents ou contrôles, on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup de fausse
déclaration. Les raisons invoquées pour la fausse ou mauvaise déclaration sont
nombreuses : mauvaise connaissance de la véritable marchandise, classement qui
occasionne plus de contrôle, réglementation trop contraignante.
Cette question de la fausse déclaration est préoccupante. En effet, les
informations concernant les marchandises dangereuses sont reportées sur toute la
documentation. Or la documentation sert de bases notamment pour les mesures à
prendre en cas d’incident.
26
Disposition 5.4.5 du Code IMDG
32
33. Le document au cœur de la documentation concernant les marchandises
dangereuses qui regroupent les informations essentielles est le manifeste de
marchandises dangereuses.
§2. Un document clé : le manifeste de marchandises dangereuses.
Le manifeste dresse l’inventaire de chaque lot de marchandises confié au
transporteur. C’est un document qui fait notamment foi de la nature des marchandises
dangereuses transportées.
C’est de la vraisemblance du manifeste et de la véracité des informations qu’il
contient, que dépend la sécurité de l’équipage, du reste de la cargaison et au delà des
populations du littoral lorsque survient une pollution.
Le bord reçoit un manifeste de marchandises dangereuses ou une liste spéciale du
terminal ou de l’entreprise de manutention qui listent tous les conteneurs de dangereux
reçus pour embarquement.
Le chapitre VII, règle 4.5 de SOLAS dispose que à la fin de l’embarquement il doit
y avoir une version finale du manifeste ou de la liste de marchandises dangereuses ou un
plan de chargement détaillé, qui identifie toutes les marchandises dangereuses par classe
de danger et position à bord.
Il doit être conservé dans un endroit désigné ou à proximité du pont en
possession du capitaine.
Une copie de la liste ou du manifeste énumérant les marchandises dangereuses
doit être mise à la disposition de l'autorité de l'Etat du port (SOLAS, chap. VII, part. A,
Règle 4.5).
Le manifeste de marchandises dangereuses doit contenir les informations suivantes :
— Informations sur le navire, incluant son nom, et son numéro d’immatriculation et
sa nationalité
— Le nom de la marchandise dangereuse. C’est la désignation officielle donnée par le
Code IMDG
— Le numéro ONU
— Le nombre et les descriptions des colis à l’intérieur du conteneur et le poids pour
chaque unité
— La classe de danger
— La position à bord du conteneur de dangereux.
Le manifeste peut également indiquer le groupe d’emballage du produit, ce qui est
une indication complémentaire sur son degré de dangerosité.
33
34. Pourtant, le manifeste peut contenir des informations peu fiables et sont parfois
vagues ou incomplets. Il arrive également que des opérateurs, par négligence, omettent
de signaler la présence de dangereux dans un lot non homogène, dit conteneur de
groupage. C’est le problème de la fausse déclaration ou de la non déclaration de la
marchandise dangereuse. Ce problème inquiète de nombreux acteurs de la chaine
logistique. Or la déclaration de l’expéditeur est la base de l’information qui se transmet à
tous les acteurs. En effet, le manifeste de cargaison est remis à l’agent du navire, sur la
base des connaissements émis par les transitaires ou chargeurs. C’est de la déclaration
des chargeurs que découlent donc toutes les informations apposées sur le manifeste. Or
on constate que plus de la moitié des déclarations sont mal rédigées lors du premier
booking. « Manque de formation du personnel, précipitation des opérations liées au
« just in time », multiplication des intermédiaires : nombre de facteurs font obstacle à
une bonne transmission des informations. »27
.
La fausse déclaration a des conséquences sur toute l’opération de transport. En
effet, c’est la déclaration faite par le chargeur qui déterminera la classe de danger
applicable. Il arrive même que le chargeur ne déclare pas la marchandise,
volontairement ou involontairement. La déclaration, la classification et l’emballage est de
la responsabilité du chargeur.
27
« Marchandises dangereuses le manifeste en fait foi… bonne ou mauvaise-Le Phare - n° 7- 2002 Journal de
l’assurance maritime, transport et logistique
34
35. PARTIE II
L’AJUSTEMENT JURIDIQUE A LA SPECIFICITE
DU TRANSPORT DE MARCHANDISES DANGEREUSES
L’acheminement de la marchandise dangereuse a des répercutions sur les parties au
contrat de transport. Certaines de leurs obligations sont accentuées et leur régime de
responsabilité tient compte de la dangerosité de la marchandise et de ces obligations
renforcées (Chapitre 1).
Un autre acteur du transport maritime, l’affréteur à temps, voit également ses
obligations et sa responsabilité influencée par le transport de marchandises dangereuses
(Chapitre 2).
35
36. Chapitre 1
Ajustement des obligations et de la responsabilité des parties au contrat de transport
Le contrat de transport est dans la majorité des cas un connaissement. Ce
contrat est un contrat tripartite. Mais le destinataire est peu concerné par les dispositions
concernant les marchandises dangereuses. Les parties concernées par des obligations
spécifiques et des conditions de responsabilité particulières sont le chargeur (section 1)
et le transporteur (Section 2).
Section 1. Le Chargeur
On désigne par expéditeur/chargeur une personne, un organisme ou un
gouvernement qui prépare un envoi pour le transport28
. En pratique, le chargeur doit
identifier et classer la marchandise dangereuse afin de la déclarer au transporteur de
façon exacte et sincère (§1). Il doit ensuite la préparer avec soin au transport (§2).
§1. Des obligations de sincérité et d’information renforcées.
Avant de procéder à l’expédition d’une marchandise dangereuse par voie
maritime, l’expéditeur/chargeur devra l’identifier et la classer.
Dans le transport de marchandises dangereuses, l’obligation de sincérité du
chargeur prend tout son sens. Le chargeur a l’obligation de déclarer avec sincérité la
nature et la valeur de la marchandise. Il est également tenu d’une obligation
d’information très stricte.
En effet, le classement d’une marchandise dangereuse dans une des neuf classes
de danger détermine toutes les conditions de son transport : déclaration d’expédition,
emballage, étiquetage, arrimage à bord, séparation des matières, etc.
L’article 31 de la loi du 18 juin 1966 sanctionne la déclaration sciemment
inexacte de la nature ou de la valeur des marchandises. La sanction de fausse déclaration
est sévère pour l’ayant droit à la marchandise : le transporteur est exonéré de toute
responsabilité pour les pertes survenues à ces marchandises.
28
Disposition 1.2.1, Code IMDG
36
37. Cette sévérité s’explique par le fait que « la méconnaissance de la nature de la
marchandise peut être source de danger pour le navire et l’expédition maritime »29
.
L’obligation de sincérité est ainsi renforcée par les textes (art. 44 décret de 1996,
art. 4§6 Convention de Bruxelles) lorsque les marchandises sont de nature inflammable,
explosive ou dangereuse :
Les marchandises de nature inflammables, explosive ou dangereuse à
l’embarquement desquelles le transporteur ou son représentant n’aurait pas consenti s’il
avait connu leur nature pourront, à tout moment et en tout lieux, être débarquées,
détruites ou rendues inoffensives par le transporteur, et ce sans aucune indemnité ; le
chargeur sera en outre responsable de tous les dommages pouvant résulter de leur
embarquement.
Les Règle de Hambourg, dans leur article 13, prévoit également des dispositions
spéciales concernant les marchandises dangereuses. Ces règles sont plus détaillées que
celles de la Convention de Bruxelles. On y retrouve le cas d’exonération du transporteur
si le chargeur ne déclare pas la marchandise et la possibilité pour le transporteur de
décharger ou de se débarrasser de la marchandise lorsque celle-ci devient un danger.
La loi sanctionne ainsi le comportement fautif du chargeur qui peut avoir des
conséquences désastreuses sur la sécurité lors du voyage du navire (incendie,
explosion).
La fausse déclaration du chargeur peut être voulue, pour éviter des surcharges de
coûts, contourner une réglementation trop contraignante ou éviter le plus grand nombre
de contrôle ou du fait d’un manque de culture relatif à la sécurité ou le besoin de
transporter une marchandise que certains transporteurs refusent de charger..
Ainsi certains chargeurs n’hésitent pas à déclarer la marchandise dangereuse sous
une autre appellation, évitant ainsi son classement dans une des 9 classes de danger.
Par exemple, des produits chimiques dangereux ont été à l’origine de l’incendie à bord
d’un porte-conteneurs. Il s’est avéré que ces marchandises avaient été déclarées comme
fournitures scolaires.
Mais la fausse déclaration peut aussi provenir d’une ignorance du chargeur. En
effet, la complexité du Code IMDG rend sa lecture difficile. De même, l’ignorance des
dispositions de Code IMDG et ainsi l’absence de déclaration de la marchandise provient
du manque d’information et de formation des chargeurs.
29
P. Bonnassies, C. Scapel – Traité de droit maritime – L.G.D.J- 2006
37
38. Dans le cas d’une fausse déclaration ayant entrainé dommages à la marchandise
ou au navire, il faut donc prouver la faute du chargeur.
Pour le Professeur Delbecque, « la responsabilité du chargeur doit être appréciée
en terme de faute ; et, en principe de faute prouvée. S’il s’agit de marchandises
dangereuses, l’obligation de moyens du bon professionnel ne devrait plus être le critère
de référence. Le curseur devrait être relevé au moins d’un cran. Tous les professionnels
sont prêts à accepter une responsabilité renforcée dans ce genre de situation, même si
elle tend à prendre de plus en plus d’importance »30
.
D‘autre part, le défaut d’information du chargeur a des conséquences sur la phase
portuaire du transport de marchandises dangereuses. En effet, avant l’embarquement
sur le navire, il y a l’interface portuaire. Le stockage, la circulation des véhicules et la
manutention de la marchandise ne sont pas sans danger. C’est pourquoi le Règlement
pour le transport et la manutention des matières dangereuses dans les ports maritime
fixe des conditions d’admission et de circulation dans les ports et les conditions de
stockage, de gardiennage et de manutention.
L’article L.342-1 du code des ports maritimes sanctionne pénalement le chargeur
pour défaut d’information et défaut de marquage. Il dispose que :
Sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 Euros d'amende : le fait
d'embarquer ou de faire embarquer, d'expédier ou faire expédier par voie terrestre ou
fluviale à partir d'un port des marchandises dangereuses sans en avoir déclaré la nature
à l'armateur, au capitaine, maître ou patron, au gérant du navire, à l'agent du navire ou
au commissionnaire expéditeur ou sans avoir apposé les plaques-étiquettes, étiquettes et
marques réglementaires sur les emballages ou engins de transport.
Une fois la marchandise classé et identifié, le chargeur doit la préparer au
transport maritime.
§2. Une attention particulière accordée à la préparation de la marchandise.
La loi sanctionne le comportement du chargeur à chaque étape de la préparation
des marchandises en vue du transport maritime.
Comme nous venons de le voir, le chargeur doit répondre de ces fautes commises
dans l’indentification et le classement de la marchandise.
De l’identification de la marchandise dépendra l’établissement des formalités de
transport. Le chargeur doit donc apporter un soin particulier à la documentation
30
Voir P. DELBECQUE, la responsabilité du chargeur dans ses relations avec le transporteur, le point de vue
français – DMF 689, p. 112 – Février 2008
38
39. accompagnant la marchandise. Il doit apposer sur les documents toutes les informations
nécessaires.
Ensuite, il doit déterminer pour le transport les conditions nécessaires pour
permettre à la marchandise de supporter un voyage normal. Concernant l’emballage de
la marchandise, les prescriptions du Code IMDG lui donnent de précieuses instructions
concernant la méthode à suivre.
La loi du 5 juillet 1983 prévoit une amende de 7 500 Euros pour le responsable de
l’emballage qui enfreint les stipulations de la Convention SOLAS qui se réfère au Code
IMDG. Cette disposition concerne notamment le chargement déchargement et déclaration
de la marchandise.
Le chargeur est également responsable des dommages résultant du
conditionnement incorrect de la marchandise. Il est responsable contractuellement à
l’égard du transporteur et extra-contractuellement à l’égard des tiers. On peut supposer
que les juges soient d’autant plus sévères lorsqu’il s’agit du mauvais conditionnement
d’une marchandise dangereuse.
Confronté au risque d’une telle cargaison, même en ayant suivi scrupuleusement
les règles concernant l’indentification et a préparation de la marchandise dangereuse, il
est indispensable que le chargeur souscrive une assurance. Sa responsabilité vis à vis du
transporteur est des tiers peut être engagée lourdement. Dans le cas d’un sinistre dû à
une fausse déclaration ou un mauvais empotage, le chargeur peut être reconnu
entièrement responsable. Comme on l’a vu précédemment, un sinistre à bord d’un porte-
conteneurs moderne peut rapidement atteindre des sommes considérables. Mieux vaut
que le chargeur protège ses intérêts en souscrivant une assurance spéciale, dont le coût
peut être certes relativement élevé mais qui lui permet de protéger ses intérêts en cas de
sinistre.
Le chargeur est ainsi responsable de la classification, étape essentielle qui pose
notamment un problème quand à la fausse déclaration de la marchandise. Il est
également responsable de l’emballage et pour cette étape doit suivre des prescriptions
obligatoires. Ensuite, vient le temps du transport maritime proprement dit. Pour cette
opération également, les obligations et la responsabilité du transporteur sont ajustées
pour tenir compte de la spécificité de la marchandise.
39
40. Section 2. Le transporteur maritime
Le transporteur maritime qui accepte de transporter des marchandises
dangereuses peut bénéficier d’exonérations de responsabilité dans certaines
circonstances (§1). Mais confronté aux risques du transport, le transporteur est parfois
réticent à charger de telles marchandises. Des procédures très strictes sont alors
édictées pour limiter les risques (§2).
§1. Responsabilité et exonération de responsabilité du transporteur
Nous l’avons vu, le transporteur ne sera pas responsable des dommages survenus
lorsque le chargeur lui a remis à son insu des marchandises dangereuses pour
embarquement. En revanche, lorsque le transporteur a consenti à embarquer de telles
marchandises en connaissant les risques, il sera responsable de tout dommage selon les
termes du droit commun du transport maritime.
Mais si la marchandise de nature dangereuse explosive ou inflammable devenait
un danger pour le navire ou la cargaison, elle pourrait être débarquée ou détruite ou
rendue inoffensive par le transporteur, sans responsabilité de la part du transporteur, si
ce n’est du chef d’avarie commune s’il y a lieu31
.
Même lorsque le transporteur prend toutes les précautions nécessaires pour
minimiser les risques du transport de marchandises dangereuses, il arrive que des
incidents se produisent. Des marchandises telles que les feux d’artifice ou l’hypochlorite
de calcium sont montrés du doigt comme étant à l’origine d’incendie ou explosion à bord
de plusieurs navires. On peut citer par exemple l’incendie de l’Hanjin Pennsylvania en
2002, l’incendie du Hyundia Fortune en 2006 ou encore celui du CMA Djakarta en 1999.
Dans des cas comme ceux-ci, les cas exceptés de la convention de Bruxelles de
1924 et de la loi de 1966 peuvent venir en aide au transporteur qui a exercé une
diligence raisonnable pour mettre le navire en état de navigabilité au début du voyage.
Ainsi l’article 4§2 (b) énonce que le transporteur ne répond pas du dommage résultant
« d’un incendie, à moins qu’il ne soit causé par le fait ou la faute du transporteur. » Un
autre cas excepté qui peut être appliqué dans ce cas, est celui « de toute autre cause ne
provenant pas de la faute du transporteur ou du fiat ou de la faute des agents ou
préposés du transporteur »(art.4§2(q) Convention de Bruxelles).
31
Article 4§6 Convention de Bruxelles – Article 44 décret de 1966.
40
41. La faute du chargeur, dans l’emballage le conditionnement ou le marquage ou
toute autre faute du chargeur32
, entraine également déchéance de la responsabilité du
transporteur comme nous l’avons vu précédemment.
Le transporteur bénéficie donc d’une protection juridique. Il peut s’exonérer de sa
responsabilité dans les cas définis par la Convention de 1924 et la loi de 1966.
Selon la Convention de Bruxelles, le transporteur de marchandises dangereuses a
donc une marge de manœuvre importante pour disposer des marchandises dangereuses
sans encourir de responsabilité, même lorsqu’il ignorait leur caractère à risque. Dans la
nouvelle convention de la CNUDCI, qui a pour but de remplacer la Convention de
Bruxelles, la transporteur n’a pas cette marge de manœuvre et ne devrait échapper à sa
responsabilité que si le lien de causalité entre le défaut d’information sur la nature, le
caractère de la marchandise et le dommage est dûment établi33
.
La responsabilité du transporteur maritime est donc assouplie au regard de la
nature dangereuse de la marchandise par la convention de Bruxelles, disposition qui a
été reprise dans la loi de 1966. Il peut même bénéficier de cas exonératoires de
responsabilité. Eu égard à la nature dangereuse des marchandises, ses obligations sont
néanmoins renforcées. Il doit bien sur procéder au transport de façon appropriée et
soigneuse. Mais la mise en place de l’opération de transport de la marchandise
dangereuse doit être préparée également avec soin afin d’obtenir toutes les autorisations
nécessaires.
§2. L’acceptation de la marchandise par le transporteur maritime
Le transport d’une marchandise dangereuse doit répondre à de nombreuses
règles, des règles techniques de classification d’emballage et d’arrimage mais aussi des
règles concernant l’acceptation ou l’interdiction d’un tel transport sur un navire.
En effet, le transport de marchandise dangereuse par porte-conteneurs est soumis
à de nombreuses règles et dispositions des contrats signés par le transporteur maritime
qui excluent certains produits du transport maritime. Ainsi, le transport par conteneurs
se fait par lignes régulières, qui donnent souvent lieu à des partenariats entre
transporteurs maritimes. Les accords de partenariat, qui partagent l’espace sur les
navires de la ligne, excluent souvent certaines marchandises présentant des risques. Le
transporteur peut également affréter un navire. Dans ce cas, la charte-partie exclut bien
souvent le transport de marchandises dangereuses. Ainsi le transporteur maritime qui
32
article 4§2 (i), (n),(o) de la Convention de Bruxelles – article 27(g) de la loi de 1966
33
P. Delbecque, in DMF 685, octobre 2007, p. 776
41
42. exploite un navire soumis au régime d’un affrètement à temps devra avant d’accepter de
charger une marchandise dangereuse vérifié que celle-ci n’est pas exclue du transport
par la charte-partie.
Il y a toute une procédure à respecter pour mettre en place une opération de
transport maritime de marchandises dangereuses. C’est la responsabilité du transporteur
maritime d’obtenir toutes les autorisations nécessaires au transport d’une marchandise
dangereuse.
Le transporteur maritime reçoit tout d’abord une réservation de fret indiquant la
marchandise, sa nature, les ports de chargement et déchargement, les chargeurs et
destinataires. Cette réservation de fret doit obligatoirement être accompagnée d’une
déclaration de marchandise dangereuse. Cette déclaration doit être signée du chargeur et
de la personne qui a réalisé l’empotage sinon la demande de réservation ne pourra être
acceptée. Ensuite le transporteur maritime doit consulter le Code IMDG pour savoir
quelles sont les dispositions applicables en matière d’arrimage et de ségrégation. La
responsabilité de la compagnie maritime est également de vérifier si différentes classes
de marchandises dangereuse peuvent être empotées dans un même conteneur. Il est
nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’autorité portuaire, de la capitainerie du port de
chargement et de déchargement de la marchandise. L’accord de tous les ports où le
navire fera escale sans que la marchandise ne soit débarquée est également requis. Si la
marchandise dangereuse doit faire l’objet d’un transbordement, il faut l’accord des deux
transporteurs et vérifier que la marchandise peut être transportée sur chacun des
navires. La compagnie maritime doit également vérifier que les transporteurs terrestres
responsables du pré et post acheminement ont la qualification nécessaire pour un
transport de marchandise dangereuse. Les agents du transport maritime font donc tout
cette procédure et informe ensuite le bureau des marchandises dangereuses qui vérifie
que le transport prévu est conforme aux dispositions du Code IMDG.
Si le transporteur maritime n’a pas respecté cette procédure, par exemple en ne
demandant pas l’accord à un port, sa responsabilité peut être engagée. Le navire peut
également se voir refuser l’accès au port. Ce refus aura alors des conséquences
financières désastreuses.
C’est seulement après avoir vérifié toutes les données et obtenu tous les accords
que l’opération de transport peut être mise en place.
Nous l’avons vu les marchandises dangereuses présentent un risque évident. Le
transporteur est souvent confronté au choix d’accepter ou non une marchandise
42
43. dangereuse. Lorsqu’il l’accepte il doit alors suivre la procédure précédemment décrite.
Pour certaines marchandises qui ont causé d’importants sinistres, le transport présente
un risque certain. Des intérêts différents sont alors mis en balance : d’un coté la sécurité,
le risque de dommages majeurs et le cout élevé du transport, de l’autre la nécessité de
transporter certains matériaux, la volonté de gagner des parts de marché. Certains
transporteurs ont accepté de transporter certaines marchandises dangereuses en suivant
une procédure stricte spécialement mise en place pour le transport de cette marchandise
et en souscrivant une police d’assurance spéciale.
C’est le cas, par exemple de l’hypochlorite de calcium. Ces dernières années,
plusieurs incendies se sont déclarés à bord de navires dont l’origine résulterait du
transport de l’hypochlorite de calcium34
. Les transporteurs étaient réticents à transporter
cette marchandise, car ils risquaient de ne pas être couverts par leur P&I Clubs.
L’hypochlorite de calcium est classé dans la rubrique « produits oxydables » du
code IMDG (Classe 5.1). il s’agit d’un produit utilisé dans le traitement de l’eau, aux
propriétés désinfectantes et qui permet de rendre l’eau potable. Il se présente sous
forme de poudre, tablettes ou granulés. Ce n’st pas un produit combustible mais un
comburant fort (favorise l’inflammation des matières combustibles). Il développe des
conditions critiques lorsqu’il est soumis à d’importantes températures : émission de gaz
toxique de chlorite, grande chaleur pouvant enflammer les marchandises à proximité.
Ses propriétés physiques et son instabilité lorsqu’il est exposé à la chaleur font de ce
produit une marchandise dangereuse présentant des risques pour le transport. Mais ses
propriétés désinfectantes pour l’eau font qu’il est nécessaire de transporter ce produit qui
n’est pas fabriqué partout. Pour contourner les dispositions strictes applicables pour son
transport, l’hypochlorite peut être déclaré sous différents noms, par le chargeur ce qui
évite de le déclarer comme marchandises dangereuses35
.
Pour transporter cette marchandise en limitant les risques, les transporteurs
maritimes, avec l’appui de l’International Group of P&I clubs36
, ont mi en place des
procédures spécifiques. Le non-respect de ces procédures les expose, en cas d’accidents,
à ne pas être couverts par leur P&I Club. Lorsqu’on sait que des dommages causés par
incendie ou explosion peuvent conduire à la perte totale du navire ou représenté une
importante valeur, mieux vaut suivre ces prescriptions.
34
Incendie du CMA-CGM Djakarta en juillet 1999
35
B-K POWDER , BLEACHING POWDER, LIME CHLORIDE, CALCIUM OXYCHLORITE, CAPORIT….
36
Ce groupe représente les intérêts des armateurs et affréteurs sur des sujets concernant l’industrie du
transport et est un forum pour l’échange d’information.
43