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Centre de Droit Maritime et des Transports
UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DES
SCIENCES D'AIX-MARSEILLE III
FACULTE DE DROIT
TERRORISME ET DROIT MARITIME
MASTER II DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS
Sous la direction de Monsieur Christian SCAPEL
Par Pierre CHICHKINE.
Année universitaire 2007-2008
1
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Monsieur Christian SCAPEL et Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES
pour leurs enseignements et pour l’honneur qu’ils me font en jugeant ce travail.
Mes remerciements vont également à l’ensemble des professeurs et intervenants professionnels du
Master II de Droit Maritime et des Transports pour la qualité de leurs interventions et leurs apports
documentaires concernant cette étude, ainsi qu'à Martine Chéron pour sa grande disponibilité.
Je remercie enfin tous ceux qui de près ou de loin m’ont aidée et soutenue dans la rédaction de ce
travail de recherche.
.
2
ABREVIATIONS & ACRONYMES
AIS : Automatic Identification System
AMS : Automated Manifest System
ASEAN : Association of Southeast Asian Nations
BIMCO : Baltic and International Maritime Council
BMI : Bureau Maritime International
CCR : Caisse Centrale de Réassurance
CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes
CMB : Convention de Montego Bay
CMI : Comité Maritime International
CSI : Container Security Initiative
CSO : Agent de sûreté de la compagnie (company security officer)
C-TPAT : Customs-Trade Partnership Against Terrorism
DHS : Department of Homeland Security
DMF : Droit maritime français
EVP : Equivalent Vingt Pieds ou TEU (Twenty Equivalent Unit), format standard de
conteneurs
FFSA : Fédération Française des Sociétés d'Assurances
FGTI : Fonds de Garantie des victimes d'actes de Terrorisme et d'autres Infractions
GAREAT : Gestion de l'Assurance et de la Réassurance des risques Attentats et des actes de
Terrorisme
GIE : Groupement d'Intérêt Economique
IACS : International association of classification society
IMTM : Institut Méditerranéen des Transports Maritimes
ISM : International safety management
Code ISPS : Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires
(international ship and port security code)
ISSC : International Ship Security Certificate
JMM : Journal de la marine marchande
MTSA : Maritime Transportation Security Act
OCDE : Organisation de coopération et de développement économique
OMD : Organisation mondiale des douanes
OMI /IMO : Organisation maritime internationale
OIT : Organisation internationale du travail
OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (NATO)
P&I : Protection and Indemnity Club
PFSO : Port Facility Security Officer
PFSP :Port Facility Security Plan
RSO : Organisme de sûreté reconnu
RAND : Acronyme de research and development
SOLAS : Sauvegarde de la vie humaine en mer (Safety of life at sea)
SSA : Plan de sûreté du navire (ship security assesment)
SSO : Agent de sûreté du navire (ship security officer)
SUA : Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Navigation
TWIC : Transport Worker Identification Credential
US CG : Gardes côtes américains (United states coast guard)
USD : Dollars américains ($)
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION.............................................................................................................................p.5
PREMIERE PARTIE: LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LE
TERRORISME MARITIME...........................................................................................................p.10
A/ Les principales conventions internationales...............................................................................p.10
1. La Convention des Nations-Unies sur le Droit de la mer.................................................................p.10
2. La Convention de Rome sur la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime
(et son protocole).............................................................................................................................p.12
3. Autres textes et initiatives internationales remarquables..................................................................p.14
B/ Le Code ISPS..............................................................................................................................p.17
1. La sûreté des navires.........................................................................................................................p.18
2. La sûreté portuaire............................................................................................................................p.20
C/ Application et renforcement des standards internationaux au niveau européen et français.......p.22
1. Les textes communautaires...............................................................................................................p.22
2. Spécificités françaises et fonctionnement de la sûreté portuaire en France......................................p.25
D/ Les principales mesures prises par les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme
maritime suite aux attentats du 11 septembre 2001.........................................................................p.28
1. Les principaux textes fédéraux en matière de lutte contre le terrorisme maritime...........................p.29
2. Les grandes mesures prises par les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme maritime...p.31
SECONDE PARTIE: LES PROBLEMES JURIDIQUES POSES PAR LE TERRORISME ET LA
SECURISATION DES MERS........................................................................................................p.36
A/ Les nouveaux problèmes juridiques posés par le terrorisme maritime......................................p.36
1. Les problèmes en matière d'assurance maritime...............................................................................p.36
2. Les questions de responsabilité et de l'indemnisation des victimes du terrorisme...........................p.43
B/Les effets néfastes non prévus de la sécurisation des mers.........................................................p.48
1. Une augmentation de la durée du voyage et des coûts.....................................................................p.48
2. Les risques de distorsion de concurrence..........................................................................................p.56
BILAN ET PERSPECTIVES..........................................................................................................p.60
4
INTRODUCTION
« Il y a les vivants, les morts, et les marins » déclarait Platon, comme pour insister déjà à
l'époque sur l'importance toute particulière de la mer. La mer et les marins jouent un rôle
considérable pour l'économie mondiale et ce depuis l'antiquité. En effet, les marins ont en charge
près de 90 % du commerce international de marchandises (en volume et les 2/3 en valeur) et 40 %
de la production d'hydrocarbures. Un emploi en mer engendre trois à cinq emplois à terre, tandis
que 70% de la population mondiale habite à moins de 300 kilomètres de la côte.
Même de nos jours, la voie maritime reste la plus économique et même la plus écologique. Jamais
autant de marchandises n'ont été transportées par les routes maritimes: 7,4 milliards de tonnes en
2006 contre seulement 550 millions en 1950.1
Le droit de la mer a très tôt été marqué par une grande volonté de liberté de la part des États,
fondamentale pour la fluidité des échanges et des activités commerciales. Mais cette liberté a pour
conséquence néfaste de faciliter le déplacement des activités criminelles. Les océans ont de tous
temps été considérés comme particulièrement dangereux non seulement de par leur nature même
mais aussi du fait des criminels y sévissant. Cela est surtout dû à la piraterie présente depuis les
origines de la navigation, mais aussi au phénomène plus récent du terrorisme.
Ces deux notions se distinguent par les motivations des individus:
Les pirates ne répondent qu'à des motivations d'ordre privée et économique, il s'agit en fait
de « brigandage ».
Les terroristes agissent à des fins politiques ou assimilées.
Il arrive parfois cependant que ces deux notions soient difficilement dissociables car les motivations
sont parfois assez confuses. Il en a été ainsi parfois concernant des pirates invoquant certaines
motivations politiques ou religieuses mais sans y être vraiment affiliés. De même se pose le
problèmes des actes de piraterie qui auraient pour but de financer des organisations terroristes.
À noter tout de même qu'il existe une définition des actes de piraterie dans la Convention de
1 Le Monde Économie, 24 juin 2008
5
Montego Bay sur le Droit de la mer qui énumère différents actes de piraterie et qui en souligne
notamment les « fins privées ».1
Elle est à mettre en parallèle avec la définition, assez large, donnée
par le Bureau Maritime International (BMI)2
:« Tout acte d'abordage contre un navire avec
l'intention de commettre un vol ou tout autre crime et avec la capacité d'utiliser la force pour
accomplir cet acte ».
La définition du terrorisme maritime est d'autant plus délicate tant celui-ci rassemble des
motivations diverses. Il peut s'agir de terrorisme politique « classique » regroupant des motivations
révolutionnaires ou de sédition par exemple, voire également le terrorisme d'Etat... Ce phénomène
du terrorisme peut être daté de la fin du XIXe siècle (encore qu'en fait il remonte à l'antiquité) mais
il a connu une évolution récente. En effet, une nouvelle forme de terrorisme basée sur des principes
plus mystiques et religieux est apparue plus récemment. Son but est beaucoup plus radical puisqu'il
s'agit de réaliser le plus de dommages possibles et d'avoir un impact politique, médiatique et
économique maximal; au point que de nombreux auteurs parlent à ce sujet d'« hyperterrorisme ».3
On pense immédiatement à Al-Quaeda et aux attentats du World Trade Center du 11
septembre 2001, il s'agit en effet de l'évènement marquant de cette début de XXIe siècle qui a fait
prendre corps à cette nouvelle forme de terrorisme.
Mais d'autres évènements s'inscrivaient déjà dans le cadre de cet « hyperterrorisme », notamment
l'attaque de l'Achille Lauro4
en 1985 qui a été à l'origine d'une prise de conscience internationale
aboutissant à la Convention de Rome du 10 mars 1988 sur la répression d'actes illicites contre la
sécurité de la navigation maritime, dont nous parlerons plus en détail par la suite. Il en est de même
pour le City of Poros5
en 1988 ou plus récemment l'attaque contre le destroyer américain USS
1 Voir l'article 101 de ladite Convention disponible en annexe
2 Celui-ci est rattaché à la Chambre internationale de commerce, il a été mis en place en 1981 sous l'égide de l'ONU
avec l'aide de l'OMI (Organisation Maritime Internationale ou IMO). Il dipose d'un centre anti-piraterie depuis 1992
basé a Kuala Lumpur dont la mission est « de réduire le risque de piraterie et d'aider à l'application des lois sur la
protection des équipages ».
3 Voir à ce sujet un dossier d'étude très complet sur le terrorisme maritime du centre d'enseignement supérieur de la
marine, CEDOC du 20 janvier 2003, disponible sur le site www.cedoc.defense.gouv.fr
4 Le 3 octobre 1985, au large de l’Egypte et d’Israël, le paquebot italien Achille Lauro avec 397 passagers à bord est
piraté par [seulement] quatre membres d’un commando de la faction du FLP d’Abou Abbas. Les terroristes tueront
un Américain d’origine juive. Après leur reddition, les quatre pirates palestiniens embarquent dans un Boeing 737
pour une destination inconnue. En cours de vol, l’avion est intercepté par la chasse de l’US Air Force composée de
quatre avions F 14. Le Boeing se pose sur une base de l’OTAN en Sicile. Les terroristes sont remis aux autorités
italiennes. Le procès tenu en 1986 s’achève notamment sur la condamnation par contumace d’Abou Abbas.
5 Le 11 juillet 1988, piratage du bateau de croisière City of Poros au large de la Grèce par l’organisation Abou Nidal,
basée en Libye et au Liban ; ce groupe se sépara de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP) en 1974.
Bilan : une dizaine de morts, dont trois Français, et 80 blessés.
6
Cole1
en 2000 et enfin contre le pétrolier français Limburg2
en 2002.
On peut dès à présent noter toute la difficulté d'appréhender ces nouvelles menaces compte
tenu de la diversités des formes qu'elles peuvent prendre. En effet les deux premiers incidents cités
sont des prises d'otages alors que les deux autres sont des attaques de navires à l'aide de petites
embarcations et d'explosifs. Mais les experts ont envisagés de multiples menaces comme par
exemple l'échouage volontaire pour bloquer des ports ou voies maritimes, les vols de cargaisons à
des fins terroristes, les conteneurs piégés et infiltrations depuis les ports, ou bien encore le
détournement de navires...
D'ailleurs un avis du Conseil économique et social européen en date du 24 octobre 2002 détaille ces
craintes: « les navires et le transport maritime sont également vulnérables aux risques de terrorisme.
Des bateaux pourraient être utilisés comme arme, pour lancer une attaque; ils pourraient servir à
transporter des armes ou des matériaux dangereux, une fois coulés, ils pourraient enfin être
employés pour perturber les infrastructures de transport (entrées des ports, canaux). Les navires
chimiquiers et gaziers, ainsi que les pétroliers chargés sont particulièrement vulnérables et
présentent des risques accrus3
. Les conteneurs transportés par bateau pourraient également être
utilisés pour transporter clandestinement des armes de destruction massive ou des terroristes... »4
Tout cela s'explique par le fait que le milieu maritime est considéré comme propice à ce type
d'attaques. En effet, si le transport maritime est assez peu vulnérable lorsque les navires sont en
trajet, à des vitesses de 20 ou 30 noeuds, il le devient tout particulièrement lorsque il sont dans les
eaux territoriales, au mouillage ou à proximité des ports, c'est à dire à l'arrêt ou à faible allure.
1 Le 12 octobre 2000, attentat au bateau-suicide contre le lance-missiles américain USS Cole de 320 hommes qui
s’apprêtait à se ravitailler dans le port d’Aden. Bilan : 17 morts et 38 blessés. Le petit canot pneumatique qui venait
aider dans sa manoeuvre le navire américain s’est collé à lui et à aussitôt explosé. Les deux hommes du canot, dont
un Yéménite, se seraient mis au garde-à-vous juste avant le déclenchement de l’explosion. La déflagration a
provoqué un trou de sept mètres sur le flanc du navire.
Selon les responsables américains, rien n’aurait pu empêcher cette attaque, exemple-type à leurs yeux des menaces
asymétriques. Déjà en état d’alerte étant donné les attentats passés au Yémen, aucun des systèmes en place n’a pu
prévenir l’équipage. A quelques mètres près, l’engin explosif qui visait la salle des machines aurait pu provoquer
une brèche sous la ligne de flottaison afin de faire sombrer le bâtiment et les 350 membres d’équipages.
2 Il est rapidement apparu que l’explosion dont avait été victime le Limburg dans le Golfe d’Aden le 6 octobre 2002
était bien de nature terroriste. Le pétrolier à moitié plein attendait à la bouée de prise de pilote située à trois milles
nautiques du terminal d’Ash Shir au Yémen. Suite à l’explosion, on déplorait un disparu, douze blessés et des
nappes de pétrole, sur une vingtaine de kilomètres carrés, qui menaçaient de polluer les côtes avoisinantes. Dès les
premiers jours de l’enquête, les soupçons se tournèrent vers Al-Qaeda. Français et Américains envoyèrent des
hommes de leurs propres services pour mener les investigations.
3 Même si cela semble étonnant de prime abord, les navires militaires au mouillage ou à allure lente sont eux aussi
particulièrement vulnérables, leur équipement étant relativement inadapté à ce type de menace imprévisible, comme
l'a prouvé l'attaque de l'USS Cole.
4 Avis du Comité économique et social européen sur la sécurité des transports du 24 octobre 2002, doc n°2003/C
61/28, JOCE n°C61 du 14 mars 2003, p174.
7
D'autant plus que l'intervention d'un État tiers est très strictement encadré dans les eaux territoriales,
puisqu'il faut l'accord explicite des autorités locales. Ce problème de vulnérabilité se retrouve
également dans les détroits et archipels, comme le prouve le cas du sud-est asiatique et notamment
le détroit de Malacca bien connu pour ses actes de piraterie (qui connaissent cependant une baisse
récente du fait de l'implication croissante des États de la région).
Le terrorisme maritime est donc devenu, par étapes successives, une préoccupation majeure des
États compte tenu de l'impact médiatique, politique et même économique (11 septembre 2001 en
tête) qu'ont déjà eu les évènements que nous venons d'évoquer; mais aussi et surtout des
conséquences qu'auraient un incident majeur en matière de transport maritime sur l'économie
mondiale.
Se pose alors la question de savoir quel est l'impact du terrorisme sur le Droit maritime
international et national, quelles sont les mesures prises par les États en vue d'éviter de tels actes
synonymes d'instabilité économique mondiale.
C'est ce que nous verrons en étudiant dans une première partie les différents instruments juridiques
de lutte contre le terrorisme mis en place au fil des ans et des incidents. Nous verrons par la suite
que si le terrorisme peut poser de nombreux problèmes d'un point de vue juridique, c'est aussi le cas
des instruments sensés le combattre.
Avant d'entamer cette étude, il convient de distinguer deux notions proches et
complémentaires à savoir la sécurité et la sûreté maritime, sachant qu'il sera ici question presque
exclusivement de la seconde. Pour cela le plus simple est encore de citer Michel Botalla-Gambetta1
:
« La sûreté maritime est définie par un règlement de l'Union Européenne (REG n°725/2004
du 31 mars 2004 relatif à l'amélioration de la sûreté des navires et des installations portuaires)
comme étant la combinaison des mesures préventives visant à protéger le transport maritime et les
installations portuaires contre les menaces d'actions illicites intentionnelles, c'est à dire les actes,
qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter aux navires utilisés tant dans le trafic maritime
international que dans le trafic maritime national, et à leur passagers ou à leur cargaison, et aux
installations portuaires y afférentes.
En pratique, ces actions couvrent notamment les actes de terrorisme, de piraterie, et d'immigration
clandestine.
La sécurité maritime est généralement définie comme étant la somme des mesures
1 Dans son article « Sûreté et sécurité des navires en Europe », paru en 2004 dans le Droit Maritime Européen
8
préventives ayant pour but de protéger le transport maritime contre les risques d'événements de mer,
les événements majeurs étant le naufrage, l'échouement, l'abordage et l'incendie.
Mais si les moyens diffèrent, le but poursuivi au moyen des règles relatives à la sûreté et à la
sécurité maritimes est identique: assurer la protection de la vie humaine en mer, des navires, des
cargaisons et de l'environnement marin ».
Cette précision est nécessaire, des confusions entre les deux termes étant parfois observables,
d'autant plus que les termes anglais de safety pour la sécurité et de security pour la sûreté peuvent
induire en erreur.
9
PREMIERE PARTIE: LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE
LUTTE CONTRE LE TERRORISME MARITIME
Nous étudierons dans cette première partie les différents textes de droit international mais
aussi certains points de la législation française et américaine en matière de terrorisme maritime. Ces
textes, souvent pris en réaction à des évènements tragiques, constituent avant tout un droit de nature
préventive.
A/ Les principales conventions internationales
L'ordre civil en mer repose sur la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de
1982, ratifiée par 148 Etats et l'Union Européenne, mais celle-ci laisse bien des questions en
suspens et s'est donc très vite révélée insuffisante, tout particulièrement en matière de sûreté
maritime et de lutte contre le terrorisme.
1. La Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer
La Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer a été signée le 7 décembre 1982 à
Montego Bay en Jamaïque et est entrée en vigueur le 16 novembre 1994 (la France l'a ratifiée en
1996). Selon son préambule, elle reprend la résolution 2749 (XXV) du 17 décembre 1970, « dans
laquelle l'Assemblée générale des Nations Unies a déclaré solennellement, notamment, que la zone
du fond des mers et des océans, ainsi que de leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction
nationale et les ressources de cette zone sont le patrimoine commun de l'humanité et que
l'exploration et l'exploitation de la zone se feront dans l'intérêt de l'humanité tout entière,
indépendamment de la situation géographique des Etats », tout en insistant ensuite sur le besoin de
coopération des Etats pour contribuer au « renforcement de la paix, de la sécurité, de la coopération
10
et des relations amicales entre toutes les nations ».
Elaborée sous l'égide de l'ONU, elle a été très largement signée et ratifiée (à noter cependant que les
Etats-Unis l'ont signée mais pas ratifiée). Elle édicte des règles concernant le statut juridique des
navires dans les zones de souveraineté étatique comme la mer territoriale, la zone contiguë, la zone
économique exclusive et le plateau continental.
Elle écarte la théorie selon laquelle le navire serait considéré comme une portion de
territoire de l'Etat du pavillon (dite « théorie de la territorialité des navires »). Désormais un navire
étranger se trouvant dans les eaux territoriales d'un Etat est soumis à sa souveraineté, donc à ses lois
et à son contrôle. Il sera ainsi soumis à ses lois relatives aux ports, à la navigation, à la sûreté et la
sécurité mais également à ses lois de police et de douane.
Ce principe est cependant restreint voire même complètement écarté en ce qui concerne les navires
de guerre et les navires d'Etat non destinés au commerce, en raison de l'immunité qui leur est
applicable. Il est également atténué par un usage international selon lequel les autorités locales
interviennent à bord à la demande du capitaine et avec discrétion1
, usage que vont restreindre
cependant d'autres conventions en matière de sûreté maritime notamment.
Cette Convention décrit les pouvoirs de l'Etat du pavillon dans son article 217, ceux de l'Etat du
port dans son article 18, puis ceux de l'Etat côtier à l'article 220. Il s'agit principalement de pouvoirs
d'inspection et d'enquête qui distinguent (pour les 2 derniers) selon que l'on se trouve dans les eaux
territoriales ou la zone économique exclusive lorsque l'infraction a été commise. Avec cette
Convention, il s'agit avant tout d'agir en matière de pollution mais pas seulement puisqu'il y est
question de l'exercice de la souveraineté et des pouvoirs de police des Etats.
C'est d'ailleurs pour des questions de souveraineté et de juridiction qu'elle intéresse notre
étude. En mer territoriale, celle-ci laisse compétence à l'Etat riverain (article 2 CMB), c'est ce qui
pose tant de problèmes, en matière de piraterie avant tout2
mais pas seulement. Le passage d'une
mer territoriale à une autre garantie en quelque sorte l'impunité puisque cela interrompt les
possibilités d'exercice du droit de poursuite de l'article 111§3. L'article 111§1 n'autorisant la
poursuite au delà de la mer territoriale qu'en direction de la haute mer et à condition de n'avoir pas
été interrompue.
1 Voir sur ce point le Traité de Droit Maritime de P. Bonassies et C. Scapel, papes 34 et 35
2 Ce problème est d'autant plus visible lorsque les Etats sont faibles voire déliquescents comme c'est le cas de la
Somalie, au large de laquelle on recense désormais le plus d'actes de piraterie. On peut citer notamment la très
récente et médiatique affaire du Ponant, yacht de luxe battant pavillon français attaqué le 4 avril dernier au large des
côtes somaliennes.
11
Comme nous venons de le voir avec ce dernier point, tout comme la Convention de Genève
sur la haute mer de 1958 avant elle, la Convention de Montego Bay fixe un cadre général et s'est
également révélée insuffisante en matière de sûreté. Cela est devenu flagrant avec le renouveau du
terrorisme maritime et les affaires tristement célèbres de la Santa Maria en 1961, l'Anzoategui en
1963, l'Achille Lauro en 1985 et le City of Poros en 1988.
2. La Convention de Rome sur la répression d'actes illicites contre la sécurité de la
navigation maritime (et son protocole)
a) Les apports de la Convention de Rome
Ce texte a été adopté le 10 mars 1988, en réaction à l'attaque de l'Achille Lauro évoquée
précédemment. Une résolution de l'Assemblée générale des Nations-Unies du 9 décembre 1985
avait demandé à l'Organisation Maritime Internationale (OMI), saisie avant cela en novembre par
les Etats-Unis, d'étudier le problème du terrorisme exercé à bord ou contre des navires. Il est
complété par un protocole additionnel pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des
plates-formes fixes situées sur le plateau continental, entré en vigueur le 1er mars 1992, tout comme
la Convention. Ces deux textes regroupent respectivement 149 et 138 Etats contractants et
représentent 92,75% et 87,77% du tonnage mondial.1
On parle également de ce texte sous le nom
de Convention SUA du fait de son intitulé anglais (Suppression of Unlawful Acts against the Safety
of Navigation).
Elle s'est fortement inspirée du droit aérien et plus précisément des dispositions des
conventions de La Haye du 16 décembre 1970 et de Montréal du 23 septembre 1971. Les
incriminations que les Etats parties devant introduire dans leur législation interne correspondent en
grande partie aux articles 1er de ces deux instruments. Elle a vocation à s'appliquer d'une manière
très large selon le modèle du droit aérien, à tout fait commis par une personne qui s'empare d'un
navire ou en exerce le contrôle par la violence, qui accomplit un acte de violence à l'égard d'une
personne se trouvant à bord d'un navire si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de la
navigation, qui détruit un navire ou cause à un navire ou à sa cargaison des dommages, qui place ou
fait placer sur un navire un dispositif propre à le détruire, qui détruit ou endommage des
1 Sources: site de L'OMI, www.imo.org/
12
installations au service de la navigation maritime, ou qui communique une fausse information
qu'elle sait être fausse, et de ce fait compromet la sécurité de la navigation d'un navire.
Cette énumération peut être résumée en trois catégories d'actes:
Le fait de s'emparer d'un navire par la force,
Les actes de violence à l'encontre des personnes à bord,
Le fait de placer sur un navire des dispositifs susceptibles de le détruire ou de l'endommager.
Concernant les pouvoirs de police, elle prévoit que les Etats signataires doivent prendre les
mesures nécessaires pour établir leur compétence aux fins de connaître des infractions commises à
l'encontre ou à bord d'un navire battant leur pavillon, sur leur territoire y compris la mer territoriale,
ou par un de leur ressortissants. Ils doivent en plus élargir leur compétence au cas où un de leur
ressortissants est retenu, menacé, blessé ou tué. Pour cela, la Convention recommande l'emploi de
contrôles, de visites et enquêtes à bord des navires étrangers selon les règles classiques du droit
maritime international. Elle dispose également que tout Etat doit arrêter toute personne auteur d'une
infraction se trouvant sur son territoire afin de l'extrader ou de le juger. Enfin la convention prévoit
des pouvoirs supplémentaires pour le capitaine de tout navire d'un Etat signataire: celui-ci peut
remettre aux autorités d'un autre Etat signataire toute personne dont il a de sérieuses raisons de
croire qu'elle a commis une des infractions visées.
Elle dispose qu'elle s'applique dans les eaux internationales et laisse à chaque Etat le soin de statuer
sur l'infraction et prévoit qu'il peut étendre sa compétence au-delà des frontières.
La Convention de Rome constitue une étape fondamentale dans l'évolution des pouvoirs de
police étatique et de juridiction pénale en mer. D'après Philippe Boisson, ce texte « fixe une base
adéquate pour l'arrestation, la détention et l'extradition des terroristes ayant agi à l'encontre des
navires ou des ports ou ayant utilisé des navires pour perpétrer des actes terroristes »1
. Elle ne limite
plus l'exercice exclusif des compétences de police aux autorités nationales, mais s'appuie sur une
coopération maritime internationale accrue.
Toujours selon Philippe Boisson, « elle donne à l'Etat du pavillon une compétence exclusive pour
intervenir en haute mer sur un navire contrôlé par des terroristes »2
, c'est d'ailleurs une de ses
lacunes, ce qui explique qu'elle a fait l'objet d'une révision en 2005.
C'est d'ailleurs sur ce point que les dispositions en matière d'arraisonnement de l'article 8 bis du
texte ont été modifiées. Le principe de la juridiction de l'Etat du pavillon reste la norme mais un
1 DMF, n°656, 01/02/2005,Actualité du droit maritime international
2 DMF, n°640, 01/09/2003, La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine maritime
13
autre Etat pourra désormais intervenir de manière exceptionnelle en haute mer, l'usage de la force
(un degré « nécessaire et raisonnable ») lors d'un arraisonnement est prévu au paragraphe 7. Lors de
l'élaboration de ce protocole modificatif (concernant encore pour l'instant une minorité d'Etats), les
délégations ont majoritairement souhaité la compétence concurrente de l'Etat du pavillon et de l'Etat
dont les terroriste ou la victime est ressortissant.
Autre exemple, le texte permettra désormais de monter à bord d'un navire étranger en vue d'arrêter
des personnes soupçonnées de blanchiment d'argent ou de financement de mouvements terroristes1
.
Ce texte propose également de nouvelles infractions, par exemple l'utilisation du navire pour
transporter des substances susceptibles d'être employées à des fins de destruction massive. D'autres
points ne sont pourtant toujours pas résolus, faute d'un consensus, c'est le cas par exemple pour
l'hypothèse de l'arraisonnement injustifié et de tous les problèmes qu'il pourrait poser en matière
d'indemnisation et de responsabilité de l'Etat du pavillon ou de l'Etat ayant procédé à
l'arraisonnement.2
Pour certains auteurs, cette Convention, bien qu'apportant des moyens considérables à la
lutte contre le terrorisme maritime, se révèle insuffisante sur certains points, comme nous l'avons
remarqué précédemment, puisqu'elle se limite à consacrer la compétence exclusive de l'Etat du
pavillon pour intervenir et demande aux Etats de collaborer entre eux afin de prévenir les actes
illicites sans réellement leur en donner les moyens. Elle a d'ailleurs fait l'objet de diverses fait l'objet
de différentes propositions de révision dont voici les axes principaux3
:
élargissement du champ d'application aux actions terroristes et au transport de matériels
destinés au terrorisme,
intervention en haute mer possible pour d'autres Etats que celui du pavillon,
cohérence avec les autres conventions internationales sur le même objet.
Dans tous les cas la Convention de Rome doit s'articuler avec le droit national des Etats
parties, il convient donc de s'intéresser brièvement à son passage en droit français.
b) La Convention de Rome et le Droit français
La Convention et son protocole additionnel sont tous les deux visés par l'article 689-5 du
1 Source: Journal de la Marine Marchande (JMM) du 14/07/2006, p.7
2 Voir sur ce point l'article du DMF n°656 précité, où l'auteur traite à l'époque du projet qui a aboutit au texte de 2005
3 Selon le cours de Michel Botalla-Gambetta
14
Code de procédure pénale. Pour permettre leur application, la loi n°90-1143 du 21 décembre 1990 a
été adoptée, prévoyant dans son article 5 que les dispositions de l'article 689-5 ne seront
applicables qu'aux infractions commises postérieurement à l'entrée en vigueur de la convention et
de son protocole.
L'article 689-5 est destiné à permettre l'application des articles 3 et 6§4 de la convention: « tout Etat
partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions
prévues à l'article 3 dans le cas où l'auteur présumé de l'infraction se trouve sur son territoire et où il
ne l'extrade pas vers l'un quelconque des Etats parties qui ont établi leur compétence conformément
aux paragraphes 1 et 2 du présent article ». Parmi les infractions figurant à l'article 689-5 est
mentionné l'article L.331-2 du Code des ports maritimes qui sanctionne « quiconque a
intentionnellement, dans les zones portuaires ou en dehors d'elles, détruit, abattu ou dégradé un
phare, feu, ouvrage ou d'une façon générale tout équipement ou installation de balisage ou d'aide à
la navigation » ainsi que celui qui a porté atteinte au bon fonctionnement de ces équipements et
installations.
3. Autres textes et initiatives internationales remarquables
A titre préliminaire, il est intéressant de noter que l’OMI s’en remet à l’Organisation
Mondiale des Douanes (OMD) pour veiller à la sécurité des cargaisons dangereuses. Les Etats
devront évaluer la sûreté de l’ensemble de leurs ports et décider, en fonction de leur vulnérabilité,
lesquels doivent faire l’objet de plans de sécurité des installations portuaires et d’une remise à
niveau des équipements. L'OMD a adopté en juin 2002 une résolution relative à la sûreté et à la
facilitation des échanges de la chaîne logistique internationale.
Il convient tout d'abord d'évoquer la Convention STCW (Standards of Training,
Certification and Watchkeeping for Seafarers), adoptée le 7 juillet 1978 dans le cadre de l'OMI et
entrée en vigueur six ans plus tard, en 1984. Le but de cette convention, qui a été remaniée depuis
(amendement en 1995), est de réglementer à l'échelle internationale les qualifications du personnel
navigant ce de manière internationale. Un des objectifs était de limiter les risques liés aux équipages
sous-norme ; les navires étant appelés à parcourir le monde entier, une telle réglementation n'avait
de sens qu'à l'échelle internationale. La Convention STCW impose aux pays signataires de mettre
en place leur propre système de contrôle de la qualité de leur dispositif de formation et de
délivrance des titres. Ce texte joue un rôle avant tout en matière de sécurité mais aussi pour la sûreté
15
en internationalisant le système des brevets des différents gens de mer et donc avec cela les
compétences et le contrôle de leur conformité.
Le Bureau Maritime International (BMI) a souhaité quant à lui, la mise en place de corridors
réservés aux pétroliers et interdits aux petites embarcations susceptibles de cacher des explosifs.
C’est parce que les bateaux-suicides peuvent se fondre sans difficulté dans le trafic aux abords des
ports que la protection des pétroliers, chimiquiers ou gaziers est complexe. Le souci de pouvoir
patrouiller, interpeller et contrôler de manière prompte et efficace a également été souligné.
Certains textes de l'OIT comportent des dispositions sur le contrôle des navires mais
concernent avant tout l'équipage et les certificats des navires, notamment la Convention n° 147, qui
est relative aux normes minimales à observer sur les navires marchands de 1976 et la « Convention
de Travail Maritime consolidée » (non numérotée) qui permet de procéder à des inspections
périodiques. Mais le texte de l'OIT le plus important en matière de sûreté est la Convention n°185
sur les pièces d'identité des gens de mer (révisée, car elle remplace la Convention n°108 de 1958)
du 19 juin 2003, entrée en vigueur le 9 février 2005, qui prévoit la délivrance d'une pièce d'identité
des gens de mer pour permettre une identification sûre et fiable. D'après ce texte, les Etats doivent
établir des bases de données en ce sens afin de se communiquer les informations entre eux à tout
moment et prévoir des procédures de suspension et retrait.
On peut citer également une initiative conjointe récente de L'OMI et l'OIT (Organisation
Internationale du Travail) de 2004 avec le Recueil de directives pratiques sur la sûreté des ports.
Celui-ci a pour but de réduire les risques et menaces d'actes illégaux dans les ports, de constituer un
cadre d'orientation pour une stratégie de sûreté portuaire appropriée pour les gouvernements,
employeurs et travailleurs; tout en respectant et en s'articulant avec la Convention SOLAS1
et son
code ISPS que nous détaillerons par la suite. Pour atteindre ces objectifs, le Recueil prévoit
d'identifier les défauts éventuels du système de sûreté du port et de définir les rôles et
responsabilités de chacun.
On peut aussi rapidement évoquer les organisations intergouvernementales avec par
exemple le groupe ad hoc sur la sécurité du Comité des transports maritimes de l'Organisation pour
1 Convention internationale du 1er novembre 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer sous l'égide de
l'OMI, entrée en vigueur le 25 mai 1980. SOLAS venant du nom anglais du texte: International Convention for the
Safety of Life at Sea.
16
la Coopération et le Développement Economique (OCDE) qui s’est réuni, notamment en juillet
2002, pour envisager plusieurs pistes, propositions et axes de réflexion.
- la transparence du régime de propriété et de contrôle des navires ;
- les meilleures pratiques telles que les plans de sécurité des navires et des installations
portuaires, des normes de réponse aux différents scénarios de risque, des procédures d’identification
et d’habilitation du personnel ;
- l’analyse de risques, plus particulièrement l’évaluation de leur probabilité, ainsi que la
modélisation économique du coût et de l’impact du terrorisme maritime ;
- les problèmes de sécurité inhérents au passage des marchandises par tous les maillons, dont les
interfaces portuaires, de la chaîne intermodale de transport.
Vient ensuite l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord ou NATO) dont le rôle pourrait
être amené à évoluer vers une lutte accrue contre le terrorisme mais il s'agit seulement de
suppositions à l'heure actuelle.
Nous verrons que l'Union Européenne est très active en la matière mais d'autres organisations de
coopération régionales sont également actives, on pense notamment à l'ASEAN (Association des
Nations d'Asie du Sud-Est). Plus généralement, on a vu une coopération assez forte entre Etats de
cette région de manière multilatérale ou bilatérale comme ce fut déjà le cas pour lutter contre la
piraterie dans le Détroit de Malacca. Il s'agit principalement de faciliter l'échange d'informations
pour mieux lutter contre les crimes transnationaux.
B/ Le Code ISPS
Lors de la conférence diplomatique du 12 décembre 2002, l'OMI a fait adopter un Code
international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, le Code ISPS (pour
International Ship and Port Facility Security Code). Il s'agit d'un supplément en matière de sûreté
au chapitre XI de la Convention SOLAS, créant un chapitre XI-2, réputé entré en vigueur le 1er
juillet 2004 si aucun Etat ne s'y oppose (c'est un amendement tacite, méthode plus rapide, les Etats
considérant qu'il y avait urgence). Cette méthode est d'autant plus judicieuse que la Convention
SOLAS est d'application très vaste puisque dans sa version originale (1974) elle concerne 158 Etats
17
représentant 99,04% du tonnage mondial1.
A noter tout d'abord que le code ISPS prend en compte les mesures de sûreté déjà contenues
dans le code ISM (celui-ci ayant également été adjoint à la Convention SOLAS auparavant2
),
concernant notamment le contrôle de l'identité des membres d'équipage, des passagers, les
procédures de gardiennage, d'alerte ou de ronde. Tout comme la Convention à laquelle il s'adosse, le
code ISPS est d'application large puisqu'il concerne les navires effectuant des voyages
internationaux:
les navires de passagers y compris à grande vitesse, quelque soit la jauge,
les navires de charge d'une jauge brute supérieure ou égale à 500 tonneaux,
les unités mobiles de forage au large,
les installations portuaires fournissant des services à de tels navires (pour l'OMI ces
dernières font l'interface entre le port et les navires).
Il est divisé en deux parties, A obligatoire et B facultative, mais il y a souvent dans B des méthodes
pour mettre en place A et ses buts. Son objectif est de permettre la détection des menaces contre la
sûreté et d'établir les responsabilités et rôles de chacun, à bord des navires et à terre. Pour étudier ce
code nous distinguerons donc les mesure relatives aux navires de celles relatives aux installations
portuaires.
1. La sûreté des navires
Tout d'abord, les navires doivent depuis le 1er juillet 2004, date d'entrée en vigueur du code
ISPS, s'équiper d'un système d'alerte de sûreté (SSAS: Ship security alert system); au plus tard
lors de la première vérification du matériel radio3
. Ce SSAS doit pouvoir déclencher et transmettre
une alerte de sûreté à terre uniquement en cas de menace à une autorité compétente de l'Etat du
pavillon, voire à la compagnie. L'alerte ne sera pas perçu à bord du navire et doit être installé à deux
endroits dont la passerelle obligatoirement (l'autre étant la salle des machines le plus souvent).
L'Etat du pavillon qui reçoit l'alerte doit informer l'Etat côtier le plus proche. Ce dispositif sera aussi
utile en matière de piraterie, « dans la mesure où l'acte n'est pas aussi spontané que l'acte terroriste,
1 Sources: site de L'OMI, www.imo.org/ ; 114 Etats et 96,16% dans sa version avec protocole de 1978, 89 Etats et
93,57% dans sa version avec protocole de 1988.
2 Le code ISM (International Safety Management) ou code de gestion de la sécurité des navires a été ajouté dans la
Convention SOLAS en 1994, créant un chapitre IX, et est entré en vigueur au 1er juillet 2002.
3 Règle 3 du chapitre XI-1 de la Convention SOLAS
18
notamment kamikaze, pour lequel le temps de réaction est proche de zéro »1
.
Ensuite le code ISPS donne un rôle considérable à la compagnie puisqu'elle doit obtenir
pour tous les navires qu'elle exploite dans sa flotte un certificat international de sûreté (ISSC:
International ship security certificate), selon la partie A, §19.2 du code. Ce certificat est délivré,
pour une durée maximale de 5 ans, par l'administration du pavillon ou par un organisme de sûreté
reconnu (RSO: Recognised security organisation, partie A, §4.3); à noter qu'en droit français,
« l'Etat ne délègue qu'exceptionnellement ses obligations de contrôle à une société de
classification », comme le soulignent Messieurs Bonassies et Scapel2
. Pour obtenir ce certificat la
compagnie doit remplir différentes obligations:
Elle doit en premier lieu procéder à une évaluation de la sûreté du navire (SSA: Ship
security assesment, partie A, §8.2 du code). Il s'agit d'analyser les risques en prenant en
compte les mesures, procédures et opérations de sûreté existantes afin d'identifier les
menaces et les points les plus sensibles pour effectuer ensuite des mises au point.
Cette évaluation va permettre à la compagnie d'élaborer un plan de sûreté du navire (SSP:
Ship security plan, partie A, §9 du code). Celui-ci devra en dernier lieu approuvé par
l'administration de l'Etat du pavillon ou un RSO, si l'Etat lui a délégué cette compétence.
Mais dans ce cas (le problème ne se pose pas en France comme nous l'avons vu), ce RSO ne
pourra pas être le même que celui qui aura défini le contenu du plan. Ce SSP doit prévoir les
procédures de sûreté et les différentes mesures à prendre en adéquation avec des trois
différents niveaux de sûreté (faible, moyen et élevé) définis par le plan de sûreté portuaire
que nous envisagerons plus bas. Il doit surtout identifier les accès au navire et les mesures
afin d'empêcher les intrusions, porter sur les mesures à prendre en cas de réalisation d'une
menace. Pour cela il défini les différents rôles et responsabilités des membres de l'équipage,
interdit l'accès aux personnes étrangères au bord, prend des mesures pour éviter
l'introduction d'armes, engins ou substances dangereuses... Il dépend bien évidement du type
de navire; il devra être réévalué régulièrement, mis à jour si nécessaire et tout incident devra
être signalé aux différents agents de sûreté. Enfin, il détaille la procédure d'inspection et
d'entretien du matériel (dont le dispositif de sûreté SSAS).
Elle doit ensuite désigner un agent de sûreté du navire (SSO: Ship security officer, partie
A, §12 du code), ce dernier n'étant pas forcement le capitaine mais il sera alors responsable
devant ce dernier. Cet agent est chargé de tous les aspects du fonctionnement du navire dès
1 Selon A. Le Monnier De Gouville et P. Boisson dans la revue Mare Liberum, n°1 avril 2004
2 Traité de Droit Maritime, p.146
19
lors qu'ils concernent la sûreté, il devra bien sûr être formé à cet effet. Pour atteindre ses
objectifs qui sont l'application et la supervision du plan de sûreté du navire, il doit
principalement inspecter de façon régulière le navire et prendre les mesures nécessaires par
la suite. Il doit également informer les gens du bord aux différents aspect de la sûreté et
vérifier leur formation en la matière.
Le capitaine du navire, qu'il soit ou non le SSO, est chargé de superviser le fonctionnement
du plan de sûreté à bord et de requérir l'avis ou l'assistance de la compagnie si cela s'avère
nécessaire. Selon Philippe Boisson, la compagnie doit lui fournir tous les renseignements
utiles (qui est chargé de recruter le personnel, si le navire est affrété, qui a signé la charte-
partie, etc...) et lui confier « l'autorité souveraine et la responsabilité de prendre les décisions
nécessaires pour maintenir la sécurité et la sûreté de son navire »1
.
Elle doit également désigner un (ou plusieurs selon la taille de l'entreprise) agent de sûreté
de la compagnie (CSO: Company security officer, partie A, §11 du code), celui-ci est en
relation avec les SSO et doit être joignable à tout moment; il se trouve à terre, au sein des
services de la compagnie. Ses responsabilités sont multiples, comme par exemple centraliser
et organiser l'évaluation de la sûreté de tous les navires mais aussi de la formation des agents
de sûreté des navires et des équipages. Plus généralement, il veille à ce que les non-
conformités soient rectifiées.
Comme nous l'avons vu ces mesures concernent avant tout le navire, son armateur et bien
sûr l'Etat du pavillon, mais d'autres dispositions concernent les installations portuaires et donc l'Etat
du port.
2. La sûreté portuaire
Les mécanismes prévus par le code ISPS en la matière sont en fait assez similaires à ceux
évoqués précédemment pour les navires. Tout en sachant que la partie A, §14.1 du code précise que
« les mesures et procédures de sûreté doivent être appliquées dans l'installation portuaire de manière
à entraîner le minimum de perturbations et de retards pour les passagers, le navire, le personnel du
navire et les visiteurs, les marchandises et les services ».
La première obligation pesant sur l'Etat du port est celle d'établir des niveaux de sûreté et de
1 Dans DMF n°640, 01/09/2003, ''La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine
maritime'', il reprend d'ailleurs ici la règle 8 du chapitre XI-2 de la convention SOLAS.
20
donner des recommandations sur les mesures de protection contre les incidents de sûreté. Il
doit « déterminer quand une déclaration de sûreté est requise, en évaluant le risque qu'une
interface navire/port ou une activité de navire à navire présente pour les personnes, les biens
ou l'environnement ». Les niveaux de sûreté sont au nombre de trois et sont définis par les
Etats: le 1er
correspond au niveau normal d'exploitation, le 2nd
correspond à un risque accru
et peut être permanent, le 3ème
est exceptionnel et temporaire, applicable pendant la période
de temps où le risque est probable ou imminent. Leur définition peut donc varier d'un Etat à
l'autre voire même changer en fonction des zones de navigation. Le niveau de sûreté sur le
navire doit être équivalent à celui du port vers lequel il se dirige.
La seconde obligation pour les Etats contractants est ensuite de procéder à une évaluation de
la sûreté de l'installation portuaire, pour chaque installation et de manière adaptée à
l'interface navire/port. Il s'agit d'identifier les parties vulnérables susceptibles de faire l'objet
d'une attaque, le risque est évalué en fonction de ce risque et de ses conséquences
éventuelles. Pour ce fait, on étudie précisément les biens et infrastructures à protéger, les
menaces et leur probabilité de survenance, la priorité des mesures et procédures à prendre
(et leur efficacité), les points faibles, y compris les facteurs humains...
Cela afin de leur permettre ensuite d'élaborer et de tenir à jour un plan de sûreté de
l'installation portuaire (PFSP: Port facility security plan). Ce plan doit prévoir des
dispositions adaptées aux trois niveaux de sûreté définis dans le code. Comme pour les
navires, il doit comprendre les mesures en vue d'empêcher l'introduction d'armes ou de
substances dangereuses et non autorisées, mais aussi les mesures de restriction ou
d'interdiction d'accès à l'installation portuaire ou à certaines zones. Il prévoit des procédures
pour faire faces aux menaces et atteintes à la sûreté et cela comprend les disposition en vue
du maintien des activités essentielles du port. Comme pour les navires, il détaille les
mesures et procédures à suivre en fonction du niveau de sûreté. En France, ce plan de sûreté
est approuvé par le préfet.
La dernière obligation est la désignation dans chaque port d'un agent de sûreté de
l'installation portuaire (PFSO: Port facility security officer). Ce dernier doit procéder à des
inspections de sûreté et des exercices dans l'installation portuaire. Il doit de plus gérer la
formation du personnel portuaire en matière de sûreté et il tient un registre des évènements
de sûreté. Pour cela, il est en relation étroite avec les agents de sûreté des navires qui font
escale au port mais aussi, si besoin est, avec ceux des compagnies.
A noter pour finir, mais cela va de soi, qu'un navire d'un Etat non signataire de la
21
Convention SOLAS n'est pas soumis au code ISPS (et ISM également). Il est néanmoins
recommandé de l'appliquer dès lors qu'il compte aller dans un Etat signataire, d'autant plus que
certains (on pense de suite aux Etats-Unis) refuse dans ce cas tout accès à leurs ports.
De même, certains assureurs n'assurent pas les ports qui ne sont pas ISPS ou ne permettent pas aux
navires d'y aller, ce qui prouve son importance et son succès. Selon l'OMI, au 1er juillet 2004 (date
de son entrée en vigueur), 86% des navires concernés étaient certifiés et 69% des ports disposaient
d'un plan de sûreté. C'est ce qu'indique Pascal Polère1
, « il existait encore un décalage entre les
Etats, car à peine la moitié des ports maritimes africains étaient conformes au code ISPS et des
ports de l'Europe de l'Est et de Russie ne répondaient toujours pas à ses prescriptions ». Cela
s'expliquant selon lui par des difficultés de mise en place de ces mesures (en matière de coût
principalement), sur lesquelles nous reviendrons plus en détail par la suite.
C/ Application et renforcement des standards internationaux au niveau européen et
français
Le code ISPS que nous venons d'étudier, ainsi que les autres conventions envisagées
auparavant, sont souvent considérés par certains Etats comme un socle minimal, ceux-ci ont donc
décidé d'aller plus loin en matière de sûreté. C'est le cas de l'Union Européenne et donc de ses Etats
membres, chacun gardant néanmoins une marge de manoeuvre pour l'application de ces mesures.
Nous verrons d'ailleurs cela avec l'étude de certains textes français.
1. Les textes communautaires
a) La transposition du Code ISPS en droit communautaire
Selon la formule de Philippe Boisson2
, « Consciente des difficultés d'application et
d'interprétation de la nouvelle réglementation internationale, l'Union Européenne a cherché à mener
une action cohérente d'ensemble en matière de sûreté des transports maritimes et à éviter le recours
à des initiatives bilatérales telles que celles lancées par les Etats-Unis ».
Dans ce but, la Commission a obtenu le 18 mars 2003 de la part du Conseil des Ministres
1 Dans son article ''Sûreté maritime: Bilan et perspectives du code ISPS'', DMF n°669, 01/04/2006
2 DMF n°640, 01/09/2003, La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine maritime
22
l'autorisation de négocier avec les autorités douanières américaines un accord sur le développement
d'un système de contrôle des exportations intégrant la nécessité de sécuriser le transport par
conteneurs. Cela découle d'une volonté d'harmonisation au niveau européen afin de mettre fin aux
arrangements bilatéraux conclus avec certains Etats membres, compte tenu des risques de
concurrence déloyale que cela implique.
La Commission a de plus adopté une communication le 2 mai 2003 dépassant les travaux de l'OMI
en s'intéressant aux zones portuaires dans leur globalité, à l'identification des gens de mer ou bien
encore à la sûreté de l'ensemble de la chaîne de transport multimodale.
Simultanément à cette communication, la Commission a adopté une proposition de Règlement qui a
aboutit au Règlement CE n°725/2004 du Parlement Européen et du Conseil1
du 31 mars 2004,
« relatif à l'amélioration de la sûreté des navires et des installations portuaires ». Ce Règlement
transpose en droit européen le nouveau chapitre de la Convention SOLAS et donc le code ISPS,
mais il va plus loin, notamment en rendant obligatoires certaines recommandations de la partie B du
code et en complétant les normes internationales. Il impose la nomination d'une autorité nationale
responsable de la sûreté et prévoit un processus d'inspections supervisé par la Commission, assistée
dans cette tâche par l'Agence Européenne de Sécurité Maritime (EMSA).
Mais l'un de ses apports les plus significatif est d'étendre l'ensemble de la réglementation
internationale aux navires à passagers effectuant des voyages nationaux et à d'autres navires affectés
à un trafic domestique.
b) Les autres textes communautaires pertinents
Certains de ces textes concernent strictement les préoccupations de sûreté alors que d'autres
sont mixtes et relèvent aussi de la sécurité maritime et portuaire.
C'est le cas par exemple d'une Déclaration finale adoptée par les pays de l'UE le 2 décembre 1980,
plus connue sous le nom de « Mémorandum d'entente sur le contrôle des navires par l'Etat du port »
(en anglais: Memorandum Of Understanding, d'où l'abréviation MOU) ou « Mémorandum de
Paris ». Ce texte prévoit que les Etats signataires doivent contrôler et s'assurer que les navires même
d'Etats non-signataires, sont aux normes internationales, quand bien même ces Etats non-signataires
n'auraient pas ratifié les conventions internationales. Les Etats signataires s'engagent à contrôler au
moins 25% des navires étrangers entrant dans ses ports et doivent centraliser les résultats des
inspections afin que tous les pays parties au MOU en soient informés. Enfin, le MOU prévoit la
1 JOCE 29 avril 2004, n° L129
23
possibilité d'immobiliser un navire jusqu'à sa réparation effective.
Le MOU a été complété par une Directive Communautaire n°95/21 en date du 19 juin 1995,
modifiée le 13 décembre 1999 et le 19 décembre 20011
, qui ont ajouté plusieurs mesures. Les
principales étant l'inspection renforcée des navires de 10 à 15 ans d'âge et surtout la création d'une
liste noire établie une fois par an par les Etats partie, refusant l'accès à leur ports aux navires
blacklistés.
Le Mémorandum de Paris est à l'origine un texte uniquement communautaire mais son impact est
devenu plus important car certains Etats non membres y ont adhéré, comme le Canada et la Russie.
D'autres textes « mixtes »communautaires peuvent être cités, tel une directive n° 93-75 du
13 septembre 1993 qui concerne les navires transportant des marchandises dangereuses en
provenance ou à destination d'un port communautaire. Mais également une Directive du 27 juin
2002 exigeant des navires entrant dans les ports de l'UE qu'ils soient pourvus d'un système
d'identification automatique et d'un système d'enregistrement des données de voyage. Elle permet
donc d'interdire l'entrée ou la sortie du port, notamment et c'est ce qui nous intéresse ici, en cas de
menace à la vie humaine. Enfin un Règlement du Parlement et du Conseil du 27 juin 2002 a créé
l'Agence Européenne de Sécurité, évoquée précédemment, à défaut de créer de véritables garde-
côtes européens, souhaités par une grande partie de la doctrine, faute de consensus entre les pays.
Concernant avant tout la sûreté, la décision du Conseil du 3 décembre 1998 et la décision
cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme ont chargé EUROPOL de
traiter les infractions commises ou susceptibles de l'être dans le cadre d'activité terroristes et ont
créé un répertoire de compétences, de connaissances et expertises spécialisées en la matière.
On peut évoquer, pour conclure, deux projets de textes communautaires récents:
une proposition de directive relative à l'amélioration de la sûreté des ports (COM 2004/76 –
COD 2004/31),
une proposition de directive sur la sûreté du transport intermodal (COM 2003/452).
c) Quelques mots sur le statut ''d'opérateur sûr''
La Commission Européenne a proposé le 28 février 2006 de nouvelles règles afin de
1 Respectivement JOCE L331, 23/12/1999 et JOCE L19, 22/01/2002
24
permettre notamment de renforcer la sûreté de la chaîne d'approvisionnement dans tous les types de
transport. Il s'agit de créer un statut d'opérateur sûr, système non contraignant et sur la base du
volontariat, qui en contrepartie d'une amélioration de sa situation en matière de sûreté pourra
bénéficier d'avantages dans le domaine des contrôles. Il faudra pour cela notamment mettre en
oeuvre un système de gestion de la sûreté, combattre les risques et respecter certaines exigences
spécifiques. Ce statut est accordé après un audit favorable (celui-ci est opposable à l'ensemble des
ports européens) et un agrément en matière de sûreté. Il pourra être retiré en cas de manquements
graves ou répétés à ces exigences et dans ce cas l'opérateur ne pourra déposer de nouvelle demande
qu'après un délai de deux ans.
Ce programme a été accueille avec réserve par les entreprises concernées et notamment
l'Association des utilisateurs de fret (AUTF), selon elle inadaptée aux PME et PMI européennes. Le
Journal de la Marine Marchande nous rapport d'ailleurs que l'AUTF souhaitait « éviter que les
mesures prises soient disproportionnées et conduisent à des situations de distorsion de concurrence
et n'aboutissent à mettre en péril l'organisation logistique européenne »1
.
2. Spécificités françaises et fonctionnement de la sûreté portuaire en France
Comme nous l'avons remarqué un peu plus tôt, la délégation des contrôles de sûreté et de
sécurité aux sociétés de classification est très rare en droit français, contrairement à certains Etats
maritimes2
, mais ce n'est qu'une des spécificités françaises en matière de sûreté.
Selon l'article 1er
de la loi n°95/73 du 21 janvier 1995 modifiée d'orientation et de
programmation relative à la sécurité: « La sécurité est un croit fondamental et l'une des conditions
de l'exercice des libertés individuelles et collectives. L'Etat a le devoir d'assurer la sécurité en
veillant, sur l'ensemble du territoire de la République; à la défense des institutions et des intérêts
nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l'ordre public, à la protection des biens et
des personnes... ».
On peut tout d'abord évoquer une règle ancienne, la « visite de partance », créée en 1791 et
reprise par les articles 28 et 41 du décret du 30 août 1984, qui oblige le capitaine d'un navire
français ou étranger, à faire une déclaration de partance à l'autorité maritime avant de quitter le port,
1 JMM du 17 mars 2006
2 On pense par exemple au Libéria, au Panama ou aux Bahamas, cités sur ce point dans le Traité de Droit Maritime
par P. Bonassies et C. Scapel ( p. 144)
25
et en conséquence, le navire pourra éventuellement faire l'objet d'une « visite de partance ».
Il convient de préciser qu'en matière de faute commise lors des contrôles de navires, « la
responsabilité de l'Etat est engagée par la simple faute » et plus par la seule faute lourde1
.
Un arrêté du Premier ministre du 14 mai 19992
a institué un comité national de sûreté du
transport et des ports maritimes ainsi que des comités locaux de sûreté portuaire dans les ports les
plus importants, avant même le code ISPS. Ces comités ont pour mission de définir les mesures à
prendre afin d'assurer efficacement la sûreté dans les ports concernés. Ce texte est complété par un
arrêté modifié du ministre de l'équipement, des transports et du logement en date du 9 août 1999,
qui fixe la liste des ports où est institué un comité local de sûreté portuaire. Une commission
consultative de reconnaissance des organismes de sûreté maritime a ensuite été créée par l'arrêté du
25 juin 2004 du ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du
tourisme et de la mer3
.
Ces différents organismes assurent « des missions d'évaluation et de contrôle de la sûreté maritime
et portuaire », selon l'article L. 324-6 du Code des ports maritime (qui devient l'article L. 321-6
avec une modification en date du 6 juillet 2008 en vigueur au 15 août 2008). Ce Code joue un rôle
capital en matière de sûreté maritime et portuaire, dès son article L. 324-1 (L. 321-1 nouveau) selon
lequel: « La zone portuaire de sûreté, délimitée par l'autorité administrative, comprend le port dans
ses limites administratives et les zones terrestres contiguës intéressant la sûreté des opérations
portuaires ». Par la suite, l'article L. 324-2 (L. 321-2 nouveau) indique que c'est à l'Etat qu'incombe
la responsabilité de définir et contrôler l'application des mesures de sûreté du Code, écartant la
encore toute éventualité de délégation.
Ensuite, « afin d'assurer préventivement la sûreté des transports maritimes et des opérations
portuaires qui s'y rattachent, l'article L. 324-5 [devenant L.321-5] du Code des ports maritimes
habilite les officiers de police judiciaire et le personnel agréé par le préfet sur proposition du
gestionnaire du port, à procéder à la visite des opérations de fouille notamment de bagages, de
marchandises, de véhicules et même de navires à l'exception pour ceux-ci des parties à usage
exclusif d'habitation et des locaux syndicaux. Les agents des douanes peuvent également effectuer
ces opérations de fouille, lesquelles doivent se dérouler dans les zones portuaires non librement
accessibles au public, délimitées par arrêté préfectoral »4
. Tout ce passage concernant les fouilles
des bagages, colis, véhicules et navires s'inspire là encore du droit aérien et a été instauré (tout
1 Traité de Droit Maritime, P.Bonassies et C. Scapel, page 141.
2 Au Journal Officiel du 16 mai 1999
3 JO du 4 août 2004
4 Jurisclasseur Administratif, Fascicule 408-60: Ports maritimes, n°93.
26
comme une grande partie du livre III du Code des ports maritimes) par la loi n° 96-151 du 26
février 1996 et son décret d'application. Selon Robert Rézenthel, ces deux textes n'imposent pas de
moyens spécifiques à l'autorité portuaire dans la mesure où la lutte contre le terrorisme reste avant
tout une mission incombant à l'Etat dans le cadre de la police générale de l'ordre public1
.
Il ne faut pas oublier que le code des douanes joue également un rôle important dans la lutte
contre le terrorisme maritime et plus largement en matière de sûreté maritime. On peut citer le
décret du 24 juillet 2004 qui modifie notamment celui-ci pour permettre l'analyse des risques
nécessaire pour accorder le statut d'« opérateur économique agréé ». Pour cela l'entreprise doit
fournir 18 renseignements, utilisés aussi pour le dédouanement.
On ne peut pas oublier non plus le préfet maritime qui a un rôle essentiel. Cette institution originale
se trouve au centre de la toile, au coeur du dispositif maritime français. Il a pour fonction de
coordonner les différentes actions, les volets militaires ou civils, notamment dans le cadre de
l’action de l’Etat en mer. Son rôle devrait être central en matière de lutte contre le terrorisme
maritime. Tout comme celui de la Marine en matière de surveillance et de renseignement mais aussi
d'escorte voire même d'assaut si nécessaire...
Concernant le passage du code ISPS en droit français, il se fait, nous l'avons compris par le
biais de Règlement communautaire 725/2004 évoqué plus haut. Mais cela a été rendu possible par
un décret du 15 mai 20072
qui impose aux navires battant pavillon français, soumis à ce Règlement,
d'être munis de titres de sûreté et en précise les modalités. Au vu du plan de sûreté, un certificat
international sera délivré pour 5 ans. Le capitaine est responsable de l'exécution de ce plan, tandis
que l'armateur devra désigner, parmi son personnel deux agents de sûreté (SSO et CSO détaillés
précédemment) pendant une durée maximale de 5 ans. La transcription est donc fidèle au texte
international et sans grande nouveauté.
A noter également une décision intéressante à propos de l'application du code ISPS rendue par le
Tribunal administratif de Lille le 7 juin 2005; cela a été relevé dans la revue « Droit Maritime
Français »3
, selon laquelle « le Tribunal administratif de Lille pose le principe que le directeur d'un
port peut refuser à un armateur l'accès à certaines installations portuaires, quand le refus est fondé
sur des motifs de sécurité, et notamment sur les exigences du code ISPS ». C'est donc un arrêt
1 Revue Mare Liberum n°1 avril 2004
2 JO du 18 mai 2007
3 DMF hors série juin 2006, page 17
27
important pour l'application des normes internationales en matière de sûreté, assez logique compte
tenu de l'importance du sujet.
Les droits communautaire et français sont, nous l'avons compris, en accord avec les textes
internationaux en matière de sûreté maritime et n'hésitent pas à aller plus loin. C'est ce que nous
avons pu voir pour l'application du chapitre XI-2 de la Convention SOLAS, support du code ISPS.
Mais il convient également de s'intéresser aux Etats-Unis qui ont adopté une approche
particulièrement poussée avec des textes et mécanismes uniques.
D/ Les principales mesures prises par les Etats-Unis en matière de lutte contre le
terrorisme maritime suite aux attentats du 11 septembre 2001
Suite aux attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont déployé tout un arsenal
législatif afin d'opérer une refonte de leurs moyens en matière de lutte contre le terrorisme. Cela se
retrouve bien évidemment en matière de sûreté maritime quand on sait toute l'importance que joue
le transport maritime au niveau mondial (il représente près de 90% des échanges commerciaux
comme nous l'avons vu en introduction) et donc bien évidemment pour les Etats-Unis, acteurs
prépondérants du commerce mondial: 1er
pays importateur et exportateur1
selon les chiffres de
l'Organisation Mondiale du Commerce.
Le « Maritime Transportation Security Act of 2002 », que nous étudierons plus bas, nous donne
quelques chiffres dans son Titre 1er
en insistant sur l'importance pour les Etats-Unis du transport
maritime: Le pays compte 361 ports publics qui représentent 95% des échanges avec l'étranger. Le
volume de marchandises importées et exportées devant selon les prévisions doubler dans les 20 ans
à venir. Les 50 plus grands ports du pays représentent 90% du tonnage de marchandises et 25 ports
totalisent 98% de tous les envois par conteneurs.
Compte tenu de la position dominante qu'occupe les Etats-Unis sur la scène mondiale, tant au plan
politique que commerciale, les mesures qu'ils ont adopté après ces attentats vont avoir un impact
majeur sur l'ensemble du transport maritime mondial. En effet, tous les textes que nous allons
détailler ici ont des conséquences, souvent notables, pour tous les Etats en relation commerciale
avec les Etats-Unis, sachant que ces derniers ne vont pas hésiter à faire pression sur leurs
partenaires pour qu'il s'y conforment, en les menaçant par exemple de refuser de commercer à
1 Sources: site de l'Organisation Mondiale su Commerce: www.wto.org/ Précisons que selon le site, les Etats-Unis
passent 2nd
en terme d'exportations si on considère l'Union Européenne comme un ensemble, comme il le fait.
28
destination de ports qui seraient non conformes à leurs exigences ou d'accueillir les navires qui en
proviennent.
Après ce que certains auteurs ont considéré comme un excès de paranoïa, les mesures
doivent désormais être réalisables et raisonnables. C'est ce que nous indique le « Journal de la
marine marchande »1
: « En octobre 2001, pour le vice-amiral Dave-Belz représentant des US Coast
Guards, il fallait faire des choix douloureux entre les libertés individuelles et la sûreté. Aujourd'hui,
la sûreté doit être raisonnée, explique le patron du ministère de la Sécurité intérieure ».
Il convient donc de s'intéresser aux principaux textes législatifs et aux actions entreprises par les
Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme.
1. Les principaux textes fédéraux en matière de lutte contre le terrorisme maritime
A titre préliminaire, on peut tout d'abord citer le USA Patriot Act2
(H.R. 3162) adopté
directement après les attentats du 11 septembre 2001, le 26 octobre 2001. Cette loi, renforce
énormément les pouvoirs des différentes agences gouvernementales des États-Unis (FBI, CIA et
NSA) et de l'armée. Elle fut considérée comme une loi d'exception, dont les dispositions n'étaient
valables que pour quatre années. Elle a été renouvelée en 2005 puis 2006 et amendée plusieurs fois,
le plus souvent en renforçant les pouvoirs du ministère de la justice et des agences
gouvernementales. Cette loi est l'objet de vives critiques, notamment des organisations de défense
des droits de l'homme et des juristes, qui la considèrent liberticide. Les points critiqués sont
notamment la diminution des droits de la défense, la violation de la vie privée et la diminution du
droit à la liberté d'expression.
Il crée une nouvelle catégorie de crimes du "terrorisme intérieur" dans sa section 802 (intitulée
Definition of Domestic Terrorism), il est également intéressant d'évoquer sa section 803 (Prohibition
Against Harboring Terrorists) qui donne une liste d'infractions notamment en matière de transports
aérien et maritime3
.
Le 21 octobre 2002, l'US Coast Guard (USCG), intervenant majeur de la sûreté maritime et
portuaire, publiait une circulaire intitulée « Maritime Strategy for Homeland Security » fixant les
1 JMM du 6 avril 2007, dossier Amérique du Nord
2 qui signifie « Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and
Obstruct Terrorism Act » ou en français Loi pour unir et renforcer l'Amérique en fournissant les outils appropriés
pour déceler et contrer le terrorisme
3 Voir à ce sujet une analyse section par section du Patriot Act (en anglais) du Congressional Research Service
disponible sur www.fpc.state.gov
29
objectifs stratégiques maritimes dans le domaine de la sécurité intérieure. L'USCG a donné le même
jour des recommandations détaillés sur les mesures à prendre à bord des navires (Navigation and
Vessel Inspection Circular n°1002).
Le 25 novembre 2002, le « Maritime Transportation Security Act of 2002 » (MTSA) a été
publié après son adoption par le Congrès le 14 novembre. Cette loi sur la sûreté des transports
maritimes constitue une synthèse des dispositions prises jusqu'alors séparément par le Sénat et la
Chambre des Représentants, à savoir:
La loi sur la sûreté maritime et portuaire du Sénat du 20 décembre 2001 (S. 1214).
La loi antiterroriste sur les transports maritimes de la Chambre des Représentants du 4 juin
2002 (Maritime Transportation Anti-Terrorism Act of 2002 : H.R. 3983) qui dans son projet
initial envisageait d'ôter la surveillance des containers aux douaniers pour la confier à la
Transportation Security Administration (TSA) qui concerne avant tout les transports
aériens1
, mais cela a été modifié car le texte du Sénat laissait cela à l'administration
douanière.
Ce MTSA impose de nombreuses exigences à l'industrie maritime notamment les évaluations de
vulnérabilité, les plans de sûreté, les cartes de sûreté portuaire, les systèmes de transfert
automatique de données (AIS pour Automatic Identification System) et prévoit des sanctions
pénales très sévères en cas de violation des règles2
. Ses objectifs sont d'éviter les incidents de sûreté
qui risque d'entraîner des pertes humaines, des dommages environnementaux, des ruptures du
système de transport et donc les dommages économiques qui en découleraient. Il prévoit par
exemple une enveloppe d'un milliard de dollars pour la sûreté portuaire.
Le MTSA peut être considéré comme le précurseur du Code ISPS car leurs mesures sont parfois
assez proches ils se sont d'ailleurs articulé ensemble sans problème à partir de l'entrée en vigueur du
code ISPS le 1er
juillet 2004. D'autant plus que les Etats-Unis ont annoncé « qu'ils interdiraient
progressivement l'accès à leurs ports aux navires qui auraient escalé dans des ports non-conformes
aux standards ISPS »3
.
Le 1er
mars 2003 intervenait la création effective d'un grand ministère de la sûreté intérieure,
le Department of Homeland Security (DHS) afin de permettre une meilleure coordination des 22
1 Il s'agit d'une agence du gouvernement américain créée par l'Aviation and Transportation Security Act du Congrès
du 19 novembre 2001, rattachée à l'origine à l'U.S. Department of Transportation, elle fut transférée à l'U.S.
Department of Homeland Security le 25 novembre 2002.
2 Voir sur ce point le JMM 22 novembre 2002 pages 8 et 9
3 LAMY Transporrts Maritimes 2007, page 416
30
agences existantes concernées par les questions de sûreté, dotée d'un budget de 46 milliards de
dollars et d'un effectif de 170 000 personnes1
.
Tous ces textes ont établi le contexte nécessaire à la mise en place de multiples actions par
l'administration américaine, qu'il convient de détailler.
2. Les grandes mesures prise par les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme
maritime
Nous étudierons ici les mesures majeures prises par les autorités américaines et trois d'entre
elles en particulier.
a) Le Customs-Trade Partnership Against Terrorism (C-TPAT)
Souhaité dès la fin 2001, il a été mis en place en avril 2002 par les douanes américaines et
par les importateurs, sur la base du volontariat (il s'agissait à la base de quelques gros chargeurs
comme BP America, Daimler Chrysler, Ford, General Motors...). L'administration douanière
américaine, ne pouvant pas avoir des agents derrière chaque chargement, a demandé aux
importateurs de s'engager à veiller à la sécurisation des marchandises entrant sur le sol américain.
Ce programme s'est ensuite élargi dans une seconde phase aux transporteurs qui, si ils s'y
conforment, peuvent bénéficier de procédures douanières accélérées. Cela concerne désormais aussi
bien des transporteurs maritimes, aériens ou ferroviaire mais aussi de nombreuses entreprises
étrangères qui ont une filiale aux Etats-Unis et qui souhaitent faciliter leurs importations. A la fin
2006, le C-TPAT concernait 3254 partenaires, ce qui peut sembler être bien peu sur les 525 000
importateurs que compte le pays mais ils représentaient 72% du volume total importé, selon la
revue « Bulletin des Transports »2
. Pour valider l'engagement C-TPAT, il faut fournir des
informations sur sa chaîne d'approvisionnement, remplir les exigences des douanes afin de
développer, mettre en place un programme pour améliorer la sûreté et communiquer ses impératifs
C-TPAT aux partenaires de sa chaîne d'approvisionnement.
1 Sources: JMM du 7 mars 2003, pages 10-12
2 BTL n°3156 du 18/12/2006
31
Ce programme, particulièrement adapté aux entreprises internationales sert en quelque sorte de
modèle au statut d'opérateur sûr souhaité par la Commission Européenne, évoqué précédemment.
b) La Container Security Initiative (CSI)
Le programme CSI a été annoncé le 17 janvier 2002 par l'U.S. Custom Service (service des
douanes), devenu l'U.S. Customs and Border Protection (CBP) le 1er
mars 2003 lors de la création
du Department of Homeland Security (DHS) auquel il a désormais été rattaché. Ce programme, qui
a démarré en juin 2002, vise à externaliser les contraintes de contrôle antiterroristes en vérifiant,
dans le pays de chargement, l'origine et les caractéristiques des marchandises ainsi que l'identité des
chargeurs et des réceptionnaires. Il concerne 18 ports au 17 janvier 2003 en Europe et Asie à
l'origine, puis rapidement plus d'une vingtaine et 58 au 2 octobre 20071
, à savoir:
Halifax, Montreal, et Vancouver, Canada ( mars 2002); Rotterdam, Pays-Bas (02/09/02); Le Havre,
(02/12/02) et Marseille (07/01/05) en France; Bremerhaven (02/02/03) et Hambourg, Allemagne
(09/02/03); Anvers (23/02/03) et Zeebrugge, Belgique (29/10/04); Singapour (10/03/03); Yokohama
(24/03/03), Tokyo(21/05/04), Nagoya et Kobe (06/08/04) Japon ; Hong-Kong (05/05/03) puis
Shanghai (28/04/05) et Shenzhen en Chine (24/06/05); Gothenburg, Suède (23/05/03); Felixstowe
(24/05/03); Liverpool, Thamesport, Tilbury, et Southampton, Royaume-Uni (01/11/04); Gênes
(16/06/03), La Spezia (23/06/03), Livourne, Italie (30/12/04), Naples, (30/09/04) et Gioia Tauro
(31/10/04) Italie; Pusan, Corée du Sud (04/08/03); Durban, Afrique du Sud (01/12/03); Port Klang
(08/03/04) et Tanjung Pelepas (16/08/04),Malaisie; Le Pirée, Grèce (27/07/04), Algesiras,
(/30/0704) puis Barcelone et Valence (25/09/06) en Espagne; Laem Chabang, Thaïlande (13/8/04),
Dubai; Émirats Arabes Unis (26/03/05); Kaohsiung (25/07/05) et Chi-Lung (25/09/06 )à Taïwan;
Santos, Brésil (22/09/05), Colombo, Sri Lanka (29/09/05), Buenos Aires, Argentine (17/11/05),
Lisbonne, Portugal (14/12/05), Port Salalah, Oman (03/08/06), Puerto Cortes, Honduras (25/03/06);
Caucedo, Republique Dominicaine (25/09/06); Kingston, Jamaique (27/09/06); Freeport, Bahamas
(30/09/06); Port Qasim, Pakistan (02/05/07); Balboa (27/08/07), Colón et Manzanillo (28/09/07),
Panama; Cartagena, Colombie (09/13/07), Ashdod (17/09/07) et Haifa (25/09/07), Israël;
Alexandrie, Égypte (28/09/07).
Cela correspondait déjà à plus de 85% des importations conteneurisées américaines avant même
1 Sources: site de l'U.S. Customs & Border Protection www.cbp.gov, CSI Fact Sheet du 2 octobre 2007 (entre
parenthèses: date de certification)
32
l'arrivée d'une partie des ports d'Amérique Centrale et du Sud1
.
Le programme CSI, système résolument bilatéral, est mis en oeuvre dans ces ports par des
« observateurs douaniers » américains qui ont pour tâche d'établir des procédures et des zones de
contrôle en commun avec leurs collègues étrangers et de définir des critères d'identification des
conteneurs à risques. Washington assouplirait en échange les formalités douanières à l’arrivée sur le
territoire américain. A ce titre il constitue un véritable avantage en terme de gain de temps puisqu'il
permet de réduire à quelques heures au lieu de dix jours le dédouanement des conteneurs à l'entrée
aux Etats-Unis. Il a pour but d'éviter une approche unique et tient pour cela compte des spécificités
de chaque pays et chaque port, son but est de sécuriser chaque étape de la chaîne logistique.
A terme, les conteneurs à destination des Etats-Unis seront donc inspectés avant le chargement dans
un port partenaire CSI, ou à leur arrivée s'ils viennent d'un port non CSI.
c) La règle des 24 heures de préavis
Mise en oeuvre depuis le 2 février 2003, le 24 Hour Advance Cargo Manifest Rule ou règle
des 24 heures de préavis est l'un des éléments du programme CSI. Concrètement, Les Etats-Unis
demandent aux navires de signaler leur arrivée 24 heures à l'avance. L'importateur et/ou le
transporteur doit fournir à l'agence CBP des renseignements « précis et pertinents » sur leurs
camions, chauffeurs, le fret, les fournisseurs et les itinéraires suivis en transport routier. Pour le
transport maritime, les transporteurs doivent fournir leur manifeste de chargement 24 heures avant
qu'il ne soit procédé à cette opération sur les navires en partance vers les Etats-Unis. Cette
fourniture de renseignements baptisée AMS (Automated Manifest System), doit être faite
électroniquement 24 heures avant l'arrivée de la marchandise sur le territoire américain et même
seulement 8 heures avant en transport aérien. Cette information permet aux douanes d'évaluer le
risque en matière de danger terroriste que peuvent représenter les conteneurs et marchandises à
destination du sol américain.
Le traitement douanier est en contrepartie accéléré notamment aux frontières terrestres (mexicaine
et canadienne) et les inspections sont réduites en nombre. Cela joue d'autant plus en transport
routier que, par exemple, des voies d'autoroutes spécifiques sont prévues ainsi que différents
niveaux de sécurisation, avec un niveau 3 pour ceux qui appliquent un catalogue de « bonnes
pratiques ». Bien évidemment, en cas de manquement aux règles imposées par les douanes, l'acteur
1 JMM du 6 avril 2007
33
de la chaîne logistique peut être exclu de manière temporaire ou définitive du C-TPAT.
A noter qu'un délai de 48 heures puis 96 heures a été envisagé fin 2001 et début 2002 pour la
fourniture de tous les renseignements et documents jugés nécessaires aux autorités américaines, la
règle des 24 heures concernant avant tout le préavis d'arrivée dans un port américain.
C'est une règle cependant très contraignante qui risque de poser de multiples problèmes comme
nous le verrons par la suite.
d) Les autres actions importantes
Le scan des conteneurs
Ce n'est pas une nouveauté en soi, scanner les conteneurs est une pratique courante, un contrôle
aléatoire le plus souvent, en revanche les Etats-Unis, après la mise en place de la CSI, ont souhaité
que cette pratique soit désormais systématique. C'est dans ce sens que le Congrès américain adoptait
en juillet 2007, après des débats difficiles1
, la loi « 100% scanning » dite « House Resolution 1 »
(H.R.1). Le texte (ratifié en août 2007 par le président Bush) n'entrera en application qu'à partir du
1er
juillet 2012 pour les conteneurs maritimes et d'ici 2010 dans le fret aérien et pourra être reporté
de chaque fois deux ans si un certain nombre de conditions ne sont pas remplies.
Trois ports étrangers ont donc été choisis pour expérimenter le dispositif: Southampton (Royaume-
Uni), Puerto Cortes (Honduras) et Port Qasim (Pakistan), il s'agit à terme de scanner tous les
conteneurs à destination des Etats-Unis et donc dans un premier temps de mettre en place cette
mesure dans ces trois ports tests. Sachant que le 100% scanning a de nombreux détracteurs du fait
de ses nombreux inconvénients et effets pervers, nous y reviendrons plus tard.
La mise en place de détecteurs de radiations
Il s'agit d'un prolongement du texte H.R.1, initiée fin 2006 par le DHS et son homologue chargé de
l'énergie et la mise en place de leur Secure Freight Initiative (SFI). Le but de celle-ci est de vérifier
à l'étranger que les conteneurs destinés aux Etats-Unis ne contiennent aucune matière radioactive
(dans la crainte d'une éventuelle « bombe sale »). Il s'agit d'installer dans les trois ports cités
1 Portée par les Républicains, la loi avait été rejetée une première fois par le Sénat.
34
auparavant et trois autres: Port Salalah (Oman), Singapour et le terminal Gamman de Busan (Corée
du Sud), des dispositifs de détection encore plus efficaces. Elle va ensuite permettre d'envoyer les
informations concernant les conteneurs aux agents des douanes américaines chargés de la protection
des frontières installés sur place ainsi qu'au centre national de ciblage du DHS, pour ensuite
analyser les risques. Pour cela, la DHS dispose d'un budget de 30 millions de $ pour financer ces
équipements, tout comme la National Nuclear Security Agency (NNSA). La SFI est un complément
à la Megaports Initiative qui a débuté en 2003 avec la NNSA afin de détecter la présence illicite de
matières radioactives dans les marchandises en attente d'embarquement et les bloquer. Ce type de
scanners se retrouve également dans d'autres ports (c'est le cas au Mexique car de plus en plus de
marchandises à destination des Etats-Unis transitent par ce pays) et à l'initiative des Etats-Unis et/ou
d'autres Etats1
.
Le Transport Worker Identification Credential (TWIC)
Ce dispositif a commencé à se mettre en place en avril 2007 et concerne près de 750 000 personnes
aux Etats-Unis: dockers, salariés des autorités et des opérateurs portuaires et chauffeurs routiers. Il
s'agit d'empêcher l'intrusion dans les enceintes et terminaux portuaires de personnes non désirées.
Le passé judiciaire voire même activiste de chaque personne est examiné par le DHS en vue
d'accorder ces autorisations.
La suppression des visas sur la base des listes d'équipage (projet sans suites?)
Il s'agit d'une proposition du DHS de 2003 qui vise à supprimer la pratique selon laquelle les visas
des marins sont délivrés sur la base des listes d'équipage pour les marins embarqués à bord des
navires étrangers demandant à entrer dans un port américain. La encore, une telle mesure prise
unilatéralement ne serait pas sans poser problème...
1 Voir JMM du 5 janvier 2007 et 27 avril 2007
35
SECONDE PARTIE: LES PROBLEMES JURIDIQUES POSES PAR
LE TERRORISME ET LA SECURISATION DES MERS
Nous verrons ici que la question du terrorisme maritime est venue poser de nouvelles
questions juridiques qui ne sont pas encore résolues pour la plupart. A ces problèmes viennent
s'ajouter les éventuels effets pervers des mesures de sûreté envisagées précédemment, celles-ci, on
le comprend, ne seront pas neutres économiquement.
A/ Les nouveaux problèmes juridiques posés par le terrorisme maritime
Le terrorisme maritime a un coût, que ce soit à posteriori pour indemniser ses victimes ou à
priori en s'assurant afin de se prémunir de tels risques et donc de leurs conséquences.
1. Les problèmes en matière d'assurance maritime
L'assurance maritime occupe depuis son origine une place centrale dans le Droit Maritime,
elle a toujours cherché à s'adapter à l'évolution des technologies et des risques, ce qui n'a pas
toujours été chose aisée. Elle a sans cesse tenté de se prémunir des risques liés à la sûreté des
navires. Ce problème d'adaptation est d'ailleurs d'actualité en matière de terrorisme depuis les
évènements évoqués précédemment (débutant dans les années 1970-80 mais surtout les attentats du
11 septembre 2001), qui ont suscité de nombreuses interrogations pour ce risque spécifique, rattaché
au risque de guerre.
36
a) Évolution des polices d'assurance françaises avant 2001
A l'origine, l'ordonnance de la Marine de 1681, le Code de Commerce et les polices
d'assurances maritimes ne distinguaient pas les risques de guerre des autres risques. Cela
s'expliquait à l'époque selon Lemonnier1
par le fait que: « la guerre était à peu près l'état normal et
habituel de l'Europe; la paix formait plutôt l'exception que la règle... les risques de guerre étaient si
fréquents et si continuellement mêlés aux risques de paix, que les taux de primes devaient toujours
se calculer en considération des uns et des autres ». A la fin du XIXème
siècle, le risque de guerre
devint un risque exceptionnel et lors de la seconde guerre mondiale, l'Etat devint l'assureur direct
des risques de guerre. Les assureurs ont conclu en 1937 le Waterborne Agreement (modifié en
1982), conscients de l'importance de ces risques et du coût difficile à surmonter pour des assureurs
privés. Cet accord interdisait l'assurance des risques de guerre pour les marchandises se trouvant
hors des véhicules de transport.
La loi n°67-522 du 3 juillet 1967 a ensuite érigé cette évolution en principe:
« L'assureur ne garantit pas les risques:
a) de guerre civile ou étrangère, de mines et de tous engins de guerre;
b) de piraterie;
c) de capture, prise ou détention par tous Gouvernements ou autorités quelconques;
d) d'émeutes, de mouvements populaires, de grèves et de lock-out d'actes de sabotage ou de
terrorisme. »
L'article L.176-16 du Code des Assurances a repris ces exclusions en y ajoutant le risque
atomique2.
Avec cette loi du 3 juillet 1967, les assureurs ne couvraient donc pas les actes de terrorisme en
dehors de la souscription d'une police « risques de guerre et risques assimilés ».
Mais une des composantes de ce risque de guerre, le terrorisme, a subi ensuite une profonde
mutation suite à plusieurs incidents majeurs comme nous l'avons vu, et sa spécificité a alors posé le
problème de savoir si les textes en vigueur étaient adaptés et si un régime spécifique devait être mis
en place. La question a connu de profonds changements mais n'est pas encore résolue pour autant.
1 C. Lemonnier, ''Commentaire sur les principales polices d'assurance maritime usitées en France'' de 1843
2 Qu'il définit comme « les risques dus aux effets directs ou indirects d'explosion, du dégagement de chaleur,
d'irradiation provenant de transmutations de noyaux d'atomes ou de la radioactivité, ainsi que les sinistres dus aux
effets de radiation provoqués par l'accélération artificielle de particules ».
37
En effet, suite aux attentats qui ont frappé la France en 1986, la loi du 9 septembre 19861 fut votée
et modifia le Code des assurances. Depuis ce texte, l'article L.126-2, placé dans le Chapitre IV:
L'assurance contre les actes de terrorisme, dispose: « Les contrats d'assurance de biens ne peuvent
exclure la garantie de l'assureur pour les dommages résultant d'actes de terrorisme ou d'attentats
commis sur le territoire national. Toute clause contraire est réputée non écrite ». A l'origine exclus
des risques ordinaires s'ils avaient un caractère politique ou rattaché à la guerre, les actes de
sabotage et de terrorisme ont donc été pris en compte à partir de cette loi.
Cette loi est complétée par l'article R.126-2 du Code des Assurances qui précise que les assureurs ne
peuvent stipuler dans leurs contrats de franchise ou de plafond autre que ceux qu'ils prévoient pour
les dommages de même nature qui n'auraient pas pour origine un acte de terrorisme ou un attentat et
ne peuvent donc pas limiter leurs engagements.
Ce texte s'applique à tous les contrats d'assurances de biens, tant terrestres que maritimes, tant aux
assurances dommages aux véhicules terrestres, ferroviaires, aériens, maritimes, lacustres et fluviaux
qu'aux assurances des marchandises transportées. Il concerne les assurances corps et facultés et est
d'ordre public. Cela a d'ailleurs été confirmé par les assureurs dans une « Clause de garantie des
dommages et pertes résultant des actes de terrorisme ou d'attentats » du 23 novembre 1989 venue
compléter les polices corps ou facultés. Il est précisé que « cette garantie ne pourra intervenir qu'à
défaut ou en complément de celle de toute autre police couvrant les mêmes dommages et pertes,
notamment dans le cadre des ''conventions spéciales'' concernant les risques de guerre et
assimilés ».
Concernant la charge de la preuve, c'est à l'assuré qui revendique la garantie de démontrer que le
sinistre résulte bien d'un risque couvert. Réciproquement, il appartient à l'assureur qui se prévaut
d'une exclusion de la prouver. Quand la cause du dommage est indéterminée, il est présumé résulter
d'un événement de mer ou d'un risque autre que la guerre.
Avec ce texte, les dommages résultant d'actes de terrorisme sont donc garantis en l'absence
de couvertures de risques de guerre mais en complément de celle-ci si elle existe. Mais cette
couverture se limite au seul territoire national, défini comme « l'espace sur lequel l'Etat exerce
valablement, effectivement et à titre exclusif ses pouvoirs en vue de l'accomplissement de ses
fonctions »2. Cela comprend alors le territoire terrestre, la mer territoriale et l'espace aérien au
dessus du territoire terrestre et maritime.
1 Loi n°86-1020 JO du 9 septembre 1986 (article 9) et Décret n°88-260 du 18 mars 1988 (article 1er) publié au JO 20
mars 1988, pour son application.
2 Dans une lettre du directeur des assurances au président de la Fédération française de sociétés d'assurances du 21
mai 1988 (RGAT 1988, p879)
38
b) Problèmes et limites posés par cette couverture des risques de terrorisme
Le premier problème posé par cette extension de la couverture des risques de terrorisme
concerne la détermination du caractère politique de l'acte de terrorisme. En effet, si la notion de
terrorisme peut être parfois difficile à cerner, se mêlant parfois à la piraterie comme nous l'avons
évoqué plus tôt, la motivation peut aussi paraître floue. Les polices parlent de terrorisme lié à la
guerre ou à la politique, ce qui inclut les exactions commises au nom de la religion ou de toute autre
idéologie. Bien que la majorité des actes de terrorisme et attentats soient revendiqués, ce n'est pas
toujours le cas, aussi ce critère de motivation politique peut être inapproprié dans certains cas...
Mais c'est surtout le fait que cette couverture légale des risques de terrorisme soit limitée au
seul territoire national qui va limiter considérablement sa portée, et donc poser un problème majeur.
Cela va en effet restreindre l'intérêt de la disposition puisque la quasi totalité des transports
maritimes ayant un caractère international et comme nous l'avons vu les risques d'actes de
terrorisme sont plus souvent localisés dans certaines parties du globe que dans les eaux territoriales
françaises. Cette mesure est donc bien plus liée à d'autres types d'attentats, qu'a connu la France
dans les années 1980 et 1990. Sachant que les navires battant pavillon français ne sont pas des
éléments détachés du territoire et ne peuvent pas y être assimilés dès qu'ils se trouvent dans les eaux
internationales ou d'un autre Etat, l'article L126-2 du Code des assurances ne s'applique pas. En
revanche, la nationalité de l'objet assuré est sans importance et donc un navire battant pavillon
étranger pourra bénéficier de cette mesure.
c) Une nouvelle série de réformes suite aux attentats du 11 septembre 2001
Ces attentats ont révélé l'urgence de mesures dérogatoires pour les ''grands risques'' selon les
assureurs, qui les ont obtenu peu de temps après avec le décret n° 2001-1337 du 28 novembre 2001
définissant les conditions d'assurance des dommages aux biens résultant d'actes de terrorisme ou
d'attentats et modifiant le Code des assurances1
. Ce texte autorise les assurés et assureurs à limiter
le montant de la garantie attentats à 20% du montant de la garantie des dommages aux biens (valeur
corps du navire) avec un minimum de 20 millions d'euros dans le cas de l'assurance corps du navire,
1 JO du 30 décembre 2001, p.21405
39
et de 20% de la valeur assurée en matière d'assurance faculté. Cette disposition est précisée par les
articles R.126-1 et R.126-2 du Code des assurances.
L'obligation de garantie ne concerne ici que les dommages matériels de la chose assurée, couverts
de plein droit s'il est prouvé qu'ils résultent d'un acte terroriste. La responsabilité civile est exclue et
les assurances de personnes relèvent d'un régime spécial et d'un fonds d'indemnisation (étudié par la
suite).
Reste que le risque de terrorisme est encore de nos jours difficile à appréhender, en effet
avant le 11 septembre 2001 de tels actes visaient des biens publics mais cela n'a pas été le cas cette
fois-ci. Ce n'est plus un Etat déterminé qui est visé, le risque est bien plus difficile à localiser. La
tarification des risques de guerre était jusqu'il y a quelques années encore établie selon des critères
géographiques prenant en compte des conflits existants ou récents ou tout du moins des zones de
tensions géographiques. C'est donc tout un système qui a du évoluer car on tient désormais toujours
compte de zones géographiques à risques mais beaucoup moins, puisque le risque terroriste est
imprévisible par nature. Qui aurait pu dire que la Méditerranée présentait des risques de ce type en
1985 avant l'attaque de l'Achille Lauro. Auparavant, la tarification comportait un taux de base et des
surprimes, ces dernières étant plus fortes et variant selon les risques. Il a donc fallu modifier tout ce
régime de tarification, revoir la notion de taux de base et rendre plus souple la gestion des
surprimes.
Les armateurs et transporteurs ne sont donc pas couverts au titre de leur police d'assurance
(corps ou faculté), s'ils sont victimes d'un acte terroriste commis hors du territoire national. Il leur
faudra donc souscrire une police « risques de guerre et risques assimilés » qui couvre les dommages
résultant d'actes de guerre et d'actes de terrorisme, et ce, même hors du territoire national. On fait en
effet de plus en plus appel à des des mécanismes spécialisés et plus appropriés de risque de guerre
pour exclure les risques de transport de cette obligation d'assurance des risques de terrorisme. Cela
s'explique par l'essence internationale de l'activité d'assurance maritime et lui permet de faire face à
ces nouvelles menaces. C'est ce que l'on retrouve dans les travaux du Comité Maritime international
(CMI) auxquels Messieurs Hübner et Najjar font référence dans leur article paru au Droit Maritime
Français « Commission ''Assurances'' du CMI - Perspectives »1
, article qui évoque également la
réduction du champ de l'obligation légale d'assurance du risque de terrorisme que nous venons
d'étudier.
1 DMF n° 673, 01/09/2006
40
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Z terrorisme et droit maritime

  • 1. Centre de Droit Maritime et des Transports UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE III FACULTE DE DROIT TERRORISME ET DROIT MARITIME MASTER II DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS Sous la direction de Monsieur Christian SCAPEL Par Pierre CHICHKINE. Année universitaire 2007-2008 1
  • 2. REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Monsieur Christian SCAPEL et Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES pour leurs enseignements et pour l’honneur qu’ils me font en jugeant ce travail. Mes remerciements vont également à l’ensemble des professeurs et intervenants professionnels du Master II de Droit Maritime et des Transports pour la qualité de leurs interventions et leurs apports documentaires concernant cette étude, ainsi qu'à Martine Chéron pour sa grande disponibilité. Je remercie enfin tous ceux qui de près ou de loin m’ont aidée et soutenue dans la rédaction de ce travail de recherche. . 2
  • 3. ABREVIATIONS & ACRONYMES AIS : Automatic Identification System AMS : Automated Manifest System ASEAN : Association of Southeast Asian Nations BIMCO : Baltic and International Maritime Council BMI : Bureau Maritime International CCR : Caisse Centrale de Réassurance CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes CMB : Convention de Montego Bay CMI : Comité Maritime International CSI : Container Security Initiative CSO : Agent de sûreté de la compagnie (company security officer) C-TPAT : Customs-Trade Partnership Against Terrorism DHS : Department of Homeland Security DMF : Droit maritime français EVP : Equivalent Vingt Pieds ou TEU (Twenty Equivalent Unit), format standard de conteneurs FFSA : Fédération Française des Sociétés d'Assurances FGTI : Fonds de Garantie des victimes d'actes de Terrorisme et d'autres Infractions GAREAT : Gestion de l'Assurance et de la Réassurance des risques Attentats et des actes de Terrorisme GIE : Groupement d'Intérêt Economique IACS : International association of classification society IMTM : Institut Méditerranéen des Transports Maritimes ISM : International safety management Code ISPS : Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (international ship and port security code) ISSC : International Ship Security Certificate JMM : Journal de la marine marchande MTSA : Maritime Transportation Security Act OCDE : Organisation de coopération et de développement économique OMD : Organisation mondiale des douanes OMI /IMO : Organisation maritime internationale OIT : Organisation internationale du travail OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (NATO) P&I : Protection and Indemnity Club PFSO : Port Facility Security Officer PFSP :Port Facility Security Plan RSO : Organisme de sûreté reconnu RAND : Acronyme de research and development SOLAS : Sauvegarde de la vie humaine en mer (Safety of life at sea) SSA : Plan de sûreté du navire (ship security assesment) SSO : Agent de sûreté du navire (ship security officer) SUA : Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Navigation TWIC : Transport Worker Identification Credential US CG : Gardes côtes américains (United states coast guard) USD : Dollars américains ($) 3
  • 4. SOMMAIRE INTRODUCTION.............................................................................................................................p.5 PREMIERE PARTIE: LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME MARITIME...........................................................................................................p.10 A/ Les principales conventions internationales...............................................................................p.10 1. La Convention des Nations-Unies sur le Droit de la mer.................................................................p.10 2. La Convention de Rome sur la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (et son protocole).............................................................................................................................p.12 3. Autres textes et initiatives internationales remarquables..................................................................p.14 B/ Le Code ISPS..............................................................................................................................p.17 1. La sûreté des navires.........................................................................................................................p.18 2. La sûreté portuaire............................................................................................................................p.20 C/ Application et renforcement des standards internationaux au niveau européen et français.......p.22 1. Les textes communautaires...............................................................................................................p.22 2. Spécificités françaises et fonctionnement de la sûreté portuaire en France......................................p.25 D/ Les principales mesures prises par les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme maritime suite aux attentats du 11 septembre 2001.........................................................................p.28 1. Les principaux textes fédéraux en matière de lutte contre le terrorisme maritime...........................p.29 2. Les grandes mesures prises par les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme maritime...p.31 SECONDE PARTIE: LES PROBLEMES JURIDIQUES POSES PAR LE TERRORISME ET LA SECURISATION DES MERS........................................................................................................p.36 A/ Les nouveaux problèmes juridiques posés par le terrorisme maritime......................................p.36 1. Les problèmes en matière d'assurance maritime...............................................................................p.36 2. Les questions de responsabilité et de l'indemnisation des victimes du terrorisme...........................p.43 B/Les effets néfastes non prévus de la sécurisation des mers.........................................................p.48 1. Une augmentation de la durée du voyage et des coûts.....................................................................p.48 2. Les risques de distorsion de concurrence..........................................................................................p.56 BILAN ET PERSPECTIVES..........................................................................................................p.60 4
  • 5. INTRODUCTION « Il y a les vivants, les morts, et les marins » déclarait Platon, comme pour insister déjà à l'époque sur l'importance toute particulière de la mer. La mer et les marins jouent un rôle considérable pour l'économie mondiale et ce depuis l'antiquité. En effet, les marins ont en charge près de 90 % du commerce international de marchandises (en volume et les 2/3 en valeur) et 40 % de la production d'hydrocarbures. Un emploi en mer engendre trois à cinq emplois à terre, tandis que 70% de la population mondiale habite à moins de 300 kilomètres de la côte. Même de nos jours, la voie maritime reste la plus économique et même la plus écologique. Jamais autant de marchandises n'ont été transportées par les routes maritimes: 7,4 milliards de tonnes en 2006 contre seulement 550 millions en 1950.1 Le droit de la mer a très tôt été marqué par une grande volonté de liberté de la part des États, fondamentale pour la fluidité des échanges et des activités commerciales. Mais cette liberté a pour conséquence néfaste de faciliter le déplacement des activités criminelles. Les océans ont de tous temps été considérés comme particulièrement dangereux non seulement de par leur nature même mais aussi du fait des criminels y sévissant. Cela est surtout dû à la piraterie présente depuis les origines de la navigation, mais aussi au phénomène plus récent du terrorisme. Ces deux notions se distinguent par les motivations des individus: Les pirates ne répondent qu'à des motivations d'ordre privée et économique, il s'agit en fait de « brigandage ». Les terroristes agissent à des fins politiques ou assimilées. Il arrive parfois cependant que ces deux notions soient difficilement dissociables car les motivations sont parfois assez confuses. Il en a été ainsi parfois concernant des pirates invoquant certaines motivations politiques ou religieuses mais sans y être vraiment affiliés. De même se pose le problèmes des actes de piraterie qui auraient pour but de financer des organisations terroristes. À noter tout de même qu'il existe une définition des actes de piraterie dans la Convention de 1 Le Monde Économie, 24 juin 2008 5
  • 6. Montego Bay sur le Droit de la mer qui énumère différents actes de piraterie et qui en souligne notamment les « fins privées ».1 Elle est à mettre en parallèle avec la définition, assez large, donnée par le Bureau Maritime International (BMI)2 :« Tout acte d'abordage contre un navire avec l'intention de commettre un vol ou tout autre crime et avec la capacité d'utiliser la force pour accomplir cet acte ». La définition du terrorisme maritime est d'autant plus délicate tant celui-ci rassemble des motivations diverses. Il peut s'agir de terrorisme politique « classique » regroupant des motivations révolutionnaires ou de sédition par exemple, voire également le terrorisme d'Etat... Ce phénomène du terrorisme peut être daté de la fin du XIXe siècle (encore qu'en fait il remonte à l'antiquité) mais il a connu une évolution récente. En effet, une nouvelle forme de terrorisme basée sur des principes plus mystiques et religieux est apparue plus récemment. Son but est beaucoup plus radical puisqu'il s'agit de réaliser le plus de dommages possibles et d'avoir un impact politique, médiatique et économique maximal; au point que de nombreux auteurs parlent à ce sujet d'« hyperterrorisme ».3 On pense immédiatement à Al-Quaeda et aux attentats du World Trade Center du 11 septembre 2001, il s'agit en effet de l'évènement marquant de cette début de XXIe siècle qui a fait prendre corps à cette nouvelle forme de terrorisme. Mais d'autres évènements s'inscrivaient déjà dans le cadre de cet « hyperterrorisme », notamment l'attaque de l'Achille Lauro4 en 1985 qui a été à l'origine d'une prise de conscience internationale aboutissant à la Convention de Rome du 10 mars 1988 sur la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, dont nous parlerons plus en détail par la suite. Il en est de même pour le City of Poros5 en 1988 ou plus récemment l'attaque contre le destroyer américain USS 1 Voir l'article 101 de ladite Convention disponible en annexe 2 Celui-ci est rattaché à la Chambre internationale de commerce, il a été mis en place en 1981 sous l'égide de l'ONU avec l'aide de l'OMI (Organisation Maritime Internationale ou IMO). Il dipose d'un centre anti-piraterie depuis 1992 basé a Kuala Lumpur dont la mission est « de réduire le risque de piraterie et d'aider à l'application des lois sur la protection des équipages ». 3 Voir à ce sujet un dossier d'étude très complet sur le terrorisme maritime du centre d'enseignement supérieur de la marine, CEDOC du 20 janvier 2003, disponible sur le site www.cedoc.defense.gouv.fr 4 Le 3 octobre 1985, au large de l’Egypte et d’Israël, le paquebot italien Achille Lauro avec 397 passagers à bord est piraté par [seulement] quatre membres d’un commando de la faction du FLP d’Abou Abbas. Les terroristes tueront un Américain d’origine juive. Après leur reddition, les quatre pirates palestiniens embarquent dans un Boeing 737 pour une destination inconnue. En cours de vol, l’avion est intercepté par la chasse de l’US Air Force composée de quatre avions F 14. Le Boeing se pose sur une base de l’OTAN en Sicile. Les terroristes sont remis aux autorités italiennes. Le procès tenu en 1986 s’achève notamment sur la condamnation par contumace d’Abou Abbas. 5 Le 11 juillet 1988, piratage du bateau de croisière City of Poros au large de la Grèce par l’organisation Abou Nidal, basée en Libye et au Liban ; ce groupe se sépara de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP) en 1974. Bilan : une dizaine de morts, dont trois Français, et 80 blessés. 6
  • 7. Cole1 en 2000 et enfin contre le pétrolier français Limburg2 en 2002. On peut dès à présent noter toute la difficulté d'appréhender ces nouvelles menaces compte tenu de la diversités des formes qu'elles peuvent prendre. En effet les deux premiers incidents cités sont des prises d'otages alors que les deux autres sont des attaques de navires à l'aide de petites embarcations et d'explosifs. Mais les experts ont envisagés de multiples menaces comme par exemple l'échouage volontaire pour bloquer des ports ou voies maritimes, les vols de cargaisons à des fins terroristes, les conteneurs piégés et infiltrations depuis les ports, ou bien encore le détournement de navires... D'ailleurs un avis du Conseil économique et social européen en date du 24 octobre 2002 détaille ces craintes: « les navires et le transport maritime sont également vulnérables aux risques de terrorisme. Des bateaux pourraient être utilisés comme arme, pour lancer une attaque; ils pourraient servir à transporter des armes ou des matériaux dangereux, une fois coulés, ils pourraient enfin être employés pour perturber les infrastructures de transport (entrées des ports, canaux). Les navires chimiquiers et gaziers, ainsi que les pétroliers chargés sont particulièrement vulnérables et présentent des risques accrus3 . Les conteneurs transportés par bateau pourraient également être utilisés pour transporter clandestinement des armes de destruction massive ou des terroristes... »4 Tout cela s'explique par le fait que le milieu maritime est considéré comme propice à ce type d'attaques. En effet, si le transport maritime est assez peu vulnérable lorsque les navires sont en trajet, à des vitesses de 20 ou 30 noeuds, il le devient tout particulièrement lorsque il sont dans les eaux territoriales, au mouillage ou à proximité des ports, c'est à dire à l'arrêt ou à faible allure. 1 Le 12 octobre 2000, attentat au bateau-suicide contre le lance-missiles américain USS Cole de 320 hommes qui s’apprêtait à se ravitailler dans le port d’Aden. Bilan : 17 morts et 38 blessés. Le petit canot pneumatique qui venait aider dans sa manoeuvre le navire américain s’est collé à lui et à aussitôt explosé. Les deux hommes du canot, dont un Yéménite, se seraient mis au garde-à-vous juste avant le déclenchement de l’explosion. La déflagration a provoqué un trou de sept mètres sur le flanc du navire. Selon les responsables américains, rien n’aurait pu empêcher cette attaque, exemple-type à leurs yeux des menaces asymétriques. Déjà en état d’alerte étant donné les attentats passés au Yémen, aucun des systèmes en place n’a pu prévenir l’équipage. A quelques mètres près, l’engin explosif qui visait la salle des machines aurait pu provoquer une brèche sous la ligne de flottaison afin de faire sombrer le bâtiment et les 350 membres d’équipages. 2 Il est rapidement apparu que l’explosion dont avait été victime le Limburg dans le Golfe d’Aden le 6 octobre 2002 était bien de nature terroriste. Le pétrolier à moitié plein attendait à la bouée de prise de pilote située à trois milles nautiques du terminal d’Ash Shir au Yémen. Suite à l’explosion, on déplorait un disparu, douze blessés et des nappes de pétrole, sur une vingtaine de kilomètres carrés, qui menaçaient de polluer les côtes avoisinantes. Dès les premiers jours de l’enquête, les soupçons se tournèrent vers Al-Qaeda. Français et Américains envoyèrent des hommes de leurs propres services pour mener les investigations. 3 Même si cela semble étonnant de prime abord, les navires militaires au mouillage ou à allure lente sont eux aussi particulièrement vulnérables, leur équipement étant relativement inadapté à ce type de menace imprévisible, comme l'a prouvé l'attaque de l'USS Cole. 4 Avis du Comité économique et social européen sur la sécurité des transports du 24 octobre 2002, doc n°2003/C 61/28, JOCE n°C61 du 14 mars 2003, p174. 7
  • 8. D'autant plus que l'intervention d'un État tiers est très strictement encadré dans les eaux territoriales, puisqu'il faut l'accord explicite des autorités locales. Ce problème de vulnérabilité se retrouve également dans les détroits et archipels, comme le prouve le cas du sud-est asiatique et notamment le détroit de Malacca bien connu pour ses actes de piraterie (qui connaissent cependant une baisse récente du fait de l'implication croissante des États de la région). Le terrorisme maritime est donc devenu, par étapes successives, une préoccupation majeure des États compte tenu de l'impact médiatique, politique et même économique (11 septembre 2001 en tête) qu'ont déjà eu les évènements que nous venons d'évoquer; mais aussi et surtout des conséquences qu'auraient un incident majeur en matière de transport maritime sur l'économie mondiale. Se pose alors la question de savoir quel est l'impact du terrorisme sur le Droit maritime international et national, quelles sont les mesures prises par les États en vue d'éviter de tels actes synonymes d'instabilité économique mondiale. C'est ce que nous verrons en étudiant dans une première partie les différents instruments juridiques de lutte contre le terrorisme mis en place au fil des ans et des incidents. Nous verrons par la suite que si le terrorisme peut poser de nombreux problèmes d'un point de vue juridique, c'est aussi le cas des instruments sensés le combattre. Avant d'entamer cette étude, il convient de distinguer deux notions proches et complémentaires à savoir la sécurité et la sûreté maritime, sachant qu'il sera ici question presque exclusivement de la seconde. Pour cela le plus simple est encore de citer Michel Botalla-Gambetta1 : « La sûreté maritime est définie par un règlement de l'Union Européenne (REG n°725/2004 du 31 mars 2004 relatif à l'amélioration de la sûreté des navires et des installations portuaires) comme étant la combinaison des mesures préventives visant à protéger le transport maritime et les installations portuaires contre les menaces d'actions illicites intentionnelles, c'est à dire les actes, qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter aux navires utilisés tant dans le trafic maritime international que dans le trafic maritime national, et à leur passagers ou à leur cargaison, et aux installations portuaires y afférentes. En pratique, ces actions couvrent notamment les actes de terrorisme, de piraterie, et d'immigration clandestine. La sécurité maritime est généralement définie comme étant la somme des mesures 1 Dans son article « Sûreté et sécurité des navires en Europe », paru en 2004 dans le Droit Maritime Européen 8
  • 9. préventives ayant pour but de protéger le transport maritime contre les risques d'événements de mer, les événements majeurs étant le naufrage, l'échouement, l'abordage et l'incendie. Mais si les moyens diffèrent, le but poursuivi au moyen des règles relatives à la sûreté et à la sécurité maritimes est identique: assurer la protection de la vie humaine en mer, des navires, des cargaisons et de l'environnement marin ». Cette précision est nécessaire, des confusions entre les deux termes étant parfois observables, d'autant plus que les termes anglais de safety pour la sécurité et de security pour la sûreté peuvent induire en erreur. 9
  • 10. PREMIERE PARTIE: LES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME MARITIME Nous étudierons dans cette première partie les différents textes de droit international mais aussi certains points de la législation française et américaine en matière de terrorisme maritime. Ces textes, souvent pris en réaction à des évènements tragiques, constituent avant tout un droit de nature préventive. A/ Les principales conventions internationales L'ordre civil en mer repose sur la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982, ratifiée par 148 Etats et l'Union Européenne, mais celle-ci laisse bien des questions en suspens et s'est donc très vite révélée insuffisante, tout particulièrement en matière de sûreté maritime et de lutte contre le terrorisme. 1. La Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer La Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer a été signée le 7 décembre 1982 à Montego Bay en Jamaïque et est entrée en vigueur le 16 novembre 1994 (la France l'a ratifiée en 1996). Selon son préambule, elle reprend la résolution 2749 (XXV) du 17 décembre 1970, « dans laquelle l'Assemblée générale des Nations Unies a déclaré solennellement, notamment, que la zone du fond des mers et des océans, ainsi que de leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale et les ressources de cette zone sont le patrimoine commun de l'humanité et que l'exploration et l'exploitation de la zone se feront dans l'intérêt de l'humanité tout entière, indépendamment de la situation géographique des Etats », tout en insistant ensuite sur le besoin de coopération des Etats pour contribuer au « renforcement de la paix, de la sécurité, de la coopération 10
  • 11. et des relations amicales entre toutes les nations ». Elaborée sous l'égide de l'ONU, elle a été très largement signée et ratifiée (à noter cependant que les Etats-Unis l'ont signée mais pas ratifiée). Elle édicte des règles concernant le statut juridique des navires dans les zones de souveraineté étatique comme la mer territoriale, la zone contiguë, la zone économique exclusive et le plateau continental. Elle écarte la théorie selon laquelle le navire serait considéré comme une portion de territoire de l'Etat du pavillon (dite « théorie de la territorialité des navires »). Désormais un navire étranger se trouvant dans les eaux territoriales d'un Etat est soumis à sa souveraineté, donc à ses lois et à son contrôle. Il sera ainsi soumis à ses lois relatives aux ports, à la navigation, à la sûreté et la sécurité mais également à ses lois de police et de douane. Ce principe est cependant restreint voire même complètement écarté en ce qui concerne les navires de guerre et les navires d'Etat non destinés au commerce, en raison de l'immunité qui leur est applicable. Il est également atténué par un usage international selon lequel les autorités locales interviennent à bord à la demande du capitaine et avec discrétion1 , usage que vont restreindre cependant d'autres conventions en matière de sûreté maritime notamment. Cette Convention décrit les pouvoirs de l'Etat du pavillon dans son article 217, ceux de l'Etat du port dans son article 18, puis ceux de l'Etat côtier à l'article 220. Il s'agit principalement de pouvoirs d'inspection et d'enquête qui distinguent (pour les 2 derniers) selon que l'on se trouve dans les eaux territoriales ou la zone économique exclusive lorsque l'infraction a été commise. Avec cette Convention, il s'agit avant tout d'agir en matière de pollution mais pas seulement puisqu'il y est question de l'exercice de la souveraineté et des pouvoirs de police des Etats. C'est d'ailleurs pour des questions de souveraineté et de juridiction qu'elle intéresse notre étude. En mer territoriale, celle-ci laisse compétence à l'Etat riverain (article 2 CMB), c'est ce qui pose tant de problèmes, en matière de piraterie avant tout2 mais pas seulement. Le passage d'une mer territoriale à une autre garantie en quelque sorte l'impunité puisque cela interrompt les possibilités d'exercice du droit de poursuite de l'article 111§3. L'article 111§1 n'autorisant la poursuite au delà de la mer territoriale qu'en direction de la haute mer et à condition de n'avoir pas été interrompue. 1 Voir sur ce point le Traité de Droit Maritime de P. Bonassies et C. Scapel, papes 34 et 35 2 Ce problème est d'autant plus visible lorsque les Etats sont faibles voire déliquescents comme c'est le cas de la Somalie, au large de laquelle on recense désormais le plus d'actes de piraterie. On peut citer notamment la très récente et médiatique affaire du Ponant, yacht de luxe battant pavillon français attaqué le 4 avril dernier au large des côtes somaliennes. 11
  • 12. Comme nous venons de le voir avec ce dernier point, tout comme la Convention de Genève sur la haute mer de 1958 avant elle, la Convention de Montego Bay fixe un cadre général et s'est également révélée insuffisante en matière de sûreté. Cela est devenu flagrant avec le renouveau du terrorisme maritime et les affaires tristement célèbres de la Santa Maria en 1961, l'Anzoategui en 1963, l'Achille Lauro en 1985 et le City of Poros en 1988. 2. La Convention de Rome sur la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (et son protocole) a) Les apports de la Convention de Rome Ce texte a été adopté le 10 mars 1988, en réaction à l'attaque de l'Achille Lauro évoquée précédemment. Une résolution de l'Assemblée générale des Nations-Unies du 9 décembre 1985 avait demandé à l'Organisation Maritime Internationale (OMI), saisie avant cela en novembre par les Etats-Unis, d'étudier le problème du terrorisme exercé à bord ou contre des navires. Il est complété par un protocole additionnel pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, entré en vigueur le 1er mars 1992, tout comme la Convention. Ces deux textes regroupent respectivement 149 et 138 Etats contractants et représentent 92,75% et 87,77% du tonnage mondial.1 On parle également de ce texte sous le nom de Convention SUA du fait de son intitulé anglais (Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Navigation). Elle s'est fortement inspirée du droit aérien et plus précisément des dispositions des conventions de La Haye du 16 décembre 1970 et de Montréal du 23 septembre 1971. Les incriminations que les Etats parties devant introduire dans leur législation interne correspondent en grande partie aux articles 1er de ces deux instruments. Elle a vocation à s'appliquer d'une manière très large selon le modèle du droit aérien, à tout fait commis par une personne qui s'empare d'un navire ou en exerce le contrôle par la violence, qui accomplit un acte de violence à l'égard d'une personne se trouvant à bord d'un navire si cet acte est de nature à compromettre la sécurité de la navigation, qui détruit un navire ou cause à un navire ou à sa cargaison des dommages, qui place ou fait placer sur un navire un dispositif propre à le détruire, qui détruit ou endommage des 1 Sources: site de L'OMI, www.imo.org/ 12
  • 13. installations au service de la navigation maritime, ou qui communique une fausse information qu'elle sait être fausse, et de ce fait compromet la sécurité de la navigation d'un navire. Cette énumération peut être résumée en trois catégories d'actes: Le fait de s'emparer d'un navire par la force, Les actes de violence à l'encontre des personnes à bord, Le fait de placer sur un navire des dispositifs susceptibles de le détruire ou de l'endommager. Concernant les pouvoirs de police, elle prévoit que les Etats signataires doivent prendre les mesures nécessaires pour établir leur compétence aux fins de connaître des infractions commises à l'encontre ou à bord d'un navire battant leur pavillon, sur leur territoire y compris la mer territoriale, ou par un de leur ressortissants. Ils doivent en plus élargir leur compétence au cas où un de leur ressortissants est retenu, menacé, blessé ou tué. Pour cela, la Convention recommande l'emploi de contrôles, de visites et enquêtes à bord des navires étrangers selon les règles classiques du droit maritime international. Elle dispose également que tout Etat doit arrêter toute personne auteur d'une infraction se trouvant sur son territoire afin de l'extrader ou de le juger. Enfin la convention prévoit des pouvoirs supplémentaires pour le capitaine de tout navire d'un Etat signataire: celui-ci peut remettre aux autorités d'un autre Etat signataire toute personne dont il a de sérieuses raisons de croire qu'elle a commis une des infractions visées. Elle dispose qu'elle s'applique dans les eaux internationales et laisse à chaque Etat le soin de statuer sur l'infraction et prévoit qu'il peut étendre sa compétence au-delà des frontières. La Convention de Rome constitue une étape fondamentale dans l'évolution des pouvoirs de police étatique et de juridiction pénale en mer. D'après Philippe Boisson, ce texte « fixe une base adéquate pour l'arrestation, la détention et l'extradition des terroristes ayant agi à l'encontre des navires ou des ports ou ayant utilisé des navires pour perpétrer des actes terroristes »1 . Elle ne limite plus l'exercice exclusif des compétences de police aux autorités nationales, mais s'appuie sur une coopération maritime internationale accrue. Toujours selon Philippe Boisson, « elle donne à l'Etat du pavillon une compétence exclusive pour intervenir en haute mer sur un navire contrôlé par des terroristes »2 , c'est d'ailleurs une de ses lacunes, ce qui explique qu'elle a fait l'objet d'une révision en 2005. C'est d'ailleurs sur ce point que les dispositions en matière d'arraisonnement de l'article 8 bis du texte ont été modifiées. Le principe de la juridiction de l'Etat du pavillon reste la norme mais un 1 DMF, n°656, 01/02/2005,Actualité du droit maritime international 2 DMF, n°640, 01/09/2003, La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine maritime 13
  • 14. autre Etat pourra désormais intervenir de manière exceptionnelle en haute mer, l'usage de la force (un degré « nécessaire et raisonnable ») lors d'un arraisonnement est prévu au paragraphe 7. Lors de l'élaboration de ce protocole modificatif (concernant encore pour l'instant une minorité d'Etats), les délégations ont majoritairement souhaité la compétence concurrente de l'Etat du pavillon et de l'Etat dont les terroriste ou la victime est ressortissant. Autre exemple, le texte permettra désormais de monter à bord d'un navire étranger en vue d'arrêter des personnes soupçonnées de blanchiment d'argent ou de financement de mouvements terroristes1 . Ce texte propose également de nouvelles infractions, par exemple l'utilisation du navire pour transporter des substances susceptibles d'être employées à des fins de destruction massive. D'autres points ne sont pourtant toujours pas résolus, faute d'un consensus, c'est le cas par exemple pour l'hypothèse de l'arraisonnement injustifié et de tous les problèmes qu'il pourrait poser en matière d'indemnisation et de responsabilité de l'Etat du pavillon ou de l'Etat ayant procédé à l'arraisonnement.2 Pour certains auteurs, cette Convention, bien qu'apportant des moyens considérables à la lutte contre le terrorisme maritime, se révèle insuffisante sur certains points, comme nous l'avons remarqué précédemment, puisqu'elle se limite à consacrer la compétence exclusive de l'Etat du pavillon pour intervenir et demande aux Etats de collaborer entre eux afin de prévenir les actes illicites sans réellement leur en donner les moyens. Elle a d'ailleurs fait l'objet de diverses fait l'objet de différentes propositions de révision dont voici les axes principaux3 : élargissement du champ d'application aux actions terroristes et au transport de matériels destinés au terrorisme, intervention en haute mer possible pour d'autres Etats que celui du pavillon, cohérence avec les autres conventions internationales sur le même objet. Dans tous les cas la Convention de Rome doit s'articuler avec le droit national des Etats parties, il convient donc de s'intéresser brièvement à son passage en droit français. b) La Convention de Rome et le Droit français La Convention et son protocole additionnel sont tous les deux visés par l'article 689-5 du 1 Source: Journal de la Marine Marchande (JMM) du 14/07/2006, p.7 2 Voir sur ce point l'article du DMF n°656 précité, où l'auteur traite à l'époque du projet qui a aboutit au texte de 2005 3 Selon le cours de Michel Botalla-Gambetta 14
  • 15. Code de procédure pénale. Pour permettre leur application, la loi n°90-1143 du 21 décembre 1990 a été adoptée, prévoyant dans son article 5 que les dispositions de l'article 689-5 ne seront applicables qu'aux infractions commises postérieurement à l'entrée en vigueur de la convention et de son protocole. L'article 689-5 est destiné à permettre l'application des articles 3 et 6§4 de la convention: « tout Etat partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions prévues à l'article 3 dans le cas où l'auteur présumé de l'infraction se trouve sur son territoire et où il ne l'extrade pas vers l'un quelconque des Etats parties qui ont établi leur compétence conformément aux paragraphes 1 et 2 du présent article ». Parmi les infractions figurant à l'article 689-5 est mentionné l'article L.331-2 du Code des ports maritimes qui sanctionne « quiconque a intentionnellement, dans les zones portuaires ou en dehors d'elles, détruit, abattu ou dégradé un phare, feu, ouvrage ou d'une façon générale tout équipement ou installation de balisage ou d'aide à la navigation » ainsi que celui qui a porté atteinte au bon fonctionnement de ces équipements et installations. 3. Autres textes et initiatives internationales remarquables A titre préliminaire, il est intéressant de noter que l’OMI s’en remet à l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD) pour veiller à la sécurité des cargaisons dangereuses. Les Etats devront évaluer la sûreté de l’ensemble de leurs ports et décider, en fonction de leur vulnérabilité, lesquels doivent faire l’objet de plans de sécurité des installations portuaires et d’une remise à niveau des équipements. L'OMD a adopté en juin 2002 une résolution relative à la sûreté et à la facilitation des échanges de la chaîne logistique internationale. Il convient tout d'abord d'évoquer la Convention STCW (Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers), adoptée le 7 juillet 1978 dans le cadre de l'OMI et entrée en vigueur six ans plus tard, en 1984. Le but de cette convention, qui a été remaniée depuis (amendement en 1995), est de réglementer à l'échelle internationale les qualifications du personnel navigant ce de manière internationale. Un des objectifs était de limiter les risques liés aux équipages sous-norme ; les navires étant appelés à parcourir le monde entier, une telle réglementation n'avait de sens qu'à l'échelle internationale. La Convention STCW impose aux pays signataires de mettre en place leur propre système de contrôle de la qualité de leur dispositif de formation et de délivrance des titres. Ce texte joue un rôle avant tout en matière de sécurité mais aussi pour la sûreté 15
  • 16. en internationalisant le système des brevets des différents gens de mer et donc avec cela les compétences et le contrôle de leur conformité. Le Bureau Maritime International (BMI) a souhaité quant à lui, la mise en place de corridors réservés aux pétroliers et interdits aux petites embarcations susceptibles de cacher des explosifs. C’est parce que les bateaux-suicides peuvent se fondre sans difficulté dans le trafic aux abords des ports que la protection des pétroliers, chimiquiers ou gaziers est complexe. Le souci de pouvoir patrouiller, interpeller et contrôler de manière prompte et efficace a également été souligné. Certains textes de l'OIT comportent des dispositions sur le contrôle des navires mais concernent avant tout l'équipage et les certificats des navires, notamment la Convention n° 147, qui est relative aux normes minimales à observer sur les navires marchands de 1976 et la « Convention de Travail Maritime consolidée » (non numérotée) qui permet de procéder à des inspections périodiques. Mais le texte de l'OIT le plus important en matière de sûreté est la Convention n°185 sur les pièces d'identité des gens de mer (révisée, car elle remplace la Convention n°108 de 1958) du 19 juin 2003, entrée en vigueur le 9 février 2005, qui prévoit la délivrance d'une pièce d'identité des gens de mer pour permettre une identification sûre et fiable. D'après ce texte, les Etats doivent établir des bases de données en ce sens afin de se communiquer les informations entre eux à tout moment et prévoir des procédures de suspension et retrait. On peut citer également une initiative conjointe récente de L'OMI et l'OIT (Organisation Internationale du Travail) de 2004 avec le Recueil de directives pratiques sur la sûreté des ports. Celui-ci a pour but de réduire les risques et menaces d'actes illégaux dans les ports, de constituer un cadre d'orientation pour une stratégie de sûreté portuaire appropriée pour les gouvernements, employeurs et travailleurs; tout en respectant et en s'articulant avec la Convention SOLAS1 et son code ISPS que nous détaillerons par la suite. Pour atteindre ces objectifs, le Recueil prévoit d'identifier les défauts éventuels du système de sûreté du port et de définir les rôles et responsabilités de chacun. On peut aussi rapidement évoquer les organisations intergouvernementales avec par exemple le groupe ad hoc sur la sécurité du Comité des transports maritimes de l'Organisation pour 1 Convention internationale du 1er novembre 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer sous l'égide de l'OMI, entrée en vigueur le 25 mai 1980. SOLAS venant du nom anglais du texte: International Convention for the Safety of Life at Sea. 16
  • 17. la Coopération et le Développement Economique (OCDE) qui s’est réuni, notamment en juillet 2002, pour envisager plusieurs pistes, propositions et axes de réflexion. - la transparence du régime de propriété et de contrôle des navires ; - les meilleures pratiques telles que les plans de sécurité des navires et des installations portuaires, des normes de réponse aux différents scénarios de risque, des procédures d’identification et d’habilitation du personnel ; - l’analyse de risques, plus particulièrement l’évaluation de leur probabilité, ainsi que la modélisation économique du coût et de l’impact du terrorisme maritime ; - les problèmes de sécurité inhérents au passage des marchandises par tous les maillons, dont les interfaces portuaires, de la chaîne intermodale de transport. Vient ensuite l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord ou NATO) dont le rôle pourrait être amené à évoluer vers une lutte accrue contre le terrorisme mais il s'agit seulement de suppositions à l'heure actuelle. Nous verrons que l'Union Européenne est très active en la matière mais d'autres organisations de coopération régionales sont également actives, on pense notamment à l'ASEAN (Association des Nations d'Asie du Sud-Est). Plus généralement, on a vu une coopération assez forte entre Etats de cette région de manière multilatérale ou bilatérale comme ce fut déjà le cas pour lutter contre la piraterie dans le Détroit de Malacca. Il s'agit principalement de faciliter l'échange d'informations pour mieux lutter contre les crimes transnationaux. B/ Le Code ISPS Lors de la conférence diplomatique du 12 décembre 2002, l'OMI a fait adopter un Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, le Code ISPS (pour International Ship and Port Facility Security Code). Il s'agit d'un supplément en matière de sûreté au chapitre XI de la Convention SOLAS, créant un chapitre XI-2, réputé entré en vigueur le 1er juillet 2004 si aucun Etat ne s'y oppose (c'est un amendement tacite, méthode plus rapide, les Etats considérant qu'il y avait urgence). Cette méthode est d'autant plus judicieuse que la Convention SOLAS est d'application très vaste puisque dans sa version originale (1974) elle concerne 158 Etats 17
  • 18. représentant 99,04% du tonnage mondial1. A noter tout d'abord que le code ISPS prend en compte les mesures de sûreté déjà contenues dans le code ISM (celui-ci ayant également été adjoint à la Convention SOLAS auparavant2 ), concernant notamment le contrôle de l'identité des membres d'équipage, des passagers, les procédures de gardiennage, d'alerte ou de ronde. Tout comme la Convention à laquelle il s'adosse, le code ISPS est d'application large puisqu'il concerne les navires effectuant des voyages internationaux: les navires de passagers y compris à grande vitesse, quelque soit la jauge, les navires de charge d'une jauge brute supérieure ou égale à 500 tonneaux, les unités mobiles de forage au large, les installations portuaires fournissant des services à de tels navires (pour l'OMI ces dernières font l'interface entre le port et les navires). Il est divisé en deux parties, A obligatoire et B facultative, mais il y a souvent dans B des méthodes pour mettre en place A et ses buts. Son objectif est de permettre la détection des menaces contre la sûreté et d'établir les responsabilités et rôles de chacun, à bord des navires et à terre. Pour étudier ce code nous distinguerons donc les mesure relatives aux navires de celles relatives aux installations portuaires. 1. La sûreté des navires Tout d'abord, les navires doivent depuis le 1er juillet 2004, date d'entrée en vigueur du code ISPS, s'équiper d'un système d'alerte de sûreté (SSAS: Ship security alert system); au plus tard lors de la première vérification du matériel radio3 . Ce SSAS doit pouvoir déclencher et transmettre une alerte de sûreté à terre uniquement en cas de menace à une autorité compétente de l'Etat du pavillon, voire à la compagnie. L'alerte ne sera pas perçu à bord du navire et doit être installé à deux endroits dont la passerelle obligatoirement (l'autre étant la salle des machines le plus souvent). L'Etat du pavillon qui reçoit l'alerte doit informer l'Etat côtier le plus proche. Ce dispositif sera aussi utile en matière de piraterie, « dans la mesure où l'acte n'est pas aussi spontané que l'acte terroriste, 1 Sources: site de L'OMI, www.imo.org/ ; 114 Etats et 96,16% dans sa version avec protocole de 1978, 89 Etats et 93,57% dans sa version avec protocole de 1988. 2 Le code ISM (International Safety Management) ou code de gestion de la sécurité des navires a été ajouté dans la Convention SOLAS en 1994, créant un chapitre IX, et est entré en vigueur au 1er juillet 2002. 3 Règle 3 du chapitre XI-1 de la Convention SOLAS 18
  • 19. notamment kamikaze, pour lequel le temps de réaction est proche de zéro »1 . Ensuite le code ISPS donne un rôle considérable à la compagnie puisqu'elle doit obtenir pour tous les navires qu'elle exploite dans sa flotte un certificat international de sûreté (ISSC: International ship security certificate), selon la partie A, §19.2 du code. Ce certificat est délivré, pour une durée maximale de 5 ans, par l'administration du pavillon ou par un organisme de sûreté reconnu (RSO: Recognised security organisation, partie A, §4.3); à noter qu'en droit français, « l'Etat ne délègue qu'exceptionnellement ses obligations de contrôle à une société de classification », comme le soulignent Messieurs Bonassies et Scapel2 . Pour obtenir ce certificat la compagnie doit remplir différentes obligations: Elle doit en premier lieu procéder à une évaluation de la sûreté du navire (SSA: Ship security assesment, partie A, §8.2 du code). Il s'agit d'analyser les risques en prenant en compte les mesures, procédures et opérations de sûreté existantes afin d'identifier les menaces et les points les plus sensibles pour effectuer ensuite des mises au point. Cette évaluation va permettre à la compagnie d'élaborer un plan de sûreté du navire (SSP: Ship security plan, partie A, §9 du code). Celui-ci devra en dernier lieu approuvé par l'administration de l'Etat du pavillon ou un RSO, si l'Etat lui a délégué cette compétence. Mais dans ce cas (le problème ne se pose pas en France comme nous l'avons vu), ce RSO ne pourra pas être le même que celui qui aura défini le contenu du plan. Ce SSP doit prévoir les procédures de sûreté et les différentes mesures à prendre en adéquation avec des trois différents niveaux de sûreté (faible, moyen et élevé) définis par le plan de sûreté portuaire que nous envisagerons plus bas. Il doit surtout identifier les accès au navire et les mesures afin d'empêcher les intrusions, porter sur les mesures à prendre en cas de réalisation d'une menace. Pour cela il défini les différents rôles et responsabilités des membres de l'équipage, interdit l'accès aux personnes étrangères au bord, prend des mesures pour éviter l'introduction d'armes, engins ou substances dangereuses... Il dépend bien évidement du type de navire; il devra être réévalué régulièrement, mis à jour si nécessaire et tout incident devra être signalé aux différents agents de sûreté. Enfin, il détaille la procédure d'inspection et d'entretien du matériel (dont le dispositif de sûreté SSAS). Elle doit ensuite désigner un agent de sûreté du navire (SSO: Ship security officer, partie A, §12 du code), ce dernier n'étant pas forcement le capitaine mais il sera alors responsable devant ce dernier. Cet agent est chargé de tous les aspects du fonctionnement du navire dès 1 Selon A. Le Monnier De Gouville et P. Boisson dans la revue Mare Liberum, n°1 avril 2004 2 Traité de Droit Maritime, p.146 19
  • 20. lors qu'ils concernent la sûreté, il devra bien sûr être formé à cet effet. Pour atteindre ses objectifs qui sont l'application et la supervision du plan de sûreté du navire, il doit principalement inspecter de façon régulière le navire et prendre les mesures nécessaires par la suite. Il doit également informer les gens du bord aux différents aspect de la sûreté et vérifier leur formation en la matière. Le capitaine du navire, qu'il soit ou non le SSO, est chargé de superviser le fonctionnement du plan de sûreté à bord et de requérir l'avis ou l'assistance de la compagnie si cela s'avère nécessaire. Selon Philippe Boisson, la compagnie doit lui fournir tous les renseignements utiles (qui est chargé de recruter le personnel, si le navire est affrété, qui a signé la charte- partie, etc...) et lui confier « l'autorité souveraine et la responsabilité de prendre les décisions nécessaires pour maintenir la sécurité et la sûreté de son navire »1 . Elle doit également désigner un (ou plusieurs selon la taille de l'entreprise) agent de sûreté de la compagnie (CSO: Company security officer, partie A, §11 du code), celui-ci est en relation avec les SSO et doit être joignable à tout moment; il se trouve à terre, au sein des services de la compagnie. Ses responsabilités sont multiples, comme par exemple centraliser et organiser l'évaluation de la sûreté de tous les navires mais aussi de la formation des agents de sûreté des navires et des équipages. Plus généralement, il veille à ce que les non- conformités soient rectifiées. Comme nous l'avons vu ces mesures concernent avant tout le navire, son armateur et bien sûr l'Etat du pavillon, mais d'autres dispositions concernent les installations portuaires et donc l'Etat du port. 2. La sûreté portuaire Les mécanismes prévus par le code ISPS en la matière sont en fait assez similaires à ceux évoqués précédemment pour les navires. Tout en sachant que la partie A, §14.1 du code précise que « les mesures et procédures de sûreté doivent être appliquées dans l'installation portuaire de manière à entraîner le minimum de perturbations et de retards pour les passagers, le navire, le personnel du navire et les visiteurs, les marchandises et les services ». La première obligation pesant sur l'Etat du port est celle d'établir des niveaux de sûreté et de 1 Dans DMF n°640, 01/09/2003, ''La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine maritime'', il reprend d'ailleurs ici la règle 8 du chapitre XI-2 de la convention SOLAS. 20
  • 21. donner des recommandations sur les mesures de protection contre les incidents de sûreté. Il doit « déterminer quand une déclaration de sûreté est requise, en évaluant le risque qu'une interface navire/port ou une activité de navire à navire présente pour les personnes, les biens ou l'environnement ». Les niveaux de sûreté sont au nombre de trois et sont définis par les Etats: le 1er correspond au niveau normal d'exploitation, le 2nd correspond à un risque accru et peut être permanent, le 3ème est exceptionnel et temporaire, applicable pendant la période de temps où le risque est probable ou imminent. Leur définition peut donc varier d'un Etat à l'autre voire même changer en fonction des zones de navigation. Le niveau de sûreté sur le navire doit être équivalent à celui du port vers lequel il se dirige. La seconde obligation pour les Etats contractants est ensuite de procéder à une évaluation de la sûreté de l'installation portuaire, pour chaque installation et de manière adaptée à l'interface navire/port. Il s'agit d'identifier les parties vulnérables susceptibles de faire l'objet d'une attaque, le risque est évalué en fonction de ce risque et de ses conséquences éventuelles. Pour ce fait, on étudie précisément les biens et infrastructures à protéger, les menaces et leur probabilité de survenance, la priorité des mesures et procédures à prendre (et leur efficacité), les points faibles, y compris les facteurs humains... Cela afin de leur permettre ensuite d'élaborer et de tenir à jour un plan de sûreté de l'installation portuaire (PFSP: Port facility security plan). Ce plan doit prévoir des dispositions adaptées aux trois niveaux de sûreté définis dans le code. Comme pour les navires, il doit comprendre les mesures en vue d'empêcher l'introduction d'armes ou de substances dangereuses et non autorisées, mais aussi les mesures de restriction ou d'interdiction d'accès à l'installation portuaire ou à certaines zones. Il prévoit des procédures pour faire faces aux menaces et atteintes à la sûreté et cela comprend les disposition en vue du maintien des activités essentielles du port. Comme pour les navires, il détaille les mesures et procédures à suivre en fonction du niveau de sûreté. En France, ce plan de sûreté est approuvé par le préfet. La dernière obligation est la désignation dans chaque port d'un agent de sûreté de l'installation portuaire (PFSO: Port facility security officer). Ce dernier doit procéder à des inspections de sûreté et des exercices dans l'installation portuaire. Il doit de plus gérer la formation du personnel portuaire en matière de sûreté et il tient un registre des évènements de sûreté. Pour cela, il est en relation étroite avec les agents de sûreté des navires qui font escale au port mais aussi, si besoin est, avec ceux des compagnies. A noter pour finir, mais cela va de soi, qu'un navire d'un Etat non signataire de la 21
  • 22. Convention SOLAS n'est pas soumis au code ISPS (et ISM également). Il est néanmoins recommandé de l'appliquer dès lors qu'il compte aller dans un Etat signataire, d'autant plus que certains (on pense de suite aux Etats-Unis) refuse dans ce cas tout accès à leurs ports. De même, certains assureurs n'assurent pas les ports qui ne sont pas ISPS ou ne permettent pas aux navires d'y aller, ce qui prouve son importance et son succès. Selon l'OMI, au 1er juillet 2004 (date de son entrée en vigueur), 86% des navires concernés étaient certifiés et 69% des ports disposaient d'un plan de sûreté. C'est ce qu'indique Pascal Polère1 , « il existait encore un décalage entre les Etats, car à peine la moitié des ports maritimes africains étaient conformes au code ISPS et des ports de l'Europe de l'Est et de Russie ne répondaient toujours pas à ses prescriptions ». Cela s'expliquant selon lui par des difficultés de mise en place de ces mesures (en matière de coût principalement), sur lesquelles nous reviendrons plus en détail par la suite. C/ Application et renforcement des standards internationaux au niveau européen et français Le code ISPS que nous venons d'étudier, ainsi que les autres conventions envisagées auparavant, sont souvent considérés par certains Etats comme un socle minimal, ceux-ci ont donc décidé d'aller plus loin en matière de sûreté. C'est le cas de l'Union Européenne et donc de ses Etats membres, chacun gardant néanmoins une marge de manoeuvre pour l'application de ces mesures. Nous verrons d'ailleurs cela avec l'étude de certains textes français. 1. Les textes communautaires a) La transposition du Code ISPS en droit communautaire Selon la formule de Philippe Boisson2 , « Consciente des difficultés d'application et d'interprétation de la nouvelle réglementation internationale, l'Union Européenne a cherché à mener une action cohérente d'ensemble en matière de sûreté des transports maritimes et à éviter le recours à des initiatives bilatérales telles que celles lancées par les Etats-Unis ». Dans ce but, la Commission a obtenu le 18 mars 2003 de la part du Conseil des Ministres 1 Dans son article ''Sûreté maritime: Bilan et perspectives du code ISPS'', DMF n°669, 01/04/2006 2 DMF n°640, 01/09/2003, La sûreté des navires et la prévention des actes de terrorisme dans le domaine maritime 22
  • 23. l'autorisation de négocier avec les autorités douanières américaines un accord sur le développement d'un système de contrôle des exportations intégrant la nécessité de sécuriser le transport par conteneurs. Cela découle d'une volonté d'harmonisation au niveau européen afin de mettre fin aux arrangements bilatéraux conclus avec certains Etats membres, compte tenu des risques de concurrence déloyale que cela implique. La Commission a de plus adopté une communication le 2 mai 2003 dépassant les travaux de l'OMI en s'intéressant aux zones portuaires dans leur globalité, à l'identification des gens de mer ou bien encore à la sûreté de l'ensemble de la chaîne de transport multimodale. Simultanément à cette communication, la Commission a adopté une proposition de Règlement qui a aboutit au Règlement CE n°725/2004 du Parlement Européen et du Conseil1 du 31 mars 2004, « relatif à l'amélioration de la sûreté des navires et des installations portuaires ». Ce Règlement transpose en droit européen le nouveau chapitre de la Convention SOLAS et donc le code ISPS, mais il va plus loin, notamment en rendant obligatoires certaines recommandations de la partie B du code et en complétant les normes internationales. Il impose la nomination d'une autorité nationale responsable de la sûreté et prévoit un processus d'inspections supervisé par la Commission, assistée dans cette tâche par l'Agence Européenne de Sécurité Maritime (EMSA). Mais l'un de ses apports les plus significatif est d'étendre l'ensemble de la réglementation internationale aux navires à passagers effectuant des voyages nationaux et à d'autres navires affectés à un trafic domestique. b) Les autres textes communautaires pertinents Certains de ces textes concernent strictement les préoccupations de sûreté alors que d'autres sont mixtes et relèvent aussi de la sécurité maritime et portuaire. C'est le cas par exemple d'une Déclaration finale adoptée par les pays de l'UE le 2 décembre 1980, plus connue sous le nom de « Mémorandum d'entente sur le contrôle des navires par l'Etat du port » (en anglais: Memorandum Of Understanding, d'où l'abréviation MOU) ou « Mémorandum de Paris ». Ce texte prévoit que les Etats signataires doivent contrôler et s'assurer que les navires même d'Etats non-signataires, sont aux normes internationales, quand bien même ces Etats non-signataires n'auraient pas ratifié les conventions internationales. Les Etats signataires s'engagent à contrôler au moins 25% des navires étrangers entrant dans ses ports et doivent centraliser les résultats des inspections afin que tous les pays parties au MOU en soient informés. Enfin, le MOU prévoit la 1 JOCE 29 avril 2004, n° L129 23
  • 24. possibilité d'immobiliser un navire jusqu'à sa réparation effective. Le MOU a été complété par une Directive Communautaire n°95/21 en date du 19 juin 1995, modifiée le 13 décembre 1999 et le 19 décembre 20011 , qui ont ajouté plusieurs mesures. Les principales étant l'inspection renforcée des navires de 10 à 15 ans d'âge et surtout la création d'une liste noire établie une fois par an par les Etats partie, refusant l'accès à leur ports aux navires blacklistés. Le Mémorandum de Paris est à l'origine un texte uniquement communautaire mais son impact est devenu plus important car certains Etats non membres y ont adhéré, comme le Canada et la Russie. D'autres textes « mixtes »communautaires peuvent être cités, tel une directive n° 93-75 du 13 septembre 1993 qui concerne les navires transportant des marchandises dangereuses en provenance ou à destination d'un port communautaire. Mais également une Directive du 27 juin 2002 exigeant des navires entrant dans les ports de l'UE qu'ils soient pourvus d'un système d'identification automatique et d'un système d'enregistrement des données de voyage. Elle permet donc d'interdire l'entrée ou la sortie du port, notamment et c'est ce qui nous intéresse ici, en cas de menace à la vie humaine. Enfin un Règlement du Parlement et du Conseil du 27 juin 2002 a créé l'Agence Européenne de Sécurité, évoquée précédemment, à défaut de créer de véritables garde- côtes européens, souhaités par une grande partie de la doctrine, faute de consensus entre les pays. Concernant avant tout la sûreté, la décision du Conseil du 3 décembre 1998 et la décision cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme ont chargé EUROPOL de traiter les infractions commises ou susceptibles de l'être dans le cadre d'activité terroristes et ont créé un répertoire de compétences, de connaissances et expertises spécialisées en la matière. On peut évoquer, pour conclure, deux projets de textes communautaires récents: une proposition de directive relative à l'amélioration de la sûreté des ports (COM 2004/76 – COD 2004/31), une proposition de directive sur la sûreté du transport intermodal (COM 2003/452). c) Quelques mots sur le statut ''d'opérateur sûr'' La Commission Européenne a proposé le 28 février 2006 de nouvelles règles afin de 1 Respectivement JOCE L331, 23/12/1999 et JOCE L19, 22/01/2002 24
  • 25. permettre notamment de renforcer la sûreté de la chaîne d'approvisionnement dans tous les types de transport. Il s'agit de créer un statut d'opérateur sûr, système non contraignant et sur la base du volontariat, qui en contrepartie d'une amélioration de sa situation en matière de sûreté pourra bénéficier d'avantages dans le domaine des contrôles. Il faudra pour cela notamment mettre en oeuvre un système de gestion de la sûreté, combattre les risques et respecter certaines exigences spécifiques. Ce statut est accordé après un audit favorable (celui-ci est opposable à l'ensemble des ports européens) et un agrément en matière de sûreté. Il pourra être retiré en cas de manquements graves ou répétés à ces exigences et dans ce cas l'opérateur ne pourra déposer de nouvelle demande qu'après un délai de deux ans. Ce programme a été accueille avec réserve par les entreprises concernées et notamment l'Association des utilisateurs de fret (AUTF), selon elle inadaptée aux PME et PMI européennes. Le Journal de la Marine Marchande nous rapport d'ailleurs que l'AUTF souhaitait « éviter que les mesures prises soient disproportionnées et conduisent à des situations de distorsion de concurrence et n'aboutissent à mettre en péril l'organisation logistique européenne »1 . 2. Spécificités françaises et fonctionnement de la sûreté portuaire en France Comme nous l'avons remarqué un peu plus tôt, la délégation des contrôles de sûreté et de sécurité aux sociétés de classification est très rare en droit français, contrairement à certains Etats maritimes2 , mais ce n'est qu'une des spécificités françaises en matière de sûreté. Selon l'article 1er de la loi n°95/73 du 21 janvier 1995 modifiée d'orientation et de programmation relative à la sécurité: « La sécurité est un croit fondamental et l'une des conditions de l'exercice des libertés individuelles et collectives. L'Etat a le devoir d'assurer la sécurité en veillant, sur l'ensemble du territoire de la République; à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l'ordre public, à la protection des biens et des personnes... ». On peut tout d'abord évoquer une règle ancienne, la « visite de partance », créée en 1791 et reprise par les articles 28 et 41 du décret du 30 août 1984, qui oblige le capitaine d'un navire français ou étranger, à faire une déclaration de partance à l'autorité maritime avant de quitter le port, 1 JMM du 17 mars 2006 2 On pense par exemple au Libéria, au Panama ou aux Bahamas, cités sur ce point dans le Traité de Droit Maritime par P. Bonassies et C. Scapel ( p. 144) 25
  • 26. et en conséquence, le navire pourra éventuellement faire l'objet d'une « visite de partance ». Il convient de préciser qu'en matière de faute commise lors des contrôles de navires, « la responsabilité de l'Etat est engagée par la simple faute » et plus par la seule faute lourde1 . Un arrêté du Premier ministre du 14 mai 19992 a institué un comité national de sûreté du transport et des ports maritimes ainsi que des comités locaux de sûreté portuaire dans les ports les plus importants, avant même le code ISPS. Ces comités ont pour mission de définir les mesures à prendre afin d'assurer efficacement la sûreté dans les ports concernés. Ce texte est complété par un arrêté modifié du ministre de l'équipement, des transports et du logement en date du 9 août 1999, qui fixe la liste des ports où est institué un comité local de sûreté portuaire. Une commission consultative de reconnaissance des organismes de sûreté maritime a ensuite été créée par l'arrêté du 25 juin 2004 du ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer3 . Ces différents organismes assurent « des missions d'évaluation et de contrôle de la sûreté maritime et portuaire », selon l'article L. 324-6 du Code des ports maritime (qui devient l'article L. 321-6 avec une modification en date du 6 juillet 2008 en vigueur au 15 août 2008). Ce Code joue un rôle capital en matière de sûreté maritime et portuaire, dès son article L. 324-1 (L. 321-1 nouveau) selon lequel: « La zone portuaire de sûreté, délimitée par l'autorité administrative, comprend le port dans ses limites administratives et les zones terrestres contiguës intéressant la sûreté des opérations portuaires ». Par la suite, l'article L. 324-2 (L. 321-2 nouveau) indique que c'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité de définir et contrôler l'application des mesures de sûreté du Code, écartant la encore toute éventualité de délégation. Ensuite, « afin d'assurer préventivement la sûreté des transports maritimes et des opérations portuaires qui s'y rattachent, l'article L. 324-5 [devenant L.321-5] du Code des ports maritimes habilite les officiers de police judiciaire et le personnel agréé par le préfet sur proposition du gestionnaire du port, à procéder à la visite des opérations de fouille notamment de bagages, de marchandises, de véhicules et même de navires à l'exception pour ceux-ci des parties à usage exclusif d'habitation et des locaux syndicaux. Les agents des douanes peuvent également effectuer ces opérations de fouille, lesquelles doivent se dérouler dans les zones portuaires non librement accessibles au public, délimitées par arrêté préfectoral »4 . Tout ce passage concernant les fouilles des bagages, colis, véhicules et navires s'inspire là encore du droit aérien et a été instauré (tout 1 Traité de Droit Maritime, P.Bonassies et C. Scapel, page 141. 2 Au Journal Officiel du 16 mai 1999 3 JO du 4 août 2004 4 Jurisclasseur Administratif, Fascicule 408-60: Ports maritimes, n°93. 26
  • 27. comme une grande partie du livre III du Code des ports maritimes) par la loi n° 96-151 du 26 février 1996 et son décret d'application. Selon Robert Rézenthel, ces deux textes n'imposent pas de moyens spécifiques à l'autorité portuaire dans la mesure où la lutte contre le terrorisme reste avant tout une mission incombant à l'Etat dans le cadre de la police générale de l'ordre public1 . Il ne faut pas oublier que le code des douanes joue également un rôle important dans la lutte contre le terrorisme maritime et plus largement en matière de sûreté maritime. On peut citer le décret du 24 juillet 2004 qui modifie notamment celui-ci pour permettre l'analyse des risques nécessaire pour accorder le statut d'« opérateur économique agréé ». Pour cela l'entreprise doit fournir 18 renseignements, utilisés aussi pour le dédouanement. On ne peut pas oublier non plus le préfet maritime qui a un rôle essentiel. Cette institution originale se trouve au centre de la toile, au coeur du dispositif maritime français. Il a pour fonction de coordonner les différentes actions, les volets militaires ou civils, notamment dans le cadre de l’action de l’Etat en mer. Son rôle devrait être central en matière de lutte contre le terrorisme maritime. Tout comme celui de la Marine en matière de surveillance et de renseignement mais aussi d'escorte voire même d'assaut si nécessaire... Concernant le passage du code ISPS en droit français, il se fait, nous l'avons compris par le biais de Règlement communautaire 725/2004 évoqué plus haut. Mais cela a été rendu possible par un décret du 15 mai 20072 qui impose aux navires battant pavillon français, soumis à ce Règlement, d'être munis de titres de sûreté et en précise les modalités. Au vu du plan de sûreté, un certificat international sera délivré pour 5 ans. Le capitaine est responsable de l'exécution de ce plan, tandis que l'armateur devra désigner, parmi son personnel deux agents de sûreté (SSO et CSO détaillés précédemment) pendant une durée maximale de 5 ans. La transcription est donc fidèle au texte international et sans grande nouveauté. A noter également une décision intéressante à propos de l'application du code ISPS rendue par le Tribunal administratif de Lille le 7 juin 2005; cela a été relevé dans la revue « Droit Maritime Français »3 , selon laquelle « le Tribunal administratif de Lille pose le principe que le directeur d'un port peut refuser à un armateur l'accès à certaines installations portuaires, quand le refus est fondé sur des motifs de sécurité, et notamment sur les exigences du code ISPS ». C'est donc un arrêt 1 Revue Mare Liberum n°1 avril 2004 2 JO du 18 mai 2007 3 DMF hors série juin 2006, page 17 27
  • 28. important pour l'application des normes internationales en matière de sûreté, assez logique compte tenu de l'importance du sujet. Les droits communautaire et français sont, nous l'avons compris, en accord avec les textes internationaux en matière de sûreté maritime et n'hésitent pas à aller plus loin. C'est ce que nous avons pu voir pour l'application du chapitre XI-2 de la Convention SOLAS, support du code ISPS. Mais il convient également de s'intéresser aux Etats-Unis qui ont adopté une approche particulièrement poussée avec des textes et mécanismes uniques. D/ Les principales mesures prises par les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme maritime suite aux attentats du 11 septembre 2001 Suite aux attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont déployé tout un arsenal législatif afin d'opérer une refonte de leurs moyens en matière de lutte contre le terrorisme. Cela se retrouve bien évidemment en matière de sûreté maritime quand on sait toute l'importance que joue le transport maritime au niveau mondial (il représente près de 90% des échanges commerciaux comme nous l'avons vu en introduction) et donc bien évidemment pour les Etats-Unis, acteurs prépondérants du commerce mondial: 1er pays importateur et exportateur1 selon les chiffres de l'Organisation Mondiale du Commerce. Le « Maritime Transportation Security Act of 2002 », que nous étudierons plus bas, nous donne quelques chiffres dans son Titre 1er en insistant sur l'importance pour les Etats-Unis du transport maritime: Le pays compte 361 ports publics qui représentent 95% des échanges avec l'étranger. Le volume de marchandises importées et exportées devant selon les prévisions doubler dans les 20 ans à venir. Les 50 plus grands ports du pays représentent 90% du tonnage de marchandises et 25 ports totalisent 98% de tous les envois par conteneurs. Compte tenu de la position dominante qu'occupe les Etats-Unis sur la scène mondiale, tant au plan politique que commerciale, les mesures qu'ils ont adopté après ces attentats vont avoir un impact majeur sur l'ensemble du transport maritime mondial. En effet, tous les textes que nous allons détailler ici ont des conséquences, souvent notables, pour tous les Etats en relation commerciale avec les Etats-Unis, sachant que ces derniers ne vont pas hésiter à faire pression sur leurs partenaires pour qu'il s'y conforment, en les menaçant par exemple de refuser de commercer à 1 Sources: site de l'Organisation Mondiale su Commerce: www.wto.org/ Précisons que selon le site, les Etats-Unis passent 2nd en terme d'exportations si on considère l'Union Européenne comme un ensemble, comme il le fait. 28
  • 29. destination de ports qui seraient non conformes à leurs exigences ou d'accueillir les navires qui en proviennent. Après ce que certains auteurs ont considéré comme un excès de paranoïa, les mesures doivent désormais être réalisables et raisonnables. C'est ce que nous indique le « Journal de la marine marchande »1 : « En octobre 2001, pour le vice-amiral Dave-Belz représentant des US Coast Guards, il fallait faire des choix douloureux entre les libertés individuelles et la sûreté. Aujourd'hui, la sûreté doit être raisonnée, explique le patron du ministère de la Sécurité intérieure ». Il convient donc de s'intéresser aux principaux textes législatifs et aux actions entreprises par les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme. 1. Les principaux textes fédéraux en matière de lutte contre le terrorisme maritime A titre préliminaire, on peut tout d'abord citer le USA Patriot Act2 (H.R. 3162) adopté directement après les attentats du 11 septembre 2001, le 26 octobre 2001. Cette loi, renforce énormément les pouvoirs des différentes agences gouvernementales des États-Unis (FBI, CIA et NSA) et de l'armée. Elle fut considérée comme une loi d'exception, dont les dispositions n'étaient valables que pour quatre années. Elle a été renouvelée en 2005 puis 2006 et amendée plusieurs fois, le plus souvent en renforçant les pouvoirs du ministère de la justice et des agences gouvernementales. Cette loi est l'objet de vives critiques, notamment des organisations de défense des droits de l'homme et des juristes, qui la considèrent liberticide. Les points critiqués sont notamment la diminution des droits de la défense, la violation de la vie privée et la diminution du droit à la liberté d'expression. Il crée une nouvelle catégorie de crimes du "terrorisme intérieur" dans sa section 802 (intitulée Definition of Domestic Terrorism), il est également intéressant d'évoquer sa section 803 (Prohibition Against Harboring Terrorists) qui donne une liste d'infractions notamment en matière de transports aérien et maritime3 . Le 21 octobre 2002, l'US Coast Guard (USCG), intervenant majeur de la sûreté maritime et portuaire, publiait une circulaire intitulée « Maritime Strategy for Homeland Security » fixant les 1 JMM du 6 avril 2007, dossier Amérique du Nord 2 qui signifie « Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act » ou en français Loi pour unir et renforcer l'Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme 3 Voir à ce sujet une analyse section par section du Patriot Act (en anglais) du Congressional Research Service disponible sur www.fpc.state.gov 29
  • 30. objectifs stratégiques maritimes dans le domaine de la sécurité intérieure. L'USCG a donné le même jour des recommandations détaillés sur les mesures à prendre à bord des navires (Navigation and Vessel Inspection Circular n°1002). Le 25 novembre 2002, le « Maritime Transportation Security Act of 2002 » (MTSA) a été publié après son adoption par le Congrès le 14 novembre. Cette loi sur la sûreté des transports maritimes constitue une synthèse des dispositions prises jusqu'alors séparément par le Sénat et la Chambre des Représentants, à savoir: La loi sur la sûreté maritime et portuaire du Sénat du 20 décembre 2001 (S. 1214). La loi antiterroriste sur les transports maritimes de la Chambre des Représentants du 4 juin 2002 (Maritime Transportation Anti-Terrorism Act of 2002 : H.R. 3983) qui dans son projet initial envisageait d'ôter la surveillance des containers aux douaniers pour la confier à la Transportation Security Administration (TSA) qui concerne avant tout les transports aériens1 , mais cela a été modifié car le texte du Sénat laissait cela à l'administration douanière. Ce MTSA impose de nombreuses exigences à l'industrie maritime notamment les évaluations de vulnérabilité, les plans de sûreté, les cartes de sûreté portuaire, les systèmes de transfert automatique de données (AIS pour Automatic Identification System) et prévoit des sanctions pénales très sévères en cas de violation des règles2 . Ses objectifs sont d'éviter les incidents de sûreté qui risque d'entraîner des pertes humaines, des dommages environnementaux, des ruptures du système de transport et donc les dommages économiques qui en découleraient. Il prévoit par exemple une enveloppe d'un milliard de dollars pour la sûreté portuaire. Le MTSA peut être considéré comme le précurseur du Code ISPS car leurs mesures sont parfois assez proches ils se sont d'ailleurs articulé ensemble sans problème à partir de l'entrée en vigueur du code ISPS le 1er juillet 2004. D'autant plus que les Etats-Unis ont annoncé « qu'ils interdiraient progressivement l'accès à leurs ports aux navires qui auraient escalé dans des ports non-conformes aux standards ISPS »3 . Le 1er mars 2003 intervenait la création effective d'un grand ministère de la sûreté intérieure, le Department of Homeland Security (DHS) afin de permettre une meilleure coordination des 22 1 Il s'agit d'une agence du gouvernement américain créée par l'Aviation and Transportation Security Act du Congrès du 19 novembre 2001, rattachée à l'origine à l'U.S. Department of Transportation, elle fut transférée à l'U.S. Department of Homeland Security le 25 novembre 2002. 2 Voir sur ce point le JMM 22 novembre 2002 pages 8 et 9 3 LAMY Transporrts Maritimes 2007, page 416 30
  • 31. agences existantes concernées par les questions de sûreté, dotée d'un budget de 46 milliards de dollars et d'un effectif de 170 000 personnes1 . Tous ces textes ont établi le contexte nécessaire à la mise en place de multiples actions par l'administration américaine, qu'il convient de détailler. 2. Les grandes mesures prise par les Etats-Unis en matière de lutte contre le terrorisme maritime Nous étudierons ici les mesures majeures prises par les autorités américaines et trois d'entre elles en particulier. a) Le Customs-Trade Partnership Against Terrorism (C-TPAT) Souhaité dès la fin 2001, il a été mis en place en avril 2002 par les douanes américaines et par les importateurs, sur la base du volontariat (il s'agissait à la base de quelques gros chargeurs comme BP America, Daimler Chrysler, Ford, General Motors...). L'administration douanière américaine, ne pouvant pas avoir des agents derrière chaque chargement, a demandé aux importateurs de s'engager à veiller à la sécurisation des marchandises entrant sur le sol américain. Ce programme s'est ensuite élargi dans une seconde phase aux transporteurs qui, si ils s'y conforment, peuvent bénéficier de procédures douanières accélérées. Cela concerne désormais aussi bien des transporteurs maritimes, aériens ou ferroviaire mais aussi de nombreuses entreprises étrangères qui ont une filiale aux Etats-Unis et qui souhaitent faciliter leurs importations. A la fin 2006, le C-TPAT concernait 3254 partenaires, ce qui peut sembler être bien peu sur les 525 000 importateurs que compte le pays mais ils représentaient 72% du volume total importé, selon la revue « Bulletin des Transports »2 . Pour valider l'engagement C-TPAT, il faut fournir des informations sur sa chaîne d'approvisionnement, remplir les exigences des douanes afin de développer, mettre en place un programme pour améliorer la sûreté et communiquer ses impératifs C-TPAT aux partenaires de sa chaîne d'approvisionnement. 1 Sources: JMM du 7 mars 2003, pages 10-12 2 BTL n°3156 du 18/12/2006 31
  • 32. Ce programme, particulièrement adapté aux entreprises internationales sert en quelque sorte de modèle au statut d'opérateur sûr souhaité par la Commission Européenne, évoqué précédemment. b) La Container Security Initiative (CSI) Le programme CSI a été annoncé le 17 janvier 2002 par l'U.S. Custom Service (service des douanes), devenu l'U.S. Customs and Border Protection (CBP) le 1er mars 2003 lors de la création du Department of Homeland Security (DHS) auquel il a désormais été rattaché. Ce programme, qui a démarré en juin 2002, vise à externaliser les contraintes de contrôle antiterroristes en vérifiant, dans le pays de chargement, l'origine et les caractéristiques des marchandises ainsi que l'identité des chargeurs et des réceptionnaires. Il concerne 18 ports au 17 janvier 2003 en Europe et Asie à l'origine, puis rapidement plus d'une vingtaine et 58 au 2 octobre 20071 , à savoir: Halifax, Montreal, et Vancouver, Canada ( mars 2002); Rotterdam, Pays-Bas (02/09/02); Le Havre, (02/12/02) et Marseille (07/01/05) en France; Bremerhaven (02/02/03) et Hambourg, Allemagne (09/02/03); Anvers (23/02/03) et Zeebrugge, Belgique (29/10/04); Singapour (10/03/03); Yokohama (24/03/03), Tokyo(21/05/04), Nagoya et Kobe (06/08/04) Japon ; Hong-Kong (05/05/03) puis Shanghai (28/04/05) et Shenzhen en Chine (24/06/05); Gothenburg, Suède (23/05/03); Felixstowe (24/05/03); Liverpool, Thamesport, Tilbury, et Southampton, Royaume-Uni (01/11/04); Gênes (16/06/03), La Spezia (23/06/03), Livourne, Italie (30/12/04), Naples, (30/09/04) et Gioia Tauro (31/10/04) Italie; Pusan, Corée du Sud (04/08/03); Durban, Afrique du Sud (01/12/03); Port Klang (08/03/04) et Tanjung Pelepas (16/08/04),Malaisie; Le Pirée, Grèce (27/07/04), Algesiras, (/30/0704) puis Barcelone et Valence (25/09/06) en Espagne; Laem Chabang, Thaïlande (13/8/04), Dubai; Émirats Arabes Unis (26/03/05); Kaohsiung (25/07/05) et Chi-Lung (25/09/06 )à Taïwan; Santos, Brésil (22/09/05), Colombo, Sri Lanka (29/09/05), Buenos Aires, Argentine (17/11/05), Lisbonne, Portugal (14/12/05), Port Salalah, Oman (03/08/06), Puerto Cortes, Honduras (25/03/06); Caucedo, Republique Dominicaine (25/09/06); Kingston, Jamaique (27/09/06); Freeport, Bahamas (30/09/06); Port Qasim, Pakistan (02/05/07); Balboa (27/08/07), Colón et Manzanillo (28/09/07), Panama; Cartagena, Colombie (09/13/07), Ashdod (17/09/07) et Haifa (25/09/07), Israël; Alexandrie, Égypte (28/09/07). Cela correspondait déjà à plus de 85% des importations conteneurisées américaines avant même 1 Sources: site de l'U.S. Customs & Border Protection www.cbp.gov, CSI Fact Sheet du 2 octobre 2007 (entre parenthèses: date de certification) 32
  • 33. l'arrivée d'une partie des ports d'Amérique Centrale et du Sud1 . Le programme CSI, système résolument bilatéral, est mis en oeuvre dans ces ports par des « observateurs douaniers » américains qui ont pour tâche d'établir des procédures et des zones de contrôle en commun avec leurs collègues étrangers et de définir des critères d'identification des conteneurs à risques. Washington assouplirait en échange les formalités douanières à l’arrivée sur le territoire américain. A ce titre il constitue un véritable avantage en terme de gain de temps puisqu'il permet de réduire à quelques heures au lieu de dix jours le dédouanement des conteneurs à l'entrée aux Etats-Unis. Il a pour but d'éviter une approche unique et tient pour cela compte des spécificités de chaque pays et chaque port, son but est de sécuriser chaque étape de la chaîne logistique. A terme, les conteneurs à destination des Etats-Unis seront donc inspectés avant le chargement dans un port partenaire CSI, ou à leur arrivée s'ils viennent d'un port non CSI. c) La règle des 24 heures de préavis Mise en oeuvre depuis le 2 février 2003, le 24 Hour Advance Cargo Manifest Rule ou règle des 24 heures de préavis est l'un des éléments du programme CSI. Concrètement, Les Etats-Unis demandent aux navires de signaler leur arrivée 24 heures à l'avance. L'importateur et/ou le transporteur doit fournir à l'agence CBP des renseignements « précis et pertinents » sur leurs camions, chauffeurs, le fret, les fournisseurs et les itinéraires suivis en transport routier. Pour le transport maritime, les transporteurs doivent fournir leur manifeste de chargement 24 heures avant qu'il ne soit procédé à cette opération sur les navires en partance vers les Etats-Unis. Cette fourniture de renseignements baptisée AMS (Automated Manifest System), doit être faite électroniquement 24 heures avant l'arrivée de la marchandise sur le territoire américain et même seulement 8 heures avant en transport aérien. Cette information permet aux douanes d'évaluer le risque en matière de danger terroriste que peuvent représenter les conteneurs et marchandises à destination du sol américain. Le traitement douanier est en contrepartie accéléré notamment aux frontières terrestres (mexicaine et canadienne) et les inspections sont réduites en nombre. Cela joue d'autant plus en transport routier que, par exemple, des voies d'autoroutes spécifiques sont prévues ainsi que différents niveaux de sécurisation, avec un niveau 3 pour ceux qui appliquent un catalogue de « bonnes pratiques ». Bien évidemment, en cas de manquement aux règles imposées par les douanes, l'acteur 1 JMM du 6 avril 2007 33
  • 34. de la chaîne logistique peut être exclu de manière temporaire ou définitive du C-TPAT. A noter qu'un délai de 48 heures puis 96 heures a été envisagé fin 2001 et début 2002 pour la fourniture de tous les renseignements et documents jugés nécessaires aux autorités américaines, la règle des 24 heures concernant avant tout le préavis d'arrivée dans un port américain. C'est une règle cependant très contraignante qui risque de poser de multiples problèmes comme nous le verrons par la suite. d) Les autres actions importantes Le scan des conteneurs Ce n'est pas une nouveauté en soi, scanner les conteneurs est une pratique courante, un contrôle aléatoire le plus souvent, en revanche les Etats-Unis, après la mise en place de la CSI, ont souhaité que cette pratique soit désormais systématique. C'est dans ce sens que le Congrès américain adoptait en juillet 2007, après des débats difficiles1 , la loi « 100% scanning » dite « House Resolution 1 » (H.R.1). Le texte (ratifié en août 2007 par le président Bush) n'entrera en application qu'à partir du 1er juillet 2012 pour les conteneurs maritimes et d'ici 2010 dans le fret aérien et pourra être reporté de chaque fois deux ans si un certain nombre de conditions ne sont pas remplies. Trois ports étrangers ont donc été choisis pour expérimenter le dispositif: Southampton (Royaume- Uni), Puerto Cortes (Honduras) et Port Qasim (Pakistan), il s'agit à terme de scanner tous les conteneurs à destination des Etats-Unis et donc dans un premier temps de mettre en place cette mesure dans ces trois ports tests. Sachant que le 100% scanning a de nombreux détracteurs du fait de ses nombreux inconvénients et effets pervers, nous y reviendrons plus tard. La mise en place de détecteurs de radiations Il s'agit d'un prolongement du texte H.R.1, initiée fin 2006 par le DHS et son homologue chargé de l'énergie et la mise en place de leur Secure Freight Initiative (SFI). Le but de celle-ci est de vérifier à l'étranger que les conteneurs destinés aux Etats-Unis ne contiennent aucune matière radioactive (dans la crainte d'une éventuelle « bombe sale »). Il s'agit d'installer dans les trois ports cités 1 Portée par les Républicains, la loi avait été rejetée une première fois par le Sénat. 34
  • 35. auparavant et trois autres: Port Salalah (Oman), Singapour et le terminal Gamman de Busan (Corée du Sud), des dispositifs de détection encore plus efficaces. Elle va ensuite permettre d'envoyer les informations concernant les conteneurs aux agents des douanes américaines chargés de la protection des frontières installés sur place ainsi qu'au centre national de ciblage du DHS, pour ensuite analyser les risques. Pour cela, la DHS dispose d'un budget de 30 millions de $ pour financer ces équipements, tout comme la National Nuclear Security Agency (NNSA). La SFI est un complément à la Megaports Initiative qui a débuté en 2003 avec la NNSA afin de détecter la présence illicite de matières radioactives dans les marchandises en attente d'embarquement et les bloquer. Ce type de scanners se retrouve également dans d'autres ports (c'est le cas au Mexique car de plus en plus de marchandises à destination des Etats-Unis transitent par ce pays) et à l'initiative des Etats-Unis et/ou d'autres Etats1 . Le Transport Worker Identification Credential (TWIC) Ce dispositif a commencé à se mettre en place en avril 2007 et concerne près de 750 000 personnes aux Etats-Unis: dockers, salariés des autorités et des opérateurs portuaires et chauffeurs routiers. Il s'agit d'empêcher l'intrusion dans les enceintes et terminaux portuaires de personnes non désirées. Le passé judiciaire voire même activiste de chaque personne est examiné par le DHS en vue d'accorder ces autorisations. La suppression des visas sur la base des listes d'équipage (projet sans suites?) Il s'agit d'une proposition du DHS de 2003 qui vise à supprimer la pratique selon laquelle les visas des marins sont délivrés sur la base des listes d'équipage pour les marins embarqués à bord des navires étrangers demandant à entrer dans un port américain. La encore, une telle mesure prise unilatéralement ne serait pas sans poser problème... 1 Voir JMM du 5 janvier 2007 et 27 avril 2007 35
  • 36. SECONDE PARTIE: LES PROBLEMES JURIDIQUES POSES PAR LE TERRORISME ET LA SECURISATION DES MERS Nous verrons ici que la question du terrorisme maritime est venue poser de nouvelles questions juridiques qui ne sont pas encore résolues pour la plupart. A ces problèmes viennent s'ajouter les éventuels effets pervers des mesures de sûreté envisagées précédemment, celles-ci, on le comprend, ne seront pas neutres économiquement. A/ Les nouveaux problèmes juridiques posés par le terrorisme maritime Le terrorisme maritime a un coût, que ce soit à posteriori pour indemniser ses victimes ou à priori en s'assurant afin de se prémunir de tels risques et donc de leurs conséquences. 1. Les problèmes en matière d'assurance maritime L'assurance maritime occupe depuis son origine une place centrale dans le Droit Maritime, elle a toujours cherché à s'adapter à l'évolution des technologies et des risques, ce qui n'a pas toujours été chose aisée. Elle a sans cesse tenté de se prémunir des risques liés à la sûreté des navires. Ce problème d'adaptation est d'ailleurs d'actualité en matière de terrorisme depuis les évènements évoqués précédemment (débutant dans les années 1970-80 mais surtout les attentats du 11 septembre 2001), qui ont suscité de nombreuses interrogations pour ce risque spécifique, rattaché au risque de guerre. 36
  • 37. a) Évolution des polices d'assurance françaises avant 2001 A l'origine, l'ordonnance de la Marine de 1681, le Code de Commerce et les polices d'assurances maritimes ne distinguaient pas les risques de guerre des autres risques. Cela s'expliquait à l'époque selon Lemonnier1 par le fait que: « la guerre était à peu près l'état normal et habituel de l'Europe; la paix formait plutôt l'exception que la règle... les risques de guerre étaient si fréquents et si continuellement mêlés aux risques de paix, que les taux de primes devaient toujours se calculer en considération des uns et des autres ». A la fin du XIXème siècle, le risque de guerre devint un risque exceptionnel et lors de la seconde guerre mondiale, l'Etat devint l'assureur direct des risques de guerre. Les assureurs ont conclu en 1937 le Waterborne Agreement (modifié en 1982), conscients de l'importance de ces risques et du coût difficile à surmonter pour des assureurs privés. Cet accord interdisait l'assurance des risques de guerre pour les marchandises se trouvant hors des véhicules de transport. La loi n°67-522 du 3 juillet 1967 a ensuite érigé cette évolution en principe: « L'assureur ne garantit pas les risques: a) de guerre civile ou étrangère, de mines et de tous engins de guerre; b) de piraterie; c) de capture, prise ou détention par tous Gouvernements ou autorités quelconques; d) d'émeutes, de mouvements populaires, de grèves et de lock-out d'actes de sabotage ou de terrorisme. » L'article L.176-16 du Code des Assurances a repris ces exclusions en y ajoutant le risque atomique2. Avec cette loi du 3 juillet 1967, les assureurs ne couvraient donc pas les actes de terrorisme en dehors de la souscription d'une police « risques de guerre et risques assimilés ». Mais une des composantes de ce risque de guerre, le terrorisme, a subi ensuite une profonde mutation suite à plusieurs incidents majeurs comme nous l'avons vu, et sa spécificité a alors posé le problème de savoir si les textes en vigueur étaient adaptés et si un régime spécifique devait être mis en place. La question a connu de profonds changements mais n'est pas encore résolue pour autant. 1 C. Lemonnier, ''Commentaire sur les principales polices d'assurance maritime usitées en France'' de 1843 2 Qu'il définit comme « les risques dus aux effets directs ou indirects d'explosion, du dégagement de chaleur, d'irradiation provenant de transmutations de noyaux d'atomes ou de la radioactivité, ainsi que les sinistres dus aux effets de radiation provoqués par l'accélération artificielle de particules ». 37
  • 38. En effet, suite aux attentats qui ont frappé la France en 1986, la loi du 9 septembre 19861 fut votée et modifia le Code des assurances. Depuis ce texte, l'article L.126-2, placé dans le Chapitre IV: L'assurance contre les actes de terrorisme, dispose: « Les contrats d'assurance de biens ne peuvent exclure la garantie de l'assureur pour les dommages résultant d'actes de terrorisme ou d'attentats commis sur le territoire national. Toute clause contraire est réputée non écrite ». A l'origine exclus des risques ordinaires s'ils avaient un caractère politique ou rattaché à la guerre, les actes de sabotage et de terrorisme ont donc été pris en compte à partir de cette loi. Cette loi est complétée par l'article R.126-2 du Code des Assurances qui précise que les assureurs ne peuvent stipuler dans leurs contrats de franchise ou de plafond autre que ceux qu'ils prévoient pour les dommages de même nature qui n'auraient pas pour origine un acte de terrorisme ou un attentat et ne peuvent donc pas limiter leurs engagements. Ce texte s'applique à tous les contrats d'assurances de biens, tant terrestres que maritimes, tant aux assurances dommages aux véhicules terrestres, ferroviaires, aériens, maritimes, lacustres et fluviaux qu'aux assurances des marchandises transportées. Il concerne les assurances corps et facultés et est d'ordre public. Cela a d'ailleurs été confirmé par les assureurs dans une « Clause de garantie des dommages et pertes résultant des actes de terrorisme ou d'attentats » du 23 novembre 1989 venue compléter les polices corps ou facultés. Il est précisé que « cette garantie ne pourra intervenir qu'à défaut ou en complément de celle de toute autre police couvrant les mêmes dommages et pertes, notamment dans le cadre des ''conventions spéciales'' concernant les risques de guerre et assimilés ». Concernant la charge de la preuve, c'est à l'assuré qui revendique la garantie de démontrer que le sinistre résulte bien d'un risque couvert. Réciproquement, il appartient à l'assureur qui se prévaut d'une exclusion de la prouver. Quand la cause du dommage est indéterminée, il est présumé résulter d'un événement de mer ou d'un risque autre que la guerre. Avec ce texte, les dommages résultant d'actes de terrorisme sont donc garantis en l'absence de couvertures de risques de guerre mais en complément de celle-ci si elle existe. Mais cette couverture se limite au seul territoire national, défini comme « l'espace sur lequel l'Etat exerce valablement, effectivement et à titre exclusif ses pouvoirs en vue de l'accomplissement de ses fonctions »2. Cela comprend alors le territoire terrestre, la mer territoriale et l'espace aérien au dessus du territoire terrestre et maritime. 1 Loi n°86-1020 JO du 9 septembre 1986 (article 9) et Décret n°88-260 du 18 mars 1988 (article 1er) publié au JO 20 mars 1988, pour son application. 2 Dans une lettre du directeur des assurances au président de la Fédération française de sociétés d'assurances du 21 mai 1988 (RGAT 1988, p879) 38
  • 39. b) Problèmes et limites posés par cette couverture des risques de terrorisme Le premier problème posé par cette extension de la couverture des risques de terrorisme concerne la détermination du caractère politique de l'acte de terrorisme. En effet, si la notion de terrorisme peut être parfois difficile à cerner, se mêlant parfois à la piraterie comme nous l'avons évoqué plus tôt, la motivation peut aussi paraître floue. Les polices parlent de terrorisme lié à la guerre ou à la politique, ce qui inclut les exactions commises au nom de la religion ou de toute autre idéologie. Bien que la majorité des actes de terrorisme et attentats soient revendiqués, ce n'est pas toujours le cas, aussi ce critère de motivation politique peut être inapproprié dans certains cas... Mais c'est surtout le fait que cette couverture légale des risques de terrorisme soit limitée au seul territoire national qui va limiter considérablement sa portée, et donc poser un problème majeur. Cela va en effet restreindre l'intérêt de la disposition puisque la quasi totalité des transports maritimes ayant un caractère international et comme nous l'avons vu les risques d'actes de terrorisme sont plus souvent localisés dans certaines parties du globe que dans les eaux territoriales françaises. Cette mesure est donc bien plus liée à d'autres types d'attentats, qu'a connu la France dans les années 1980 et 1990. Sachant que les navires battant pavillon français ne sont pas des éléments détachés du territoire et ne peuvent pas y être assimilés dès qu'ils se trouvent dans les eaux internationales ou d'un autre Etat, l'article L126-2 du Code des assurances ne s'applique pas. En revanche, la nationalité de l'objet assuré est sans importance et donc un navire battant pavillon étranger pourra bénéficier de cette mesure. c) Une nouvelle série de réformes suite aux attentats du 11 septembre 2001 Ces attentats ont révélé l'urgence de mesures dérogatoires pour les ''grands risques'' selon les assureurs, qui les ont obtenu peu de temps après avec le décret n° 2001-1337 du 28 novembre 2001 définissant les conditions d'assurance des dommages aux biens résultant d'actes de terrorisme ou d'attentats et modifiant le Code des assurances1 . Ce texte autorise les assurés et assureurs à limiter le montant de la garantie attentats à 20% du montant de la garantie des dommages aux biens (valeur corps du navire) avec un minimum de 20 millions d'euros dans le cas de l'assurance corps du navire, 1 JO du 30 décembre 2001, p.21405 39
  • 40. et de 20% de la valeur assurée en matière d'assurance faculté. Cette disposition est précisée par les articles R.126-1 et R.126-2 du Code des assurances. L'obligation de garantie ne concerne ici que les dommages matériels de la chose assurée, couverts de plein droit s'il est prouvé qu'ils résultent d'un acte terroriste. La responsabilité civile est exclue et les assurances de personnes relèvent d'un régime spécial et d'un fonds d'indemnisation (étudié par la suite). Reste que le risque de terrorisme est encore de nos jours difficile à appréhender, en effet avant le 11 septembre 2001 de tels actes visaient des biens publics mais cela n'a pas été le cas cette fois-ci. Ce n'est plus un Etat déterminé qui est visé, le risque est bien plus difficile à localiser. La tarification des risques de guerre était jusqu'il y a quelques années encore établie selon des critères géographiques prenant en compte des conflits existants ou récents ou tout du moins des zones de tensions géographiques. C'est donc tout un système qui a du évoluer car on tient désormais toujours compte de zones géographiques à risques mais beaucoup moins, puisque le risque terroriste est imprévisible par nature. Qui aurait pu dire que la Méditerranée présentait des risques de ce type en 1985 avant l'attaque de l'Achille Lauro. Auparavant, la tarification comportait un taux de base et des surprimes, ces dernières étant plus fortes et variant selon les risques. Il a donc fallu modifier tout ce régime de tarification, revoir la notion de taux de base et rendre plus souple la gestion des surprimes. Les armateurs et transporteurs ne sont donc pas couverts au titre de leur police d'assurance (corps ou faculté), s'ils sont victimes d'un acte terroriste commis hors du territoire national. Il leur faudra donc souscrire une police « risques de guerre et risques assimilés » qui couvre les dommages résultant d'actes de guerre et d'actes de terrorisme, et ce, même hors du territoire national. On fait en effet de plus en plus appel à des des mécanismes spécialisés et plus appropriés de risque de guerre pour exclure les risques de transport de cette obligation d'assurance des risques de terrorisme. Cela s'explique par l'essence internationale de l'activité d'assurance maritime et lui permet de faire face à ces nouvelles menaces. C'est ce que l'on retrouve dans les travaux du Comité Maritime international (CMI) auxquels Messieurs Hübner et Najjar font référence dans leur article paru au Droit Maritime Français « Commission ''Assurances'' du CMI - Perspectives »1 , article qui évoque également la réduction du champ de l'obligation légale d'assurance du risque de terrorisme que nous venons d'étudier. 1 DMF n° 673, 01/09/2006 40