1. Contrôle Budgétaire
Méthode ABC
dans le cas d’un processus industriel de
stérilisation au sein d’un grand hôpital
public
Champemond Olivier
Lombard Guillaume
Fumanal Raphael
Stipal Aymeric
Cotillon Herve
Ardouin Lois
2. Introduction:
Face à l’évolution rapide de leur environnement, les décideurs ont besoin d’un outil
leur permettant d’apprécier en temps réel les effets de leurs décisions sur l'efficience de
l'organisation dont ils sont responsables. La comptabilité et le management par activité
(ABC/ABM) sont des méthodes qui comblent les lacunes de la comptabilité analytique
traditionnelle dans la recherche de la causalité des coûts. Les auteurs présentent ce concept au
travers de l'exemple d'un processus industriel de stérilisation au sein d'un grand hôpital public.
Réduction des dépenses, nouvelles contraintes réglementaires : face à l'évolution
rapide de leur environnement et comme tous décideurs, les responsables hospitaliers sont
conduits à prendre des décisions de plus en plus vite et dont les conséquences budgétaires sont
souvent très importantes. De ce fait, ils ont besoin de prévoir, puis de contrôler les effets de
leurs décisions sur les coûts de revient des prestations hospitalières et de l'organisation mise
en place pour les produire.
ABC/ABM, UNE APPROCHE CENTRÉE SUR LES MÉTIERS
Pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises actuelles et notamment des
prestataires de services, une nouvelle méthode de comptabilité de gestion est apparue aux
Etats-Unis dans les années 80 : la comptabilité par activité dénommée activity based costing.
Comme le nom de cette méthode l'indique, l'unité d'investigation est l'activité. Une activité est
définie comme un ensemble de tâches élémentaires, réalisées par un individu ou un groupe
faisant appel à un savoir-faire spécifique. Les activités sont :
• homogènes du point de vue de leur comportement et de leurs coûts ;
• orientées vers la production d'un résultat (output) à partir d'un panier de ressources
(inputs) ;
• destinées à un client interne ou externe.
Les activités sont organisées en processus, qui constituent le fondement de toute
organisation y compris celle de l'hôpital. Le coût de chaque processus est la somme des coûts
de ses activités (Figure1). L'introduction de la notion d'activité et en particulier d'activité de
soutien (voir plus loin, non représentée dans la Fig. 1) permet de connaître le niveau de
performance économique de l'organisation et réduit de façon drastique l'approximation
habituelle sur l'imputation des charges indirectes.
3. MÉTHODE
Pour illustrer la méthode, nous présentons le travail effectué sur le processus de
stérilisation de l'hôpital de FontPré, un des établissements du Centre intercommunal de
Toulon - La Seyne-sur-Mer dans le Var pour la période comptable de 1997
Choisir les objets de coûts
Un atout original de la méthode ABC consiste à identifier la finalité de chaque activité
: à qui, à quoi cette activité est-elle destinée? Dans le langage d'ABC, on parle des objets de
coût, par exemple : les produits, les services, les clients, les fournisseurs, les marchés, etc.
Lorsque l'étude est à son terme, l'identification de ces objets de coûts peut peser lourd dans les
décisions à prendre. Dans l'exemple présent, le choix n'est pas aussi large, et de toute
évidence, les objets de coût du processus de la stérilisation sont les produits, c'est-à-dire "les
articles stérilisés". Encore faut-il apporter une structuration à ces très nombreux articles.
La réflexion sur le choix des objets de coûts les plus pertinents s'est structurée autour de
quatre préoccupations du pharmacien-chef de service :
Maîtriser et améliorer le processus de stérilisation
La démarche qualité mise en place sur le processus implique une optimisation des
coûts de fonctionnement. Le décideur doit pouvoir connaître les conséquences d'un
changement d'organisation au niveau du processus dans son ensemble mais aussi au niveau de
chacune des activités le constituant. Cela passe par la connaissance du coût de chaque activité.
Cette information, combinée aux résultats opérationnels : productivité, erreurs, retards, pertes,
casse, etc., permet d'apprécier l'efficience du processus.
Définir la politique d'achat de son service
Cela consiste à pouvoir choisir objectivement entre le fait de stériliser soi même et
d'acheter des produits prêts à l'usage, sachant que le choix aura forcément une incidence sur le
taux d'usage des ressources humaines et matérielles.
4. Rater le prix pour la sous-traitance
Face à la multiplication des contraintes réglementaires et à la lourdeur des
investissements, des établissements de soins de plus petite taille souhaitent confier tout ou
partie de leurs travaux de stérilisation à l'hôpital dans le respect de la réglementation en
vigueur'. II faut donc déterminer un prix de facturation
LES OBJETS DE COÛTS POTENTIELS
Les gammes. Une gamme regroupe des produits homogènes quant à leur usage et
surtout quant à leur traitement dans le processus de stérilisation. Le service de stérilisation a
retenu neuf gammes différentes
- L'instrumentation bloc sous container -L'instrumentation sous double emballage
- L'instrumentation sous simple emballage
- Le matériel de ventilation -La biberonnerie
- La verrerie
- Le matériel à lavage manuel -Les textiles
- Les articles à usage torique
Les gammes se sont montrées être les objets de coût les plus adaptés. La connaissance du
coût de revient par gamme va permettre au décideur de définir sa politique d'achat. d'établir
une grille de facturation pour la sous-traitance et d'analyser objectivement les offres des
prestataires privés.
Dans notre cas. il n'est pas nécessaire de rechercher un niveau de détail plus important en
calculant précisément le coût de revient par produit ou par article ; niveau qu'il est toujours
possible d'atteindre par la suite à partir du modèle mis en place. Le choix entre l'article
autoclavable et à usage unique ne concerne pas un produit en particulier mais une ou plusieurs
gammes pour que la décision ait une incidence réelle sur le taux d'usage des ressources
humaines et matérielles.
La méthode ABC/ABM se doit de coller aux besoins du décideur et non l'encombrer avec
des informations qui ne lui sont pas nécessaires
5. Modéliser le processus
La modélisation du processus consiste à en identifier les différentes activités. C'est en
effet au niveau de l'activité que se forment les coûts. Ces derniers dépendent directement de la
façon dont le travail est organisé et de la qualité des résultats obtenus. Ainsi, l'existence de
dysfonctionnements viendra à coup sûr grever le coût de revient de la gamme.
Analyser les propositions concurrentielles
- A l'instar de la sous-traitance par les grands centres hospitaliers, certaines sociétés
envisagent de proposer aux établissements de santé publics et privés de prendre en charge
la stérilisation. Leurs propositions seront-elles vraiment intéressantes ?
- Face à ces préoccupations, quels objets de coût doit-on choisir ? Trois possibilités étaient
offertes.
- Les articles. Ce sont les références de base : un scalpel, une compresse, un biberon, etc.
- • Les produits. Dans la terminologie utilisée par l'établissement : "groupe d'articles
composant un ensemble" (par exemple : plateau de soins). Les articles conditionnés
individuellement, sont eux-mêmes des produits.
6. COÛT PAR UMA
(Unités de Mesure d'Activité)
- Nombre articles décontaminés
- Nombre d'articles réceptionnés
- ,Nombre (articles nettoyés
- Nombre de produits conditionnés
- Nombre de produits stérilisés
- Nombre de produits délivrés
- 'Nombre de m² de surface entretenue
- Effectif managé
Les UMA de l'activité "entretenir surfaces" sont distribuées au prorata de la surface
utilisée par les gammes. Cette surface ne dépend pas du volume de la gamme et son entretien
est le même, que la gamme comporte 600 produits comme la gamme matériel de ventilation
ou qu'elle en comporte 65100 comme la -gamme biberonnerie. Cet entretien est lié aux
exigences des protocoles d'hygiène. A l'extrême, le traitement par le service d'un seul article
nécessiterait l'entretien de toutes les surfaces du service.
Les activités récentes devront être intégrées dans le modèle. Ainsi FUMA choisie pour
l'activité "réaliser des audits internes" est le nombre de procédures contrôlées. Comment les
gammes vont-elle consommer cette activité ? L'activité ne dépendant pas du volume d'articles
ou de produits traités. la répartition des UMA de cette activité se fera proportionnellement au
nombre de gammes concernées par les activités soumises à procédure.
Le coût unitaire par UMA étant connu, le calcul du coût de revient par gamme après
répartition des UMA est une formalité. ABC permet ainsi de bien visualiser l'élaboration
progressive des coûts de chaque gamme.
Ainsi, l'ABC/ABM constitue un outil performant pour piloter les démarches
d'amélioration continue de la qualité, pour faciliter les changements de stratégie et de
comportement dans l'entreprise. Dans le cadre de l'ABM, les démarches qualité prennent enfin
une dimension économique.
7. La gestion par activité paraît avoir un bon avenir tant dans les entreprises que dans les
services publics (hôpitaux dans notre exemple), car elle va dans le sens des préoccupations
actuelles : maîtrise des coûts, de la qualité et des risques.
Ce simple fait justifie amplement le suivi des activités de soutien qu'implique la méthode
ABC, suivi que l'on n'aurait jamais pu réaliser avec une méthode traditionnelle
LES ACTIVITÉS DU PROCESSUS DE STÉRILISATION
Cette prise en compte des activités de soutien est un élément original de la méthode
ABC/ABM. On considère que ces activités sont susceptibles d'être créatrices de valeur
ajoutée pour le client ou l'entreprise et doivent à ce titre, être aussi bien maîtrisées que les
activités principales alors que les méthodes traditionnelles tendent à les imputer en tant que
charges indirectes sans plus d'analyse.
L'identification des activités nécessite une phase d'observation du terrain dont
l'avantage est de rapprocher les contrôleurs de gestion des opérationnels.
Le chef de service, avec son équipe, a identifié les activités représentées ci dessus.
Compte tenu de l'exigence d'homogénéité des activités, nous aurions pu détailler certaines
activités de notre étude telle que "nettoyer articles" « nettoyer en machine et nettoyer à la
main".
Cela aurait nécessité un travail plus important et inutile au regard de nos objectifs. Des
simulations ultérieures nous ont d'ailleurs permis de constater que l'incidence de cette décision
était peu significative en terme de coût.
RÉPARTITION DES UMA ENTRE LES GAMMES
Certains coûts étaient minimisés.
Ainsi, les immobilisations sont valorisées au montant de la dotation de l'exercice
comme l'exige la réglementation comptable. Mais cette pratique diminue le coût de la
stérilisation quand la valeur résiduelle des investissements baisse et interdit ainsi toute
comparaison dans le temps ou avec d'autres établissements.
Enfin, on a pu vérifier que le plan comptable n'est absolument pas formaté pour
l'ABC. Pour cela, chaque opération comptable enregistrée devrait être codée en fonction de
l'activité à laquelle elle correspond afin d'éviter un retraitement ultérieur toujours plus long.
.
Ces opérations de valorisation ont apporté un certain nombre d'informations
complémentaires caractéristiques de la méthode ABC:
Le budget réel du service (5252 kF) est supérieur de presque 16 % au budget figurant
dans le rapport d'activité (4532 kF). Cette différence s'explique par les corrections évoquées
précédemment.
8. Pour les activités principales,les UMA sont affectéesaux gammes selon le nombre
d'articles traités par les activités
Une analyse économique et financière devrait éclairer les choix en matière de stratégie
d'investissement, notamment pour les autoclaves dont les coûts de maintenance sont
importants
presque 26 % du coût de l'activité "stériliser produits"'.
Le calcul met en évidence l'importance de l'activité "conditionner produits". En allant
plus en détail dans la structure des coûts, on constate que le poids des ressources humaines
(très lourd en valeur) n'est pas le seul élément déterminant, puisqu'il ne représente "que" 55 %
alors qu'il pèse 95 % dans l'activité "réceptionner articles". 30 % du coût de l'activité est dû
aux consommables (emballages, etc.). A partir de cela, des actions pourront être menées
relatives à l'ergonomie des postes de travail et à la lutte contre les gaspillages.
Le poids de l'activité "manager" est lui aussi loin d'être négligeable. I1 sera intéressant
de se pencher sur la valeur ajoutée des postes Tableau 4 d'encadrement.
Ces informations seront utilisées par le chef de service pour définir les actions à mettre
en ouvre dans le cadre du management des activités du processus de stérilisation (ABM).
Valoriser les produits
Dans la logique de l'ABC, les produits (dans notre cas les gammes), consomment les
activités. Mais, selon les gammes, cette consommation ne se fait pas toujours de la même
façon. En pratique, il s'agit de déterminer comment les unités de mesure d'activité (UMA)
vont être affectées aux gammes.
L'observation du terrain se révèle une fois de plus décisive ce qui finit de démontrer, si
besoin était, qu'en utilisant l'ABC, on rapproche acteurs et contrôleurs de gestion au bénéfice
d'une information plus fiable.
Pour les activités principales, les UMA sont affectées aux gammes selon le nombre
d'articles ou de produits traités par les activités.
Les UMA de l'activité "manager" sont distribuées selon l'effectif managé. Le temps de
travail consacré aux gammes étant connu, la répartition ne pose pas de problème particulier.
L’erreur à ne pas commettre est une trop forte ventilation des taches, qui peut conduire à une
atrophie des résultats.