Dr MEHRI TURKI IMEN - Traitement du double menton : Une nouvelle technique tu...
Tvp et hiv a kane
1. THROMBOSE VEINEUSE
Maladie thrombo-embolique veineuse
et infection à VIH : étude prospective
à propos de 78 cas colligés à Dakar
Venous thromboembolic disease and HIV
infection: a prospective study about
78 cases collected in Dakar
Ad. KANE, S. PESSINABA, A. SANOGO, M.B. NDIAYE, A. MBAYE, M. BODIAN, M. DIAO,
M. SARR, A. KANE, SA. BA
Contact: Dr Adama Kane Maitre assistant clinique cardiologie CHU Aristide Le Dantec
BP 3001 Dakar
e-mail : damskane@hotmail.com
Résumé
La maladie veineuse thrombo-embolique (MVTE) est
une réalité qui a été longtemps sous évaluée en Afrique
avec une fréquence hospitalière qui varie de 1 à 5%.
Plusieurs études ont montré la relation entre la MVTE et
l’infection par le VIH. Cette première étude au Sénégal
avait pour objectifs de déterminer la prévalence de
l’infection VIH au cours de la MVTE et les caractéristiques
de la MVTE liées au VIH.
Méthodologie : Il s’agit d’une étude descriptive
transversale et prospective qui s’est déroulée d’août 2009
à octobre 2010 dans les services de Cardiologie de l’hôpital
général de Grand Yoff et de l’hôpital Aristide Le Dantec.
Tous les patients atteints de MVTE connus porteur du VIH
ou ayant accepté de faire le test VIH ont été inclus. Nous
avons étudié les aspects épidémiologiques, cliniques,
paracliniques et thérapeutiques.
Résultats : La prévalence de l’infection à VIH était de
10,3% (8 sur 78 cas de MTVE). Le sex ratio était de 0,47.
Sept femmes, soit 13,2 % des femmes étaient porteuses de
VIH. L’âge moyen des séropositifs était de 43±15,15 ans,
avec des extrêmes de 28 et 72 ans. Celui des séronégatifs
était de 46,71±17,55 ans (extrêmes de 19 et 96 ans)
(p=0,62).
Les facteurs de risque de MVTE retrouvés étaient
dominés par les causes gynéco-obstétricales (20,8%),
l’obésité (16,7%), les cardiopathies (10,3%) et la chirurgie
(7,7%). La thrombose veineuse profonde (TVP) isolée était
notée dans 85,9% des cas et l’embolie pulmonaire (EP)
dans 10,3% des cas. L’EP compliquait une TVP dans 3 cas
soit 3,9%. La TVP était extensive 62,5% des cas. Tous les
patients avaient bénéficié d’une anticoagulation. Quatre
patients VIH positifs étaient sous antirétroviraux (ARV)
dont un avait présenté une TVP du membre inférieur et du
membre supérieur homolatéral.
Conclusion : Cette étude montre une prévalence élevée
de l’infection à VIH au cours de la MVTE. Il nécessaire de
poursuite d’autres études pour mieux appréhender les
particularités épidémiologiques et cliniques de la MVTE au
cours de l’infection au VIH au Sénégal.
Mots clés : thrombose veineuse, embolie
pulmonaire, infection à VIH, Dakar
Abstract
Venous thromboembolic disease (VTE) is a reality that
has long been undervalued in Africa with a hospital
frequency that varies from 1 to 5%. Several studies have
shown the relationship between VTE and HIV infection.
This first study in Senegal aimed to determine the
prevalence of HIV infection in the VTE and characteristics
of VTE associated with HIV.
ANGÉIOLOGIE, 2011, VOL. 63, N° 2
1
2. 2
THROMBOSE VEINEUSE
Methodology: This is a descriptive cross-sectional and
prospective study from August 2009 to October 2010 in
the cardiology department of the Grand Yoff General
Hospital and the Aristide Dantec teaching hospital. All
patients with VTE, known HIV or who agreed to be tested
for HIV were included. We studied the epidemiological,
clinical, paraclinical and therapeutic aspects.
Results: The prevalence of HIV infection was 10.3% (8 out
of 78 cases VTE). The sex ratio was 0.47. Seven (13.2%)
of women were infected with HIV. The average age of HIV
was 43 ± 15.15 years, with extremes of 28 and 72 years.
That of the negative was 46.71 ± 17.55 years (range 19 to
96 years) (p = 0.62).
Risk factors for VTE were dominated by the Obstetrical
causes (20.8%), obesity (16.7%), cardiopathy (10.3%) and
surgery (7.7%). The venous thrombosis (DVT) was isolated
in 85.9% of cases and pulmonary embolism (PE) in 10.26%
of cases. The PE complicated DVT in 3 cases ( 3.9%). DVT
was extensively in 62.5% of cases. All patients had
received anticoagulation. Four HIV patients were under
ARVs and one of them had developed DVT of the lower
limb and upper limb ipsilateral.
Conclusion: This study shows a high prevalence of HIV
infection. It is necessary to pursue further studies to better
understand the epidemiological and clinical VTE during
HIV infection in Senegal.
Keywords: venous thrombosis, pulmonary
embolism, infection with HIV, Dakar
Introduction
La maladie veineuse thrombo-embolique (MVTE) est
une réalité qui a été longtemps sous évaluée en Afrique
avec une fréquence hospitalière qui varie de 1 à 5%
[1,2,3]. Avec la disponibilité croissante des outils
diagnostiques comme l’écho Doppler veineux, cette
prévalence ne cesse d’augmenter en Afrique subsaharienne. Plusieurs études ont montré la relation entre
la MVTE et l’infection par le VIH [4,5,6]. Selon les données
du centre national des maladies infectieuses d’Atlanta
(CDC), sur 40.000 patients, l’incidence d’évènements
thrombo-emboliques veineux est de 2,6/1000 patientsannées chez les patients vivant avec le VIH, contre moins
de 1/1000 dans une population comparable en âge et en
sexe [7]. En Afrique où le sida est un fléau majeur de santé
publique, la prévalence de la MVTE devrait être encore plus
élevée. Ainsi, cette première étude au Sénégal avait pour
objectifs de mesurer la prévalence de l’infection VIH au
cours de la MVTE et de déterminer les caractéristiques de
la MVTE liées au VIH.
ANGÉIOLOGIE, 2011, VOL. 63, N° 2
Méthodologie
Il s’agit d’une étude descriptive transversale et
prospective qui s’est déroulée d’août 2009 à octobre 2010
dans les services de Cardiologie de l’hôpital général de
Grand Yoff et de l’hôpital Aristide Le Dantec.
Tous les patients atteints de MVTE connus porteur du
VIH ou ayant accepté de faire le test VIH ont été inclus.
Ont été exclus les patients ayant une suspicion de MVTE
non confirmée par les explorations paracliniques et les
patients dont les le test du VIH n’a pas été fait.
Les paramètres étudiés étaient les données
épidémiologiques (âge, sexe, profession, statut
matrimonial, région de provenance), cliniques et
paracliniques ainsi que les aspects thérapeutiques chez
tous les patients répertoriés.
Les facteurs de risque de MVTE suivants avaient été
recherchés: l’existence d’antécédent de MVTE, de cancer,
de prise d’œstroprogestatifs, de prise ARV, de long voyage
récent (moins d’un mois) durant plus de 6 heures,
d’alitement récent (de moins d’un mois), ainsi que la
notion de chirurgie récente de moins de trois mois.
Les pathologies associées comme l’insuffisance
cardiaque, l’insuffisance respiratoire, le diabète, les
avortements à répétition et les accidents vasculaires
cérébraux, étaient notées.
Les paramètres biologiques étudiés étaient la sérologie
rétrovirale (VIH), la numération formule sanguine (NFS), le
dosage des anticorps antiphospholipides, de
l’antithrombine III, des protéines C et S, le taux de
prothrombine (TP) et l’INR. La sérologie VIH a été positive
sur deux tests ELISA différents positifs ou un test ELISA
positif confirmé par le Western Blot. Le dosage de CD4
n’avait pas été effectué.
L’échoDoppler veineux des membres était réalisé
devant les signes cliniques évocateurs de thrombose
veineuse des membres. Les critères échographiques de
thrombose veineuse étaient constitués par des signes
directs (visualisation directe d’un thrombus endoluminal)
et indirects (incompressibilité avec dilatation veineuse,
stase veineuse d’amont, augmentation du flux des veines
collatérales et modification du flux veineux a partir du
flux basal et par les manœuvres dynamiques).
L’embolie pulmonaire était suspectée devant des signes
cliniques comme une dyspnée et une douleur
basithoracique d’installation brutale, des signes
échocardiographiques et confirmée à l’angioscanner
thoracique.
L’échographie abdominale et pelvienne était parfois
réalisée pour rechercher des signes de compression par
une masse abdominale ou pelvienne.
La saisie a été faite avec les logiciels WORD 2007 et
EXCEL 2007. L’analyse des données a été effectuée avec le
3. THROMBOSE VEINEUSE
logiciel EPI info 6FR. Les tests effectués étaient le test du
Khi² et le test exact de Fisher. Le seuil de significativité
était fixé à 0,05.
Résultats
Nous avons recensé 78 cas de MVTE qui répondaient à
nos critères d’inclusion. La prévalence de l’infection à VIH
était de 10,3% soit 8 cas sur 78 cas de MVTE. La majorité
des patients était de sexe féminin, 53 (67,9%), soit un sex
ratio de 0,47. Sept femmes, soit 13,2 % des femmes
étaient porteuses de VIH (tableau I). La figure 1 montre la
répartition des sujets en fonction de l’âge et de la
sérologie. La tranche d’âge de 20 à 39 ans était la plus
représentée, soit 34 cas (43,6%). L’âge moyen de notre
population était de 46,33±17,27 ans, avec des extrêmes
de 19 et 96 ans. L’âge moyen des séropositifs était de
43±15,15 ans, avec des extrêmes de 28 et 72 ans. Celui
des séronégatifs était de 46,71±17,55 ans (extrêmes de 19
et 96 ans) sans différence statistiquement significative
(p=0,62). Le tableau II montre la répartition des sujets en
fonction de la profession.
Les mariés étaient majoritaires avec 59 patients
(75,6%) dont 4 (6,8%) VIH+ et 55 (93,9%) VIH-. On notait
9 célibataires (1 VIH+), 4 veufs (1 VIH+), 1 divorcé VIH+ et
5 cas (1 VIH+) dont le statut matrimonial n’était précisé.
Les patients provenaient en majorité de Dakar et de sa
banlieue (96,2%).
Les facteurs de risque de MVTE sont représentés dans
le tableau III. L’obésité était présente dans 13 cas, soit
16,7 %. Le diabète non insulinodépendant et la
drépanocytose étaient retrouvés dans 7 cas chacun soit
Tableau I : répartition des sujets en fonction du sexe et de la sérologie.
Sexe
Masculin %
Féminin %
P
VIH positif
4
13,21
0,39
VIH négatif
96
86,79
0,39
Total
100
100
Figure 1 : répartition des sujets en fonction de l’âge et de la sérologie.
ANGÉIOLOGIE, 2011, VOL. 63, N° 2
3
4. 4
THROMBOSE VEINEUSE
Tableau II : Répartition des sujets en fonction de la profession
Séropositifs
Séronégatifs
Effectif
Effectif
Effectif
%
Agent immobilier
0
1
1
1,3
Commerçant
1
6
7
8,3
Economiste
1
2
3
3,9
Elève ou Etudiant
0
3
3
3,9
Enseignant
0
2
2
2,7
Femmes au foyer
3
26
29
37,1
Infirmière ou sage femme
0
2
2
2,6
Ouvriers
0
5
5
6,4
Pharmacien
0
1
1
1,3
Retraité
1
9
10
12,8
Secrétaire
1
4
5
6,4
Vendeur
0
6
6
7,7
Sans profession
1
3
4
5,1
8,9% des cas. Le tabagisme et l’éthylisme étaient présents
respectivement dans 11,5% (9 cas) et 2,6% (2 cas).
La recherche de thrombophilie était positive chez
2 patients dont un cas de déficit en protéine C et protéine
S et un cas de lupus anti coagulant. Le groupe sanguin
Total
0,63
majoritaire était le groupe O (35,4%), suivi du groupe B
(31,3%), du groupe A (27,1%) et du groupe AB (6,3%).
La thrombose veineuse profonde (TVP) isolée était
notée chez 67 patients (soit 85,9% des cas), suivie de
l’embolie pulmonaire (EP) isolée chez 8 patients (soit
Figure 2 : Répartition des thromboses veineuses des membres inférieurs en fonction de l’étage.
ANGÉIOLOGIE, 2011, VOL. 63, N° 2
p
5. THROMBOSE VEINEUSE
10,3% des cas). L’EP compliquait une TVP dans 3 cas soit
3,85%. La majorité des TVP était située à gauche dans
62,5% et à droite dans 31,9% des cas et bilatérale dans
5,6% des cas. La TVP était extensive 62,5% des cas
(figure 2). Les sites veineux les plus fréquemment atteints
étaient la veine fémorale et la veine poplitée dans 33,8%
des cas chacune (tableau IV). L’embolie pulmonaire était
bilatérale dans 90% des cas et concernait l’artère
pulmonaire gauche uniquement dans 10% des cas.
Au plan thérapeutique, tous les patients avaient reçu
de l’énoxaparine. L’acénocoumarol était administré dans
97,4% et la warfarine dans 2,6% des cas. La compression
veineuse était réalisée dans 58,3 % des cas. Sur les 8
patients VIH positifs, 4 étaient sous ARV. Ils avaient tous
en commun la prise de lamivudine (3TC). La nevirapine
(NVP) était prise par 3 des 4 patients, la zidovudine (AZT)
par 3 et le Lopinavir/ritonavir (LPV/r) par 1 patient. Un des
patients sous traitement ARV (3TC et NVP) avait présenté
une thrombose veineuse du membre inférieur associée à
une thrombose du membre supérieur homolatéral.
Le tableau V montre les caractéristiques de la MVTE
chez les sujets VIH+ et les sujets VIH-. La thrombose
Tableau III : Répartition des facteurs de risque de MTEV retrouvé
VIH+ (n=8)
VIH - (n=70)
%
%
N
%
0
5,7
4
5,1
12,5
4,3
4
5,1
25
8,6
8
10,3
12,5
2,9
3
3,9
0
2,9
2
2,6
12,5
17,1
13
16,7
0
14,3
11
20,8
Œstroprogestatifs (n=53)
12,5
12,9
10
18,9
Alitement
37,5
8,6
9
11,5
0
4,3
3
3,9
Intervention chirurgicale
12,5
7,1
6
7,7
Insuffisance veineuse
12,5
1,4
2
2,6
Facteurs de risque de MTEV
Long voyage
Antécédent de MTEV
Cardiopathie
Cancer
Accident vasculaire cérébral
Obésité
Causes obstétricales (n=53)
Plâtre
Total
P
0,86
MTEV : maladie thrombo-embolique veineuse
Tableau IV : Répartition des thromboses veineuses profondes selon la veine atteinte
Territoires veineux
Effectif
%
Veine cave inférieure
1
00,6
Iliaque
19
11,4
Fémorale
54
33,6
Saphène
4
02,5
Poplitée
54
33,8
Tibiale
22
13,8
Soléaire
6
03,8
Humérale
1
00,6
ANGÉIOLOGIE, 2011, VOL. 63, N° 2
5
6. 6
THROMBOSE VEINEUSE
Tableau V : Caractéristiques de la MTEV chez les sujets VIH+ et VIHType de MTEV
VIH positifs
VIH négatifs
p
Effectif
%
Effectif
%
TVP
7
87,5
60
85,7
Embolie pulmonaire
0
0
8
11,4
TVP+EP
1
12,5
2
02,9
0,309
TVP Gauche
3
37,5
42
65,6
0, 12
TVP Droite
4
50
19
29,7
0,25
TVP Bilatérale
1
12,5
3
04,7
0,38
Thrombose veine cave
0
0
1
0,7
Thrombose iliaque
0
0
19
13,2
Thrombose fémorale
8
47,1
46
31,9
Thrombose saphène
0
0
4
02,8
Thrombose poplitée
7
41,2
47
32,6
0,48
Thrombose tibiale
2
11,8
20
13,9
0,89
Thrombose soléaire
0
0
6
04,2
Thrombose humérale
0
0
1
00,7
0,69
0,21
MTEV : maladie thrombo-embolique veineuse ; TVP : thrombose veineuse profonde; EP : embolie pulmonaire.
veineuse profonde était compliquée d’une EP chez 12,5 %
des VIH positifs contre 2,86% des séronégatifs (p=0,309).
Il y avait une prédominance de la localisation gauche chez
les séronégatifs (65,6%) et de la localisation droite chez
les VIH positifs (50%). La majorité des TVP étaient
extensives quel que soit le statut sérologique: 75% chez
les VIH positifs contre 60,9% chez les séronégatifs. Les
veines fémorales étaient les plus touchées aussi bien chez
les patients VIH positifs que chez les séronégatifs avec
47,1% contre 31,94% (p=0,21). L’embolie pulmonaire
bilatérale était retrouvée dans 12,5% chez les porteurs du
VIH et dans 11,4% chez les séronégatifs.
Discussion
Nous avons été confrontés à la réticence des patients à
faire le test de dépistage du VIH. Ce qui explique le
nombre relativement réduit de l’effectif ayant fait le test
du VIH. Le manque de groupe contrôle et l’absence de
dosage de CD4 constituent une limite à notre étude.
Malgré tout, ce travail est le premier du genre au Sénégal
et permet d’avoir des données de base sur l’infection à VIH
et la MVTE.
Les atteintes vasculaires artérielles et veineuses sont
fréquemment rapportées au cours de l’infection par le VIH.
ANGÉIOLOGIE, 2011, VOL. 63, N° 2
Une augmentation d’incidence de la maladie veineuse
thromboembolique (MVTE) chez les patients infectés a été
décrite depuis les années 1990 et serait multipliée par un
facteur 2 à un facteur 10 par rapport à la population
générale [4,5]. La prévalence de l’infection à VIH dans la
MVTE dans notre étude était 10,26%. Les publications
africaines sont disparates et trop peu nombreuses pour
évaluer l’incidence réelle de la MVTE au cours du sida, en
particulier en Afrique Noire où l’infection par le VIH sévit
sur un mode endémique. Cependant Zabsonré et al. [6]
avaient trouvé à Ouagadougou (Burkina Faso) une
séroprévalence d’infection par le VIH de 45 % parmi une
population de 20 patients atteints de thromboses
veineuses.
Au Cameroun, Kingue avait trouvé une prévalence de
11,1% en milieu cardiologique [8]. Toutefois d’autres
études avaient trouvé une prévalence plus faible en
médecine générale : 8,9% pour Casella au Brésil [9].
L’âge moyen de notre population était proche de celui
d’autres études réalisées en Afrique [6,8]. Nos patients VIH
positifs avaient un âge moyen de 43 ans ± 15,15 contre
46,71 ans ± 17,55 chez les VIH négatifs sans différence
significative. Cette moyenne d’âge est plus élevée que
celle de la série de Aima et al [10], où les séropositifs
7. THROMBOSE VEINEUSE
atteints de MVTE avaient un âge moyen de 39 ans avec
des extrêmes de 22 et 67 ans.
La plupart des MVTE décrites au cours de l’infection par
le VIH intéressent les membres inférieurs et l’artère
pulmonaire comme dans notre étude. Cependant des
thromboses veineuses de localisations rares au cours de
l’infection par le VIH ont été décrites dans la littérature.
C’est le cas de thrombose portale [11], de thrombose de la
veine mésentérique et de la veine cérébrale du sinus
longitudinal [12].
Le mécanisme physiopathologique des thromboses au
cours de l’infection par le VIH n’est pas bien élucidé.
Plusieurs causes en sont rapportées comme suit :
– l’alitement prolongé ou l’état marastique des patients
atteints du sida qui pourrait expliquer les thromboses
des membres inférieurs [13] ;
– certaines infections opportunistes, en particulier les
infections par le cytomégalovirus [14] ;
– en cas d’immunodéficience profonde, le VIH lui-même
pourrait avoir un rôle thrombogène par augmentation
du facteur Von Willebrand [15], diminution du taux de
protéine S [16] et C, déficit en antithrombine III et en
deuxième cofacteur de l’héparine [17] ;
– les antirétroviraux, en particulier les antiprotéases qui
pourraient favoriser des thromboses de localisations
aberrantes [13]. Ces anomalies réaliseraient un
ensemble multifactoriel pouvant favoriser la formation
de thromboses veineuses [5,15,16]. Plusieurs cas de
thromboses ont été décrits après prise d’inhibiteur de la
protéase (IP), principalement sous indinavir et à un
degré moindre sous ritonavir [18]. Divers mécanismes
seraient à l’origine de cette thrombose :
l’hypercoagulabilité des IP administrés de façon
prolongée [19], l’interférence des IP dans la régulation
hépatique des protéines de coagulation et en fin, les
perturbations lipidiques consécutives à la prise d’IP [19].
Nous avons récensé un cas de thrombose sous-clavière
gauche, associée à une thrombose homolatérale
fémoro-poplitée chez un patient VIH+ au stade de SIDA
et sous lamivudine (3TC) et nevirapine (NVP).
Selon Laumary, ces anomalies constituent une
condition nécessaire mais non suffisante à la
thrombogenèse [20]. Souvent l’intervention conjointe
d’autres facteurs thrombogènes est invoquée [20]. Nous
avons retrouvé les facteurs de risque de MVTE
classiquement décrits dans la littérature. Du fait de
difficultés financières, seulement six (06) de nos patients
tous séronégatifs avaient bénéficié d’une recherche de
thrombophilie. Elle était positive chez deux patients
(2,56%). Le taux de thrombophilie était de 5,4% dans la
série de Casella [9]. Il existe une relation entre le groupe
sanguin et la MVTE. Le groupe sanguin non-O serait un
facteur de risque de TVP selon la littérature [21]. Nous
avons par contre noté un taux élevé de groupe O comme
certains auteurs [10]. Mais le mécanisme selon lequel le
système ABO intervient dans la maladie thromboembolique n’est encore complètement élucidé.
Conclusion
Cette première étude du genre au Sénégal montre bien
que la réalité de la MVTE dans l’infection par le VIH. Certes
nous n’avons pas trouvé de différence statistiquement
significative entre patients vivant avec le VIH et
séronégatifs concernant la manifestation, la localisation,
l’extension de la MVTE, mais notre prévalence est élevée et
requiert la poursuite d’autres études pour mieux
appréhender les particularités épidémiologiques et
cliniques de la MVTE au cours de l’infection au VIH au
Sénégal.
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