Concentration des médias et crise du journalisme. Le cas de la Grèce
1. Concentration dans les médias
et crise du journalisme.
Le cas de la Grèce
Nikos Smyrnaios
Université de Toulouse
Séminaire organisé par le centre de recherche GRICIS
Concentration des médias, réseaux numériques, pluralisme de l'information et diversité
culturelle
2. De la concentration à la crise du
journalisme
Les médias grecs traversent la pire crise de leur histoire:
- plusieurs milliers d’employés licenciés
- d’autres travaillent sans être payés
- des médias connus (Alter, Eleftherotypia, Imaco)
fermés, en grève ou en faillite
- des grands groupes de presse baissent les salaires
Pourquoi ?
3. Des raisons liées à la crise…
- 25% de la population active au chômage
- 400 000 n’ont pas été payés depuis 3 mois
- Salaire min. 586€/mois brut (1.398 en France)
- Baisse des retraites et augmentation des taxes
Conséquences pour les médias:
- Baisse des dépenses publicitaires globales de 40%
entre 2008 et 2011 (de 2,6Md€ à 1,6Md€)
- Baisse des ventes de journaux de 35% sur la même
période (de 2,1M d’exemplaires à 1,4M)
4. …mais aussi des raisons
particulières.
- un enchevêtrement entre le monde médiatique et le pouvoir
politique
- un développement économique déséquilibré où l’État est
central
- un développement anarchique et « sauvage » des médias
audiovisuels privés
- une econcentration entre les mains de quelques familles
puissantes
5. Un peu d’histoire
Moment décisif: la libéralisation de l’audiovisuel en 1989
Les fréquences de TV sont « données » par le PASOK
aux principaux représentants du capital grec:
- Famille Lambrakis (éditeur, tourisme)
- Famille Bobolas (BTP)
- Famille Vardinogiannis (armateur/pétrolier)
- Famille Kyriakou (armateur)
- Famille Alafouzos (armateur)
- Famille Kontominas (banque/assurance)
6. Une reglementation stricte
mais inapliquée
Loi de 1995
Interdiction de propriété de plus de 2 catégories de médias
Interdiction d’être actionnaire de plus de 2 chaines de TV
Interdiction pour les actionnaires TV de dépasser 25%
Interdiction d’accéder à des contrats publics
Aucune mesure n’est réellement respectée faute de moyens et
de volonté politique + Montages financiers de dissimulation
7. Résultats de cette anomie
généralisée
Pléthore de médias Extrême concentration et
entente entre acteurs
2 fois plus de médias
qu’au Portugal :
150 chaînes TV,
800 radios,
dizaines de quotidiens
nationaux,
une quinzaine des
journaux sportifs.
TV: autorisations
provisoires de 1989
8. Des médias pas tous
rentables mais…
- ils servent à acquérir de l’influence politique et gagner des
marchés publics (ex. Mega channel)
- à faire la promotion d’autres filiales (ex. Alter & Modern
Times)
- à engranger des plus-values boursières (ex. DOL)
- à emprunter auprès des banques peu regardantes (ex. Leo
Burnett & Alter avec 500M€ de dettes)
- à protéger des privilèges (ex. Ant1 & Skai)
9. Des défauts caractérisés
- une poignée d’éditocrates (TV, presse, radio, web) très bien
rémunérés mais souvent compromis
-une majorité des jeunes journalistes surqualifiés, mal payés et
précarisés
-mauvaise qualité: peu de productions originales, JT
polémiques, service public faible
-mauvaise perception de la part du public, manque de confiance
-consommation polarisées socialement
10. L’échec de la loi de
l’actionnaire principal
2004: la droite veut nettoyer « les écuries d’Augias »
Projet de loi de 2005: exclusion des actionnaires de TV (1%) et
de leurs familles des marchés publics
Volonté explicite d’introduire des entreprises étrangères face
aux « champions nationaux »
Problèmes d’application à cause de la complexité des montages
financiers
Rejet de la Commission européenne pour entrave à la libre
entreprise
11. Puis vint la crise…
Eclatement de la bulle économique
Complicité dans le maquillage de la réalité économique du
pays, la corruption, le népotisme
Soutien inconditionnel du Mémorandum d’austérité qui va
jusqu’à la propagande
Objet des critiques virulentes voire violentes
Virement des certains journalistes-vedettes vers le populisme
anti-UE
12. Et maintenant ?
Remise en cause des journalistes
Multiplication d’initiatives indépendantes: magazines, web-
radios, blogs collectifs, documentaires (ex. Debtocracy)
Jonction entre journalistes licenciés ou grévistes, blogueurs,
militants etc.
Un espace public à
la hauteur des enjeux ?