Proposition n°4 intégrer l'observance parmi les critères de fixation du prix des médicaments
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I N T É G R E R L ’O B S E R VA N C E PA R M I L E S C R I T È R E S
D E F I X AT I O N D U P R I X D E S M É D I C A M E N T S
Le modèle français de fixation des prix des produits et presta-
tions des industriels de santé est fondé sur une négociation entre
le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les indus-
triels, à partir d’accords-cadres établis périodiquement entre l’Etat
et l’industrie.
Cette négociation se base sur l’ASMR (amélioration du service
médical rendu) du produit ou de la prestation visée déterminée par
la Haute autorité de santé (HAS). L’ASMR est un critère relatif qui
mesure la valeur ajoutée d’un médicament par rapport à d’autres
à même visée thérapeutique, en termes d’efficacité thérapeutique
et de réduction des effets indésirables. Il répond à la question : le
médicament apporte-t-il un progrès par rapport aux traitements
disponibles ? Si oui, à quelle hauteur ? Il prend en compte la com-
paraison des données d’efficacité et de tolérance par rapport aux
moyens de prise en charge déjà disponibles : médicament de
référence ou meilleures modalités de prise en charge.
L’ASMR est cotée selon cinq niveaux, de I pour les médica-
ments apportant un progrès thérapeutique majeur à V pour
ceux n’apportant pas de progrès, mais pouvant être inscrits au
remboursement s’ils permettent une économie dans les coûts
de traitement.
4proposition
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Le critère d’observance était auparavant intégré dans la grille
d’ASMR, mais il a été supprimé en 2005. Jusqu’à cette date, il
n’était retenu qu’au sein des critères d’ASMR IV (amélioration
mineure en termes d’efficacité et/ou d’utilité). Cette suppression
était censée advenir afin d’étendre la prise en compte du critère de
meilleure observance à l’ensemble des niveaux d’ASMR.
Cependant, près de dix ans plus tard, il n’existe aucun cas, à notre
connaissance, où l’observance ait été effectivement considérée
dans l’amélioration du service médical rendu.
Pourtant, même si les promoteurs des études de phase III des
produits et prestations menées préliminairement aux évaluations
de la HAS et du CEPS cherchent à maximiser l’efficacité et donc
l’observance de la thérapie, il existe des différences constatables
dès avant la vie réelle entre produits comparables. Ainsi, par exem-
ple, une étude dans le domaine du VIH a démontré que la posolo-
gie était directement corrélée avec l’observance : le taux de
patients observants augmente sensiblement quand ils prennent
une seule pilule par jour par rapport à ceux devant en avaler au
moins trois54
(voir schéma page suivante).
C’est ce type de constat empirique qui a conduit en 2010 l’en-
semble des sociétés savantes travaillant sur l’hypertension (la
Société française d’hypertension artérielle, le Comité français de
lutte contre l’hypertension artérielle et la Fondation de recherche
54 - Sax et al., Adherence to antiretroviral treatment and correlation with risk of hospitalization among
commercially insured HIV patients in the United States, 2012
3. C O M PA R A I S O N D U TAU X D E PAT I E N T S AT T E I N T S D U V I H
AV E C U N E O B S E R VA N C E S U P É R I E U R E À 95 %
E N F O N C T I O N D U N O M B R E D E P I LU L E S PA R J O U R
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sur l’hypertension artérielle) à fortement critiquer la décision de la
HAS de ne pas recommander le remboursement d’une polypill
combinant trois antihypertenseurs courants dans une association
fixe55
. Les sociétés savantes regrettaient principalement la non-
prise en compte dans l’avis de la HAS des impacts à anticiper sur
l’observance. Le dialogue entre ces sociétés et la Haute autorité de
santé a conduit celle-ci à introduire un chapitre important sur l’ob-
servance en vie réelle des traitements contre l’hypertension dans
son évaluation médico-économique des traitements antihyperten-
seurs56
. L’évaluation montre une plus forte observance des patients
sous IEC ou sartans que de ceux sous diurétiques. Elle met aussi
en évidence la plus forte observance des patients sous bithérapie
en association fixe par rapport à ceux utilisant deux produits sépa-
rés. Cette analyse ouvre la voie à une meilleure prise en compte
55 - HTA-Info. Lettre de la SFHTA, décembre 2010
56 - Haute autorité de santé, “Evaluation par classe des médicaments antihypertenseurs”. Décembre
2012
1 pilule/jour
47 %
2 pilules/jour
41 %
3 pilules/jour
34 %
+ 34 %
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par la HAS de l’observance des patients, bien qu’en l’espèce elle
n’ait pas encore donné lieu à une recommandation de rembourse-
ment pour une trithérapie dans l’hypertension.
Etabli depuis longtemps dans le cas ud VIH, l’intérêt de privilé-
gier les thérapies favorisant l’observance semble de plus en plus
partagé dans d’autres aires thérapeutiques, aussi bien par les
sociétés savantes et les associations de patients que par la Haute
autorité de santé. Nous proposons donc de rétablir l’observance
comme un critère majeur d’amélioration du service médical rendu
dans la doctrine de la Haute autorité de santé, lorsque le niveau
d’évidence est important dès la primo-évaluation ou sur la base
d’études en vie réelle lors de la réinscription. Cette mesure permet-
trait de dépasser la prise en compte de l’efficacité théorique du
médicament pour mieux valoriser son bon usage, l’apport d’inno-
vations contribuant à une utilisation plus facile des thérapies et à la
limitation des effets secondaires. Elle pourrait trouver un débouché
dans le cadre des réflexions actuelles de la HAS sur la refonte des
critères de SMR et d’ASMR autour d’une grille unique, l’index thé-
rapeutique relatif57
, et dans le cadre des réflexions européennes sur
l’émergence du REA (relative efficacy assessment).
57 - HAS. Rapport d’activité 2011, 2012