5. « Les rouages du monde ne peuvent
être que sphériques ou circulaires,
seules formes géométriques
admissibles pour représenter la
perfection du ciel »
Traité du ciel, Aristote
20. La géométrie était avant la création des choses,
éternelle comme le Divin Esprit,
bien plus, elle est Dieu et c’est elle qui lui a
donné les clefs pour la création du monde.
L’harmonie du monde, 1619, Kepler
21. Les cinq polyèdres réguliers
tétraèdre hexaèdre octaèdre
dodécaèdre icosaèdre
24. Giordano Bruno 1548 - 1600
« Les étoiles sont des soleils comme le nôtre
et il y a une multitude de soleils librement
suspendus dans un espace sans limite,
entourés de planètes comme notre Terre,
peuplés d’êtres vivants. Le Soleil est
seulement une étoile parmi d'autres,
particulière seulement parce que très proche
de nous. Le Soleil n'a pas de position
centrale dans l'infini sans frontière »
27. « Qu’allons nous faire maintenant Signor
Simplicio des étoiles fixes ?
Allons nous les disperser dans les immenses
abîmes de l’Univers à différentes distances
de n’importe quel point déterminé,
ou bien allons nous les situer
sur une même surface sphériquement étendue
autour de son centre,
toutes étant alors à égale distance de ce
centre ?»
Dialogue sur les deux grands systèmes du Monde, Galileo Galilei
Toutes les civilisations ont essayé de construire leur représentation du monde. Le ciel, inaccessible aux hommes jusqu ’au milieu du XX e siècle, fût le plus souvent considéré comme la résidence des dieux donc de l’éternité et de la perfection. L’observation des astres au cours d’une nuit ou au fil des saisons montre que le ciel est un modèle d’organisation et d’harmonie. Dès l’antiquité grecque et le VI e siècle avant notre ère, des philosophes pensent que l’Univers est régi par des lois qui peuvent être comprises et ont un pouvoir prédictif.
Aristote, au IV e siècle avant J.C., décrit les « rouages du monde » dans son traité du ciel.
Il introduit une distinction fondamentale entre le monde sublunaire constitué d ’éléments qui naissent, vivent, vieillissent, meurent et …
… le monde supralunaire, constitué de la substance céleste qui est parfaite et immortelle.
Selon Aristote, ce serait la géométrie qui gouvernerait le monde. Et le cercle étant la figure géométrique la plus parfaite, dans le ciel tout est circulaire.
Cette vision aristotélicienne du monde est toujours bien vivante au moyen-âge : c ’est avec un compas que Dieu créa l’Univers.
Les corps célestes appartiennent donc à des couches sphériques centrées sur la Terre, qui s ’emboîtent parfaitement et dans cet ordre : la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars Jupiter, Saturne. L’univers étant sphérique, il a un centre, et un corps ayant un centre ne peut être infini. Les étoiles fixes sont donc sur la dernière sphère. Le Moyen-âge a ajouté des figures bibliques au delà de la sphère des fixes.
Comme le dit Galilée, ils sont si difformes que non seulement elles vont tantôt plus vite, tantôt plus lentement …
Pour décrire ces mouvements, Ptolémée, mathématicien et astronome d ’Alexandrie au II e siècle de notre ère, introduit les épicycles :
La planète décrit un cercle, l ’épicycle, qui n’est plus centré sur la Terre ; mais c’est le centre de l’épicycle qui est lui animé d’un mouvement circulaire uniforme autour de la Terre. Ptolémée avait découvert avant l’heure l’analyse de Fourier ! Tout en restant en conformité avec les exigences intellectuelles d’une vision géométrique et harmonique du monde, il explique ainsi les mouvements apparents et les éclats variables de ces astres errants, mais au prix d’une construction fort complexe.
Son ouvrage, la Syntaxe Mathématique, un des rares rescapés de la célèbre bibliothèque d ’Alexandrie, a été amélioré et diffusé par les arabes du X e au XII e siècle sous le nom d’Almageste. Il règnera dans la civilisation européenne pendant plus de 14 siècles.
Jusqu ’à ce que Nicolas Copernic, moine et astronome polonais, montre qu’un modèle héliocentrique peut rendre compte beaucoup plus simplement des mouvements et des éclats variables des planètes.
Mais en dehors du déplacement du centre de l ’Univers de la Terre au Soleil, la vision du monde de Nicolas Copernic est très voisine de celle d’Aristote : le ciel est parfait et immuable, les mouvements y sont circulaires, uniformes et éternels. Mais Copernic n’a pas convaincu la totalité de la communauté scientifique de la fin du XVI e siècle.
Un astronome danois, Tycho Brahe, protégé du roi Frédéric du Danemark, se fait construire un observatoire dans l ’île de Vaine et observe à l’œil nu mais avec une précision remarquable les mouvements apparents des planètes. Un modèle héliocentrique et des mouvements circulaires uniformes ne permettent pas d’en rendre compte. Heureusement, en 1600, un an avant sa mort, disgracié par les héritiers du roi, il se trouve à Prague, où il rencontre …
Johannes Kepler, astronome germanique, et lui transmet ses remarquables mesures de position des planètes. Elles permettront à Kepler de montrer …
… que les planètes ont des trajectoires elliptiques dont le Soleil occupe un des foyers, qu ’elles parcourent des aires égales en des temps égaux et que le cube du demi-grand axe de l’orbite est proportionnelle au carré de la période.
Mais comme ses prédécesseurs, d ’Aristote à Copernic, Kepler veut expliquer le monde par la géométrie.
C ’est par la géométrie que Kepler explique le nombre des planètes : il n’existe que 5 polyèdres réguliers (ayant des faces toutes identiques) …
… Et c ’est pour cela qu’il n’existe que 5 planètes.
Comme Aristote, Kepler pense que l ’Univers est fini, mais son argument est beaucoup plus physique : s’il y avait des étoiles jusqu’à l’infini, on en verrait dans n’importe quelle direction et le ciel nocturne serait uniformément lumineux. C’est le paradoxe de la nuit noire qu’Olbers énoncera de nouveau en 1823. Mais tous les savants de l’époque de Kepler ne partagent pas cette opinion comme nous le montre ce dessin de Thomas Digges (mathématicien et astronome anglais 1546-1595),
ou les déclarations « prophétiques » de Giordano Bruno qui lui vaudront le bûcher.
A la même époque, Galilée reste prudent :
Comme nous le montrent ces quelques phrases du « Dialogue sur les deux grands systèmes du monde », Galilée ne prend pas partie sur la finitude du monde.
Fervent défenseur du système héliocentrique de Copernic, Galilée a l ’idée d’utiliser une lunette pour la pointer vers le ciel. Il rend compte de ses observations dans le « messager céleste ».
Il observe les phases de Vénus, identiques aux phases de la Lune, inexplicables par le modèle de Ptolémée et bien expliquées par celui de Copernic.
Il observe aussi quatre petits astres qui tournent autour de Jupiter : Io, Europe, Ganymède et Callisto. Tout ne tourne pas autour de la Terre.
Vus à travers la lunette, les objets célestes semblent moins parfaits qu ’on ne le pensait ; la Lune, constellée de cratères, est selon Galilée, « terreuse ».
Sur la surface du Soleil, loin d ’être immaculée, « on voit apparaître et disparaître des matières denses et obscures qui ressemblent fort aux nuées autour de la Terre ».
Dans la deuxième moitié du XVI e siècle, plusieurs comètes « ont été engendrées et se sont défaites dans des parties du ciel supérieures à l ’orbe lunaire…(dessin ottoman)
Sans compter les deux étoiles nouvelles des années 1572 et 1604 qui étaient situées sans discussion bien plus haut que toutes les planètes .»
Image contemporaine des restes de la supernova de 1572, qui fut visible alors même en plein jour
D ’autres étoiles nouvelles avaient déjà été observées telle la supernova de la nébuleuse du crabe décrite dans les histoires chinoise et des indiens navajos.