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Thanh Dam Truong, Des Gasper, et Jeff Handmaker
Migration, genre, justice sociale et sécurité humaine
Version originale : Migration, Gender, Social Justice and Human Security
Traduction française : Thai Thi Ngoc Du
Note du Centre de recherche Genre et Société:
Le texte que vous trouverez ci-dessous est le chapitre I du livre intitulé « Migration, Gender and
Social Justice- Perspectives on Human Security », édité par Thanh Dam Truong, Des Gasper, et
Jeff Handmaker et Sylvia I. Bergh. Éditions Springer – Open. 2014.
Ce chapitre présente le résumé et le commentaire de tous les chapitres du livre. Nous avons
l’honneur de l’introduire aux lecteurs.
1.1 Contexte du livre
Ce livre examine les relations entre le genre et la migration et leur implication sur les idées de
justice sociale, tant au niveau normatif qu’expérientiel. Il présente un aperçu de l’usage des idées
de sécurité sociale comme un cadre pour attirer l’attention aux préoccupations pour la justice
sociale, y compris des contextes transfrontaliers, et pour la complexité inter sectionnelle de ces
problèmes. L’ouvrage présente une série diverse mais sélective des aspects empiriques,
théoriques et méthodologiques du genre dans la migration à partir des perspectives des pays du
Sud et centrées sur les migrants. Son but est de stimuler débat et discussion parmi des
spécialistes de migration et des professionnels engagés dans la politique relative à la migration,
de rendre possibles des connaissances et d’enrichir les pratiques sur le genre et la justice sociale.
Le point de départ de ce livre est de reconnaître que la pratique de gouverner la migration
comme des flux de population est étroitement liée au renforcement de la nation – État moderne,
aux sciences humaines et à la production de « la connaissance de la population et de l’individu »
(Foucault 2007). De telles pratiques doivent être comprises comme une interface entre le
gouvernement et la société, ou comme Foucault l’a nommée « gouvernementalité » « Truong
2
2009, 2011). Le centre de cette interface est le rôle dominant des formes de connaissance de la
société dans la mise en forme de la régulation des processus sociodémographiques, y compris
des relations de genre, des modes de vie et leurs formes sociales. Ces formes de connaissance ont
crée dans l’histoire des régimes distincts de discipline sur les individus et leurs identités du sujet
(subject identities) et la régulation de soi-même (Foucault 1995).
Une compréhension approfondie du mode de migration contemporain de gouverner la migration
mérite les moyens de dresser différentes formes de connaissance et de rationalité employées par
divers acteurs (États, migrants, réseaux sociaux, agences de recrutement). Chacune de ces formes
peut être exprimée différemment, mais ensemble elles renforcent les relations entre les intérêts
spécifiques et les pouvoirs qui définissent des droits et obligations dans la migration, aussi bien
que l’encadrement du genre comme un ensemble de valeurs qui sont liées à l’identité de
« migrants » en tant que sujets sociaux.
Revisiter la migration et la justice sociale dans le contexte des processus globalisants exige en
premier lieu de défier les formes dominantes de connaissances qui s’opèrent sous la bannière de
la neutralité et qui révèlent les hiérarchies du pouvoir d’interpréter qui nuisent aux principes d’un
monde juste. En second lieu, parce que la notion d’appartenance qui étaye les concepts de
citoyenneté et droits est maintenant polycentrique et fluide en termes sociaux. Cette notion doit
être inscrite dans des pratiques de solidarité centrées sur la société, ces pratiques cherchent à
revendiquer les droits en mettant l’accent sur le caractère de connectivité et d’interdépendance
des droits, plutôt que de les défendre sur la base des hiérarchies conventionnelles (ex : le civil et
le politique sur le socio-économique et le culturel) et de séparer ces droits légaux des
expériences et connaissances des migrants. En conséquence, les stratégies de recherche de justice
sociale pour migrants doivent défier des modes de compréhension hégémonique de la mobilité
humaine produits par des catégorisations légales. De telles catégorisations peuvent être
considérées comme socio politiquement construites et seront contrées par une approche
ascendante de la réalisation des droits. L’hégémonie du genre (qu’elle soit centrée sur l’homme
ou la femme) doit être soumise à l’examen pour apporter l’attention aux confluences des
relations sociales (genre, classe, race, génération) qui façonnent expériences et identités des
migrants dans le sens qu’elles établissent des frontières de leur accès aux droits.
3
Inspiré des idées de l’historienne féministe Joan Scott (1986) , ce livre approche le « genre » à la
fois comme (1) un élément constitutif des relations sociales fondées sur la perception de
différences entre les sexes et (2) un signifiant du pouvoir dans une relation – s’opérant souvent
en conjonction avec d’autres types de relations. Cette définition nous permets d’établir des
intersections de significatifs sous ensembles de relations de pouvoir qui sont spécifiques en
temps, endroits , et leurs formations sociales. De manière spécifique, nous notons que dans un
changeant environnement de contrôle de frontières, les structures de l’État et les connaissances
de la migration (interne et transfrontalière) changent aussi.
Au lieu de chercher des généralisations empiriques sur l’impact de la migration sur les droits des
femmes, ce livre tente une écoute empathique et minutieuse à plusieurs niveaux, en présentant
les résultats de recherche de façon qu’ils apportent un éclairage à une série de significations de la
justice sociale. En positionnant les notions de « citoyenneté » et « genre » dans leurs contextes
et en problématisant leur expression en tant que signifiant du pouvoir relationnel, ce livre tient
compte aussi les diverses façons dont « féminités » et « masculinités » sont construites et
comment elles ont influencé la position des migrants.
Prenant distance du traitement hégémonique du Nord et du Sud comme deux contraires binaires
de pouvoir et de privilège, ce livre adopte une perspective sur l’inégalité et la vulnérabilité
structurelles comme un phénomène généralisé à tous les pays, tant dans le Nord que dans le Sud.
À cet effet, les auteurs ouvrent un espace empirique et théorique pour la réflexion sur et par ces
groupes de migrants (hommes et femmes) trouvés dans des situations de vulnérabilité dans les
hiérarchies de pouvoir social. Plutôt qu’un état d’être fixe, la vulnérabilité peut être comprise
comme un processus de devenir pendant la migration. Comme Munck (2008) a indiqué, adopter
la position des pays du Sud sur la migration en opposition au préjugé des pays du Nord des
discours prédominants est un pas nécessaire pour s’avancer vers une approche holistique et
globale de l’interconnexion des processus de migration et de développement, afin de développer
un paradigme par lequel les processus peuvent être correctement mis en contexte et placés dans
une perspective historique adéquate.
L’interprétation du « Sud » nous a conduits à utiliser le cadre des Nations – Unies de la
« sécurité humaine » (Commission on Human Security 2003) comme un important point de
référence pour examiner la justice sociale dans la migration. La sécurité selon ce cadre signifie
4
l’absence ou l’émancipation de toute menace aux valeurs fondamentales de la dignité humaine
(y compris en particulier la survie physique, le bien – être et le respect de l’identité). Le cadre est
basé sur les normes des droits humains et du développement humain et paie une attention
particulière aux groupes de population définis comme « population en déplacement » qui se
situent entre différentes juridictions et ce qui est rendu vulnérable par des formes de pouvoir
socialement intégrées qui s’opèrent à la fois au niveau d’inter- groupe et au niveau des nations y
compris les relations entre les nations et celles entre citoyens et nation. À l’exception des travaux
réalisés par l’UNESCO (voir Burgess 2007 ; Goucha/ Crowley 2008), la plupart des travaux sur
la sécurité humaine n’ont pas fait justice à la relation entre l’identité subjective et la sécurité
comme elle est vécue.
Bien qu’à maintes occasions l’ONU ait mis l’accent sur la distinction entre la signification de
« sécurité d’État » et celle de « sécurité humaine », en pratique les politiques de sécurisation dans
différentes parties du monde démontrent que l’attention des pratiques appelées « sécurité » ont
glissé de la sécurité des êtres humains à la « sécurité frontalière » (border security) (Truong
2011). Une variété de construits binaires – « légal et illégal », « régulier et irrégulier », « victime
et agent »- ont été utilisés et ceux-ci ont alimenté des sentiments xénophobes et ont rendu
légitimes plus que jamais des strictes pratiques de contrôle et la discipline à l’égard des migrants,
y compris des formes de contrôle extraterritoriales. De la perspective des pays du Sud, la notion
d’indépendance a été généralement assujettie à l’impact de la colonisation et à une définition
artificielle de « nation ». C’est pour cette raison que dans plusieurs cas le dispositif discursif qui
régule la migration ne peut être simplement contrôlé par des modèles de codification
internationaux1. Identifier la divergence entre le normatif et l’expérientiel aide à démontrer les
relations entre les catégories de « sécurité », « genre », et « migration ». Ces catégories sont
historiquement constituées par d’inégales structures politiques, économiques et sociales. De
nouvelles façons de réaliser les droits (par des transformations qualitatives dans les relations
avec, et entre la population, et entre la bureaucratie et l’état) sont crucialement nécessaires.
Le chapitre d’introduction présente un aperçu sur le fait comment les différentes compréhensions
du genre ont influencé la recherche sur la migration et prennent en considération les valeurs pour
1 Régulier versus irrégulier ; légal versus illégal ;migrants économiques versus chercheurd’asile ; travailleurs
qualifiés en tant que sujets dans le commerce et les services versus travailleurs migrants en tant que sujets du
contrôle d’immigration ; traite humaine (human trafficking ) versus trafic de personnes (human smuggling).
5
une politique de différentes perspectives, particulièrement quand elles sont vues à partir de la
perspective des expériences des migrants sur la sécurité humaine. La section 1.2 présente le
contexte théorique dans lequel la recherche de genre sur la migration est née et les diverses
façons dont les sens du terme « genre » ont été utilisés, aussi bien que les défauts et potentiel
explicatif de ces sens. Les formes genrées d’engagement avec le pouvoir doivent être analysées
en termes contextuels, en fonction des discours et pratiques de la migration et la sécurité dans
des endroits spécifiques. Finalement, la section 1.3 présente un aperçu détaillé des chapitres du
livre et des études qu’ils élaborent ensemble.
1.2 Concepts et objectifs
Dominés pendant longtemps par une approche centrée sur l’État, des modèles d’analyse de la
migration tendaient à favoriser les intérêts de l’État aux dépens de la population. Dans les
récentes décennies, de nouvelles formes d’analyse ont été élaborées et de nouveaux espaces
théoriques et empiriques ont été ouverts pour présenter plusieurs niveaux du phénomène de
migration. À côté des analyses qui traitent la mobilité des gens comme des flux sans visage ni
endroit, un large éventail de perspectives existent à présent et elles s’efforcent d’identifier des
domaines institutionnels spécifiques où des relations causales spécifiques qui sous-tendent
certains types de flux et leurs conséquences humaines peuvent êtres situées et expliquées.
En général, différentes conceptualisations de la migration peuvent être différenciées comme
suit : 1) la migration comme un aspect intégral des changements – macro ( sociodémographique,
économique, culturel et politique) dans la longue durée (Braudel 1972 ; Castles / Miller 2003 ;
Hatton / Williamson 2006 ; McKeown 2004 ; Hoerder 2002) ; 2) la migration comme un
phénomène limité dans le temps et l’espace et structuré par les interactions entre les institutions
ayant des liens avec la migration et les acteurs collectifs (famille, marchés du travail, agences de
recrutement et d’emploi, organisations de migrants) (Brettell / Hollifield 2000 ; Faist 2000 ;
Faist/Özveren 2004 ; 3) Les politiques et pratiques de la migration limitées par la philosophie de
l’État –nation, l’opinion publique, et les politiques des droits et identités de migrants
(Thränhardt/Bommes 2008).
Ainsi, la recherche sur la migration peut être considérée comme sujet à deux points de vues
ontologiques différents, statique et interactif. Le premier point de vue limite la formation des
6
systèmes de migration aux aspects essentiellement économiques (ressources, population,
échanges), tandis que le second prend une approche plus ouverte de l’exploration des
dynamiques interactives capables de libérer des possibilités non accomplies et des pouvoirs non
exercés au sein des structures existantes, et les conditions dans lesquelles ces éléments
produisent des systèmes de migration juridiquement et socialement imprévus, par exemple ceux
formés par la confluence des pratiques de traite et de trafic des personnes (Kyle / Koslowski
2011 ; Truong 2008).
La recherche féministe de la migration s’est livrée au pouvoir cognitif qui est intégré dans des
modes de pensée sur le « genre », la mobilité humaine, et la migration. Le défi clé était de
montrer comment ces modes informent réellement la recherche et façonnent les résultats, y
compris comment les différentes façons de comprendre le genre influencent le choix de sites
d’enquête et de méthodes (Mahler / Pressar 2006 ; Silvey 2004a, 2004b). Une question frappante
est l’apparition du terme « féminisation de la migration » et son usage courant dans les deux
dernières décennies. Bien que son usage soit courant, ce terme à ce jour ne fait référence qu’aux
statistiques de la proportion croissante de femmes dans divers flux de migration (interne,
transfrontalière, Sud-Nord et Sud-Sud). Autrement dit, le terme transmet une représentation de la
réalité empirique de la migration sur la base d’une distinction normative entre migrants et
migrantes. Cependant, les preuves montrent que le terme peut être élargi pour couvrir aussi la
codification discursive du genre dans : a/ les régimes de migration qui portent et/ou promeuvent
des valeurs, normes et caractéristiques genrées distinctes, et b/les formes genrées de la
subjectivité et l’organisation qui sont nées de la promulgation de ces régimes. C’est pourquoi,
interroger pourquoi les relations de genre sont construites telles qu’elles sont pendant le
processus de migration, et déchiffrer la logique de leur opération et transformation, peuvent
ouvrir un nouveau espace de dialogue sur les relations entre migration et genre et les
implications dans les débats sur les droits et la sécurité humaine des migrants.
1.2.1 De la migration internationale à la mobilité transnationale
La recherche sur la migration a été traditionnellement influencée par un double préjugé
méthodologique hérité de la sociologie positiviste et ses orientations épistémologiques. Jusqu’à
récemment, ce préjugé traitait l’État – nation et l’individu coMme relativement des unités
d’analyse fixes et formaient une large base d’explications théoriques des modèles contemporains
7
de mouvements internes et transfrontaliers. (Wimmers/Glick-Chiller 2002). Le centre d’intérêt
des études de migration étaient le contrôle des stocks et flux de migrants, et ensuite il a été
étendu aux modes de remise d’argent et leur capacité d’assimilation et d’intégration sociale à la
société d’accueil. Les réfugiés étaient traités comme une catégorie séparée, par différentes
procédures de détermination et classification du statut, ainsi a été établi le domaine des études
de réfugiés comme une entité distincte. Dans l’ensemble, la recherche de la migration est menée
par les préoccupations de la politique, elle est souvent structurée par les idées concernant ce qui
doit être plutôt que ce qui se produit réellement. Les hypothèses qui sont déconnectées des
sociétés de migration peuvent cacher d’importants aspects des transformations sociales en cours.
L’intensification de divers flux migratoires depuis les années 1990 suite à la chute du Mur de
Berlin et aux processus de libéralisation économique au niveau mondial a soulevé des défis
énormes pour les décideurs politique et les chercheurs. Particulièrement, la transformation de
l’État de « dirigé par la société » à « dirigé par le marché », couplée avec la montée des théories
de réseaux sociaux et celles de la société post-industrielle dirigée par l’information, a révélé les
limites de l’hypothèse qui stipule que l’individu et l’État – nation sont des entités relativement
statiques.
L’approche « transnationale » de la migration fournit une perspective alternative qui voit la
montée des acteurs non-étatiques dans les processus de mondialisation comme une force capable
de réduire le pouvoir des états pour assumer un rôle grandissant dans la modélisation de la
migration ; par voie de conséquences, ces acteurs non – étatiques deviennent aussi capables de
changer certaines caractéristiques des sociétés d’origine et de destination(Smit/ Guarnizo 1999).
Les théories de réseaux sociaux, appliquées aux études sur les acteurs non-étatiques, dirigent
l’attention analytique aux interactions entre les niveaux micro, méso et macro, et voit la prise de
décision des migrants individuels comme inséparable des influences à plusieurs niveaux (famille,
groupes sociaux informels, organisations formelles et communauté, et quelques fois l’État-
nation).
Aujourd’hui, les dimensions omises par l’approche classique des études de migration sont mises
en évidence et intégrées dans l’analyse de la migration transnationale comme un aspect de la
formation de l’identité au sein d’une pluralité des mondes de vie des migrants qui relie la région /
le pays d’origine et de destination (Basch / Schiller / Szanton –Blanc 1994). Les flux de valeurs
8
et d’idées jouent un rôle central dans la formation des modèles de migration ; les différences de
revenus ne sont pas les seuls déterminants. Portes et Sensenbrenner (1993) ont démontré
« l’intégration sociale » des chaînes de migration et ont orienté les chercheurs à explorer
comment la migration est arbitrée par les structures locales de pouvoir et de réseaux sociaux aux
deux bouts à la fois d’émission et de réception.
Les caractéristiques « circulaire et cumulative » de ces chaînes ont été notées, particulièrement
leur degré de dépendance sur les voies établies par les migrants précédents (Massey /Arango /
Hugo /Kouaouci / Pellegrino/ Taylor 2005). Par ailleurs, les interactions entre les normes
politiques et la capacité d’action des migrants peuvent changer l’opinion publique et de cette
manière influencent et changent les pratiques de l’État dans la gestion de la migration (Maas
/Truong 2011 ; Irudaya Rajan /Varghese 2010).
Revenons à la littérature qui traite spécifiquement les relations entre la migration et le
développement, De Haas (2010) a montré que plusieurs des changements discursifs dans les
débats sue la migration et le développement peuvent être réellement vus comme une partie des
changements de paradigme plus généraux dans la théorie sociale et de développement. En outre,
compte tenu des preuves empiriques hétérogènes concernant l’impact que la migration exerce sur
le développement, la prudence est requise contre les positions dirigées par l’idéologie. Il y a
maintenant un certain degré de consensus sur le monde social et politique de la migration qui est
constitué par des relations de pouvoir qui relient les régions et pays d’origine et d’accueil. Des
explications détaillées de ces relations varient encore selon l’accent mis sur différents types de
pouvoir, mais en général la migration (interne et transfrontalière) est acceptée comme une partie
des transformations sociales qui se produisent à de différents niveaux. La recherche sur la
migration s’est maintenant avancée au-delà la vision des flux entre des milieux fondamentaux
(famille, marché du travail, et l’État – nation) pour couvrir aussi des processus englobant des
réseaux de relations qui changent constamment et affectent des migrants individuels et sont à
leur tour affectés par leurs actions. Ceci a fourni de nouveaux espaces empiriques et théoriques à
l’analyse du genre dans la recherche de la migration.
1.2.2 Égalité des genres et droits des femmes dans la migration : Installer le pouvoir de
renonciation
9
L’encadrement des droits des femmes dans la migration depuis la perspective des pays du Sud
provient du travail pionnier d’Ester Boserup (1970) sur les femmes dans le processus de
transition démographique et de développement économique. Les femmes sont apparues dans ses
œuvres à la fois en tant qu’acteurs dans la migration et en tant que porteurs des conséquences de
la migration des hommes. Ses œuvres ont joué un rôle proéminent dans les campagnes menées
par l’ONU durant la décennie 1970 pour défendre les droits des femmes dans le processus de
développement et ont contribué à l’encadrement du débat politique sur les droits des femmes en
termes d’accès aux ressources dans des pays classés comme « sous-développés » (Tinker 2006).
Depuis, la recherche de la migration inclut les femmes comme une catégorie et a généré un
corpus de connaissances qui réfute le point de vue qui considère toujours l’homme migrant
comme chef de la famille, et en revanche, il regarde les femmes comme personnes avec leurs
propres droits, qu’elles soient migrantes ou restent en arrière2. Plus de trois décennies de
recherche sur les femmes comme sujets de la migration ont généré une forte critique des théories
de la migration. La recherche féministe commence souvent avec une perspective sur les vies
sociales et utilise une pluralité de méthodologies, comprenant les approches historiques,
narratives et d’étude de cas. Même ceux qui sont préoccupés par l’analyse statistique se servent
de ces perspectives pour défier les représentations dominantes.
En adoptant l’approche de Boserup, la recherche qui , au début, incluait les femmes dans des
modèles d’analyse dominants de migration a commencé de critiquer des indicateurs
démographiques et socio-économiques générés par l’État car ceux-ci présentent une « vue d’en
haut » qui décrit les hommes comme sujets principaux. Le chapitre 7 de Mazumdar et Agnihotri
fournit un exemple fort de telle critique. Quand les femmes étaient incluses, leur statut marital
était le modèle principal utilisé pour déduire leurs motivations3. La recherche paie peu
d’attention aux structures inégales de pouvoir qui gouvernent leurs activités dans la migration
2 Ceci a des conséquences surles existants standards de mesure centrés surles hommes pour les coûts et bénéfices
de la migration (emploi défini comme activité économique payée ; gains et risques définis en termes monétaires ;
remises et leur impact définis en termes monétaires et d’investissement ; utilisation des remises pour l’éducation, la
santé,et la nourriture classée comme utilisation non productive ; ect.)
3 Par exemple, Thadani et Todaro (1984) ont introduit une typologie de femmes migrantes qui manquaient dans des
analyses précédentes,elles sont : (a)femmes mariées migrantes à la recherche d’un emploi (b) femmes non mariées
migrantes à la recherche d’un emploi (c) femmes non mariées migrantes pour des raisons de mariage, et (d)femmes
mariées engagées dans la migration collective sans motif de recherche d’un emploi. La conceptualisation de la
migration des femmes reste largement influencée par le point de vue de la famille hétérosexuelle dominée par
l’homme en tant qu’une institution.
10
comme un processus global qui relie les deux bouts d’origine et d’accueil, et de ce fait c’est le
silence sur les migrants en tant que sujets individuels des droits.
Le volume de Phizacklea (1983) était centré sur les pays européens et examinait la place des
femmes migrantes dans le marché du travail, la division du travail selon le sexe dans les usines,
la discrimination à l’égard de la seconde génération de femmes migrantes sur le lieu de travail, et
le travail à domicile comme une forme généralisée d’emploi payé à la pièce pour les femmes
migrantes. Des études sur l'identité politique et culturelle ont exploré comment les deuxièmes et
troisièmes générations de femmes migrantes continuent à faire face aux frontières de leur
appartenance établies par les sociétés de leur résidence, et ces études ont présenté les liens entre
genre, race et classe dans la construction sociale de la "nation" en tant que "communauté"
(Anthias/Yuval Davis 1992). En présentant la notion moderne de la "nation" comme un faux
construit, ce travail dirige la recherche vers l‘exploration des hiérarchies sociales caractéristiques
(genre, race, classe). L’intersection de ces hiérarchies dans les sociétés de population blanche
délimite les frontières de l’espace réservé aux femmes de couleur ( qui sont considérées comme
migrantes de différentes générations) pour articuler leurs expériences de discrimination et du
non-appartenance (Carby 1999 ; Creenshaw 1991 ;Collins 1986 ; 1990). Ces études sont parmi
les premières qui résistent aux notions libérales de droits des femmes et « l’émancipation », et
qui se tournent aux problèmes de représentation culturelle comme une obstruction sur un terrain
de lutte pour des droits économiques, politiques et sociaux.
Revenons à la littérature qui abordent les liens entre migration, genre et développement, Sassen-
Koob (1984) a remarqué que la production orientée vers l’exportation et la migration
internationale des femmes depuis la décennie 1970 ont évolué vers des mécanismes qui
incorporent les femmes du Sud au travail salarié dans et pour les pays du Nord. Les femmes
migrantes ont rempli les demandes croissantes de main-d’œuvre du secteur des services urbains
dans des régions métropolitaines qui ont acquis un rôle mondial (Sassen-Koob 1984b). La
recherche qui intègre le foyer comme une sphère d’analyse pour expliquer la prise de décision et
la distribution des ressources a examiné les liens entre la migration rurale – urbaine et la
pauvreté. De telles études ont démontré les motivations genrées pour la migration et son impact
et comment les relations de genre et de classe au sein de la famille et de la communauté ont
structuré les processus de migration (Phongpaichit 1982 ; Chang 1988 ; Wright 1995). Le travail
de Phongpaichit sur la migration des jeunes femmes des régions rurales de la Thaïlande à
11
Bangkok pour travailler comme masseuses a démontré l’aspect genré des relations urbaines –
rurales. Bien qu’elle examine la migration comme le résultat des décisions individuelles, elle a
aussi démontré ses liens avec la responsabilité des femmes en tant que filles de la famille. Leur
remise d’argent soutient non seulement leur famille à la campagne mais aussi les pratiques
culturelles au niveau de la communauté par exemple le maintien des temples ou les cérémonies
du village. À partir de cette perspective, la migration des femmes peut être considérée comme
partie intégrale du processus intergénérationnel de la reproduction sociale et culturelle et comme
le reflet de la nature relationnelle de la femme en tant qu’actrice dynamique.
L’explication de la différence genrée des motivations de la migration entre l’homme et la femme
demande de comprendre la différence des genres dans la famille comme un lieu de pouvoir où
plusieurs activités et intérêts peuvent être considérés comme des conflits coopératifs (Sen 1990)
et où le genre en tant qu’hégémonie culturelle influence fort les comportements et protège la
légitimité des normes du genre (Kabeer 2000 ; Silvey 2004a, 2004b). Ces idées mettent l’accent
sur la nature contextuel du « genre » comme des relations de pouvoir au sein de la famille qui
définit les dispositions culturelles des acteurs et leur dérivé pouvoir de négociation. Le marché
du travail, les réseaux sociaux, la politique nationale et la législation jouent aussi un rôle
important et rend légitime la motivation de migrer (Silvey 2007).
Dans la migration, les stratégies d’égalité des genres qui utilisent une catégorie universelle de
« femmes » comme sujets des droits sans une perspective complémentaire de l’intégration
sociale des relations de genre ont rencontré beaucoup de difficultés concernant le pouvoir de
l’État et l’éthique du genre qui peut fonctionner comme une épée à double tranchant. D’un côté,
cette éthique peut être utilisée pour définir le droit des femmes de migrer pour chercher du
travail, et elle impose des restrictions à leur mobilité en s’appuyant sur la responsabilité de l’État
de « protéger » les femmes et dans une certaine mesure de les traiter comme des enfants. (Kapur
2010). D’un autre côté, elle peut encourager la migration des femmes à rejoindre la force de
travail mondiale, souvent dans le secteur informel tel que le travail domestique ou de
divertissement où elles sont exclues de la protection civile, sociale et politique en tant que
travailleurs.
1.2.3 Genre en tant que structure sociale et processus de structurer
Le corpus de connaissances dans la recherche féministe qui traite le « genre » comme une
propriété de l’État, de l’économie et des institutions sociales a mis en évidence l’importance de
12
la reproduction sociale, ignorée des théories dominantes. Établir des points de vue à partir des
perspectives féministes sur l’économie politique, Truong (1996 ; 2003 ; 2006) postule que
l’apparition de la migration transfrontalière des femmes comme domestiques ou travailleuses du
sexe constitue un transfert du travail de reproduction et du sexe d’un groupe et d’un pays à un
autre. Parrenas (2000) a élargi cette idée et élabore le concept de « division internationale du
travail de reproduction » pour couvrir le transfert des devoirs de soins entre trois groupes de
femmes : les femmes employeuses dans les pays d’accueil, les travailleuses migrantes, et les
femmes qui, dans les pays d’origine, prennent soin de ceux qui y restent. Cette forme d’analyse a
montré les chaînes des externalités négatives par lesquelles un renforcement des prestations de
soins par voie d’importation de main-d’œuvre dans certains pays peuvent aboutir à une négation
de droit aux soins des personnes qui restent en arrière.
Les chaînes de migration contemporaines de ce côté « intime » fonctionne au sein d’un système à
deux niveaux. Niveau (1) s’articule autour du secteur des soins au sein duquel les chaînes ont été
formées par une combinaison de facteurs macro et institutionnels. Ces chaînes comprennent le
manque de soins causé par le vieillissement de la population dans les pays industrialisés, les
réformes structurelles qui affectent négativement la qualité de la couverture de sécurité sociale,
et la croissance de la participation des femmes dans la force de travail sans être accompagnée
d’une croissance correspondante de la participation des hommes aux travaux domestiques en
termes de niveau et d’intensité. Niveau (2) comprend le secteur commercial du sexe qui a évolué
avec différents jeux de dynamismes. Ceci s’est produit à cause de la croissance du tourisme
dirigée par le désir de gagner des revenus par les échanges internationaux, combiné avec la
volonté politique d’autoriser des services commerciaux du sexe à devenir une activité auxiliaire
du tourisme (Truong 1990 ; Moon 1997).
Par le traitement des mouvements dans les secteurs des soins et du sexe comme partie intégrale
des plus amples transformations dans les sociétés d’origine et d’accueil, un nouveau espace s’est
ouvert à la réflexion théorique sur l’hégémonie du genre (en faveur des hommes) dans les cadres
légaux et politiques qui anéantissent le côté de reproduction des sociétés et des économies par
l’exclusion du travail domestique et des services commerciaux du sexe en tant que catégories de
la classification des occupations (Ehrenreich/Hochschild 2002 ; Yeates 2010). Cette oblitération
a produit des environnements politique et social ambigus qui ont rendu possible la formation de
13
distincts réseaux et des parcours de mouvements transfrontaliers des femmes à la recherche de
l’emploi dans les secteurs de soins et du sexe (Tyner 2004 ; Oishi 2005).
Les chaînes de migration dans les secteurs de soins et des services commerciaux du sexe montre
comment une division du travail selon le genre est une institution déterminée par le pouvoir, et
comment nous devons traiter les genre comme une structure sociale résistante. Ce pouvoir vient
des pratiques répétitives des individus et groupes à la notion qui considère l’ordre asymétrique
du genre comme « naturel », et de la négligence du côté de reproduction de l’économie. Les
chapitres suivants de ce livre vont illustrer cette constatation en détails – par exemple dans le
travail de Kusakabe et Pearson (chapitre 4) ; Duong, Truong et Khuat (chapitre 5) ; Haile and
Siegmann (chapitre 6) ; Serrano Oswald (chapitre 9) ; Truong, Marin et Quesada – Bondad
(chapitre 12). Cette négligence de la reproduction sociale produit une compréhension
hégémonique de la loi et la moralité publique sur le soin comme un devoir moral et le sexe
comme un aspect intime, qui refuse de reconnaître que la libéralisation de l’économie et
l’élargissement des relations du marché peuvent libérer un espace moral pour les services des
soins et du sexe pour qu’ils deviennent incorporés dans les relations du travail (semi-industriel).
Des liens grandissants entre différents systèmes nationaux de reproduction sociale, maintenant
couvrant la plupart des régions et pays, sont en formation, et indiquent la formation d’une
nouvelle classe de femmes basée sur leur identité (femme), leur travail (aide domestique,
travailleuse du sexe, bru étrangère), et leur statut non reconnu par la loi de la migration (Truong
1996 ; Chin 1998 ; Kojima 2001 ; Cheah 2009 ; Augustin 2003). L’espace socio-légal par lequel
ces mouvements migratoires ont lieu est ambigu et par conséquent les abus sont fréquents et
souvent sans réparation. Les politiques derrière les constructions discursives du genre, et des
aptitudes, travail et législations concernant les droits sont devenus d’importants domaines de la
recherche théorique et empirique concernant l’autonomie des femmes dans la migration.
Par l’intégration des perspectives aux niveaux macro, méso et micro, la recherche du genre dans
la migration a produit de nouvelles perspectives sur (1) comment les systèmes de migration ont
évolué à partir des interactions genrées entre la réglementation et les actions de tous ceux qui
sont impliqués : migrants, employeurs, réseaux sociaux, organisations civiques, agents
d’application de la loi ; (2) comment les inégalités croisées qui façonnent les actions de
recherche de la sécurité des groupes particuliers de migrants posent de nouveaux défis aux
14
actions de recherche de la justice. Nous allons voir ceci en détails dans les chapitres qui suivent.
Le genre est maintenant étudiée comme une matrice des relations de pouvoir qui fonctionnent à
des niveaux multiples : 1) comme une structure résistante qui est exprimée à travers les diverses
significations d’être masculin et féminin qui sont intégrées dans les valeurs de l’État ; 2) comme
un ensemble de relations qui ont organisé la reproduction culturelle et sociale de la société ; et 3)
comme la formation des identités et la définition des positions du sujet dans un ordre social
donné.
Un point clé de discussion est si l’encadrement contemporain à dominante économique de la
migration, et la diffusion des pratiques de gestion la concernant contient des potentiels
émancipateurs pour les migrants marginalisés, ou si ces éléments sont devenus un autre appareil
de pouvoir qui a créé de nouvelles catégories de sujets mobiles basés sur le genre dont les
identités restent éloignées du cadre des droits humains basés sur la citoyenneté considérées
comme le principal critère d’appartenance. Ceci a abouti à l’exploration de la construction
sociale de la féminité et la masculinité dans la migration. Maintenant, un petit corpus de
littérature a été conçu sur le fait comment la migration transnationale a aussi un impact sur les
identités, normes, et conventions masculines, et comment les hommes négocient et
reconstruisent leurs identités quand ils se heurtent aux différents régimes de genre, comment ils
rationalisent leur expérience de discrimination raciale, et trouvent de nouvelles lignes de
différenciation entre les groupes (Datta / Mcllwaine / Herbert / Evans / May / Will 2008).
Plusieurs chapitres de ce volume contribuent à ces thèmes, y compris les études de Haile et
Siegmann (chapitre 6), Sinatti (chapitre 11) et Huijsmans (chapitre 20).
L’emploi du terme « genre » comme un dispositif heuristique dans plusieurs interfaces
disciplinaires (économie politique, droit, sociologie, et anthropologie) des études de migration
suggère que des traitements satisfaisants des relations entre le genre et les droits humains exigent
des idées et optiques de multiples sortes. L’aspiration à un monde d’égalité des genres ne peut
éviter d’employer la vigilance épistémique pour discerner où et quelle idée sur le « genre » est
valide et comment les préjugés injustifiables peuvent être corrigées. Au-delà des attributs
sociaux individuels, la lutte pour l’égalité des genres comporte de différentes expressions en
géographie, histoire et culture.
15
1.2.4 De la citoyenneté et la limitation légale à la reconnaissance des échelles multiples de
la justice sociale
Un héritage du siècle des Lumières dans l’histoire et la philosophie européenne, le concept de
citoyenneté incarne l’orientation épistémologique qui a été discuté plus haut : l’accent est mis sur
l’individu à l’intérieur des frontières nationales et sur la définition des termes et conditions et des
bénéfices de l’adhésion à une telle communauté politique. Bien que l’adhésion à une telle
communauté sur la base des notions idéalisées et parfois libérales des droits égaux pour
l’individu garantissent rarement la justice sociale, cette adhésion formelle reste une base
indispensable de la lutte pour la réalisation des droits pour les migrants internes et
internationaux, hommes, femmes et enfants.
Jusqu’à très récemment, les relations entre la citoyenneté et la migration ont été débattues
principalement à partir de la perspective des pays d’accueil en utilisant une variété d’approches
pour présenter les droits des « étrangers » dans un cadre de cercles d’appartenance
concentriques. Au centre de ces cercles, les droits obtenus via jus soli (droit du sol) ou jus
sanguinis (droit du sang) définissent les références de la nationalité. Dans des cercles extérieures,
d’autres principes légaux qui définissent les critères d’appartenance – pour les migrants,
résidents étrangers, ou visiteurs temporaires- varient en fonction des histoires particulières, des
préoccupations démographiques et surtout celles concernant la politique de migration à un
moment donné, en créant une hiérarchie de statuts, comme cela a été démontré plus haut dans
l’introduction.
Les débats sur la migration et la citoyenneté ont connu une explosion aux États – Unis et dans
l’Union européenne pendant la décennie de 1990. Beaucoup de contributions étaient depuis la
perspective du cosmopolitisme perçu comme un processus cognitif essentiel de la reconnaissance
des « étrangers » et pour surmonter la distinction binaire entre «le soi » et « les autres ».
Bloemraad, Korteweg, et Yurdakul (2008) discernent trois principales thématiques de ces
discussions. Ce sont : 1/ les fondements légaux de la citoyenneté et comment les conceptions
particulières de l’appartenance nationale ou les configurations peuvent être liées aux conceptions
de citoyenneté en tant que statut ou droit ; 2/ comment les droits de groupe et le
multiculturalisme peuvent ou ne peuvent pas être réalisés, du point de vue de la théorie politique
normative de la citoyenneté, en prenant en compte comment l’assimilation et l’intégration des
16
immigrants et leurs descendants aux sociétés d’accueil peuvent aussi transformer ces sociétés,
culturellement et socialement ; 3/ égalité dans la participation à l’économie, la société et au
système politique dans un pays d’accueil.
D’une perspective socio-légale, l’étude sur la légalité perceptible pour ce qui est des migrants
avec un statut légal incertain (Menjivar 2006 ; Coutin 2002) est plus informée
ethnographiquement et fournit une image bien fondée quoique sombre. Centré sur une
intégration segmentée, ce corpus de travail est centré sur les migrants dont la vie sociale est
située dans une zone à ambiguité juridique et leurs façons de lutter pour leur séjour sous des
politiques de migration plus strictes sont basées sur une position anti-migratoire. Coutin (2011) a
particulièrement souligné les tendances aux États – Unis vers une association de l’immigration
et de la criminalisation comme le résultat d’un processus de sécurisation des résidences suite aux
attaques du 11 septembre 2001. Cette perspective est appliquée et explorée dans la partie V de ce
livre.
Tous les deux corpus de littérature montrent le besoin de mentionner les migrants comme des
groupes hétérogènes parmi lesquels la citoyenneté en tant que droit à la protection légale ne porte
pas forcément les mêmes significations et implications. Par ailleurs, ce débat manque une
perspective transnationale sur la citoyenneté qui relient tous les moments du processus de
migration et les responsabilités des parties concernées (pays d’origine, de transit et d’accueil ;
tiers parties ; et les migrants eux-mêmes). Le chapitre 2 d’Irianto et de Truong présente une telle
perspective. Simplement parce que la politique de migration s’efforce de contrôler les flux
d’immigration, les migrants eux-mêmes comptent sur les tiers parties pour modifier leurs
trajectoires de l’idéal au viable, et ce faisant, ils incitent les agences de migration à s’établir et se
développer, facilitant la croissance des flux de directions multiples au lieu des flux traditionnels
entre deux directions. Les besoins et aspirations sont souvent adaptés aux circonstances
familiales aussi bien qu’aux possibilités légales et économiques. À nos jours, les catégories de
classification des migrants selon « lieu d’origine » et « lieu de destination » et selon migrants
« permanents », « temporaires » ou « retournés » peuvent être considérées comme des
constructions politiques qui sont devenues obsolètes parce que le caractère de la migration a
changé.
17
Dans un contexte transnational, une légalité perceptible est aussi une réalité pour les migrants
dont la lutte peut ne pas être pour leur installation mais plutôt pour légaliser leur présence en tant
que migrants temporaires ou de transit dans un projet de migration à long terme. Il est important
d’avancer une perspective ( telle qu’elle est présentée dans le chapitre de d’Irianto et Truong)
qui relie les formes de traitement arbitraire aux différents lieux dans le processus de migration
pour fournir un tableau plus complet des dysfonctionnements des systèmes de migration
particuliers qui se produisent au sein d’une juridiction nationale ou à travers deux juridictions ou
plus. Ces formes peuvent être localement enracinées en absence des mesures de protection ou
provenir du caractère dysfonctionnel des mesures existantes.
Une perspective sur la justice transnationale qui ajoute un aperçu sur la manière dont les
relations globales peuvent demander des responsabilités supplémentaires pour la justice sociale
peuvent aider des États et acteurs concernés à se contrôler plutôt que de les autoriser à se servir
des pouvoirs discrétionnaires pour détourner leurs responsabilités 4. Une telle perspective peut
aider à développer des notions de responsabilité pour la justice sociale de façon inductive et
contribuer à une approche pour la justice sociale visant à réaliser les droits des migrants plus
proches à leurs réalités vécues. L’exercice de la citoyenneté et des droits dans le processus de
migration transnationale est socialement intégrée à chaque phase : départ, emploi et retour. Pour
que le langage universel de citoyenneté ait un sens pour les migrants pour qui les systèmes de
protection existants ont échoué, des préjugés sur leurs positions sociales doivent être contestés.
La proposition de Nancy Fraser (2009a) pour une approche raisonnée et dialogique pour la
justice sociale offre quelques idées intéressantes pour l’étude de la migration. À son avis, la
mondialisation a considérablement changé la sphère de la justice sociale, en révélant clairement
les limites d’un modèle étatiste. Le « qui » de la justice aussi bien que « comment » le « qui »
doit être déterminé sont des objets de la lutte (Fraser 2009b : 283). Deux positions existantes sur
les obligations de la justice sont fondées sur la notion d’appartenance, définie à la fois par des
relations politiques (avec la nation et / ou l’État) ou par une notion abstraite de la personne
morale ( le principe de l’humanité). Ceci n’est pas suffisant pour parler de la demande de ce
4 Par exemple, Young (2006) présente un modèle de responsabilité politique basé sur des relations globales, telles
que dans les revendications du mouvement de lutte contre des usines à sueur,ou en fait, toutes les revendications de
responsabilité que des membres d’une société peuvent déclarer pour causerdu mal et des injustices à des étrangers
lointains.
18
qu’elle appelle la justice transnationale qui provient des relations sociales d’interdépendance
transfrontalières. Comme c’est reconnu par Mora et Handmaker dans le chapitre 15, la position
westphalienne porte en elle le danger du nationalisme discriminatoire qui peut devenir agressif,
et le danger de dissimuler des inégalités économiques, des hiérarchies de statuts, et l’asymétrie
du pouvoir politique à l’intérieur d’un territoire. La position de l’humanité offre un cadre
universel qui ne prend pas en compte des relations sociales actuelles ou historiques, et peut
empêcher la possibilité que différents problèmes ont besoin de différents cadres de niveaux de
justice (Fraser 2009b : 290). Une troisième approche des obligations de justice est ce qu’elle
appelle « all-affected principle » qui considère le « qui » de la justice n’est toujours ni national ni
global, et présente l’injustice transnationale comme une expression contextuelle.
Ce qui fait d’un groupe de gens co-sujets de la justice est leur imbrication objective dans un réseau de
relations causales. Quiconque est causalement affecté par un lien d’action donné et se positionne en tant
que sujet de la justice lié à ce lien. Ainsi, le « qui » de la justice est une fonction du niveau de l’interaction
sociale. Comme la dernière varie cas par cas, le premier varie aussi… Incapable d’identifier les relations
moralement concernées,il (all-affected principle) traite toutes les relations causales comme égales (Fraser
2009 :291 – 292).
La solution de Fraser est de présenter le mauvais encadrement comme problématique, en
introduisant all-sudjected principle, selon lequel « tous ceux qui sont sujets à une structure de
gouvernance avec l’établissement des règles de base qui gouvernent leur interaction, ont une
position morale en tant que sujets de la justice les concernant. Selon Fraser, la structure de
gouvernance comme une large expression peut comprendre des relations avec les pouvoirs de
différents types (des organisations d’État, d’inter-État et non étatiques qui promulguent des
règlements exécutoires qui structurent des parties importantes de l’interaction sociale). All-
subjected principle fournit un critère crucial pour évaluer l’injustice ou la justice des cadres ; un
problème est justement formulé si, et seulement si, tous ceux qui sont sujets aux structures de la
gouvernance qui réglementent une partie donnée de l’interaction sociale reçoivent une égale
considération (Fraser 2009 ; 293).
Appliqué à la migration, all-subjected principle est pertinent dans le sens qu’il rend possible une
migration mal encadrée causée par des préjugés épistémologiques qui reproduisent des
hiérarchies de statuts et l’asymétrie du pouvoir (ex : migrants qualifiés, travailleurs immigrés,
réfugiés, trafic des personnes). À cet égard, le « Global Forum on International Migration and
19
Development » et les événements associés (Roldan/Gasper 2011) et le Forum social mondial qui
a pris le thème de la migration offre des espaces politiques naissants à des organisations de
migrants et des experts socialement engagés pour qu’ils se contactent entre eux et abordent cette
injustice à but politique et ses implications pratiques.
La réduction de l’écart entre les normes et les réalités vécus peut aider à révéler comment le
mauvais encadrement des catégories de « sécurité », « genre », genre et « migration » cachent le
rôle des inégales structures politiques, économiques et sociales dans la détermination des
processus de migration historiquement parlant. Cette réduction aidera aussi à imaginer des
nouvelles manières de réaliser les droits à travers des transformations qualitatives d’importantes
relations sociales qui renforcent ces processus. Ceci implique une nouvelle responsabilité éthique
des chercheurs et décideurs pour un engagement durable à l’apprentissage réciproque ou réflexif
qui met en valeur le partage de la flexibilité, la diversité et les connaissances en vue de fournir
des analyses plus précises des normes et pratiques politiques appliquées à la justice dans la
migration. La coresponsabilité et le respect mutuel sont indispensables à l'innovation des idées
pour résoudre la tension entre la notion de citoyenneté qui est limitée par la nation-État en tant
que déterminant de l'appartenance légale et sociale et des forces courantes qui se réfèrent aux
frontières territoriales, culturelles, politiques, sociale et économique, et qui érodent par
conséquent les normes d'appartenance traditionnelles.
1.2.5 De la sécurité humaine en tant que protection de la population dans la transition
vers des études critiques des frontières et de l'appartenance
L'analyse de la sécurité est un cadre largement introduit par le rapport du développement de 1994
du PNUD (Gasper 2005,) 2010). Cette notion implique une préoccupation générale pour la
vulnérabilité humaine provenant de toutes les sources y compris la violence politique organisée,
la privation généralisée causée par des inégalités structurelles, désastres naturels, maladies, et
dégradation de l'environnement (Brauch / Schneffran 2012). Cette préoccupation correspond et
s'étend aux deux piliers de la charte de l'ONU, fondements des instruments des droits humains,
"liberté de vivre à l'abri du besoin", et « liberté de vivre à l'abri de la peur". Beaucoup de
désaccords sont liés à la position sur l'humanité au niveau de l'objectif politique qui peut être
utilisé comme un cadre unique débattu dans la section précédente. En outre comme Fukuda-Parr
20
et Messineo (2012) ont bien montré que son caractère ouvert rend le concept vulnérable aux
dynamiques politiques et à l'utilisation pour des buts non liés à la préoccupation originale. Ceci
peut inclure l'exagération des nouvelles menaces à la sécurité de la période d'après la guerre
froide ; la localisation de ces menaces dans les pays en développement; et faciliter l'élaboration
de la politique à court terme en l'absence des visions claires d'une stratégie de politique étrangère
(Chandler 2008:248).
Dans la mesure où la migration est concernée, si l’on s’en tient aux rapports qui sont accessibles
via le portail de la sécurité humaine5, l’intervention de la politique sur « la protection de la
population migrante » semble essentiellement dirigée vers des formes de mouvements causées
par la violence politique (liberté de vivre à l’abri de la peur) et par la pression environnementale.
Les gouvernements paient très peu d’attention aux mouvements qui sont liés à l’instabilité
économique (à l’abri du besoin), bien que la crise économique qui balaye le monde puisse bien
tourner le cours vers un plus strict contrôle de frontière. Même pour la responsabilité de protéger
(responsibility to protect -RtoP-) des individus des violations systématiques et à grande échelle
de leurs droits humains de la part de l’État, pratiquement seuls les citoyens de ces États sont
protégés, tandis que les non-citoyens qui peuvent être des travailleurs étrangers sont laissés se
débrouiller eux – mêmes ou pris en charge par leurs propres gouvernements (voir chapitre 13 de
DeVargas / Donzelli).
Par ailleurs, le terme sécurité humaine peut être, et a déjà été par certains auteurs, rentré dans la
zone de confort de la sécurité collective, comme dans le cas de l’Union Européenne qui a défini
le terrorisme, la prolifération d’armes de destruction massive, les conflits régionaux, l’échec de
l’État et le crime organisé comme des principales menaces à la sécurité humaine en Europe
(Kaldor 2007). L’impact d’une telle vision sur la migration est la sécurisation des frontières qui
crée ce que Van Houtum (2010) appelle « le régime apartheid global de la frontière extérieure de
l’Union Européenne ».
Le débat sur la justice sociale dans la migration exige des connaissances de l’histoire qui façonne
les circonstances actuelles et une perspective sur la sécurité humaine qui a une signification pour
les propres conceptions des migrants de la « sécurité » et des ayant des liens avec leurs actions,
comme il a été montré par Mushakoji (2011), Burgess (2007) et quelques rapports nationaux du
développement humain (Joly/Basu 2007). L’intégration de ces aspects aux analyses critiques des
5 Voir : http://www. Humansecuritygateway.com
21
normes et politiques est une importante tâche à faire. Être dépendant du fonctionnement de
diverses relations du pouvoir, des relations entre l’identité et la sécurité est sujet aux dynamiques
qui peuvent produire des expériences hybrides d’insécurité, comme il est montré par le cas de la
Libye (voir DeVargas/Donzelli chapitre 13, ainsi que le chapitre 4 de Kusakabe / Pearson et
chapitre 10 de Rojas).
Pour les décideurs politiques, ceci pose le problème majeur d’attribuer le poids et d’établir les
priorités pour lesquelles le contenu de l’identité devra être assuré (en référence à genre, âge,
ethnie, identité religieuse). Par exemple, des programmes de migration sûre pour jeunes femmes
tendent à privilégier la prévention du trafic des personnes pour travail sexuel, à protéger un
groupe spécifique de la population considéré comme à risque, mais ils gardent le silence sur des
aspects principaux des relations de genre dans la vie quotidienne des gens qui dépendent de la
migration comme une opportunité de gagner du revenu. Il importe de dialoguer avec les
différentes représentations de « gens en migration » qui les décrivent comme problèmes sociaux
et déplacent leur position de sujets de droits. Montrer combien de telles représentations peuvent
servir à détourner la responsabilité à des niveaux variés nécessite l’interrogation des catégories
employées dans la définition des sujets de la sécurité humaine en utilisant des expériences
d’insécurité des migrants comme indicateur de la réalité vécue, contre lequel des hypothèses
conventionnelles peuvent être vérifiées et de nouvelles questions peuvent être interrogées.
Le codage d’identités des « gens en migration » aux catégories bureaucratiques standardisées
délimite des champs de leur action, ceux des contrôleurs de frontières ainsi que des défenseurs
civiques des droits humains. Les espaces de l’ambiguité juridique qui proviennent de ces formes
de codage administratif de migrants ont des conséquences non négligeables pour des travailleurs
migrants, des réfugiés de situations de conflit, et des victimes de réseaux de trafic des personnes,
en termes de leur aptitude de faire des choix pour les chances de leur vie dans le présent et dans
l’avenir. Assurer une plus grande transparence dans la négociation et la façon d’honorer des
engagements formels internationaux exige l’interrogation des catégories utilisées dans la
définition des sujets de la sécurité humaine et la compréhension des relations du pouvoir
impliquées dans l’application de telles catégories selon les perspectives des migrants eux-mêmes.
C’est ce que ce livre essaie de faire.

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Migration, genre, justice sociale et sécurité humaine

  • 1. 1 Thanh Dam Truong, Des Gasper, et Jeff Handmaker Migration, genre, justice sociale et sécurité humaine Version originale : Migration, Gender, Social Justice and Human Security Traduction française : Thai Thi Ngoc Du Note du Centre de recherche Genre et Société: Le texte que vous trouverez ci-dessous est le chapitre I du livre intitulé « Migration, Gender and Social Justice- Perspectives on Human Security », édité par Thanh Dam Truong, Des Gasper, et Jeff Handmaker et Sylvia I. Bergh. Éditions Springer – Open. 2014. Ce chapitre présente le résumé et le commentaire de tous les chapitres du livre. Nous avons l’honneur de l’introduire aux lecteurs. 1.1 Contexte du livre Ce livre examine les relations entre le genre et la migration et leur implication sur les idées de justice sociale, tant au niveau normatif qu’expérientiel. Il présente un aperçu de l’usage des idées de sécurité sociale comme un cadre pour attirer l’attention aux préoccupations pour la justice sociale, y compris des contextes transfrontaliers, et pour la complexité inter sectionnelle de ces problèmes. L’ouvrage présente une série diverse mais sélective des aspects empiriques, théoriques et méthodologiques du genre dans la migration à partir des perspectives des pays du Sud et centrées sur les migrants. Son but est de stimuler débat et discussion parmi des spécialistes de migration et des professionnels engagés dans la politique relative à la migration, de rendre possibles des connaissances et d’enrichir les pratiques sur le genre et la justice sociale. Le point de départ de ce livre est de reconnaître que la pratique de gouverner la migration comme des flux de population est étroitement liée au renforcement de la nation – État moderne, aux sciences humaines et à la production de « la connaissance de la population et de l’individu » (Foucault 2007). De telles pratiques doivent être comprises comme une interface entre le gouvernement et la société, ou comme Foucault l’a nommée « gouvernementalité » « Truong
  • 2. 2 2009, 2011). Le centre de cette interface est le rôle dominant des formes de connaissance de la société dans la mise en forme de la régulation des processus sociodémographiques, y compris des relations de genre, des modes de vie et leurs formes sociales. Ces formes de connaissance ont crée dans l’histoire des régimes distincts de discipline sur les individus et leurs identités du sujet (subject identities) et la régulation de soi-même (Foucault 1995). Une compréhension approfondie du mode de migration contemporain de gouverner la migration mérite les moyens de dresser différentes formes de connaissance et de rationalité employées par divers acteurs (États, migrants, réseaux sociaux, agences de recrutement). Chacune de ces formes peut être exprimée différemment, mais ensemble elles renforcent les relations entre les intérêts spécifiques et les pouvoirs qui définissent des droits et obligations dans la migration, aussi bien que l’encadrement du genre comme un ensemble de valeurs qui sont liées à l’identité de « migrants » en tant que sujets sociaux. Revisiter la migration et la justice sociale dans le contexte des processus globalisants exige en premier lieu de défier les formes dominantes de connaissances qui s’opèrent sous la bannière de la neutralité et qui révèlent les hiérarchies du pouvoir d’interpréter qui nuisent aux principes d’un monde juste. En second lieu, parce que la notion d’appartenance qui étaye les concepts de citoyenneté et droits est maintenant polycentrique et fluide en termes sociaux. Cette notion doit être inscrite dans des pratiques de solidarité centrées sur la société, ces pratiques cherchent à revendiquer les droits en mettant l’accent sur le caractère de connectivité et d’interdépendance des droits, plutôt que de les défendre sur la base des hiérarchies conventionnelles (ex : le civil et le politique sur le socio-économique et le culturel) et de séparer ces droits légaux des expériences et connaissances des migrants. En conséquence, les stratégies de recherche de justice sociale pour migrants doivent défier des modes de compréhension hégémonique de la mobilité humaine produits par des catégorisations légales. De telles catégorisations peuvent être considérées comme socio politiquement construites et seront contrées par une approche ascendante de la réalisation des droits. L’hégémonie du genre (qu’elle soit centrée sur l’homme ou la femme) doit être soumise à l’examen pour apporter l’attention aux confluences des relations sociales (genre, classe, race, génération) qui façonnent expériences et identités des migrants dans le sens qu’elles établissent des frontières de leur accès aux droits.
  • 3. 3 Inspiré des idées de l’historienne féministe Joan Scott (1986) , ce livre approche le « genre » à la fois comme (1) un élément constitutif des relations sociales fondées sur la perception de différences entre les sexes et (2) un signifiant du pouvoir dans une relation – s’opérant souvent en conjonction avec d’autres types de relations. Cette définition nous permets d’établir des intersections de significatifs sous ensembles de relations de pouvoir qui sont spécifiques en temps, endroits , et leurs formations sociales. De manière spécifique, nous notons que dans un changeant environnement de contrôle de frontières, les structures de l’État et les connaissances de la migration (interne et transfrontalière) changent aussi. Au lieu de chercher des généralisations empiriques sur l’impact de la migration sur les droits des femmes, ce livre tente une écoute empathique et minutieuse à plusieurs niveaux, en présentant les résultats de recherche de façon qu’ils apportent un éclairage à une série de significations de la justice sociale. En positionnant les notions de « citoyenneté » et « genre » dans leurs contextes et en problématisant leur expression en tant que signifiant du pouvoir relationnel, ce livre tient compte aussi les diverses façons dont « féminités » et « masculinités » sont construites et comment elles ont influencé la position des migrants. Prenant distance du traitement hégémonique du Nord et du Sud comme deux contraires binaires de pouvoir et de privilège, ce livre adopte une perspective sur l’inégalité et la vulnérabilité structurelles comme un phénomène généralisé à tous les pays, tant dans le Nord que dans le Sud. À cet effet, les auteurs ouvrent un espace empirique et théorique pour la réflexion sur et par ces groupes de migrants (hommes et femmes) trouvés dans des situations de vulnérabilité dans les hiérarchies de pouvoir social. Plutôt qu’un état d’être fixe, la vulnérabilité peut être comprise comme un processus de devenir pendant la migration. Comme Munck (2008) a indiqué, adopter la position des pays du Sud sur la migration en opposition au préjugé des pays du Nord des discours prédominants est un pas nécessaire pour s’avancer vers une approche holistique et globale de l’interconnexion des processus de migration et de développement, afin de développer un paradigme par lequel les processus peuvent être correctement mis en contexte et placés dans une perspective historique adéquate. L’interprétation du « Sud » nous a conduits à utiliser le cadre des Nations – Unies de la « sécurité humaine » (Commission on Human Security 2003) comme un important point de référence pour examiner la justice sociale dans la migration. La sécurité selon ce cadre signifie
  • 4. 4 l’absence ou l’émancipation de toute menace aux valeurs fondamentales de la dignité humaine (y compris en particulier la survie physique, le bien – être et le respect de l’identité). Le cadre est basé sur les normes des droits humains et du développement humain et paie une attention particulière aux groupes de population définis comme « population en déplacement » qui se situent entre différentes juridictions et ce qui est rendu vulnérable par des formes de pouvoir socialement intégrées qui s’opèrent à la fois au niveau d’inter- groupe et au niveau des nations y compris les relations entre les nations et celles entre citoyens et nation. À l’exception des travaux réalisés par l’UNESCO (voir Burgess 2007 ; Goucha/ Crowley 2008), la plupart des travaux sur la sécurité humaine n’ont pas fait justice à la relation entre l’identité subjective et la sécurité comme elle est vécue. Bien qu’à maintes occasions l’ONU ait mis l’accent sur la distinction entre la signification de « sécurité d’État » et celle de « sécurité humaine », en pratique les politiques de sécurisation dans différentes parties du monde démontrent que l’attention des pratiques appelées « sécurité » ont glissé de la sécurité des êtres humains à la « sécurité frontalière » (border security) (Truong 2011). Une variété de construits binaires – « légal et illégal », « régulier et irrégulier », « victime et agent »- ont été utilisés et ceux-ci ont alimenté des sentiments xénophobes et ont rendu légitimes plus que jamais des strictes pratiques de contrôle et la discipline à l’égard des migrants, y compris des formes de contrôle extraterritoriales. De la perspective des pays du Sud, la notion d’indépendance a été généralement assujettie à l’impact de la colonisation et à une définition artificielle de « nation ». C’est pour cette raison que dans plusieurs cas le dispositif discursif qui régule la migration ne peut être simplement contrôlé par des modèles de codification internationaux1. Identifier la divergence entre le normatif et l’expérientiel aide à démontrer les relations entre les catégories de « sécurité », « genre », et « migration ». Ces catégories sont historiquement constituées par d’inégales structures politiques, économiques et sociales. De nouvelles façons de réaliser les droits (par des transformations qualitatives dans les relations avec, et entre la population, et entre la bureaucratie et l’état) sont crucialement nécessaires. Le chapitre d’introduction présente un aperçu sur le fait comment les différentes compréhensions du genre ont influencé la recherche sur la migration et prennent en considération les valeurs pour 1 Régulier versus irrégulier ; légal versus illégal ;migrants économiques versus chercheurd’asile ; travailleurs qualifiés en tant que sujets dans le commerce et les services versus travailleurs migrants en tant que sujets du contrôle d’immigration ; traite humaine (human trafficking ) versus trafic de personnes (human smuggling).
  • 5. 5 une politique de différentes perspectives, particulièrement quand elles sont vues à partir de la perspective des expériences des migrants sur la sécurité humaine. La section 1.2 présente le contexte théorique dans lequel la recherche de genre sur la migration est née et les diverses façons dont les sens du terme « genre » ont été utilisés, aussi bien que les défauts et potentiel explicatif de ces sens. Les formes genrées d’engagement avec le pouvoir doivent être analysées en termes contextuels, en fonction des discours et pratiques de la migration et la sécurité dans des endroits spécifiques. Finalement, la section 1.3 présente un aperçu détaillé des chapitres du livre et des études qu’ils élaborent ensemble. 1.2 Concepts et objectifs Dominés pendant longtemps par une approche centrée sur l’État, des modèles d’analyse de la migration tendaient à favoriser les intérêts de l’État aux dépens de la population. Dans les récentes décennies, de nouvelles formes d’analyse ont été élaborées et de nouveaux espaces théoriques et empiriques ont été ouverts pour présenter plusieurs niveaux du phénomène de migration. À côté des analyses qui traitent la mobilité des gens comme des flux sans visage ni endroit, un large éventail de perspectives existent à présent et elles s’efforcent d’identifier des domaines institutionnels spécifiques où des relations causales spécifiques qui sous-tendent certains types de flux et leurs conséquences humaines peuvent êtres situées et expliquées. En général, différentes conceptualisations de la migration peuvent être différenciées comme suit : 1) la migration comme un aspect intégral des changements – macro ( sociodémographique, économique, culturel et politique) dans la longue durée (Braudel 1972 ; Castles / Miller 2003 ; Hatton / Williamson 2006 ; McKeown 2004 ; Hoerder 2002) ; 2) la migration comme un phénomène limité dans le temps et l’espace et structuré par les interactions entre les institutions ayant des liens avec la migration et les acteurs collectifs (famille, marchés du travail, agences de recrutement et d’emploi, organisations de migrants) (Brettell / Hollifield 2000 ; Faist 2000 ; Faist/Özveren 2004 ; 3) Les politiques et pratiques de la migration limitées par la philosophie de l’État –nation, l’opinion publique, et les politiques des droits et identités de migrants (Thränhardt/Bommes 2008). Ainsi, la recherche sur la migration peut être considérée comme sujet à deux points de vues ontologiques différents, statique et interactif. Le premier point de vue limite la formation des
  • 6. 6 systèmes de migration aux aspects essentiellement économiques (ressources, population, échanges), tandis que le second prend une approche plus ouverte de l’exploration des dynamiques interactives capables de libérer des possibilités non accomplies et des pouvoirs non exercés au sein des structures existantes, et les conditions dans lesquelles ces éléments produisent des systèmes de migration juridiquement et socialement imprévus, par exemple ceux formés par la confluence des pratiques de traite et de trafic des personnes (Kyle / Koslowski 2011 ; Truong 2008). La recherche féministe de la migration s’est livrée au pouvoir cognitif qui est intégré dans des modes de pensée sur le « genre », la mobilité humaine, et la migration. Le défi clé était de montrer comment ces modes informent réellement la recherche et façonnent les résultats, y compris comment les différentes façons de comprendre le genre influencent le choix de sites d’enquête et de méthodes (Mahler / Pressar 2006 ; Silvey 2004a, 2004b). Une question frappante est l’apparition du terme « féminisation de la migration » et son usage courant dans les deux dernières décennies. Bien que son usage soit courant, ce terme à ce jour ne fait référence qu’aux statistiques de la proportion croissante de femmes dans divers flux de migration (interne, transfrontalière, Sud-Nord et Sud-Sud). Autrement dit, le terme transmet une représentation de la réalité empirique de la migration sur la base d’une distinction normative entre migrants et migrantes. Cependant, les preuves montrent que le terme peut être élargi pour couvrir aussi la codification discursive du genre dans : a/ les régimes de migration qui portent et/ou promeuvent des valeurs, normes et caractéristiques genrées distinctes, et b/les formes genrées de la subjectivité et l’organisation qui sont nées de la promulgation de ces régimes. C’est pourquoi, interroger pourquoi les relations de genre sont construites telles qu’elles sont pendant le processus de migration, et déchiffrer la logique de leur opération et transformation, peuvent ouvrir un nouveau espace de dialogue sur les relations entre migration et genre et les implications dans les débats sur les droits et la sécurité humaine des migrants. 1.2.1 De la migration internationale à la mobilité transnationale La recherche sur la migration a été traditionnellement influencée par un double préjugé méthodologique hérité de la sociologie positiviste et ses orientations épistémologiques. Jusqu’à récemment, ce préjugé traitait l’État – nation et l’individu coMme relativement des unités d’analyse fixes et formaient une large base d’explications théoriques des modèles contemporains
  • 7. 7 de mouvements internes et transfrontaliers. (Wimmers/Glick-Chiller 2002). Le centre d’intérêt des études de migration étaient le contrôle des stocks et flux de migrants, et ensuite il a été étendu aux modes de remise d’argent et leur capacité d’assimilation et d’intégration sociale à la société d’accueil. Les réfugiés étaient traités comme une catégorie séparée, par différentes procédures de détermination et classification du statut, ainsi a été établi le domaine des études de réfugiés comme une entité distincte. Dans l’ensemble, la recherche de la migration est menée par les préoccupations de la politique, elle est souvent structurée par les idées concernant ce qui doit être plutôt que ce qui se produit réellement. Les hypothèses qui sont déconnectées des sociétés de migration peuvent cacher d’importants aspects des transformations sociales en cours. L’intensification de divers flux migratoires depuis les années 1990 suite à la chute du Mur de Berlin et aux processus de libéralisation économique au niveau mondial a soulevé des défis énormes pour les décideurs politique et les chercheurs. Particulièrement, la transformation de l’État de « dirigé par la société » à « dirigé par le marché », couplée avec la montée des théories de réseaux sociaux et celles de la société post-industrielle dirigée par l’information, a révélé les limites de l’hypothèse qui stipule que l’individu et l’État – nation sont des entités relativement statiques. L’approche « transnationale » de la migration fournit une perspective alternative qui voit la montée des acteurs non-étatiques dans les processus de mondialisation comme une force capable de réduire le pouvoir des états pour assumer un rôle grandissant dans la modélisation de la migration ; par voie de conséquences, ces acteurs non – étatiques deviennent aussi capables de changer certaines caractéristiques des sociétés d’origine et de destination(Smit/ Guarnizo 1999). Les théories de réseaux sociaux, appliquées aux études sur les acteurs non-étatiques, dirigent l’attention analytique aux interactions entre les niveaux micro, méso et macro, et voit la prise de décision des migrants individuels comme inséparable des influences à plusieurs niveaux (famille, groupes sociaux informels, organisations formelles et communauté, et quelques fois l’État- nation). Aujourd’hui, les dimensions omises par l’approche classique des études de migration sont mises en évidence et intégrées dans l’analyse de la migration transnationale comme un aspect de la formation de l’identité au sein d’une pluralité des mondes de vie des migrants qui relie la région / le pays d’origine et de destination (Basch / Schiller / Szanton –Blanc 1994). Les flux de valeurs
  • 8. 8 et d’idées jouent un rôle central dans la formation des modèles de migration ; les différences de revenus ne sont pas les seuls déterminants. Portes et Sensenbrenner (1993) ont démontré « l’intégration sociale » des chaînes de migration et ont orienté les chercheurs à explorer comment la migration est arbitrée par les structures locales de pouvoir et de réseaux sociaux aux deux bouts à la fois d’émission et de réception. Les caractéristiques « circulaire et cumulative » de ces chaînes ont été notées, particulièrement leur degré de dépendance sur les voies établies par les migrants précédents (Massey /Arango / Hugo /Kouaouci / Pellegrino/ Taylor 2005). Par ailleurs, les interactions entre les normes politiques et la capacité d’action des migrants peuvent changer l’opinion publique et de cette manière influencent et changent les pratiques de l’État dans la gestion de la migration (Maas /Truong 2011 ; Irudaya Rajan /Varghese 2010). Revenons à la littérature qui traite spécifiquement les relations entre la migration et le développement, De Haas (2010) a montré que plusieurs des changements discursifs dans les débats sue la migration et le développement peuvent être réellement vus comme une partie des changements de paradigme plus généraux dans la théorie sociale et de développement. En outre, compte tenu des preuves empiriques hétérogènes concernant l’impact que la migration exerce sur le développement, la prudence est requise contre les positions dirigées par l’idéologie. Il y a maintenant un certain degré de consensus sur le monde social et politique de la migration qui est constitué par des relations de pouvoir qui relient les régions et pays d’origine et d’accueil. Des explications détaillées de ces relations varient encore selon l’accent mis sur différents types de pouvoir, mais en général la migration (interne et transfrontalière) est acceptée comme une partie des transformations sociales qui se produisent à de différents niveaux. La recherche sur la migration s’est maintenant avancée au-delà la vision des flux entre des milieux fondamentaux (famille, marché du travail, et l’État – nation) pour couvrir aussi des processus englobant des réseaux de relations qui changent constamment et affectent des migrants individuels et sont à leur tour affectés par leurs actions. Ceci a fourni de nouveaux espaces empiriques et théoriques à l’analyse du genre dans la recherche de la migration. 1.2.2 Égalité des genres et droits des femmes dans la migration : Installer le pouvoir de renonciation
  • 9. 9 L’encadrement des droits des femmes dans la migration depuis la perspective des pays du Sud provient du travail pionnier d’Ester Boserup (1970) sur les femmes dans le processus de transition démographique et de développement économique. Les femmes sont apparues dans ses œuvres à la fois en tant qu’acteurs dans la migration et en tant que porteurs des conséquences de la migration des hommes. Ses œuvres ont joué un rôle proéminent dans les campagnes menées par l’ONU durant la décennie 1970 pour défendre les droits des femmes dans le processus de développement et ont contribué à l’encadrement du débat politique sur les droits des femmes en termes d’accès aux ressources dans des pays classés comme « sous-développés » (Tinker 2006). Depuis, la recherche de la migration inclut les femmes comme une catégorie et a généré un corpus de connaissances qui réfute le point de vue qui considère toujours l’homme migrant comme chef de la famille, et en revanche, il regarde les femmes comme personnes avec leurs propres droits, qu’elles soient migrantes ou restent en arrière2. Plus de trois décennies de recherche sur les femmes comme sujets de la migration ont généré une forte critique des théories de la migration. La recherche féministe commence souvent avec une perspective sur les vies sociales et utilise une pluralité de méthodologies, comprenant les approches historiques, narratives et d’étude de cas. Même ceux qui sont préoccupés par l’analyse statistique se servent de ces perspectives pour défier les représentations dominantes. En adoptant l’approche de Boserup, la recherche qui , au début, incluait les femmes dans des modèles d’analyse dominants de migration a commencé de critiquer des indicateurs démographiques et socio-économiques générés par l’État car ceux-ci présentent une « vue d’en haut » qui décrit les hommes comme sujets principaux. Le chapitre 7 de Mazumdar et Agnihotri fournit un exemple fort de telle critique. Quand les femmes étaient incluses, leur statut marital était le modèle principal utilisé pour déduire leurs motivations3. La recherche paie peu d’attention aux structures inégales de pouvoir qui gouvernent leurs activités dans la migration 2 Ceci a des conséquences surles existants standards de mesure centrés surles hommes pour les coûts et bénéfices de la migration (emploi défini comme activité économique payée ; gains et risques définis en termes monétaires ; remises et leur impact définis en termes monétaires et d’investissement ; utilisation des remises pour l’éducation, la santé,et la nourriture classée comme utilisation non productive ; ect.) 3 Par exemple, Thadani et Todaro (1984) ont introduit une typologie de femmes migrantes qui manquaient dans des analyses précédentes,elles sont : (a)femmes mariées migrantes à la recherche d’un emploi (b) femmes non mariées migrantes à la recherche d’un emploi (c) femmes non mariées migrantes pour des raisons de mariage, et (d)femmes mariées engagées dans la migration collective sans motif de recherche d’un emploi. La conceptualisation de la migration des femmes reste largement influencée par le point de vue de la famille hétérosexuelle dominée par l’homme en tant qu’une institution.
  • 10. 10 comme un processus global qui relie les deux bouts d’origine et d’accueil, et de ce fait c’est le silence sur les migrants en tant que sujets individuels des droits. Le volume de Phizacklea (1983) était centré sur les pays européens et examinait la place des femmes migrantes dans le marché du travail, la division du travail selon le sexe dans les usines, la discrimination à l’égard de la seconde génération de femmes migrantes sur le lieu de travail, et le travail à domicile comme une forme généralisée d’emploi payé à la pièce pour les femmes migrantes. Des études sur l'identité politique et culturelle ont exploré comment les deuxièmes et troisièmes générations de femmes migrantes continuent à faire face aux frontières de leur appartenance établies par les sociétés de leur résidence, et ces études ont présenté les liens entre genre, race et classe dans la construction sociale de la "nation" en tant que "communauté" (Anthias/Yuval Davis 1992). En présentant la notion moderne de la "nation" comme un faux construit, ce travail dirige la recherche vers l‘exploration des hiérarchies sociales caractéristiques (genre, race, classe). L’intersection de ces hiérarchies dans les sociétés de population blanche délimite les frontières de l’espace réservé aux femmes de couleur ( qui sont considérées comme migrantes de différentes générations) pour articuler leurs expériences de discrimination et du non-appartenance (Carby 1999 ; Creenshaw 1991 ;Collins 1986 ; 1990). Ces études sont parmi les premières qui résistent aux notions libérales de droits des femmes et « l’émancipation », et qui se tournent aux problèmes de représentation culturelle comme une obstruction sur un terrain de lutte pour des droits économiques, politiques et sociaux. Revenons à la littérature qui abordent les liens entre migration, genre et développement, Sassen- Koob (1984) a remarqué que la production orientée vers l’exportation et la migration internationale des femmes depuis la décennie 1970 ont évolué vers des mécanismes qui incorporent les femmes du Sud au travail salarié dans et pour les pays du Nord. Les femmes migrantes ont rempli les demandes croissantes de main-d’œuvre du secteur des services urbains dans des régions métropolitaines qui ont acquis un rôle mondial (Sassen-Koob 1984b). La recherche qui intègre le foyer comme une sphère d’analyse pour expliquer la prise de décision et la distribution des ressources a examiné les liens entre la migration rurale – urbaine et la pauvreté. De telles études ont démontré les motivations genrées pour la migration et son impact et comment les relations de genre et de classe au sein de la famille et de la communauté ont structuré les processus de migration (Phongpaichit 1982 ; Chang 1988 ; Wright 1995). Le travail de Phongpaichit sur la migration des jeunes femmes des régions rurales de la Thaïlande à
  • 11. 11 Bangkok pour travailler comme masseuses a démontré l’aspect genré des relations urbaines – rurales. Bien qu’elle examine la migration comme le résultat des décisions individuelles, elle a aussi démontré ses liens avec la responsabilité des femmes en tant que filles de la famille. Leur remise d’argent soutient non seulement leur famille à la campagne mais aussi les pratiques culturelles au niveau de la communauté par exemple le maintien des temples ou les cérémonies du village. À partir de cette perspective, la migration des femmes peut être considérée comme partie intégrale du processus intergénérationnel de la reproduction sociale et culturelle et comme le reflet de la nature relationnelle de la femme en tant qu’actrice dynamique. L’explication de la différence genrée des motivations de la migration entre l’homme et la femme demande de comprendre la différence des genres dans la famille comme un lieu de pouvoir où plusieurs activités et intérêts peuvent être considérés comme des conflits coopératifs (Sen 1990) et où le genre en tant qu’hégémonie culturelle influence fort les comportements et protège la légitimité des normes du genre (Kabeer 2000 ; Silvey 2004a, 2004b). Ces idées mettent l’accent sur la nature contextuel du « genre » comme des relations de pouvoir au sein de la famille qui définit les dispositions culturelles des acteurs et leur dérivé pouvoir de négociation. Le marché du travail, les réseaux sociaux, la politique nationale et la législation jouent aussi un rôle important et rend légitime la motivation de migrer (Silvey 2007). Dans la migration, les stratégies d’égalité des genres qui utilisent une catégorie universelle de « femmes » comme sujets des droits sans une perspective complémentaire de l’intégration sociale des relations de genre ont rencontré beaucoup de difficultés concernant le pouvoir de l’État et l’éthique du genre qui peut fonctionner comme une épée à double tranchant. D’un côté, cette éthique peut être utilisée pour définir le droit des femmes de migrer pour chercher du travail, et elle impose des restrictions à leur mobilité en s’appuyant sur la responsabilité de l’État de « protéger » les femmes et dans une certaine mesure de les traiter comme des enfants. (Kapur 2010). D’un autre côté, elle peut encourager la migration des femmes à rejoindre la force de travail mondiale, souvent dans le secteur informel tel que le travail domestique ou de divertissement où elles sont exclues de la protection civile, sociale et politique en tant que travailleurs. 1.2.3 Genre en tant que structure sociale et processus de structurer Le corpus de connaissances dans la recherche féministe qui traite le « genre » comme une propriété de l’État, de l’économie et des institutions sociales a mis en évidence l’importance de
  • 12. 12 la reproduction sociale, ignorée des théories dominantes. Établir des points de vue à partir des perspectives féministes sur l’économie politique, Truong (1996 ; 2003 ; 2006) postule que l’apparition de la migration transfrontalière des femmes comme domestiques ou travailleuses du sexe constitue un transfert du travail de reproduction et du sexe d’un groupe et d’un pays à un autre. Parrenas (2000) a élargi cette idée et élabore le concept de « division internationale du travail de reproduction » pour couvrir le transfert des devoirs de soins entre trois groupes de femmes : les femmes employeuses dans les pays d’accueil, les travailleuses migrantes, et les femmes qui, dans les pays d’origine, prennent soin de ceux qui y restent. Cette forme d’analyse a montré les chaînes des externalités négatives par lesquelles un renforcement des prestations de soins par voie d’importation de main-d’œuvre dans certains pays peuvent aboutir à une négation de droit aux soins des personnes qui restent en arrière. Les chaînes de migration contemporaines de ce côté « intime » fonctionne au sein d’un système à deux niveaux. Niveau (1) s’articule autour du secteur des soins au sein duquel les chaînes ont été formées par une combinaison de facteurs macro et institutionnels. Ces chaînes comprennent le manque de soins causé par le vieillissement de la population dans les pays industrialisés, les réformes structurelles qui affectent négativement la qualité de la couverture de sécurité sociale, et la croissance de la participation des femmes dans la force de travail sans être accompagnée d’une croissance correspondante de la participation des hommes aux travaux domestiques en termes de niveau et d’intensité. Niveau (2) comprend le secteur commercial du sexe qui a évolué avec différents jeux de dynamismes. Ceci s’est produit à cause de la croissance du tourisme dirigée par le désir de gagner des revenus par les échanges internationaux, combiné avec la volonté politique d’autoriser des services commerciaux du sexe à devenir une activité auxiliaire du tourisme (Truong 1990 ; Moon 1997). Par le traitement des mouvements dans les secteurs des soins et du sexe comme partie intégrale des plus amples transformations dans les sociétés d’origine et d’accueil, un nouveau espace s’est ouvert à la réflexion théorique sur l’hégémonie du genre (en faveur des hommes) dans les cadres légaux et politiques qui anéantissent le côté de reproduction des sociétés et des économies par l’exclusion du travail domestique et des services commerciaux du sexe en tant que catégories de la classification des occupations (Ehrenreich/Hochschild 2002 ; Yeates 2010). Cette oblitération a produit des environnements politique et social ambigus qui ont rendu possible la formation de
  • 13. 13 distincts réseaux et des parcours de mouvements transfrontaliers des femmes à la recherche de l’emploi dans les secteurs de soins et du sexe (Tyner 2004 ; Oishi 2005). Les chaînes de migration dans les secteurs de soins et des services commerciaux du sexe montre comment une division du travail selon le genre est une institution déterminée par le pouvoir, et comment nous devons traiter les genre comme une structure sociale résistante. Ce pouvoir vient des pratiques répétitives des individus et groupes à la notion qui considère l’ordre asymétrique du genre comme « naturel », et de la négligence du côté de reproduction de l’économie. Les chapitres suivants de ce livre vont illustrer cette constatation en détails – par exemple dans le travail de Kusakabe et Pearson (chapitre 4) ; Duong, Truong et Khuat (chapitre 5) ; Haile and Siegmann (chapitre 6) ; Serrano Oswald (chapitre 9) ; Truong, Marin et Quesada – Bondad (chapitre 12). Cette négligence de la reproduction sociale produit une compréhension hégémonique de la loi et la moralité publique sur le soin comme un devoir moral et le sexe comme un aspect intime, qui refuse de reconnaître que la libéralisation de l’économie et l’élargissement des relations du marché peuvent libérer un espace moral pour les services des soins et du sexe pour qu’ils deviennent incorporés dans les relations du travail (semi-industriel). Des liens grandissants entre différents systèmes nationaux de reproduction sociale, maintenant couvrant la plupart des régions et pays, sont en formation, et indiquent la formation d’une nouvelle classe de femmes basée sur leur identité (femme), leur travail (aide domestique, travailleuse du sexe, bru étrangère), et leur statut non reconnu par la loi de la migration (Truong 1996 ; Chin 1998 ; Kojima 2001 ; Cheah 2009 ; Augustin 2003). L’espace socio-légal par lequel ces mouvements migratoires ont lieu est ambigu et par conséquent les abus sont fréquents et souvent sans réparation. Les politiques derrière les constructions discursives du genre, et des aptitudes, travail et législations concernant les droits sont devenus d’importants domaines de la recherche théorique et empirique concernant l’autonomie des femmes dans la migration. Par l’intégration des perspectives aux niveaux macro, méso et micro, la recherche du genre dans la migration a produit de nouvelles perspectives sur (1) comment les systèmes de migration ont évolué à partir des interactions genrées entre la réglementation et les actions de tous ceux qui sont impliqués : migrants, employeurs, réseaux sociaux, organisations civiques, agents d’application de la loi ; (2) comment les inégalités croisées qui façonnent les actions de recherche de la sécurité des groupes particuliers de migrants posent de nouveaux défis aux
  • 14. 14 actions de recherche de la justice. Nous allons voir ceci en détails dans les chapitres qui suivent. Le genre est maintenant étudiée comme une matrice des relations de pouvoir qui fonctionnent à des niveaux multiples : 1) comme une structure résistante qui est exprimée à travers les diverses significations d’être masculin et féminin qui sont intégrées dans les valeurs de l’État ; 2) comme un ensemble de relations qui ont organisé la reproduction culturelle et sociale de la société ; et 3) comme la formation des identités et la définition des positions du sujet dans un ordre social donné. Un point clé de discussion est si l’encadrement contemporain à dominante économique de la migration, et la diffusion des pratiques de gestion la concernant contient des potentiels émancipateurs pour les migrants marginalisés, ou si ces éléments sont devenus un autre appareil de pouvoir qui a créé de nouvelles catégories de sujets mobiles basés sur le genre dont les identités restent éloignées du cadre des droits humains basés sur la citoyenneté considérées comme le principal critère d’appartenance. Ceci a abouti à l’exploration de la construction sociale de la féminité et la masculinité dans la migration. Maintenant, un petit corpus de littérature a été conçu sur le fait comment la migration transnationale a aussi un impact sur les identités, normes, et conventions masculines, et comment les hommes négocient et reconstruisent leurs identités quand ils se heurtent aux différents régimes de genre, comment ils rationalisent leur expérience de discrimination raciale, et trouvent de nouvelles lignes de différenciation entre les groupes (Datta / Mcllwaine / Herbert / Evans / May / Will 2008). Plusieurs chapitres de ce volume contribuent à ces thèmes, y compris les études de Haile et Siegmann (chapitre 6), Sinatti (chapitre 11) et Huijsmans (chapitre 20). L’emploi du terme « genre » comme un dispositif heuristique dans plusieurs interfaces disciplinaires (économie politique, droit, sociologie, et anthropologie) des études de migration suggère que des traitements satisfaisants des relations entre le genre et les droits humains exigent des idées et optiques de multiples sortes. L’aspiration à un monde d’égalité des genres ne peut éviter d’employer la vigilance épistémique pour discerner où et quelle idée sur le « genre » est valide et comment les préjugés injustifiables peuvent être corrigées. Au-delà des attributs sociaux individuels, la lutte pour l’égalité des genres comporte de différentes expressions en géographie, histoire et culture.
  • 15. 15 1.2.4 De la citoyenneté et la limitation légale à la reconnaissance des échelles multiples de la justice sociale Un héritage du siècle des Lumières dans l’histoire et la philosophie européenne, le concept de citoyenneté incarne l’orientation épistémologique qui a été discuté plus haut : l’accent est mis sur l’individu à l’intérieur des frontières nationales et sur la définition des termes et conditions et des bénéfices de l’adhésion à une telle communauté politique. Bien que l’adhésion à une telle communauté sur la base des notions idéalisées et parfois libérales des droits égaux pour l’individu garantissent rarement la justice sociale, cette adhésion formelle reste une base indispensable de la lutte pour la réalisation des droits pour les migrants internes et internationaux, hommes, femmes et enfants. Jusqu’à très récemment, les relations entre la citoyenneté et la migration ont été débattues principalement à partir de la perspective des pays d’accueil en utilisant une variété d’approches pour présenter les droits des « étrangers » dans un cadre de cercles d’appartenance concentriques. Au centre de ces cercles, les droits obtenus via jus soli (droit du sol) ou jus sanguinis (droit du sang) définissent les références de la nationalité. Dans des cercles extérieures, d’autres principes légaux qui définissent les critères d’appartenance – pour les migrants, résidents étrangers, ou visiteurs temporaires- varient en fonction des histoires particulières, des préoccupations démographiques et surtout celles concernant la politique de migration à un moment donné, en créant une hiérarchie de statuts, comme cela a été démontré plus haut dans l’introduction. Les débats sur la migration et la citoyenneté ont connu une explosion aux États – Unis et dans l’Union européenne pendant la décennie de 1990. Beaucoup de contributions étaient depuis la perspective du cosmopolitisme perçu comme un processus cognitif essentiel de la reconnaissance des « étrangers » et pour surmonter la distinction binaire entre «le soi » et « les autres ». Bloemraad, Korteweg, et Yurdakul (2008) discernent trois principales thématiques de ces discussions. Ce sont : 1/ les fondements légaux de la citoyenneté et comment les conceptions particulières de l’appartenance nationale ou les configurations peuvent être liées aux conceptions de citoyenneté en tant que statut ou droit ; 2/ comment les droits de groupe et le multiculturalisme peuvent ou ne peuvent pas être réalisés, du point de vue de la théorie politique normative de la citoyenneté, en prenant en compte comment l’assimilation et l’intégration des
  • 16. 16 immigrants et leurs descendants aux sociétés d’accueil peuvent aussi transformer ces sociétés, culturellement et socialement ; 3/ égalité dans la participation à l’économie, la société et au système politique dans un pays d’accueil. D’une perspective socio-légale, l’étude sur la légalité perceptible pour ce qui est des migrants avec un statut légal incertain (Menjivar 2006 ; Coutin 2002) est plus informée ethnographiquement et fournit une image bien fondée quoique sombre. Centré sur une intégration segmentée, ce corpus de travail est centré sur les migrants dont la vie sociale est située dans une zone à ambiguité juridique et leurs façons de lutter pour leur séjour sous des politiques de migration plus strictes sont basées sur une position anti-migratoire. Coutin (2011) a particulièrement souligné les tendances aux États – Unis vers une association de l’immigration et de la criminalisation comme le résultat d’un processus de sécurisation des résidences suite aux attaques du 11 septembre 2001. Cette perspective est appliquée et explorée dans la partie V de ce livre. Tous les deux corpus de littérature montrent le besoin de mentionner les migrants comme des groupes hétérogènes parmi lesquels la citoyenneté en tant que droit à la protection légale ne porte pas forcément les mêmes significations et implications. Par ailleurs, ce débat manque une perspective transnationale sur la citoyenneté qui relient tous les moments du processus de migration et les responsabilités des parties concernées (pays d’origine, de transit et d’accueil ; tiers parties ; et les migrants eux-mêmes). Le chapitre 2 d’Irianto et de Truong présente une telle perspective. Simplement parce que la politique de migration s’efforce de contrôler les flux d’immigration, les migrants eux-mêmes comptent sur les tiers parties pour modifier leurs trajectoires de l’idéal au viable, et ce faisant, ils incitent les agences de migration à s’établir et se développer, facilitant la croissance des flux de directions multiples au lieu des flux traditionnels entre deux directions. Les besoins et aspirations sont souvent adaptés aux circonstances familiales aussi bien qu’aux possibilités légales et économiques. À nos jours, les catégories de classification des migrants selon « lieu d’origine » et « lieu de destination » et selon migrants « permanents », « temporaires » ou « retournés » peuvent être considérées comme des constructions politiques qui sont devenues obsolètes parce que le caractère de la migration a changé.
  • 17. 17 Dans un contexte transnational, une légalité perceptible est aussi une réalité pour les migrants dont la lutte peut ne pas être pour leur installation mais plutôt pour légaliser leur présence en tant que migrants temporaires ou de transit dans un projet de migration à long terme. Il est important d’avancer une perspective ( telle qu’elle est présentée dans le chapitre de d’Irianto et Truong) qui relie les formes de traitement arbitraire aux différents lieux dans le processus de migration pour fournir un tableau plus complet des dysfonctionnements des systèmes de migration particuliers qui se produisent au sein d’une juridiction nationale ou à travers deux juridictions ou plus. Ces formes peuvent être localement enracinées en absence des mesures de protection ou provenir du caractère dysfonctionnel des mesures existantes. Une perspective sur la justice transnationale qui ajoute un aperçu sur la manière dont les relations globales peuvent demander des responsabilités supplémentaires pour la justice sociale peuvent aider des États et acteurs concernés à se contrôler plutôt que de les autoriser à se servir des pouvoirs discrétionnaires pour détourner leurs responsabilités 4. Une telle perspective peut aider à développer des notions de responsabilité pour la justice sociale de façon inductive et contribuer à une approche pour la justice sociale visant à réaliser les droits des migrants plus proches à leurs réalités vécues. L’exercice de la citoyenneté et des droits dans le processus de migration transnationale est socialement intégrée à chaque phase : départ, emploi et retour. Pour que le langage universel de citoyenneté ait un sens pour les migrants pour qui les systèmes de protection existants ont échoué, des préjugés sur leurs positions sociales doivent être contestés. La proposition de Nancy Fraser (2009a) pour une approche raisonnée et dialogique pour la justice sociale offre quelques idées intéressantes pour l’étude de la migration. À son avis, la mondialisation a considérablement changé la sphère de la justice sociale, en révélant clairement les limites d’un modèle étatiste. Le « qui » de la justice aussi bien que « comment » le « qui » doit être déterminé sont des objets de la lutte (Fraser 2009b : 283). Deux positions existantes sur les obligations de la justice sont fondées sur la notion d’appartenance, définie à la fois par des relations politiques (avec la nation et / ou l’État) ou par une notion abstraite de la personne morale ( le principe de l’humanité). Ceci n’est pas suffisant pour parler de la demande de ce 4 Par exemple, Young (2006) présente un modèle de responsabilité politique basé sur des relations globales, telles que dans les revendications du mouvement de lutte contre des usines à sueur,ou en fait, toutes les revendications de responsabilité que des membres d’une société peuvent déclarer pour causerdu mal et des injustices à des étrangers lointains.
  • 18. 18 qu’elle appelle la justice transnationale qui provient des relations sociales d’interdépendance transfrontalières. Comme c’est reconnu par Mora et Handmaker dans le chapitre 15, la position westphalienne porte en elle le danger du nationalisme discriminatoire qui peut devenir agressif, et le danger de dissimuler des inégalités économiques, des hiérarchies de statuts, et l’asymétrie du pouvoir politique à l’intérieur d’un territoire. La position de l’humanité offre un cadre universel qui ne prend pas en compte des relations sociales actuelles ou historiques, et peut empêcher la possibilité que différents problèmes ont besoin de différents cadres de niveaux de justice (Fraser 2009b : 290). Une troisième approche des obligations de justice est ce qu’elle appelle « all-affected principle » qui considère le « qui » de la justice n’est toujours ni national ni global, et présente l’injustice transnationale comme une expression contextuelle. Ce qui fait d’un groupe de gens co-sujets de la justice est leur imbrication objective dans un réseau de relations causales. Quiconque est causalement affecté par un lien d’action donné et se positionne en tant que sujet de la justice lié à ce lien. Ainsi, le « qui » de la justice est une fonction du niveau de l’interaction sociale. Comme la dernière varie cas par cas, le premier varie aussi… Incapable d’identifier les relations moralement concernées,il (all-affected principle) traite toutes les relations causales comme égales (Fraser 2009 :291 – 292). La solution de Fraser est de présenter le mauvais encadrement comme problématique, en introduisant all-sudjected principle, selon lequel « tous ceux qui sont sujets à une structure de gouvernance avec l’établissement des règles de base qui gouvernent leur interaction, ont une position morale en tant que sujets de la justice les concernant. Selon Fraser, la structure de gouvernance comme une large expression peut comprendre des relations avec les pouvoirs de différents types (des organisations d’État, d’inter-État et non étatiques qui promulguent des règlements exécutoires qui structurent des parties importantes de l’interaction sociale). All- subjected principle fournit un critère crucial pour évaluer l’injustice ou la justice des cadres ; un problème est justement formulé si, et seulement si, tous ceux qui sont sujets aux structures de la gouvernance qui réglementent une partie donnée de l’interaction sociale reçoivent une égale considération (Fraser 2009 ; 293). Appliqué à la migration, all-subjected principle est pertinent dans le sens qu’il rend possible une migration mal encadrée causée par des préjugés épistémologiques qui reproduisent des hiérarchies de statuts et l’asymétrie du pouvoir (ex : migrants qualifiés, travailleurs immigrés, réfugiés, trafic des personnes). À cet égard, le « Global Forum on International Migration and
  • 19. 19 Development » et les événements associés (Roldan/Gasper 2011) et le Forum social mondial qui a pris le thème de la migration offre des espaces politiques naissants à des organisations de migrants et des experts socialement engagés pour qu’ils se contactent entre eux et abordent cette injustice à but politique et ses implications pratiques. La réduction de l’écart entre les normes et les réalités vécus peut aider à révéler comment le mauvais encadrement des catégories de « sécurité », « genre », genre et « migration » cachent le rôle des inégales structures politiques, économiques et sociales dans la détermination des processus de migration historiquement parlant. Cette réduction aidera aussi à imaginer des nouvelles manières de réaliser les droits à travers des transformations qualitatives d’importantes relations sociales qui renforcent ces processus. Ceci implique une nouvelle responsabilité éthique des chercheurs et décideurs pour un engagement durable à l’apprentissage réciproque ou réflexif qui met en valeur le partage de la flexibilité, la diversité et les connaissances en vue de fournir des analyses plus précises des normes et pratiques politiques appliquées à la justice dans la migration. La coresponsabilité et le respect mutuel sont indispensables à l'innovation des idées pour résoudre la tension entre la notion de citoyenneté qui est limitée par la nation-État en tant que déterminant de l'appartenance légale et sociale et des forces courantes qui se réfèrent aux frontières territoriales, culturelles, politiques, sociale et économique, et qui érodent par conséquent les normes d'appartenance traditionnelles. 1.2.5 De la sécurité humaine en tant que protection de la population dans la transition vers des études critiques des frontières et de l'appartenance L'analyse de la sécurité est un cadre largement introduit par le rapport du développement de 1994 du PNUD (Gasper 2005,) 2010). Cette notion implique une préoccupation générale pour la vulnérabilité humaine provenant de toutes les sources y compris la violence politique organisée, la privation généralisée causée par des inégalités structurelles, désastres naturels, maladies, et dégradation de l'environnement (Brauch / Schneffran 2012). Cette préoccupation correspond et s'étend aux deux piliers de la charte de l'ONU, fondements des instruments des droits humains, "liberté de vivre à l'abri du besoin", et « liberté de vivre à l'abri de la peur". Beaucoup de désaccords sont liés à la position sur l'humanité au niveau de l'objectif politique qui peut être utilisé comme un cadre unique débattu dans la section précédente. En outre comme Fukuda-Parr
  • 20. 20 et Messineo (2012) ont bien montré que son caractère ouvert rend le concept vulnérable aux dynamiques politiques et à l'utilisation pour des buts non liés à la préoccupation originale. Ceci peut inclure l'exagération des nouvelles menaces à la sécurité de la période d'après la guerre froide ; la localisation de ces menaces dans les pays en développement; et faciliter l'élaboration de la politique à court terme en l'absence des visions claires d'une stratégie de politique étrangère (Chandler 2008:248). Dans la mesure où la migration est concernée, si l’on s’en tient aux rapports qui sont accessibles via le portail de la sécurité humaine5, l’intervention de la politique sur « la protection de la population migrante » semble essentiellement dirigée vers des formes de mouvements causées par la violence politique (liberté de vivre à l’abri de la peur) et par la pression environnementale. Les gouvernements paient très peu d’attention aux mouvements qui sont liés à l’instabilité économique (à l’abri du besoin), bien que la crise économique qui balaye le monde puisse bien tourner le cours vers un plus strict contrôle de frontière. Même pour la responsabilité de protéger (responsibility to protect -RtoP-) des individus des violations systématiques et à grande échelle de leurs droits humains de la part de l’État, pratiquement seuls les citoyens de ces États sont protégés, tandis que les non-citoyens qui peuvent être des travailleurs étrangers sont laissés se débrouiller eux – mêmes ou pris en charge par leurs propres gouvernements (voir chapitre 13 de DeVargas / Donzelli). Par ailleurs, le terme sécurité humaine peut être, et a déjà été par certains auteurs, rentré dans la zone de confort de la sécurité collective, comme dans le cas de l’Union Européenne qui a défini le terrorisme, la prolifération d’armes de destruction massive, les conflits régionaux, l’échec de l’État et le crime organisé comme des principales menaces à la sécurité humaine en Europe (Kaldor 2007). L’impact d’une telle vision sur la migration est la sécurisation des frontières qui crée ce que Van Houtum (2010) appelle « le régime apartheid global de la frontière extérieure de l’Union Européenne ». Le débat sur la justice sociale dans la migration exige des connaissances de l’histoire qui façonne les circonstances actuelles et une perspective sur la sécurité humaine qui a une signification pour les propres conceptions des migrants de la « sécurité » et des ayant des liens avec leurs actions, comme il a été montré par Mushakoji (2011), Burgess (2007) et quelques rapports nationaux du développement humain (Joly/Basu 2007). L’intégration de ces aspects aux analyses critiques des 5 Voir : http://www. Humansecuritygateway.com
  • 21. 21 normes et politiques est une importante tâche à faire. Être dépendant du fonctionnement de diverses relations du pouvoir, des relations entre l’identité et la sécurité est sujet aux dynamiques qui peuvent produire des expériences hybrides d’insécurité, comme il est montré par le cas de la Libye (voir DeVargas/Donzelli chapitre 13, ainsi que le chapitre 4 de Kusakabe / Pearson et chapitre 10 de Rojas). Pour les décideurs politiques, ceci pose le problème majeur d’attribuer le poids et d’établir les priorités pour lesquelles le contenu de l’identité devra être assuré (en référence à genre, âge, ethnie, identité religieuse). Par exemple, des programmes de migration sûre pour jeunes femmes tendent à privilégier la prévention du trafic des personnes pour travail sexuel, à protéger un groupe spécifique de la population considéré comme à risque, mais ils gardent le silence sur des aspects principaux des relations de genre dans la vie quotidienne des gens qui dépendent de la migration comme une opportunité de gagner du revenu. Il importe de dialoguer avec les différentes représentations de « gens en migration » qui les décrivent comme problèmes sociaux et déplacent leur position de sujets de droits. Montrer combien de telles représentations peuvent servir à détourner la responsabilité à des niveaux variés nécessite l’interrogation des catégories employées dans la définition des sujets de la sécurité humaine en utilisant des expériences d’insécurité des migrants comme indicateur de la réalité vécue, contre lequel des hypothèses conventionnelles peuvent être vérifiées et de nouvelles questions peuvent être interrogées. Le codage d’identités des « gens en migration » aux catégories bureaucratiques standardisées délimite des champs de leur action, ceux des contrôleurs de frontières ainsi que des défenseurs civiques des droits humains. Les espaces de l’ambiguité juridique qui proviennent de ces formes de codage administratif de migrants ont des conséquences non négligeables pour des travailleurs migrants, des réfugiés de situations de conflit, et des victimes de réseaux de trafic des personnes, en termes de leur aptitude de faire des choix pour les chances de leur vie dans le présent et dans l’avenir. Assurer une plus grande transparence dans la négociation et la façon d’honorer des engagements formels internationaux exige l’interrogation des catégories utilisées dans la définition des sujets de la sécurité humaine et la compréhension des relations du pouvoir impliquées dans l’application de telles catégories selon les perspectives des migrants eux-mêmes. C’est ce que ce livre essaie de faire.