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CLAUSTROPHOBIE DE L’ELECTRON ET CHIMIE ORGANIQUE
1. Objectifs de ce fichier :
Dégager en chimie organique quelques conséquences de la « claustrophobie » des électrons qui les
conduit à préférer les orbitales moléculaires les plus étendues possible.
Cette « pathologie » veut illustrer le fait que l’énergie cinétique d’une particule enfermée dans une
boîte croît avec une diminution des dimensions de cette boîte selon, pour une boîte linéaire :
𝐸𝑐𝑖𝑛é𝑡𝑖𝑞𝑢𝑒 =
𝑛2
∙ ℎ2
8 ∙ 𝑚 ∙ 𝐿2
𝑜ù 𝐿 𝑒𝑠𝑡 𝑙𝑎 𝑙𝑜𝑛𝑔𝑢𝑒𝑢𝑟 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑏𝑜î𝑡𝑒.
On en déduira la nécessité d’associer plusieurs formes-limite (formes canoniques, formes
mésomères ...) pour décrire une réalité (procédé de la mésomérie).
2. Prérequis :
Le fichier « Claustrophobie de l'électron et existence des atomes ».
Une excellente maîtrise de la construction de formules de Lewis.
Les notions de stéréochimie (Gillespie) et d’hybridation des orbitales atomiques.
Une bonne connaissance de la chimie organique de base.
3. Le benzène : C6H6
C’est probablement l’exemple le plus extrême.
Le formalisme de Lewis, qui ne prend pas en
compte la mécanique quantique, conduit à une
structure formée d’une alternance de simples
(longues) et de doubles liaisons (courtes).
Or, toutes les mesures effectuées sur le benzène désignent un hexagone régulier avec des distances
entre atomes de carbone intermédiaires entre une simple et une double liaison.
Ceci se comprend dans le formalisme des
orbitales moléculaires où le système de
liaison(s) résulte du recouvrement des
orbitales p non impliquées dans
l’hybridation sp2 des atomes de carbone.
Chaque atome de carbone contribue pour un électron. Par recouvrement latéral des six orbitales p,
ces six électrons disposeront d’une boîte étendue par rapport à leur localisation sur chaque atome.
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Le calcul conduit, pour le système , à six orbitales moléculaires classées comme suit :
L’énergie des orbitales moléculaires augmente avec le nombre de zéros (noeuds) car ils en
réduisent les dimensions.
Dans le formalisme de Lewis, il faut arriver à suggérer cette délocalisation. On associe deux formes
limites déduites d’un mouvement électronique formel :
La dernière structure, à droite, est une tentative pour décrire la situation au moyen d’une seule
forme limite
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4. Le styrène : C6H5-CH=CH2
Le substituant vinyle (–CH=CH2) va aligner
son plan sur celui du benzène pour
participer à la délocalisation qui portera
alors sur 8 atomes (au lieu de 6 + 2). La
libre rotation du substituant est entravée.
Dans le formalisme de Lewis, on essaie de rendre compte de cette conjugaison générale des
orbitales p et du caractère partiellement double de la liaison carbone-carbone entre le substituant
et le noyau benzénique.
Les trois formes limites de droite sont nécessaires pour une bonne description de la situation mais
leurs contributions restent limitées du fait de l’apparition de dipôles. Le groupement vinyle injecte
une charge négative (partielle) dans le cycle aromatique ; c’est un donneur mésomère.
5. L’anisole : C6H5-O-CH3
L’atome d’oxygène porte 4 doublets
actifs en stéréochimie (deux doublets
liants et deux doublets non liants)
dont la disposition attendue serait
tétraédrique (hybridation sp3).
L’expérience montre à la fois que la distance O-C6H5 est plus courte que prévu et que le noyau
aromatique est plus facilement attaqué par un réactif électrophile. Ceci suggère qu’un des doublets
non liants de l’atome d’oxygène participe à la conjugaison avec le noyau aromatique. Ceci n’est
possible que si la stéréochimie de l’oxygène est plane (hybridation sp2, comme le carbone adjacent
au cycle dans le styrène).
L’interaction entre doublets non liants n’est
pas idéale mais cet « investissement » en
énergie se trouve largement compensé par
l’énergie cinétique liée à la délocalisation sur
7 atomes au lieu de 6.
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Dans le formalisme de Lewis il faut rendre compte de la longueur de liaison O-C6H5 et de la
participation du doublet à la délocalisation :
Le noyau aromatique s’enrichit en électrons ce qui facilite l’attaque électrophile. Le groupe -O-CH3
est un donneur mésomère (mais un capteur inductif car l’électronégativité de l’oxygène est
supérieure à celle du carbone).
La situation est comparable pour l’ion phénate (base conjuguée du phénol) :
Cette stabilisation particulière de la base conjuguée au phénol rend ce dernier plus acide qu’un
alcool aliphatique.
6. L’aniline : C6H5-NH2
Ici également, l’atome d’azote adoptera
une stéréochimie plane afin de permettre
à son doublet non liant de participer à la
délocalisation du cycle.
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L’aniline est moins basique que les amines aromatiques puisque son doublet non liant est
partiellement engagé dans la délocalisation du système .
Le groupement –NH2 est clairement un donneur mésomère (et un capteur inductif).
7. La méthylphénylcétone : C6H5-CO-CH3
La double liaison du groupe
carbonyle entre en conjugaison avec
le noyau aromatique pour former
une boîte à 8 atomes
particulièrement stabilisée.
Pour rendre compte des observations expérimentales (attaque par un électrophile plus difficile que
dans le cas du benzène) il faut arriver à écrire des formes limite où le groupe –COCH3 est capteur
mésomère. Il suffit pour cela de rabattre le doublet de double liaison vers l’oxygène :
Les positions ortho et para seront les plus désactivées.
8. L’anion benzoate: C6H5-CO-O-
Si les deux atomes d’oxygène adoptent une stéréochimie plane (hybridation sp2), la boîte pourra
s’étendre sur 9 atomes !
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Cette importante stabilisation de l’anion (malgré une importante séparation de charges) rend
compte de l’acidité de l’acide benzoïque qui est supérieure à celle des acides aliphatiques.
9. Le nitrobenzène: C6H5-NO2
Ici également, la délocalisation peut porter sur 9 atomes à condition que les deux atomes d’oxygène
adoptent une hybridation sp2.
10. Le fluorobenzène : C6H5-F
Assez curieusement, toute la chimie du fluorobenzène indique un fort donneur mésomère (assorti
d’un fort capteur inductif). L’atome de fluor doit adopter une stéréochimie plane.
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11. Le toluène : C6H5-CH3
La stabilisation due à un agrandissement des domaines accessibles aux électrons est telle que
même des doublets liants de liaisons peuvent être mis à contribution comme l’indique la longueur
de la liaison H3C-C6H5 (trop courte) et l’effet mésomère donneur de ce substituant. On parle alors
d’une hyperconjugaison pour laquelle l’atome de carbone du groupe méthyle doit acquérir (au
moins partiellement) une stéréochimie plane.
Ce sont principalement les doublets liants de liaisons C-H qui contribuent de manière appréciable à
l’hyperconjugaison.
Remarque : Le toluène ne libère pas spontanément des protons comme le suggèrent les trois
formes limites de droite qui ne sont qu’une composante (assez faible) de la
description de la réalité. Elles indiquent que les liaisons C-H dans le toluène sont
partiellement relâchées et, éventuellement, plus faciles à rompre sous l’action des
bases très fortes que dans le cas du méthane.
12. Les amides : R-CO-NH2
Les amides renferment un groupe amine
(-NH2) qui ne présente quasiment plus de
propriétés acide-base car le doublet est
engagé dans une délocalisation avec le
groupe carbonyle.
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13. La guanidine : HN=C(NH2)2
Obtenue par oxydation de la guanine (extraite du guano), la guanidine est une base (pKa = 13,6) de
force comparable à OH-(aq) ce qui peut surprendre puisque l’urée O=C(NH2)2 est une base très
faible.
L’explication doit être recherchée dans la stabilité particulière de son acide conjugué, l’ion
guanidinium, qui peut être vu comme trois groupes –NH2 (plans, N sp2) greffés sur un carbocation.
14. La pyridine : C5H6N
C’est l’analogue du benzène dans lequel un groupe -CH= est remplacé par un atome d’azote.
Le doublet non liant de l’atome d’azote est dans le plan du cycle et disponible pour capturer un
proton. La pyridine est une base de force respectable.
15. Le pyrrole : C4H5N
C’est l’analogue du cyclopentadiène dans lequel le
groupe méthylène (-CH2-) est remplacé par un
groupe NH. Ici, le doublet non liant de l’azote plan
(sp2) participe à la délocalisation aromatique.
Le pyrrole n’est pas basique.
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16. L’ion cyclopropényle : C3H5
+
Ce cation aromatique à 2
= 4.0 + 2 électrons p est
régulièrement invoqué
dans les mécanismes
réactionnels.
17. L’azulène : C4H5N
La délocalisation est
cyclique (à 10 = 4.2
+ 2 électrons ) et
porte sur 10 atomes
(l’azulène est bleu).
18. Le trans--carotène : C40H56
Avec ses onze doubles liaisons conjuguées (= une boîte de 22 atomes), la substance est orange car
elle absorbe dans le visible (max = 483 nm, bleu vert) alors que l’éthylène absorbe dans l’UV (max
= 171 nm). Cette observation implique que les niveaux d’énergie se rapprochent avec le nombre de
doubles liaisons conjuguées comme le confirme l’expression de l’énergie d’une particule dans une
boîte pour une transition de ni vers nf (ni > nf) :
𝐸 𝑛 𝑖
=
𝑛𝑖
2
∙ ℎ2
8 ∙ 𝑚 ∙ 𝐿2
𝐸 𝑛 𝑓
=
𝑛𝑓
2
∙ ℎ2
8 ∙ 𝑚 ∙ 𝐿2
→ ∆𝐸 = 𝐸 𝑛 𝑓
− 𝐸 𝑛 𝑖
=
(𝑛𝑓
2
− 𝑛𝑖
2
) ∙ ℎ2
8 ∙ 𝑚 ∙ 𝐿2