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UNIVERSITÉ DE SORBONNE-UNIVERSITE
Faculté de Lettres et de Sciences Humaines
LES MOBILITÉS
PARTAGÉES
Quelles sont les stratégies
d’adaptation des villes ?
Quelle future stratégie pour
Paris ?
Mémoire présenté par Abdelkarim ISSAAD
Sous la direction de Monsieur Xavier DESJARDINS
Master II URBA : Stratégies, Projets et Mobilités dans la Ville de Demain – 2019/2020
2
Abstract
The arrival of e-scooters in big cities around the world marked the beginning of a new era
in personal transportation and a new approach to shared mobility called free-floating.
This new concept which consists of self-service rentals of various means of personal
transportation, especially two-wheeled ones such as bikes and e-scooters without the
need of docking stations. This innovative concept pushed forward by international
startups is currently the subject of debate in the field of urban design and town planning.
In one hand, free-floating is promoted as light, modern and eco-friendly; on the other
hand, opponents of free-floating consider it as an additional source of nuisance to cities
and a public hazard due to its many negative effects. This master’s thesis will delve into
this concept in details and question how cities cope with its arrival through regulations.
It will also question the future of free-floating and try to give an alternative to this
concept for this of Paris.
Résumé
L’arrivée des trottinettes dans les grandes métropoles du monde a annoncé le début d’un
nouveau mode de déplacement et d’une nouvelle approche de la mobilité, celle de la
mobilité partagée et plus particulièrement de la mobilité connectée. Ce dernier désigne
la mise en libre-service de modes de déplacement doux comme les vélos et les
trottinettes sans bornes d’attache. Ce concept novateur poussé par des startups
internationales suscite actuellement des débats dans les milieux de l’aménagement et
de la politique de la ville. D’un côté, la mobilité connectée est promue comme un mode de
déplacement doux, moderne et écologique ; de l’autre côté, ses détracteurs le
considèrent comme une source de nuisances dans les villes et un danger public entre
autres. Ce mémoire étudiera ce concept et s’interrogera sur les stratégies d’adaptation
des villes d’un point de vue réglementaire. Il s’interrogera également sur l’avenir de la
mobilité connectée et essayera de proposer une alternative Parisienne à ce modèle.
3
Sommaire
Introduction .................................................................................................................7
I. La mobilité connectée : un nouveau paradigme de mobilité partagée................... 14
A. Les mobilités partagées, de l’idée à la réalité.................................................... 14
B. Le développement des mobilités partagées en France .....................................24
C. Derrière l’explosion de la mobilité connectée, de multiples avantages .............. 31
D. Conclusion partielle .........................................................................................35
II. Les problématiques liées à la mobilité connectée : quelles stratégies d’adaptation
des villes ?..................................................................................................................35
A. Les inconvénients de la mobilité connectée : effets négatifs et fragilité face aux
crises .....................................................................................................................36
B. Les stratégies d’adaptation des villes : entre interdiction et régulation.............47
C. La régulation de la mobilité connectée en France.............................................57
D. Conclusion partielle ......................................................................................... 61
III. Mobilité connectée : quelle stratégie pour Paris ? ................................................62
A. Étude de cas dans le 11e
arrondissement : quel impact des mesures locales et
nationales ? ............................................................................................................62
B. Quelles solutions pour limiter les effets négatifs ?............................................78
C. Conclusion partielle .........................................................................................92
Conclusion .................................................................................................................94
Bibliographie..............................................................................................................96
Revues et études ....................................................................................................96
Institutions.............................................................................................................97
Médias....................................................................................................................98
Webographie ........................................................................................................ 102
4
Table des illustrations
Figure 1 : un « vélo blanc ». Source : www.green-history.uk......................................... 15
Figure 2 : un vélo municipal de la ville de La Rochelle. Source : le Monde. .....................17
Figure 3 : exemple d’un opérateur de scooters partagés qui commercialise
explicitement ses services comme étant de la mobilité intelligente à Bruxelles. Source :
RTL INFO.................................................................................................................... 18
Figure 4 : Service d’autopartage à Paris (11e
). Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020..20
Figure 5 : vélos du réseau Vélib’ Métropole. Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020....22
Figure 6 : flottes de trottinettes de différents opérateurs à Paris (11e
). Source :
Abdelkarim ISSAAD, août 2020. ..................................................................................23
Figure 7 : carte des stations du réseau Vélib’ Métropole. Réalisation : Abdelkarim
ISSAAD, 2020. Source : Data.gouv.fr...........................................................................25
Figure 8 : rapport de Lime qui évoque l’avantage de son service lors de congestions
routières. Source : Lime, 2018. ...................................................................................27
Figure 9 : l’implantation des opérateurs de free-floating sur le marché français (octobre
2020). Carte réalisée par Abdelkarim ISSAAD..............................................................29
Figure 10 : des trottinettes électriques gênant le passage d'une femme en fauteuil
roulant. Source : Emily Shryock. .................................................................................37
Figure 11 Juicer sur une gyroroue en train de transporter des trottinettes. Source :
www.wedemain.fr ......................................................................................................39
Figure 12 Juicer en train de transporter des trottinettes sur une trottinette ! Source :
France info.................................................................................................................39
Figure 13 : chiffres clés de la croissance enregistrée par Vélib’ Métropole. Source : Vélib’
Métropole...................................................................................................................45
Figure 14 : le triptyque de l’action publique dans la Smart City .....................................50
Figure 15 : charte de bonne conduite relative à la location de trottinettes en libre-
service. Source : Mairie de Paris .................................................................................54
Figure 16 : nouvelles règles concernant les déplacements en trottinette ou tout engin de
déplacement personnel motorisé. Source : AFP..........................................................56
Figure 17 : les places de stationnement créées pour les trottinettes en libre-service à
Paris. Réalisation : Abdlelkarim ISSAAD, 2020. Source : data.gouv.fr. .........................60
5
Figure 18 : schéma de la méthode utilisée pour l’enquête quantitative. Réalisation :
Abdelkarim ISSAAD, 2020...........................................................................................64
Figure 19 : les voies étudiées pour l’enquête sur le terrain. Réalisation : Abdelkarim
ISSAAD, 2020. ............................................................................................................65
Figure 20 : extrait de la base de données des stationnements gênants recensés.
Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020. ......................................................................66
Figure 21 : tableau qui recense tous les points où des occupations gênantes de l’espace
public ont été constatées. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020. .............................67
Figure 22 : localisation des points de stationnement gênants sur les voies étudiées du
11e arrondissement de Paris. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020...........................68
Figure 23 : à gauche, la photo d’une trottinette tombée sur une voiture (rue Belfort). À
droite, la photo d’une trottinette stationnée à l’extérieur du marquage au sol (rue Saint-
Maur). Abdelkarim ISSAAD, août 2020.........................................................................70
Figure 24 : photo d’une trottinette qui gêne le passage piéton (rue Saint-Maur.
Abdelkarim ISSAAD, août 2020. ...................................................................................71
Figure 25 : photos de trottinettes tombées au sol à l’intérieur de leurs aires de
stationnement. À gauche la photo est prise dans rue Léon Frot. À droite, la photo est
prise dans la rue Alexandre Dumas. Abdelkarim ISSAAD, août 2020.............................72
Figure 26 : photos de trottinettes empilées dans leurs aires de stationnement. À
gauche, la photo est prise dans rue Belfort. À droite, la photo est prise dans la rue
Mercœur. Abdelkarim ISSAAD, août 2020....................................................................73
Figure 27 : photos de trottinettes stationnées dans des aires réservées aux voitures. À
gauche, la photo est prise dans la rue Neuve Boulet. À droite la photo est prise dans la
rue Alexandre Dumas. Abdelkarim ISSAAD, août 2020.................................................74
Figure 28 : photos de trottinettes gênant la circulation sur les trottoirs. À gauche, cité
Beauhamais. À droite, rue Saint Maur. Abdelkarim ISSAAD, 2020.................................75
Figure 29 : trottinettes stationnées de façon gênant dans la réservée à la station Vélib’.
Abdelkarim ISSAAD, août 2020. ..................................................................................76
Figure 30 : photo, prise dans la rue Alexandre Dumas, d’une trottinette gênant le
stationnement d’un scooter. Abdelkarim ISSAAD, 2020............................................... 77
Figure 31 : bornes de rechargement de la startup Charge dans la ville de Paris. Source :
Mairie de Paris, 2020. ................................................................................................. 81
6
Figure 32 : les zones interdites au stationnement de trottinettes à Vienne selon les six
opérateurs. Source : Moran et coll., 2020....................................................................83
Figure 33 : capture d’écran de l’application Lime montrant un périmètre interdit au
stationnement des trottinettes protégé par la technologie de barrière géographique (de
l’anglais geofence). Source : Moran et coll., 2020........................................................84
Figure 34 : notification qu’envoie l’opérateur Bird lorsqu’un utilisateur est dans une zone
rouge. Source : Moran et coll., 2020............................................................................85
Figure 35 : exemple d’un courriel envoyé par l’opérateur Lime lorsqu’un utilisateur est
dans une zone rouge. Source : Moran et coll., 2020. ....................................................85
Figure 36 : fonctionnement du nouveau concept. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD,
2020...........................................................................................................................89
Figure 37 : le concept proposé intègre les trottinettes. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD,
2020...........................................................................................................................90
Figure 38 : adaptation des trottinettes aux bornes d’attache existante. Réalisation :
Abdelkarim ISSAAD, 2020...........................................................................................90
Figure 39 : adaptation des EDP aux arceaux à vélos. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD,
2020........................................................................................................................... 91
Figure 40 : communication interne qui évoque les bornes de rechargement pour les
trottinettes. Source : Mairie de Paris, 2020. Lien :
https://cdn.paris.fr/paris/2020/10/05/9b572deaebe97b4b423189225313c16f.pdf..... 108
7
Introduction
Lime, une startup californienne spécialisée dans le transport en libre-service, a levé
depuis sa création en 2017 plus de 750 millions de dollars. Devenue pionnière dans son
domaine, elle propose des trottinettes électriques aux utilisateurs de son application
pour smartphones dans de nombreuses métropoles mondiales. Le principe est simple,
l’utilisateur d’un smartphone télécharge l’application et crée un compte. Ce dernier
dispose d’un portefeuille numérique que l’utilisateur alimente avec un moyen de
paiement comme une carte bancaire. Puis, à l’aide d’une carte intégrée et de la
géolocalisation, l’application lui propose des trottinettes électriques proches de lui. Il
devra maintenant se rapprocher d’une d’entre elles et scanner un code pour valider le
choix. Il pourra désormais se déplacer et son portefeuille sera débité d’un montant qui
correspond à la durée de son trajet et les frais de déverrouillage.
Ce concept permet aux utilisateurs d’éviter les transports en commun surchargés aux
heures de pointe et les embouteillages sur les routes. Il intéresse particulièrement les
jeunes attirés par les nouveautés technologiques du fait de son aspect ludique et ses
tarifs peu onéreux. Ce concept n’est, par ailleurs, pas limité exclusivement aux
trottinettes, il concerne également les vélos, les scooters électriques et les voitures. Les
deux derniers ne seront pas étudiés dans le mémoire qui traitera uniquement des
mobilités partagées dites douces.
Les mobilités partagées prennent en effet deux formes, elles peuvent être avec ou sans
bornes d’attache (mobilité connectée). À Paris, les deux formes cohabitent. Le premier
modèle est représenté par les Vélib’ tandis que le deuxième est représenté
majoritairement par les startups étrangères. En ce qui concerne le réseau Vélib’, il est le
résultat d’un partenariat entre la mairie de Paris et le géant de la publicité et du mobilier
urbain JCDecaux. Au lancement, près de 7500 vélos en libre-service ont été déployés
dans la capitale. Aujourd’hui, nous comptons environ 13 000 Vélib’ à Paris gérés par
l’opérateur Smovengo qui a remplacé JCDecaux depuis 2018.
8
Parallèlement au réseau Vélib’, nous trouvons les vélos en libre-service sans bornes
d’attache. Ce modèle a été introduit à Paris par la société hongkongaise Gobee.bike en
octobre 2017, mais elle s’est vite retirée du marché français l’année prochaine faute de
financement. Peu après lesvélosen libre-service,le tour est aux trottinettesélectriques.
Les premières trottinettes à investir les rues de Paris sont, sans surprise, celles de Lime
en juin 2018. Deux ans plus tard, le marché parisien des trottinettes en libre-service est
partagé par dix entreprises : Lime (US), Bird (US), Bolt (Estonie), Wind (Allemagne), Tier
(Allemagne),Voi (Suède),Flash(Luxembourg),Hive (Allemagne),Dott(France)et ledernier
arrivant Ufo (Allemagne).
La problématique et les principales hypothèses
La problématique :
L’arrivée des flottes de vélos et des trottinettes en libre-service n’est pas sans
conséquence. Que ce soit à Paris ou ailleurs dans le monde, ce nouveau modèle de
mobilité met l’urbanisme et la société face à une nouvelle réalité urbaine. L’accueil
réservé à la mobilité connectée par les acteurs de l’aménagement est mitigé. Certains le
perçoivent comme un progrès et un pas important dans la transition écologique, tandis
que d’autres pensent le contraire et citent les inconvénients qu’il engendre en l’absence
d’un cadre réglementaire.
Ce mémoire s’interroge sur les stratégies d’adaptation des villes vis-à-vis de la mobilité
connectée du point de vue réglementaire et de la stratégie future de la ville de Paris. La
première partie (I) du mémoire a vocation à étudier le concept de mobilité connectée en
tant que nouveau paradigme de mobilité partagée : sa création, son développement en
France et les éléments qui ont favorisé son essor. Quant à la deuxième partie (II), elle
traitera des stratégies d’adaptation des villes vis-à-vis de la mobilité connectée. Nous
examinerons les problématiques liées à la mobilité connectée, notamment ses
inconvénients et fragilités. Puis, comment les villes s’adaptent au déploiement massif
des engins sans bornes d’attache. En fin de cette deuxième partie, nous étudierons la
stratégie française et nous regarderons de près l’expérience parisienne. Dans la
troisième partie (III), nous nous interrogerons sur l’avenir de la mobilité connectée en
9
étudiant le cas du 11e
arrondissement de Paris et en examinant les solutions et les
alternatives pour limiter les effets négatifs de la mobilité connectée. Nous proposerons
également un modèle alternatif à la mobilité connectée actuelle.
Le choix du terrain de recherche : Pourquoi Paris ?
Le choix de Paris comme terrain de recherche n’est pas anodin et la proximité n’est pas
le seul critère retenu dans ce choix. La ville de Paris est en effet pionnière dans les
mobilités partagées. Bien qu’elle ne soit pas la première à mettre en place un réseau de
vélos en libre-service, la réussite du réseau Vélib’ a inspiré d’autres villes en France et
dans le monde entier. Vélib’ compte aujourd’hui plus de 300 000 abonnés et 1400
stations, et à titre de comparaison Santander Cycles, l’équivalent londonien de Vélib’, ne
dispose que de 839 stations.
Le succès des mobilités partagées à Paris ne se limite pas aux vélos en libre-service. Les
entreprises de trottinettes électriques estiment que le marché parisien est très
important. À ce titre, Arthur-Louis Jacquier, le directeur général de Lime France dit dans
une entrevue pour le Journal du Dimanche que Paris est « l'un des plus gros marchés de
la trottinette en free floating au monde » grâce à « une appétence des Parisiens pour ce
mode de transport » (Kleiber, 2019). Le directeur de Bird, concurrent de Lime, partage le
même point de vue et explique au même journal que « Paris est une ville propice à
l'innovation en matière de micromobilité. La capitale française connaît des problèmes de
congestion automobile et de pollution de l'air, deux points auxquels grâce à nos
trottinettes nous pouvons remédier » (Kleiber, 2019).
Les hypothèses :
Afin de répondre à la problématique que pose le mémoire, il est primordial de répondre
à de nombreuses sous-questions sous-jacentes. Le mémoire part de quelques
hypothèses et la méthodologie qu’on exposera dans la partie suivante permettra de les
tester.
La mobilité connectée, est-elle un mode de déplacement durable ?
10
On ne peut pas considérer la mobilité connectée comme un mode de déplacement
durable pour plusieurs raisons. Avant d’aborder la question de l’écologie, le modèle
économique des entreprises de mobilité connectée est fragile, d’ailleurs, l’entreprise qui
a introduit ce concept en France -Obike- a disparu un an après son lancement à Paris.
Paris n’est pas le seul cas de figure, l’entreprise a quitté toutes les villes où elle était
présente faute de faillite, et on peut citer d’autres exemples outre Obike comme Ofo.
Concernant l’écologie, plusieurs problèmes se posent. D’abord, la production des deux
roues électriques est très polluante à cause de l’impact conséquent de la production des
batteries sur l’environnement. De plus, ces batteries doivent être renouvelées
systématiquement en raison de leur courte durée de vie. Puis, les flottes des deux roues
subissent des dégradations importantes, qu’elles soient volontaires (vandalisme) ou
involontaires (aléas de la nature) à cause de l’absence de bornes d’attache entre autres.
Ensuite, comme les opérateurs de mobilité connectée ne possèdent pas de bornes ni de
stations pour leurs flottes de deux roues, elles font appel à des prestataires qui
s’occupent de charger ces engins. La plupart de ces prestataires sont en réalité des
indépendants qui ramassent les engins le soir et les chargent à leurs domiciles, ainsi
l’origine de l’énergie (renouvelable ou non) peut varier d’un prestataire à l’autre.
La mobilité connectée, nuit-elle à l’espace public ?
Les nombreuses critiques émises contre le concept de mobilité connectée s’articulent
autour des nuisances qu’il engendre dans l’espace public, notamment sur les trottoirs,
les places ou dans les parcs. En l’absence de stations ou de bornes, les deux roues en
libre circulation sont souvent laissées par leurs utilisateurs aux endroits qu’ils
souhaitent, et cela au détriment de l’espace public.
En effet, comme la tarification est souvent à la minute, les utilisateurs sont dissuadés de
prendre le temps de stationner leurs deux-roues dans les zones qui leur sont réservées -
si elles existent-, elles finissent ainsi dans les espaces publics et créent des tensions
avec les piétons. Malgré certains décrets et règles de circulation, le problème persiste,
car il est difficile de les appliquer et de les faire respecter par les utilisateurs.
De plus, comme le marché de la mobilité connectée est partagé par plusieurs opérateurs,
dont les communications visuelles sont différentes. La mobilité connectée crée une
11
confusion chez les Parisiens et nuit à la qualité paysagère de la ville. Ce point est très
important, car Paris est une ville touristique dont l’image peut être dévalorisée par
l’omniprésence des deux-roues.
La mobilité connectée, peut-elle appuyer le réseau de vélos partagé à Paris ?
Malgré les nombreux inconvénients des deux-roues sans bornes d’attaches, elles ont
certains avantages par rapport au réseau Vélib’ qui a ses limites. Ce dernier contraint ses
utilisateurs à retirer et à stationner leurs vélos dans leurs stations et cela s’avère
compliqué quand les abonnées trouvent les stations vides aux points de départ ou
pleines aux points d’arrivée. Ce problème est encore plus grave dans les quartiers
monofonctionnels aux heures de pointe, que ce soit le matin ou le soir.
L’avantage de la mobilité connectée est qu’elle permet à ses utilisateurs de laisser leurs
deux-roues n’importe où, ce qui permet d’éviter le problème des stations pleines.
Quelle alternative pour la mobilité connectée ?
Chacun des deux types de mobilité partagée a ses avantages et ses inconvénients,
toutefois, les inconvénients de la mobilité connectée telle qu’elle est proposée par les
opérateurs sont beaucoup plus nombreux. Le mémoire proposera une alternative à la
forme actuelle de mobilité connectée qui serait un système tout-en-un qui intègre les
trottinettes.
La méthodologie
1) L’état de l’art
Dresser l’état de l’art sur le sujet des mobilités partagées est important pour le mémoire.
Il consiste à faire la synthèse des travaux de recherches déjà faits. Il nous permettra
d’une part de connaître l’histoire de cette nouvelle vision de la mobilité et comment elle a
pris sa forme actuelle. De l’autre, d’analyser tous les points de vue sur la mobilité
connectée qui suscite encore des débats dans la presse et le milieu de l’aménagement.
12
Pour dresser l’état de l’art, il est nécessaire de construire une bibliographie solide au
préalable qui serait pertinente et qualitative. Elle sera constituée de publications
formelles (revues et ouvrages scientifiques), mais aussi de publications informelles
(presse, entrevues…etc.).
NB : faute de crise sanitaire et la fermeture des bibliothèques, le recours aux ouvrages
tels que les livres sera limité.
2) Collecte et production de données
Indispensable pour un travail de recherche, la collecte et la production de donnée
permettront non seulement d’illustrer son propos, mais aussi d’appuyer son
argumentaire. Pour le mémoire, trois types de données seront mobilisés :
a. Données brutes :
Ces données proviennent des institutions de l’état, notamment de la mairie de Paris et
d’Île-de-France mobilités, ainsi que les entreprises privées de free-floating.
Le recours à la production de donnée est nécessaire pour mesurer l’ampleur de certains
phénomènes comme les dégradations et les stationnements anarchiques. Dans le
mémoire, on prendra le 11e arrondissement comme un échantillon, il s’agit d’un périmètre
où la présence des deux-roues sans bornes d'attache est très forte. Concrètement, la
production de données reposera sur le recensement et les observations sur le terrain.
b. Données statistiques :
Ce sont les données quiont déjà fait l’objet d’untraitement et/ou une interprétation. Elles
proviennent des instituts de sondage, des communiqués officiels, des entreprises…etc.
c. Données cartographiques :
Nécessaires pour la production de cartes, les données cartographiques qui nous
intéressent sont les suivantes :
- Fonds de carte ;
- La localisation des stations Vélib’ ;
- Les emplacements dédiés au stationnement des EDP sans station.
13
3) Traitement des données
La collecte et la production de données sont inutiles sans traitement par la suite. Le
traitement permettra d’interpréter et de contextualiser les données pour produire des
informations exploitables. Dans ce mémoire, nous utiliserons la cartographie.
La production de cartes permet de donner une dimension spatiale aux données et de
fournir un support visuel aux lecteurs. Comme le mémoire traite principalement de
l’urbanisme, il est essentiel de projeter les données sur un territoire afin de cerner
certains enjeux comme l’impact de la mobilité connectée sur l’espace public, ou
d’identifier où l’offre et la demande sont présentes.
14
I. La mobilité connectée : un nouveau paradigme de mobilité
partagée
La mobilité connectée a connu une explosion dans le monde pendant les trois dernières
années où nombre de métropoles ont accueilli ce nouveau concept de mobilité. Pour voir
comment ce phénomène a pris de l’ampleur, nous étudierons dans cette partie le
concept plus global de mobilité partagée et toutes ses déclinaisons. Puis, analyser leur
développement en France. Enfin, nous verrons comment les avantages de la mobilité
connectée ont participé à son essor.
A. Les mobilités partagées, de l’idée à la réalité
1. Les prémices de la mobilité partagée
Bien que le terme et le concept actuel de “mobilité partagée” soient récents, l’idée de
partager un moyen de transport par plusieurs utilisateurs ne l’est pas. Cette idée a pris
différentes formes dans l’histoire moderne et a évolué au fur et à mesure des avancées
technologiques en matière de transport.
Si nous retraçons cette évolution, l’histoire de la mobilité partagée commence avec les
systèmes de partage de vélos entre particuliers. Le premier système est apparu en 1965
à Amsterdam. Il s’agit de « Witte Fietsen » qui signifie « vélos blancs » en français, cette
appellation fait référence à la couleur des vélos peints en blanc (figure 1).
15
Figure 1 : un « vélo blanc ». Source : www.green-history.uk
Ce qui est intéressant avec ce premier système est qu’il est complètement gratuit. Les
concepteurs de ce système sont en effet un groupe d’anarchistes hollandais qui porte le
nom de “Provo”. Ce mouvement est né d’après Nicolas Pas (2005) « en mai 1965 à
Amsterdam à la confluence de mouvances politiques et culturelles, dans un pays en
pleine mutation économique, sociale, technique et culturelle […] le boom économique,
l'essor de nouveaux médias, l'introduction de la pilule en 1963, la genèse d’une société de
consommation moderne ». Le but de leur initiative était d’attirer l’attention du public
hollandais vers les problématiques économiques et environnementales qui ont émergé
dans la seconde moitié du XXe siècle, à savoir le consumérisme et la pollution.
Ce mouvement de vélos partagés ne s’est pas limité aux Pays-Bas, il va inspirer une
démarche similaire dix ans plus tard en France à La Rochelle, cette fois avec des vélos
habillés en jaune (figure 2). « L’expérience pionnière de vélos en libre-service que connaît
La Rochelle à cette époque s’inscrit dans cette dynamique politique et sociale, héritière
des mouvements sociaux urbains de mai 1968, sous la forme du concept central, mais
ambivalent de « banalisation ». Porteuse d’une vision nouvelle de ce que doivent être une
16
ville et l’organisation de ses déplacements, elle présente indéniablement un caractère
novateur, bien perçu à l’époque. » (Arnaud Passalacqua et Maxime Huré, 2015).
La particularité de cette démarche par rapport à la première est le fait qu’elle soit
impulsée par une collectivité locale (logique top down) par opposition une démarche
citoyenne (logique bottom up). Elle est née grâce à l’ambition du maire Michel Crépeau,
particulièrement sensible aux problématiques sociales et environnementales, et un
contexte politique où l’État français montrait un intérêt pour les villes moyennes et leur
développement.
Nous pouvons ainsi considérer l’expérience rochelaise comme étant la première action
urbaine favorable à la mobilité partagée émanant d’une autorité publique en France et
probablement en Europe. Certains chercheurs estiment qu’elle a même « posé les
fondements des systèmes de vélos en libre-service contemporains » (Arnaud
Passalacqua et Maxime Huré, 2015).
17
Figure 2 : un vélo municipal de la ville de La Rochelle. Source : le Monde.
2. La mobilité partagée, une composante de ville intelligente
Le concept de mobilité partagée est revisité dans les années 2000 quand émerge le
concept de la Smart City (ville intelligente en Français) promu par les entreprises des TIC
(technologies de l’information et de la communication). Aujourd’hui, la mobilité partagée
est intimement liée au concept plus global de “smart city”.
Les villes développent la mobilité partagée dans l’espoir qu'elles deviennent ou qu'elles
soient considérées un jour des villes intelligentes, et les opérateurs de mobilité partagée
commercialisent leurs services comme étant des solutions de mobilité intelligente
(figure 3) pour susciter leur intérêt.
18
Figure 3 : exemple d’un opérateur de scooters partagés qui commercialise explicitement ses services
comme étant de la mobilité intelligente à Bruxelles. Source : RTL INFO.
Par ailleurs, bien que la définition de la smart city diffère d’un pays à l’autre, le concept
repose sur quelques principes communs, dont la mobilité partagée qui nous intéresse
particulièrement. La première définition que nous pouvons citer de la smart city est celle
donnée par l’Union Internationale des Télécommunications (2015) :
“une ville intelligente est une ville novatrice qui utilise les technologies de l’information
et de la communication (TIC) et d’autres moyens pour améliorer la qualité de vie,
l’efficacité de la gestion urbaine et des services urbains ainsi que la compétitivité tout en
respectant les besoins des générations actuelles et futures dans les domaines
économique, social, environnemental et culturel”.
La définition a naturellement évolué en fonction des particularités de chaque ville, car
avant tout la smart city nécessite une volonté politique des pouvoirs locaux pour prendre
forme. Concrètement, pour parvenir à améliorer le cadre de vie urbain, la smart city va
optimiser la gouvernance locale et particulièrement la gestion des services urbains
grâce à la maîtrise des données numériques (Ghorra-Gobin, 2018). Les services urbains
étant :
19
• L’accès à l’information ;
• Le transport et la mobilité ;
• L’eau et l’énergie ;
• Et les aménités urbaines.
La réponse qu’apporte la smart city à la question des transports dans la ville
contemporaine avec ses problèmes de congestion routière et de pollution
atmosphérique est la mobilité intelligente. Elle permet grâce aux innovations
technologiques :
• D’exploiter efficacement les réseaux
• De garantir la sécurité des utilisateurs dans leurs déplacements
• D’appuyer les services de mobilité existants
• De garantir l’accès aux transports à tous
• De réduire l’empreinte carbone des transports
La mobilité partagée qui répond aux critères de la mobilité intelligente est devenue une
offre de transport intéressante pour les villes souhaitant répondre aux enjeux de mobilité
urbaine.
Grâce à l’intérêt qu’elle suscite, la mobilité partagée n’a pas cessé d’évoluer et prend
aujourd’hui plusieurs formes.
3. Les différentes formes de mobilité partagée
Nous distinguons plusieurs formes de mobilité partagée. La forme dépend du moyen de
déplacement utilisé et le fonctionnement du service. Le moyen de transport peut être
une voiture, comme il peut être un deux-roues (vélos classiques, vélos à assistance
électrique ou scooters).
L’autopartage :
Le concept d’autopartage est reconnu par l’État français. En effet, l’article L. 1231-14 du
code des transports le définit comme :
20
« la mise en commun d'un véhicule ou d'une flotte de véhicules de transport terrestre à
moteur au profit d'utilisateurs abonnés ou habilités par l'organisme ou la personne
gestionnaire des véhicules. Chaque abonné ou utilisateur habilité peut accéder à un
véhicule sans conducteur pour le trajet de son choix et pour une durée limitée ».
Figure 4 : Service d’autopartage à Paris (11e
). Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020.
L’autopartage connaît un succès défendable en France, car selon le ministère de la
transition écologique, il est utilisé par 5% des Français à l’échelle nationale et près de
20% dans Paris intra-muros et ces chiffres sont en croissance. L’autopartage est
important pour la transition écologique, car une voiture en autopartage peut remplacer
5 voitures personnelles et par conséquent réduire les émissions de CO2. Selon le
ministère, l’utilisation de ce mode permet à l’utilisateur de réduire ses émissions de 1,5
tonne par an. En plus d’être, écologique l’autopartage permet de désengorger le trafic
routier et libérer des places de stationnement.
Par ailleurs, nous pouvons distinguer quatre formes d’autopartage :
21
L’autopartage en boucle retour : Il s’agit de la forme la plus classique. L’utilisateur de ce
service prend un véhicule dans une station dédiée et le restitue sur la même station.
La facturation pour ce type d’autopartage se fait le plus souvent par un abonnement
(mensuel ou annuel), mais elle peut aussi être souple, dans ce cas la durée et/ou la
distance déterminent le coût du trajet.
L’autopartage one-way : cette forme ressemble à la première, l’utilisateur prend un
véhicule dans une station dédiée, mais cette fois il a la possibilité de le restituer dans une
autre station. Cette forme présente plusieurs avantages par rapport à la première,
notamment les déplacements facilités et les coûts réduits.
L’autopartage en libre-service intégral : ce mode est le plus récent sur le marché. Les
voitures sont mises à disposition des utilisateurs dans un périmètre délimité d’une ville.
Il n’y a pas forcément de stations dédiées à ce mode, mais certaines collectivités peuvent
créer des places de parkings pour mieux gérer ce mode d’autopartage. Les utilisateurs
de ce mode repèrent les voitures grâce à une application sur leurs smartphones qui les
géolocalisent sur une carte. Ce type de service privilégie la facturation à la minute et
favorise en conséquence les trajets simples.
L’autopartage entre particuliers : cette forme s’inscrit dans le concept d’économie
collaborative. Les véhicules ici n’appartiennent pas à une société, mais à des particuliers
qui les mettent à disposition d’autres particuliers sur une plateforme numérique contre
une rémunération. Les opérateurs de ces plateformes prennent une commission sur les
transactions effectuées.
Les deux-roues :
Les deux-roues sont un excellent moyen de transport dans les villes congestionnées
d’aujourd’hui. Grâce à leur forme, légèreté et facilité d’usage, ils permettent à leurs
utilisateurs des déplacements rapides et commodes. De plus, grâce au concept de la
mobilité partagée et ses innovations, leur commodité s’est améliorée davantage,
désormais les utilisateurs n’ont pas à acheter ces engins de déplacement personnel
(EDP) ni à se soucier des vols qui les touchent particulièrement en raison de leur petit
22
gabarit. Nous comptons essentiellement trois types d’EDP en libre-service : les vélos, les
trottinettes et les scooters. Le mémoire ne traitera pas de la dernière catégorie.
Par ailleurs, la mise en libre-service des deux roues prend deux formes :
Avec bornes d’attache :
Ici les EDP- généralement des vélos en libre-service (VLS)- sont attelés à des stations qui
permettent à la fois de les sécuriser et de les recharger dans le cas des vélos à assistance
électrique (VAE).
Ce service est généralement fourni par une collectivité locale directement aux
utilisateurs ou indirectement via un concessionnaire. Pour en bénéficier, les usagers
doivent souscrire à un abonnement, généralement mensuel, sur le site internet de
l’opérateur pour avoir une carte qui leur permettrait de déverrouiller ces vélos.
Figure 5 : vélos du réseau Vélib’ Métropole. Source :
Abdelkarim ISSAAD, août 2020.
23
Sans bornes d’attache ou mobilité connectée :
Dans cette seconde catégorie, nous trouvons tous les types d’EDP : les vélos électriques
et mécaniques, les trottinettes ainsi que les scooters. La différence avec la première
catégorie est l’absence totale de stations, ainsi les deux-roues sont dispersés partout
dans les villes, généralement à proximité des bouches de métro, des parkings et parfois
même des stations de VLS concurrent.
Les EDP sans bornes d’attache sont disponibles à la location à travers des applications
mobiles développées par les opérateurs. La possession d’un smartphone équipé de
géolocalisation est ainsi primordiale pour accéder à ce type de service. Par ailleurs, la
facturation se fait principalement à la minute et l’utilisateur paie également un montant
fixe pour déverrouiller le véhicule.
Figure 6 : flottes de trottinettes de différents opérateurs à Paris (11e
). Source : Abdelkarim ISSAAD, août
2020.
24
Paris en raison de sa taille est un marché important pour les opérateurs de mobilité
partagée, la preuve en est qu’elle a accueilli toutes les formes que nous venons de citer.
Dans le reste de la France, le déploiement ne se fait pas de la même vitesse, mais la
mobilité partagée se développe tout de même dans certaines villes.
B. Le développement des mobilités partagées en France
1. Histoire et l’évolution de l’offre de mobilité partagée
Dans l’histoire des mobilités partagées en France, nous pouvons considérer la date du 16
juillet 1976 comme le début, non seulement de mobilité partagée, mais aussi de mobilité
sans bornes d’attache en France. En effet, cette date correspond au lancement du
système de vélos en libre-service de la ville de La Rochelle.
Cette initiative de Michel Crépeau, maire de La Rochelle de 1971 à 1999, a permis à la ville
qui comptait à peine 80.000 habitants (INSEE) de conquérir une renommée
internationaleparmi les spécialistes dela mobilité(Razemon,2013). Lavilleproposaitaux
Rochelais des vélos jaunes qu’ils pouvaient emprunter à leur guise gratuitement.
Ce système de VLS était avant-gardiste, car il s’opposait complètement à la politique
urbaine de massification de la voiture individuelle promue à l’époque par les décideurs
politiques. De façon inattendu, ce type de service revient sur le devant de la scène,
quarante ans plus tard, pour essayer de résoudre les séquelles de cette politique, mais
cette fois avec des startups ambitieuses et surtout avec un prix !
Après l’expérience rochelaise, nous pouvons évoquer l’autopartage apparu
officiellement en 1999 en France. Le service est commercialisé par Caisse Commune,
une société française considérée comme étant la première à s’implanter et à durer dans
ce domaine. Pour son fondateur, Loïc Mignotte, “les pics de pollution en 1997 marquent le
début d’un changement de perception de la voiture en ville : le véhicule est de plus en
plus vécu comme une source de contrainte”. Après avoir vu la réussite des expériences
25
allemande et belge qui ont su répondre à la contrainte qu’il évoquait, ila choisi la capitale,
précisément le 9e arrondissement, pour installer sa toute première station (boucle
fermée) de 4 véhicules.
Six ans plus tard, se développe le premier réseau de VLS à Lyon, mais contrairement à
l’expérience rochelaise, les vélos disposent de stations et sont attelés à des bornes
d’attache. Le service s’appelle Cyclocity et il est en partie breveté par la société
JCDecaux qui l’a développé. Cette société spécialisée dans lemobilier urbain notamment
publicitaire lance le même service à Paris qui connaît un très grand succès, il s’agit du
réseau Vélib’ qui comptait à son lancement 750 stations. Le nom du service est en effet
un jeu de mots avec vélo et liberté. Aujourd’hui, les Vélib’ (comme sont appelés
communément les vélos de ce réseau) sont devenus un symbole de la capitale et une
référence mondiale en termes de mobilité partagée. La métropole du Grand Paris
compte en 2020 plus de 1200 stations qui couvrent l’ensemble de la capitale (figure 7).
Figure 7 : carte des stations du réseau Vélib’ Métropole. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020. Source :
Data.gouv.fr
26
Enfin, la forme la plus récente de mobilité partagée est la mobilité connectée qui fait sa
première apparition en France en octobre 2017. La société qui l’introduit est Gobee.bike,
une startup hongkongaise qui a choisi Lille pour le premier lancement de son service.
Cette société est suivie par d’autres concurrents très rapidement comme Obike, Ofo,
Jump, etc.
Moins d’un an après l’introduction des vélos, les trottinettes arrivent sur le marché
français. Les premières trottinettes en libre-service à rouler en France sont celles de
Lime qui introduit sa flotte de trottinettes en juin 2018 à Paris, suivie par 7 autres
opérateurs.
2. Analyse du marché français de la mobilité connectée
Comme nous l’avons vu précédemment la France était parmi les premiers pays au monde
à s’intéresser à la mobilité partagée, notamment avec l’expérience rochelaise des vélos
jaunes. L’intérêt récent pour la mobilité connectée est dans la continuation de cet intérêt
pour des modes de déplacement doux, plus respectueux de l’environnement.
Au-delà de l’intérêt de la population pour ces modes et de la politique urbaine menée par
les élus locaux et encouragée par l’État en faveur de la mobilité partagée. La France
suscite l’intérêt des opérateurs de mobilité connectée, car ils y voient un marché
important pour leurs services en raison de la jeunesse relative de sa population (7e
à
l’échelle européenne) et son économie classée 6e
au monde et 2e
à l’échelle européenne
(Banque Mondiale, 2020).
Bien que La Rochelle, ville moyenne, soit la première ville en France à développer une
offre de mobilité partagée, ce sont les grandes villes françaises qui ont intéressé les
startups de la mobilité connectée, simplement car elles ont l’avantage de concentrer une
population importante dans un tissu urbain condensé. La taille de la population est
importante pour la rentabilisation des services proposés, car plus elle est conséquente,
plus il y a de clients potentiels pour les opérateurs. La densité du tissu urbain est
également importante, car les services de mobilité connectée sont destinés pour les
27
trajets courts (moins de 5 km). Les trajets longs n’intéressent pas les opérateurs, car
pour être rentabilisés, les véhicules doivent faire le plus de trajets possibles par jour.
Comme nous l’avons vu précédemment, le coût de déverrouillage d’un EDP connecté est
plus important que le coût de son utilisation. À titre d’exemple, l’opérateur Lime facture
le déverrouillage de ses trottinettes 1€, soit quatre fois le coût de son utilisation (0,25€ /
minutes).
Une autre raison pour laquelle les grandes villes sont ciblées par les opérateurs est les
problèmes de congestion routière qu’elles connaissent. Les services de mobilité
partagée se positionnent comme une offre alternative permettant de contourner ce
problème grâce au gabarit réduit des EDP qui peuvent emprunter les pistes cyclables.
Les opérateurs utilisent cet atout comme un argument dans leur communication à
l’instar de Lime qui révèle que deux sur cinq utilisateurs de leur service à Los Angeles
utilisent leurs trottinettes pour remplacer la voiture. Un argument fort, car Los Angeles
est connue pour ses problèmes de congestion (classée 1ère
aux États-Unis).
Figure 8 : rapport de Lime qui évoque l’avantage de son service lors de congestions routières. Source : Lime,
2018.
En France, le déploiement de services de mobilité partagée sans station a commencé
dans la capitale dans un premier temps, puis dans les villes moyennes dans un deuxième
28
temps. En analysant l’ordre d’arrivée des opérateurs (tableau 1), nous pouvons constater
que Paris était la ville de choix pour les opérateurs de mobilité partagée, d’ailleurs, sur les
premiers 16 déploiements en France, 14 ont eu lieu à Paris.
Les VLS sans station étaient les premiers à être déployés en masse par les opérateurs
asiatiques (Gobee.bike, Obike, Ofo et Mobike) à partir d’octobre 2017 et jusqu’à mai 2018.
En ce qui concerne les trottinettes, Lime était le premier opérateur à introduire sa flotte
en France dans la capitale en juin 2018.
OPÉRATEUR TYPE VILLE MOIS / ANNÉE
GOBEE.BIKE Vélos Lille et Paris Octobre-novembre
2017
OBIKE Vélos Paris Novembre 2017
OFO Vélos Paris Décembre 2017
MOBIKE Vélos Paris Janvier 2018
DONKEY REPUBLIC Vélos Paris Mai 2018
LIME Trottinettes Paris Juin 2018
BIRD Trottinettes Paris Août 2018
PONY Vélos Angers Septembre 2018
WIND Trottinettes Paris Septembre 2018
VOÏ Trottinettes Paris et Lyon Décembre 2018
CIRC (EX FLASH) Trottinettes Paris Février 2019
DOTT Trottinettes Paris Avril 2019
JUMP Vélos Paris Avril 2019
B MOBILITY Trottinettes Paris Mai 2019
IREINE Trottinettes Dijon Septembre 2019
TIER Trottinettes Paris Octobre 2019
Tableau 1 : ville et date d’arrivée des opérateurs de mobilité connectée en France.
29
Les opérateurs que nous voyons sur ce tableau n’ont pas tous maintenu leurs activités
dans les villes où ils ont déployé leurs flottes. La ville de Paris, par exemple, bien qu’elle
ait enregistré l’arrivée de quatorze opérateurs de mobilité connectée sur les trois
dernières années (2017-2020), elle n’en compte aujourd’hui que trois (figure 9).
À cause des problèmes inhérents aux services de mobilité connectée, notamment son
modèle économique difficile à rentabiliser, ainsi que des problèmes externes comme le
vandalisme, la concurrence brutale non régulée ou les tensions avec les collectivités
locales. Nombreux sont les opérateurs à quitter les petites et moyennes villes pour se
concentrer sur Paris. Ils sont très nombreux également à quitter définitivement le
marché français. Pour citer quelques exemples : Lime a quitté Toulouse à cause de la
mairie qui considérait sa présence comme uneoccupation illicite du domaine public. Circ
a quitté Lyon en août 2019, à peine six mois après son lancement, à cause des
« spécificités du marché local qui ne permettent pas une exploitation satisfaisante de
leurs services » selon le communiqué de presse de l’entreprise qui a maintenu
Figure 9 : l’implantation des opérateurs de free-floating sur le marché français (octobre 2020). Carte réalisée par
Abdelkarim ISSAAD.
30
néanmoins ses services à Paris1
. Les opérateurs asiatiques qui étaient les premiers à
s’implanter ont quitté définitivement le marché français à cause du vandalisme et des
difficultés financières qu’ils ont rencontrées.
En outre, nous remarquons à Bordeaux un grand succès de la mobilité connectée avec
sept opérateurs de trottinettes et trois opérateurs de VLS sans station. Mathieu Balleron
de Wind Mobiliy affirme que « Bordeaux est faite pour la micromobilité. Il suffit de
regarder le nombre de voitures par foyer, de mettre en regard les places de parkings
disponibles et leurs tarifs... Au-delà de ça il y a une appétence pour la mobilité douce, peu
de dénivelés, beaucoup de bouchons, des zones mal desservies par les transports en
commun... C'est pour cela que nous avons choisi Bordeaux pour nous déployer après
Paris, et avant Lyon où nous avons démarré notre activité la semaine dernière » (Lozano,
2019).
En somme, la France est un marché défendable pour la mobilité connectée qui intéresse
un grand nombre d’opérateurs. Ce marché est néanmoins jeune, en évolution constante
et ne garantit pas la pérennité des services pour les utilisateurs. Il a vu l’arrivée et le
départ d’opérateurs dans quasiment toutes les villes qui ont accueilli ce genre de
services.
Pour s’adapter aux aléas du marché, les opérateurs n’ont eu que deux options : soit de
quitter les marchés peu porteurs comme certaines villes pour se concentrer sur d’autres,
soit de mettre fin définitivement à leurs services en France.
1
L’entreprise Circ a été rachetée par son concurrent Bird en Janvier 2020.
31
C. Derrière l’explosion de la mobilité connectée, de multiples
avantages
1. Les avantages pour les utilisateurs
De la facturation simplifiée à l’utilisation ludique, les VLS et trottinettes connectés se
distinguent des autres moyens de transport par leurs avantages pour les utilisateurs qui
les poussent à préférer la mobilité connectée aux autres services existants :
La souscription au service
Pour utiliser un véhicule mis en libre-service, que ce soit avec ou sans station, il faut
s’inscrire sur une plateforme dédiée qui peut être un site ou une application. Dans le cas
d’un service public, comme Vélib’, l’utilisateur peut choisir un abonnement mensuel ou un
Pass de quelques jours sur une application pour smartphone ou sur le site internet de
Vélib’, car le déverrouillage d’un vélo ne nécessite pas un smartphone, mais un identifiant
et un code d’accès ou une carte magnétique. Dans le cas de la mobilité connectée,
l’interface entre l’utilisateur et le service est juste une application.
Il faut savoir que les opérateurs de mobilité connectée n’obligent pas leurs clients à
souscrire à un abonnement, ainsi la souscription à leurs services ne nécessite pas autant
d’informations que la souscription à un service traditionnel. Par exemple, les opérateurs
de mobilité connectée n’exigent pas de fournir un relevé d’identité bancaire
contrairement aux services de mobilité partagée traditionnels tels que Vélib. Le mode de
paiement privilégié est la carte bancaire. De ce fait, le processus de souscription est plus
rapide pour les utilisateurs.
L’utilisation et l’accessibilité
L’utilisation de vélos ou de trottinettes ne nécessite pas la possession d’un permis de
conduire contrairement aux voitures. La prise en main facile de ces deux-roues les rend
attractifs pour les personnes ne possédant pas de permis de conduire, notamment les
plus jeunes.
32
Également, ce mode transport est une offre très commode et accessible pour les
personnes ne possédant pas de moyens de locomotive personnels. Il permet aux
utilisateurs ponctuels de ne pas investir dans l’acquisition d’un vélo ou une trottinette qui
sera peu utilisée.
La tarification souple
La tarification souple est un des points de marketing utilisés par les opérateurs pour
promouvoir leurs services. Pour utiliser un service de mobilité connecté, il suffit de
charger un portefeuille électronique sur l’application de l’opérateur et de consommer son
crédit à sa guise.
Pour une utilisation ponctuelle, le service est plus économique qu’un abonnement ou un
forfait jour aux services de VLS publics. De plus, les opérateurs de mobilité connectée
n’exigent en général pas de caution pour emprunter leurs véhicules contrairement aux
réseaux publics où la caution peut s’élever à 300€ comme dans le cas des forfaits jour de
Vélib’. L’absence d’une caution est avantageuse pour les touristes qui peuvent être
dissuadés d’utiliser les VLS publics.
Contournement des problèmes de transport
En ce qui concerne les problèmes de transport, notamment la congestion routière, les
mouvements de contestation sociale ou la disponibilité des services, la mobilité
connectée est épargnée, car :
- Le petit gabarit desvélos et trottinettes leur permet d’emprunter les pistes
cyclables et d’échapper aux bouchons aux heures de pointe. Ils permettent
ainsi un gain de temps considérable.
- Les services de mobilité connectée ne sont pas affectés par les
mouvements sociaux, car leur modèle économique intègre peu de salariés
et leurs flottes sont dispersées sur l’espace public et mis à disposition des
usagers en permanence. Pendant la grève qui a eu lieu fin 2019, la RATP a
noué des partenariats avec des opérateurs de mobilité connectée comme
Jump et Voi afin d’offrir des codes de réduction aux usagers de son réseau
pour pallier les dysfonctionnements.
33
- La mobilité connectée garantit un service à tout moment. Les usagers ne
sont donc pas contraints par des horaires et peuvent se déplacer même la
nuit.
L’utilisation ludique
L’utilisation de trottinettes ou de vélos connectés n’est pas seulement pratique pour les
usagers, mais elle est aussi ludique. Selon une enquête de l’institut Paris Région, l’aspect
ludique lié à la vitesse semble être un des éléments qui ont déclenché le premier usage
chez les personnes enquêtées.
2. Les avantages pour les collectivités locales
La mobilité connectée ne présente pas seulement des avantages pour ses utilisateurs, il
en présente également pour les collectivités locales qui ont fait le choix de l’accueillir.
Ces dernières citent divers avantages et externalités positives de la présence d’offres de
mobilité connectée sur leurs territoires :
Un service supplémentaire pour les habitants :
Le premier avantage de la mobilité connectée pour les collectivités est que ce service de
transport soit proposé à ses habitants en plus des véhicules personnels et des services
de transport déjà existants, proposés soit par les collectivités (réseaux de bus, tramway,
métro…), soit par le privé (taxi, VTC…). De plus, dans le contexte actuel où la place de la
voiture dans la ville est contestée et où de nombreuses villes ont déclaré la guerre aux
voitures à l’instar de Paris (Le Monde, 2017), tout est permis pour réduire la part de la
voiture dans l’espace public et limiter en conséquence ses effets négatifs tels que la
pollution de l’air et les embouteillages aux heures de pointe.
« C’est bien la combinaison de l’ensemble de ces modes partagés qui, au final, offre un
bouquet de mobilité suffisamment fiable pour enclencher et soutenir le report modal
depuis la voiture ». Pierre Soulard, Métropole de Lyon (6-t bureau de recherche, 2019, p.
42).
34
Comme le précise Pierre Soulard, responsable du service mobilité urbaine à la métropole
de Lyon, la mobilité connectée se présente comme une partie de l’offre alternative à la
voiture et qui participe à sa fiabilité. Il estime qu’une fois l’offre alternative est assez
solide, elle peut soutenir le transfert modal, c’est-à-dire, le report de l’usage personnel
de la voiture vers l’usage des modes alternatifs.
Aucun investissement au préalable :
Les collectivités locales peuvent renforcer leur offre de transport sans investissement
financier, en permettant aux opérateurs de mobilité connectée de proposer leurs
services sur leurs territoires.
La mobilité connectée peut remplacer l’offre traditionnelle de VLS en station qui coûte
très cher aux budgets locaux. Selon l’économiste Frédéric Héran, le coût d’exploitation
d’un réseau VLS en station s’élèverait à environ 4 000 € par vélo et par an pour permettre
d’approvisionner les stations et d’assurer la réparation des vélos particulièrement
touchés par le vandalisme. La mobilité connectée reviendrait alors moins chère, car elle
est exploitée entièrement par l’opérateur privé, tout en remplissant la même mission.
Un élément de marketing urbain :
Souvent associé à la smart city, la modernité et à l’innovation, la mobilité connectée peut
se mêler au marketing des collectivités. Il peut leur permettre de se positionner comme
pionnières en matière de mobilité alternative. Audrey Masquelin, chef de service
Politiques de Déplacements de la Métropole Européenne de Lille, précise à ce sujet
que « ça [la mobilité connectée] pouvait avoir une résonance positive sur l’image de la
Métropole Européenne de Lille comme territoire d’innovation, la positionner comme une
métropole cyclable ».
Écoblanchiment de la politique publique :
Présentée comme écologique par ses opérateurs, la mobilité connectée peut également
servir d’un moyen pour les élus de se donner une bonne image en matière de
responsabilité écologique. L’écoblanchiment est un terme calqué sur le terme anglais
greenwashing qui désigne « une méthode de marketing consistant à communiquer
auprès du public en utilisant l'argument écologique. Le but du greenwashing étant de se
donner une image écoresponsable, assez éloignée de la réalité…» (Novethic, 2020).
35
D. Conclusion partielle
Dans cette première partie, il a été question d’étudier le concept de mobilité connectée.
Nous nous sommes intéressés d’abord à la mobilité partagée en tant que concept global
qui intègre les services sans station. Nous avons vu comment la première forme est née
à Amsterdam en 1965 pour attirer l’attention du public vers les problématiques de
consumérisme et la pollution qui ont émergé à cette époque, et comment elle a évolué
au fil du temps pour devenir un symbole de la ville intelligente. Nous avons vu également
comment la mise en libre-service des engins de déplacement personnels EDP se décline
en deux formes, avec station et sans station.
Ensuite, nous avons vu comment ce concept s’est développé en France. D’abord son
début à La Rochelle qui a accueilli non seulement la première forme demobilité partagée,
mais aussi de mobilité sans station en France avec une petite flotte de vélos jaunes. Puis,
latransformation delamobilitépartagéeen un grand marchéoù denombreux opérateurs
sont en concurrence.
Enfin, nous avons expliqué les raisons de l’essor de la mobilité connectée. D’un côté, des
avantages pour les utilisateurs comme la facilité d’utilisation, la souplesse de tarification
ou encore le contournement des problèmes de transports en commun ; de l’autre, des
avantages pour les collectivités locales qui voient notamment dans le concept un service
supplémentaire pour leurs populations sans grand investissement au préalable.
II. Les problématiques liées à la mobilité connectée : quelles
stratégies d’adaptation des villes ?
36
Le déploiement des flottes de trottinettes et de VLS sans station a généré des effets
négatifs pour les villes qui les ont accueillis. Cette partie a vocation à étudier les
stratégies d’adaptation des villes vis-à-vis des problématiques liées à la mobilité
connectée.
Nous étudierons dans un premier temps les inconvénients du modèle et sa fragilité face
aux conjonctures exceptionnelle (mouvements sociaux et crise sanitaire à Paris). Puis,
nous traiterons des stratégies d’adaptation des villes pour limiter les effets négatifs.
Enfin, nous regarderons comment la France a mis un cadre pour réguler les nouvelles
formes de mobilité et comment la ville de Paris a traité la question de la mobilité
connectée.
A. Les inconvénients de la mobilité connectée : effets négatifs et
fragilité face aux crises
1. Étude des effets négatifs de la mobilité connectée
La mobilité connectée ne présente pas seulement des avantages pour les personnes et
les collectivités locales, mais aussi des inconvénients et externalités négatives. Nous
pouvons les regrouper dans trois volets : volet socio-urbain, volet économique et volet
environnemental.
a) Le volet socio-urbain
Comme nous l’avons vu, la mobilité connectée est un concept très récent. Son arrivée
brusque dans les métropoles du monde et dans les villes françaises ne leur a pas laissé le
temps de se préparer à cette nouvelle façon de se déplacer. L’occupation des flottes de
l’espace public qui ne leur était pas destiné initialement, et la nature des emplois générée
par ce modèle ont des retombées urbaines et sociales.
37
Tout d’abord, la façon dont occupent ces véhicules l’espace public est problématique.
Les trottoirs étant destinés initialement aux piétons, ces derniers se retrouvent du jour
au lendemain en train de partager les trottoirs avec des VLS et des trottinettes laissés
soit par les opérateurs qui n’ont pas trouvé de contraintes réglementaires à cette
pratique, soit par leurs utilisateurs qui s’en servent justement parce qu’il n’y a pas la
contrainte de stationner son deux-roues dans un endroit particulier. Ce partage de
l’espace public auquel les piétons n’ont pas consenti génère des tensions avec les
utilisateurs des services de mobilités connectées. Ajoutons que l’occupation anarchique
de l’espace public peut être dangereuse pour personnes atteintes d’une déficience
visuelle, et extrêmement gênante pour les personnes à mobilité réduite (figure 10). Outre
le stationnement, certains utilisateurs de trottinettes conduisent même sur le trottoir,
cette pratique peut s’avérer très dangereuse pour les utilisateurs et les piétons, car la
vitesse des trottinettes peut atteindre 25 km/h près de sept fois la vitesse moyenne d’un
piéton (3.6 km/h).
Figure 10 : des trottinettes électriques gênant le passage d'une femme en fauteuil roulant. Source : Emily
Shryock.
38
Parailleurs, lagêneoccasionnéeparlamobilitéconnectéen’estpas seulementphysique,
elle est aussi visuelle. En effet, faute de régulation, le marché de la mobilité connectée
se trouve partagé entre plusieurs opérateurs, chacun disposant de sa propre identité
visuelle, ce qui implique des couleurs, des formes et des logos différents, donc un
manque de cohérence qui dévalorise la qualité du paysage urbain et la lisibilité de l’offre
de transport.
Enfin, en ce qui concerne le volet social, la mobilité connectée participe à la
généralisation d’emplois précaires. En effet, ce modèle a donné naissance à un nouveau
métier, celui de rechargeurs (de l’anglais juicer). Ces derniers sont des personnes dont le
rôle est de recharger les trottinettes électriques. Ils s’occupent de la collection des
trottinettes pour les recharger généralement dans leurs domiciles. Ce type d’emploi est
précaire, car les rechargeurs sont des prestataires indépendants et non des salariés des
opérateurs, ainsi leurs revenus ne sont pas stables et ils ne sont pas couverts en cas
d’accidents. Par ailleurs, la précarité n’est pas seulement économique, ce métier
implique un risque. Les rechargeurs collectent les trottinettes sans équipements
adaptés, ils se contentent essentiellement de les transporter avec un deux-roues
(figures 11 et 12). Une pratique risquée, car un accident peut avoir lieu en cas de
déséquilibre, choc, etc. Ils risquent ainsi leurs vies pour toucher une rémunération brute
de 5 à 8€ par chaque trottinette rechargée à leurs frais et sans prendre en considération
les cotisations sociales liées au régime d’autoentrepreneur.
39
Figure 11 Juicer sur une gyroroue en train de transporter des trottinettes. Source : www.wedemain.fr
Figure 12 Juicer en train de transporter des trottinettes sur une trottinette ! Source : France info
40
b) Le volet économique
La mobilité connectée a des inconvénients économiques qui concernent les opérateurs
et les collectivités locales au-delà du modèle économique flou. Ces inconvénients
économiques sont majoritairement le résultat des dégradations subites par les flottes
ou les dégradations que ces dernières font subir à l’espace public.
Tout d’abord, il est nécessaire de traiter de la question du modèle économique, même si
ce n’est pas le cœur de la problématique traitée par le mémoire. La viabilité ou non du
modèle économique a des répercussions sur l’espace urbain. Les collectivités locales
n’ont aucun intérêt à investir massivement dans la création et la maintenance
d’infrastructures pour un modèle de déplacement voué à disparaître à court terme. Il faut
savoir que les opérateurs de mobilité connectée gagnent peu d’argent de leurs flottes,
d’ailleurs ils doivent attendre plusieurs mois avant d’être rentables. Par exemple : une
trottinette coûte environ 300€, mais l’utilisateur paie en moyenne 50 centimes par demi-
heure ainsi qu’une somme fixe définie par l’opérateur pour débloquer l’engin. Une étude
récente (Bureau d’études 6t, 2019) commandée par l’agence révèle que le modèle
économique des opérateurs pourrait reposer plus sur l’exploitation des données des
utilisateurs que sur l’utilisation des véhicules. En somme, le modèle économique est flou
et fragile et les collectivités locales peuvent perdre un service du brusquement et
pénaliser les habitants de la collectivité.
« Ils viennent un jour, mais du jour au lendemain ils peuvent partir, et ça, c’est une crainte
de la collectivité ». Pierre-Marie Garnier, Ville et Eurométropole de Strasbourg (6-t
bureau de recherche, 2019, p. 53).
En plus d’un modèle économique fragile, les opérateurs sont confrontés à un autre
problème qui fragilise leur modèle économique davantage, celui des surcoûts
difficilement maîtrisables liés à la nature même de la mobilité connectée. Plusieurs
sources sont à l’origine de ces surcoûts, nous distinguons d’abord les différentes
dégradations dont les flottes en sont victimes à cause du mauvais usage par les
utilisateurs, les intempéries, les accidents ou encore le vandalisme. Puis, nous avons, le
vol et la privatisation. La privatisation se différencie du vol, car elle n’est pas forcément
illégale dans tous les cas, mais entraîne néanmoins des pertes pour les opérateurs. Un
41
exemple de privatisation est le stationnement d’un EDP connecté dans une cour
d’immeuble qui faciliterait l’accès d’un utilisateur au détriment des autres.
Ces dégradations, vols et privatisations entraînent des frais de maintenance et de
renouvellement de flottes que des startups de mobilité connectée ont du mal à gérer.
Plusieurs opérateurs ont en effet quitté leurs marchés fautes de surcoûts juste quelques
mois après leur déploiement à l’instar de Gobee.bike qui a retiré sa flotte de VLS du
marché français à peine cinq mois après son déploiement et il ne s’agit que d’un exemple
parmi d’autres. « Ces dernières semaines, le vandalisme et les dégâts causés à notre flotte
ont atteint des limites que nous ne pouvons plus surmonter », a déploré Raphaël Cohen, le
fondateur de Gobee.bike (Lelièvre, 2019).
c) Le volet environnemental
Bien que les EDP en libre-service soient électriques et à première vue peu polluants, car
ils n’émettent pas de gaz à effet de serre, le modèle de mobilité connectée entraîne des
effets négatifs sur l’environnement. Nous avons regroupé ces effets négatifs en trois
catégories :
(1) Batteries :
Les batteries des vélos électriques et trottinettes sont probablement le point le plus
controversé dans un point de vue écologique. En effet, la fabrication de batteries de
manière générale nécessite l’utilisation de terres rares. Ces dernières désignent 17
métaux qui sonttrès recherchésparl’industrie delahaute technologiepourlafabrication
de batteries, de composants informatiques pour les ordinateurs, les téléphones, etc.
Contrairement à l’appellation, les terres rares sont très présentes dans la croûte
terrestre, en revanche elles sont en faible concentration, par conséquent leur extraction
et transformation produisent des déchets toxiques qui polluent le sol et les
écosystèmes.
À cause de la durée de vie limitée des batteries (entre 500 et 1 000 rechargements) et de
l’usage intensif des EDP, le changement de batteries est effectué régulièrement par les
42
opérateurs pour assurer leur service et la fréquence peut aller d’une fois tous les trois
ans dans le scénario idéal à une fois par an dans le cas contraire.
(2) Énergie et rechargement :
À cause de l’absence de bornes de rechargement, les opérateurs ont recours aux
rechargeurs que nous avons évoqués précédemment. Comme nous l’avons expliqué, ces
prestataires rechargent les engins dans leurs domiciles, par conséquent, il n’y a pas de
traçabilité de la source d’énergie utilisée. Cette énergie peut être renouvelable comme
elle peut être polluante. En bref, un véhicule peut être plus ou moins polluant qu’un autre
de la même flotte et l’utilisateur, pensant utiliser un moyen de transport écologique, n’est
guère informé de la réelle empreinte carbone de son trajet.
En outre, pour recharger les trottinettes les rechargeurs ont besoin de transporter les
véhicules vers leurs lieux de rechargement. Cette étape de transport, comme le
rechargement, peut être plus ou moins polluante en fonction des véhicules utilisés par
les rechargeurs, les véhicules thermiques étant plus polluants que les véhicules
électriques.
(3) Production et renouvellement de la flotte :
À cause dedégradations, de volset de privatisations subies par les trottinettes et les VLS
sans stations, le renouvellement des flottes est indispensable pour la continuité des
services. Cela entraîne en revanche plus de production de véhicules et en conséquence,
plus d’exploitation de matières premières et plus de pollution.
Il faut savoir que la fabrication de vélos et de trottinettes pèse lourd en matière d’impact
environnemental, nous avons évoqué précédemment les batteries dans le cas des
véhicules électriques et le besoin de terres rares pour les fabriquer, mais la fabrication
nécessite aussi d’autres matières comme l’aluminium et de l’acier pour l’armature, du
caoutchouc pour les pneus, ainsi que du plastique pour les autres pièces.
Le renouvellement de la flotte étant récurrent dans le modèle de mobilité connectée, une
question se pose sur le recyclage des engins arrivés à leur fin de vie. En effet, bien que le
recyclage soit un bon moyen de remédier à l’extraction de matières premières, ce
43
processus est tout de même polluant, car il est énergivore. De plus, les batteries ne sont
pas complètement recyclables, elles finissent parfois dans les décharges et participent
à la pollution du sol.
2. La mobilité connectée à Paris : un service fragile face aux crises
Dans cette partie, nous allons dresser le bilan des services de partage de véhicules
en libre-service, sans station d’attache. Pour ce faire, nous étudieronsd’abord la stabilité
de ces services. Ensuite, nous regarderons leur résilience en cas de conjoncture
exceptionnelle.
Stabilité des services
Les grèves de transports qui ont affecté la RATP, ainsi que la crise sanitaire liée à la
Covid-19 qui alimité l’affluence dans les transports en commun pour éviter la propagation
du coronavirus, nous ont montré l’importance de la mobilité partagée qui a joué un rôle
important durant ces deux périodes, en se substituant aux transports en commun,
malgré certaines insuffisances liées à la continuité des services.
Une grande métropole de la taille de Paris doit avoir une stratégie solide en matière de
mobilité pour se préparer aux enjeux du présent et de l’avenir. Garantir une offre de
transport de qualité pour les habitants et les visiteurs implique nécessairement d’avoir
une symbiose entre les différentes offres de transport qui constituent l’offre globale. Les
offres doivent aussi être stables pour permettre d’ajuster les services, de développer
l’intermodalité et d’assurer l’efficacité et la continuité de l’offre de transport.
Pour avoir une stratégie prospective à court et à moyen termes, une ville doit avoir assez
de visibilité sur les offres de transport qui complètent son offre publique. De plus, la
projection nécessite un minimum de stabilité ; or avec la mobilité connectée, cette
stabilité n’existe pas. En effet, depuis 2017, Paris a accueilli pas moins de 14 opérateurs
de mobilité connectée (vélos et trottinettes confondus). Aujourd’hui, la ville n’en compte
que trois (tableau 2).
44
Contrairement à un opérateur public comme Vélib’ Métropole dont le déficit peut être
comblé par l’argent des contribuables, car il remplit une mission d’intérêt public, les
opérateurs dépendent de leurs investisseurs et de la rentabilité de leurs services. Le
premier intérêt d’un opérateur est économique. S’il estime qu’un marché n’est pas assez
porteur, il peut le quitter sans préavis comme ce fût le cas pour Donkey Republic, Bird ou
encore Circ à Paris.
Par ailleurs, l’instabilité concerne les grands opérateurs comme les jeunes startups. Ce
ne sont pas uniquement ces dernières qui cessent leurs activités après avoir rencontré
des difficultés à rentabiliser leurs services à l’instar des opérateurs asiatiques, même les
opérateurs créés par de grandes entreprises (ex. : Jump créé par Uber) quittent le
marché du jour en lendemain et laissent les utilisateurs dans la confusion.
OPÉRATEUR TYPE VILLE ARRIVÉE DÉPART
GOBEE.BIKE Vélos Paris et Lille Octobre 2017 Février 2018
OBIKE Vélos Paris Novembre 2017 Juin 2018
OFO Vélos Paris Décembre 2017 Décembre 18
MOBIKE Vélos Paris Janvier 2018 Mars 19
DONKEY REPUBLIC Vélos Paris Mai 2018 Novembre 19
LIME Trottinettes Paris Juin 2018 En service
BIRD Trottinettes Paris Août 2018 Juillet 2020
WIND Trottinettes Paris Septembre 2018 Juin 2019
VOÏ Trottinettes Paris et Lyon Décembre 2018 Juin 2019
CIRC (EX FLASH) Trottinettes Paris Février 2019 2019
DOTT Trottinettes Paris Avril 2019 En service
JUMP Vélos Paris Avril 2019 Octobre 2020
B MOBILITY Trottinettes Paris Mai 2019 Janvier 2020
TIER Trottinettes Paris Octobre 2019 En service
Tableau 2 : tableau d’arrivée et de départ des opérateurs de mobilité connectée. Source : communiqués des
opérateurs.
De surcroît, l’instabilité concerne même les opérateurs qui ont maintenu leurs services.
Tier, un des trois opérateurs autorisés à déployer sa flotte à Paris a retiré sa flotte
entièrement pendant des semaines pour la renouveler durant l’été 2020.
45
Le secteur de la mobilité connectée connaît une instabilité structurelle qui n’est pas
avantageuse pour le système de transport parisien. Au moment où ce secteur connaît
des difficultés, Vélib’ Métropole continue de s’agrandir, tant sur la taille du réseau, que
sur le nombre d’utilisateurs (figure 13).
Figure 13 : chiffres clés de la croissance enregistrée par Vélib’ Métropole. Source : Vélib’ Métropole.
La résilience
Pendant les mouvements de grève, la continuité des services de transport, en particulier
le métro parisien, a été compromise pendant 49 jours consécutifs du 5 décembre 2019
au 24 janvier 2020. Il s’agit de la grève la plus longue dans l’histoire de la RATP. Dans ce
contexte, les services de mobilité partagée, avec ou sans station, ont permis aux
Parisiens de se déplacer en l’absence de leur moyen de transport habituel.
En ce qui concerne le réseau Vélib’, la grève a multiplié l’usage des vélos. Selon un
communiqué de Vélib’ Métropole, le réseau a enregistré deux à trois fois le nombre de
46
trajets qu’en temps normal avec 14 trajets en moyenne par vélo. Concernant la mobilité
connectée, les Parisiens ont privilégié les trottinettes électriques. Ces dernières ont
enregistré 13,5 trajets par trottinette quotidiennement contre 10 trajets par VLS sans
station.
Par ailleurs, le libre-service avec station était plus efficace que la mobilité connectée
pendant la grève. Selon Julien Chamussy, cofondateur de Fluctuo2
: « malgré les
critiques, Vélib' a plutôt tenu le choc et réalisé à plusieurs reprises plus de 150.000 trajets
par jour » (Lelièvre, 2020). La mobilité connectée, quant à elle, n’a pas absorbé la
demande de la même efficacité. La raison est l’ampleur de dégradations générées par la
surutilisation des engins qui n’a pas pu être maîtrisée.
En effet, pour des raisons de coût les opérateurs réparent leurs flottes dans des
entrepôts en dehors de la capitale. Mais pendant la crise cela a joué en leur défaveur, en
raison notamment des bouchons qui ont paralysé la région avec plus de 600 kilomètres
certains jours. Ce contexte a compliqué le redéploiement des deux-roues dans la
capitale.
Quand la crise sanitaire a émergé, la mobilité partagée a été un moyen de se protéger du
virus. Les services de transport en libre-service sont un mode de transport individuel qui
permet aux usagers de se déplacer sans s’exposer au risque de contamination présent
dans les transports en commun. Néanmoins, les mesures prises pour endiguer la
propagation du virus comme le confinement ont affecté le nombre de trajets par
véhicule. Cela a affecté économiquement les opérateurs de mobilité connectée plus que
Vélib’, car les services du premier sont facturés par trajet, tandis que Vélib’ fonctionne
essentiellement avec un système d’abonnement.
Ainsi, deux périodes exceptionnelles ont montré la fragilité de la mobilité connectée et
son manque de résilience face aux perturbations générées par les mouvements sociaux
et la crise sanitaire contrairement au réseau Vélib’ qui a résisté au choc et a continué sa
croissance.
2
Fluctuo est un agrégateur de données indépendant spécialisé dans les services de mobilité partagée.
47
Pour conclure, la mobilité connectée, du fait de sa nature en tant que mode de transport
individuel en libre-servicea permis à ses utilisateurs de trouver une alternative au réseau
de transport parisien paralysé par le mouvement de grève le plus long de son histoire.
Pendant la crise sanitaire, la mobilité connectée s’est montrée également utile pour
endiguer la propagation du virus de la Covid-19, en permettant à ses utilisateurs d’éviter
de se regrouper dans les transports en commun. Malgré son rôle positif durant ces deux
périodes, ce modèle ne s’est pas montré aussi stable et résilient que le réseau Vélib’.
B. Les stratégies d’adaptation des villes : entre interdiction et
régulation
Pour limiter ou éviter entièrement les effets négatifs de la mobilité connectée, les villes
ont pris des chemins plus ou moins différents. Leur choix de stratégie dépend des
particularitésdechaqueville. Nousverronsici lesdifférentesstratégiesd’adaptation des
villes vis-à-vis de la mobilité connectée qui vont de la solution la plus radicale
d’interdiction totale au contrôle de celui-ci dans l’espace public.
1. Interdiction
Le choix de l’interdiction est souvent la réponse d’une collectivité territoriale à un
déploiement d’une flotte par les opérateurs de mobilité connectée sans discussion en
amont avec elle. Il faut savoir que dans les premiers temps de la mobilité connectée, les
opérateurs ne demandaient généralement pas d’autorisation avant de déployer leurs
services dans une ville donnée. Leur stratégie était celle du « arrive first, ask later »,
c’est-à-dire, d’arriver en premier sur un marché et de demander les autorisations plus
tard.
La première flotte de trottinettes aux États-Unis a été déployée directement par
l’opérateur Bird en septembre 2017 sur les rues de Santa Monica en Californie. Ce schéma
s’est répété dans d’autres villes notamment à San Francisco. Si la réaction de Santa
48
Monica était de porter plainte pour obtenir des dédommagements, la réaction de San
Francisco était plus radicale. En juin 2018, la ville a refusé d’octroyer des autorisations
aux opérateurs et leur a demandé de retirer leurs flottes à la suite des nuisances qu’elles
ont engendrées. La réaction de San Francisco était temporaire, mais elle était la
première forme d’interdiction de trottinettes aux États-Unis.
L’interdiction a également touché les vélos en libre-service. Au Texas, l’opérateur Spin
qui adéployésaflotte devélosen mars 2017danslavilleaétécontraintderetirer saflotte
le jour même de son lancement, car son service contrevenait à la réglementation locale,
notamment en qui concerne l’occupation illégale de l’espace public et l’usage des
trottoirs à des fins commerciales. Amsterdam a également interdit les VLS sans station
pour l’occupation illégale de l’espace public, mais aussi parce qu’ils saturent des
infrastructures destinées à l’origine aux habitants. La ville a déclaré sur les réseaux
sociaux pourjustifierl’interdiction : « Nousavonsinvesti pourcréer davantaged’espaces
de stationnement pour vélos, et nous ne voulons pas que ceux-ci soient occupés par les
nombreux opérateurs commerciaux de vélopartage ».
En France, des opérateurs ont dû retirer leurs flottes de quelques villes où ils n’ont pas
eu le feu vert des autorités locales à l’instar de Nantes ou Levallois-Perret. À Nantes,
l’interdiction a eu lieu, car les opérateurs n’ont pas encore eu les autorisations
nécessaires, mais la ville était tout de même intéressée par la mobilité connectée pourvu
que les services soient déployés en concertation avec les collectivités locales.
« Nous, ce que l’on souhaite, c’est pouvoir réguler, pour que la trottinette puisse trouver sa
place, mais ne vienne pas empiéter ou fragiliser les autres solutions de mobilité, comme le
piéton. On ne souhaite pas qu’il y ait des trottinettes partout, on souhaite que ça coexiste
avec les autres solutions. On a aussi alerté les opérateurs sur la dimension sociétale et
environnementale de leur service. […] L’idée étant que, s’il doit y avoir ce type de service,
ce type de service corresponde aux objectifs du PDU ». David Maubert, Directeur des
Services de Déplacements à Nantes Métropole. (6-t bureau de recherche, 2019, p. 51).
À Levallois-Perret, l’interdiction vient du refus catégorique de la municipalité de voir se
développer la mobilité connectée sur son territoire après le décès d’un homme de 81 ans,
percuté par une trottinette électrique. La commune a ainsi exprimé son souhait d’être
placée en « zone rouge » sur les différentes applications de mobilité connectée.
49
Néanmoins, à cause de la proximité de la ville avec Paris qui autorise les services de
mobilité connectée, des trottinettes sont quand même garées par les utilisateurs sur le
territoire communal. Afin de pallier cette situation, la municipalité retire régulièrement
ces engins des voies et facture les frais d’enlèvement aux opérateurs.
Ainsi, l’interdiction est le choix de certaines collectivités face aux nuisances engendrées
par les EDP sans station, de leur occupation illégale de l’espace public, sans oublier la
saturation des infrastructures prévues initialement aux vélos privatifs des particuliers.
Ce choix peut être temporaire avant l’approbation des autorités, comme il peut être
permanent si la collectivité estime que les inconvénients pèsent plus que les avantages.
2. Régulation des conditions d’opération
« Sur une ville comme Toulouse, on ne peut pas se permettre d’aller à l’expérimentation la
fleur au fusil. Il faut qu’on soit quand même bien bordé, surtout juridiquement. « Arnaud
Turlan, Responsable du service modes doux, Toulouse Métropole (6-t bureau de
recherche, 2019, p. 66).
Les collectivités locales n’interdisent pas toutes la mobilité connectée, certaines ont fait
le choix de la régulation des conditions d’opération. Cela veut dire que les opérateurs
auront besoin de concerter les collectivités avant de déployer leurs flottes. Les
collectivités vont prescrire certaines conditions à l’occupation de l’espace public pour
cerner les effets négatifs que peuvent entraîner les services de mobilité connectée, et
mieux coordonner la politique de mobilité douce et de transport de manière générale.
Pour comprendre comment la mobilité connectée est régulé dans la ville, il est
intéressant de voir comment se construit l’action publique dans la smart city qui est le
modèle visé par les collectivités ayant fait le choix de la mobilité partagée, dont la
mobilité connectée.
50
Dans la smart city, l’action publique se décline en trois modes opératoires (figure 14) :
Faire :
La collectivité s’occupe elle-même de fournir les services publics aux habitants. Il s’agit
donc d’une fonction publique (ex. : la police municipale).
Faire faire :
La collectivité délègue une ou plusieurs fonctions à d’autres établissements (ex. :
entreprises privées, sociétés d’économie mixte…) à travers des marchés publics (les
travaux de la voirie) ou à travers des partenariats public-privé. Pour ce dernier, nous
avons d’un côté les concessions comme la délégation de service public (ex. : gestion du
réseau Vélib’ par JCDecaux) et de l’autre, les marchés de partenariat comme les accords-
cadres (ex. : un bureau d’études qui fournit des prestations intellectuelles, sur bon de
commande, à une collectivité locale sur une durée déterminée).
Laisser faire/réguler :
Ce mode opératoire est celui qui nous intéresse, car il est la voie empruntée par les
collectivités locales pour réguler les conditions d’opération des services de mobilité
Figure 14 : le triptyque de l’action publique dans la Smart City
51
connectée. Il s’agit pour ce mode de mettre en place des normes pour le fonctionnement
dans l’espace public et la signature de contrats encadrant le service.
Par ailleurs, la régulation prend plusieurs formes :
a) L’expérimentation
L’expérimentation est une forme de régulation, elle met un cadre précis pour tester
l’efficacité et les effets de la mobilité connectée sur un territoire donné. Comme nous
l’avons vu précédemment, les collectivités locales peuvent prendre différentes mesures
vis-à-vis de cette nouvelle forme de mobilité. Certaines collectivités s’y intéressent,
mais en même temps hésitent avant de l’autoriser officiellement par crainte d’effets
négatifs sur l’espace public.
L’expérimentation se traduit dans l’action publique par des programmes pilotes. Aux
États-Unis par exemple, la National Association of City Transportation Officials (NACTO)
qui regroupe les acteurs publics du transport et de la mobilité a encouragé les villes
américaines à accueillir les opérateurs de mobilité connectée dans le respect de
l’occupation de l’espace public. Ainsi, de nombreuses villes américaines, comme
Portland ou Seattle, ont mis en œuvre des programmes pilotes pour expérimenter des
services de mobilité connectée. Concrètement, l’expérimentation consiste à
accompagner le déploiement de ces services d’un suivi rigoureux qui permettra aux
autorités en charge des transports de réaliser des études sur leur efficacité et de dresser
un bilan qui évalue les bénéfices et les inconvénients de tels services. À l’issue de l’étude,
la ville décide d’une part quelle sera sa position vis-à-vis du mode de mobilité connectée
(interdiction ou autorisation), de l’autre, du cadre qu’elle va instaurer pour réguler ce
mode.
Des programmes pilotes ont également eu lieu en France, mais de façon beaucoup plus
prudente qu’aux États-Unis. En effet, les villes françaises ont choisi de restreindre les
zones d’expérimentation dans un premier temps et d’exclure les centres-villes. Un
déploiement sur un territoire plus large était conditionné par les premiers résultats
52
obtenus. À Rennes, les élus ont voulu que les expérimentations aient lieu seulement à
des endroits spécifiques de la ville :
« Pour montrer que la collectivité n’était pas fermée sur le sujet trottinettes électriques,
on a dit aux opérateurs que ça nous intéressait de lancer des expérimentations, mais en
dehors du centre-ville : dans des zones d’activités, sur les campus ». Guillaume Porcher,
chargé d’étude Mobilité Décarbonée à Rennes Métropole (6-t bureau de recherche, 2019,
p. 69).
b) Laisser-faire dans un cadre formel
Le laisser-faire dans un cadre formel est un choix que peut prendre une collectivité vis-
à-vis de la mobilité connectée. Il s’agit de conditionner le fonctionnement des opérateurs
par l’obtention d’une autorisation délivrée au préalable par la collectivité et le respect des
règles mises en place par les autorités publiques à cet effet.
En ce qui concerne les autorisations, elles prennent la forme d’une licence ou d’un
permis. Aux États-Unis, les licences sont délivrées par les collectivités aux opérateurs,
qui sont tenus de respecter les conditions et les règles mises en place par les
collectivités pour contrôler les effets et les externalités négatives de la mobilité
connectée. Les licences peuvent être payantes comme àLosAngeles (500 $/an pour une
flotte entière), comme elles peuvent être gratuites comme dans la ville de Palo Alto en
Californie. De plus, un système de redevance périodique pour chaque véhicule peut
également s’ajouter au prix de la licence, mais cette pratique est plus courante dans les
villes françaises.
Par ailleurs, le cadre formel peut être plus strict. En France, où les collectivités sont plus
réticentes au concept de mobilité connectée, les outils réglementaires sont divers et
variés.
Le premier outil mobilisé par les collectivités territoriales est l’appel à manifestation
d’intérêt (AMI). Cet instrument juridique mobilisé par les villes de Grenoble, Nice ou
53
Toulouse, désigne un « mode de présélection des candidats qui seront invités à répondre
lors de futures procédures de passation de marchés publics » (CEREMA3
). En d’autres
mots, les collectivités permettent aux opérateurs qui les intéressent selon les critères
qu’elles ont définis (taille de la flotte, stabilité du modèle économique, respect de
l’environnement, etc.) de répondre à un appel d’offres restreint ou de participer à une
procédure concurrentielle avec négociation. Cette dernière est « une procédure par
laquelle un pouvoir adjudicateur (en l’occurrence la collectivité) négocie les conditions du
marché public avec un ou plusieurs opérateurs économiques autorisés à participer aux
négociations » (ministère de l’Économie et des Finances, 2015). L’enjeu ici est de limiter
le nombre d’opérateurs pour mieux maîtriser les effets que peut engendrer la mobilité
connectée.
Un autre outil est l’appel à initiatives privées (API) qui a été mobilisé par la ville de
Strasbourg. Comme l’outil précédent, il permet de limiter le nombre d’opérateurs sur le
territoire. La particularité avec Strasbourg est que la métropole ait accompagné l’API
d’une description du territoire pour que les opérateurs puissent adapter leur offre aux
spécificités territoriales de Strasbourg. De plus, l’API définit les conditions et les
engagements des opérateurs, comme l’exclusion de certaines zones de leur périmètre
d’opération à l’instar de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, classée monument
historique en France et inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’objectif
de cette exclusion géographique est de protéger et de préserver le caractère historique
de l’environnement de la cathédrale.
Un autre outil également utilisé par les collectivités locales est la convention
d’occupation temporaire de l’espace public. Cette convention qui sert d’autorisation pour
les opérateurs des services de mobilité connectée d’occuper le domaine public a été
mobilisée par exemple par la ville de Perpignan pour permettre à la société allemande
Wind de déployer sa flotte de trottinettes. La commune adélivré cette autorisation après
la délibération du conseil municipal. Par ailleurs, cet outil a été mobilisé également dans
d’autres villes comme Toulouse et Marseille.
3
CEREMA : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement.
54
c) Encadrement souple
L’encadrement souple est une manière de poser un cadre peu restrictif pour réguler les
formes de mobilité connectée. Il s’agit ici pour les collectivités locales de tracer les
grandes lignes que doivent respecter les opérateurs.
Ce type d’encadrement est mobilisé lorsque les collectivités locales ont une attitude
ouverte et positive vis-à-vis des opérateurs, car cet encadrement léger repose sur la
confiance entre les collectivités et les opérateurs, ainsi qu’une étroite collaboration
entre les deux pour maîtriser les effets négatifs que peut avoir la mobilité connectée sur
l’espace urbain.
L’encadrement souple se fait de deux manières, à travers :
• Les chartes de bonne conduite :
Figure 15 : charte de bonne conduite relative à la location de trottinettes en libre-service. Source :
Mairie de Paris
55
Une charte de bonne conduite est un document que signent les opérateurs de mobilité
connectée, il leur rappelle le contexte réglementaire en vigueur en matière d’occupation
commerciale de l’espace public et les incite également à respecter certaines règles en
leur expliquant les bonnes pratiques en matière de gestion de flottes, de conditions de
location, de sécurité, de respect des données, de maintenance, etc.
Paris est une des villes françaises à adopter des chartes de bonne conduite pour gérer
les services de mobilité connectée. La maire de Paris, Anne Hidalgo, explique au journal
le Monde (2018) que les chartes ont « vocation à servir de cadre pour la régulation du free-
floating dans d’autres villes ». La ville s’est inspirée des autres villes du monde dans
l’absence d’une loi claire sur la mobilité. La publication de cette charte intervient en effet
avant la promulgation de la loi d'orientation des mobilités.
Si nous prenons l’exemple de la charte la plus récente de la ville de Paris. Elle incite les
opérateurs à respecter le contexte réglementaire en vigueur, qu’il s’agisse de
règlementation relative au stationnement et à la circulation des trottinettes ou leur
qualité et conditions de location. Elle les encourage également à s’engager à mettre en
place un système de maintenance et de régulation de la flotte de trottinettes pour éviter
par exemple la surconcentration de trottinettes sur les trottoirs. Elle les encourage
également à maintenir une relation directe avec la ville de Paris pour organiser des
échanges entre les deux partis, transmettre aux services de la mairie des informations
sur l’évolution de l’offre et de la demande pour les trottinettes, ainsi que les données
concernant l’activité des utilisateurs de trottinettes. Par ailleurs, la charte incite
vivement les opérateurs à inscrire leurs services dans une démarche solidaire et durable
en respectant les objectifs parisiens de lutte contre la pollution de l’air ou encore en
approvisionnant les engins progressivement par une énergie verte (Mairie de Paris, 2019).
56
• Les mesures concernant les utilisateurs :
Figure 16 : nouvelles règles concernant les déplacements en trottinette ou tout engin de déplacement
personnel motorisé. Source : AFP.
Pour accompagner les chartes de bonne conduite, des mesures concernant les
utilisateurs sont importantes pour assurer le bon fonctionnement des services de
mobilité connectée, car les manquements ne proviennent pas uniquement des
opérateurs.
En effet, ce sont principalement les mauvais usages des EDP par les utilisateurs qui
provoquent le plus de problèmes sur l’espace public. Ce mauvais usage est dû à l’absence
d’une réglementation forte concernant l’usage de moyens de transport doux, que ces
moyens soient personnels ou en libre-service.
En France, un décret a été publié en octobre 2019 pour mieux encadrer l’usage des
trottinettes et tout EDPM (engin de déplacement personnel motorisé). Parmi les règles
qui y figurent, nous trouvons :
LES MOBILITÉS PARTAGÉES : Quelles sont les stratégies d’adaptation des villes ? Quelle future stratégie pour Paris ?
LES MOBILITÉS PARTAGÉES : Quelles sont les stratégies d’adaptation des villes ? Quelle future stratégie pour Paris ?
LES MOBILITÉS PARTAGÉES : Quelles sont les stratégies d’adaptation des villes ? Quelle future stratégie pour Paris ?
LES MOBILITÉS PARTAGÉES : Quelles sont les stratégies d’adaptation des villes ? Quelle future stratégie pour Paris ?
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LES MOBILITÉS PARTAGÉES : Quelles sont les stratégies d’adaptation des villes ? Quelle future stratégie pour Paris ?

  • 1. UNIVERSITÉ DE SORBONNE-UNIVERSITE Faculté de Lettres et de Sciences Humaines LES MOBILITÉS PARTAGÉES Quelles sont les stratégies d’adaptation des villes ? Quelle future stratégie pour Paris ? Mémoire présenté par Abdelkarim ISSAAD Sous la direction de Monsieur Xavier DESJARDINS Master II URBA : Stratégies, Projets et Mobilités dans la Ville de Demain – 2019/2020
  • 2. 2 Abstract The arrival of e-scooters in big cities around the world marked the beginning of a new era in personal transportation and a new approach to shared mobility called free-floating. This new concept which consists of self-service rentals of various means of personal transportation, especially two-wheeled ones such as bikes and e-scooters without the need of docking stations. This innovative concept pushed forward by international startups is currently the subject of debate in the field of urban design and town planning. In one hand, free-floating is promoted as light, modern and eco-friendly; on the other hand, opponents of free-floating consider it as an additional source of nuisance to cities and a public hazard due to its many negative effects. This master’s thesis will delve into this concept in details and question how cities cope with its arrival through regulations. It will also question the future of free-floating and try to give an alternative to this concept for this of Paris. Résumé L’arrivée des trottinettes dans les grandes métropoles du monde a annoncé le début d’un nouveau mode de déplacement et d’une nouvelle approche de la mobilité, celle de la mobilité partagée et plus particulièrement de la mobilité connectée. Ce dernier désigne la mise en libre-service de modes de déplacement doux comme les vélos et les trottinettes sans bornes d’attache. Ce concept novateur poussé par des startups internationales suscite actuellement des débats dans les milieux de l’aménagement et de la politique de la ville. D’un côté, la mobilité connectée est promue comme un mode de déplacement doux, moderne et écologique ; de l’autre côté, ses détracteurs le considèrent comme une source de nuisances dans les villes et un danger public entre autres. Ce mémoire étudiera ce concept et s’interrogera sur les stratégies d’adaptation des villes d’un point de vue réglementaire. Il s’interrogera également sur l’avenir de la mobilité connectée et essayera de proposer une alternative Parisienne à ce modèle.
  • 3. 3 Sommaire Introduction .................................................................................................................7 I. La mobilité connectée : un nouveau paradigme de mobilité partagée................... 14 A. Les mobilités partagées, de l’idée à la réalité.................................................... 14 B. Le développement des mobilités partagées en France .....................................24 C. Derrière l’explosion de la mobilité connectée, de multiples avantages .............. 31 D. Conclusion partielle .........................................................................................35 II. Les problématiques liées à la mobilité connectée : quelles stratégies d’adaptation des villes ?..................................................................................................................35 A. Les inconvénients de la mobilité connectée : effets négatifs et fragilité face aux crises .....................................................................................................................36 B. Les stratégies d’adaptation des villes : entre interdiction et régulation.............47 C. La régulation de la mobilité connectée en France.............................................57 D. Conclusion partielle ......................................................................................... 61 III. Mobilité connectée : quelle stratégie pour Paris ? ................................................62 A. Étude de cas dans le 11e arrondissement : quel impact des mesures locales et nationales ? ............................................................................................................62 B. Quelles solutions pour limiter les effets négatifs ?............................................78 C. Conclusion partielle .........................................................................................92 Conclusion .................................................................................................................94 Bibliographie..............................................................................................................96 Revues et études ....................................................................................................96 Institutions.............................................................................................................97 Médias....................................................................................................................98 Webographie ........................................................................................................ 102
  • 4. 4 Table des illustrations Figure 1 : un « vélo blanc ». Source : www.green-history.uk......................................... 15 Figure 2 : un vélo municipal de la ville de La Rochelle. Source : le Monde. .....................17 Figure 3 : exemple d’un opérateur de scooters partagés qui commercialise explicitement ses services comme étant de la mobilité intelligente à Bruxelles. Source : RTL INFO.................................................................................................................... 18 Figure 4 : Service d’autopartage à Paris (11e ). Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020..20 Figure 5 : vélos du réseau Vélib’ Métropole. Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020....22 Figure 6 : flottes de trottinettes de différents opérateurs à Paris (11e ). Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020. ..................................................................................23 Figure 7 : carte des stations du réseau Vélib’ Métropole. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020. Source : Data.gouv.fr...........................................................................25 Figure 8 : rapport de Lime qui évoque l’avantage de son service lors de congestions routières. Source : Lime, 2018. ...................................................................................27 Figure 9 : l’implantation des opérateurs de free-floating sur le marché français (octobre 2020). Carte réalisée par Abdelkarim ISSAAD..............................................................29 Figure 10 : des trottinettes électriques gênant le passage d'une femme en fauteuil roulant. Source : Emily Shryock. .................................................................................37 Figure 11 Juicer sur une gyroroue en train de transporter des trottinettes. Source : www.wedemain.fr ......................................................................................................39 Figure 12 Juicer en train de transporter des trottinettes sur une trottinette ! Source : France info.................................................................................................................39 Figure 13 : chiffres clés de la croissance enregistrée par Vélib’ Métropole. Source : Vélib’ Métropole...................................................................................................................45 Figure 14 : le triptyque de l’action publique dans la Smart City .....................................50 Figure 15 : charte de bonne conduite relative à la location de trottinettes en libre- service. Source : Mairie de Paris .................................................................................54 Figure 16 : nouvelles règles concernant les déplacements en trottinette ou tout engin de déplacement personnel motorisé. Source : AFP..........................................................56 Figure 17 : les places de stationnement créées pour les trottinettes en libre-service à Paris. Réalisation : Abdlelkarim ISSAAD, 2020. Source : data.gouv.fr. .........................60
  • 5. 5 Figure 18 : schéma de la méthode utilisée pour l’enquête quantitative. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020...........................................................................................64 Figure 19 : les voies étudiées pour l’enquête sur le terrain. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020. ............................................................................................................65 Figure 20 : extrait de la base de données des stationnements gênants recensés. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020. ......................................................................66 Figure 21 : tableau qui recense tous les points où des occupations gênantes de l’espace public ont été constatées. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020. .............................67 Figure 22 : localisation des points de stationnement gênants sur les voies étudiées du 11e arrondissement de Paris. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020...........................68 Figure 23 : à gauche, la photo d’une trottinette tombée sur une voiture (rue Belfort). À droite, la photo d’une trottinette stationnée à l’extérieur du marquage au sol (rue Saint- Maur). Abdelkarim ISSAAD, août 2020.........................................................................70 Figure 24 : photo d’une trottinette qui gêne le passage piéton (rue Saint-Maur. Abdelkarim ISSAAD, août 2020. ...................................................................................71 Figure 25 : photos de trottinettes tombées au sol à l’intérieur de leurs aires de stationnement. À gauche la photo est prise dans rue Léon Frot. À droite, la photo est prise dans la rue Alexandre Dumas. Abdelkarim ISSAAD, août 2020.............................72 Figure 26 : photos de trottinettes empilées dans leurs aires de stationnement. À gauche, la photo est prise dans rue Belfort. À droite, la photo est prise dans la rue Mercœur. Abdelkarim ISSAAD, août 2020....................................................................73 Figure 27 : photos de trottinettes stationnées dans des aires réservées aux voitures. À gauche, la photo est prise dans la rue Neuve Boulet. À droite la photo est prise dans la rue Alexandre Dumas. Abdelkarim ISSAAD, août 2020.................................................74 Figure 28 : photos de trottinettes gênant la circulation sur les trottoirs. À gauche, cité Beauhamais. À droite, rue Saint Maur. Abdelkarim ISSAAD, 2020.................................75 Figure 29 : trottinettes stationnées de façon gênant dans la réservée à la station Vélib’. Abdelkarim ISSAAD, août 2020. ..................................................................................76 Figure 30 : photo, prise dans la rue Alexandre Dumas, d’une trottinette gênant le stationnement d’un scooter. Abdelkarim ISSAAD, 2020............................................... 77 Figure 31 : bornes de rechargement de la startup Charge dans la ville de Paris. Source : Mairie de Paris, 2020. ................................................................................................. 81
  • 6. 6 Figure 32 : les zones interdites au stationnement de trottinettes à Vienne selon les six opérateurs. Source : Moran et coll., 2020....................................................................83 Figure 33 : capture d’écran de l’application Lime montrant un périmètre interdit au stationnement des trottinettes protégé par la technologie de barrière géographique (de l’anglais geofence). Source : Moran et coll., 2020........................................................84 Figure 34 : notification qu’envoie l’opérateur Bird lorsqu’un utilisateur est dans une zone rouge. Source : Moran et coll., 2020............................................................................85 Figure 35 : exemple d’un courriel envoyé par l’opérateur Lime lorsqu’un utilisateur est dans une zone rouge. Source : Moran et coll., 2020. ....................................................85 Figure 36 : fonctionnement du nouveau concept. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020...........................................................................................................................89 Figure 37 : le concept proposé intègre les trottinettes. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020...........................................................................................................................90 Figure 38 : adaptation des trottinettes aux bornes d’attache existante. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020...........................................................................................90 Figure 39 : adaptation des EDP aux arceaux à vélos. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020........................................................................................................................... 91 Figure 40 : communication interne qui évoque les bornes de rechargement pour les trottinettes. Source : Mairie de Paris, 2020. Lien : https://cdn.paris.fr/paris/2020/10/05/9b572deaebe97b4b423189225313c16f.pdf..... 108
  • 7. 7 Introduction Lime, une startup californienne spécialisée dans le transport en libre-service, a levé depuis sa création en 2017 plus de 750 millions de dollars. Devenue pionnière dans son domaine, elle propose des trottinettes électriques aux utilisateurs de son application pour smartphones dans de nombreuses métropoles mondiales. Le principe est simple, l’utilisateur d’un smartphone télécharge l’application et crée un compte. Ce dernier dispose d’un portefeuille numérique que l’utilisateur alimente avec un moyen de paiement comme une carte bancaire. Puis, à l’aide d’une carte intégrée et de la géolocalisation, l’application lui propose des trottinettes électriques proches de lui. Il devra maintenant se rapprocher d’une d’entre elles et scanner un code pour valider le choix. Il pourra désormais se déplacer et son portefeuille sera débité d’un montant qui correspond à la durée de son trajet et les frais de déverrouillage. Ce concept permet aux utilisateurs d’éviter les transports en commun surchargés aux heures de pointe et les embouteillages sur les routes. Il intéresse particulièrement les jeunes attirés par les nouveautés technologiques du fait de son aspect ludique et ses tarifs peu onéreux. Ce concept n’est, par ailleurs, pas limité exclusivement aux trottinettes, il concerne également les vélos, les scooters électriques et les voitures. Les deux derniers ne seront pas étudiés dans le mémoire qui traitera uniquement des mobilités partagées dites douces. Les mobilités partagées prennent en effet deux formes, elles peuvent être avec ou sans bornes d’attache (mobilité connectée). À Paris, les deux formes cohabitent. Le premier modèle est représenté par les Vélib’ tandis que le deuxième est représenté majoritairement par les startups étrangères. En ce qui concerne le réseau Vélib’, il est le résultat d’un partenariat entre la mairie de Paris et le géant de la publicité et du mobilier urbain JCDecaux. Au lancement, près de 7500 vélos en libre-service ont été déployés dans la capitale. Aujourd’hui, nous comptons environ 13 000 Vélib’ à Paris gérés par l’opérateur Smovengo qui a remplacé JCDecaux depuis 2018.
  • 8. 8 Parallèlement au réseau Vélib’, nous trouvons les vélos en libre-service sans bornes d’attache. Ce modèle a été introduit à Paris par la société hongkongaise Gobee.bike en octobre 2017, mais elle s’est vite retirée du marché français l’année prochaine faute de financement. Peu après lesvélosen libre-service,le tour est aux trottinettesélectriques. Les premières trottinettes à investir les rues de Paris sont, sans surprise, celles de Lime en juin 2018. Deux ans plus tard, le marché parisien des trottinettes en libre-service est partagé par dix entreprises : Lime (US), Bird (US), Bolt (Estonie), Wind (Allemagne), Tier (Allemagne),Voi (Suède),Flash(Luxembourg),Hive (Allemagne),Dott(France)et ledernier arrivant Ufo (Allemagne). La problématique et les principales hypothèses La problématique : L’arrivée des flottes de vélos et des trottinettes en libre-service n’est pas sans conséquence. Que ce soit à Paris ou ailleurs dans le monde, ce nouveau modèle de mobilité met l’urbanisme et la société face à une nouvelle réalité urbaine. L’accueil réservé à la mobilité connectée par les acteurs de l’aménagement est mitigé. Certains le perçoivent comme un progrès et un pas important dans la transition écologique, tandis que d’autres pensent le contraire et citent les inconvénients qu’il engendre en l’absence d’un cadre réglementaire. Ce mémoire s’interroge sur les stratégies d’adaptation des villes vis-à-vis de la mobilité connectée du point de vue réglementaire et de la stratégie future de la ville de Paris. La première partie (I) du mémoire a vocation à étudier le concept de mobilité connectée en tant que nouveau paradigme de mobilité partagée : sa création, son développement en France et les éléments qui ont favorisé son essor. Quant à la deuxième partie (II), elle traitera des stratégies d’adaptation des villes vis-à-vis de la mobilité connectée. Nous examinerons les problématiques liées à la mobilité connectée, notamment ses inconvénients et fragilités. Puis, comment les villes s’adaptent au déploiement massif des engins sans bornes d’attache. En fin de cette deuxième partie, nous étudierons la stratégie française et nous regarderons de près l’expérience parisienne. Dans la troisième partie (III), nous nous interrogerons sur l’avenir de la mobilité connectée en
  • 9. 9 étudiant le cas du 11e arrondissement de Paris et en examinant les solutions et les alternatives pour limiter les effets négatifs de la mobilité connectée. Nous proposerons également un modèle alternatif à la mobilité connectée actuelle. Le choix du terrain de recherche : Pourquoi Paris ? Le choix de Paris comme terrain de recherche n’est pas anodin et la proximité n’est pas le seul critère retenu dans ce choix. La ville de Paris est en effet pionnière dans les mobilités partagées. Bien qu’elle ne soit pas la première à mettre en place un réseau de vélos en libre-service, la réussite du réseau Vélib’ a inspiré d’autres villes en France et dans le monde entier. Vélib’ compte aujourd’hui plus de 300 000 abonnés et 1400 stations, et à titre de comparaison Santander Cycles, l’équivalent londonien de Vélib’, ne dispose que de 839 stations. Le succès des mobilités partagées à Paris ne se limite pas aux vélos en libre-service. Les entreprises de trottinettes électriques estiment que le marché parisien est très important. À ce titre, Arthur-Louis Jacquier, le directeur général de Lime France dit dans une entrevue pour le Journal du Dimanche que Paris est « l'un des plus gros marchés de la trottinette en free floating au monde » grâce à « une appétence des Parisiens pour ce mode de transport » (Kleiber, 2019). Le directeur de Bird, concurrent de Lime, partage le même point de vue et explique au même journal que « Paris est une ville propice à l'innovation en matière de micromobilité. La capitale française connaît des problèmes de congestion automobile et de pollution de l'air, deux points auxquels grâce à nos trottinettes nous pouvons remédier » (Kleiber, 2019). Les hypothèses : Afin de répondre à la problématique que pose le mémoire, il est primordial de répondre à de nombreuses sous-questions sous-jacentes. Le mémoire part de quelques hypothèses et la méthodologie qu’on exposera dans la partie suivante permettra de les tester. La mobilité connectée, est-elle un mode de déplacement durable ?
  • 10. 10 On ne peut pas considérer la mobilité connectée comme un mode de déplacement durable pour plusieurs raisons. Avant d’aborder la question de l’écologie, le modèle économique des entreprises de mobilité connectée est fragile, d’ailleurs, l’entreprise qui a introduit ce concept en France -Obike- a disparu un an après son lancement à Paris. Paris n’est pas le seul cas de figure, l’entreprise a quitté toutes les villes où elle était présente faute de faillite, et on peut citer d’autres exemples outre Obike comme Ofo. Concernant l’écologie, plusieurs problèmes se posent. D’abord, la production des deux roues électriques est très polluante à cause de l’impact conséquent de la production des batteries sur l’environnement. De plus, ces batteries doivent être renouvelées systématiquement en raison de leur courte durée de vie. Puis, les flottes des deux roues subissent des dégradations importantes, qu’elles soient volontaires (vandalisme) ou involontaires (aléas de la nature) à cause de l’absence de bornes d’attache entre autres. Ensuite, comme les opérateurs de mobilité connectée ne possèdent pas de bornes ni de stations pour leurs flottes de deux roues, elles font appel à des prestataires qui s’occupent de charger ces engins. La plupart de ces prestataires sont en réalité des indépendants qui ramassent les engins le soir et les chargent à leurs domiciles, ainsi l’origine de l’énergie (renouvelable ou non) peut varier d’un prestataire à l’autre. La mobilité connectée, nuit-elle à l’espace public ? Les nombreuses critiques émises contre le concept de mobilité connectée s’articulent autour des nuisances qu’il engendre dans l’espace public, notamment sur les trottoirs, les places ou dans les parcs. En l’absence de stations ou de bornes, les deux roues en libre circulation sont souvent laissées par leurs utilisateurs aux endroits qu’ils souhaitent, et cela au détriment de l’espace public. En effet, comme la tarification est souvent à la minute, les utilisateurs sont dissuadés de prendre le temps de stationner leurs deux-roues dans les zones qui leur sont réservées - si elles existent-, elles finissent ainsi dans les espaces publics et créent des tensions avec les piétons. Malgré certains décrets et règles de circulation, le problème persiste, car il est difficile de les appliquer et de les faire respecter par les utilisateurs. De plus, comme le marché de la mobilité connectée est partagé par plusieurs opérateurs, dont les communications visuelles sont différentes. La mobilité connectée crée une
  • 11. 11 confusion chez les Parisiens et nuit à la qualité paysagère de la ville. Ce point est très important, car Paris est une ville touristique dont l’image peut être dévalorisée par l’omniprésence des deux-roues. La mobilité connectée, peut-elle appuyer le réseau de vélos partagé à Paris ? Malgré les nombreux inconvénients des deux-roues sans bornes d’attaches, elles ont certains avantages par rapport au réseau Vélib’ qui a ses limites. Ce dernier contraint ses utilisateurs à retirer et à stationner leurs vélos dans leurs stations et cela s’avère compliqué quand les abonnées trouvent les stations vides aux points de départ ou pleines aux points d’arrivée. Ce problème est encore plus grave dans les quartiers monofonctionnels aux heures de pointe, que ce soit le matin ou le soir. L’avantage de la mobilité connectée est qu’elle permet à ses utilisateurs de laisser leurs deux-roues n’importe où, ce qui permet d’éviter le problème des stations pleines. Quelle alternative pour la mobilité connectée ? Chacun des deux types de mobilité partagée a ses avantages et ses inconvénients, toutefois, les inconvénients de la mobilité connectée telle qu’elle est proposée par les opérateurs sont beaucoup plus nombreux. Le mémoire proposera une alternative à la forme actuelle de mobilité connectée qui serait un système tout-en-un qui intègre les trottinettes. La méthodologie 1) L’état de l’art Dresser l’état de l’art sur le sujet des mobilités partagées est important pour le mémoire. Il consiste à faire la synthèse des travaux de recherches déjà faits. Il nous permettra d’une part de connaître l’histoire de cette nouvelle vision de la mobilité et comment elle a pris sa forme actuelle. De l’autre, d’analyser tous les points de vue sur la mobilité connectée qui suscite encore des débats dans la presse et le milieu de l’aménagement.
  • 12. 12 Pour dresser l’état de l’art, il est nécessaire de construire une bibliographie solide au préalable qui serait pertinente et qualitative. Elle sera constituée de publications formelles (revues et ouvrages scientifiques), mais aussi de publications informelles (presse, entrevues…etc.). NB : faute de crise sanitaire et la fermeture des bibliothèques, le recours aux ouvrages tels que les livres sera limité. 2) Collecte et production de données Indispensable pour un travail de recherche, la collecte et la production de donnée permettront non seulement d’illustrer son propos, mais aussi d’appuyer son argumentaire. Pour le mémoire, trois types de données seront mobilisés : a. Données brutes : Ces données proviennent des institutions de l’état, notamment de la mairie de Paris et d’Île-de-France mobilités, ainsi que les entreprises privées de free-floating. Le recours à la production de donnée est nécessaire pour mesurer l’ampleur de certains phénomènes comme les dégradations et les stationnements anarchiques. Dans le mémoire, on prendra le 11e arrondissement comme un échantillon, il s’agit d’un périmètre où la présence des deux-roues sans bornes d'attache est très forte. Concrètement, la production de données reposera sur le recensement et les observations sur le terrain. b. Données statistiques : Ce sont les données quiont déjà fait l’objet d’untraitement et/ou une interprétation. Elles proviennent des instituts de sondage, des communiqués officiels, des entreprises…etc. c. Données cartographiques : Nécessaires pour la production de cartes, les données cartographiques qui nous intéressent sont les suivantes : - Fonds de carte ; - La localisation des stations Vélib’ ; - Les emplacements dédiés au stationnement des EDP sans station.
  • 13. 13 3) Traitement des données La collecte et la production de données sont inutiles sans traitement par la suite. Le traitement permettra d’interpréter et de contextualiser les données pour produire des informations exploitables. Dans ce mémoire, nous utiliserons la cartographie. La production de cartes permet de donner une dimension spatiale aux données et de fournir un support visuel aux lecteurs. Comme le mémoire traite principalement de l’urbanisme, il est essentiel de projeter les données sur un territoire afin de cerner certains enjeux comme l’impact de la mobilité connectée sur l’espace public, ou d’identifier où l’offre et la demande sont présentes.
  • 14. 14 I. La mobilité connectée : un nouveau paradigme de mobilité partagée La mobilité connectée a connu une explosion dans le monde pendant les trois dernières années où nombre de métropoles ont accueilli ce nouveau concept de mobilité. Pour voir comment ce phénomène a pris de l’ampleur, nous étudierons dans cette partie le concept plus global de mobilité partagée et toutes ses déclinaisons. Puis, analyser leur développement en France. Enfin, nous verrons comment les avantages de la mobilité connectée ont participé à son essor. A. Les mobilités partagées, de l’idée à la réalité 1. Les prémices de la mobilité partagée Bien que le terme et le concept actuel de “mobilité partagée” soient récents, l’idée de partager un moyen de transport par plusieurs utilisateurs ne l’est pas. Cette idée a pris différentes formes dans l’histoire moderne et a évolué au fur et à mesure des avancées technologiques en matière de transport. Si nous retraçons cette évolution, l’histoire de la mobilité partagée commence avec les systèmes de partage de vélos entre particuliers. Le premier système est apparu en 1965 à Amsterdam. Il s’agit de « Witte Fietsen » qui signifie « vélos blancs » en français, cette appellation fait référence à la couleur des vélos peints en blanc (figure 1).
  • 15. 15 Figure 1 : un « vélo blanc ». Source : www.green-history.uk Ce qui est intéressant avec ce premier système est qu’il est complètement gratuit. Les concepteurs de ce système sont en effet un groupe d’anarchistes hollandais qui porte le nom de “Provo”. Ce mouvement est né d’après Nicolas Pas (2005) « en mai 1965 à Amsterdam à la confluence de mouvances politiques et culturelles, dans un pays en pleine mutation économique, sociale, technique et culturelle […] le boom économique, l'essor de nouveaux médias, l'introduction de la pilule en 1963, la genèse d’une société de consommation moderne ». Le but de leur initiative était d’attirer l’attention du public hollandais vers les problématiques économiques et environnementales qui ont émergé dans la seconde moitié du XXe siècle, à savoir le consumérisme et la pollution. Ce mouvement de vélos partagés ne s’est pas limité aux Pays-Bas, il va inspirer une démarche similaire dix ans plus tard en France à La Rochelle, cette fois avec des vélos habillés en jaune (figure 2). « L’expérience pionnière de vélos en libre-service que connaît La Rochelle à cette époque s’inscrit dans cette dynamique politique et sociale, héritière des mouvements sociaux urbains de mai 1968, sous la forme du concept central, mais ambivalent de « banalisation ». Porteuse d’une vision nouvelle de ce que doivent être une
  • 16. 16 ville et l’organisation de ses déplacements, elle présente indéniablement un caractère novateur, bien perçu à l’époque. » (Arnaud Passalacqua et Maxime Huré, 2015). La particularité de cette démarche par rapport à la première est le fait qu’elle soit impulsée par une collectivité locale (logique top down) par opposition une démarche citoyenne (logique bottom up). Elle est née grâce à l’ambition du maire Michel Crépeau, particulièrement sensible aux problématiques sociales et environnementales, et un contexte politique où l’État français montrait un intérêt pour les villes moyennes et leur développement. Nous pouvons ainsi considérer l’expérience rochelaise comme étant la première action urbaine favorable à la mobilité partagée émanant d’une autorité publique en France et probablement en Europe. Certains chercheurs estiment qu’elle a même « posé les fondements des systèmes de vélos en libre-service contemporains » (Arnaud Passalacqua et Maxime Huré, 2015).
  • 17. 17 Figure 2 : un vélo municipal de la ville de La Rochelle. Source : le Monde. 2. La mobilité partagée, une composante de ville intelligente Le concept de mobilité partagée est revisité dans les années 2000 quand émerge le concept de la Smart City (ville intelligente en Français) promu par les entreprises des TIC (technologies de l’information et de la communication). Aujourd’hui, la mobilité partagée est intimement liée au concept plus global de “smart city”. Les villes développent la mobilité partagée dans l’espoir qu'elles deviennent ou qu'elles soient considérées un jour des villes intelligentes, et les opérateurs de mobilité partagée commercialisent leurs services comme étant des solutions de mobilité intelligente (figure 3) pour susciter leur intérêt.
  • 18. 18 Figure 3 : exemple d’un opérateur de scooters partagés qui commercialise explicitement ses services comme étant de la mobilité intelligente à Bruxelles. Source : RTL INFO. Par ailleurs, bien que la définition de la smart city diffère d’un pays à l’autre, le concept repose sur quelques principes communs, dont la mobilité partagée qui nous intéresse particulièrement. La première définition que nous pouvons citer de la smart city est celle donnée par l’Union Internationale des Télécommunications (2015) : “une ville intelligente est une ville novatrice qui utilise les technologies de l’information et de la communication (TIC) et d’autres moyens pour améliorer la qualité de vie, l’efficacité de la gestion urbaine et des services urbains ainsi que la compétitivité tout en respectant les besoins des générations actuelles et futures dans les domaines économique, social, environnemental et culturel”. La définition a naturellement évolué en fonction des particularités de chaque ville, car avant tout la smart city nécessite une volonté politique des pouvoirs locaux pour prendre forme. Concrètement, pour parvenir à améliorer le cadre de vie urbain, la smart city va optimiser la gouvernance locale et particulièrement la gestion des services urbains grâce à la maîtrise des données numériques (Ghorra-Gobin, 2018). Les services urbains étant :
  • 19. 19 • L’accès à l’information ; • Le transport et la mobilité ; • L’eau et l’énergie ; • Et les aménités urbaines. La réponse qu’apporte la smart city à la question des transports dans la ville contemporaine avec ses problèmes de congestion routière et de pollution atmosphérique est la mobilité intelligente. Elle permet grâce aux innovations technologiques : • D’exploiter efficacement les réseaux • De garantir la sécurité des utilisateurs dans leurs déplacements • D’appuyer les services de mobilité existants • De garantir l’accès aux transports à tous • De réduire l’empreinte carbone des transports La mobilité partagée qui répond aux critères de la mobilité intelligente est devenue une offre de transport intéressante pour les villes souhaitant répondre aux enjeux de mobilité urbaine. Grâce à l’intérêt qu’elle suscite, la mobilité partagée n’a pas cessé d’évoluer et prend aujourd’hui plusieurs formes. 3. Les différentes formes de mobilité partagée Nous distinguons plusieurs formes de mobilité partagée. La forme dépend du moyen de déplacement utilisé et le fonctionnement du service. Le moyen de transport peut être une voiture, comme il peut être un deux-roues (vélos classiques, vélos à assistance électrique ou scooters). L’autopartage : Le concept d’autopartage est reconnu par l’État français. En effet, l’article L. 1231-14 du code des transports le définit comme :
  • 20. 20 « la mise en commun d'un véhicule ou d'une flotte de véhicules de transport terrestre à moteur au profit d'utilisateurs abonnés ou habilités par l'organisme ou la personne gestionnaire des véhicules. Chaque abonné ou utilisateur habilité peut accéder à un véhicule sans conducteur pour le trajet de son choix et pour une durée limitée ». Figure 4 : Service d’autopartage à Paris (11e ). Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020. L’autopartage connaît un succès défendable en France, car selon le ministère de la transition écologique, il est utilisé par 5% des Français à l’échelle nationale et près de 20% dans Paris intra-muros et ces chiffres sont en croissance. L’autopartage est important pour la transition écologique, car une voiture en autopartage peut remplacer 5 voitures personnelles et par conséquent réduire les émissions de CO2. Selon le ministère, l’utilisation de ce mode permet à l’utilisateur de réduire ses émissions de 1,5 tonne par an. En plus d’être, écologique l’autopartage permet de désengorger le trafic routier et libérer des places de stationnement. Par ailleurs, nous pouvons distinguer quatre formes d’autopartage :
  • 21. 21 L’autopartage en boucle retour : Il s’agit de la forme la plus classique. L’utilisateur de ce service prend un véhicule dans une station dédiée et le restitue sur la même station. La facturation pour ce type d’autopartage se fait le plus souvent par un abonnement (mensuel ou annuel), mais elle peut aussi être souple, dans ce cas la durée et/ou la distance déterminent le coût du trajet. L’autopartage one-way : cette forme ressemble à la première, l’utilisateur prend un véhicule dans une station dédiée, mais cette fois il a la possibilité de le restituer dans une autre station. Cette forme présente plusieurs avantages par rapport à la première, notamment les déplacements facilités et les coûts réduits. L’autopartage en libre-service intégral : ce mode est le plus récent sur le marché. Les voitures sont mises à disposition des utilisateurs dans un périmètre délimité d’une ville. Il n’y a pas forcément de stations dédiées à ce mode, mais certaines collectivités peuvent créer des places de parkings pour mieux gérer ce mode d’autopartage. Les utilisateurs de ce mode repèrent les voitures grâce à une application sur leurs smartphones qui les géolocalisent sur une carte. Ce type de service privilégie la facturation à la minute et favorise en conséquence les trajets simples. L’autopartage entre particuliers : cette forme s’inscrit dans le concept d’économie collaborative. Les véhicules ici n’appartiennent pas à une société, mais à des particuliers qui les mettent à disposition d’autres particuliers sur une plateforme numérique contre une rémunération. Les opérateurs de ces plateformes prennent une commission sur les transactions effectuées. Les deux-roues : Les deux-roues sont un excellent moyen de transport dans les villes congestionnées d’aujourd’hui. Grâce à leur forme, légèreté et facilité d’usage, ils permettent à leurs utilisateurs des déplacements rapides et commodes. De plus, grâce au concept de la mobilité partagée et ses innovations, leur commodité s’est améliorée davantage, désormais les utilisateurs n’ont pas à acheter ces engins de déplacement personnel (EDP) ni à se soucier des vols qui les touchent particulièrement en raison de leur petit
  • 22. 22 gabarit. Nous comptons essentiellement trois types d’EDP en libre-service : les vélos, les trottinettes et les scooters. Le mémoire ne traitera pas de la dernière catégorie. Par ailleurs, la mise en libre-service des deux roues prend deux formes : Avec bornes d’attache : Ici les EDP- généralement des vélos en libre-service (VLS)- sont attelés à des stations qui permettent à la fois de les sécuriser et de les recharger dans le cas des vélos à assistance électrique (VAE). Ce service est généralement fourni par une collectivité locale directement aux utilisateurs ou indirectement via un concessionnaire. Pour en bénéficier, les usagers doivent souscrire à un abonnement, généralement mensuel, sur le site internet de l’opérateur pour avoir une carte qui leur permettrait de déverrouiller ces vélos. Figure 5 : vélos du réseau Vélib’ Métropole. Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020.
  • 23. 23 Sans bornes d’attache ou mobilité connectée : Dans cette seconde catégorie, nous trouvons tous les types d’EDP : les vélos électriques et mécaniques, les trottinettes ainsi que les scooters. La différence avec la première catégorie est l’absence totale de stations, ainsi les deux-roues sont dispersés partout dans les villes, généralement à proximité des bouches de métro, des parkings et parfois même des stations de VLS concurrent. Les EDP sans bornes d’attache sont disponibles à la location à travers des applications mobiles développées par les opérateurs. La possession d’un smartphone équipé de géolocalisation est ainsi primordiale pour accéder à ce type de service. Par ailleurs, la facturation se fait principalement à la minute et l’utilisateur paie également un montant fixe pour déverrouiller le véhicule. Figure 6 : flottes de trottinettes de différents opérateurs à Paris (11e ). Source : Abdelkarim ISSAAD, août 2020.
  • 24. 24 Paris en raison de sa taille est un marché important pour les opérateurs de mobilité partagée, la preuve en est qu’elle a accueilli toutes les formes que nous venons de citer. Dans le reste de la France, le déploiement ne se fait pas de la même vitesse, mais la mobilité partagée se développe tout de même dans certaines villes. B. Le développement des mobilités partagées en France 1. Histoire et l’évolution de l’offre de mobilité partagée Dans l’histoire des mobilités partagées en France, nous pouvons considérer la date du 16 juillet 1976 comme le début, non seulement de mobilité partagée, mais aussi de mobilité sans bornes d’attache en France. En effet, cette date correspond au lancement du système de vélos en libre-service de la ville de La Rochelle. Cette initiative de Michel Crépeau, maire de La Rochelle de 1971 à 1999, a permis à la ville qui comptait à peine 80.000 habitants (INSEE) de conquérir une renommée internationaleparmi les spécialistes dela mobilité(Razemon,2013). Lavilleproposaitaux Rochelais des vélos jaunes qu’ils pouvaient emprunter à leur guise gratuitement. Ce système de VLS était avant-gardiste, car il s’opposait complètement à la politique urbaine de massification de la voiture individuelle promue à l’époque par les décideurs politiques. De façon inattendu, ce type de service revient sur le devant de la scène, quarante ans plus tard, pour essayer de résoudre les séquelles de cette politique, mais cette fois avec des startups ambitieuses et surtout avec un prix ! Après l’expérience rochelaise, nous pouvons évoquer l’autopartage apparu officiellement en 1999 en France. Le service est commercialisé par Caisse Commune, une société française considérée comme étant la première à s’implanter et à durer dans ce domaine. Pour son fondateur, Loïc Mignotte, “les pics de pollution en 1997 marquent le début d’un changement de perception de la voiture en ville : le véhicule est de plus en plus vécu comme une source de contrainte”. Après avoir vu la réussite des expériences
  • 25. 25 allemande et belge qui ont su répondre à la contrainte qu’il évoquait, ila choisi la capitale, précisément le 9e arrondissement, pour installer sa toute première station (boucle fermée) de 4 véhicules. Six ans plus tard, se développe le premier réseau de VLS à Lyon, mais contrairement à l’expérience rochelaise, les vélos disposent de stations et sont attelés à des bornes d’attache. Le service s’appelle Cyclocity et il est en partie breveté par la société JCDecaux qui l’a développé. Cette société spécialisée dans lemobilier urbain notamment publicitaire lance le même service à Paris qui connaît un très grand succès, il s’agit du réseau Vélib’ qui comptait à son lancement 750 stations. Le nom du service est en effet un jeu de mots avec vélo et liberté. Aujourd’hui, les Vélib’ (comme sont appelés communément les vélos de ce réseau) sont devenus un symbole de la capitale et une référence mondiale en termes de mobilité partagée. La métropole du Grand Paris compte en 2020 plus de 1200 stations qui couvrent l’ensemble de la capitale (figure 7). Figure 7 : carte des stations du réseau Vélib’ Métropole. Réalisation : Abdelkarim ISSAAD, 2020. Source : Data.gouv.fr
  • 26. 26 Enfin, la forme la plus récente de mobilité partagée est la mobilité connectée qui fait sa première apparition en France en octobre 2017. La société qui l’introduit est Gobee.bike, une startup hongkongaise qui a choisi Lille pour le premier lancement de son service. Cette société est suivie par d’autres concurrents très rapidement comme Obike, Ofo, Jump, etc. Moins d’un an après l’introduction des vélos, les trottinettes arrivent sur le marché français. Les premières trottinettes en libre-service à rouler en France sont celles de Lime qui introduit sa flotte de trottinettes en juin 2018 à Paris, suivie par 7 autres opérateurs. 2. Analyse du marché français de la mobilité connectée Comme nous l’avons vu précédemment la France était parmi les premiers pays au monde à s’intéresser à la mobilité partagée, notamment avec l’expérience rochelaise des vélos jaunes. L’intérêt récent pour la mobilité connectée est dans la continuation de cet intérêt pour des modes de déplacement doux, plus respectueux de l’environnement. Au-delà de l’intérêt de la population pour ces modes et de la politique urbaine menée par les élus locaux et encouragée par l’État en faveur de la mobilité partagée. La France suscite l’intérêt des opérateurs de mobilité connectée, car ils y voient un marché important pour leurs services en raison de la jeunesse relative de sa population (7e à l’échelle européenne) et son économie classée 6e au monde et 2e à l’échelle européenne (Banque Mondiale, 2020). Bien que La Rochelle, ville moyenne, soit la première ville en France à développer une offre de mobilité partagée, ce sont les grandes villes françaises qui ont intéressé les startups de la mobilité connectée, simplement car elles ont l’avantage de concentrer une population importante dans un tissu urbain condensé. La taille de la population est importante pour la rentabilisation des services proposés, car plus elle est conséquente, plus il y a de clients potentiels pour les opérateurs. La densité du tissu urbain est également importante, car les services de mobilité connectée sont destinés pour les
  • 27. 27 trajets courts (moins de 5 km). Les trajets longs n’intéressent pas les opérateurs, car pour être rentabilisés, les véhicules doivent faire le plus de trajets possibles par jour. Comme nous l’avons vu précédemment, le coût de déverrouillage d’un EDP connecté est plus important que le coût de son utilisation. À titre d’exemple, l’opérateur Lime facture le déverrouillage de ses trottinettes 1€, soit quatre fois le coût de son utilisation (0,25€ / minutes). Une autre raison pour laquelle les grandes villes sont ciblées par les opérateurs est les problèmes de congestion routière qu’elles connaissent. Les services de mobilité partagée se positionnent comme une offre alternative permettant de contourner ce problème grâce au gabarit réduit des EDP qui peuvent emprunter les pistes cyclables. Les opérateurs utilisent cet atout comme un argument dans leur communication à l’instar de Lime qui révèle que deux sur cinq utilisateurs de leur service à Los Angeles utilisent leurs trottinettes pour remplacer la voiture. Un argument fort, car Los Angeles est connue pour ses problèmes de congestion (classée 1ère aux États-Unis). Figure 8 : rapport de Lime qui évoque l’avantage de son service lors de congestions routières. Source : Lime, 2018. En France, le déploiement de services de mobilité partagée sans station a commencé dans la capitale dans un premier temps, puis dans les villes moyennes dans un deuxième
  • 28. 28 temps. En analysant l’ordre d’arrivée des opérateurs (tableau 1), nous pouvons constater que Paris était la ville de choix pour les opérateurs de mobilité partagée, d’ailleurs, sur les premiers 16 déploiements en France, 14 ont eu lieu à Paris. Les VLS sans station étaient les premiers à être déployés en masse par les opérateurs asiatiques (Gobee.bike, Obike, Ofo et Mobike) à partir d’octobre 2017 et jusqu’à mai 2018. En ce qui concerne les trottinettes, Lime était le premier opérateur à introduire sa flotte en France dans la capitale en juin 2018. OPÉRATEUR TYPE VILLE MOIS / ANNÉE GOBEE.BIKE Vélos Lille et Paris Octobre-novembre 2017 OBIKE Vélos Paris Novembre 2017 OFO Vélos Paris Décembre 2017 MOBIKE Vélos Paris Janvier 2018 DONKEY REPUBLIC Vélos Paris Mai 2018 LIME Trottinettes Paris Juin 2018 BIRD Trottinettes Paris Août 2018 PONY Vélos Angers Septembre 2018 WIND Trottinettes Paris Septembre 2018 VOÏ Trottinettes Paris et Lyon Décembre 2018 CIRC (EX FLASH) Trottinettes Paris Février 2019 DOTT Trottinettes Paris Avril 2019 JUMP Vélos Paris Avril 2019 B MOBILITY Trottinettes Paris Mai 2019 IREINE Trottinettes Dijon Septembre 2019 TIER Trottinettes Paris Octobre 2019 Tableau 1 : ville et date d’arrivée des opérateurs de mobilité connectée en France.
  • 29. 29 Les opérateurs que nous voyons sur ce tableau n’ont pas tous maintenu leurs activités dans les villes où ils ont déployé leurs flottes. La ville de Paris, par exemple, bien qu’elle ait enregistré l’arrivée de quatorze opérateurs de mobilité connectée sur les trois dernières années (2017-2020), elle n’en compte aujourd’hui que trois (figure 9). À cause des problèmes inhérents aux services de mobilité connectée, notamment son modèle économique difficile à rentabiliser, ainsi que des problèmes externes comme le vandalisme, la concurrence brutale non régulée ou les tensions avec les collectivités locales. Nombreux sont les opérateurs à quitter les petites et moyennes villes pour se concentrer sur Paris. Ils sont très nombreux également à quitter définitivement le marché français. Pour citer quelques exemples : Lime a quitté Toulouse à cause de la mairie qui considérait sa présence comme uneoccupation illicite du domaine public. Circ a quitté Lyon en août 2019, à peine six mois après son lancement, à cause des « spécificités du marché local qui ne permettent pas une exploitation satisfaisante de leurs services » selon le communiqué de presse de l’entreprise qui a maintenu Figure 9 : l’implantation des opérateurs de free-floating sur le marché français (octobre 2020). Carte réalisée par Abdelkarim ISSAAD.
  • 30. 30 néanmoins ses services à Paris1 . Les opérateurs asiatiques qui étaient les premiers à s’implanter ont quitté définitivement le marché français à cause du vandalisme et des difficultés financières qu’ils ont rencontrées. En outre, nous remarquons à Bordeaux un grand succès de la mobilité connectée avec sept opérateurs de trottinettes et trois opérateurs de VLS sans station. Mathieu Balleron de Wind Mobiliy affirme que « Bordeaux est faite pour la micromobilité. Il suffit de regarder le nombre de voitures par foyer, de mettre en regard les places de parkings disponibles et leurs tarifs... Au-delà de ça il y a une appétence pour la mobilité douce, peu de dénivelés, beaucoup de bouchons, des zones mal desservies par les transports en commun... C'est pour cela que nous avons choisi Bordeaux pour nous déployer après Paris, et avant Lyon où nous avons démarré notre activité la semaine dernière » (Lozano, 2019). En somme, la France est un marché défendable pour la mobilité connectée qui intéresse un grand nombre d’opérateurs. Ce marché est néanmoins jeune, en évolution constante et ne garantit pas la pérennité des services pour les utilisateurs. Il a vu l’arrivée et le départ d’opérateurs dans quasiment toutes les villes qui ont accueilli ce genre de services. Pour s’adapter aux aléas du marché, les opérateurs n’ont eu que deux options : soit de quitter les marchés peu porteurs comme certaines villes pour se concentrer sur d’autres, soit de mettre fin définitivement à leurs services en France. 1 L’entreprise Circ a été rachetée par son concurrent Bird en Janvier 2020.
  • 31. 31 C. Derrière l’explosion de la mobilité connectée, de multiples avantages 1. Les avantages pour les utilisateurs De la facturation simplifiée à l’utilisation ludique, les VLS et trottinettes connectés se distinguent des autres moyens de transport par leurs avantages pour les utilisateurs qui les poussent à préférer la mobilité connectée aux autres services existants : La souscription au service Pour utiliser un véhicule mis en libre-service, que ce soit avec ou sans station, il faut s’inscrire sur une plateforme dédiée qui peut être un site ou une application. Dans le cas d’un service public, comme Vélib’, l’utilisateur peut choisir un abonnement mensuel ou un Pass de quelques jours sur une application pour smartphone ou sur le site internet de Vélib’, car le déverrouillage d’un vélo ne nécessite pas un smartphone, mais un identifiant et un code d’accès ou une carte magnétique. Dans le cas de la mobilité connectée, l’interface entre l’utilisateur et le service est juste une application. Il faut savoir que les opérateurs de mobilité connectée n’obligent pas leurs clients à souscrire à un abonnement, ainsi la souscription à leurs services ne nécessite pas autant d’informations que la souscription à un service traditionnel. Par exemple, les opérateurs de mobilité connectée n’exigent pas de fournir un relevé d’identité bancaire contrairement aux services de mobilité partagée traditionnels tels que Vélib. Le mode de paiement privilégié est la carte bancaire. De ce fait, le processus de souscription est plus rapide pour les utilisateurs. L’utilisation et l’accessibilité L’utilisation de vélos ou de trottinettes ne nécessite pas la possession d’un permis de conduire contrairement aux voitures. La prise en main facile de ces deux-roues les rend attractifs pour les personnes ne possédant pas de permis de conduire, notamment les plus jeunes.
  • 32. 32 Également, ce mode transport est une offre très commode et accessible pour les personnes ne possédant pas de moyens de locomotive personnels. Il permet aux utilisateurs ponctuels de ne pas investir dans l’acquisition d’un vélo ou une trottinette qui sera peu utilisée. La tarification souple La tarification souple est un des points de marketing utilisés par les opérateurs pour promouvoir leurs services. Pour utiliser un service de mobilité connecté, il suffit de charger un portefeuille électronique sur l’application de l’opérateur et de consommer son crédit à sa guise. Pour une utilisation ponctuelle, le service est plus économique qu’un abonnement ou un forfait jour aux services de VLS publics. De plus, les opérateurs de mobilité connectée n’exigent en général pas de caution pour emprunter leurs véhicules contrairement aux réseaux publics où la caution peut s’élever à 300€ comme dans le cas des forfaits jour de Vélib’. L’absence d’une caution est avantageuse pour les touristes qui peuvent être dissuadés d’utiliser les VLS publics. Contournement des problèmes de transport En ce qui concerne les problèmes de transport, notamment la congestion routière, les mouvements de contestation sociale ou la disponibilité des services, la mobilité connectée est épargnée, car : - Le petit gabarit desvélos et trottinettes leur permet d’emprunter les pistes cyclables et d’échapper aux bouchons aux heures de pointe. Ils permettent ainsi un gain de temps considérable. - Les services de mobilité connectée ne sont pas affectés par les mouvements sociaux, car leur modèle économique intègre peu de salariés et leurs flottes sont dispersées sur l’espace public et mis à disposition des usagers en permanence. Pendant la grève qui a eu lieu fin 2019, la RATP a noué des partenariats avec des opérateurs de mobilité connectée comme Jump et Voi afin d’offrir des codes de réduction aux usagers de son réseau pour pallier les dysfonctionnements.
  • 33. 33 - La mobilité connectée garantit un service à tout moment. Les usagers ne sont donc pas contraints par des horaires et peuvent se déplacer même la nuit. L’utilisation ludique L’utilisation de trottinettes ou de vélos connectés n’est pas seulement pratique pour les usagers, mais elle est aussi ludique. Selon une enquête de l’institut Paris Région, l’aspect ludique lié à la vitesse semble être un des éléments qui ont déclenché le premier usage chez les personnes enquêtées. 2. Les avantages pour les collectivités locales La mobilité connectée ne présente pas seulement des avantages pour ses utilisateurs, il en présente également pour les collectivités locales qui ont fait le choix de l’accueillir. Ces dernières citent divers avantages et externalités positives de la présence d’offres de mobilité connectée sur leurs territoires : Un service supplémentaire pour les habitants : Le premier avantage de la mobilité connectée pour les collectivités est que ce service de transport soit proposé à ses habitants en plus des véhicules personnels et des services de transport déjà existants, proposés soit par les collectivités (réseaux de bus, tramway, métro…), soit par le privé (taxi, VTC…). De plus, dans le contexte actuel où la place de la voiture dans la ville est contestée et où de nombreuses villes ont déclaré la guerre aux voitures à l’instar de Paris (Le Monde, 2017), tout est permis pour réduire la part de la voiture dans l’espace public et limiter en conséquence ses effets négatifs tels que la pollution de l’air et les embouteillages aux heures de pointe. « C’est bien la combinaison de l’ensemble de ces modes partagés qui, au final, offre un bouquet de mobilité suffisamment fiable pour enclencher et soutenir le report modal depuis la voiture ». Pierre Soulard, Métropole de Lyon (6-t bureau de recherche, 2019, p. 42).
  • 34. 34 Comme le précise Pierre Soulard, responsable du service mobilité urbaine à la métropole de Lyon, la mobilité connectée se présente comme une partie de l’offre alternative à la voiture et qui participe à sa fiabilité. Il estime qu’une fois l’offre alternative est assez solide, elle peut soutenir le transfert modal, c’est-à-dire, le report de l’usage personnel de la voiture vers l’usage des modes alternatifs. Aucun investissement au préalable : Les collectivités locales peuvent renforcer leur offre de transport sans investissement financier, en permettant aux opérateurs de mobilité connectée de proposer leurs services sur leurs territoires. La mobilité connectée peut remplacer l’offre traditionnelle de VLS en station qui coûte très cher aux budgets locaux. Selon l’économiste Frédéric Héran, le coût d’exploitation d’un réseau VLS en station s’élèverait à environ 4 000 € par vélo et par an pour permettre d’approvisionner les stations et d’assurer la réparation des vélos particulièrement touchés par le vandalisme. La mobilité connectée reviendrait alors moins chère, car elle est exploitée entièrement par l’opérateur privé, tout en remplissant la même mission. Un élément de marketing urbain : Souvent associé à la smart city, la modernité et à l’innovation, la mobilité connectée peut se mêler au marketing des collectivités. Il peut leur permettre de se positionner comme pionnières en matière de mobilité alternative. Audrey Masquelin, chef de service Politiques de Déplacements de la Métropole Européenne de Lille, précise à ce sujet que « ça [la mobilité connectée] pouvait avoir une résonance positive sur l’image de la Métropole Européenne de Lille comme territoire d’innovation, la positionner comme une métropole cyclable ». Écoblanchiment de la politique publique : Présentée comme écologique par ses opérateurs, la mobilité connectée peut également servir d’un moyen pour les élus de se donner une bonne image en matière de responsabilité écologique. L’écoblanchiment est un terme calqué sur le terme anglais greenwashing qui désigne « une méthode de marketing consistant à communiquer auprès du public en utilisant l'argument écologique. Le but du greenwashing étant de se donner une image écoresponsable, assez éloignée de la réalité…» (Novethic, 2020).
  • 35. 35 D. Conclusion partielle Dans cette première partie, il a été question d’étudier le concept de mobilité connectée. Nous nous sommes intéressés d’abord à la mobilité partagée en tant que concept global qui intègre les services sans station. Nous avons vu comment la première forme est née à Amsterdam en 1965 pour attirer l’attention du public vers les problématiques de consumérisme et la pollution qui ont émergé à cette époque, et comment elle a évolué au fil du temps pour devenir un symbole de la ville intelligente. Nous avons vu également comment la mise en libre-service des engins de déplacement personnels EDP se décline en deux formes, avec station et sans station. Ensuite, nous avons vu comment ce concept s’est développé en France. D’abord son début à La Rochelle qui a accueilli non seulement la première forme demobilité partagée, mais aussi de mobilité sans station en France avec une petite flotte de vélos jaunes. Puis, latransformation delamobilitépartagéeen un grand marchéoù denombreux opérateurs sont en concurrence. Enfin, nous avons expliqué les raisons de l’essor de la mobilité connectée. D’un côté, des avantages pour les utilisateurs comme la facilité d’utilisation, la souplesse de tarification ou encore le contournement des problèmes de transports en commun ; de l’autre, des avantages pour les collectivités locales qui voient notamment dans le concept un service supplémentaire pour leurs populations sans grand investissement au préalable. II. Les problématiques liées à la mobilité connectée : quelles stratégies d’adaptation des villes ?
  • 36. 36 Le déploiement des flottes de trottinettes et de VLS sans station a généré des effets négatifs pour les villes qui les ont accueillis. Cette partie a vocation à étudier les stratégies d’adaptation des villes vis-à-vis des problématiques liées à la mobilité connectée. Nous étudierons dans un premier temps les inconvénients du modèle et sa fragilité face aux conjonctures exceptionnelle (mouvements sociaux et crise sanitaire à Paris). Puis, nous traiterons des stratégies d’adaptation des villes pour limiter les effets négatifs. Enfin, nous regarderons comment la France a mis un cadre pour réguler les nouvelles formes de mobilité et comment la ville de Paris a traité la question de la mobilité connectée. A. Les inconvénients de la mobilité connectée : effets négatifs et fragilité face aux crises 1. Étude des effets négatifs de la mobilité connectée La mobilité connectée ne présente pas seulement des avantages pour les personnes et les collectivités locales, mais aussi des inconvénients et externalités négatives. Nous pouvons les regrouper dans trois volets : volet socio-urbain, volet économique et volet environnemental. a) Le volet socio-urbain Comme nous l’avons vu, la mobilité connectée est un concept très récent. Son arrivée brusque dans les métropoles du monde et dans les villes françaises ne leur a pas laissé le temps de se préparer à cette nouvelle façon de se déplacer. L’occupation des flottes de l’espace public qui ne leur était pas destiné initialement, et la nature des emplois générée par ce modèle ont des retombées urbaines et sociales.
  • 37. 37 Tout d’abord, la façon dont occupent ces véhicules l’espace public est problématique. Les trottoirs étant destinés initialement aux piétons, ces derniers se retrouvent du jour au lendemain en train de partager les trottoirs avec des VLS et des trottinettes laissés soit par les opérateurs qui n’ont pas trouvé de contraintes réglementaires à cette pratique, soit par leurs utilisateurs qui s’en servent justement parce qu’il n’y a pas la contrainte de stationner son deux-roues dans un endroit particulier. Ce partage de l’espace public auquel les piétons n’ont pas consenti génère des tensions avec les utilisateurs des services de mobilités connectées. Ajoutons que l’occupation anarchique de l’espace public peut être dangereuse pour personnes atteintes d’une déficience visuelle, et extrêmement gênante pour les personnes à mobilité réduite (figure 10). Outre le stationnement, certains utilisateurs de trottinettes conduisent même sur le trottoir, cette pratique peut s’avérer très dangereuse pour les utilisateurs et les piétons, car la vitesse des trottinettes peut atteindre 25 km/h près de sept fois la vitesse moyenne d’un piéton (3.6 km/h). Figure 10 : des trottinettes électriques gênant le passage d'une femme en fauteuil roulant. Source : Emily Shryock.
  • 38. 38 Parailleurs, lagêneoccasionnéeparlamobilitéconnectéen’estpas seulementphysique, elle est aussi visuelle. En effet, faute de régulation, le marché de la mobilité connectée se trouve partagé entre plusieurs opérateurs, chacun disposant de sa propre identité visuelle, ce qui implique des couleurs, des formes et des logos différents, donc un manque de cohérence qui dévalorise la qualité du paysage urbain et la lisibilité de l’offre de transport. Enfin, en ce qui concerne le volet social, la mobilité connectée participe à la généralisation d’emplois précaires. En effet, ce modèle a donné naissance à un nouveau métier, celui de rechargeurs (de l’anglais juicer). Ces derniers sont des personnes dont le rôle est de recharger les trottinettes électriques. Ils s’occupent de la collection des trottinettes pour les recharger généralement dans leurs domiciles. Ce type d’emploi est précaire, car les rechargeurs sont des prestataires indépendants et non des salariés des opérateurs, ainsi leurs revenus ne sont pas stables et ils ne sont pas couverts en cas d’accidents. Par ailleurs, la précarité n’est pas seulement économique, ce métier implique un risque. Les rechargeurs collectent les trottinettes sans équipements adaptés, ils se contentent essentiellement de les transporter avec un deux-roues (figures 11 et 12). Une pratique risquée, car un accident peut avoir lieu en cas de déséquilibre, choc, etc. Ils risquent ainsi leurs vies pour toucher une rémunération brute de 5 à 8€ par chaque trottinette rechargée à leurs frais et sans prendre en considération les cotisations sociales liées au régime d’autoentrepreneur.
  • 39. 39 Figure 11 Juicer sur une gyroroue en train de transporter des trottinettes. Source : www.wedemain.fr Figure 12 Juicer en train de transporter des trottinettes sur une trottinette ! Source : France info
  • 40. 40 b) Le volet économique La mobilité connectée a des inconvénients économiques qui concernent les opérateurs et les collectivités locales au-delà du modèle économique flou. Ces inconvénients économiques sont majoritairement le résultat des dégradations subites par les flottes ou les dégradations que ces dernières font subir à l’espace public. Tout d’abord, il est nécessaire de traiter de la question du modèle économique, même si ce n’est pas le cœur de la problématique traitée par le mémoire. La viabilité ou non du modèle économique a des répercussions sur l’espace urbain. Les collectivités locales n’ont aucun intérêt à investir massivement dans la création et la maintenance d’infrastructures pour un modèle de déplacement voué à disparaître à court terme. Il faut savoir que les opérateurs de mobilité connectée gagnent peu d’argent de leurs flottes, d’ailleurs ils doivent attendre plusieurs mois avant d’être rentables. Par exemple : une trottinette coûte environ 300€, mais l’utilisateur paie en moyenne 50 centimes par demi- heure ainsi qu’une somme fixe définie par l’opérateur pour débloquer l’engin. Une étude récente (Bureau d’études 6t, 2019) commandée par l’agence révèle que le modèle économique des opérateurs pourrait reposer plus sur l’exploitation des données des utilisateurs que sur l’utilisation des véhicules. En somme, le modèle économique est flou et fragile et les collectivités locales peuvent perdre un service du brusquement et pénaliser les habitants de la collectivité. « Ils viennent un jour, mais du jour au lendemain ils peuvent partir, et ça, c’est une crainte de la collectivité ». Pierre-Marie Garnier, Ville et Eurométropole de Strasbourg (6-t bureau de recherche, 2019, p. 53). En plus d’un modèle économique fragile, les opérateurs sont confrontés à un autre problème qui fragilise leur modèle économique davantage, celui des surcoûts difficilement maîtrisables liés à la nature même de la mobilité connectée. Plusieurs sources sont à l’origine de ces surcoûts, nous distinguons d’abord les différentes dégradations dont les flottes en sont victimes à cause du mauvais usage par les utilisateurs, les intempéries, les accidents ou encore le vandalisme. Puis, nous avons, le vol et la privatisation. La privatisation se différencie du vol, car elle n’est pas forcément illégale dans tous les cas, mais entraîne néanmoins des pertes pour les opérateurs. Un
  • 41. 41 exemple de privatisation est le stationnement d’un EDP connecté dans une cour d’immeuble qui faciliterait l’accès d’un utilisateur au détriment des autres. Ces dégradations, vols et privatisations entraînent des frais de maintenance et de renouvellement de flottes que des startups de mobilité connectée ont du mal à gérer. Plusieurs opérateurs ont en effet quitté leurs marchés fautes de surcoûts juste quelques mois après leur déploiement à l’instar de Gobee.bike qui a retiré sa flotte de VLS du marché français à peine cinq mois après son déploiement et il ne s’agit que d’un exemple parmi d’autres. « Ces dernières semaines, le vandalisme et les dégâts causés à notre flotte ont atteint des limites que nous ne pouvons plus surmonter », a déploré Raphaël Cohen, le fondateur de Gobee.bike (Lelièvre, 2019). c) Le volet environnemental Bien que les EDP en libre-service soient électriques et à première vue peu polluants, car ils n’émettent pas de gaz à effet de serre, le modèle de mobilité connectée entraîne des effets négatifs sur l’environnement. Nous avons regroupé ces effets négatifs en trois catégories : (1) Batteries : Les batteries des vélos électriques et trottinettes sont probablement le point le plus controversé dans un point de vue écologique. En effet, la fabrication de batteries de manière générale nécessite l’utilisation de terres rares. Ces dernières désignent 17 métaux qui sonttrès recherchésparl’industrie delahaute technologiepourlafabrication de batteries, de composants informatiques pour les ordinateurs, les téléphones, etc. Contrairement à l’appellation, les terres rares sont très présentes dans la croûte terrestre, en revanche elles sont en faible concentration, par conséquent leur extraction et transformation produisent des déchets toxiques qui polluent le sol et les écosystèmes. À cause de la durée de vie limitée des batteries (entre 500 et 1 000 rechargements) et de l’usage intensif des EDP, le changement de batteries est effectué régulièrement par les
  • 42. 42 opérateurs pour assurer leur service et la fréquence peut aller d’une fois tous les trois ans dans le scénario idéal à une fois par an dans le cas contraire. (2) Énergie et rechargement : À cause de l’absence de bornes de rechargement, les opérateurs ont recours aux rechargeurs que nous avons évoqués précédemment. Comme nous l’avons expliqué, ces prestataires rechargent les engins dans leurs domiciles, par conséquent, il n’y a pas de traçabilité de la source d’énergie utilisée. Cette énergie peut être renouvelable comme elle peut être polluante. En bref, un véhicule peut être plus ou moins polluant qu’un autre de la même flotte et l’utilisateur, pensant utiliser un moyen de transport écologique, n’est guère informé de la réelle empreinte carbone de son trajet. En outre, pour recharger les trottinettes les rechargeurs ont besoin de transporter les véhicules vers leurs lieux de rechargement. Cette étape de transport, comme le rechargement, peut être plus ou moins polluante en fonction des véhicules utilisés par les rechargeurs, les véhicules thermiques étant plus polluants que les véhicules électriques. (3) Production et renouvellement de la flotte : À cause dedégradations, de volset de privatisations subies par les trottinettes et les VLS sans stations, le renouvellement des flottes est indispensable pour la continuité des services. Cela entraîne en revanche plus de production de véhicules et en conséquence, plus d’exploitation de matières premières et plus de pollution. Il faut savoir que la fabrication de vélos et de trottinettes pèse lourd en matière d’impact environnemental, nous avons évoqué précédemment les batteries dans le cas des véhicules électriques et le besoin de terres rares pour les fabriquer, mais la fabrication nécessite aussi d’autres matières comme l’aluminium et de l’acier pour l’armature, du caoutchouc pour les pneus, ainsi que du plastique pour les autres pièces. Le renouvellement de la flotte étant récurrent dans le modèle de mobilité connectée, une question se pose sur le recyclage des engins arrivés à leur fin de vie. En effet, bien que le recyclage soit un bon moyen de remédier à l’extraction de matières premières, ce
  • 43. 43 processus est tout de même polluant, car il est énergivore. De plus, les batteries ne sont pas complètement recyclables, elles finissent parfois dans les décharges et participent à la pollution du sol. 2. La mobilité connectée à Paris : un service fragile face aux crises Dans cette partie, nous allons dresser le bilan des services de partage de véhicules en libre-service, sans station d’attache. Pour ce faire, nous étudieronsd’abord la stabilité de ces services. Ensuite, nous regarderons leur résilience en cas de conjoncture exceptionnelle. Stabilité des services Les grèves de transports qui ont affecté la RATP, ainsi que la crise sanitaire liée à la Covid-19 qui alimité l’affluence dans les transports en commun pour éviter la propagation du coronavirus, nous ont montré l’importance de la mobilité partagée qui a joué un rôle important durant ces deux périodes, en se substituant aux transports en commun, malgré certaines insuffisances liées à la continuité des services. Une grande métropole de la taille de Paris doit avoir une stratégie solide en matière de mobilité pour se préparer aux enjeux du présent et de l’avenir. Garantir une offre de transport de qualité pour les habitants et les visiteurs implique nécessairement d’avoir une symbiose entre les différentes offres de transport qui constituent l’offre globale. Les offres doivent aussi être stables pour permettre d’ajuster les services, de développer l’intermodalité et d’assurer l’efficacité et la continuité de l’offre de transport. Pour avoir une stratégie prospective à court et à moyen termes, une ville doit avoir assez de visibilité sur les offres de transport qui complètent son offre publique. De plus, la projection nécessite un minimum de stabilité ; or avec la mobilité connectée, cette stabilité n’existe pas. En effet, depuis 2017, Paris a accueilli pas moins de 14 opérateurs de mobilité connectée (vélos et trottinettes confondus). Aujourd’hui, la ville n’en compte que trois (tableau 2).
  • 44. 44 Contrairement à un opérateur public comme Vélib’ Métropole dont le déficit peut être comblé par l’argent des contribuables, car il remplit une mission d’intérêt public, les opérateurs dépendent de leurs investisseurs et de la rentabilité de leurs services. Le premier intérêt d’un opérateur est économique. S’il estime qu’un marché n’est pas assez porteur, il peut le quitter sans préavis comme ce fût le cas pour Donkey Republic, Bird ou encore Circ à Paris. Par ailleurs, l’instabilité concerne les grands opérateurs comme les jeunes startups. Ce ne sont pas uniquement ces dernières qui cessent leurs activités après avoir rencontré des difficultés à rentabiliser leurs services à l’instar des opérateurs asiatiques, même les opérateurs créés par de grandes entreprises (ex. : Jump créé par Uber) quittent le marché du jour en lendemain et laissent les utilisateurs dans la confusion. OPÉRATEUR TYPE VILLE ARRIVÉE DÉPART GOBEE.BIKE Vélos Paris et Lille Octobre 2017 Février 2018 OBIKE Vélos Paris Novembre 2017 Juin 2018 OFO Vélos Paris Décembre 2017 Décembre 18 MOBIKE Vélos Paris Janvier 2018 Mars 19 DONKEY REPUBLIC Vélos Paris Mai 2018 Novembre 19 LIME Trottinettes Paris Juin 2018 En service BIRD Trottinettes Paris Août 2018 Juillet 2020 WIND Trottinettes Paris Septembre 2018 Juin 2019 VOÏ Trottinettes Paris et Lyon Décembre 2018 Juin 2019 CIRC (EX FLASH) Trottinettes Paris Février 2019 2019 DOTT Trottinettes Paris Avril 2019 En service JUMP Vélos Paris Avril 2019 Octobre 2020 B MOBILITY Trottinettes Paris Mai 2019 Janvier 2020 TIER Trottinettes Paris Octobre 2019 En service Tableau 2 : tableau d’arrivée et de départ des opérateurs de mobilité connectée. Source : communiqués des opérateurs. De surcroît, l’instabilité concerne même les opérateurs qui ont maintenu leurs services. Tier, un des trois opérateurs autorisés à déployer sa flotte à Paris a retiré sa flotte entièrement pendant des semaines pour la renouveler durant l’été 2020.
  • 45. 45 Le secteur de la mobilité connectée connaît une instabilité structurelle qui n’est pas avantageuse pour le système de transport parisien. Au moment où ce secteur connaît des difficultés, Vélib’ Métropole continue de s’agrandir, tant sur la taille du réseau, que sur le nombre d’utilisateurs (figure 13). Figure 13 : chiffres clés de la croissance enregistrée par Vélib’ Métropole. Source : Vélib’ Métropole. La résilience Pendant les mouvements de grève, la continuité des services de transport, en particulier le métro parisien, a été compromise pendant 49 jours consécutifs du 5 décembre 2019 au 24 janvier 2020. Il s’agit de la grève la plus longue dans l’histoire de la RATP. Dans ce contexte, les services de mobilité partagée, avec ou sans station, ont permis aux Parisiens de se déplacer en l’absence de leur moyen de transport habituel. En ce qui concerne le réseau Vélib’, la grève a multiplié l’usage des vélos. Selon un communiqué de Vélib’ Métropole, le réseau a enregistré deux à trois fois le nombre de
  • 46. 46 trajets qu’en temps normal avec 14 trajets en moyenne par vélo. Concernant la mobilité connectée, les Parisiens ont privilégié les trottinettes électriques. Ces dernières ont enregistré 13,5 trajets par trottinette quotidiennement contre 10 trajets par VLS sans station. Par ailleurs, le libre-service avec station était plus efficace que la mobilité connectée pendant la grève. Selon Julien Chamussy, cofondateur de Fluctuo2 : « malgré les critiques, Vélib' a plutôt tenu le choc et réalisé à plusieurs reprises plus de 150.000 trajets par jour » (Lelièvre, 2020). La mobilité connectée, quant à elle, n’a pas absorbé la demande de la même efficacité. La raison est l’ampleur de dégradations générées par la surutilisation des engins qui n’a pas pu être maîtrisée. En effet, pour des raisons de coût les opérateurs réparent leurs flottes dans des entrepôts en dehors de la capitale. Mais pendant la crise cela a joué en leur défaveur, en raison notamment des bouchons qui ont paralysé la région avec plus de 600 kilomètres certains jours. Ce contexte a compliqué le redéploiement des deux-roues dans la capitale. Quand la crise sanitaire a émergé, la mobilité partagée a été un moyen de se protéger du virus. Les services de transport en libre-service sont un mode de transport individuel qui permet aux usagers de se déplacer sans s’exposer au risque de contamination présent dans les transports en commun. Néanmoins, les mesures prises pour endiguer la propagation du virus comme le confinement ont affecté le nombre de trajets par véhicule. Cela a affecté économiquement les opérateurs de mobilité connectée plus que Vélib’, car les services du premier sont facturés par trajet, tandis que Vélib’ fonctionne essentiellement avec un système d’abonnement. Ainsi, deux périodes exceptionnelles ont montré la fragilité de la mobilité connectée et son manque de résilience face aux perturbations générées par les mouvements sociaux et la crise sanitaire contrairement au réseau Vélib’ qui a résisté au choc et a continué sa croissance. 2 Fluctuo est un agrégateur de données indépendant spécialisé dans les services de mobilité partagée.
  • 47. 47 Pour conclure, la mobilité connectée, du fait de sa nature en tant que mode de transport individuel en libre-servicea permis à ses utilisateurs de trouver une alternative au réseau de transport parisien paralysé par le mouvement de grève le plus long de son histoire. Pendant la crise sanitaire, la mobilité connectée s’est montrée également utile pour endiguer la propagation du virus de la Covid-19, en permettant à ses utilisateurs d’éviter de se regrouper dans les transports en commun. Malgré son rôle positif durant ces deux périodes, ce modèle ne s’est pas montré aussi stable et résilient que le réseau Vélib’. B. Les stratégies d’adaptation des villes : entre interdiction et régulation Pour limiter ou éviter entièrement les effets négatifs de la mobilité connectée, les villes ont pris des chemins plus ou moins différents. Leur choix de stratégie dépend des particularitésdechaqueville. Nousverronsici lesdifférentesstratégiesd’adaptation des villes vis-à-vis de la mobilité connectée qui vont de la solution la plus radicale d’interdiction totale au contrôle de celui-ci dans l’espace public. 1. Interdiction Le choix de l’interdiction est souvent la réponse d’une collectivité territoriale à un déploiement d’une flotte par les opérateurs de mobilité connectée sans discussion en amont avec elle. Il faut savoir que dans les premiers temps de la mobilité connectée, les opérateurs ne demandaient généralement pas d’autorisation avant de déployer leurs services dans une ville donnée. Leur stratégie était celle du « arrive first, ask later », c’est-à-dire, d’arriver en premier sur un marché et de demander les autorisations plus tard. La première flotte de trottinettes aux États-Unis a été déployée directement par l’opérateur Bird en septembre 2017 sur les rues de Santa Monica en Californie. Ce schéma s’est répété dans d’autres villes notamment à San Francisco. Si la réaction de Santa
  • 48. 48 Monica était de porter plainte pour obtenir des dédommagements, la réaction de San Francisco était plus radicale. En juin 2018, la ville a refusé d’octroyer des autorisations aux opérateurs et leur a demandé de retirer leurs flottes à la suite des nuisances qu’elles ont engendrées. La réaction de San Francisco était temporaire, mais elle était la première forme d’interdiction de trottinettes aux États-Unis. L’interdiction a également touché les vélos en libre-service. Au Texas, l’opérateur Spin qui adéployésaflotte devélosen mars 2017danslavilleaétécontraintderetirer saflotte le jour même de son lancement, car son service contrevenait à la réglementation locale, notamment en qui concerne l’occupation illégale de l’espace public et l’usage des trottoirs à des fins commerciales. Amsterdam a également interdit les VLS sans station pour l’occupation illégale de l’espace public, mais aussi parce qu’ils saturent des infrastructures destinées à l’origine aux habitants. La ville a déclaré sur les réseaux sociaux pourjustifierl’interdiction : « Nousavonsinvesti pourcréer davantaged’espaces de stationnement pour vélos, et nous ne voulons pas que ceux-ci soient occupés par les nombreux opérateurs commerciaux de vélopartage ». En France, des opérateurs ont dû retirer leurs flottes de quelques villes où ils n’ont pas eu le feu vert des autorités locales à l’instar de Nantes ou Levallois-Perret. À Nantes, l’interdiction a eu lieu, car les opérateurs n’ont pas encore eu les autorisations nécessaires, mais la ville était tout de même intéressée par la mobilité connectée pourvu que les services soient déployés en concertation avec les collectivités locales. « Nous, ce que l’on souhaite, c’est pouvoir réguler, pour que la trottinette puisse trouver sa place, mais ne vienne pas empiéter ou fragiliser les autres solutions de mobilité, comme le piéton. On ne souhaite pas qu’il y ait des trottinettes partout, on souhaite que ça coexiste avec les autres solutions. On a aussi alerté les opérateurs sur la dimension sociétale et environnementale de leur service. […] L’idée étant que, s’il doit y avoir ce type de service, ce type de service corresponde aux objectifs du PDU ». David Maubert, Directeur des Services de Déplacements à Nantes Métropole. (6-t bureau de recherche, 2019, p. 51). À Levallois-Perret, l’interdiction vient du refus catégorique de la municipalité de voir se développer la mobilité connectée sur son territoire après le décès d’un homme de 81 ans, percuté par une trottinette électrique. La commune a ainsi exprimé son souhait d’être placée en « zone rouge » sur les différentes applications de mobilité connectée.
  • 49. 49 Néanmoins, à cause de la proximité de la ville avec Paris qui autorise les services de mobilité connectée, des trottinettes sont quand même garées par les utilisateurs sur le territoire communal. Afin de pallier cette situation, la municipalité retire régulièrement ces engins des voies et facture les frais d’enlèvement aux opérateurs. Ainsi, l’interdiction est le choix de certaines collectivités face aux nuisances engendrées par les EDP sans station, de leur occupation illégale de l’espace public, sans oublier la saturation des infrastructures prévues initialement aux vélos privatifs des particuliers. Ce choix peut être temporaire avant l’approbation des autorités, comme il peut être permanent si la collectivité estime que les inconvénients pèsent plus que les avantages. 2. Régulation des conditions d’opération « Sur une ville comme Toulouse, on ne peut pas se permettre d’aller à l’expérimentation la fleur au fusil. Il faut qu’on soit quand même bien bordé, surtout juridiquement. « Arnaud Turlan, Responsable du service modes doux, Toulouse Métropole (6-t bureau de recherche, 2019, p. 66). Les collectivités locales n’interdisent pas toutes la mobilité connectée, certaines ont fait le choix de la régulation des conditions d’opération. Cela veut dire que les opérateurs auront besoin de concerter les collectivités avant de déployer leurs flottes. Les collectivités vont prescrire certaines conditions à l’occupation de l’espace public pour cerner les effets négatifs que peuvent entraîner les services de mobilité connectée, et mieux coordonner la politique de mobilité douce et de transport de manière générale. Pour comprendre comment la mobilité connectée est régulé dans la ville, il est intéressant de voir comment se construit l’action publique dans la smart city qui est le modèle visé par les collectivités ayant fait le choix de la mobilité partagée, dont la mobilité connectée.
  • 50. 50 Dans la smart city, l’action publique se décline en trois modes opératoires (figure 14) : Faire : La collectivité s’occupe elle-même de fournir les services publics aux habitants. Il s’agit donc d’une fonction publique (ex. : la police municipale). Faire faire : La collectivité délègue une ou plusieurs fonctions à d’autres établissements (ex. : entreprises privées, sociétés d’économie mixte…) à travers des marchés publics (les travaux de la voirie) ou à travers des partenariats public-privé. Pour ce dernier, nous avons d’un côté les concessions comme la délégation de service public (ex. : gestion du réseau Vélib’ par JCDecaux) et de l’autre, les marchés de partenariat comme les accords- cadres (ex. : un bureau d’études qui fournit des prestations intellectuelles, sur bon de commande, à une collectivité locale sur une durée déterminée). Laisser faire/réguler : Ce mode opératoire est celui qui nous intéresse, car il est la voie empruntée par les collectivités locales pour réguler les conditions d’opération des services de mobilité Figure 14 : le triptyque de l’action publique dans la Smart City
  • 51. 51 connectée. Il s’agit pour ce mode de mettre en place des normes pour le fonctionnement dans l’espace public et la signature de contrats encadrant le service. Par ailleurs, la régulation prend plusieurs formes : a) L’expérimentation L’expérimentation est une forme de régulation, elle met un cadre précis pour tester l’efficacité et les effets de la mobilité connectée sur un territoire donné. Comme nous l’avons vu précédemment, les collectivités locales peuvent prendre différentes mesures vis-à-vis de cette nouvelle forme de mobilité. Certaines collectivités s’y intéressent, mais en même temps hésitent avant de l’autoriser officiellement par crainte d’effets négatifs sur l’espace public. L’expérimentation se traduit dans l’action publique par des programmes pilotes. Aux États-Unis par exemple, la National Association of City Transportation Officials (NACTO) qui regroupe les acteurs publics du transport et de la mobilité a encouragé les villes américaines à accueillir les opérateurs de mobilité connectée dans le respect de l’occupation de l’espace public. Ainsi, de nombreuses villes américaines, comme Portland ou Seattle, ont mis en œuvre des programmes pilotes pour expérimenter des services de mobilité connectée. Concrètement, l’expérimentation consiste à accompagner le déploiement de ces services d’un suivi rigoureux qui permettra aux autorités en charge des transports de réaliser des études sur leur efficacité et de dresser un bilan qui évalue les bénéfices et les inconvénients de tels services. À l’issue de l’étude, la ville décide d’une part quelle sera sa position vis-à-vis du mode de mobilité connectée (interdiction ou autorisation), de l’autre, du cadre qu’elle va instaurer pour réguler ce mode. Des programmes pilotes ont également eu lieu en France, mais de façon beaucoup plus prudente qu’aux États-Unis. En effet, les villes françaises ont choisi de restreindre les zones d’expérimentation dans un premier temps et d’exclure les centres-villes. Un déploiement sur un territoire plus large était conditionné par les premiers résultats
  • 52. 52 obtenus. À Rennes, les élus ont voulu que les expérimentations aient lieu seulement à des endroits spécifiques de la ville : « Pour montrer que la collectivité n’était pas fermée sur le sujet trottinettes électriques, on a dit aux opérateurs que ça nous intéressait de lancer des expérimentations, mais en dehors du centre-ville : dans des zones d’activités, sur les campus ». Guillaume Porcher, chargé d’étude Mobilité Décarbonée à Rennes Métropole (6-t bureau de recherche, 2019, p. 69). b) Laisser-faire dans un cadre formel Le laisser-faire dans un cadre formel est un choix que peut prendre une collectivité vis- à-vis de la mobilité connectée. Il s’agit de conditionner le fonctionnement des opérateurs par l’obtention d’une autorisation délivrée au préalable par la collectivité et le respect des règles mises en place par les autorités publiques à cet effet. En ce qui concerne les autorisations, elles prennent la forme d’une licence ou d’un permis. Aux États-Unis, les licences sont délivrées par les collectivités aux opérateurs, qui sont tenus de respecter les conditions et les règles mises en place par les collectivités pour contrôler les effets et les externalités négatives de la mobilité connectée. Les licences peuvent être payantes comme àLosAngeles (500 $/an pour une flotte entière), comme elles peuvent être gratuites comme dans la ville de Palo Alto en Californie. De plus, un système de redevance périodique pour chaque véhicule peut également s’ajouter au prix de la licence, mais cette pratique est plus courante dans les villes françaises. Par ailleurs, le cadre formel peut être plus strict. En France, où les collectivités sont plus réticentes au concept de mobilité connectée, les outils réglementaires sont divers et variés. Le premier outil mobilisé par les collectivités territoriales est l’appel à manifestation d’intérêt (AMI). Cet instrument juridique mobilisé par les villes de Grenoble, Nice ou
  • 53. 53 Toulouse, désigne un « mode de présélection des candidats qui seront invités à répondre lors de futures procédures de passation de marchés publics » (CEREMA3 ). En d’autres mots, les collectivités permettent aux opérateurs qui les intéressent selon les critères qu’elles ont définis (taille de la flotte, stabilité du modèle économique, respect de l’environnement, etc.) de répondre à un appel d’offres restreint ou de participer à une procédure concurrentielle avec négociation. Cette dernière est « une procédure par laquelle un pouvoir adjudicateur (en l’occurrence la collectivité) négocie les conditions du marché public avec un ou plusieurs opérateurs économiques autorisés à participer aux négociations » (ministère de l’Économie et des Finances, 2015). L’enjeu ici est de limiter le nombre d’opérateurs pour mieux maîtriser les effets que peut engendrer la mobilité connectée. Un autre outil est l’appel à initiatives privées (API) qui a été mobilisé par la ville de Strasbourg. Comme l’outil précédent, il permet de limiter le nombre d’opérateurs sur le territoire. La particularité avec Strasbourg est que la métropole ait accompagné l’API d’une description du territoire pour que les opérateurs puissent adapter leur offre aux spécificités territoriales de Strasbourg. De plus, l’API définit les conditions et les engagements des opérateurs, comme l’exclusion de certaines zones de leur périmètre d’opération à l’instar de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg, classée monument historique en France et inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’objectif de cette exclusion géographique est de protéger et de préserver le caractère historique de l’environnement de la cathédrale. Un autre outil également utilisé par les collectivités locales est la convention d’occupation temporaire de l’espace public. Cette convention qui sert d’autorisation pour les opérateurs des services de mobilité connectée d’occuper le domaine public a été mobilisée par exemple par la ville de Perpignan pour permettre à la société allemande Wind de déployer sa flotte de trottinettes. La commune adélivré cette autorisation après la délibération du conseil municipal. Par ailleurs, cet outil a été mobilisé également dans d’autres villes comme Toulouse et Marseille. 3 CEREMA : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement.
  • 54. 54 c) Encadrement souple L’encadrement souple est une manière de poser un cadre peu restrictif pour réguler les formes de mobilité connectée. Il s’agit ici pour les collectivités locales de tracer les grandes lignes que doivent respecter les opérateurs. Ce type d’encadrement est mobilisé lorsque les collectivités locales ont une attitude ouverte et positive vis-à-vis des opérateurs, car cet encadrement léger repose sur la confiance entre les collectivités et les opérateurs, ainsi qu’une étroite collaboration entre les deux pour maîtriser les effets négatifs que peut avoir la mobilité connectée sur l’espace urbain. L’encadrement souple se fait de deux manières, à travers : • Les chartes de bonne conduite : Figure 15 : charte de bonne conduite relative à la location de trottinettes en libre-service. Source : Mairie de Paris
  • 55. 55 Une charte de bonne conduite est un document que signent les opérateurs de mobilité connectée, il leur rappelle le contexte réglementaire en vigueur en matière d’occupation commerciale de l’espace public et les incite également à respecter certaines règles en leur expliquant les bonnes pratiques en matière de gestion de flottes, de conditions de location, de sécurité, de respect des données, de maintenance, etc. Paris est une des villes françaises à adopter des chartes de bonne conduite pour gérer les services de mobilité connectée. La maire de Paris, Anne Hidalgo, explique au journal le Monde (2018) que les chartes ont « vocation à servir de cadre pour la régulation du free- floating dans d’autres villes ». La ville s’est inspirée des autres villes du monde dans l’absence d’une loi claire sur la mobilité. La publication de cette charte intervient en effet avant la promulgation de la loi d'orientation des mobilités. Si nous prenons l’exemple de la charte la plus récente de la ville de Paris. Elle incite les opérateurs à respecter le contexte réglementaire en vigueur, qu’il s’agisse de règlementation relative au stationnement et à la circulation des trottinettes ou leur qualité et conditions de location. Elle les encourage également à s’engager à mettre en place un système de maintenance et de régulation de la flotte de trottinettes pour éviter par exemple la surconcentration de trottinettes sur les trottoirs. Elle les encourage également à maintenir une relation directe avec la ville de Paris pour organiser des échanges entre les deux partis, transmettre aux services de la mairie des informations sur l’évolution de l’offre et de la demande pour les trottinettes, ainsi que les données concernant l’activité des utilisateurs de trottinettes. Par ailleurs, la charte incite vivement les opérateurs à inscrire leurs services dans une démarche solidaire et durable en respectant les objectifs parisiens de lutte contre la pollution de l’air ou encore en approvisionnant les engins progressivement par une énergie verte (Mairie de Paris, 2019).
  • 56. 56 • Les mesures concernant les utilisateurs : Figure 16 : nouvelles règles concernant les déplacements en trottinette ou tout engin de déplacement personnel motorisé. Source : AFP. Pour accompagner les chartes de bonne conduite, des mesures concernant les utilisateurs sont importantes pour assurer le bon fonctionnement des services de mobilité connectée, car les manquements ne proviennent pas uniquement des opérateurs. En effet, ce sont principalement les mauvais usages des EDP par les utilisateurs qui provoquent le plus de problèmes sur l’espace public. Ce mauvais usage est dû à l’absence d’une réglementation forte concernant l’usage de moyens de transport doux, que ces moyens soient personnels ou en libre-service. En France, un décret a été publié en octobre 2019 pour mieux encadrer l’usage des trottinettes et tout EDPM (engin de déplacement personnel motorisé). Parmi les règles qui y figurent, nous trouvons :