La modélisation en épidémiologie, comment ça marche ?
La modélisation permet d'analyser des phénomènes réels et de prévoir des résultats à partir
de l'application d'une ou plusieurs théories à un niveau d'approximation donné. En
épidémiologie la modélisation a de nombreuses applications, elle permet de:
- Aider à la description des données complexes et à la diffusion des résultats ;
- Expliquer la diffusion des épidémies et d’estimer des valeurs de paramètres qui ne
peuvent être directement mesurés dans une expérience ;
- Prévoir le nombre de cas futurs pour certaines maladies et d’optimiser des plans
expérimentaux.
Le premier travail de modélisation en épidémiologie a été réalisé, à la fin du dix-huitième
siècle à partir des travaux de D. Bernouli, pour évaluer l’efficacité de la variolisation. La
variolisation consiste à inoculer à un sujet sain du pus provenant d’un sujet infecté afin de le
protéger. Dans certains cas, les sujets variolisés pouvaient développer une forme grave de
variole, d’où l’intérêt des modèles mathématiques dans l’évaluation de l’efficacité du
procédé, en termes de nombre de morts évitées et de gain d’espérance de vie.
Monsieur Bernouli réalisât un travail d’analyse comparée à l’aide d’un modèle
mathématique entre une cohorte imaginaire composée de cas fictifs comparée à une
cohorte de cas réels. Ces travaux ont permis d’expliquer la raison pour laquelle on voit très
peu de nouveaux cas de variole chez les adultes, d’évaluer la mortalité totale causée par la
variole sur un même échantillon, de montrer que la moitié de ceux qui meurent de la variole
sont âgés de moins de 5 ans, et puis de démontrer que malgré les risque, la variolisation
permet de gagner plus de trois ans d’espérance de vie.
1° Les types de modèles utilisésdans des études épidémiologiques
Avec les progrès de la médecine notamment avec la découverte des antibiotiques, de la
vaccination, et des mesures d’hygiène dans la prévention des maladies infectieuses, les
scientifiques ont longtemps crûs qu’ils pouvaient se passer des modèles mathématiques
dans des études épidémiologiques des maladies humaines et animales.
Avec l’émergence et la persistance de nombreuses maladies infectieuses, il est devenu
évident que des questions pratiques et théoriques ne pouvaient pas être abordées sans
études mathématiques des dynamiques naturelles, et/ou contrôlées, des infections au sein
des populations.
Les modèles mathématiques ont ainsi connu un regain d’intérêt dans la conduite des
politiques sanitaires. Les modèles mathématiques sont couramment utilisés dans l’étude
des cycles épidémiologiques de transmission des maladies, dans la définition des zones à
risques que ce soit à l’échelle d’une région, à l’échelle nationale ou à l’échelle continentale.
La modélisation est devenue un outil incontournable d’aide à la décision et de gestion des
risques épidémiques en matière de politiques sanitaires.
La modalisation peut s’exercer de deux façons : du réel vers le modèle (=ce sont des
modèles descriptifs) ou du modèle vers le réel (= ce sont des modèles prédictifs).
- Le modèle descriptif : C’est une représentation statique d’un phénomène sous
différents angles. Exemple : la représentation schématique de la relation hôte-
vecteur dans le cas d’une arbovirose.
- Le modèle prédictif : Ce sont des modèles mathématiques utilisés pour décrire le
devenir d’un système physique à partir des observations de son comportement
passé. Le modèle prédictif est puissant à cause du nombre élevé des observations
prises en compte dans l’étude. Ex : La modélisation de l’évolution de l’incidence de la
grippe saisonnière à partir des données recueillies sur les années antérieures.
Un modèle peut également être un modèle conceptuel (= qui permet de décrire un système
ainsi que les relations et les interdépendances entre les données) ou mathématiques
appelés également déterministes (=à partir des données recueillies des phénomènes passés,
permet de calculer des estimations futures).
2° Comment créer unmodèle ?
Le principe de fonctionnement
La modélisation est un travail d’équipe le modélisateur est à l’écoute de différents
spécialistes (épidémiologistes, médecins, vétérinaires, éleveurs,…). Le modélisateur doit être
à mesure d’identifier les acteurs et les mécanismes principaux pour mettre en œuvre des
techniques mathématiques et numériques, afin de construire un modèle utile et pertinent.
En épidémiologie lorsqu’on utilise la modélisation il est important de bien cerner la ou les
questions que l’on se pose : il sera souvent possible de prédire les zones à risque pour telle
ou telle maladie, mais il sera la plupart du temps impossible de prédire à l’avance la date et
le lieu des nouveaux foyers. Une modèle mécanistique ne peut donc pas être strictement
déterministe. On peut par exemple estimer la probabilité pour qu’un voyageur infecté arrive
à un moment donné à un endroit donné en revanche il sera impossible de prédire que tel
village subira une épidémie à tel moment, mais il sera possible d’en estimer le risque. De la
même façon un modèle peut être robuste à une échelle suffisamment étendue, alors qu’il
ne l’est pas à l’échelle locale.
Formalisation mathématique : cas de transmission pathologique par contact direct
Les modèles mathématiques appliqués à la diffusion d’un agent pathogène font appel à un
terme décrivant la transmission horizontale de cet agent entre les individus d’une même
population. La transmission horizontale se définit comme la propagation d’un agent
pathogène par contact direct entre individus après la naissance, au sein d’une population.
En considérant un système constitué d’individus sensibles (S) et infectieux (I), l’équation de
la transmission horizontale d’un agent pathogène va se matérialiser comme suit :
dl/dt = Scpη
Le nombre de nouveaux infectés par unité de temps dl/dt dépend donc du nombre de
sensibles (S) et de ce que l’on appelle communément la force d’infection. Cette dernière est
le produit de trois termes :
(i) c : c’est le taux de contact (en t-1) pour un individu sensible
(ii) p : correspond à la probabilité que ce contact se fasse avec un individu infectieux
(iii) η : représente la probabilité de succès de la transmission.
En règle générale, η est supposée constante pour une combinaison hôte-agent pathogène
donnée. Habituellement, p est estimée par le rapport I/N (ou prévalence), N étant le
nombre total d’individus. Les différents termes de transmission rencontrés, et de force
d’infection associée, se distinguent donc par le taux de contact c.
Les modèles centrés sur l’individu et le principe de changement d’échelle
Lorsque l’utilisation d’un modèle implique un changement d’échelle, l’exemple d’une
maladie dont la description du risque est décrite à l’échelle individuelle, puis au niveau d’une
agglomération et enfin son évolution à l’échelle régionale on fait appel à une technique de
changement d’échelle. Par exemple la modélisation des pathologies telle que la dengue à
l’échelle d’un pays, voire d’un continent, fera nécessairement appel à des techniques de
changement d’échelle. Lorsqu’on doit étudier l’évolution d’un phénomène sur des effectifs
importants, on va utiliser l’agrégation des variables pour rendre possible ce changement
d’échelle. En pratique cela consiste à établir un système d’équations qui décrivent
l’évolution de variables moyennées sur une population. La comparaison avec les résultats
du modèle individu-centré étant satisfaisante, on peut alors établir un modèle à l’échelle
régionale, en prenant compte des effets d’hétérogénéité spatiale pour chaque
agglomération : la topographie (vallées parallèles), la variabilité des échanges entre les
individus,…
3° Le SIG et la modélisation
La prise en compte de l’espace est essentielle pour la compréhension du phénomène. En
général on retiendra que les modèles non-spatialisés sont peu réalistes et donnent souvent
des résultats erronés. Les systèmes d’information géographiques sont des outils
informatiques permettant le recueil, le stockage, l’intégration, l’analyse et la restitution des
données géo référencées, souvent couplés aux modèles pour permettre de spatialiser les
données du modèle et apporter une précision de lecture des informations modélisées.
Bibliographie
1. Philippe Sabatier,Dominique J.Bicout,BenoîtDurandetMarc A. Dubois Epidémiologie etsanté
animale,2005, 47, 15-33. [Bernoulli,1760]
2. Marc A. Dubois Epidémiologie et santé animale, 2005, 47, 1-13.
3. Wikipédia [https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A9lisation]
4. Elsevier, Volume 323,Issue 5, May 2000, Pages429–433
5. Dominique J.BicoutetMarc Artois, Epidémiologie etsanté animale,2005,47, 103-111