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                                                                    Arrêt n° 8/2013
                                                                   du 14 février 2013




                                           ARRET
                                           _________



    En cause : la question préjudicielle concernant l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction
criminelle, tel que cet article a été modifié par l’article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011
« modifiant le Code d’instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention
préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par
lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », posée par la Cour
d’appel de Liège.




    La Cour constitutionnelle,


    composée du juge J.-P. Snappe, faisant fonction de président, du président M. Bossuyt, et
des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels,
P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le juge J.-P. Snappe,


    après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :


                                                 *
                                             *        *
2

          I. Objet de la question préjudicielle et procédure

    Par arrêt du 12 janvier 2012 en cause du ministère public et de la SA « INBEV
Belgium », partie civile, contre Patrick Migliorini, dont l’expédition est parvenue au greffe de
la Cour le 19 janvier 2012, la Cour d’appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante :

     « L’article 2, § 6 [lire : article 2, 2°], de la loi du 13 août 2011 - modifiant le Code
d’instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de
conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par lui, à toute
personne auditionnée et à toute personne privée de liberté - qui introduit un article 47bis, § 6,
dans le Code d’instruction criminelle, interprété comme s’appliquant immédiatement au litige
en cours et en tant que les déclarations auto-incriminantes peuvent être utilisées comme
élément corroborant d’autres éléments de preuves, viole-t-il les articles 12, alinéa 2, et 13 de
la Constitution, combinés ou non avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des
droits de l’homme et l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques ? ».


    Des mémoires ont été introduits par :

    - le procureur général près la Cour d’appel de Liège;

    - Patrick Migliorini, faisant élection de domicile à 4020 Liège, rue de Chaudfontaine 1;

    - le Conseil des ministres.

    Patrick Migliorini et le Conseil des ministres ont introduit des mémoires en réponse.

    A l’audience publique du 13 novembre 2012 :

    - ont comparu :

    . Me S. Berbuto, qui comparaissait également loco Me M.-M. Dubois, avocats au barreau
de Liège, pour Patrick Migliorini;

    . Me P. Schaffner, Me E. Jacubowitz et Me A. Poppe, avocats au barreau de Bruxelles,
pour le Conseil des ministres;

    - les juges-rapporteurs P. Nihoul et E. De Groot ont fait rapport;

    - les avocats précités ont été entendus;

    - l’affaire a été mise en délibéré.

     Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives
à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
3

            II. Les faits et la procédure antérieure

      Saisie de l’appel, formé par le ministère public, d’un jugement qui écarte notamment des débats deux
procès-verbaux dans lesquels sont consignés des aveux du prévenu, la Cour d’appel de Liège constate que la
sanction de l’écartement de ces déclarations du dossier constitue une application correcte de l’arrêt rendu par la
Cour européenne des droits de l’homme le 27 novembre 2008 dans l’affaire Salduz c. Turquie. La Cour d’appel
estime cependant qu’elle doit avoir égard à la loi du 13 août 2011 « modifiant le Code d’instruction criminelle et
la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un
avocat et d’être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », dès lors que
l’article 10 de cette loi en fixe la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2012. Elle juge que cette loi doit, en
vertu de l’article 3 du Code judiciaire, trouver à s’appliquer immédiatement à l’affaire dont elle est saisie. La
Cour d’appel relève que l’option retenue par cette loi n’est pas celle de l’exclusion des déclarations auto-
incriminantes faites hors la présence d’un avocat, mais bien celle de « la preuve qui se doit d’être corroborée »
par d’autres éléments probatoires. Elle estime que cette situation crée un risque d’atteinte aux principes de
légalité et de prévisibilité en procédure pénale, ainsi qu’un risque de violation de l’article 13 de la Constitution,
certaines juridictions appliquant la loi en ce qu’elle permet l’utilisation des déclarations auto-incriminantes,
d’autres se conformant à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme tel qu’il est interprété
par la Cour européenne des droits de l’homme, pour s’en écarter. Elle décide en conséquence de poser la
question préjudicielle précitée.




            III. En droit


                                                        -A–

      A.1.1. P. Migliorini, partie intimée devant la Cour d’appel de Liège, estime qu’il semble pouvoir être
déduit de l’article 47bis nouveau du Code d’instruction criminelle qu’une condamnation pourrait être prononcée
sur la seule base d’une déclaration réalisée sans que le justiciable n’ait été informé de son droit de ne pas s’auto-
incriminer et de garder le silence ou sur la base d’une audition effectuée hors la présence d’un avocat (soit sans
concertation et/ou sans assistance lors de l’audition), s’il ne s’agit pas du seul élément fondant la condamnation.
Il considère qu’ainsi interprété, l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction criminelle n’est pas conforme aux
exigences développées par la Cour européenne des droits de l’homme sur la base de l’article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme. Il se réfère à cet égard à l’avis émis par la section de législation du Conseil
d’Etat au sujet de cette disposition alors en projet.

     A.1.2. P. Migliorini rappelle que le principe de légalité et de prévisibilité en matière pénale s’applique à
l’ensemble de la procédure pénale. Il estime que la procédure pénale doit limiter autant que possible le pouvoir
d’appréciation des juridictions quant aux conséquences du non-respect des droits fondamentaux, en l’espèce des
personnes interrogées. Il considère que la disposition en cause ne répond pas à ces exigences.

      A.1.3. Enfin, P. Migliorini fait valoir que l’article 47bis, § 6, nouveau du Code d’instruction criminelle est
incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution parce qu’il empêche la catégorie de personnes qu’il
concerne de bénéficier des exigences développées par la Cour européenne des droits de l’homme sur la base de
l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il ajoute que la disposition en cause crée une
discrimination entre les justiciables entendus sans avocat, en fonction de la sanction que les juridictions saisies
appliqueront à cette audition, et que la gravité de cette discrimination est renforcée au regard de l’article 13 de la
Constitution puisque le justiciable ne peut choisir le tribunal qui va être amené à déterminer sa culpabilité
éventuelle et la peine à subir.

     A.2.1. Le procureur général près la Cour d’appel de Liège, partie appelante devant la juridiction a quo,
précise que le texte de la norme contrôlée interdit seulement de fonder une condamnation de manière exclusive
sur un aveu illicitement recueilli et que cet aveu peut donc fonder la conviction du juge de manière déterminante
4

mais se doit d’être corroboré. Il ajoute que cette lecture doit être distinguée de celle qui ferait de l’aveu recueilli
hors la présence d’un avocat une preuve uniquement corroborante d’autres éléments qui seraient quant à eux
déterminants.

      A.2.2. A titre principal, le procureur général près la Cour d’appel de Liège fait valoir que la question
préjudicielle n’est manifestement pas utile à la solution du litige pendant devant la Cour d’appel, celle-ci
interrogeant la Cour sur une question d’ordre général dans le but d’éviter des interprétations jurisprudentielles
divergentes.

      Il considère ensuite que le problème de constitutionnalité soulevé par le juge a quo repose sur le postulat,
erroné, suivant lequel la sanction du non-respect des exigences pour assurer la légalité de certaines auditions
serait une loi de procédure et serait en conséquence d’application immédiate aux procès en cours. Or, la sanction
de l’acte irrégulièrement posé ayant pour objet de remédier à un vice contemporain à l’audition, il considère que
la norme contrôlée doit être qualifiée de « loi de preuve », de sorte que le principe d’application immédiate doit
trouver en l’espèce un tempérament. Il rappelle à cet égard que l’audition étant un acte réglementé posé avant la
saisine du juge du fond, sa validité s’apprécie au regard des règles applicables au moment où elle a été actée et
non au moment où le juge statue. Il précise qu’en l’espèce, les auditions sur la validité desquelles le premier juge
devait statuer ont été recueillies conformément aux dispositions applicables au moment où elles ont été
effectuées.

     Enfin, il considère que, même à le supposer établi, le vice de constitutionnalité allégué gît dans d’autres
normes que celle qui fait l’objet de la question préjudicielle, puisque ce vice tient à l’application dans le temps
de la norme contrôlée et non à la norme contrôlée elle-même. Il faut donc en conclure, d’après lui, que la
question préjudicielle n’appelle pas de réponse.

      A.2.3. A titre subsidiaire, le procureur général près la Cour d’appel de Liège estime que la disposition en
cause est conforme à l’article 12, alinéa 2, de la Constitution. Il fait valoir que ni avant, ni après le 1er janvier
2012, la situation décrite par le juge a quo ne s’est trouvée dépourvue d’une solution procédurale établie par la
loi, aucune délégation de compétence n’ayant été opérée par le législateur au profit du pouvoir exécutif. Il ajoute
que même s’il fallait considérer que le législateur n’aurait pas réglé cette question, il faudrait constater que le
régime juridique de l’aveu en matière pénale demeure celui de la preuve libre et que le juge du fond reste
souverain pour en apprécier la valeur et la portée.

     Il expose qu’il existe une interprétation conciliante qui consiste à reconnaître que la sanction portée par la
norme contrôlée ne s’applique qu’aux aveux irrégulièrement recueillis à partir du 1er janvier 2012, les aveux
antérieurs étant toujours soumis à la loi antérieure, de sorte que la sanction déduite de l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme consiste à ne pas pouvoir en tenir compte de manière exclusive
ou déterminante pour fonder une condamnation.

      A.2.4. Le procureur général près la Cour d’appel de Liège fait valoir que la norme en cause est également
compatible avec l’article 13 de la Constitution, puisque la loi du 13 août 2011 n’a pas modifié la compétence des
juridictions en matière répressive ni la procédure suivie devant celles-ci. Surabondamment, il considère qu’en
exigeant qu’une condamnation soit aussi fondée sur d’autres éléments que des aveux consentis sans la
consultation ou l’assistance d’un avocat, le législateur a traduit en droit interne les enseignements de la
jurisprudence supranationale, en utilisant la marge d’appréciation qui lui est dévolue.

     A.2.5. Le procureur général près la Cour d’appel de Liège considère encore que la disposition en cause ne
viole pas les articles 12, alinéa 2, et 13 de la Constitution combinés avec les articles 6 et 7 de la Convention
européenne des droits de l’homme et avec l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
En ce qui concerne l’article 6 de la Convention précitée, il estime que son examen ne conduit pas à d’autres
conclusions que celles qu’il a déjà formulées à propos de l’article 13 de la Constitution. Il considère par ailleurs
que la disposition en cause est étrangère tant à l’article 7 de la Convention qu’à l’article 15 du Pacte précités.

     A.2.6. Enfin, il estime qu’en tout état de cause, l’article 47bis, § 6, nouveau du Code d’instruction
criminelle respecte les exigences conventionnelles aux termes desquelles si le droit à l’assistance d’un avocat a
5

été méconnu, une condamnation pénale reste possible si elle ne se fonde pas uniquement sur les aveux obtenus
en l’absence de l’avocat mais que la culpabilité est démontrée par d’autres éléments. Il insiste sur le fait que la
sanction prévue par le législateur ne porte pas atteinte aux pouvoirs du juge d’apprécier librement, de manière
générale, la valeur d’un aveu.

      A.3.1. Le Conseil des ministres estime, à titre principal, que la réponse à la question préjudicielle ne
pourrait être utile à la solution du litige pendant devant la Cour d’appel. Il fait valoir que, sauf à conférer à la loi
du 13 août 2011 un caractère rétroactif et non pas seulement une application immédiate, il ne peut être considéré
que les auditions du prévenu des 1er et 2 décembre 2008 dont les procès-verbaux ont été écartés par le premier
juge sont contraires à la loi du 13 août 2011, puisqu’au moment des auditions, le droit à l’assistance d’un avocat
n’était pas encore garanti par la loi. Il en conclut que la Cour d’appel de Liège ne doit pas appliquer en l’espèce
l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction criminelle et qu’elle doit se limiter à examiner le sort à réserver à ces
procès-verbaux en se référant uniquement à la jurisprudence de la Cour de cassation et à celle de la Cour
européenne des droits de l’homme.

      A.3.2. A titre subsidiaire, le Conseil des ministres estime que s’il ne fait plus guère de doute que la Cour
européenne des droits de l’homme considère qu’en soi, le refus systématique de l’assistance d’un conseil lors de
l’audition d’une personne suffit à conclure à un manquement aux exigences de l’article 6 de la Convention, il en
va autrement si la loi interne organise cette assistance mais qu’il faut alors déterminer les conséquences de la
violation de ce droit sur la suite de la procédure pénale. Il rappelle que, conformément à la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme, l’article 6 de la Convention ne réglemente pas l’admissibilité d’une
preuve en tant que telle et que cette matière relève au premier chef du droit interne. Il en déduit qu’il était
loisible au législateur belge de régler les conséquences attachées à une violation du droit à l’assistance d’un
avocat au terme de l’admissibilité de la preuve lors du procès pénal. Il fait valoir ensuite que la sanction de
l’exclusion de la preuve obtenue illicitement est comparable à la sanction de la nullité automatique de cette
preuve et renvoie à cet égard à l’arrêt n° 158/2010 de la Cour. Il constate en conséquence que ni les articles 12 et
13 de la Constitution, ni les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni l’article 15 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’exigent l’exclusion automatique de la preuve obtenue
en violation du droit à l’assistance d’un avocat.

      A.3.3. Le Conseil des ministres ajoute enfin que la disposition en cause n’empêche pas le juge de refuser
de prendre en compte la preuve obtenue en méconnaissance du droit à l’assistance d’un avocat si son utilisation
devait conduire à une violation du droit de l’intéressé à un procès équitable et qu’il appartient dès lors au juge
d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des circonstances propres à la cause, si, en dépit de la violation du droit à
l’assistance d’un avocat, les éléments de preuve recueillis peuvent ou non être déclarés admissibles.

      A.4. P. Migliorini répond que le raisonnement qui conduit le procureur général près la Cour d’appel de
Liège et le Conseil des ministres à conclure à l’inutilité de la question préjudicielle pose question au regard de
l’article 6 de la Convention européenne et de l’article 13 de la Constitution. Il estime pour sa part que la réponse
est utile à la solution du litige pendant devant le juge a quo.

     Quant au fond, il répond qu’il se déduit de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
que l’article 47bis, § 6, nouveau, du Code d’instruction criminelle, en ce qu’il permet au juge du fond de tenir
compte, même de manière corroborante, des auditions réalisées hors la présence d’un avocat, est contraire
notamment à l’article 6 de la Convention européenne.

      A.5. Le Conseil des ministres répond que la question ne vise pas les articles 10 et 11 de la Constitution et
que les considérations développées par P. Migliorini quant à la violation de ces dispositions sont donc
irrecevables.
6

                                                 -B-


    B.1.1. La Cour est interrogée au sujet de l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction
criminelle, introduit par l’article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011 « modifiant le Code
d’instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de
conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par lui, à toute
personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », qui dispose :


     « Aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul
fondement de déclarations qu’elle a faites en violation des §§ 2, 3 et 5 à l’exclusion du § 4, en
ce qui concerne la concertation confidentielle préalable ou l’assistance d’un avocat au cours
de l’audition ».

    B.1.2. La loi du 13 août 2011 tend à mettre la législation belge en conformité avec la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative au droit à l’accès à un
avocat et à l’assistance par celui-ci durant la phase préliminaire du procès pénal. Par son
premier arrêt en cette matière, rendu à propos de la situation d’un suspect arrêté et interrogé
par la police, la Cour européenne a jugé :


     « Une législation nationale peut attacher à l’attitude d’un prévenu à la phase initiale des
interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les perspectives de la défense
lors de toute procédure pénale ultérieure. En pareil cas, l’article 6 exige normalement que le
prévenu puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des
interrogatoires de police » (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, § 52).

     « […] pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6, § 1, demeure
suffisamment ‘ concret et effectif ‘ […], il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit
consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la
lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de
restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement
justifier le refus de l’accès à un avocat, pareille restriction - quelle que soit sa justification - ne
doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l’accusé de l’article 6 […]. Il est en
principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations
incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un
avocat sont utilisées pour fonder une condamnation » (ibid., § 55).
7

    B.1.3. L’article 47bis, §§ 2, 3 et 5, du Code d’instruction criminelle garantit, en ce qui
concerne le droit à la concertation avec l’avocat et le droit à l’assistance de l’avocat lors de
l’audition :


    - le droit pour la personne non privée de liberté et suspectée d’avoir commis une
infraction dont la sanction peut donner lieu à la délivrance d’un mandat d’arrêt, de se
concerter confidentiellement avec un avocat avant la première audition;


    - le droit pour la personne suspectée d’avoir commis une infraction et privée de sa
liberté, dès ce moment et préalablement à la première audition, de se concerter
confidentiellement avec un avocat et le droit d’être assistée d’un avocat lors des
interrogatoires menés par les services de police, le procureur du Roi et le juge d’instruction,
jusqu’à la délivrance éventuelle d’un mandat d’arrêt par le juge d’instruction.


    B.2. La question préjudicielle invite la Cour à examiner l’article 47bis, § 6, du Code
d’instruction criminelle « en tant que les déclarations auto-incriminantes peuvent être utilisées
comme élément corroborant d’autres éléments de preuves ».


    B.3. Par son arrêt n° 7/2013 du 14 février 2013, la Cour a annulé, dans la disposition en
cause, le mot « seul ». Il résulte de cette annulation que les déclarations auto-incriminantes
recueillies en violation du droit à l’assistance d’un avocat ne peuvent être utilisées pour
fonder une condamnation, fût-ce en combinaison avec d’autres éléments de preuve.


    B.4. Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le
Conseil des ministres et par le procureur général près la Cour d’appel de Liège, la Cour
constate que la question préjudicielle est devenue sans objet.
8

    Par ces motifs,

    la Cour


    dit pour droit :


    La question préjudicielle est sans objet.


    Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à
l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l’audience
publique du 14 février 2013.




Le greffier,                                                                Le président f.f.,




F. Meersschaut                                                                  J.-P. Snappe

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La Cour constitutionnelle annule partiellement la loi Salduz

  • 1. Numéro du rôle : 5291 Arrêt n° 8/2013 du 14 février 2013 ARRET _________ En cause : la question préjudicielle concernant l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction criminelle, tel que cet article a été modifié par l’article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011 « modifiant le Code d’instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », posée par la Cour d’appel de Liège. La Cour constitutionnelle, composée du juge J.-P. Snappe, faisant fonction de président, du président M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le juge J.-P. Snappe, après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant : * * *
  • 2. 2 I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 12 janvier 2012 en cause du ministère public et de la SA « INBEV Belgium », partie civile, contre Patrick Migliorini, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 19 janvier 2012, la Cour d’appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « L’article 2, § 6 [lire : article 2, 2°], de la loi du 13 août 2011 - modifiant le Code d’instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté - qui introduit un article 47bis, § 6, dans le Code d’instruction criminelle, interprété comme s’appliquant immédiatement au litige en cours et en tant que les déclarations auto-incriminantes peuvent être utilisées comme élément corroborant d’autres éléments de preuves, viole-t-il les articles 12, alinéa 2, et 13 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ? ». Des mémoires ont été introduits par : - le procureur général près la Cour d’appel de Liège; - Patrick Migliorini, faisant élection de domicile à 4020 Liège, rue de Chaudfontaine 1; - le Conseil des ministres. Patrick Migliorini et le Conseil des ministres ont introduit des mémoires en réponse. A l’audience publique du 13 novembre 2012 : - ont comparu : . Me S. Berbuto, qui comparaissait également loco Me M.-M. Dubois, avocats au barreau de Liège, pour Patrick Migliorini; . Me P. Schaffner, Me E. Jacubowitz et Me A. Poppe, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs P. Nihoul et E. De Groot ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l’affaire a été mise en délibéré. Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
  • 3. 3 II. Les faits et la procédure antérieure Saisie de l’appel, formé par le ministère public, d’un jugement qui écarte notamment des débats deux procès-verbaux dans lesquels sont consignés des aveux du prévenu, la Cour d’appel de Liège constate que la sanction de l’écartement de ces déclarations du dossier constitue une application correcte de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 27 novembre 2008 dans l’affaire Salduz c. Turquie. La Cour d’appel estime cependant qu’elle doit avoir égard à la loi du 13 août 2011 « modifiant le Code d’instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », dès lors que l’article 10 de cette loi en fixe la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2012. Elle juge que cette loi doit, en vertu de l’article 3 du Code judiciaire, trouver à s’appliquer immédiatement à l’affaire dont elle est saisie. La Cour d’appel relève que l’option retenue par cette loi n’est pas celle de l’exclusion des déclarations auto- incriminantes faites hors la présence d’un avocat, mais bien celle de « la preuve qui se doit d’être corroborée » par d’autres éléments probatoires. Elle estime que cette situation crée un risque d’atteinte aux principes de légalité et de prévisibilité en procédure pénale, ainsi qu’un risque de violation de l’article 13 de la Constitution, certaines juridictions appliquant la loi en ce qu’elle permet l’utilisation des déclarations auto-incriminantes, d’autres se conformant à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme tel qu’il est interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, pour s’en écarter. Elle décide en conséquence de poser la question préjudicielle précitée. III. En droit -A– A.1.1. P. Migliorini, partie intimée devant la Cour d’appel de Liège, estime qu’il semble pouvoir être déduit de l’article 47bis nouveau du Code d’instruction criminelle qu’une condamnation pourrait être prononcée sur la seule base d’une déclaration réalisée sans que le justiciable n’ait été informé de son droit de ne pas s’auto- incriminer et de garder le silence ou sur la base d’une audition effectuée hors la présence d’un avocat (soit sans concertation et/ou sans assistance lors de l’audition), s’il ne s’agit pas du seul élément fondant la condamnation. Il considère qu’ainsi interprété, l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction criminelle n’est pas conforme aux exigences développées par la Cour européenne des droits de l’homme sur la base de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il se réfère à cet égard à l’avis émis par la section de législation du Conseil d’Etat au sujet de cette disposition alors en projet. A.1.2. P. Migliorini rappelle que le principe de légalité et de prévisibilité en matière pénale s’applique à l’ensemble de la procédure pénale. Il estime que la procédure pénale doit limiter autant que possible le pouvoir d’appréciation des juridictions quant aux conséquences du non-respect des droits fondamentaux, en l’espèce des personnes interrogées. Il considère que la disposition en cause ne répond pas à ces exigences. A.1.3. Enfin, P. Migliorini fait valoir que l’article 47bis, § 6, nouveau du Code d’instruction criminelle est incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution parce qu’il empêche la catégorie de personnes qu’il concerne de bénéficier des exigences développées par la Cour européenne des droits de l’homme sur la base de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il ajoute que la disposition en cause crée une discrimination entre les justiciables entendus sans avocat, en fonction de la sanction que les juridictions saisies appliqueront à cette audition, et que la gravité de cette discrimination est renforcée au regard de l’article 13 de la Constitution puisque le justiciable ne peut choisir le tribunal qui va être amené à déterminer sa culpabilité éventuelle et la peine à subir. A.2.1. Le procureur général près la Cour d’appel de Liège, partie appelante devant la juridiction a quo, précise que le texte de la norme contrôlée interdit seulement de fonder une condamnation de manière exclusive sur un aveu illicitement recueilli et que cet aveu peut donc fonder la conviction du juge de manière déterminante
  • 4. 4 mais se doit d’être corroboré. Il ajoute que cette lecture doit être distinguée de celle qui ferait de l’aveu recueilli hors la présence d’un avocat une preuve uniquement corroborante d’autres éléments qui seraient quant à eux déterminants. A.2.2. A titre principal, le procureur général près la Cour d’appel de Liège fait valoir que la question préjudicielle n’est manifestement pas utile à la solution du litige pendant devant la Cour d’appel, celle-ci interrogeant la Cour sur une question d’ordre général dans le but d’éviter des interprétations jurisprudentielles divergentes. Il considère ensuite que le problème de constitutionnalité soulevé par le juge a quo repose sur le postulat, erroné, suivant lequel la sanction du non-respect des exigences pour assurer la légalité de certaines auditions serait une loi de procédure et serait en conséquence d’application immédiate aux procès en cours. Or, la sanction de l’acte irrégulièrement posé ayant pour objet de remédier à un vice contemporain à l’audition, il considère que la norme contrôlée doit être qualifiée de « loi de preuve », de sorte que le principe d’application immédiate doit trouver en l’espèce un tempérament. Il rappelle à cet égard que l’audition étant un acte réglementé posé avant la saisine du juge du fond, sa validité s’apprécie au regard des règles applicables au moment où elle a été actée et non au moment où le juge statue. Il précise qu’en l’espèce, les auditions sur la validité desquelles le premier juge devait statuer ont été recueillies conformément aux dispositions applicables au moment où elles ont été effectuées. Enfin, il considère que, même à le supposer établi, le vice de constitutionnalité allégué gît dans d’autres normes que celle qui fait l’objet de la question préjudicielle, puisque ce vice tient à l’application dans le temps de la norme contrôlée et non à la norme contrôlée elle-même. Il faut donc en conclure, d’après lui, que la question préjudicielle n’appelle pas de réponse. A.2.3. A titre subsidiaire, le procureur général près la Cour d’appel de Liège estime que la disposition en cause est conforme à l’article 12, alinéa 2, de la Constitution. Il fait valoir que ni avant, ni après le 1er janvier 2012, la situation décrite par le juge a quo ne s’est trouvée dépourvue d’une solution procédurale établie par la loi, aucune délégation de compétence n’ayant été opérée par le législateur au profit du pouvoir exécutif. Il ajoute que même s’il fallait considérer que le législateur n’aurait pas réglé cette question, il faudrait constater que le régime juridique de l’aveu en matière pénale demeure celui de la preuve libre et que le juge du fond reste souverain pour en apprécier la valeur et la portée. Il expose qu’il existe une interprétation conciliante qui consiste à reconnaître que la sanction portée par la norme contrôlée ne s’applique qu’aux aveux irrégulièrement recueillis à partir du 1er janvier 2012, les aveux antérieurs étant toujours soumis à la loi antérieure, de sorte que la sanction déduite de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme consiste à ne pas pouvoir en tenir compte de manière exclusive ou déterminante pour fonder une condamnation. A.2.4. Le procureur général près la Cour d’appel de Liège fait valoir que la norme en cause est également compatible avec l’article 13 de la Constitution, puisque la loi du 13 août 2011 n’a pas modifié la compétence des juridictions en matière répressive ni la procédure suivie devant celles-ci. Surabondamment, il considère qu’en exigeant qu’une condamnation soit aussi fondée sur d’autres éléments que des aveux consentis sans la consultation ou l’assistance d’un avocat, le législateur a traduit en droit interne les enseignements de la jurisprudence supranationale, en utilisant la marge d’appréciation qui lui est dévolue. A.2.5. Le procureur général près la Cour d’appel de Liège considère encore que la disposition en cause ne viole pas les articles 12, alinéa 2, et 13 de la Constitution combinés avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En ce qui concerne l’article 6 de la Convention précitée, il estime que son examen ne conduit pas à d’autres conclusions que celles qu’il a déjà formulées à propos de l’article 13 de la Constitution. Il considère par ailleurs que la disposition en cause est étrangère tant à l’article 7 de la Convention qu’à l’article 15 du Pacte précités. A.2.6. Enfin, il estime qu’en tout état de cause, l’article 47bis, § 6, nouveau du Code d’instruction criminelle respecte les exigences conventionnelles aux termes desquelles si le droit à l’assistance d’un avocat a
  • 5. 5 été méconnu, une condamnation pénale reste possible si elle ne se fonde pas uniquement sur les aveux obtenus en l’absence de l’avocat mais que la culpabilité est démontrée par d’autres éléments. Il insiste sur le fait que la sanction prévue par le législateur ne porte pas atteinte aux pouvoirs du juge d’apprécier librement, de manière générale, la valeur d’un aveu. A.3.1. Le Conseil des ministres estime, à titre principal, que la réponse à la question préjudicielle ne pourrait être utile à la solution du litige pendant devant la Cour d’appel. Il fait valoir que, sauf à conférer à la loi du 13 août 2011 un caractère rétroactif et non pas seulement une application immédiate, il ne peut être considéré que les auditions du prévenu des 1er et 2 décembre 2008 dont les procès-verbaux ont été écartés par le premier juge sont contraires à la loi du 13 août 2011, puisqu’au moment des auditions, le droit à l’assistance d’un avocat n’était pas encore garanti par la loi. Il en conclut que la Cour d’appel de Liège ne doit pas appliquer en l’espèce l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction criminelle et qu’elle doit se limiter à examiner le sort à réserver à ces procès-verbaux en se référant uniquement à la jurisprudence de la Cour de cassation et à celle de la Cour européenne des droits de l’homme. A.3.2. A titre subsidiaire, le Conseil des ministres estime que s’il ne fait plus guère de doute que la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’en soi, le refus systématique de l’assistance d’un conseil lors de l’audition d’une personne suffit à conclure à un manquement aux exigences de l’article 6 de la Convention, il en va autrement si la loi interne organise cette assistance mais qu’il faut alors déterminer les conséquences de la violation de ce droit sur la suite de la procédure pénale. Il rappelle que, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’article 6 de la Convention ne réglemente pas l’admissibilité d’une preuve en tant que telle et que cette matière relève au premier chef du droit interne. Il en déduit qu’il était loisible au législateur belge de régler les conséquences attachées à une violation du droit à l’assistance d’un avocat au terme de l’admissibilité de la preuve lors du procès pénal. Il fait valoir ensuite que la sanction de l’exclusion de la preuve obtenue illicitement est comparable à la sanction de la nullité automatique de cette preuve et renvoie à cet égard à l’arrêt n° 158/2010 de la Cour. Il constate en conséquence que ni les articles 12 et 13 de la Constitution, ni les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’exigent l’exclusion automatique de la preuve obtenue en violation du droit à l’assistance d’un avocat. A.3.3. Le Conseil des ministres ajoute enfin que la disposition en cause n’empêche pas le juge de refuser de prendre en compte la preuve obtenue en méconnaissance du droit à l’assistance d’un avocat si son utilisation devait conduire à une violation du droit de l’intéressé à un procès équitable et qu’il appartient dès lors au juge d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des circonstances propres à la cause, si, en dépit de la violation du droit à l’assistance d’un avocat, les éléments de preuve recueillis peuvent ou non être déclarés admissibles. A.4. P. Migliorini répond que le raisonnement qui conduit le procureur général près la Cour d’appel de Liège et le Conseil des ministres à conclure à l’inutilité de la question préjudicielle pose question au regard de l’article 6 de la Convention européenne et de l’article 13 de la Constitution. Il estime pour sa part que la réponse est utile à la solution du litige pendant devant le juge a quo. Quant au fond, il répond qu’il se déduit de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que l’article 47bis, § 6, nouveau, du Code d’instruction criminelle, en ce qu’il permet au juge du fond de tenir compte, même de manière corroborante, des auditions réalisées hors la présence d’un avocat, est contraire notamment à l’article 6 de la Convention européenne. A.5. Le Conseil des ministres répond que la question ne vise pas les articles 10 et 11 de la Constitution et que les considérations développées par P. Migliorini quant à la violation de ces dispositions sont donc irrecevables.
  • 6. 6 -B- B.1.1. La Cour est interrogée au sujet de l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction criminelle, introduit par l’article 2, 2°, de la loi du 13 août 2011 « modifiant le Code d’instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d’être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté », qui dispose : « Aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites en violation des §§ 2, 3 et 5 à l’exclusion du § 4, en ce qui concerne la concertation confidentielle préalable ou l’assistance d’un avocat au cours de l’audition ». B.1.2. La loi du 13 août 2011 tend à mettre la législation belge en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative au droit à l’accès à un avocat et à l’assistance par celui-ci durant la phase préliminaire du procès pénal. Par son premier arrêt en cette matière, rendu à propos de la situation d’un suspect arrêté et interrogé par la police, la Cour européenne a jugé : « Une législation nationale peut attacher à l’attitude d’un prévenu à la phase initiale des interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les perspectives de la défense lors de toute procédure pénale ultérieure. En pareil cas, l’article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police » (CEDH, 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, § 52). « […] pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6, § 1, demeure suffisamment ‘ concret et effectif ‘ […], il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. Même lorsque des raisons impérieuses peuvent exceptionnellement justifier le refus de l’accès à un avocat, pareille restriction - quelle que soit sa justification - ne doit pas indûment préjudicier aux droits découlant pour l’accusé de l’article 6 […]. Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police subi sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation » (ibid., § 55).
  • 7. 7 B.1.3. L’article 47bis, §§ 2, 3 et 5, du Code d’instruction criminelle garantit, en ce qui concerne le droit à la concertation avec l’avocat et le droit à l’assistance de l’avocat lors de l’audition : - le droit pour la personne non privée de liberté et suspectée d’avoir commis une infraction dont la sanction peut donner lieu à la délivrance d’un mandat d’arrêt, de se concerter confidentiellement avec un avocat avant la première audition; - le droit pour la personne suspectée d’avoir commis une infraction et privée de sa liberté, dès ce moment et préalablement à la première audition, de se concerter confidentiellement avec un avocat et le droit d’être assistée d’un avocat lors des interrogatoires menés par les services de police, le procureur du Roi et le juge d’instruction, jusqu’à la délivrance éventuelle d’un mandat d’arrêt par le juge d’instruction. B.2. La question préjudicielle invite la Cour à examiner l’article 47bis, § 6, du Code d’instruction criminelle « en tant que les déclarations auto-incriminantes peuvent être utilisées comme élément corroborant d’autres éléments de preuves ». B.3. Par son arrêt n° 7/2013 du 14 février 2013, la Cour a annulé, dans la disposition en cause, le mot « seul ». Il résulte de cette annulation que les déclarations auto-incriminantes recueillies en violation du droit à l’assistance d’un avocat ne peuvent être utilisées pour fonder une condamnation, fût-ce en combinaison avec d’autres éléments de preuve. B.4. Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Conseil des ministres et par le procureur général près la Cour d’appel de Liège, la Cour constate que la question préjudicielle est devenue sans objet.
  • 8. 8 Par ces motifs, la Cour dit pour droit : La question préjudicielle est sans objet. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l’audience publique du 14 février 2013. Le greffier, Le président f.f., F. Meersschaut J.-P. Snappe