1. Promenade littéraire
7 décembre 2014
Concarneau
Ville d’art et d’histoire
Promenade littéraire
2. UNE RETRAITE A VOLEURS
Concarneau par Louis-Pierre LE MAITRE, 2003
Le Chanoine Moreau :
«... Concarneau, soit qu'on l'appelle ville ou château seulement (c'est de quoi je ne
m'embarrasse guère) est situé dans la paroisse de Beuzec-Conq, en une une forte
assiette, étant sur un roc peu élevé tout environné de marécages et de mer (…), bonne
forteresse pour la ruine du pays, et inventée cependant pour son bien ; une retraite à
voleurs, gens de corde, comme il se voit par expérience que, si quelqu'un a assassiné
son voisin, ou fait quelque vol ou ravi quelque fille ou femme, Concarneau est sa re-traite...
»
«... Située en un pays uni et découvert, sans faubourg ni maisons que bien éloigné, ladite
place est de forme ovale, ayant environ quatre cents pas de long et cent ou six vingts de
large. Il n'y a qu'une rue bien bordée de maisons, où demeurent nombre d'habitants
riches par rapport à leur commerce sur la mer, c'est pourquoi elle est aussi appelée
ville. Il y a trois portes... »
« … Elle est ceinte de bonnes et larges murailles de pierres de taille. (…) y établit une
perpétuelle garnison à morte paie, entretenue tant en guerre que en paix, (…) il y a
beaucoup de danger pour y en approcher, la rade et les avenues étant pleines de
rochers à fleur d'eau et la mer fort basse ; les vaisseaux de moyenne grandeur y
courent fortune, s'ils ne sont conduits par de bons pilotes. Bref, c'est une bonne
forteresse pour la ruine du pays. »
3. LA VILLE CLOSE
A travers l'Armor par Victor SEGALEN, 1899
« … La « Ville close », au contraire, toute curieuse, enserrée, condensée en ses remparts
moyenâgeux comme en un corselet de pierre, s'ouvre, en avant et en arrière, par deux
portes basses, dont l'une, qui donne sur la Ville neuve, est précédée d'un pont-levis. De
l'une à l'autre se faufile, se faisant étroite, l'unique rue de la vieille ville. Pour l'instant, elle
donne passage, à grande vitesse, aux indigènes qui sortent comme des fous de la messe
dominicale. Les femmes surtout, élargies de toute la largeur de leur collerette blanche en
soc de charrue, balaient la rue de leurs remous précipités. C'est à contre-courant qu'il
faut gagner la seconde porte. Celle-ci bée sur un petit bras de mer reliant le port à la
pleine eau ; en face, « Le Passage » - vers Pont-Aven - , très animé, fourmille de bateaux
faisant toilette pour les régates, séchant leurs toiles, essayant leurs flèches... Sur la
gauche, un torpilleur allonge son museau noir et ras. Le bac, chargé comme une boîte à
sardines, tout blanc sous un chargement de coiffes extravagantes du pays, transborde de
pleines batelées de paysannes. D'autres, sur la cale, et d'autres encore, jusqu'à perte de
vue, attendant le passeur. Et de plus en plus la Ville Close engoncée dans ses remparts
péninsulaires, renforcée de bastions émergeant de son humide ceinture, simule une
exacte réduction du curieux Saint-Malo : on demande un Chateaubriant... »
La Basse-Bretagne par Auguste DUPOUY, 1963
« … La digue de Concarneau avec son musoir en demi-lune, où se sont accoudées des
générations de visiteurs et d'autochtones, peut passer pour un des lieux spirituels du
littoral bas-breton, l'un de ceux qui ont valu aux plus dignes le plus de joie contemplative
et d'exaltation lyrique... »
« … La transformation de la Ville-Close en bazar celto-oriental me chagrine. La mort des
conserveries aussi, qui donnaient à la ville une odeur sauvage, avec du mouvement et des
chants.
Mais cette mue inévitable, quelque regret qu'elle puisse susciter, n'a pas atteint l'essentiel.
Je dirai même qu'elle l'a préservé. Rien n'est plus triste qu'une ville musée, mais rien n'est
plus beau qu'un musée qui vit. C'est pourquoi rien n'est plus beau que Concarneau... »
4. L'AMIRAL
Le chien jaune par Georges SIMENON, 1931
« ...Vendredi 7 novembre, Concarneau est désert. L'horloge lumineuse de la vieille ville
qu'on aperçoit au-dessus des remparts, marque onze heures moins cinq.
C'est le plein de la marée et une tempête du sud ouest fait s'entrechoquer les barques
dans le port. Le vent s'engouffre dans les rues, où l'on voit parfois des bouts de papier
filer à toute allure au ras du sol.
Quai de l'Aiguillon, il n'y a pas une lumière. Tout est fermé. Tout le monde dort. Seules
les trois fenêtres de l'Amiral, à l'angle de la place et du quai, sont encore éclairées.
Elles n'ont pas de volets mais, à travers les vitraux verdâtres, c'est à peine si on devine
des silhouettes. Et ces gens, attardés au café, le douanier de garde les envie, blotti dans
sa guérite, à moins de cent mètres.
En face de lui, dans le bassin, un caboteur qui, l'après-midi, est venu se mettre à l'abri.
Personne sur le pont. Les poulies grincent et un foc mal cargué claque au vent. Puis il y
a le vacarme continu du ressac, un déclic à l'horloge, qui va sonner onze heures.
La porte de l'Amiral s'ouvre. Un homme paraît, qui continue à parler un instant par
l'entrebâillement à des gens restés à l'intérieur. La tempête le happe, agite les pans de
son manteau, soulève son chapeau melon qu'il rattrape à temps et qu'il maintient sur sa
tête tout en marchant... »
5. HOTEL DES GRANDS VOYAGEURS
Le 16 septembre 1875 à 10 heures du matin, Flaubert
descend du train à Rosporden et à 15 heures, entre aux
Voyageurs où Madame Sergent lui montre sa chambre.
« … Les baigneurs se dévêtaient en plein air, sur les rochers
voisins. On se baignait en costume sommaire, un petit caleçon rayé
de couleurs vives, souvent historié de dessins burlesques, soleils
goguenards, lunes moroses... Les baigneuses par contre ne
s'aventuraient dans l'onde que vêtues des pieds à la tête, pantalons
bouffants, longues tuniques galonnées de tresses blanches, et
ornement tout indiqué pour les bains de mer, un mignon col marin soutaché. Protection
des longues chevelures, un horrible bonnet de baudruche jaune, agrémenté de cocardes et
de petits rubans, complétait ce costume vraiment commode : mais la femme ne nageait pas,
ne devait pas savoir nager. En poussant des petits cris, on faisait sagement trempette. Au
bord de l'eau, avec sur les bras un immense peignoir, madame Mère veillait... »
A son ami Georges Pouchet :
« … Concarneau est un charmant pays. Quelles bonnes vacances j'y passerais si j'avais
l'esprit libre et le coeur desserré ! … J'ai beau regarder les poissons du vivier puis la mer et
me promener et me baigner tous les jours, la préoccupation de l'avenir ne me quitte pas. Je
t'assure que je suis bien raisonnable. J'ai même essayé de commencer quelque chose de
court, car j'ai écrit en trois jours... une demie-page du plan de La légende de Saint-Julien
L'Hospitalier...
… Hier, j'ai fait une promenade en bateau, charmante. La mer était comme un lac, la
température chaude et le soleil splendide. J'ai passé beaucoup de temps couché à plat
ventre sur l'herbe d'un îlot à regarder les vagues rebondir dans les rochers et les mouettes
voler dans le ciel. La rade était couverte de petits bateaux qui s'en revenaient de pêcher
des sardines et le croissant de la lune est apparu, blanchissant tout un côté de l'horizon.
Comme cela te ferait (ou plutôt vous ferait) du bien à tous les deux de venir passer ici
quelques jours. On n'y a jamais froid ; c'est un climat méridional, sans doute à cause du
gulf-stream qui chauffe le rivage. Les grenadiers et les camélias poussent comme aux îles
Borromées et on porte encore les vêtements d'été...
… La pluie tombe à seaux ! Décidément Concarneau n'est pas l'Egypte. Voilà quinze jours
que je suis très souvent obligé de garder le logis à cause du mauvais temps... N'importe, le
séjour de Concarneau m'aura été bon... Ici on est très radical et libre penseur (ce qui
contrarie les idées reçues sur la Bretagne). Quand je dis on, j'entends parler de cinq ou six
petits bourgeois qui viennent au café ! Quels paresseux ! Quelle existence ! Je finirai
peut-être par les imiter... »
6. MAISON GLOUX
Charles-Henry FROMUTH, ca 1890
« … J'ai trouvé là une ville close, un petit village-île entouré de fortifications de granit
éternel racontant des siècles passés, exposées au temps et à l'air salin, couvertes de lichens
bien à leur place dans chaque crevasse, la mer encerclée de quais, des jetées tout autour. Je
ne me fatigue jamais de l'étudier comme fond pour mes sujets, il semble inépuisable.
Nature, art et paix de l'esprit sont ici réunis comme à dessein pour faire éclore la création.
Chaque jour ma seule préoccupation était de me rendre en divers points d'observation
avec chevalet, carnet et fusain pour voir le départ ou le retour des bateaux de pêche et
plus tard, à la fin de la journée, le merveilleux décor du port et du bassin avec ses filets
hissés... »
Ethel Maude THOMPSON, épouse du peintre :
« … Pour les peintres, Concarneau fournit des motifs variés d'une rare beauté. Les
thoniers peints aux couleurs claires, à grandes voiles blanches, bleus ciel, rouges, jaunes, le
tout harmonisé par l'air de la mer et par le soleil, lèvent leurs tangons gracieusement
comme les antennes d'un insecte. Ensuite, il y a les sardiniers aux coques noires, aux voiles
brunes, avec leurs filets bleus flottant dans la brise et puis les maquereautiers. L'eau reflète
tout cela... Au fond, la ville close, surmontée par la flèche de son église, est entourée de
remparts construits et fortifiés par Vauban. Au premier plan, les marins sur le quai portent
des costumes bleus ou rouges déteints par le lavage et empiécés de morceaux neufs. Les
charrettes à deux chevaux attendent l'arrivée du poisson pour les transporter à l'usine. Les
femmes acheteuses au bout de la digue crient aux bateaux rentrant au port le prix offert
par leur usine. Elles sont toutes habillées de noir avec chemisette col et coiffe blanche
brodée à la main, empesée, et le col gaufré avec de la paille... »
7. Chanson composée spécialement et sur la demande
du Comité de la fête des FILETS BLEUS, ca 1906
Paroles et musique d'Albert LARRIEU
1
Quand descend la nuit brune
Sur l'océan sans fond,
Bien loin, au clair de lune,
Les filets bleus s'en vont.
Refrain
Vive les filets bleus
Matelots joyeux
Petits filets bleus
Matelots joyeux
Petits filets bleus !
2
La sardine, par bande,
Nage sans aucun bruit :
Pour un rien qu'elle entende,
La voilà qui s'enfuit.
Refrain
3
Mais la bande s'avance
Comme un long défilé...
Amis ! Faisons silence
Et jetons nos filets.
Refrain
4
La pêche sera bonne :
Les files semblent lourds,
Je veux que mon Yvonne
Soit heureuse au retour.
Refrain
5
Pour qu'elle soit plus belle
J'apporterai, joyeux,
Une coiffe en dentelle
Avec un ruban bleu
Refrain
6
Déjà le soleil brille
Dans le miroir de l'eau,
Et le poisson frétille
Sur le pont du bateau
Refrain
7
Amis, rentrons plus vite ;
J'aperçois près du bord
Un mouchoir qui s'agite...
On nous attend au port.
8. Histoires de mer par René LEGENDRE, 1946
« … Plus durable que la plume, la pierre est parfois une meilleure expression de
l'esprit. Un laboratoire porte toujours l'empreinte de son créateur. Lacaze-Duthiers
domine ici mieux que par son tombeau.
Quand l'idée est fertile, elle grandit ; la pierre suit...
… C'est pourquoi, représentant le plus ancien des laboratoires maritimes existant au
monde et devant à ce titre l'honneur de parler en leur nom à tous, je voudrais
célébrer le mérite de leurs fondateurs en rappelant brièvement la part qui leur revient
dans la découverte de la vie marine et, par là, dans les progrès des sciences
naturelles...
… On imagine mal aujourd'hui les conditions de ces premiers travaux : les voyages en
diligence, le séjour à l'auberge, les visites aux marchés aux poissons, aux plages et aux
roches voisines, les observations, les croquis dans les barques de pêcheurs. Que
d'imprévu, de pittoresque, mais aussi de difficultés !
C'est ainsi que les naturalistes abordèrent la mer, ses richesses, ses problèmes, bien
avant que les peintres en aient aimé les couleurs, les écrivains la poésie, et que les
mondains en aient décrété le charme...
… Si la mer est la domination du monde, elle est aussi sa vérité. Je m'arrête en
répétant Christophe Colomb : « La langue manque pour dire et la main pour écrire
toutes les merveilles de la mer. »
9. LA LANGOUSTE
« Dans le grand vivier de pierres granitiques grises, l'ombre règne sous les longues
planches jointives dont on l'a recouvert pour le protéger du soleil et plus encore de
la pluie. L'eau y est glauque et sombre, sans rides, et elle semble immobile tant elle
coule lentement par une vanne, montant avec le flot et descendant au jusant. On le
croirait vide, dépeuplé, si l'on ne devinait sur le fond un lent grouillement de formes
animées. Dans un bassin, ce sont des tourteaux, des dormeurs (Cancer pagurus), fort
calmes ; dans un autre des araignées de mer (Maia squinado), camouflées par les
algues fixées sur leur carapace épineuse ; un autre encore montre des homards
(Homarus vulgaris) bleu foncé, marbrés de jaune, de brun, de noir, qui poussent
devant eux leurs deux pinces plates, énormes, redoutables tant qu'on ne les a pas
enchevillées ; il leur faudra l'eau bouillante pour rougir et mériter le titre de
« cardinal des mers ». Enfin, dans un quatrième sont des langoustes (Palinurus
vulgaris) brun rouge taché de violet et de jaune, sans pinces mais aux antennes
démesurées, plus longues que le corps ; elles sont bien plus hérissées de pointes, de
piquants et plus voyantes que les homards ; beaucoup se tiennent immobiles côte à
côte, pêle-mêle, figurant un vieux tapis rouge de Perse ; certaines se promènent len-tement,
marchant soulevées sur les griffes de leurs dix pattes, les antennes étendues
horizontalement de chaque côté du corps, explorant le monde alentour ;
quelques-unes grimpent au mur, se tenant on ne sait comment par leurs griffes le
long de la paroi verticale sans retomber ; de temps à autre, l'une d'elles se détache
brusquement du fond et nage à reculons, apparaissant un instant en surface dans le
bruit des claquements de sa queue battant violemment l'eau en se repliant contre le
thorax, après quoi elle se laisse choir doucement. Etranges bêtes, tout
encarapaçonnées, qui font songer à quelque monstre d'apocalypse, fort loin de
nous... »
10. Pêcheurs bretons par Auguste DUPOUY, 1920
« … J'ai pu, en juillet 1914, causer avec l'un de ces patrons, et pas un illettré, celui-ci (il
avait son certificat de l'école de pêche) le Concarnois Berrou, que ses compatriotes,
grands donneurs de surnoms, appelaient familièrement le Lapin. Je le connaissais de
réputation. Le lapin était une figure populaire dans sa ville. Son père mourut noyé, son
grand'père aussi. Cela ne l'a pas empêché de débuter, comme mousse, à onze ans. Sa
mère, une fois veuve, s'était faite marchande de fruits pour élever ses enfants. Les
secours ne pleuvaient pas alors comme depuis. Berrou y suppléa. Longtemps simple
sardinier, il n'y perdit point sa peine. Mais il voyait grand, il rêvait d'un dundee : Ce fut lui
qu'on appela à la barre de l'Avenir, le premier thonier concarnois. En 1911, il en passa le
commandement au patron Péron, de Névez, un fier marin, lui aussi, et reçut celui du
bateau-vivier l'En Avant...
… Donc l'En Avant a mis la voile. Son équipage est au complet : neuf hommes, tous
mariés, sauf le novice. Il emporte sa provision d'engins – une vingtaine de filets par
homme – et de victuailles : du lard en charnier, des conserves à l'huile, des haricots, des
lentilles, des pois, des pommes de terre soigneusement tassées dans des coffres garnis
de paille contre l'humidité pénétrante, plus la « dive » barrique et demie de vin qui doit
suffire pour un voyage de deux mois en moyenne... »
Le premier appel adressé aux marins sauveteurs (1865)
SOCIETE CENTRALE DE SAUVETAGE
DES NAUFRAGES
Marins sauveteurs,
En vous rangeant autour de la bannière
du sauvetage, en prenant l'engagement
de quitter, au premier signal d'alarme,
vos familles et vos bateaux, et d'exposer
vos existences pour arracher à la mort
vos semblables, vous avez fait preuve
une fois de plus de cet admirable
dévouement qui fait l'honneur des matelots français.
Mais si vos courages et vos bras sont prêts, presque partout les moyens matériels vous
manquent. Ces moyens, une Société se fonde en ce moment pour vous les donner. En
votre nom, nous adressons au pays un appel qui ne peut manquer d'être entendu ; car
chacun, riche ou pauvre, habitant du littoral, des cités ou des campagnes, voudra, en nous
remettant son obole, vous seconder dans votre oeuvre de salut.
Courage donc, braves marins ! Nos ressources ne nous permettront, il est vrai, de
pourvoir que successivement à vos besoins, et nous devons songer d'abord à ceux d'entre
nous qui veillent près des parages les plus dangereux ; mais à peine constitués, et sans
plus attendre, nous avons voulu unir nos coeurs aux vôtres, en vous adressant l'expression
de notre vive sympathie et de notre cordiale confraternité.
11. L'Amiral, Président de la Société
RIGAUT DE GENOUILLY
Les Glénans, au large de Concarneau par Camille de MONTERGON, 1957
« … Jetez seulement les yeux sur une carte des Glénans, vous discernerez d'emblée
comme elles sont heureusement disposées. Les plus massives, Le Loc'h, Penfret, Saint-
Nicolas, Drénec, délimitent un enclos de mer, comme l'enceinte d'un château-fort,
dont, au centre, l'île Cigogne serait le donjon. Les autres complètent l'enceinte ou en
forment les avancées. Au nord, loin détachée, l'Ile aux Moutons assure la surveillance
de première ligne. Le réduit de la défense est un petit hâvre intérieur, ménagé au pied
du donjon, entre Cigogne, Drénec et Saint-Nicolas et qu'on appelle la Chambre. Ainsi
tout a été distribué par Dieu pour assurer à l'archipel une destinée guerrière et
marine, défendue contre les hommes et les éléments, et qui a été en effet la sienne... »
Un balcon sur la mer par Xavier GRALL
Les vents m'ont dit, 7.XII.78
« … Un balcon sur la mer. Avec devant soi tout
l'espace de la baie de Concarneau, l'arc des grèves, les
lochs, les petites maisons blanches, les hameaux
repliés sous les pins maritimes comme des bêtes
frileuses.
Un balcon sur la mer, souvent fracassé de tempêtes.
Et la houle dans son amplitude gave les récifs
d'embruns et de flammèches, et l'océan en sa fureur
heureuse, en sa force souveraine, éreinte la jetée
déserte, et les barques tirent sur leurs chaînes.
Dans les caboulots, il y a des chiens jaunes. Les marins
parlent haut. Sur leurs bateaux aussi, ils parlent haut .
Le verbe breton a de ces hauteurs, à cause du vent.
On se paie des tournées de rouge. On parle de
godaille et de casiers. On ne fait pas de discours.
Tempête ou jolie brise, c'est la vie. Encore un petit
verre avant de rejoindre « la bourgeoise ». Et l'on s'en
va.
Un balcon sur la mer. Je n'ai pas pris de distance avec mes amitiés, j'ai seulement mis
l'espace marin entre ce que j'ai à dire et le lieu où je m'exprime car c'est bien ce pays
qui m'a fait, ce sont bien ces tempêtes qui m'inspirent, ce sont bien ces gens – gens de
mer, gens de terre - qui constituent mon peuple... »