La transformation digitale a indéniablement mis fin aux cloisonnements et à la transgression des lignes de fractures. On les croyait infranchissables il y a peu encore et voilà qu’aujourd’hui, elle s’étend à tous les secteurs, à commencer par celui du commerce physique.
Gen C - En entreprise, la transition digitale passe par le changement d’état ...
Les Echos - Distributeurs, ne passez pas à côté de vos clients
1. TRIBUNE
Opinion | Distributeurs, ne
passez pas à côté de vos
clients
La transformation digitale a indéniablement mis fin aux cloisonnements et
à la transgression des lignes de fractures. On les croyait infranchissables il y
a peu encore et voilà qu’aujourd’hui, elle s’étend à tous les secteurs, à
commencer par celui du commerce physique.
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2. Par Bruno Bonechi (partner chez PwC en conseil en stratégie digitale)
Publié le 20 avr. 2019 à 16h29
L'IoT (Internet des Objets) est en train de révolutionner l'ensemble des industries et
des services. La digitalisation d’un point de vente accompagne le client tout au long
du parcours d’achat et découle de la stratégie globale de l’entreprise. La distribution
et ses magasins physiques deviennent alors des environnements efficients et
connectés au service d'une stratégie digitale omnicanal pour une offre plus adaptée,
presque personnalisée. La digitalisation permettra d’offrir une nouvelle expérience
basée sur la personnalisation et sur l’interactivité. Manifester à l’attention du
consommateur de l’écoute, de l’empathie, de la proximité, c’est pérenniser le lien avec
lui.
Les magasins deviennent ainsi des actifs intelligents, avec des étiquettes intelligentes,
des linéaires et des gondoles intelligentes, des caméras de sécurité intelligentes, une
infrastructure de connectivité universelle (WiFi, IoT, NFC, BLE Beacon…) permettant
de capturer, d'échanger et d'analyser une multitude de données.
"Dans un magasin connecté, tout doit être tracé, analysé et
optimisé."
Concrètement, il est possible de savoir à chaque instant quels produits sont, ou ne
3. sont pas, en linéaire et en stock, quels clients sont en magasins et ce qu'ils
recherchent. Ces informations fondamentales changent tout en matière d'efficacité
opérationnelle, marketing et commerciale du point de vente.
Une partie des tâches de la supply chain sont automatisables et gérables à distance.
Les magasins vont pouvoir en particulier réduire considérablement les ruptures, les
gaspillages, les coûts de personnel et les sur-stocks liés à des politiques de prix
insuffisamment réactives et adéquates. Le CA/m2 (chiffre d’affaires par m2) sera
optimisé par une analyse et une optimisation permanente des assortiments, du
merchandising et du réassort.
De nouveaux formats font leur apparition
La distribution physique restera au cœur du commerce de demain, mais sera devenue
réellement complémentaire des autres canaux de distribution (e-commerce...) et
d'interactions (réseaux sociaux...) avec les consommateurs, tant sur le plan du mode
de consommation que sur l'offre et l'assortiment des produits et des services.
Plus besoin de stocker l'ensemble des produits en magasin puisqu'il est facile et
rapide d'acheter en ligne les produits courants et de se faire livrer les produits
exposés, mais non stockés. C'est ainsi que l'enseigne Décathlon teste un nouveau
concept de surface de vente où la totalité de ses produits est présentée, mais juste
pour commander.
4. Les groupes de distribution doivent remettre le client au centre de leurs stratégies
commerciales. Car si 80 % des entreprises pensent offrir un service client impeccable,
les consommateurs sont juste 8 % à partager cet avis. La marge de progrès est donc
immense. Le magasin physique devra alors concentrer son espace sur le "Customer
Journey" : innovation, découverte, conseil, expérience client et service. Et ce tant en
alimentaire, d'où l'importance croissante des rayons frais et traditionnels, qu'en non
alimentaire.
Malgré une révélation tardive contre toute apparence, les réseaux de distribution se
reconfigureront de plus en plus dans une logique multiformat où la proximité va
prendre le pas sur la taille, pour plus d'efficacité économique. Ainsi, chaque m2 va
générer plus de chiffre d’affaires direct (magasins) ou en ligne (e-commerce). La
proximité ne sera plus une dimension physique, mais un impératif marketing, un
principe a priori de la raison commerciale. Bref, les stratégies de cross-canal
deviendront une préoccupation forte.
Les "Business Model" subissent une importante
transformation.
Sur internet, faire cliquer un consommateur sur une page présentant un produit est
synonyme de revenu. Mais l'équivalent dans le monde réel, faire venir un prospect
dans un rayon et devant un produit, ne rapporte rien au magasin. Où est donc la
logique ? Pourtant le taux de transformation d'une visite en achat y est bien supérieur
que sur internet.
Cela va changer rapidement. Les dépenses publicitaires des marques vont continuer à
se rapprocher de l'acte d'achat, c'est à dire du magasin, pour plus de précision et
d'efficacité. Et si les distributeurs digitalisent leurs linéaires, ils feront de chaque
gondole un support publicitaire digital comme JCDecaux l'a fait pour chaque Abribus.
Les magasins deviennent alors un "broadcaster" de précision à grande échelle pour
les marques.
Le phénomène ROPO (Reaseach online, purchase offline) pour Recherche en ligne,
5. achat en magasin a plus que jamais les faveurs des consommateurs. La comparaison
et le choix même du produit sont opérés par 69 % des Français sur internet où l’accès
à l’information est facilité (Étude Fevad, Chiffres clés 2016). De la même manière, le
gain de temps lié à l’achat en ligne et au retrait en boutique sont autant de raison qui
poussent les internautes à entrer de nouveau dans les magasins physiques. Là ou
internet était considéré comme une concurrence pour les commerçants, il intervient
aujourd’hui comme une aide à la vente et permet aux vendeurs de mieux cibler les
attentes des consommateurs. Et ce n'est pas tout ; en développant la connectivité
avec le consommateur en point de vente, les magasins vont devenir une source
considérable de données clients : la prochaine grande bataille du digital va ainsi se
jouer dans les magasins.
"La prochaine grande bataille du digital et du numérique se
jouera dans les magasins physiques."
De l'achat à la distribution, l'ensemble de la chaine de valeur va être optimisée
Les magasins ont pris conscience des nouvelles attentes de leurs clients, et surtout
que le digital leur permettait de répondre à ces besoins. L'irruption du point de vente
physique, c'est-à-dire des dizaines de millions de magasins qui concentrent encore 90
% des ventes de détail dans le monde, sur la scène du Big Data n'est pas un
événement anodin. C'est une révolution qui va massivement réduire les coûts de
toute la chaine FMCG / Distribution et changer la collaboration entre les industriels et
les distributeurs.
Quelques exemples simples :
- Il ne sera plus nécessaire d'envoyer des armées d'inspecteurs dans les magasins
pour savoir combien de facings de tel ou tel produit sont bien en rayon, l'information
sera disponible en ligne, de même que les niveaux d'alertes pour éviter des ruptures
et la perte de chiffre d’affaires correspondant.
- Les négociations entre enseignes et fournisseurs seront basées sur des données en
temps réel, précises et exhaustives.
6. - Enfin, la nouvelle donne publicitaire et promotionnelle liée au digital en rayon
permettra une efficacité de ciblage sans précédent et une optimisation des dépenses
des marques, tout en apportant de substantiels compléments de revenus aux
distributeurs.
Une nouvelle ère pour les magasins physiques
Investir dans la digitalisation d’un point de vente permettra de séduire et de fidéliser
une nouvelle clientèle, mais sera surtout une véritable opportunité pour renouveler
l'offre produits et services et se démarquer ainsi de la concurrence. La digitalisation
du point de vente est une conséquence de l’essor de l’e-commerce. Grâce à tous les
bénéfices du digital, les PdV (Points de Vente) physiques vont redevenir des actifs
rentables pour les distributeurs.
Les basiques fondamentaux du commerce vont redevenir
primordiaux.
Dans l’expérience client, la satisfaction du consommateur commence par la
satisfaction fonctionnelle : identification du client, délai d’attente réduit, obtention
d’une réponse adaptée. Depuis toujours les distributeurs ont appris à écouter les
consommateurs, à concevoir des assortiments, à acheter des produits, à
approvisionner des points de vente, à identifier et à contracter les meilleurs
emplacements, à mettre en scène une offre de manière attractive, à promouvoir et
vendre.
La combinaison de l’humain et du numérique offre ainsi de nouvelles opportunités
d’engagement du consommateur. À mesure que les magasins embrassent les
nouvelles technologies et les canaux digitaux, ces savoir-faire vont retrouver tout leur
pouvoir différenciant et consacrer la victoire des distributeurs "Brick & Mortar" dans
un monde omnicanal.
Convergence entre commerce digital et physique, bienvenu
dans le phygital.
7. Le commerce de demain sera omnicanal. Les "Pure Players" vont décliner ou
disparaître, à moins qu'ils deviennent aussi des distributeurs omnicanaux et
développent leurs propres réseaux de points de vente, ce que beaucoup ont
commencé à faire (Amazon, Alibaba...).
Le commerce se fait transgressif. Après le physique, puis le digital, viendrait donc l’ère
du "phygital". L’histoire était pourtant loin d’être gagnée d’avance. Rappelons-nous en
effet : que n’avons-nous entendu sur la fin inexorable de la boutique de centre-ville ou
sur celle du centre commercial, appelés à être supplantés par des sites commerçants
dématérialisés abolissant la distance, accessibles en permanence et assurant la
livraison au choix du consommateur.
Tout concourt à la convergence des deux modes de distribution. Les anciens "Pure
Players" des deux bords entendent bien tirer parti du meilleur de chacun des
modèles, quitte à inventer un commerce du troisième type. Une évolution qui est loin
d’être achevée aujourd’hui. Nous ne sommes qu’à l’aube de cette mutation. Cette
convergence "phygitale" va être le moteur d'une nouvelle vague de consolidation
majeure dans le secteur de la distribution. D'une part entre distributeurs "Brick &
Mortar" et "Pure Players", une vague qui a déjà largement commencé, mais qui va
s'accélérer, et d'autre part au sein même des 250 premiers distributeurs mondiaux. En
effet, pour la première fois dans l'histoire de la distribution, l'émergence de véritables
distributeurs omnicanaux va créer la possibilité d'économies d'échelle au niveau
national, régional et même mondial dans un secteur resté encore assez local.
Inventer le magasin véritablement connecté. Pas seulement connecté à des
technologies, à des outils ou au web, mais connecté à ses clients. Au point d’en faire
des membres, des ambassadeurs et des amis. Il s’agit de réinventer la carte des liens
et des sentiments. C’est le grand défi à venir. Nous allons peut-être faire une véritable
rencontre du troisième type. Vont ainsi émerger une "nouvelle espèce" de
distributeurs globaux et rentables.