Aspects diagnostiques des tumeurs prostatiques a Conakry
1. Aspects diagnostiques des tumeurs prostatiques
au service d’urologie du CHU de Conakry
BARRY M.¹, DIALLO A.B¹,.BAH I¹, BAH O.R¹, BALDE S ¹, KOULIBALY M², SOW K.B¹, DIALLO M.B¹
Résumé
Objectif : il s’agit d’une étude rétrospective descriptive des aspects diagnostiques de la tumeur
prostatique au service d’urologie du CHU Conakry.
Matériels et méthode : C’est une étude portant sur 258 cas de tumeur prostatique hospitalisés et
opérés au Service d’Urologie de l’Hôpital I. Deen de janvier 2004 à octobre 2005. Les aspects
épidémiologique, clinique, biologique, échographique et anatomopathologique ont été les variables de
l’étude.
Résultats : L’âge moyen a été de 70,27 ans avec des extrêmes de 46 et 105 ans. Des 258 cas de
tumeur prostatique hospitalisés, 36 % (n = 94) des cas étaient des tumeurs bénignes, 26 % (n = 67)
des cas des adénocarcinomes, un cas de sarcome et 96 (37 %) sont des dysplasies de haut grade, de
bas grade et d’adénose prostatique.
La plupart des patients (87 %) ont été vus en urgence et 181 d’entre eux avaient un taux de PSA
compris entre 10 ng/ml et 100 ng/ml
73,65 % des patients ont présenté une hyperplasie adénomateuse de la prostate et 26,35 % un
cancer de la prostate.
68.60 % des patients ont un taux de créatininémie dans les limites de la normale et 88 % ont une
bactériurie.
Conclusion : Cette étude rétrospective de 22 mois montre une grande fréquence des tumeurs
prostatiques avec un nombre important de patients à haut risque qu’il faut surveiller. Un patient sur
neuf est vu en urgence avec une fonction rénale satisfaisante et une bactériurie.
Abstract
Purpose: It’s a descriptive and retrospective study of the diagnosis aspect of the prostate tumors at
the department of Urology CHU Conakry
Material and methods : It’s a study of 258 cases of prostate tumors received and treated at the
department of Urology I Deen from January 2004 to October 2005. The variables of the study were
the epidemiological, clinical, biological aspects ; the ultrasonography and the anatomopathology.
Results: The mean age was 70.27 years with extremes of 46 to 105 years. From the 258 cases of
prostate tumors, 36% (n = 94) of the cases were benign prostate tumors, 26% (n = 67) were
adenocarcinoma of the prostate, one case was a sarcoma and 37% (n=96) were a dysplasia high and
low grade of the prostate.
Most of the patients (87%) had been received in urgency and 181 cases of them had a PSA level
between 10 ng/ml and 100 ng/ml. 73% of the patients had a adenomatous hyperplasia of the
prostate, and 26,35% a prostate cancer. 68.6% had a normal creatinemia and 88% a bacteriuria.
Conclusion : This 22-months retrospective study shows a high frequency of prostate tumors, an
important number of patients with a high risk needs a surveillance. One of nine of the patients is
received in urgency with a good renal function and a bacteriuria.
1. Service d’Urologie-
Andrologie, CHU de
Conakry, Guinée.
2. Service d’Anatomie
pathologique, CHU
Conakry, Guinée.
Mots-clés :
Tumeur
prostatique,
PSA,
Anatomie
pathologique
Keywords :
Prostate tumor,
PSA,
Prostate specific
antigen,
Anatomopathology
Médecine
d’Afrique Noire
Janvier 2010
2. • Médecine d’Afrique Noire • 2010, Vol.57, N°1 •
La tumeur prostatique est une pathologie
parenchymateuse très fréquente chez l’hom-
me à partir de 50 ans. Les tumeurs prostati-
ques constituent un véritable problème de
santé publique comme en témoignent certai-
nes données épidémiologiques (10104 décès
par cancer de la prostate en France en 2000)
(1). Elles sont courantes dans les services
d’urologie en raison de l’amélioration de l’es-
pérance de vie et de celle de la couverture
sanitaire.
L’anatomopathologie occupe une place cen-
trale pour le diagnostic. Ce travail a pour
objectif de décrire les aspects diagnostiques
des tumeurs prostatiques prises en charge
dans le service d’Urologie du CHU de Conakry.
Matériels et méthode
Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur
258 malades hospitalisés et suivis dans le
service d’Urologie du CHU de Conakry pour
tumeur prostatique, de janvier 2004 à octobre
2005 soit 22 mois.
Les paramètres étudiés ont été d’ordre épi-
démiologique (âge du patient), clinique (motif
de consultation, les données du toucher rectal
lors de l’examen physique), paraclinique (taux
de PSA total, la fonction rénale, l’examen cyto-
bactériologique des urines) et anatomopatho-
logique (résultat de la biopsie prostatique
et/ou de la pièce opératoire).
Les critères d’inclusion spécifique ont été
l’examen histologique de la tumeur prostati-
que et le taux de PSA total.
Toutes ces données ont été collectées sur une fi-
che et analysées à l’aide d’un logiciel Epi-Info 6.
Résultats
L’âge moyen de nos patients était de 70,27
ans avec des extrêmes de 46 et 105 ans. Les
tranches d’age comprises entre 61 et 80 ans
représentaient 77,53 % de nos patients (n =
200).
La rétention d’urine vésicale a constitué le
principal motif de consultation avec 86,81 %
des cas (n = 224) suivis des troubles miction-
nels avec 13,18 % des cas. L’évolution du
motif de consultation était comprise entre un
mois et 6 mois chez 146 patients (tableau I).
A l’examen physique, une hypertrophie pros-
tatique d’allure bénigne a été notée chez 93
% des patients (n = 241) et cette hypertro-
phie prostatique était suspecte de néoplasie
chez 7 % des patients (n = 17).
Sur le plan biologique, l’étude de la fonction
rénale et l’examen cytobactériologique des
urines ont été systématiques chez la totalité
des patients. La fonction rénale était normale
chez 68,60 % des cas (n = 177) et supérieure
à la normale chez 81 patients. Une bactériurie
et une leucocyturie ont été retrouvées chez
respectivement 88 % et 5 % des patients à
l’examen cytobactériologique des urines.
Le dosage du PSA total a été effectué chez
tous nos patients. Il était inférieur à 4 ng /ml
dans 41 cas et dans 96 cas il était compris
entre 11 et 20 ng /ml (tableau II).
• Aspects diagnostiques... •
33
Introduction
Evolution du motif de consultation Nb de patients %
< 1 mois 24 9,3
1-6 mois 146 56,58
> 6 mois 88 34,1
Tableau I : Répartition selon l’évolution du motif de la consultation
Taux de PSA total Nb de patients %
PSA < 4 ng/ml 41 15,89
4 ng/ml < PSA < 10 ng/ml 31 12,01
11 ng/ml < PSA < 20 ng/ml 96 37,2
21 ng/ml <PSA < 30 ng/ml 32 12,4
31 ng/ml <PSA < 40 ng/ml 10 3,87
41 ng/ml <PSA < 50 ng/ml 4 1,55
51 ng/ml <PSA < 60 ng/ml 4 1,55
61 ng/ml <PSA < 70 ng/ml 5 1,93
71 ng/ml <PSA < 80 ng/ml 3 1,16
81 ng/ml <PSA < 90 ng/ml 3 1,16
91 ng/ml <PSA< 100 ng/ml 24 9,3
PSA > 100 ng/ml 5 1,94
Tableau II : Répartition des patients selon le taux de PSA total
3. • Médecine d’Afrique Noire • 2010, Vol.57, N°1 •
Sur le plan de l’imagerie, l’échographie rénale
et vésico-prostatique a été réalisée chez tous
les patients et l’échostructure de la glande
prostatique était homogène dans 45 % des
cas (n = 115) et hétérogène avec présence de
calcifications dans 55 % des cas (n = 143).
Une biopsie prostatique a été effectuée chez
les patients ayant un taux de PSA total supé-
rieur ou égal à 10 ng/ml, une densité de PSA
supérieure ou égale à 15 % et chez les pat-
ients présentant une anomalie de la prostate
au toucher rectal.
Discussion
La glande prostatique est l’organe génital
masculin le plus affecté par une tumeur après
la cinquantaine. Selon Mc NEAL elle comprend
une zone périphérique 70 %, une zone centra-
le 25 % et une zone transitionnelle 5 % (2).
La tumeur prostatique maligne se développe à
partir de la zone périphérique dans 70 % des
cas, la zone transitionnelle 10-20 % et la zone
centrale 5-10 %. Les cancers siégeant dans la
zone de transition sont le plus souvent dia-
gnostiqués fortuitement sur des copeaux de
résection endoscopique ou de pièce d’adéno-
mectomie. Ces cancers de prostate auraient un
pronostic plus favorable que les autres loca-
lisations du fait d’altérations moléculaires diffé-
rentes et/ou car à volume égal, leur situation à
distance des limites de la glande est respon-
sable d’un envahissement extra-prostatique
plus tardif et elles sont mieux différenciées
(3).
Dans notre série, sur 258 cas de tumeur pros-
tatique colligés, 36 % étaient des tumeurs
bénignes, 27 % des tumeurs malignes et
37 % des tumeurs dont le potentiel évolutif
nécessite une surveillance rigoureuse.
L’âge de nos patients était compris entre 46
ans et 105 ans, avec un âge moyen de 70,27
ans. Au Bénin sur 206 cas de tumeurs prosta-
tiques étudiées, 71 % sont bénignes et
28.2 % sont malignes, avec un âge moyen qui
varie entre 66 ans et 67 ans (4).
La plupart des patients de notre série (87 %)
a été reçue en urgence contre 51.5 % pour
AKPO et coll. (5) au Bénin, et 40% pour
NOURI et coll. (6) au Maroc. Ceci s’explique-
rait par le fait que nos patients pour la plupart
analphabète consultent toujours tard bien
après l’apparition des premiers symptômes.
Soixante-six pour cent des patients ont été
reçus six mois après le début de leur motif de
consultation et 68.60 % des patients étaient
porteurs de sonde urétrale au moment de la
consultation dans notre service
Le toucher rectal, base de l’examen d’un
patient porteur d’une tumeur prostatique (7) a
retrouvé une prostate augmentée de volume
dans tous les cas et 93 % des patients avaient
une hypertrophie d’allure bénigne de la pros-
tate. Au Maroc, NOURI et coll. ont fait la
même constatation chez la quasi-totalité de
leurs patients (6), AKPO et coll. (5) au Bénin
ont objectivé chez 92.7 % des patients une
prostate augmentée de volume. Si le toucher
rectal est demeuré pendant longtemps le seul
outil de dépistage avant l’ère du PSA, ses limi-
tes sont de nos jours bien démontrées comme
le montre les chiffres ci-dessus. En effet par le
toucher rectal seul, plus de 50 % des tumeurs
prostatiques malignes étaient localement avan-
cées à l’examen histologique et par consé-
quent incurables dans la majorité des cas (8,
• Aspects diagnostiques... •
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Résultats anatomopathologiques %
Dysplasie de bas grade 39
Dysplasie de haut grade 18
Adénose prostatique 39
Hyperplasie adénomateuse prostatique 90
Adénomyome prostatique 3
Adénofibromyome prostatique 1
Adénocarcinome 67
Sarcome 1
Total 258 100
37,2
36,5
26,3
Nb de patients
96
94
68
Tableau III : Répartition des patients selon le résultat de l’examen
anatomopathologique de la prostate
4. • Médecine d’Afrique Noire • 2010, Vol.57, N°1 •
9). Par ailleurs, 23 à 45 % des cancers se-
raient méconnus si les indications de biopsie
reposaient uniquement sur le toucher rectal car
la plupart des tumeurs n’entraîne pas de modi-
fication palpable (10). Il faut noter cependant
que le toucher rectal combiné au dosage du
PSA reste un outil indispensable de dépistage
car jusqu’à 25 % des cancers de prostate peu-
vent être dépistés alors que le PSA est normal.
Dans notre série 72,10 % de nos patients
avaient un taux de PSA total supérieur à 10
ng/ml dont 26,3 % d’adénocarcinome prostati-
que et 35,2 % de lésions précancéreuses. Ce
taux d’adénocarcinome paraissant faible par
rapport au taux de PSA de ces patients pour-
rait s’expliquer par le fait que la quasi-totalité
de nos patients avait une volumineuse pros-
tate au toucher rectal et à l’échographie. DE
LA TAILLE (11) estime que pour un taux de
PSA supérieur à 10 ng/ml, le taux de cancer
de la prostate doit être de l’ordre de 79 %
tandis que pour un taux supérieur à 20 ng/ml,
celui du cancer de la prostate atteint 90 %.
L’examen cytobactériologique des urines a
retrouvé une bactériurie dans 88 % des 159
cas examinés. Au Bénin, HOUNASSOU et al.
(4) ont trouvé que 70 % des patients avaient
des germes dans les urines.
Dans notre série, 68,68 % des patients avaient
une créatininémie dans les limites de la nor-
male.
A l’échographie, le volume prostatique variait
entre 30 cc à 100 cc et plus, et dans 55 % des
cas l’échostructure de la prostate était hétéro-
gène. Il faut noter que malgré la qualité de
l’image échographique quand elle est réalisée
par voie endorectale, il a été montré qu’il
n’existe pas d’aspect spécifique du cancer bien
que des images hypoéchogènes soient deux
fois plus souvent cancéreuses aux biopsies
que des zones isoéchogènes (12, 13).
Le diagnostic a été confirmé par l’examen
histopathologique dans tous les cas.
CHANG (14) sur une étude de 225 cas de
tumeur prostatique a trouvé après biopsie
prostatique que 44 % de ces tumeurs étaient
des adénocarcinomes prostatiques.
Les cancers de la prostate étaient représentés
par les adénocarcinomes dans 98,5 % des cas
dans notre série.
Ce taux élevé d’adénocarcinome prostatique
est également retrouvé au Sénégal (5) et à
Brazzaville avec respectivement 74.4 % et 100
% des cancers prostatiques.
Conclusion
Le diagnostic de la tumeur prostatique dans
notre étude rétrospective de 22 mois portant
sur 258 patients hospitalisés et opérés dans le
service repose sur le TR, l’échographie pros-
tatique, le dosage du PSA total et le résultat
de l’examen histopathologique du fragment de
biopsie ou de la pièce opératoire.
Il apparaît que 27 % de ces tumeurs sont des
adénocarcinomes avérés et 36 % des tumeurs
dont le potentiel évolutif impose une surveil-
lance clinique et paraclinique régulière, cons-
tante.
• Aspects diagnostiques... •
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