1. Event Management 47
S
e plaindre de la législation est de bon ton en Belgique. Comme de
la fiscalité. Nous savons que c’est utile mais nous les considérons
comme un mal nécessaire. Généralement, nous ne prêtons pas
vraiment de bonnes intentions au législateur, nous pensons que les
politiciens et les fonctionnaires ne réfléchissent pas aussi efficace-
ment et pro-résultat que nous… Donc, nous nous en plaignons et nous
nous résignons à contrecœur à en tirer le meilleur parti. Cependant,
certains auteurs soutiennent que la loi est parfaitement superflue. Le
philosophe néerlandais Spinoza déclarait au 17ème siècle: «L’Amour
libère de la loi» (autrement dit : qui agit avec amour, n’a pas besoin
de loi). Seul un philosophe peut tenir de tels propos. Mais il a raison…
Une‘nouvelle’législation?
Lorsque nous nous plaignons des réglementations de sécurité, cela
concerne souvent la ‘vieille’ loi, datant d’avant 1996. La ‘nouvelle’
législation relative au bien-être prescrit de manière bien moins dé-
taillée les précautions de protection à prendre dans chaque situation
concrète. Les contraintes détaillées ont été remplacées par des men-
tions qui dictent principalement qui peut établir des réglementations
sur mesure au niveau organisationnel et comment, de quelle manière.
Exemple: une entreprise du secteur automobile organise un grand
événement pour son personnel. Le législateur n’impose qu’un objectif
global: il est de l’obligation de l’employeur de veiller au bien-être de
ses employés et de prendre toutes les mesures nécessaires pour le ga-
rantir. Le bien-être inclut la sécurité, la santé, l’hygiène, le bien-être
psychique, social et physique (ergonomie) des travailleurs, les aspects
environnementaux internes à l’entreprise et un lieu de travail agréable.
Dans cette situation concrète, on attend de l’organisateur (à savoir
le PDG et ses collaborateurs directs) qu’il mette tout en œuvre pour
permettre aux membres du personnel de participer à cet événement
de manière sécurisée. Il doit aborder cet événement de manière systé-
matique – avec ou sans l’agence événementielle choisie – en analysant
les risques potentiels liés à tous les processus.
Qui est responsable?
Cela va peut-être vous surprendre mais l’employeur est et
reste le responsable final.
De fait, c’est la ‘ligne hiérarchique’ ou la personne diri-
geante qui est compétente pour déléguer les tâches et qui
assume la plus grande responsabilité dans la pratique étant
donné qu’il incombe à l’employeur seul de désigner les per-
sonnes et les moyens à mettre en œuvre, tant pour formuler
que pour exécuter la politique de l’entreprise.
Les conseillers en prévention internes et externes ont un
rôle de soutien. Ce ne sont en effet que des conseillers.
Priorité absolue à la prévention
Mieux vaut prévenir que guérir, d’autant plus lorsqu’il s’agit de sécu-
rité et de bien-être. Investir dans la constitution d’un dossier sécurité
et faire intervenir la prévention interne ou externe le plus rapidement
possible permet d’éliminer des risques. En menant une analyse de
risques sérieuse et en corrigeant le tir (de façon dynamique) à chaque
changement du concept (nombre de participants, timing, etc.), cette
analyse de risque devient la pierre angulaire de l’événement. En inté-
RÉGLEMENTATION BIEN-ÊTRE –
MÉCONNUE, MAL AIMÉE
La plupart des lois ont été créées parce que les
gens ne font pas spontanément ce que la société
attend d’eux. Quelqu’un qui part travailler devrait
pouvoir rentrer le soir en ayant tous ses doigts et
ses orteils. Quelqu’un qui assiste à un concert n’a
pas envie d’enfiler une armure pour pouvoir écouter
son groupe préféré. Et un technicien d’une société
de son et lumière veut pouvoir envisager son avenir
sans pertes auditives. Nous sommes tous d’accord.
Et pourtant nous nous plaignons de la législation.
Pourquoi?
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concentre pas uniquement sur l’élimination des dangers et les risques
de dégâts ou d’accidents. L’analyse SWOT révèle aussi les points forts
d’une organisation, qui peuvent servir de levier pour créer plus de
bien-être. Comme des vases communicants. Plus vous accentuez les
points forts, plus les maillons faibles ont tendance à s’amenuiser.
Gestion de la qualité en matière de sécurité
• Travailler selon une politique et des objectifs, y compris
des objectifs bien-être
• Des processus efficaces qui doivent permettre d’atteindre
les résultats visés
• Identifier les interconnexions au sein du système
• Créeruneapprochedynamiqueens’améliorantconstamment
Opportunité pour notre secteur
Cette législation devrait être une bénédiction pour le secteur événe-
mentiel. En tout cas en comparaison avec l’ancienne (le RGPT). Elle
intègre en effet l’espace nécessaire pour la réflexion créative et le
travail sur mesure en fonction de l’organisation. L’incertitude et l’im-
prévisibilité sont, rappelons-le, des ingrédients incontournables de
l’organisation d’événements. En outre, les principes sous-jacents de la
gestion de la qualité offrent un levier vers une politique de bien-être
performante, en ligne directe avec la politique corporate.
Nous devons toutefois mettre un bémol à cette belle histoire : le risque
de voir disparaître ce règlement. Il y a suffisamment d’exemples où le
législateur intervient avec des ordonnances précises, justement parce
que la liberté mène à la négligence: la législation dite ‘du harcèlement’
en raison d’un suicide, les règles supplémentaires en cas d’accidents
graves à répétition après un accident mortel…
Nous avons donc tous une responsabilité mais aussi et avant tout
une opportunité de prendre nous-mêmes la politique de sécurité en
main.
grant cet exercice de réflexion de manière structurelle et méthodique,
on évite le patchwork en fin de parcours et on limite les surprises en
cours de route.
Celavoussemblechinois? Sivoustravaillezavecsystèmedegestion, cela
doit vous être familier. Chaque voiture qui sort de l’usine passe à travers
un système de gestion, chaque smartphone que vous tenez à la main a
subi de nombreux processus et contrôles afin de vous être proposé en
tantque produit sécurisé. Nous trouvons cela toutà fait normal pour les
produits. Le législateur responsable du bien-être s’est d’ailleurs inspiré
des principes de gestion de la qualité. C’est pourquoi il est tellement
surprenant de constater que cette approche de la sécurité soit encore
absente dans bien des organisations quand il s’agit de gérer la sécurité
sur un événement. Car au niveau corporate, on a l’habitude de penser
comme cela. Il s’agit donc d’un état d’esprit à prolonger.
It’s only Rock&Roll?
On aurait tort de croire qu’il n’existe plus du tout d’obligations
concrètes. Il y a des documents à rédiger: un plan de prévention global
pour les 5 années à venir, un plan d’action annuel établissant les prio-
rités pour la première année, un document d’identification qui fixe la
collaboration entre le service interne et externe au niveau de la pré-
vention et de la protection au travail,… Il s’agit d’obligations formelles.
Mais ici encore, la législation ne donne qu’une table des matières, à
compléter librement sur base des résultats de l’analyse de risques.
Il existe aussi des normes de bruit qui ne peuvent pas être dépassées,
des normes pour l’exposition à certains produits qui doivent être res-
pectées, des équipements de travail qui doivent être contrôlés pério-
diquement, etc. Mais prises ensemble, toutes ces mesures ne forment
plus un catalogue de directives prêt à l’emploi.
L’analyse de risques, c’est autour de cela que tout tourne. Ou plutôt
une analyse SWOT, un instrument peut-être mieux connu au ni-
veau de la logique de qualité et en tout cas plus complet car il ne se
Dans chaque numéro, Kathleen Van Heuverswyn et
Tom Bellens nous font part de leur opinion sur un
thème choisi dans la sphère de la prévention et de la
sécurité.
«Dans cette situation concrète, on attend de
l’organisateur (à savoir le PDG et ses collaborateurs
directs) qu’il mette tout en œuvre pour permettre
aux membres du personnel de participer à
cet événement de manière sécurisée»