1. 23 juillet 2012
Au coeur des marchés
Alice et les banques centrales
Michel Juvet
Analyste financier et Associé de Bordier & Cie
L
e système bancaire européen est un âne!… non rémunéré («réserves excédentaires»), auprès
Non, rien à voir avec les attitudes inadmis- de la BCE. Face aux peurs bancaires, la tentative
sibles de traders ou de banques qui ont profité de «reliquéfier» les flux bancaires n’a pas encore
du cartel du taux Libor pour s’enrichir; ni avec la fonctionné. La Banque nationale suisse a d’ailleurs le
fausse pudibonderie des banquiers centraux qui même problème: la recherche de sécurité des banques
découvrent tardivement le mécanisme de fixation fait gonfler à son passif les comptes de virements
de ce taux Libor, ou de celles et ceux qui ont large- des banques; mais, à la différence de la BCE qui
ment profité de taux hypothécaires aplatis par les recycle ces liquidités vers les banques espagnoles
manipulations du taux Libor… assoiffées (340 milliards d’euros), la BNS achète en
contrepartie encore plus de devises et d’euros pour
Le système bancaire est un âne car soit il n’a pas soif immobiliser le taux de change franc suisse/euro.
et refuse de prêter ses liquidités, soit il est assoiffé
et ne quitte plus l’abreuvoir… L’assainissement du secteur espagnol devrait contri-
buer à réduire ce cercle vicieux des liquidités en
Ainsi les bonnes banques évitent les risques et rétablissant une certaine confiance interbanques.
déposent leurs liquidités à la ferme de la Banque Mais l’appétit actuel des créanciers pour des dettes
centrale européenne, pendant que les mauvaises, étatiques allemandes ou suisses à taux d’intérêt néga-
qui subissent la fonte des dépôts de leurs créan- tifs montre que le chemin du regain de la confiance
ciers, plongent leurs bilans dans l’abreuvoir BCE envers les autorités européennes sera encore long.
et empruntent jusqu’à la noyade. Certes la BCE pourrait imposer des taux négatifs
sur les dépôts pour renvoyer ces liquidités bancaires
La BCE a donc tenté d’inverser ce cycle en abaissant dans les marchés. Mais sans confiance, qui sait si
à zéro la rémunération des dépôts effectués par les les banques ne rapatrieraient pas ces liquidités pour
banques chez elle. Elle espérait ainsi que les énormes les déposer sans frais sous forme de billets dans
liquidités en dépôt (plus de 800 milliards d’euros) leurs coffres, asséchant alors vraiment les marchés
B OR DIE R & C IE
repartiraient vers d’autres banques, puis, dans une monétaires?
cascade merveilleuse, vers des Etats endettés, et
les marchés en général. Hélas, un âne qui n’a pas Il y a des miroirs que les banques centrales ne
soif… Les banques ont donc retiré 400 milliards devraient jamais traverser, sous peine, comme Alice,
d’euros de leur compte de dépôt et les ont transférés de ne pas retrouver à temps le chemin de la sortie.
logiquement… sur leur compte courant lui aussi
Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 23 juillet 2012 1/1
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