Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 03. La mémoire du colonialisme
1. Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’
Série : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé
3 - La mémoire du colonialisme
Étienne Godinot 14.06.2023
2. La série de diaporamas
‘De l’offense à la réconciliation’
Sommaire : Rappel
Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé
1 - Introduction
2 - La mémoire de l’esclavage
3 - La mémoire du colonialisme
4 - La mémoire du génocide des Arméniens
5 - La mémoire de la Shoah
6-1 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes
6-2 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes
7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis
8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge
9 - La mémoire du génocide du Rwanda
10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie
11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud
12 - La mémoire des guerres
13 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses
Série 2 : Justice, pardon et réconciliation
1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus
2 - Pardon et réconciliation entre personnes
3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains
4 - La réconciliation franco-allemande
5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962
5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962
6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est
7 - La Chine. Une volonté de revanche ?
8 - Institutions en faveur de la justice et des droits humains.
9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
3. La mémoire du colonialisme
La conquista (après 1492) et la colonisation étaient des processus
expansionnistes qui consistaient à conquérir militairement un pays,
l’occuper et l’exploiter, à le mettre sous tutelle, à le dominer sur les
plans politique, économique, culturel, religieux.
La colonisation avait pour but l’exploitation des avantages d’un
territoire (matières premières minérales, produits agricoles tropicaux,
main d’œuvre, position stratégique, espace vital, etc.) au profit de sa
métropole.
Elle invoquait pour prétexte des notions telles que "le dévelop-
pement de la civilisation".
* Voir aussi les diaporamas 5-1 et 5-2 : ‘La France et l’Algérie’
et plus loin dans ce diaporama : Reconnaissance de la responsabilité de la
France dans le génocide du Rwanda en 1994
4. La Conquista
L'expression conquête de l'Amérique, particulièrement employée
par l'historiographie espagnole (Conquista de America) et portugaise,
désigne l'ensemble des guerres qui ont opposé des armées de différentes
nations européennes, principalement l'Espagne et le Portugal, aux peu-
ples ou États indigènes d'Amérique, notamment les Aztèques, les Mayas
et les Incas, à la suite de la découverte de l'Amérique par Christophe
Colomb en 1492.
La conquista désigne principalement la conquête du Mexique par
le conquistador espagnol Hernan Cortés* à partir de 1519 et celle du
Pérou par son compatriote Francisco Pizarro à partir de 1531.
* Hernan Cortés conquiert un vaste empire colonial qui deviendra la Nouvelle-
Espagne. Le territoire s'étendra jusqu'à une importante partie du sud des actuels
États-Unis (notamment la Californie, l'Arizona, le Nouveau-Mexique et le Texas).
Pendant cette période, l’Espagne s’enrichit grâce à la découverte et à
l'exploitation des mines d'argent mexicaines, parmi les plus riches du monde, dont le
produit transite via Anvers, première place financière mondiale, pour permettre
d'importer des biens de l'Inde, où les marchands sont friands d'argent-métal. Les
Espagnols implantent aussi la culture de la canne à sucre et du café.
Sur le plan humain, la population amérindienne chute de 80 %, à cause
principalement des épidémies. On estime qu'avant l'arrivée des Espagnols, le
Mexique central comptait 25 millions d'habitants. Il en restait un million vers 1650.
5. La colonisation
Ce processus a duré de l’antiquité
jusqu’aux annés 1950-60, et se poursuit
aujourd’hui sous une forme plus subtile, notamment par le
remboursement de la dette.
En effet, les pays colonisateurs font payer aux anciens
pays colonisés le remboursement des infrastructures qu’ils
avaient créées en vue de l’extraction et du transport des
matières premières qu’ils ne payaient pas (mines, voies
ferrées, ports, routes, etc.).
Cette dette “odieuse” n’est pas fondée en droit
international puisque les populations n’étaient pas
consentantes.
6. Quelques exemples de barbarie coloniale
Les Hollandais à Java (1825-1833)
La Guerre de Java, que les Indonésiens appellent Guerre de
Diponegoro, se déroule de 1825 à 1830. Elle oppose les colonisateurs
hollandais au prince Diponegoro et à la population javanaise. On estime à
200 000 le nombre de morts dû au conflit, dont 15 000 soldats, parmi
lesquels 8 000 Européens. La majorité des morts sont des paysans
affamés par les destructions de récoltes.
Lors de son gouvernorat général des "Indes néerlandaises" après
la guerre de Java, Johannes van den Bosch met en place le système dit
des « cultures forcées » (cultuurstelsel) destiné à rentabiliser au maxi-
mum la colonie. Les indigènes doivent consacrer aux plantations royales
(thé, café, épices, sucre, indigo) un quart de leur temps de travail. Les
cultures commerciales (un cinquième des cultures de l’île) sont directe-
ment envoyées à la métropole. S’y ajoute un système de corvées pour les
travaux d’aménagement (routes, ports, magasins, urbanisme, fortifica-
tions). Cette exploitation des peuples indigènes a des conséquences
dramatiques et entraîne une misère qui sera dénoncée par l'adminis-
trateur Eduard Douwes Dekker dans son roman Max Havelaar (1860).
Images :
- Navire et drapeau de la ‘Compagnie néerlandaise des Indes orientales’ (Vereenigde Oostindische
Compagnie : VOC)
- Johannes van den Bosch (1780-1844), général, Gouverneur général des Indes néerlandaises
(1830-1833) puis ministre des Colonies (1834-1839) et ministre d'État à partir de déc. 1839 aux
Pays-Bas
7. Quelques exemples de barbarie coloniale
La France en Algérie (1830)
Le 14 juin 1830, les Français débarquent à Sidi-Ferruch.
‘L'armée d'Afrique’ est commandée par le général de Bourmont. Le
premier mois d’occupation à peine écoulé, la résistance locale se
manifeste, et déclenche de la part de l’envahisseur une riposte
immédiate : razzias, viols, torture, assassinats collectifs. La
seconde étape commence avec la conquête de l'État d'Abdelkader
de 1832 à 1847.
« Il faut se résigner à refouler au loin, à exterminer même la
population indigène » déclare en 1832 le ministre de la Guerre,
Étienne Gérard (1773-1852). Jean-Marie Savary, duc de Rovigo
(1774-1833), massacre la tribu des Ouafias à El Harrach, et ses
cavaliers reviennent avec des têtes d’Arabes au bout de leurs
lances.
8. La conquête de l’Algérie
« Le but n'est pas de courir après les Arabes, ce qui est fort inu-
tile ; il est d'empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer, (…)
de jouir de leurs champs (…). Allez tous les ans leur brûler leurs récoltes
(…), ou bien exterminez-les jusqu'au dernier ! » recommande Bugeaud.
« Des têtes » lance-t-il encore à ses officiers, « bouchez les conduites d’eau
crevées avec la tête du premier bédouin rencontré ». « Si ces gredins se retirent dans
leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Fumez-les à outrance comme des
renards ! »
Le colonel Aimable Pélissier (1794-1864) enferme un millier d’hommes et de
femmes dans la grotte du Dahra et les fait périr par le feu. « La peau d’un seul de mes
tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables » commentera-t-il devant la
Chambre des Pairs…
Le maréchal de Saint-Arnaud raconte ainsi ses exploits en Petite Kabilie : « J’ai
laissé sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ 200, ont été brûlés,
tous les jardins saccagés, les oliviers coupés ».
Images : - en haut, le général Armand Leroy de Saint-Arnaud, maréchal de France
- ci-contre, le général Bugeaud (1784-1849), Thomas Robert Bugeaud, marquis de La
Piconnerie, duc d'Isly, maréchal de France. Rentré en France après la conquête, Bugeaud
déconseille, dans son rapport, la conquête de l'Algérie et déplore une « possession onéreuse
dont la nation serait bien aise d'être débarrassée ». Il préconise le maintien des territoires
conquis sous statut militaire, pour éviter toute colonisation de peuplement. Il est cependant
nommé gouverneur général de l'Algérie par le ministre Adolphe Thiers en 1840.
9. Quelques exemples de barbarie coloniale
Les massacres de Sétif (1945)
Le 8 mai 1945, à Sétif, alors que les manifestants fêtent la
victoire contre le nazisme, des drapeaux algériens se mêlent aux
drapeaux alliés. Les gendarmes tentent de les faire disparaître. Des
coups de feu éclatent des deux côtés. Dix mille hommes de troupe,
les milices coloniales, entament une chasse à l’homme contre les
indépendantistes. La marine et l’aviation françaises bombardent
villes, villages et mechtas. Les villes de Sétif, Khetarra, Guelma,
Bejaïa, Djidjelli sont pilonnées.
On utilisera l’acide et les fours à chaux pour faire disparaître les
cadavres. Le bilan fait état de 1 165 morts selon la France, de 40 000
morts selon le FNL, les estimations vont de 10 000 à 30 000 morts
algériens.
L’espoir d’une décolonisation pacifique est fermé à jamais.
L’insurrection de 1954 est en germe.
10. Quelques exemples de barbarie coloniale
La répression française à Madagascar (1947)
Une insurrection contre les travaux forcés et la pénurie alimentaire a
lieu en 1947 et 1948 sur l'île de Madagascar, alors colonie française. Le
soulèvement, accompagné du massacre de 150 colons français et de
Malgaches non-indépendantistes, est suivi d'une terrible répression con-
duite par l'armée française.
Dans le village de Moramanga, les militaires français tirent sur trois
wagons plombés où étaient enfermés 166 insurgés prisonniers, craignant
une tentative de leurs camarades pour les libérer. Ceux qui survivent sont
sommairement exécutés. Un haut fonctionnaire évoque un "Oradour
malgache". Certains prisonniers sont lâchés depuis un avion ou un
hélicoptère (les "vols de la mort").
Le nombre de victimes de cette répression fait encore débat parmi
les historiens, le chiffre variant de 11 000 à 100 000 morts. Le chef de l'état-
major français évoque un bilan de 89 000 victimes, directes ou indirectes,
de la répression. L’historien Jean Fremigacci fait une estimation de 40 000
morts, dont plusieurs centaines de "tirailleurs sénégalais", ainsi que les
colons français massacrés dans des conditions atroces (viols, décapita-
tions, tortures)
Cette insurrection est commémorée par un jour de deuil national à
Madagascar chaque 29 mars depuis 1967.
• e
11. Quelques exemples de barbarie coloniale
La répression française à Philippeville (1955)
À El Halia, petit village minier près de Philippeville, le 20 août 1955,
le FLN massacre 140 personnes, dont le neveu de Ferhat Abbas, signa-
taire d’un Appel contre toute violence. Des enfants de 3 ans sont égorgés
ou fracassés contre les murs.
La répression française fait 12 000 morts selon le FLN, la plupart
abattus à la mitrailleuse, 10 000 selon l’historien Benjamin Stora. Les
cadavres seront enterrés au bulldozer au stade municipal de Philippeville.
Le 5 octobre 2007, le président de la République française
Nicolas Sarkozy déclarera, au sujet de ces massacres :
« L'injustice attise toujours la violence et la haine. Beaucoup de
ceux qui étaient venus s'installer en Algérie, je veux vous le dire,
étaient de bonne volonté et de bonne foi. Ils étaient venus pour
travailler et pour construire, sans l'intention d'asservir, ni d'exploiter
personne. Mais le système colonial était injuste par nature et il ne
pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d'asservis-
sement et d'exploitation. »
12. Quelques exemples de barbarie coloniale
Les Belges au Congo-Zaïre (1885-1908)
À la fin du XIXe siècle, Léopold II, roi de Belgique, veut élargir,
grâce à la colonisation, l’étendue de son règne. Il mourra, en 1909, à la
tête d’une nation coloniale et aura fait de la Belgique, en moins de 30
ans, l’une des premières puissances mondiales. Au cours de la même
période, il mène une politique d'exploitation effrénée et de recherche
pathologique de profit et accroît dans des proportions encore mal
connues sa fortune personnelle.
Léopold II est le fondateur de l'État indépendant du Congo
(1885-1908), un projet privé pris de sa propre initiative comme une
union personnelle avec la Belgique. Grâce aux expéditions de Henry
Morton Stanley, il réussit à le faire reconnaître à la conférence de Berlin
de 1884-1885, tout en le considérant et en l'administrant comme sa
propriété personnelle.
Images :
- Léopold Louis-Philippe Marie Victor de Saxe-Cobourg-Gotha (1835-1909), deuxième roi des
Belges, duc de Saxe, prince de Saxe-Cobourg et Gotha, duc de Brabant, ici en tenue de
chevalier de l'ordre de la Jarretière.
- Le film du réalisateur britannique Peter Bate "Le roi blanc, le caoutchouc rouge et la mort
noire" (2003) met en scène un tribunal fictif qui confronte le roi Léopold II aux témoins à charge
pour reconstruire cette page particulièrement sombre de l’histoire coloniale.
13. Léopold II au Congo-Zaïre
Il dirige le pays en utilisant les mercenaires de la Force publique.
Il extrait une immense fortune du territoire, d'abord de l'ivoire et ensuite
du caoutchouc par le travail forcé de la population indigène. Les
atrocités et la brutalité systématique incluent tortures, meurtres et
l'amputation des mains d'hommes, femmes et enfants quand les quotas
de production de caoutchouc ne sont pas atteints. Des villages entiers
sont brûlés en cas de révolte.
Les estimations modernes du déclin de la population congolaise
pendant son règne vont de 1 à plusieurs millions. Quelques historiens
contestent le chiffre de 10 millions parfois évoqué, et citent l'absence de
recensements fiables, l'énorme mortalité créée par la variole et la
maladie du sommeil, et le fait qu'il n'y avait que 175 agents administra-
tifs ou responsables de l'exploitation du caoutchouc.
Images : - Les esclaves congolais de Léopold II
- Les congolais mutilés. Le livre de Marc Wiltz Il pleut des mains sur le Congo (2015) offre avec
cet ouvrage la compréhension d'un pan d'histoire oublié, voire renié, et qui met en évidence la
part de ténèbres d'une Europe se revendiquant pourtant déjà des Lumières, une Europe
convaincue de sa supériorité sur les populations africaines, tant d'un point de vue politique,
économique que moral.
14. Quelques exemples de barbarie coloniale
Les Espagnols dans les Caraïbes (1897)
Les structures féodales et coloniales entravent tout développe-
ment politique et économique puisque les territoires placés sous la
tutelle espagnole sont soumis à un régime tributaire entièrement organisé
pour assurer un transfert de richesse exclusif vers la métropole. Les colonies
ne peuvent commercer entre elles ou avec les colonies britanniques. Simón
Bolívar dénoncera un système économique entièrement dirigé vers « la
satisfaction de la cupidité de l'Espagne ».
Des populations noires sont importées massivement d'Afrique de l'Ouest
et du Mozambique pour servir de main-d’œuvre, notamment dans les mines
d'or.
Le pouvoir politique appartient à des nobles espagnols. Les créoles ,
descendants des colons espagnols nés dans les colonies, en sont exclus.
Pendant la guerre cubaine pour l’indépendance en 1897, le général
espagnol Valeriano Weyler a l'idée de « concentrer » les populations civiles
dans des places contrôlées par l'armée pour enlever tout soutien à la
rébellion, d'où le nom de politique espagnole de reconcentration. Près de
400 000 personnes sont ainsi déplacées dans ces camps. Les civils sont
invités à rentrer dans ces camps, avec leur bétail, sous le délai de 8 jours.
Images :
- Paysans cubains internés dans les camps de concentration espagnols à Cuba
- Valeriano Weyler y Nicolau, général, duc de Rubí, marquis de Tenerife, Grand d'Espagne (1838-
1930), créateur des camps de concentration à Cuba.
15. Quelques exemples de barbarie coloniale
Les Anglais en Afrique du Sud (1899-1902)
Passé ce délai, ceux qui se trouvent à l'extérieur sont
considérés comme rebelles et donc tués. Des centaines de
milliers de personnes partent sous la contrainte pour aller
s'entasser dans des places contrôlées par l'armée espagnole. Les
camps de concentration ainsi créés seraient les premiers de
l‘histoire. Sur 400 000 Cubains internés, 200 000 meurent des
suites de la politique de reconcentration, qui dure 2 ans.
Le terme, reconcentration (reconcentración en espagnol) et
son principe sont repris par les Anglais pour lutter contre les
Boers. Durant la seconde guerre des Boers (Transvaal, 1899-
1902), sur ordre du général Frederick Roberts puis de Lord
Kitchener, les Britanniques enferment dans des camps de
concentration les femmes, les vieillards et les enfants des Boers,
ainsi que des membres de tribus indigènes.
Images :
- Horatio Herbert Kitchener, dit Lord Kitchener (1850-1916), maréchal et homme
politique britannique.
- Lizzie van Zyl, une enfant boer internée et morte dans le camp de concentration
britannique de Bloemfontein en Afrique du Sud durant la seconde guerre des Boers.
16. Quelques exemples de barbarie coloniale
Les Anglais au Kenya (1952)
La révolte des Mau Mau est un mouvement insurrectionnel
du Kenya des années 1950-1952. Ce groupe rebelle agit à cette
époque au nom du peuple Kikuyu opprimé par l'Empire britan-
nique.
En octobre 1952, après une campagne de sabotages et
d'assassinats imputée à des Mau Mau, les Britanniques instaurent
l'état d'urgence et organisent des opérations militaires à l'encontre
des rebelles. Fin 1956, selon l'historienne Caroline Elkins, plus de
100 000 rebelles et civils ont été tués au cours des combats ou
dans les massacres qui caractérisent la répression et plus de
300 000 autres Kikuyu sont détenus dans des camps à l'intérieur
desquels ont été entreprises des tentatives pour les amener à
adopter les vues politiques du gouvernement.
Images :
- Soldats des King's African Rifles britanniques durant la révolte
- Prisonniers Mau Mau dans un camp
- Prisonniers Mau Mau au soleil derrière les barbelés
17. Quelques exemples de barbarie coloniale
Les Allemands en Namibie (1904)
Des camps de concentration sont aussi construits par le général
allemand Lothar von Trotha dès 1904, comme celui de Shark Island
en Namibie pour éliminer le peuple des Héréros opposé à la colonisa-
tion entreprise par le gouverneur Heinrich Göring et aux armées du
chancelier Von Bülow.
Le désastre humanitaire est effrayant : plus de 70 000 Héréros
morts dans les combats ou dans les camps de concentration (pour
cause de malnutrition, mauvais traitements, exécutions sommaires
des malades ainsi que des plus faibles). Des expériences anthropo-
logiques, scientifiques et médicales transforment les prisonniers
hereros en cobayes humains.
Images :
- Adrian Dietrich Lothar von Trotha (1848-1920), général allemand, commandant des forces
coloniales en Afrique orientale allemande puis dans le Sud-Ouest africain
- Prisonniers héréros dans le camp de concentration sur l’île de Shark Island au large de
Lüderitz dans le Sud-Ouest africain allemand (actuelle Namibie). Les prisonniers sont mis à
disposition, par l'armée allemande (Etappenkommando), des entreprises privées dans toute
la région de Lüderitz, au profit de projets d'infrastructures tels que la construction du chemin
de fer, la construction du port, l'aplatissement et le nivellement de Shark Island grâce à
l'utilisation d'explosifs.
18. Quelques exemples de barbarie coloniale
Les Italiens
en Éthiopie (1935-1936)
Commencée peu après l’unification de l’Italie (1861), la colonisation par l’Italie
de la Libye, de la Somalie et de l’Éthiopie devient un enjeu majeur dès 1929 pour le
régime fasciste de Benito Mussolini. « Même si l’Ethiopie m’était offerte sur un plateau
d’argent, je la veux avec une guerre ! » déclare en juin1935 Mussolini à Anthony Eden,
Ministre britannique des Affaires Etrangères.
Lors de la guerre de conquête déclenchée contre l’Éthiopie (dirigée par l’empereur
Haïlé Sélassié Ier) en 1935, plus de 500 000 Italiens sont mobilisés. À la supériorité
technologique et logistique des Italiens s’joute l'emploi massif d'armes chimiques : 60 000
grenades à l'arsine pour l'artillerie, 1 000 tonnes de bombes à ypérite pour l'aéronautique
et 270 tonnes de produits chimiques agressifs pour l'emploi tactique. Mussolini n’hésite
pas à proposer au général Pietro Badoglio, qui s’y refuse, l’usage de l’arme bactériolo-
gique contre les troupes de Ras Kassa, dans le secteur de Maccalé. En France, ‘l'Action
Française’ de Maurras cautionne même cette agression au nom de la civilisation ! La
résistance armée à l'occupation italienne, jamais totalement annihilée, persiste jusqu‘à 5
mai 1941, date de la libération d'Addis-Abeba.
Images :
- Affiche de la propagande du régime fasciste de Mussolini : « Armements : voici l'arme la plus adaptée »
- Automitrailleuses italiennes Lancia déployées contre les Éthiopiens
19. L’idéologie colonialiste
En Europe, la colonisation est plutôt fédératrice. Elle rallie des
intellectuels comme Ernest Renan, qui l’approuve en ces termes dans
sa Réforme intellectuelle et morale (1871) : « La conquête d’un pays de
race inférieure, par une race supérieure, qui s’y établit pour le gouver-
ner, n’a rien de choquant. »
Le fameux discours de Jules Ferry devant la Chambre des
députés, le 29 juillet 1885, est emblématique des opinions dominantes à
l’époque : « Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit parce
qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le droit de civiliser les races
inférieures. » Il réfute notamment le droit des Noirs de l’Afrique équato-
riale à l’égalité avec les Blancs.
Une Agence de propagande est même instituée, véritable
machine à informer les Français de la noblesse de leur race et de la
nécessaire et vertueuse mission civilisatrice qui leur incombait. L’esprit
du temps apporte sa pierre à cette propagande d’État, de sorte que
l’œuvre coloniale s’étend au cinéma, au théâtre, à la littérature, à
l’école, à la chanson, à l’armée et aux divers supports publicitaires.
« La colonisation est un crime contre l'humanité » a déclaré
Emmanuel Macron en Algérie en février 2017, avant son élection à la
présidence de la République.
20. Diviser pour régner
Pour réprimer une révolte importante sur le plateau central de
l’Imerina, qui résiste contre la domination française établie l’année précé-
dente, Gallieni applique à Madagascar la « politique des races » mise au
point quelques années plus tôt par les colonels Armand Servière (1842-
1921) et Théophile Pennequin (1849-1916), auprès des populations des
régions excentrées du Tonkin. Elle consiste, à partir d’une connaissance
approfondie du pays et de ses habitants, à s’appuyer sur certains groupes
ethniques – en leur fournissant armes et soutien – afin de neutraliser les
résistances des groupes hostiles à la domination coloniale.
Au Rwanda, ce sont les colons Belges qui favorisent le développement
du virus ethnique. Le médecin belge Jules Sasserath* décrit les Tutsis
comme « un peuple sémitique avec un nez droit et des lèvres minces
appartenant à la race des seigneurs, réservés, distants, polis et fourbes."
Les Hutus en revanche sont« plus timides, malpropres et flemmards » et
forment « la foule des esclaves ». En 1930, l’ethnologue et anthropologue
belge Jacques Maquet (1919-2013) - comme pour conforter les schémas
raciaux et racistes de Sasserath - photographie des Hutus en plongée sur
fond d’herbes ou de terre, et des Tutsi en contre-plongée, profils d’aigles
sur fond de ciel.
*Jules Sasserath : Au pays des "Hamites" : Le Ruanda-Urundi, étrange royaume féodal (1948)
21. La mémoire du colonialisme
en France
En France, la mémoire d’une histoire coloniale pluriséculaire est
devenue un sujet central dans le débat public depuis les années 1990.
On parle d’hypermnésie et de "guerre des mémoires". Colonisés,
colonisateurs ou colons rapatriés, combattants des guerres coloniales,
mais aussi descendants de ces témoins, représentent une part non
négligeable de la population française. Ils portent une mémoire plurielle et
clivée, avec des représentations et parfois des revendications opposées.
Depuis une loi de 2005*, « les programmes scolaires reconnais-
sent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer,
notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices
des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place
éminente à laquelle ils ont droit. »
* La loi du 23 février 2005, porte « reconnaissance de la Nation et contribution nationale en
faveur des Français rapatriés ». Son article 4, loi défendu par Christian Vanneste, député UMP du
Nord, affirme « le rôle positif de la présence française outre-mer. » Dans les accords sur la
Nouvelle-Calédonie de 1998, l’article 2 ne cultivait ni la légende dorée ni la légende noire des
colons : l’article 3 affirmait sobrement : « Le moment est venu de reconnaître les ombres de la
période coloniale, même si elle ne fut pas dépourvue de lumière ». Dans la loi de 2005, les
colonisés ne sont pas même mentionnés. L’article 13 de la même loi impose à la République de
payer les cotisations des retraites des anciens condamnés de l’OAS, les réhabilitant.
‘L’Association des Professeurs d’Histoire et Géographie », en demandant l’abrogation de
l’article 4 de la loi du 23 février 2005, demande « que soit mis fin aux pratiques qui consistent à
instrumentaliser l’enseignement […] au service des “devoirs de mémoire” ».
22. La mémoire du colonialisme
en Allemagne
En Allemagne*, des musées réorganisent leurs collections ou
proposent des expositions temporaires, dont certaines dans une
perspective postcoloniale.
En 2013-2014, le Münchner Stadtmuseum a ainsi organisé une
exposition au titre explicite : "Decolonize München".
Le musée national de l’histoire allemande de Berlin (Deutsches
Historiches Museum - DHM), qui accorde une place limitée à la période
coloniale dans ses collections permanentes, a aussi consacré en 2016-
2017 une exposition temporaire au "colonialisme allemand".
* où la mémoire des militaires ayant participé à l’expansion coloniale est désormais aussi
controversée, comme le montre le cas du général Paul von Lettow-Vorbeck (1870-1964). Le chef
des troupes coloniales allemandes en Afrique orientale pendant la Première Guerre mondiale
meurt en 1964 avec les honneurs officiels, mais, désormais, les casernes qui portent son nom
font l’objet de débats.
Les polémiques sur le Humboldt-Forum illustrent le réveil de la mémoire coloniale
allemande. Deux questions dominent les controverses sur l’installation des collections provenant
du musée ethnologique de Berlin et de l’université Humboldt dans le château des Hohenzollern
reconstruit au coeur de Berlin : le contexte de l’acquisition de ces collections et la légitimité de ce
type de musée, accusé de reproduire les représentations coloniales.
Images : - Humboldt-Forum à Berlin
- Affiche du Münchner Stadtmuseum (Musée municipal de Munich)
23. La mémoire du colonialisme
au Royaume Uni
Au Royaume-Uni, les résistances à la clarification du passé colonial sont
plus vivaces. Le décalage entre les politiciens au pouvoir et la plupart des historiens
britanniques sur le passé colonial du royaume est complet, note le professeur d’histoire
publique David Olusoga. Sur la question de l’esclavage, l’histoire officielle au Royaume-
Uni « ment depuis des décennies », estime un spécialiste du sujet, Michael Taylor.
L’idée que la Grande-Bretagne ait été la première nation à l’abolir est selon lui «
risible », tout comme celle d’une décolonisation pacifique et consensuelle. Les massacres
engendrés par l’indépendance de l’Inde et les conflits qui ont suivi la création d’Israël
contredisent aisément ces affirmations, remarque-t-il. Mais il en va de même pour la
plupart de ses anciennes colo-nies africaines, comme celles en Asie. « La plupart de
l’establishment britannique et donc de l’élite était attaché à l’Empire parce qu’il était
impliqué dans sa gestion », renchérit John Wilson, professeur à l’université King’s College
à Londres. « L’Empire a survécu sous forme de réseaux et sa culture a été préservée. »
Et les mêmes qui revendiquent aujourd’hui l’héritage de l’Empire sont ceux qui se battent
pour la souveraineté de l’État-nation et étaient favorables au Brexit.
Image du haut : - Des plaignants, âgés entre 70 et 90 ans, sont venus du Kenya réclamer devant la Haute Cour de
Justice de Londres des dédommagements pour les tortures qu'ils ont subies lors de la violente répression de la révolte
des Mau Mau en 1952. Le gouvernement britannique va indemniser des milliers de Kényans victimes de tortures, a
annoncé le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague.
24. La mémoire du colonialisme
en Belgique
Au contraire du Royaume Uni, une page d’histoire commence à
se tourner en Belgique avec les « profonds regrets » sur les actes de
violence et de cruauté commis par le passé, exprimés par le roi Philippe
le 30 juin 2020, jour anniversaire de l’indépendance de la République
démocratique du Congo (RDC), dans une lettre adressée au président de
la RDC, Félix Tshisekedi*.
Dans la foulée des manifestations Black Lives Matter, le Parlement
fédéral a décidé de mettre sur pied une ‘Commission vérité et réconcilia-
tion’ (CRV), dont l’objectif est de faire la paix avec le passé colonial dans
ce qui fut le Congo belge et le Rwanda-Urundi (Rwanda et Burundi).
* « A l’époque de l’Etat indépendant du Congo, des actes de violence et de cruauté ont été
commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective. La période coloniale qui a suivi [celle du
Congo belge, de 1908 à 1960] a également causé des souffrances et des humiliations. Je tiens à
exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui
ravivée par les discriminations encore trop présentes dans nos sociétés. »
Images :
- Le roi de Belgique Philippe et le président de la RDC Félix Tshisekedi
- La statue équestre du roi Léopold II barbouillée par des activistes anticolonialistes
- Le collectif belge ‘Mémoires coloniales’ dénonce les aspects négatifs et meurtriers de la
colonisation
25. La mémoire du colonialisme
en Italie
Commencée avant le fascisme, galvanisée par Mussolini, la coloni-
sation par l’Italie de la Libye, de la Somalie, et de l’Éthiopie fut marquée
par de nombreuses atrocités, loin du mythe d’une occupation douce.
Longtemps refoulés, ces souvenirs commencent à ressurgir.
Le projet d’empire colonial en Méditerranée et en Afrique, qui fut un
des ciments de l’assentiment des Italiens à Mussolini, devient associé pour
la plupart des Italiens au régime fasciste. L’un et l’autre feront l’objet du
même mécanisme de refoulement dans l’Italie de l’après-guerre. Les
dirigeants de l’Italie républicaine font rapidement le choix de tourner la
page, et ce choix est l’objet d’un profond consensus qui couvre tout le
spectre politique (le premier décret d’amnistie des condamnations de
l’après-guerre remonte à 1946, et il porte le nom du dirigeant historique du
Parti communiste italien Palmiro Togliatti).
À mi-chemin du Colisée et de la basilique Saint-Jean-de-Latran, une nouvelle station de métro
devait être nommée Porta Amba Aradam, en souvenir de la plus éclatante des victoires italiennes en
Éthiopie, obtenue en faisant usage d’ypérite (gaz moutarde), interdit par les conventions de Genève.
En août 2020, la mairie a finalement fait savoir que la station serait dédiée à la mémoire de Giorgio
Marincola (1923-1945, photo du bas), résistant italo-somalien exécuté par les nazis. La station a
finalement été baptisée Porta Metronia.
Image du bas : Giorgio Marincola (1923-1945), résistant de père italien et de mère
somalienne, tué par les nazis.
26. Regarder l’histoire en face
Comme le dit Pascal Blanchard, « l'enjeu (…) est d'expliquer et
raconter l'histoire. (…) La meilleure des pédagogies ce n'est pas de
déboulonner les statues, ce n'est pas de brûler les tableaux, ce n'est pas
de jeter dans des rivières nos statues, nos plaques. C'est bien au
contraire de les prendre pour ce qu'elles sont : des témoins de l'histoire,
pour raconter dans le présent ce passé. »
L’historien Jean-Noël Jeanneney, résumant la position de nombre
de ses collègues, de Mona Ozouf à Michel Winock, défend la même
position : « Il faut expliquer, expliquer et non détruire : c’est la meilleure
des fidélités que l’on puisse exprimer aux victimes de la colonisation ».
« Nous ne soutenons pas que l’histoire écrite jusque-là est fausse,
nous tâchons de la compléter », explique Pierre Singaravélou, un des
auteurs du documentaire Décolonisations, diffusé sur Arte. « Cette
capacité à se mettre à la place de l’autre, c’est à la fois ce qui fonde
notre démarche scientifique et ce qui fait cruellement défaut dans notre
société ».
Photo du bas : - Pascal Blanchard, né en 1964, historien (docteur en histoire de
l’université Panthéon-Sorbonne), documentariste, essayiste et co-directeur d‘une agence
française de communication-muséographique. Il est spécialisé dans l'Empire colonial français, les
études postcoloniales et l'histoire de l'immigration.
27. « On va être le dernier pays européen
à ne pas avoir un musée d'histoire coloniale ».
« Si je pose la question : "Quelle est la plus longue guerre de la
France au 20ème siècle ?", dit Pascal Blanchard, peu de gens répon-
dent immédiatement : "Les guerres coloniales qui ont duré 20 ans",
parce qu’on ne l’a pas appris comme ça à l'école.
Écrire l'histoire, c'est aussi un rapport complexe avec le pou-
voir, avec le politique, avec l'Éducation nationale, avec nos musées.
On va être le dernier pays européen à ne pas avoir un musée d'his-
toire coloniale*. Il y en a un à Liverpool, à Bristol, il y en a un aux
Pays-Bas, à Amsterdam, il y en a un maintenant à Tervuren, en
Belgique, il va y en avoir un en Allemagne l'année prochaine.
On va attendre quoi, le 22ème siècle pour regarder notre
histoire en face ? Les enfants de France, quand on leur raconte
l'histoire, ils vont avec leurs enseignants dans les musées pour la
découvrir. Aujourd'hui, on ne peut pas le faire. Donc, ils vont l'appren-
dre où, l'histoire ? Sur Internet, et pas forcément racontée par les
meilleurs. »
* à part le Palais de la Porte Dorée à Paris (photo du haut), aujourd’hui Musée de
l’histoire de l’immigration, seul vestige monumental de ‘l’Exposition coloniale internationale’ de
1931, une manifestation destinée à montrer l’influence de l’Empire colonial français et
européen.
28. Les musées du colonialisme
en Europe
En Belgique, l'AfricaMuseum de Tervuren a réussi sa conversion, qui rappelle l’an-
cien musée du Congo belge tout en l’inscrivant dans l’époque actuelle : à la fois muséum
combinant histoire naturelle et ethnographie, mais aussi musée des arts premiers et
musée de société s’intéressant aux questions environnementales et au fait migratoire. À
travers divers dispositifs mémoriels et muséographiques, il parvient à réconcilier le public
d’aujourd’hui avec une histoire douloureuse.
Aux Pays Bas, le Tropenmuseum (musée des Tropiques), évoque aussi bien le
passé colonial, l’ethnographie traditionnelle que des questionnements sociétaux contem-
porains (immigration, traces de l’esclavage). La section sur l’histoire coloniale met en
scène, à travers une muséographie volontairement désuète, l’ancien musée de Haarlem,
des personnalités ayant vécu aux colonies. À l’opposé, une salle sur l’esclavage ques-
tionne notre rapport à cette histoire à travers des dispositifs multimédia. Embrassant
plusieurs champs, le Tropenmuseum se définit aujourd’hui comme un musée des cultures
du monde
Photos : L'AfricaMuseum à Tervuren, près de Bruxelles
Le Tropenmuseum à Amsterdam
29. Les musées du colonialisme en Europe
Le Danemark se pose la question de se doter d’un musée
dévolu à cette époque très controversée de son histoire, pendant
laquelle le royaume scandinave n’englobait pas seulement le
Groenland et les îles Féroé, mais aussi les îles Vierges aux Antilles, et
plusieurs forts et comptoirs en Inde et en Afrique.
Le ministère de la culture a chargé un comité de 12 personnes
de proposer des pistes pour mettre en lumière cette époque controver-
sée de l’histoire du Danemark, mais les avis divergent sur la présen-
tation même de celle-ci, et à Copenhague, l’idée d’un musée de
l’histoire coloniale suscite la tension.
Le colonialisme danois au Groenland (1721-1953) est qualifié de « néo-
colonialisme » voire même de « colonialisme pacifique » car il n’y a pas eu
d’oppression par la violence, le pouvoir économique a prévalu par l’établissement
de la ‘Société Royale Groenlandaise de Commerce’ tandis que la force militaire
n’a jamais été utilisée. Les colons n’ont pas interféré dans la vie des chasseurs
groenlandais lors de la période coloniale.
Images : - La colonie de Tranquebar sur la côte indienne de Coromandel, colonie danoise
de 1620 à 1845, propriété de la ‘Compagnie danoise des Indes orientales’. Aujourd’hui
Tharangambadi (Tamil Nadu)
- Musée national du Danemark à Copenhague
30. Les statues et monuments aux morts
Des monuments aux morts et des statues commémorent les
victimes de la colonisation, des guerres de conquête et des guerres de
décolonisation, tant dans les pays colonisés que dans les pays coloni-
sateurs.
Images :
- Monument du 8 mai 1945 à Kherrata (Massacres de Sétif, Algérie)
- Monument malgache commémorant le soulèvement et la répression de 1947
- Plaque commémorative aux victimes Héréros des Allemands à Windhuk, en Namibie
- Statue de Dedan Kimathi (1920-1957) à Nairobi. Leader de la révolte des Mau Mau contre le
gouvernement colonial britannique, il est capturé en 1956 et exécuté par pendaison en 1957
- Détail du monument du Yekatit 12 à Addis Abeba, en mémoire au « massacre de Graziani »,
commencé le 19 février 1937 (Yékatit 12 dans le calendrier éthiopien). Angelo del Boca estime
que ces représailles firent quelque 6000 victimes en 3 jours.
- Monument aux morts de la guerre d’Indochine à Dijon
- Monument aux morts de la guerre d’Algérie à Dijon
31. Reconnaissance de la responsabilité de l’Allemagne
dans le génocide de Namibie en 1904-1908
Dans ce pays africain colonisé par l’Allemagne entre 1884 et 1915,
les colons et les soldats allemands ont tué des dizaines de milliers
d’Hereros et de Namas lors des massacres commis entre 1904 et 1908
par les troupes du général Lothar von Trotha, considérés par de nom-
breux historiens comme le premier génocide du 20ème siècle.
Au moins 60 000 Herero et environ 20 000 Nama perdirent la vie.
Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques
génocidaires : massacres de masse, exil dans le désert, où des milliers
d’hommes, femmes et enfants sont morts de soif, 6 camps de concen-
tration, comme celui de Shark Island.
En 1917, Thomas O'Reilly, jeune major d'origine irlandaise, ami
des Hereros, rassemble des témoignages de première main. Blue Book
est le nom qu'on a donné au rapport officiel sur les atrocités commises
alors.
En août 2004, le ministre fédéral allemand de la Coopération
économique et du Développement, Heidemarie Wieczorek-Zeul, participe
en Namibie à la cérémonie commémorant le massacre de plusieurs
milliers de Héréros par des soldats du Reich. ../..
32. Reconnaissance de la responsabilité de l’Allemagne
dans le génocide de Namibie en 1904-1908
En 2007, des descendants de la famille de Lothar von Trotha
viennent en Namibie, à Omararu, demander pardon aux chefs héréros
et namas.
En 2011, le musée anthropologique de l'hôpital de la Charité de
Berlin restitue 20 crânes de Héréros et de Namas à la Namibie.
Dans un communiqué le 28 mai 2021, le ministre des affaires
étrangères allemand, Heiko Maas (photo du bas), déclare : « Nous
qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu’ils
sont du point de vue d’aujourd’hui : un génocide »,
« À la lumière de la responsabilité historique et morale de
l’Allemagne, nous allons demander pardon à la Namibie et aux
descendants des victimes » pour les « atrocités » commises, poursuit
le ministre. Dans un « geste de reconnaissance des immenses
souffrances infligées aux victimes », l’Allemagne va soutenir la
« reconstruction et le développement » en Namibie par un programme
financier de 1,1 milliard d’euros.
33. Reconnaissance de la responsabilité de la France
dans le drame des enfants déportés
de La Réunion
De 1962 à 1984, au moins 2 150 enfants réunionnais âgés de 2
à 12 ans sont déportés en France. Le programme, mis en place
par Michel Debré, alors député de La Réunion, pour réduire la
démographie galopante sur l'île et contribuer au repeuplement de 83
départements français (dont la Creuse), est porté par le ‘Bureau pour le
développement des migrations dans les départements d'outre-mer’
(Bumidom) et le ‘Comité national d'accueil et d'actions pour les
Réunionnais en mobilité’ (CNARM).
Les enfants réunionnais déplacés en Creuse sont accueillis, lors de
leur arrivée, dans un foyer de Guéret. Certains sont adoptés, d'autres
restent en foyer ou servent de main-d'œuvre gratuite dans les fermes.
L'historien Ivan Jablonka parle de cas de "mise en esclavage". La plupart
de ces enfants seront marqués à vie. Le Monde rapporte, outre les cas
d'exploitation, des situations de maltraitance dans les familles adoptives.
Les enfants déplacés sont déclarés pupilles de l'État : leurs parents n‘ont
plus aucun droit sur eux.
Photos : - Stèle en mémoire des enfants réunionnais à l’aéroport Roland Garros Réunion,
34. Reconnaissance de la responsabilité de la France
dans le drame des enfants déportés de La Réunion
En février 2014, l'Assemblée nationale adopte la résolution
proposée par Éricka Bareigts (députée socialiste de La Réunion),
qui reconnaît la "responsabilité morale" de l'État français.
Une ‘Commission d'information et de recherche historique
sur les enfants de la Creuse’ est créée en 2016. Elle permet
notamment d'établir que la pratique a duré 22 ans.
Image du haut : Erika Bareigts, députée, puis ministre des Outre-mer, puis maire de
Saint-Denis de La Réunion
35. Reconnaissance de la responsabilité
de la France au Cameroun
En juillet 2022, Emmanuel Macron, soucieux de refondre les
relations souvent tendues avec Yaoundé, propose de créer une com-
mission d’historiens pour « faire la lumière » sur la période de la coloni-
sation française au Cameroun*.
« Si on veut aller plus loin entre le Cameroun et la France, on doit
faire ce chemin », déclare-t-il, tout en promettant l’ouverture « en
totalité » des archives françaises, diplomatiques comme militaires, sur
des « moments douloureux » et « tragiques ».
* Après la défaite de l’Allemagne en 1918, la Société des nations (SDN, ancê-
tre de l’ONU) avait confié la majeure partie de la colonie allemande du Kamerun à
la tutelle de la France et le reste – la partie occidentale bordant le Nigeria – au
Royaume-Uni. Avant l’indépendance du pays en 1960, les autorités françaises ont
réprimé dans le sang les « maquis » de l’Union des populations du Cameroun
(UPC), un parti nationaliste fondé à la fin des années 1940 et engagé dans la lutte
armée contre le colonisateur et ses alliés camerounais, particulièrement en pays
bamiléké. Plusieurs dizaines de milliers de militants pro-UPC, dont le leader indé-
pendantiste Ruben Um Nyobè, ont été massacrés d’abord par l’armée française,
puis après l’indépendance par l’armée camerounaise du régime d’Ahmadou Ahidjo.