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Valeurs d’entreprise et Gestion des Ressources
Humaines.
Une entreprise peut-elle fonder ses pratiques de gestion des ressources
humaines sur des valeurs ?
Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix en
Provence
Dominique GAUDIO
Année universitaire 2012 – 2013
Directrice de mémoire : Céline Le Corroler
! #!
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L’IEP n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions
émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur.
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Remerciements
Je tiens à exprimer ma gratitude à l’ensemble des personnes qui m’ont accompagnée et
soutenue dans ce travail de recherche.
En premier lieu, je remercie les enseignants de l’Ecole des Hautes Etudes de la Décisi., pour leurs
enseignements et leurs conseils, en particulier Céline Le Corroller qui m’a encadrée dans la
réalisation de ce mémoire.
Je remercie également l’ensemble des professionnels interrogés pendant ma recherche sur le terrain.
Leur regard sur les valeurs d’entreprise m’a été particulièrement utile.
Je remercie mes camarades de l’EHED, qui m’ont encouragée tout au long de ces deux années de
travail.
Enfin, j’exprime ma gratitude à mon entourage familial qui m’a permis de rédiger ce mémoire dans
d’excellentes conditions.
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Sommaire
Remerciements
Sommaire
Introduction
!
1. Le concept de valeurs
1.1 Etymologie et Définitions
1.2 Les valeurs universelles de Schwartz
1.3 Les valeurs des Français
1.4 Valeurs et Identité : la culture d’entreprise
1.5 Valeurs et éthique d’entreprise
1.6 Panorama des valeurs des entreprises françaises
2. Construction des valeurs d’entreprise
2.1 L’intérêt d’une entreprise à formaliser ses valeurs
2.2 La formalisation des valeurs d’entreprise
3. Construction des pratiques RH
3.1 La nécessité de fixer des règles de gestion du personnel
3.2 Le Recrutement
3.3 L’Evaluation annuelle
4. Intelligence de l’information
4.1 Veille environnementale
4.2 Cartographie
5. Enquête qualitative
6.1 Méthodologie de recherche terrain
6.2 La FNAC : un exemple de formalisation des valeurs d’entreprise
6.3 Alstom Transport : l’application des valeurs dans les pratiques RH
6.4 SeLoger.com : la prise en compte des valeurs dans le cadre de la formalisation des
processus RH
!
Retour sur les hypothèses de recherche et préconisations
Conclusion
Bibliographie
Tables des illustrations
Annexes
Table des matières
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« Ce n’est pas la morale qui détermine les prix ; c’est la loi de l’offre et de la demande.
Ce n’est pas la vertu qui crée de la valeur ; c’est le travail. Ce n’est pas le devoir qui régit
l’économie ; c’est le marché. Le capitalisme, c’est le moins que l’on puisse dire, ne fait pas
exception. (…) Le capitalisme n’est pas moral ; il n’est pas non plus immoral ; il est –
mais alors totalement, radicalement, définitivement – amoral. »
André Comte-Sponville, Le capitalisme est il moral ?
! *!
Introduction
!
Alors qu’on reproche à nos sociétés occidentales leur individualisation croissante, on
observe un regain d’intérêt du public pour les questions liées aux valeurs et à l’éthique. On
assiste à un changement des mentalités, dont le marketing s’est aussitôt emparé, en créant
des produits et des services « éthiques ».
Dans cette même vague, on observe que les valeurs sont de plus en plus présentes dans le
discours des entreprises, non par sur les valeurs liées à la marque, mais plutôt à l’image
employeur. Cette tendance se retrouve très fréquemment dans les grands groupes, mais aussi
de plus en plus dans les PME.
Ces valeurs sont affichées par les entreprises, en interne mais aussi en externe, sur les « sites
corporate », les sites liés au recrutement, ou sur des brochures de présentation.
Les entreprises promeuvent des valeurs partagées avec l’ensemble de leurs partenaires :
salariés, fournisseurs, clients ou actionnaires.
Face à cette tendance de promotion des valeurs, de nombreuses réactions sceptiques
apparaissent. Cet affichage ne serait qu’une stratégie de communication, peu suivie d’effet
dans les pratiques.
Pourtant, les valeurs pourraient constituer une force pour les entreprises, en les aidant à
constituer la vision partagée entre l’ensemble des parties prenantes de l’organisation, et ainsi
être un moteur.
L’objectif de cette étude est de mettre en exergue les liens existants entre les valeurs
affichées et les processus appliqués au sein des Ressources Humaines dans les entreprises.
La méthodologie employée repose sur deux axes principaux. Dans un premier temps, nous
nous attacherons à définir et mettre en relation les concepts théoriques qui sont mobilisés
par le sujet. Puis, nous développerons une approche empirique qui reposera sur des
entretiens avec des professionnels, sur la consultation de documents internes et de supports
de communication utilisés par les entreprises, et sur notre observation des pratiques.
! "+!
L’objet de cette étude sera de déterminer dans quelle mesure les entreprises peuvent
s’appuyer sur leurs valeurs comme socle de leurs pratiques en Gestion des
Ressources Humaines.
En effet, le domaine des valeurs semble étroitement lié à la Gestion des Ressources
Humaines dans l’entreprise puisque, comme nous le verrons dans notre étude, elles
permettent de donner du sens au travail des collaborateurs.
Plusieurs questions se posent alors : à quoi correspondent les valeurs ? Que regroupent-t-
elles ? Comment émergent-t-elles dans les entreprises ? Peuvent-elles être utilisées comme un
outil de management, et peut-on fonder les processus RH sur les valeurs d’entreprise ?
A l’aune de ces premières questions, nous pouvons mettre en exergue trois hypothèses de
recherche qui vont nous permettre de guider notre étude :
! Les valeurs sont liées au domaine de l’éthique de l’entreprise
! Les valeurs sont issues de la vision du fondateur ou du dirigeant de
l’entreprise
! Les valeurs peuvent être intégrées aux processus Ressources Humaines
Notre travail devra donc permettre d’affirmer ou infirmer ces hypothèses. Celui-ci se basera
dans un premier temps sur la définition et l’articulation de concepts théoriques liés aux
valeurs et aux processus de gestion des ressources humaines. Nous aborderons dans cette
partie le concept de valeurs, à travers différentes définitions et mises en perspectives. Puis
nous nous intéresserons à la construction des valeurs d’entreprise. Nous traiterons ensuite
du sujet des pratiques de gestion des ressources humaines, en nous concentrant plus
particulièrement au recrutement et à l’évaluation des collaborateurs.
Ceci nous permettra de mettre en place un cadre précis sur lequel fonder notre approche
empirique, qui s’appuyant sur une veille environnementale et une cartographie, reposera sur
l’observation des pratiques de trois entreprises. Nous pourrons ainsi dresser un panorama de
l’existant dans les organisations. L’application de cette méthodologie de recherche nous
permettra enfin d’émettre des préconisations sur l’utilisation des valeurs en entreprise.
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!" Le concept de valeurs
1.1 Etymologie et Définitions
1.1.1 Définitions
Avant de chercher à étudier son déploiement et son utilisation dans l’entreprise, il est
essentiel de préciser le sens que le terme « valeur » revêt. En effet, il fait appel à des
définitions multiples. Nous retiendrons ici les aspects normatifs liés aux valeurs, et nous
évacuerons les définitions liées aux aspects mathématiques.
Dans le dictionnaire Petit Robert, le mot valeur regroupe trois grandes définitions : la qualité
d’une personne, le caractère d’un bien marchand, et la qualité d’une chose.
Appliqué à un individu, le mot valeur désigne ce qui est « digne d’estime ». Ce terme se
rapporte ici aux qualités morales, intellectuelles et professionnelles d’une personne. On
retrouve cette définition dans la littérature dès le XIIème siècle, au moment où le mot valeur
faisait référence à la vaillance, au courage.
La valeur d’un objet marchand détermine le prix auquel il peut être échangé. En économie,
on considère que cette valeur est fixée par le rapport entre l’offre et la demande, en tenant
compte notamment de sa rareté, mais aussi par son utilité, et par la quantité de travail
nécessaire à sa réalisation.
Le mot valeur peut aussi désigner la qualité et l’intérêt qu’on porte à une chose, au delà de la
valeur marchande. Le terme montrera dans cette définition qu’une chose est conforme à
l’idéal que l’on attend d’elle, en termes de qualité, d’efficacité, ou de validité. L’idée de
jugement s’applique ici.
A partir de la moitié du XIXème siècle, on parle « des » valeurs comme des éléments qui
permettent de juger ce qui est bien. Les valeurs peuvent faire appel à un jugement personnel
et individuel, ou à un jugement social et collectif.
L’examen de cette simple définition de dictionnaire nous permet déjà de mettre en avant
deux principales contradictions :
, le mot valeur peut faire référence à la valeur marchande, économique et financière,
mais aussi à une dimension morale et éthique.
, les valeurs peuvent exister à deux niveaux qui peuvent être en opposition : les valeurs
individuelles et les valeurs collectives.
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1.1.2 L’apport des sciences sociales
Les études anthropologiques considèrent les valeurs comme des données objectives qui
permettent de différencier l’homme de l’animal. Elles désignent comme des valeurs
humaines les rites, l’habitat, l’art ou la religion. Les valeurs seraient donc universelles,
partagées par l’ensemble de l’espèce humaine.1
Pour aller plus loin dans la recherche du sens du mot valeur, on peut s’intéresser aux apports
des études sociologiques, qui permettent de mettre encore plus en avant les oppositions
entre valeurs collectives et valeurs individuelles.
Les valeurs définissent les critères de ce qui est désirable dans une société : le beau, le laid, le
juste et l’injuste. Elles permettent de distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas.
Elles forment un système, qui constitue une vision du monde.2 Les valeurs constituent ainsi
au départ des idéaux collectifs. Ces idéaux ont une force particulière, puisqu’ils peuvent
influencer les comportements. De ces valeurs découlent les normes et les principes sociaux.
Pour Emile Durkheim, l’adhésion à des valeurs communes est nécessaire à la constitution de
la solidarité sociale. Elles permettent à l’individu de s’intégrer dans la société. Dans les
sociétés traditionnelles, la conscience collective est forte. Les valeurs du groupe sont donc
facilement acceptées et peu discutées. Elles sont adoptées par similitudes.3
Dans les sociétés modernes, la conscience collective est moins forte. Les individus sont
autonomes, leurs aspirations et leurs valeurs deviennent également individuelles. Ces deux
systèmes de valeurs, celui de la société et de l’individu, peuvent ne plus se recouper, et même
entrer en contradiction. Cela entraine un risque d’affaiblissement du lien social, et une
anomie4, si les valeurs n’ont plus de contrôle sur les comportements humains. Il faut alors
fonder une nouvelle forme de valeurs modernes qui seront partagées par tous.5
Max Weber a étudié les relations entre les individus et les valeurs. Son étude des rapports
entre la religion protestante et le capitalisme met en avant les affinités de valeurs qu’elles
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
1
Dir BERGERY Line, Le Management par les valeurs, Lavoisier, 2011
2
ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK Jean-Pierre, ROUX Pierre, Dictionnaire de Sociologie,
Hatier, Paris, 1997
3
DURKHEIM Emile, De la division du travail social, Presses Universitaires de France, Paris, 2007.
4
L’anomie est la désorganisation sociale due à l’absence de normes communes dans une société.
5
DURKHEIM Emile, L’Education morale, Presses Universitaires de France, Paris, 2012.
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entretiennent6. La notion de valeurs est donc un élément fondamental pour étudier les
évolutions sociales.
Weber a également mis en avant une mutation des valeurs de la société liée au
« désenchantement du monde ». Le développement de la rationalité dans les sociétés
occidentales entraine un déclin des explications surnaturelles de l’univers. Les valeurs
traditionnelles ne sont donc plus partagées par les individus.
1.1.3 Les apports de la psychologie du travail
L’approche de la psychologie du travail et l’étude du comportement organisationnel
peuvent être éclairantes pour notre étude, puisqu’elles étudient respectivement l’homme au
travail, et le comportement humain dans les organisations. Nous pouvons ici nous appuyer
sur les travaux de Shimon Dolan et de Salvador Garcia, qui traitent des valeurs dans leur
champ d’analyse.7
Ils identifient trois dimensions complémentaires pour la prise en compte des valeurs : les
caractères éthico-stratégique, économique, et psychologique.
Le caractère éthico-stratégique part du principe que les valeurs proviennent de « leçons
stratégiques » qui se sont maintenues dans le temps car elles sont efficaces et permettent
d’atteindre les objectifs.
Le caractère économique montre que les valeurs servent à donner un « prix » aux choses, à
les évaluer. Elles leur attribuent donc un mérite, en prenant en compte la rareté, l’intérêt ou
le prix. On voit ici que cette notion fait appel à l’idée d’interdépendance, puisqu’elle fait
intervenir un Autre qui porte un jugement. Elle montre que les valeurs sont relatives.
Le caractère psychologique fait référence au courage : « la qualité morale qui permet une
approche résolue face à de grandes réalisations ou à des défis de taille et d’affronter le danger
sans témoigner de crainte »8
Ils distinguent deux types de valeurs :
Les valeurs finales constituent des objectifs de vie. Elles regroupent les valeurs personnelles,
qui montrent ce qui est le plus important dans la vie d’un individu (le bonheur, la famille, la
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
6
WEBER Max, L’Ethique Protestante et le Capitalisme, Gallimard, Paris, 2004.
7
DOLAN Shimon, GARCIA Salvador, La gestion par les valeurs, une nouvelle culture pour les organisations,
Editions Nouvelles, Montréal, 1999.!
8
Ibid, p 76.
! "%!
santé, l’amitié) mais également ce que l’individu souhaite pour le monde (la paix, la justice
sociale).
Les valeurs instrumentales sont des moyens pour atteindre des buts existentiels. Elles sont
constituées des valeurs éthico-morales, qui guident le comportement avec autrui (la sincérité,
la loyauté, la solidarité, la confiance) et les valeurs de compétition qui permettent de rivaliser
avec les autres dans la vie (la logique, l’intelligence, le courage, la culture, l’argent).
Pour l’étude des valeurs en entreprise, les concepts les plus intéressants sont ceux des valeurs
éthico-sociales, qui concernent les objectifs de l’entreprise vis à vis de la société, et éthico-
morales qui fixent les conduites à encourager pour respecter les valeurs que l’organisation
cherche à promouvoir.
Nous avons pu voir ici que le thème des valeurs appelle de multiples définitions
complémentaires. Nous retenons ici l’acceptation du terme dans sa dimension morale et
éthique. Pour la suite de notre étude, nous retiendrons que les valeurs définissent les critères
de ce qui est désirable dans une société. Aux valeurs collectives traditionnelles, il convient de
prendre en compte l’émergence de nouvelles valeurs individuelles, qui peuvent entrer en
contradiction avec les premières. Après cet ensemble de définitions, nous allons chercher à
recenser la diversité des valeurs existences en nous appuyant sur une typologie.
1.2Les valeurs universelles de Schwartz
L’étude des valeurs a donné lieu à de nombreuses typologies. Nous pouvons retenir
celles de Shalom Schwartz9, qui a fait l’objet d’une étude très approfondie, et qui a été
appliquée dans 68 pays.
Pour Schwartz, les valeurs sont des croyances qui font référence à des buts et des
comportements désirables. Elles recherchent l’atteinte d’objectifs comme la sécurité,
l’autonomie, l’accomplissement. Elles constituent des principes qui guident la vie, et qui ont
une importance différente dans ce qui constitue le système de valeurs d’un individu, d’un
groupe ou d’une société. Elles servent de critère pour évaluer les actions.
Les valeurs répondent à trois grands besoins : biologique, d’interaction sociale, de survie et
de bien être dans le groupe.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
9
SCHWARTZ Shalom, « Les valeurs de base de la personne : théorie, mesure et applications » in
Revue Française de Sociologie, volume 47, 2006
! "&!
Shalom Schwartz a réalisé un modèle de 56 valeurs organisées en dix valeurs universelles.
Ces grands domaines de base sont l’autonomie, la stimulation, l’hédonisme, la réussite, le
pouvoir, la sécurité, la conformité, la tradition, la bienveillance et l’universalisme.
Son modèle trouve une application effective sur le terrain, puisqu’il l’a validé dans 68 pays. Il
tient également compte des variables liées à l’âge, à l’éducation, au sexe et au revenu.
Figure 1 : Modèle théorique des relations entre les dix valeurs de base
Cette classification permet de confronter des valeurs de progrès et d’ouverture au
changement à des valeurs plus conservatrices, mais aussi des valeurs d’altruisme à des valeurs
plus universalistes. Elle met particulièrement bien en exergue les oppositions possibles entre
les valeurs, puisque celles-ci peuvent prendre des directions contraires.
1.3Les valeurs des Français
Avant de nous intéresser aux valeurs des entreprises françaises, il peut être intéressant
d’examiner quelles sont les valeurs des Français.
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Si la France était une entreprise, ses valeurs affichées pourraient être celles qu’on retrouve
dans la devise de la République Française, « Liberté, Egalité, Fraternité ». Mais s’en tenir à
ces trois concepts serait réducteur, car ils ne peuvent pas représenter l’ensemble des valeurs
individuelles.
Afin d’avoir une vision plus globale, nous pouvons nous intéresser à une étude de l’institut
TNS Sofres. Le sondage du 7 mai 2000 met en avant les valeurs les plus importantes pour les
Français. A la question « Quelles seraient les valeurs d’une société dans laquelle vous
aimeriez vivre ? », l’institut de sondage a retenu les réponses suivantes10 :
L'honnêté 41
La justice 32
L'amitié 30
L'égalité 30
La famille 28
Le respect de
l'environnement
27
La liberté 25
Les droits de l'homme 24
La tolérance 24
La générosité 22
Le goût du travail 22
La politesse 20
La sincérité 17
Le courage 15
La responsabilité 14
La discipline 13
La fidélité 13
L'humour 12
L'honneur 10
L'optimisme 6
La réussite matérielle 5
Le patriotisme 3
NSP 2
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
10
TNS SOFRES, Enquêté réalisée auprès d'un échantillon représentatif de la population française
âgée de 15 ans et plus. 956 personnes ont été interrogées de 2 au 4 mars 2000 par téléphone.
Echantillonnage par la méthode des quotas : sexe, âge, profession du chef de famille, région et
catégorie d'agglomération. Consultable sur http://www.ipsos.fr/ipsos-public-
affairs/sondages/valeurs-francais
! "(!
Figure 2 : Classement des valeurs des Français selon l’enquête TNS Sofres de mai
2000.
Parmi les premières valeurs privilégiées par les Français, nous retrouvons les grands thèmes
de la devise de la République Française. Nous pouvons voir que les valeurs mises en avant
au niveau étatique sont partagées par la population. Les valeurs conservent donc une forte
dimension collective.
1.4Valeurs et Identité : la culture d’entreprise
La notion de valeur d’entreprise peut se rapprocher de celle de culture d’entreprise. Ces
deux concepts font appel à un registre commun, mais ils sont cependant de nature différente.
Pour comprendre cette différence, nous allons d’abord nous attacher à définir le concept de
culture.
En philosophie, on définit la culture en l’opposant à la nature, en différenciant ce qui est
acquis de ce qui est inné. La culture serait un trait propre à l’homme, qui a évolué en
transformant la nature.
En sociologie, la culture est ce qui est commun à un groupe. Elle permet de souder les
individus. Elle est constituée de représentations, de normes et de valeurs qui orientent les
actions de chacun.
Nous pouvons retenir également la définition de l’UNESCO, qui englobe de nombreuses
composantes : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble
des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe
social. Elle englobe outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les
systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »11
Ces premières définitions nous apprennent que la culture est un phénomène humain, qui
permet de souder les individus. Elle est composée d’un grand nombre d’éléments, de
principes, parmi lesquels figurent les valeurs.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
11
UNESCO, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, 6 août 1982.
! ")!
Pour comprendre à quel niveau interviennent les valeurs dans cet ensemble d’éléments
composant la culture, nous pouvons examiner les travaux de Fons Trompenaars, spécialiste
en communication interculturelle.12
Il répartit les éléments culturels en trois niveaux :
, Un niveau qui regroupe les pratiques, les modes de vie, les rituels et les symboles.
C’est le niveau « superficiel » de la culture, celui qui est perceptible au premier abord.
, Un niveau intermédiaire où apparaissent les normes. Celles-ci sont le plus souvent
formalisées. On retrouve ici les valeurs affichées.
, Un troisième niveau, beaucoup plus informel, plus difficile d’accès et de
compréhension, celui des valeurs au cœur de la culture organisationnelle.
Cette approche nous montre que les valeurs sont une partie spécifique de la culture. Elles
peuvent être formelles, mais les véritables valeurs sont informelles et difficiles à découvrir.
Elles sont partagées par les membres de l’organisation et sont donc au fondement de la
culture. C’est à partir de celles-ci que peut se développer la culture.
On retrouve l’essence de l’identité de l’entreprise dans les valeurs de marque. Celles-ci sont
autant de concepts qui donnent une personnalité et une culture à la marque. Elles donnent
du sens aux produits et aux services vendus par l’organisation. Les marques revendiquent de
plus en plus des valeurs qui seraient associées à leurs produits. On peut par exemple citer la
maison Chanel, qui représente la modernité et l’insolence, ou Nike, qui inspire la pugnacité
et la victoire.
Notre objet d’étude aurait donc pu être l’étude de la culture d’entreprise et de son
application dans les pratiques RH. Il semble cependant que l’utilisation de la culture
organisationnelle comme outil de management soit difficilement applicable. En effet, comme
le souligne Alain Etchegoyen13, la culture d’entreprise peut parfois être un frein à la
performance de l’entreprise, et la gêner dans son adaptation à l’environnement. La culture
collective évolue lentement, et elle n’est pas toujours adaptée aux changements permanents
qu’entraine la mondialisation. Elle peut donc entrainer des résistances au changement.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
12
Cité par MEIER Olivier, Management interculturel, Dunod, 2013.
13
ETCHEGOYEN Alain, « Entreprise, éthique et identité », in Identité et culture en entreprise,
Publications de l’Université Paris 7, Paris, 1992.
! "*!
De plus, l’internationalisation des entreprises et la création de filiales dans des pays
appartenant à des civilisations différentes peuvent rendre plus difficile la constitution d’une
culture commune.
Il est cependant important de retenir que les valeurs sont liées à la culture de l’entreprise,
puisqu’elles sont à la source de celle-ci. On ne peut donc pas séparer valeurs et culture
organisationnelle.
1.5Valeurs et Ethique d’entreprise
1.5.1 Définition
!
Dans les sociétés occidentales, on observe une modification des valeurs dans les
dernières décennies. On constate une baisse des pratiques religieuses, ainsi qu’une tendance
au « libéralisme culturel » : on tolère de plus en plus le divorce, l’homosexualité, l’avortement
ou l’euthanasie. De manière générale, le choix individuel prend plus de poids dans la façon
de vivre. Il semble donc que les valeurs collectives sont condamnées à être positionnées en
retrait, face aux valeurs individuelles qui seraient celles qui guident le comportement de
chacun.
Pourtant, la notion de valeur dans son sens collectif est de plus en plus mise en avant en
entreprise. Les grands groupes comme les PME cherchent aujourd’hui à formaliser, diffuser
et afficher des systèmes de valeurs.
On peut relever une dimension éthique dans cette démarche, en cherchant à mettre en avant
l’idéal vers lequel tend l’organisation, par des comportements et des attitudes valorisées.
Les valeurs dans l’entreprise ont une dimension éthique, liée à la recherche d’un idéal.
L’éthique a un sens qui est proche de celui de la morale, mais il convient de distinguer ces
deux concepts. Le mot « morale », du latin mores signifie coutumes, mœurs. Elle cherche à
dire ce qui est bon, ce qui est bien, de façon générale. Elle s’applique à tous au sein d’une
même culture, et elle énonce les grands principes qui doivent guider l’individu dans son
existence. L’éthique se situe à un niveau plus individuel. Elle recommande des
! #+!
comportements face à des situations données concrètes. Elle est relative, contrairement à la
morale qui est universelle.
Si la morale et l’éthique ont en commun la volonté de régler les comportements, la première
concerne des concepts absolus, le bien et le mal, alors que l’éthique désigne ce qui est bien
ou mal relativement à un individu ou à une organisation.14
C’est donc bien la dimension éthique qui est à retenir dans le cadre d’une étude sur les
valeurs d’entreprise. En effet, les valeurs sont une donnée relative, qui peut s’appliquer à une
organisation particulière.
1.5.2 Ethique et entreprise
Dans les années 1990, les politiques éthiques se sont développées dans les entreprises.
En effet, les dirigeants ont pris conscience de l’importance de formaliser des engagements
éthiques, qui répondent à des enjeux internes et externes.15
Sur le plan interne, les préoccupations éthiques permettent de promouvoir des
comportements chez les collaborateurs, et également de maintenir leur unité. Sur le plan
externe, elles permettent de se conformer aux exigences politiques et sociales. En effet, la
société dans son ensemble a des attentes vis à vis des entreprises. Leurs comportements sont
scrutés par les consommateurs, mais aussi les salariés ou les fournisseurs. L’éthique participe
donc à l’image de l’entreprise auprès de ces différents publics.
L’impact des débats sur la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) est également à
prendre en compte. Si ce concept semble récent, il trouve pourtant ses sources dans des
pratiques qui se sont développées au tournant du XXème siècle aux Etats Unis. Aux
aspirations religieuses protestantes qui les poussent à se préoccuper du salut de leur âme, les
entrepreneurs intègrent une dimension pratique, qui cherche à retenir la main d’œuvre
compétente. C’est cette démarche qui a encouragé les comportements paternalistes, puisque
il est alors considéré comme normal pour l’homme d’affaires qui a réussi de contribuer au
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
14
COMTE-SPONVILLE André, Valeurs et vérités, Etudes cyniques, Presses Universitaires de France,
1994.
15
MERCIER Samuel, L’Ethique dans les Entreprises, Repères, 2004.
! #"!
bien être de sa communauté. Après la crise de 1929, cette tendance devient de plus en plus
rare. Elle revient pendant les années 50, prenant appui sur les mouvements sociaux aux Etats
Unis, comme la lutte pour les droits civiques ou les premières revendications écologiques.
La RSE constitue l’interface entre l’entreprise et la société. Elle regroupe plusieurs
dimensions16 :
, elle permet de maintenir l’équilibre entre les deux entités. La société exerce un
contrôle social sur l’entreprise, qui permet de faire converger leurs buts communs.
, elle rend compatible la recherche du profit et la réalisation d’actions responsables.
Elle met en évidence les relations de pouvoirs entre l’entreprise et les acteurs sociaux.
, elle montre l’influence de la culture dans laquelle l’entreprise s’inscrit, comme les
facteurs religieux par exemple
, elle met en jeu les représentations sociales. Elle est le fruit d’une négociation entre
l’identité de la société et l’identité de l’entreprise.
Les nouvelles générations de salariés sont de plus en plus sensibles aux démarches éthiques.
Pour les nouveaux collaborateurs issus de la « Génération Y », l’entreprise doit toujours
remplir ses fonctions économiques, mais également favoriser le développement personnel et
professionnel de ses équipes.17
L’idée de conduire une démarche d’éthique en entreprise est aujourd’hui fortement répandue,
surtout dans les grands groupes. On considère que la performance d’une entreprise ne peut
plus se réduire à ses seuls résultats économiques et financiers. De plus, on insiste sur le fait
que tous les moyens ne sont pas acceptables pour atteindre les résultats économiques, même
s’ils ne sont pas condamnés par la loi. Les entreprises tiennent compte de la dimension
éthique dans leur stratégie et leur organisation, que ce soit par la formalisation de chartes
éthiques, ou par la création de processus et de métiers liées à l’éthique.18
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
16
GOND Jean-Pascal, IGALENS Jacques, La Responsabilité Sociale de l’Entreprise, Presses
Universitaires de France, 2012.!
17
WELLHOFF Thierry, Les valeurs : donner du sens, Guider la communication, Construire la réputation,
Eyrolles, 2010.
18
MESURE Hervé, LAURIOL Jacques, « L’éthique d’entreprise : présentation, bilan et
interprétation » in Humanisme et Entreprise, numéro 267, 2005.!
! ##!
1.5.3 Ethique et valeurs d’entreprise
La démarche de construction des valeurs peut correspondre à une volonté de promotion
de l’éthique dans l’entreprise. On remarque dans plusieurs organisations qu’il existe une
correspondance entre les pratiques éthiques et la formalisation des valeurs.
Le groupe EDF a crée une charte éthique, qui reprend les trois grandes valeurs corporate de
l’entreprise : Respect, Solidarité, Responsabilité. Considérant que l’électricité n’est pas un
produit comme les autres, le groupe est investit d’une mission d’intérêt général. Sa politique
éthique se concentre principalement sur la sécurisation de l’approvisionnement en énergie,
sur la recherche d’un accès équitable à celle-ci, et sur l’attention portée au développement
durable des territoires.
EDF met en avant dans sa charte une déclinaison d’engagements en conformité avec ses
valeurs éthiques : sécurité des personnes et sûreté des installations, maîtrise des risques
environnementaux et des impacts sur l’homme et la nature, ne pas imposer d’objectifs
contraires à la politique éthique, et garantir aux salariés un droit d’alerte sans représailles.19
Les valeurs d’entreprise liées à l’éthique peuvent-elle se concilier avec la recherche de
performance et de profit des organisations ? Considérer que les valeurs répondent
simplement à des objectifs de développement durable serait réducteur. En effet, les valeurs
doivent guider l’entreprise dans son activité propre, et dans la réussite de l’ensemble de ses
objectifs. Elles doivent donc pouvoir regrouper à la fois éthique et intérêt.
1.6Panorama des valeurs des entreprises françaises
Plusieurs études ont été réalisées pour étudier les grandes valeurs mises en avant par les
entreprises. Nous retiendrons celle de Thierry Wellhoff, fondateur de l’agence de
communication Wellcom, qui publie l’Index International des valeurs corporate.20
Il réalise une typologie des valeurs en étudiant 4000 entreprises dans 30 pays.
Ses travaux lui permettent de classer les valeurs en huit grandes familles :
, les valeurs de compétence :
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
19
EDF, Charte Ethique Groupe, 2013. http://ethique.edf.com
20
WELLCOM, Index international des valeurs corporate, 2013!
! #$!
Elles mettent en avant le savoir-faire et le professionnalisme des entreprises qui les affichent.
Confidentialité, satisfaction client, détermination, différentiation, efficacité, excellence, international, savoir-
faire, orientation marché, organisation, prévention, professionnalisme, qualité, rapidité, réputation, service,
pérennité, création de valeur.
, les valeurs gagnantes :
Cette catégorie regroupe les valeurs liées à l’ambition, à la recherche d’être le premier dans
son secteur d’activité.
Ambition, anticipation, compétitivité, courage, enthousiasme, esprit entrepreneurial, exclusivité, esprit
combatif, croissance, initiative, innovation, performance, succès.
, les valeurs de conduite :
Elles donnent des règles de conduite en interne et en externe.
Adaptabilité, attention, attractivité, authenticité, disponibilité, clairvoyance, liberté, humilité, humour,
individualité, inventivité, modernité, ouverture, passion, fierté, exigence, responsabilité, simplicité, implication
de l’équipe, tradition.
, les valeurs relationnelles :
Elles identifient les modes d’interactions qui sont valorisés dans l’entreprise, entre les
collaborateurs, mais aussi avec les clients, les fournisseurs …
Accessibilité, communication, confiance, considération, convivialité, harmonie, partenariat, proximité, respect.
, les valeurs morales :
Elles guident les collaborateurs dans le comportement qu’ils doivent adopter dans
l’entreprise mais aussi à l’extérieur quand ils représentent celle-ci.
Ethique, intégrité, loyauté, honnêteté, transparence, franchise.
, les valeurs sociétales :
Elles montrent la façon dont l’entreprise cherche à interagir avec la société. C’est dans cette
catégorie qu’on regroupe les valeurs qui s’inspirent du développement durable.
Environnement, santé, partage, responsabilité sociale, développement durable.
, les valeurs d’épanouissement :
! #%!
Ce sont celles qui s’intéressent à l’humain dans l’entreprise.
Esthétisme, humanisme, développement personnel, plaisir, sensibilité, talent.
, les valeurs sociales :
Elles fédèrent les salariés en faisant la promotion d’un management participatif et juste.
Egalité, équité, amélioration de la qualité de vie, intégration, mutualisme, participation, patriotisme,
pluralisme, démocratie.
Thierry Wellhoff recense les valeurs d’un grand nombre d’entreprises françaises, et permet
de voir quelles sont les familles de valeurs privilégiées :
Figure 3 : Classement des valeurs dans les entreprises françaises selon le nombre de
salariés, à partir des recherches de Thierry Wellhoff.
Ce classement des valeurs les plus utilisées dans les entreprises françaises nous donne
plusieurs informations intéressantes pour notre étude.
Tout d’abord, nous pouvons observer que les valeurs des catégories sociétales et sociales, qui
sont celles qui se rapprochent le plus de la notion d’éthique de l’entreprise, sont parmi les
moins mises en avant par les organisations. En revanche, les valeurs liées aux compétences
et les valeurs gagnantes sont les plus utilisées, ce qui montre que les entreprises choisissent
+-!
&-!
"+-!
"&-!
#+-!
#&-!
$+-!
$&-!
Classement des valeurs dans les entreprises
françaises
+ de 5000
1000 à 5000
- de 1000
! #&!
des valeurs liées à leur activité et leur métier. Elles sont un moyen de se démarquer des
concurrents, et de se placer en position de leader.
! #'!
#" Construction des valeurs d’entreprise
2.1L’intérêt d’une entreprise à formaliser ses valeurs
Pour Alain Desreumaux, une organisation regroupe nécessairement trois éléments
distincts et complémentaires : les activités productives, les relations entre les individus, et les
valeurs partagées. Les valeurs permettent d’apporter stabilité et cohérence, et de préserver
l’identité de l’entreprise. L’équilibre apporté par les valeurs permet à l’entreprise de s’adapter
aux mutations économiques et sociales.21
Les valeurs permettent de trouver un équilibre entre l’adaptation à l’environnement, et la
conservation de la cohésion interne. Elles sont donc un outil précieux de management, et
peuvent représenter un avantage stratégique pour une entreprise sachant correctement les
utiliser.
Les valeurs peuvent être considérées comme une ressource pour les entreprises et leur
apporter un avantage concurrentiel dans la mesure où elles sont bien utilisées. Jay Barney
définit le concept de ressource par la combinaison de plusieurs éléments22 :
, la ressource doit permettre de saisir une occasion ou d’échapper à une menace
, elle doit être rare pour être stratégique
, elle ne doit pas pouvoir être imitée
, son appropriation doit être lente (longévité de la ressource)
, elle ne peut être substituée.
Nous comprenons ainsi pourquoi les dirigeants cherchent à formaliser, mettre en avant et
entretenir les valeurs de l’organisation dont ils ont la responsabilité.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
21
DESREUMAUX Alain, Théorie des Organisations, Management et Société, 1998!
22
BARNEY Jay, « Firm resources and sustained competitive advantage », in Journal of Management,
1991.!
! #(!
2.2La formalisation des valeurs d’entreprise
2.2.1 Les sources des valeurs d’entreprise
Nous pouvons parfois nous demander si les processus de formalisation des valeurs
mettent en avant des valeurs plaquées par commodité, ou par stratégie de communication
qui ne correspondraient pas au contexte de l’entreprise dans laquelle elles apparaissent. Les
valeurs seraient alors interchangeables et choisies selon la volonté seule du management en
place.
Pourtant, un grand nombre de facteurs semble nécessaire à l’émergence de valeurs23 :
, les valeurs du fondateur
, les valeurs des cadres et des managers en place
, les valeurs des collaborateurs
, l’influence des acteurs extérieurs (fournisseurs, clients, consultants)
, la legislation
, les valeurs sociales
, l’histoire et la tradition de l’organisation
La source des valeurs est multifactorielle et nous pouvons donc écarter l’explication d’une
formalisation « artificielle » de valeurs choisies de façon délibérée, dans un but
communicationnel ou marketing.
Dans les entreprises, les valeurs sont souvent présentes à l’origine de la création de
l’organisation, et fortement inspirées de la mentalité du fondateur. C’est à partir de lui que
vont se forger les valeurs. Elles font donc partie de l’histoire d’une entreprise et sont
nourries par l’ensemble des évènements qu’a connus l’organisation. Cette mémoire collective
permet de fixer certains comportements qui sont jugés positifs. Les procédures, les modes
de management et les avantages accordés aux salariés ont une influence sur les valeurs en se
transmettant de génération en génération.
Mais c’est souvent bien plus tard qu’une organisation va chercher à formaliser ses valeurs.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
23
DOLAN Shimon, GARCIA Salvador, Op Cit p13.
! #)!
2.2.2 Le cas de l’entreprise Fournier
Les travaux de Samuel Mercier sont particulièrement éclairants en ce qui concerne la
recherche d’identification et de mise en avant des valeurs. Il étudie ce processus en
s’appuyant sur l’exemple de l’entreprise Fournier, et montre comment les valeurs peuvent
constituer des « ressources-clés» pour les entreprises, et comment elles peuvent être à
l’origine d’une meilleure performance pour les organisations.24
Le groupe Fournier est une entreprise française du secteur pharmaceutique, fondée en 1880.
Elle emploie 4 200 collaborateurs répartis en trois divisions. L’organisation a conservé une
forte culture familiale, et aujourd’hui encore plus de 90 % des actionnaires appartiennent à la
famille du dirigeant. De part le secteur dans lequel elle évolue, l’entreprise doit s’adapter de
plus en plus à son environnement qui évolue sans cesse. La prise en compte de la stratégie
de l’entreprise est fondamentale pour éclairer son processus de formalisation des valeurs. Le
groupe Fournier cherche depuis la fin des années 90 à s’imposer comme un acteur européen
à influence mondiale, tout en parvenant à préserver ses valeurs familiales. On voit bien
comment cette ambition de fort développement est difficilement conciliable avec un
management et des processus de fonctionnement de type « familial », qui supposent une
forte proximité et une forte concertation entre les différents acteurs.
Les dirigeants ont d’ailleurs noté un décalage entre les valeurs affichées et ce que le
personnel perçoit et vit au quotidien. Les valeurs formalisées sont la transparence et l’esprit
d’équipe, alors que les collaborateurs signalent un manque de dialogue et de communication,
et un manque de confiance dans les équipes. Conscients de l’enjeu de faire adhérer le
personnel aux valeurs communes afin d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés sur le long
terme pour l’entreprise, les dirigeants ont souhaité entamer un processus de clarification de
leurs valeurs.
Conscients de la nécessité d’impliquer les managers, les dirigeants ont débuté la démarche
en réunissant les 100 cadres du groupe positionnés en haut de l’organigramme. Lors d’un
séminaire, il leur a été demandé de réfléchir sur les valeurs communes au sein d’ateliers de
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
24
MERCIER Samuel, « L’instrumentalisation des valeurs : une ressource stratégique pour
l’entreprise ? » in Gestion, 2001.
! #*!
dix personnes. Ces ateliers ont permis de faire émerger les cinq valeurs les plus importantes
au sein de l’organisation : respect des personnes, responsabilité, esprit d’équipe, esprit
d’entreprise, transparence.
Mais cette étape n’est pas suffisante. Pour que les valeurs aient un sens et qu’elles puissent
constituer un avantage pour les entreprises, elles doivent être expliquées pour être mises en
application. Le groupe Fournier a donc envoyé à ces 100 mêmes cadres un questionnaire
leur permettant de les décliner sous forme de processus et d’actions. Le but ici est
d’identifier les écarts entre ces valeurs identifiées et les pratiques de l’entreprise.
Cette étape a permis de montrer les principaux freins internes à l’application des valeurs :
, le manque de communication interpersonnelle dans l’entreprise
, des rôles pas assez clairement définis dans l’organisation
, des besoins de formation en management, mais aussi en relation client.
Ensuite, des groupes de travail ont été formés pour définir les valeurs dans le détail. Le
rendu attendu devait proposer une explication de la valeur et des illustrations par des
exemples applicables à l’ensemble des fonctions de l’organisation. Le résultat obtenu a été le
suivant :
, le respect de la personne : à l’interne et à l’externe. Pour le mettre en application, les
collaborateurs doivent « traiter l’autre comme ils souhaiteraient qu’on les traite ».
, la responsabilité : prendre conscience de ses actes et les assumer, sur les plans
individuels, collectifs et sociaux.
, l’esprit d’équipe : il doit favoriser la collaboration entre les salariés qui travaillent sur
des missions communes.
, l’esprit d’entreprise : il favorise l’initiative et la prise de risque
, la transparence : elle améliore la communication interpersonnelle et facilite l’accès et
la diffusion de l’information dans l’organisation.
Cette formalisation a été validée par la direction, qui a ensuite organisé la mise en œuvre des
valeurs. Pour cela, chaque division de l’entreprise a dû réfléchir sur ces valeurs pour se les
approprier, et choisir des actions prioritaires pour les appliquer. La direction a également
insisté sur la nécessité d’établir un plan de communication à tous les niveaux de la hiérarchie,
et de mettre en place des objectifs de progrès et des indicateurs de mesure appropriés.
! $+!
L’étude de Samuel Mercier se focalisant strictement sur la formalisation des valeurs, elle se
termine lors de cette étape cruciale de la mise en application.
L’auteur ne se contente pas de nous décrire le processus, mais il analyse celui-ci en cherchant
à identifier les obstacles inhérents à la formalisation des valeurs dans une organisation. Il en
retient deux principaux : la cohérence entre les valeurs et la stratégie globale de l’entreprise,
et la difficile concrétisation de ces principes dans les pratiques professionnelles.
Définir des valeurs cohérentes avec la stratégie de l’entreprise est primordial. Pour rappel, les
orientations stratégiques du groupe Fournier prévoient une montée en puissance sur les
marchés internationaux aux niveaux européen et mondial. En parallèle du travail sur les
valeurs, les cadres de l’entreprise ont du réfléchir aux compétences managériales à
développer pour atteindre les objectifs. L’auteur s’est aperçu que les éléments remontés
étaient différents de ceux mis en avant lors du travail sur les valeurs. Au lieu de favoriser la
responsabilité, la communication, l’écoute et la proximité avec les équipes, les cadres ont
insisté sur la pensée stratégique, la capacité à influencer et l’utilisation des données
financières. Ces éléments sont tous liés à la performance organisationnelle de l’entreprise,
sans tenir compte de la performance relationnelle attendue par les valeurs. On voit donc
bien qu’au moment de prendre des décisions, les cadres vont devoir privilégier l’une ou
l’autre de ces approches, et pourront difficilement les concilier. Pourtant, c’est l’exemplarité
des cadres qui peut permettre l’appropriation et la mise en application des valeurs par
l’ensemble des collaborateurs.
La deuxième difficulté remontée par Samuel Mercier réside dans la concrétisation des valeurs
dans les pratiques professionnelles. Pour réduire l’écart identifié au début du processus entre
valeurs affichées et valeurs vécues, il est nécessaire de s’approprier les valeurs. Celles-ci ont
été formalisées par 100 cadres de l’entreprise, on peut donc imaginer que l’appropriation sera
facilitée pour ces personnes. Mais qu’en est-il du reste des 4 200 collaborateurs du groupe ?
Au delà de l’appropriation par les individus, l’application concrète est difficile à mettre en
œuvre. La valeur « transparence » est limitée dans son application par l’impossibilité dans une
entreprise de dévoiler toutes les informations à tous les salariés. En ce qui concerne la
« responsabilité », l’entreprise fait face à deux obstacles : les collaborateurs vont devoir
accepter d’être jugé sur leurs actes, ce qui n’était pas forcément le cas jusque là. Plus difficile
! $"!
encore, les managers vont devoir accepter de favoriser la responsabilisation de leurs équipes,
et donc leur autonomisation alors que certains souhaiteraient conserver leur autorité entière.
En conclusion, l’auteur met en avant trois grands principes à prendre en compte dans toute
démarche de formalisation des valeurs :
, faire participer au maximum les membres de l’organisation afin de faciliter
l’appropriation et la mise en application
, laisser du temps pour que les mentalités et les pratiques évoluent. Le travail sur les
valeurs porte ses fruits sur le long terme
, chercher à conserver une certaine cohérence entre les valeurs et les pratiques
professionnelles.
Il pourrait être tentant de mettre en place des processus participatifs de formalisation des
valeurs mobilisant l’ensemble des salariés d’une organisation. Mais il semble difficile selon
l’auteur de parvenir à obtenir un consensus avec un trop grand nombre de participants.
Nous verrons pourtant dans notre étude terrain que certaines entreprises ont réussi à mener
ce chantier à bien.
Les obstacles qu’une organisation rencontre dans le cadre de la formalisation de ces valeurs
peuvent également être dus à la difficulté plus générale d’appliquer des principes éthiques en
entreprise. Pour Eric Godelier25, la première difficulté réside dans le fait que l’éthique ne se
« décrète » pas. L’existence d’une charte éthique ne suffit pas à rendre l’organisation éthique.
Il faut que celle-ci s’incarne dans la communauté professionnelle. Il est également nécessaire
qu’un débat soit organisé autour des valeurs pour qu’elles soient acceptées. Il note également
la difficulté de transcrire dans des actes des notions éthiques, et que la cohérence entre des
principes moraux et des objectifs commerciaux est difficile à atteindre.
Nous retiendrons ici que la formalisation des valeurs représente des intérêts pour l’entreprise,
puisqu’elle permet de souder les équipes, et qu’elle peut constituer un avantage concurrentiel
si les valeurs sont correctement partagées et appliquées. Mais il existe également des points
de vigilance inhérents à tout projet de formalisation des valeurs, qui résident principalement
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
25
GODELIER Eric, La culture d’entreprise, La Découverte, Paris, 2006.
! $#!
dans le choix des acteurs qui vont travailler sur ce thème, et dans la nécessaire cohérence à
obtenir avec la stratégie et les pratiques de l’entreprise.
! $$!
$" Construction des pratiques de Gestion des Ressources
Humaines.
3.1La nécessité de fixer des règles de gestion du personnel.
La volonté d’élaborer des processus pour la gestion des ressources humaines peut
découler de plusieurs impératifs, qui peuvent se cumuler :
, le passage à un seuil important des effectifs de salariés dans l’entreprise, qui nécessite
l’organisation de la gestion du personnel
, l’encadrement et l’harmonisation des pratiques au sein de l’entreprise
, la volonté d’obtenir une certification qualité, qui implique l’existence de processus.
La vie de l’entreprise, ses réussites et sa croissance entrainent souvent une augmentation des
effectifs. Avec un nombre réduit de salariés, la fonction RH est souvent prise en charge par
un service administratif et financier. Il y a donc peu de formalisation des activités. C’est le
cas de nombreuses start-up, qui fonctionnaient au départ sur un mode de management et de
gestion interne « familial », et qui ont dû se professionnaliser en se pérennisant.
En parallèle, l’augmentation du nombre de salariés, et donc de managers, a nécessité la
fixation de règles acceptées par tous pour gérer les relations au travail. En effet, il est difficile
de faire coexister dans une même organisation des modes de management, de recrutement
ou d’évaluation différents.
Mais c’est souvent la dernière raison qui pousse les entreprises à formuler des processus. La
norme ISO 9000 notamment, qui concerne la qualité dans l’entreprise, est souvent à l’origine
de cette démarche. Cette norme utilisée par un million d’entreprises dans plus de 170 pays26
devient incontournable pour de nombreuses sociétés, notamment celles qui doivent
répondre à des cahiers de charges précis si elles exercent des activité de sous-traitance.
La norme ISO 9001, chargée d’établir les exigences d’un système de management de la
qualité, définit un processus comme un « système organisé d’activités qui utilise des
ressources (personnel, équipement, matériel et machines, matières premières, information)
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
26
Site officiel de la norme ISO 9000 http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/management-
standards/iso_9000.htm
! $%!
pour transformer des éléments entrants en éléments de sortie dont le résultat attendu est un
produit ou un service ». 27
La définition et le respect de processus clairs est un des principaux principes de cette norme,
puisqu’ils permettent d’atteindre les résultats attendus de manière efficiente, en diminuant les
coûts et en améliorant les délais et la qualité. Mais la formalisation de processus permet
également de favoriser l’amélioration continue en mettant en avant les axes de progrès.
Selon la norme ISO 9001, la construction d’un processus implique une définition précise des
activités qui sont nécessaires pour aboutir au résultat recherché, mais aussi des responsables
de chaque activité. Il doit également montrer les ressources et les méthodes à utiliser.
Parmi l’ensemble des processus RH existants, nous avons choisi de nous focaliser sur deux
éléments qui semblent être les plus parlants pour l’application des valeurs dans l’entreprise :
le recrutement et l’évaluation des collaborateurs. En effet, ces processus sont ceux pour
lesquels l’entreprise est amenée à faire des choix importants, tout d’abord en intégrant ou
non un individu, puis en choisissant de le récompenser ou de le faire évoluer.
3.2Le Recrutement
3.2.1 Définition
!
Le recrutement regroupe l’ensemble des actions mises en œuvre pour trouver le talent
correspondant aux besoins d’une organisation dans un poste donné. C’est un acte de
management important et délicat qui nécessite un temps de réflexion et une prise de décision
argumentée. Il doit répondre aux besoins immédiats et futurs de l’entreprise. C’est également
un acte humain, ce qui entraine des aléas, principalement liés à la subjectivité. Ceux-ci ne
peuvent pas être éliminés, mais ils peuvent être considérablement réduits. C’est aussi un acte
juridique qui est encadré par le code du travail, et qui répond à un certain nombre de
contraintes et obligations légales.
Le recrutement est un des domaines des Ressources Humaines à la source de nombreuses
discussions et de nombreuses attentions. En effet, il met en relation l’organisation avec les
individus qui n’appartiennent pas à l’entreprise et qui cherchent à y entrer. C’est un moment
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
27
Principes de Management de la qualité, ISO, Genève, 2012.
! $&!
où l’entreprise s’ouvre sur l’extérieur, avec notamment la diffusion d’offres d’emploi ou
l’implication de prestataires (cabinets de recrutement, chasseurs de tête).
Pour les individus, le recrutement est un moment important, qui va décider s’ils sont
accueillis ou repoussés par l’entreprise à laquelle ils souhaitent appartenir.
Enfin, le recrutement est observé attentivement par la société. En période de crise, le
redémarrage des démarches de recrutement est perçu comme un élément annonçant la
reprise de l’activité économique. Au contraire, le gel des embauches est souvent synonyme
de difficultés à venir. L’image de la bonne santé économique du pays est donc liée en partie
au recrutement.
3.2.2 Le cadre juridique
Le code du travail encadre de manière assez stricte le recrutement dans l’entreprise. De
manière générale, la décision finale de recrutement doit être prise selon des critères liés au
domaine professionnel, de manière objective, et ne doit pas être fondée sur des éléments qui
sont extérieurs au travail.
C’est l’article L1132-1 du Code du Travail qui nous fournit les règles à respecter concernant
le recrutement de nouveaux collaborateurs :
« aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un
stage ou une période de formation en entreprise ».
Il prévoit également que :
« aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire,
directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, d’intéressement ou de
distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de
classification, de promotion professionnelle en raison :
, de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de
sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son
appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation
ou une race, de son apparence physique, de son nom de famille,
, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes,
, des ses convictions religieuses,
, ou en raison de son état de santé ou de son handicap ».
! $'!
Nous pouvons voir que les dispositions encadrant la pratique du recrutement sont liées au
principe de non discrimination des candidats. Contrevenir à ces pratiques peut avoir des
conséquences graves pour l’entreprise, d’une part pour sa réputation, et d’autre part sur le
plan judiciaire. Sur le plan pénal, la discrimination à l’embauche est un délit passible d’une
sanction pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Par
ailleurs, si le candidat saisit le juge civil ou le conseil prud’homal avec des éléments factuels
de discrimination, l’employeur encourt des sanctions financières.
Il est donc essentiel de fonder son choix sur des critères uniquement professionnels, liés aux
compétences et au potentiel du candidat. Afin de pouvoir se défendre contre une attaque
éventuelle devant la justice, il est important de conserver une trace des informations liées au
recrutement, pour éventuellement pourvoir prouver la non-discrimination des décisions
prises.
3.2.3 Les étapes du recrutement
Le Recrutement est souvent assimilé à tort à la sélection des candidats. L’étape des
entretiens et des tests qui vont permettre de choisir le futur collaborateur n’est qu’une partie
du recrutement. Négliger les autres aspects qui précèdent et qui suivent l’entretien de
recrutement entraîne bien souvent l’échec de tout le processus.
Dans la grande majorité des entreprises on retrouve le même enchainement d’étapes
indispensables pour mener à bien une action de recrutement. On peut parfois observer
certaines différences dans l’application, mais le processus comporte toujours une première
phase de réflexion sur le besoin et le profil, une phase de recherche de candidats et de
sélection, et une phase d’intégration.
Nous retiendrons ici les travaux de Bernard Martory et Daniel Crozet28, dont les recherches
se sont imposées comme la théorie « classique » du recrutement. Elles constituent une base
pour l’étude de ce processus, qui fut ensuite reprise, complétée ou réfutée par beaucoup
d’autres chercheurs. Mais le processus qu’ils ont mis en avant est celui qui reste le plus utilisé
dans les entreprises.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
28
MARTORY Bernard, CROZET Daniel, Gestion des Ressources Humaines : Pilotage social et performances,
Paris, Dunod, 2010.
! $(!
Figure 4 : Les phases du recrutement selon les travaux de Bernard Martory et Daniel
Crozet
La première étape d’un processus de recrutement est celle de la définition du besoin. Il
s’agit de comprendre les exigences liées au poste à pourvoir. A ce stade, il est fréquent de se
baser sur une définition de poste si elle existe (par exemple si un recrutement similaire a déjà
été réalisé par le passé). Dans ce cas, il reste indispensable de vérifier si cette fiche de poste
est toujours valable, et si elle correspond bien aux attentes du nouveau recrutement. Les
! $)!
évolutions technologiques ou des modifications dans l’organisation internes peuvent en effet
modifier les responsabilités et les compétences nécessaires à la tenue d’un poste.
Cette fiche de poste doit donc être réalisée avec l’opérationnel qui a exprimé le besoin en
recrutement, le plus souvent le supérieur hiérarchique du futur collaborateur.
Au delà de la recherche des exigences du poste, il faut s’attacher à définir des compétences
« élargies », liées au contexte de l’entreprise. En effet, le collaborateur devra disposer des
compétences nécessaires à l’accomplissement de sa mission, mais il devra également être
capable de trouver sa place dans l’organisation.
Enfin, il est nécessaire de penser à l’avenir au moment d’un recrutement. Souvent dans les
entreprises de taille moyenne, et systématiquement dans les grands groupes, le recruteur doit
penser à l’évolution de carrière qui sera proposée au futur collaborateur. Il cherchera alors à
définir des compétences nécessaires à la tenue d’un poste futur, qui ne seront pas forcément
maîtrisés par le candidat recruté, mais au moins potentiellement développables (des capacités
en management par exemple).
Lors de cette étape, le professionnel des ressources humaines doit recueillir l’information
auprès du manager, qui a la connaissance des activités et des tâches qui vont être confiées au
collaborateur.
La seconde étape du processus de recrutement est la rédaction d’un profil de poste. A
partir de la fiche de poste, qui définit l’ensemble des missions et des responsabilités liées, le
recruteur cherche à dégager les qualités à rechercher chez le candidat. Ces qualités sont liées
à des expériences, des connaissances, des comportements, des attitudes, des motivations.
Elles vont permettre, une fois réunies, de constituer le candidat idéal.
Cette démarche est difficile, puisqu’il faut arriver à identifier quelles sont les compétences
nécessaires à la réalisation d’une activité. C’est à partir de ce travail que sera rédigée l’offre
d’emploi.
Lors de cette étape, le manager et le recruteur travaillent ensemble pour définir les qualités à
rechercher. Le professionnel des Ressources Humaines, grâce à sa connaissance des profils
existants sur le marché de l’emploi, peut aider le manager à bien formaliser le profil.
La troisième étape consiste à identifier les sources du recrutement. Les candidats potentiels
peuvent être recherchés en interne, c’est à dire dans les effectifs déjà présents dans
l’entreprise, ou à l’externe, sur le marché du travail. A l’externe, les sources sont multiples. Le
! $*!
canal le plus adapté sera choisi en fonction de la situation : niveau de poste (cadre ou non
cadre), budget alloué au recrutement… Selon les situations, le recruteur pourra s’adresser au
Pôle Emploi ou à l’APEC29, diffuser l’offre d’emploi sur des « jobboards30 » gratuits ou
payants, ou consulter les candidatures spontanées.
La quatrième étape concerne le choix des moyens de recrutement. Il s’agit de décider qui
mènera le projet de recrutement. Cela peut-être le manager, mais le plus souvent il s’agit du
service RH de l’entreprise, et plus précisément du service recrutement s’il en existe un. Mais
l’entreprise peut également faire le choix de s’adresser à un cabinet de recrutement spécialisé
ou à un chasseur de têtes31. C’est principalement le poste à pourvoir qui va orienter le choix
des moyens de recrutement. L’entreprise fera souvent appel à un cabinet de recrutement ou
à un chasseur de tête pour les profils pénuriques, ou les postes prestigieux (chefs de service,
membres du comite de direction).
La cinquième étape est celle du lancement de la campagne de recrutement. Elle doit
permettre de communiquer le besoin de l’entreprise à la cible identifiée, grâce à différents
moyens. Cette phase aura des impacts très variables sur le budget recrutement en fonction
des moyens utilisés. Le recours aux petites annonces sur les sites d’emploi peut se révéler
très couteux (la publication d’une annonce peut être facturée entre 500 et 1 000 euros par
site, sachant qu’elle est souvent publiée sur plusieurs portails).
D’autres moyens pourront être moins chers pour l’entreprise, comme le recours aux
candidatures ou l’exploitation des candidatures spontanées, mais ils pourront se révéler
moins efficaces pour atteindre le candidat idéal tel que défini lors de la seconde étape.
La sélection intervient seulement à partir de la sixième étape. Elle se réalise elle-même en
plusieurs phases : réception des candidatures et tri au vu des CV et des lettres de motivation.
Ce premier tri doit permettre de constituer une liste restreinte de candidats qui
correspondent aux critères définis en amont. Selon les situations, on peut faire passer un ou
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
29
Agence pour l’emploi des cadres
30
Site internet qui permet aux candidats d’accéder à des offres d’emploi et de déposer leur
candidature en ligne. Parmi les jobboards les plus connus, on retrouve Monster, Cadremploi,
Régionsjobs.!
31
Les cabinets de chasse, ou de recrutement par approche directe, contactent des candidats déjà en
poste et qui ne sont pas en recherche d’emploi, pour leur proposer un nouveau poste.!
! %+!
plusieurs tests aux candidats retenus. Les tests peuvent être techniques (utilisation des outils
de bureautique, vérification de compétences informatiques) ou liés à la personnalité.
C’est lors de cette étape qu’intervient l’entretien de recrutement, sur lequel nous reviendrons
en détails plus tard.
La sixième étape est celle de la décision. Au terme de la phase précédente, le recruteur doit
pouvoir arriver à une sélection finale de deux à quatre candidats sur lesquels vont porter les
dernières discussions. Les personnes ayant participé au processus de recrutement
confrontent leur avis sur les candidats, et cherchent à déterminer celui qui convient le mieux
aux besoins du demandeur et de l’entreprise. A ce stade, la hiérarchie a souvent le dernier
mot, et le recruteur est chargé de conseiller, et d’alerter le futur manager des points de
vigilance concernant le candidat choisi.
Quand le choix définitif est arrêté, le recruteur donne la réponse au candidat retenu (il
s’occupe également de prévenir les candidats non retenus, et de leur expliquer les raisons du
refus). Selon le poste, le recruteur s’occupe de la négociation salariale.
La septième et dernière étape du processus classique de recrutement est l’intégration du
nouveau collaborateur. Cette étape est très importante, et c’est malheureusement celle qui est
le plus souvent négligée. Pourtant, une mauvaise intégration représente un risque pour
l’entreprise. En effet, un candidat mal intégré aura des difficultés à être performant, même
s’il dispose des compétences nécessaires pour l’exercice de la mission. De plus, s’il est mal
accompagné, le nouveau collaborateur peut être déçu par l’entreprise, et chercher à partir. Il
faudra alors recommencer depuis le début le processus de recrutement, ce qui occasionnera
une perte de temps et d’argent conséquente pour l’organisation.
Dans le cadre de l’intégration des nouveaux collaborateurs, les entreprises ont à leur
disposition un grand nombre d’outils : livret d’accueil, journées d’intégration, rendez-vous
régulier avec un interlocuteur dédié au sein du service Ressources Humaines, ou nomination
d’un tuteur qui sera chargé d’accompagner le nouveau collaborateur pendant ses premières
semaines dans l’entreprise.
Nous pouvons souligner grâce à l’examen de ce processus que les efforts ne doivent pas se
porter uniquement sur l’entretien et sur les méthodes de sélection utilisées. Si le besoin n’est
pas correctement identifié et formalisé, le recruteur recherchera des compétences qui ne sont
! %"!
pas celles nécessaires au demandeur et à l’entreprise. Si les sources mobilisées ne sont pas les
bonnes, les candidats reçus seront trop ou trop peu qualifiés. Enfin, s’il est mal intégré, le
candidat choisi sera déçu et risque de quitter l’entreprise, ou sera peu performant et ne
répondra pas aux attentes de sa hiérarchie.
3.2.4 La sélection : méthodes et outils
Beaucoup de questions se posent sur les pratiques du recrutement dans les entreprises, et
plus particulièrement sur les méthodes utilisées par les recruteurs. L’acte de recrutement
implique un jugement humain. Afin de limiter les risques d’erreur, et de minimiser la
subjectivité dans le recrutement, de nombreux outils sont utilisés. Ils ne permettent pas de
remplacer le jugement humain, mais ils aident à l’établir, en évitant certains biais subjectifs.
Parmi les outils les plus utilisés, on retrouve les entretiens de recrutement, les tests de
personnalité, la graphologie, les mises en situation…
Certains DRH ou certains recruteurs considèrent ces outils comme fiables, ils sont donc
déployés dans l’entreprise pour tous les recrutements. Pourtant, un outil n’est pas efficace
dans l’absolu, de façon intrinsèque, mais en fonction d’une situation ou d’une organisation
donnée. Le choix d’un outil de sélection doit donc se faire en tenant compte de nombreux
paramètres32 :
, l’urgence du recrutement : si le poste est à pourvoir le plus vite possible, par exemple
dans le cas du départ imminent d’un salarié en poste, le recruteur choisira des outils
rapides, dont il dispose déjà, et qu’il sait utiliser. Il cherchera également à utiliser des
outils qui sélectionnent rapidement les candidatures quand le nombre de postulants
est très important.
, les moyens financiers disponibles : les coûts des outils utilisés peuvent être
extrêmement variables. Un test de personnalité adapté à un poste précis peut coûter
très cher. Les outils plus ou moins coûteux seront utilisés selon le niveau du poste.
Plus le poste est stratégique pour l’entreprise, plus le recruteur aura recours à des
outils onéreux.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
32
CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Gestion des ressources humaines, pratiques et
éléments de théorie, Dunod, Paris, 2003.
! %#!
, les compétences du recruteur : il est primordial d’utiliser des outils maîtrisés par le
recruteur. Le choix d’appliquer un nouvel outil implique souvent la formation du
recruteur à son utilisation.
, la demande sociale : l’utilisation d’un outil particulier peut être liée à la confiance que
l’ensemble des personnes impliquées dans le processus ont en lui. Chaque
recrutement implique un entretien d’embauche, car c’est un outil reconnu (à tord ou à
raison) comme utile et performant par les recruteurs, les demandeurs, les candidats, et
la société en général.
, les caractéristiques à tester : le choix d’un outil en particulier doit impérativement être
lié aux compétences et aux qualités qu’on cherche à mesurer. Un test sur les capacités
de management n’aura aucun intérêt pour un poste qui ne nécessite pas
d’encadrement.
, la population évaluée : les outils doivent être adaptés au public ciblé. Dans le cadre du
recrutement de personnel peu qualifié pour des métiers manuels ne requérant pas
l’utilisation de l’écrit, utiliser un test d’orthographe est sans intérêt. De plus, il risque
d’être mal accepté par les candidats.
Nous pouvons voir que le choix d’un outil est lié à sa capacité à répondre aux enjeux d’une
situation donnée. Ces enjeux varient d’une entreprise à l’autre et d’un poste à l’autre. Il serait
donc inefficace d’utiliser toujours les mêmes outils pour tous les recrutements de l’entreprise,
même si celle-ci a utilisé des moyens financiers et humains pour les acquérir et les maîtriser.
Il est essentiel de bien comprendre et analyser la situation en amont du choix des outils à
mobiliser.
Au delà de la pertinence du choix des outils de recrutement, la question de leur validité est
souvent mise en avant. Peut-on parler réellement d’outil scientifique ? Nous pouvons nous
attendre à ce que ce soit le cas si nous souhaitons utiliser des moyens qui permettent de
rationaliser le jugement et d’éviter la subjectivité du recruteur. Pour qu’un outil puisse être
considéré comme scientifique, il doit pouvoir remplir trois conditions essentielles33 :
, il doit être constant et donner des résultats identiques dans des situations similaires. Si
ce n’est pas le cas, c’est que le jugement rendu ne dépend pas des caractéristiques de
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
$$!CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Op Cit p39!
! %$!
l’outil, mais de la subjectivité de celui qui les utilise (le recruteur). Il doit donner les
mêmes résultats avec des recruteurs différents qui évalueraient la même personne,
mais aussi garantir une certaine constance sur un laps de temps à court ou moyen
terme. Nous imaginons mal un test de personnalité qui donnerait des résultats
différents d’une semaine sur l’autre. S’il n’est pas stable, l’outil n’est pas fidèle.
, il doit être discriminant, en permettant de distinguer de manière suffisamment
significative les individus entre eux. Si un outil donne les mêmes notes à l’ensemble
des candidats, il ne permet en aucun cas de choisir, et il est donc inutile pour le
recruteur.
, il doit être valide, en apportant des informations qui aident à la prise de décision. Il
doit être pertinent pour la situation de recrutement donnée en donnant des
indications sur la réussite potentielle dans le poste. La réflexion sur les compétences
nécessaires à la tenue du poste est donc essentielle, comme nous avons pu l’exposer
dans les phases composant le processus de recrutement. La difficulté réside dans le
fait qu’on ne peut pas comparer la performance réalisée dans son poste par la
personne qui a été choisie avec celle qu’auraient réalisé les candidats refusés.
Nous voyons ici que le choix d’utilisation des outils de recrutement nécessite un long travail
de réflexion stratégique. Dans les faits, les opérationnels n’ont ni le temps ni les moyens
financiers ou humains d’approfondir suffisamment ce travail de réflexion. Ils n’ont souvent
d’autre choix que d’utiliser les outils qu’ils maîtrisent, et de les appliquer dans toutes les
situations, sans en vérifier réellement la validité.
Nous allons à présent examiner quelles sont les méthodes de sélection utilisées par les
entreprises françaises34 (services recrutements des entreprises et cabinets de recrutement),
puis comparer cette utilisation aux recherches effectuées sur la validité des techniques de
sélection35
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
34
à partir des travaux de BRUCHON-SCHWEITZER Marylou et LIEVENS Stefan, « Le
recrutement en Europe – Recherches et pratiques », in Psychologie et Psychométrie, volume 12, 1991.
$&!CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Op Cit p39.!
! %%!
Figure 5 : Techniques de sélection utilisées dans le recrutement par les entreprises
françaises
Figure 6 : Validité des différentes techniques de recrutement
L’examen de ces deux tableaux nous montre que les méthodes de recrutement les plus
utilisées par les entreprises françaises sont les entretiens et la graphologie, suivis des tests
d’aptitude et de personnalité. Nous remarquons que ces techniques sont parmi les moins
efficaces pour les chercheurs qui étudient cette question. L’entretien d’embauche, qui reste
! %&!
une méthode quasi universelle de recrutement (parfois la seule dans certaines entreprises)
obtient un coefficient de validité faible. Nous pouvons donc dire que l’utilisation générale
d’une méthode ne la rend pas forcément efficace.
A l’inverse, la méthode des « centres d’évaluations », plus connus sous leur nom anglais
« assessment center » obtient un bon score de validité. Cette technique consiste en une
évaluation en situation des candidats basée sur des études de cas, des jeux de rôle,
accompagnés de tests de personnalité et d’entretien. La combinaison des ces méthodes
semble être une bonne solution pour obtenir des résultats valides. Les centres d’évaluation
tendent à se développer ces dernières années, principalement dans les grandes entreprises, en
raison de leur coût important.
Nous pouvons donc retenir que le choix d’une méthode d’évaluation ne se fait pas
nécessairement sur des critères de validité scientifique, mais plutôt sur des critères
d’acceptabilité sociale. Une méthode systématiquement utilisée dans les recrutements sera
jugée bonne par les recruteurs, les demandeurs et les candidats, et elle sera donc appliquée
pour tous les recrutements. Une méthode unanimement reconnue permet en effet de faire
des choix qui seront facilement légitimés auprès des managers, mais aussi des candidats
écartés.
De plus, les études sur la validité des méthodes de recrutement n’intègrent pas l’ensemble
des facteurs qui entrent en compte dans le choix des entreprises examinés plus haut,
notamment le coût des méthodes et le temps nécessaire à leur mise en œuvre.
Nous avons vu que pour des critères de coût, de temps de mise en œuvre et d’acceptabilité
sociale, l’entretien de recrutement reste la méthode plébiscitée par les entreprises. Nous
allons donc nous pencher plus en détail sur cette pratique. L’efficacité de cette méthode est
encore plus que les autres outils intimement liée à la compétence du recruteur qui l’emploie.
Elle est également celle qui comprend le plus de risques liés à la subjectivité. Dans toute
démarche d’évaluation des candidats par la méthode de l’entretien de recrutement, il est
important d’identifier les différents biais de jugement, afin de pouvoir les minimiser au
maximum :
, l’effet de halo : les éléments de contexte influent sur le jugement qu’on porte sur le
candidat. Si celui qui précède était particulièrement bon, on jugera le suivant
médiocre par comparaison.
! %'!
, l’erreur fondamentale : il s’agit ici d’attribuer des attitudes à la personnalité du
candidat alors qu’elles sont liées à la situation. Un candidat très nerveux dans le cadre
d’un entretien d’embauche a peut-être été stressé par un retard de train, ou la
difficulté à trouver une place de parking. Le manque de dynamisme d’un candidat
peut être imputé à une longue période d’inactivité. C’est pour cette raison que les
recruteurs qui cherchent à placer le candidat dans une situation de stress font erreur :
ils ne jugeront pas les compétences et les qualités réelles du candidat, mais celles qu’il
exprime dans une situation inhabituelle.
, l’effet de cobaye : le candidat préparé sait ce que le recruteur attend de lui. Il risque
donc de modifier son attitude et ses réponses en tenant compte des attentes
supposées.
, le biais de projection : le recruteur peut rechercher chez le candidat les qualités ou
caractéristiques que lui même possède. Hors, celles-ci ne sont pas forcément celles
qui sont recherchées pour le poste. Un recruteur ou un manager peut aussi valoriser
un candidat qui est issu de la même formation que lui, ou qui a eu une expérience
dans la même entreprise.
, l’effet de primauté : il consiste à donner une grande importance à une caractéristique
de l’individu qui occultera les autres. Un candidat qui a régulièrement changé
d’entreprise sera d’emblée considéré comme instable, au risque de ne pas examiner
avec soin ses compétences et ses qualités.
Nous avons pu voir que le recrutement est une activité importante pour l’entreprise. Il lui
permet de constituer les équipes de collaborateurs qui lui permettront d’atteindre ses
objectifs. Mais c’est également une activité qui comporte des implications juridiques et qui
influe sur l’image de la société. C’est surtout une activité humaine, qui est par nature soumise
à la subjectivité de celui qui la pratique. Pour limiter cette subjectivité, sans pour autant
pouvoir la supprimer, de nombreuses méthodes ont été mises au point, mais celles-ci, même
si elles bénéficient de la confiance de leurs utilisateurs, peuvent être scientifiquement
contestées.
Mais la qualité d’un recrutement ne dépend pas uniquement des outils utilisés. Elle est liée
principalement à la maîtrise de l’ensemble du processus, et surtout des étapes préalables à la
sélection, de définition du besoin et du profil de poste.
! %(!
3.3L’évaluation annuelle
3.3.1 Définition
En entreprise, l’évaluation des collaborateurs consiste à porter un jugement sur l’exercice
de ses fonctions. Elle peut intervenir sous la forme d’une notation, par une synthèse de ses
points forts ou de ses points faibles, ou par un bilan de ses réalisations par rapport à des
objectifs précédemment posés. De nombreuses méthodes d’évaluation ont été mises en
place dans les entreprises. Au départ, elle était souvent réservée aux fonctions commerciales,
pour lesquelles il est facile de proposer et d’évaluer des objectifs basés sur le chiffre d’affaires
à réaliser. Depuis quelques temps, l’évaluation des salariés s’élargit à toutes les fonctions, aux
cadres tout d’abord, puis à l’ensemble des collaborateurs.
Les ressources humaines sont dans la plupart des cas responsables du bon déroulement des
évaluations annuelles. Au delà de la réalisation d’un bilan de l’année écoulée, l’évaluation
annuelle répond à un grand nombre d’objectifs variés, souvent liés à la gestion des
ressources humaines (formation, recrutement, mobilité, promotion, revalorisations salariales
…).
Comme nous avons pu l’identifier précédemment en ce qui concerne le recrutement,
l’évaluation des collaborateurs est également à la source de nombreux questionnements. Il
est souvent reproché aux entreprises de ne pas utiliser les évaluations dans la prise de
décision en matière de gestion des ressources humaines et de ne pas mettre en place de
mesures pour pallier aux éventuelles carences décelées chez les collaborateurs. L’évaluation
étant également un processus où un humain juge de l’implication et des performances d’un
autre humain, on peut craindre des biais liés à la subjectivité des acteurs.
La grande majorité des processus d’évaluation des salariés repose sur l’organisation d’un
entretien annuel, entre le salarié évalué et son manager direct (N+1). L’entretien est basé sur
un support plus où moins cadré, que les interlocuteurs vont devoir compléter. Mais
l’ensemble du processus de l’évaluation recoupe des aspects plus larges que la simple
procédure d’entretien.
! %)!
3.3.2 Les apports des théories managériales
Les pratiques des entreprises sont le plus souvent issues des apports des différentes
théories managériales. Celles-ci ont en effet influencé les choix des dirigeants dans la manière
de gérer leur entreprise et leurs ressources humaines. Sur le thème de l’évaluation, on peut
identifier un certain nombre d’apports identifiables.
Le Management Scientifique
C’est l’avènement de la manufacture, issue de la révolution industrielle, qui a fait émerger un
certain nombre de questionnements lié au management des hommes.
On considère Adam Smith comme un précurseur des théories d’organisation du travail,
lorsqu’il expose l’intérêt de la division du travail dans la recherche d’efficacité et de
productivité36 :
« J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui n'employait que dix ouvriers, et où par conséquent
quelques-uns d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations. Mais, quoique la fabrique fût fort
pauvre et, par cette raison, mal outillée, cependant, quand ils se mettaient en train, ils venaient à
bout de faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour : or, chaque livre contient au delà de
quatre mille épingles de taille moyenne. Ainsi ces dix ouvriers pouvaient faire entre eux plus de
quarante-huit milliers d'épingles dans une journée; donc chaque ouvrier, faisant une dixième partie de
ce produit, peut être considéré comme faisant dans sa journée quatre mille huit cents épingles. Mais
s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s'ils n'avaient pas été
façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eût pas fait vingt épingles, peut-être
pas une seule, dans sa journée »
Mais c’est Frederick Taylor, grâce à des observations et des analyses précises du mode
opératoire des ouvriers, qui a réellement fondé le Management Scientifique37. Il a décomposé
et recomposé le travail pour le rendre plus efficace, en créant ainsi le « one best way », la
meilleure façon de réaliser l’ensemble des tâches nécessaires à la fabrication d’un produit.
Cette façon de procéder constitue une révolution pour l’organisation du travail. Auparavant,
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
36
SMITH Adam, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.
37
TAYLOR Frederick, Les Principes du management scientifique, 1911.
! %*!
c’est l’ouvrier qui connaissait le mode opératoire et qui réalisait les tâches nécessaires à son
exécution dans l’ordre qui lui convenait le mieux. C’est désormais un bureau des méthodes
qui maîtrise le processus de production dans son ensemble, l’ouvrier étant réduit à réaliser
une petite partie de la fabrication.
Sur le plan de l’évaluation, les théoriciens qui se rattachent au courant du management
scientifique privilégient la recherche d’objectivité.38 Ils vont chercher à établir une méthode
qui permettrait d’éviter la subjectivité du manager. Cette démarche se traduira le plus
souvent par la mise en place de grilles de notations, qu’on peut aujourd’hui encore retrouver
dans la fonction publique. L’évaluation porte sur les exigences qui sont attendues sur chaque
niveau de poste, grâce à des échelles de comportement.
La notion d’objectivité dans l’évaluation se retrouve aujourd’hui encore dans certaines
entreprises, principalement dans les groupes américains, qui ont un souci permanent de
prévention des discriminations. La législation américaine prévoit en effet l’utilisation d’un
système d’appréciation formalisé, comprenant une analyse fine des postes. Elle doit
mobiliser uniquement des données objectives et éviter de se concentrer sur les
comportements et les attitudes des collaborateurs.
Le courant des relations humaines
Ce courant théorique est né dans les années 1930 aux Etats Unis, grâce à un groupe de
chercheurs de Harvard. Elton Mayo a mené une étude approfondie sur les ouvriers de l’usine
Western Electric de Hawthorne, dans la banlieue du Chicago39. Il a observé que les ouvriers
travaillaient mieux et étaient plus productifs quand le management s’intéressait à leurs
conditions de travail et à leurs conditions de vie. Cette étude a fondé le courant des relations
humaines, qui s’est consacré principalement à la question de la motivation au travail.
Parmi ces études, nous pouvons également retenir les travaux d’Abraham Maslow, qui a
hiérarchisé les besoins humains dans une pyramide40. Il a observé que l’homme cherche
d’abord à satisfaire des besoins primaires, liés au maintien des fonctions physiques et à la
sécurité, puis une fois que ceux-ci sont satisfaits, il se tourne vers des besoins secondaires,
comme la création de relations sociales, et la recherche de réalisation de soi.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
38
CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Op Cit p39.!
39
MAYO Elton, Les Problèmes humains de la civilisation industrielle, 1933.
40
MASLOW Abraham, A theory of human motivation, 1943.
! &+!
Figure 7 : La pyramide des besoins selon Abraham Maslow
Les travaux de l’école des relations humaines sont aujourd’hui contestés par de nombreux
chercheurs. Sur les recherches de Mayo, on dénonce « l’effet Hawthorne », qui implique que
les sujets sachant qu’ils sont observés et étudiés, leur estime de soi augmente, et ils sont plus
motivés. La pyramide de Maslow est beaucoup critiquée également, car les hommes
cherchent à satisfaire certains besoins secondaires même si leurs besoins primaires ne sont
pas garantis. Nous avons par exemple tous besoins de relations et d’appartenance à un
groupe social.
Il n’en demeure pas moins que l’école des relations humaines a permis d’appréhender
l’homme au travail dans son intégralité et dans son individualité. Elle est donc allée plus loin
que les travaux de Taylor qui ne se préoccupaient pas de la personnalité et du ressenti des
individus.
Sur le thème de l’appréciation, l’école des relations humaines a placé la motivation au centre
de l’étude. Pour eux, l’élément essentiel réside dans le feedback, c’est à dire le retour du
! &"!
manager sur le travail du collaborateur, mais aussi sur les besoins de reconnaissance et de
réalisation de soi.
L’outil privilégié d’évaluation est donc selon eux l’entretien individuel entre le salarié et son
supérieur hiérarchique direct. Il doit être considéré comme un moment dédié à l’échange,
pendant lequel l’écoute et la communication sont très importantes. S’il est bien mené, un
entretien peut relancer la motivation du salarié.
Ces deux grandes théories managériales mettent en avant deux aspects essentiels : l’attention
portée à l’objectivité et la recherche de motivation du salarié par le feedback.
3.3.3 Les enjeux de l’évaluation
L’évaluation comporte des enjeux pour l’organisation en influençant les décisions liées
aux ressources humaines, mais aussi pour les salariés, puisqu’elles suscitent des attentes.
Les multiples enjeux de l’évaluation des collaborateurs peuvent être mis en avant grâce à un
schéma :41
Figure 8 : Les visées de l’appréciation
L’évaluation semble donc être à la base de multiples autres processus liés aux ressources
humaines. Elle permet d’évaluer la bonne adaptation des nouveaux embauchés, d’analyser les
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
41
GUILLOT-SOULEZ Chloé, La Gestion des Ressources Humaines, L’Extenso Editions, Paris, 2010.
! &#!
points forts et les points faibles d’un collaborateur, et d’apporter des solutions pour
augmenter sa performance. Elle est souvent à la source d’une mobilité géographique ou
professionnelle : mutation, réorientation, promotion. Elle est à la base des augmentations de
salaires et du versement de certaines primes ou bonus. Elle sert aussi à recueillir les besoins
de formation, qui permettront d’établir le plan de formation prévisionnel. Elle favorise enfin
la communication entre les collaborateurs et leur responsable hiérarchique, et participe ainsi
à améliorer les relations de travail.
3.3.4 Le processus d’évaluation
Au vu du grand nombre d’enjeux liés aux évaluations, le processus qui les encadre se doit
d’être bien pensé et de prendre en compte toutes ses dimensions. Il doit pouvoir à la fois
évaluer les résultats, les comportements et le potentiel des collaborateurs, mais aussi
permettre de recueillir les éléments d’élaboration du plan de formation. Il est difficile de
mettre en place un outil qui permette de répondre à tous ces enjeux.
Tout processus d’évaluation doit avant tout établir l’objet de l’évaluation, c’est à dire définir
sur quoi celle-ci portera. Les résultats de la période sont les premières données examinées,
mais il faut chercher également à observer comment ils ont été obtenus, en étudiant le
comportement du collaborateur au travail.
Afin d’être objective, l’évaluation doit idéalement se baser sur un référentiel accepté par
l’ensemble des acteurs. Ce référentiel peut être de nature différente selon l’organisation. Sur
ce point, les travaux d’Eugène Enriquez, bien qu’anciens, sont particulièrement éclairants.42
Ils mettent en rapport les formes d’organisations avec les différentes modalités possibles
d’évaluation des collaborateurs, et avec les référentiels qui y correspondent. L’auteur reprend
ici la typologie de Max Weber sur les formes de domination,43 en distinguant trois types
d’organisations :
, la structure charismatique, dans laquelle le chef a une autorité totale sur les
collaborateurs, et où il occupe une place centrale dans les processus
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
42
ENRIQUEZ Eugène, « Evaluation des hommes et structures d’organisation des entreprises »,
Connexions n°19, 1976.
43
WEBER Max, Economie et société, 1922.
! &$!
, la structure bureaucratique, qui est constituée d’une hiérarchie impersonnelle, fondée
sur les rôles
, la structure coopérative qui entraine une interdépendance des collaborateurs dans la
recherche de l’atteinte des objectifs.
L’auteur met ensuite en relation les différents types de structures avec les pratiques
d’évaluation que les caractérisent.
Figure 9 : Appréciation et types d’organisation
La question du choix du référentiel serait donc intimement liée au type d’organisation en
place. Nous voyons que différents degrés de subjectivité existent, puisque dans les structures
charismatique et coopérative, l’appréciation est liée au jugement par le prisme du chef ou par
un groupe. Dans la structure bureaucratique, elle est au contraire basée sur un référenciel de
compétences lié au poste, ce qui réduit la subjectivité sans pour autant l’écarter réellement.
Quand l’objet de l’évaluation est défini, il est important de le rendre légitime auprès des
différents acteurs impliqués dans le processus.
L’attribution des rôles aux différents acteurs est aussi importante. Les concepteurs du
processus d’évaluation sont le plus souvent les membres du comité de direction, qui en
définissent les objectifs. La population des évalués est constituée de l’ensemble des
collaborateurs. Il est important de noter que chaque salarié de l’entreprise doit être évalué, y
compris les managers. Il peut cependant exister des distinctions quant aux outils employés
pour évaluer, qui peuvent être différents selon la cible (cadre ou non cadre). C’est le choix de
! &%!
la personne qui évalue qui est le plus difficile. Pour évaluer les résultats de la période et les
compétences professionnelles du collaborateur, le responsable hiérarchique direct semble
être le plus légitime, puisqu’il est au plus près du salarié. C’est d’ailleurs lui qui fixe les
objectifs. Cependant, il est sans doute moins légitime pour évaluer les possibilités
d’évolution du collaborateur, qui seront mieux appréhendées par un professionnel des
ressources humaines.
3.3.5 Les méthodes d’évaluation
Comme nous avons pu l’observer pour le recrutement, de nombreuses méthodes ont été
développées pour appuyer les processus d’évaluation. Les méthodes peuvent être combinées
pour un même collaborateur, ou peuvent être réservées à une catégorie particulière de
salariés, selon leur coût ou le temps nécessaire à leur utilisation.
Les modalités sont très variées selon les organisations, mais il est possible d’identifier celles
qui sont le plus souvent utilisées.44
L’entretien individuel :
Il s’agit d’un face à face organisé le plus souvent entre le salarié et son manager direct (N+1).
Il permet de faire le point sur l’année écoulée en se référant aux objectifs fixés pour la
période, et souvent de fixer ceux pour l’année à venir. Il représente aujourd’hui la méthode
d’appréciation la plus diffusée dans les entreprises, pour tous les niveaux de postes. La
configuration de l’entretien en fait un moment d’échange privilégié, puisqu’il permet au
manager d’exprimer directement au salarié son jugement. Il permet également au
collaborateur de donner son point de vue, et d’exposer ses ambitions en matière d’évolution
de carrière, de revalorisation salariale ou de développement des compétences (souhaits de
formation). En revanche, en fonction de la relation qui est établie entre les acteurs, certains
sujets peuvent être difficiles à aborder en face à face. Il est souvent reproché aux
responsables hiérarchiques leur manque de courage managérial au cours de ces entretiens, où
leur incapacité à faire passer les messages avec tact auprès de leurs collaborateurs. De plus, le
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
%%!GUILLOT-SOULEZ Chloé, Op Cit p49.!
Valeurs d'entreprise et gestion des ressources humaines
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Valeurs d'entreprise et gestion des ressources humaines

  • 1. ! "! !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! !!!!! Valeurs d’entreprise et Gestion des Ressources Humaines. Une entreprise peut-elle fonder ses pratiques de gestion des ressources humaines sur des valeurs ? Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix en Provence Dominique GAUDIO Année universitaire 2012 – 2013 Directrice de mémoire : Céline Le Corroler
  • 3. ! $! L’IEP n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. !
  • 5. ! &! Remerciements Je tiens à exprimer ma gratitude à l’ensemble des personnes qui m’ont accompagnée et soutenue dans ce travail de recherche. En premier lieu, je remercie les enseignants de l’Ecole des Hautes Etudes de la Décisi., pour leurs enseignements et leurs conseils, en particulier Céline Le Corroller qui m’a encadrée dans la réalisation de ce mémoire. Je remercie également l’ensemble des professionnels interrogés pendant ma recherche sur le terrain. Leur regard sur les valeurs d’entreprise m’a été particulièrement utile. Je remercie mes camarades de l’EHED, qui m’ont encouragée tout au long de ces deux années de travail. Enfin, j’exprime ma gratitude à mon entourage familial qui m’a permis de rédiger ce mémoire dans d’excellentes conditions.
  • 6. ! '! Sommaire Remerciements Sommaire Introduction ! 1. Le concept de valeurs 1.1 Etymologie et Définitions 1.2 Les valeurs universelles de Schwartz 1.3 Les valeurs des Français 1.4 Valeurs et Identité : la culture d’entreprise 1.5 Valeurs et éthique d’entreprise 1.6 Panorama des valeurs des entreprises françaises 2. Construction des valeurs d’entreprise 2.1 L’intérêt d’une entreprise à formaliser ses valeurs 2.2 La formalisation des valeurs d’entreprise 3. Construction des pratiques RH 3.1 La nécessité de fixer des règles de gestion du personnel 3.2 Le Recrutement 3.3 L’Evaluation annuelle 4. Intelligence de l’information 4.1 Veille environnementale 4.2 Cartographie 5. Enquête qualitative 6.1 Méthodologie de recherche terrain 6.2 La FNAC : un exemple de formalisation des valeurs d’entreprise 6.3 Alstom Transport : l’application des valeurs dans les pratiques RH 6.4 SeLoger.com : la prise en compte des valeurs dans le cadre de la formalisation des processus RH ! Retour sur les hypothèses de recherche et préconisations Conclusion Bibliographie Tables des illustrations Annexes Table des matières
  • 8. ! )! « Ce n’est pas la morale qui détermine les prix ; c’est la loi de l’offre et de la demande. Ce n’est pas la vertu qui crée de la valeur ; c’est le travail. Ce n’est pas le devoir qui régit l’économie ; c’est le marché. Le capitalisme, c’est le moins que l’on puisse dire, ne fait pas exception. (…) Le capitalisme n’est pas moral ; il n’est pas non plus immoral ; il est – mais alors totalement, radicalement, définitivement – amoral. » André Comte-Sponville, Le capitalisme est il moral ?
  • 9. ! *! Introduction ! Alors qu’on reproche à nos sociétés occidentales leur individualisation croissante, on observe un regain d’intérêt du public pour les questions liées aux valeurs et à l’éthique. On assiste à un changement des mentalités, dont le marketing s’est aussitôt emparé, en créant des produits et des services « éthiques ». Dans cette même vague, on observe que les valeurs sont de plus en plus présentes dans le discours des entreprises, non par sur les valeurs liées à la marque, mais plutôt à l’image employeur. Cette tendance se retrouve très fréquemment dans les grands groupes, mais aussi de plus en plus dans les PME. Ces valeurs sont affichées par les entreprises, en interne mais aussi en externe, sur les « sites corporate », les sites liés au recrutement, ou sur des brochures de présentation. Les entreprises promeuvent des valeurs partagées avec l’ensemble de leurs partenaires : salariés, fournisseurs, clients ou actionnaires. Face à cette tendance de promotion des valeurs, de nombreuses réactions sceptiques apparaissent. Cet affichage ne serait qu’une stratégie de communication, peu suivie d’effet dans les pratiques. Pourtant, les valeurs pourraient constituer une force pour les entreprises, en les aidant à constituer la vision partagée entre l’ensemble des parties prenantes de l’organisation, et ainsi être un moteur. L’objectif de cette étude est de mettre en exergue les liens existants entre les valeurs affichées et les processus appliqués au sein des Ressources Humaines dans les entreprises. La méthodologie employée repose sur deux axes principaux. Dans un premier temps, nous nous attacherons à définir et mettre en relation les concepts théoriques qui sont mobilisés par le sujet. Puis, nous développerons une approche empirique qui reposera sur des entretiens avec des professionnels, sur la consultation de documents internes et de supports de communication utilisés par les entreprises, et sur notre observation des pratiques.
  • 10. ! "+! L’objet de cette étude sera de déterminer dans quelle mesure les entreprises peuvent s’appuyer sur leurs valeurs comme socle de leurs pratiques en Gestion des Ressources Humaines. En effet, le domaine des valeurs semble étroitement lié à la Gestion des Ressources Humaines dans l’entreprise puisque, comme nous le verrons dans notre étude, elles permettent de donner du sens au travail des collaborateurs. Plusieurs questions se posent alors : à quoi correspondent les valeurs ? Que regroupent-t- elles ? Comment émergent-t-elles dans les entreprises ? Peuvent-elles être utilisées comme un outil de management, et peut-on fonder les processus RH sur les valeurs d’entreprise ? A l’aune de ces premières questions, nous pouvons mettre en exergue trois hypothèses de recherche qui vont nous permettre de guider notre étude : ! Les valeurs sont liées au domaine de l’éthique de l’entreprise ! Les valeurs sont issues de la vision du fondateur ou du dirigeant de l’entreprise ! Les valeurs peuvent être intégrées aux processus Ressources Humaines Notre travail devra donc permettre d’affirmer ou infirmer ces hypothèses. Celui-ci se basera dans un premier temps sur la définition et l’articulation de concepts théoriques liés aux valeurs et aux processus de gestion des ressources humaines. Nous aborderons dans cette partie le concept de valeurs, à travers différentes définitions et mises en perspectives. Puis nous nous intéresserons à la construction des valeurs d’entreprise. Nous traiterons ensuite du sujet des pratiques de gestion des ressources humaines, en nous concentrant plus particulièrement au recrutement et à l’évaluation des collaborateurs. Ceci nous permettra de mettre en place un cadre précis sur lequel fonder notre approche empirique, qui s’appuyant sur une veille environnementale et une cartographie, reposera sur l’observation des pratiques de trois entreprises. Nous pourrons ainsi dresser un panorama de l’existant dans les organisations. L’application de cette méthodologie de recherche nous permettra enfin d’émettre des préconisations sur l’utilisation des valeurs en entreprise.
  • 11. ! ""! !" Le concept de valeurs 1.1 Etymologie et Définitions 1.1.1 Définitions Avant de chercher à étudier son déploiement et son utilisation dans l’entreprise, il est essentiel de préciser le sens que le terme « valeur » revêt. En effet, il fait appel à des définitions multiples. Nous retiendrons ici les aspects normatifs liés aux valeurs, et nous évacuerons les définitions liées aux aspects mathématiques. Dans le dictionnaire Petit Robert, le mot valeur regroupe trois grandes définitions : la qualité d’une personne, le caractère d’un bien marchand, et la qualité d’une chose. Appliqué à un individu, le mot valeur désigne ce qui est « digne d’estime ». Ce terme se rapporte ici aux qualités morales, intellectuelles et professionnelles d’une personne. On retrouve cette définition dans la littérature dès le XIIème siècle, au moment où le mot valeur faisait référence à la vaillance, au courage. La valeur d’un objet marchand détermine le prix auquel il peut être échangé. En économie, on considère que cette valeur est fixée par le rapport entre l’offre et la demande, en tenant compte notamment de sa rareté, mais aussi par son utilité, et par la quantité de travail nécessaire à sa réalisation. Le mot valeur peut aussi désigner la qualité et l’intérêt qu’on porte à une chose, au delà de la valeur marchande. Le terme montrera dans cette définition qu’une chose est conforme à l’idéal que l’on attend d’elle, en termes de qualité, d’efficacité, ou de validité. L’idée de jugement s’applique ici. A partir de la moitié du XIXème siècle, on parle « des » valeurs comme des éléments qui permettent de juger ce qui est bien. Les valeurs peuvent faire appel à un jugement personnel et individuel, ou à un jugement social et collectif. L’examen de cette simple définition de dictionnaire nous permet déjà de mettre en avant deux principales contradictions : , le mot valeur peut faire référence à la valeur marchande, économique et financière, mais aussi à une dimension morale et éthique. , les valeurs peuvent exister à deux niveaux qui peuvent être en opposition : les valeurs individuelles et les valeurs collectives.
  • 12. ! "#! 1.1.2 L’apport des sciences sociales Les études anthropologiques considèrent les valeurs comme des données objectives qui permettent de différencier l’homme de l’animal. Elles désignent comme des valeurs humaines les rites, l’habitat, l’art ou la religion. Les valeurs seraient donc universelles, partagées par l’ensemble de l’espèce humaine.1 Pour aller plus loin dans la recherche du sens du mot valeur, on peut s’intéresser aux apports des études sociologiques, qui permettent de mettre encore plus en avant les oppositions entre valeurs collectives et valeurs individuelles. Les valeurs définissent les critères de ce qui est désirable dans une société : le beau, le laid, le juste et l’injuste. Elles permettent de distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas. Elles forment un système, qui constitue une vision du monde.2 Les valeurs constituent ainsi au départ des idéaux collectifs. Ces idéaux ont une force particulière, puisqu’ils peuvent influencer les comportements. De ces valeurs découlent les normes et les principes sociaux. Pour Emile Durkheim, l’adhésion à des valeurs communes est nécessaire à la constitution de la solidarité sociale. Elles permettent à l’individu de s’intégrer dans la société. Dans les sociétés traditionnelles, la conscience collective est forte. Les valeurs du groupe sont donc facilement acceptées et peu discutées. Elles sont adoptées par similitudes.3 Dans les sociétés modernes, la conscience collective est moins forte. Les individus sont autonomes, leurs aspirations et leurs valeurs deviennent également individuelles. Ces deux systèmes de valeurs, celui de la société et de l’individu, peuvent ne plus se recouper, et même entrer en contradiction. Cela entraine un risque d’affaiblissement du lien social, et une anomie4, si les valeurs n’ont plus de contrôle sur les comportements humains. Il faut alors fonder une nouvelle forme de valeurs modernes qui seront partagées par tous.5 Max Weber a étudié les relations entre les individus et les valeurs. Son étude des rapports entre la religion protestante et le capitalisme met en avant les affinités de valeurs qu’elles !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 1 Dir BERGERY Line, Le Management par les valeurs, Lavoisier, 2011 2 ETIENNE Jean, BLOESS Françoise, NORECK Jean-Pierre, ROUX Pierre, Dictionnaire de Sociologie, Hatier, Paris, 1997 3 DURKHEIM Emile, De la division du travail social, Presses Universitaires de France, Paris, 2007. 4 L’anomie est la désorganisation sociale due à l’absence de normes communes dans une société. 5 DURKHEIM Emile, L’Education morale, Presses Universitaires de France, Paris, 2012.
  • 13. ! "$! entretiennent6. La notion de valeurs est donc un élément fondamental pour étudier les évolutions sociales. Weber a également mis en avant une mutation des valeurs de la société liée au « désenchantement du monde ». Le développement de la rationalité dans les sociétés occidentales entraine un déclin des explications surnaturelles de l’univers. Les valeurs traditionnelles ne sont donc plus partagées par les individus. 1.1.3 Les apports de la psychologie du travail L’approche de la psychologie du travail et l’étude du comportement organisationnel peuvent être éclairantes pour notre étude, puisqu’elles étudient respectivement l’homme au travail, et le comportement humain dans les organisations. Nous pouvons ici nous appuyer sur les travaux de Shimon Dolan et de Salvador Garcia, qui traitent des valeurs dans leur champ d’analyse.7 Ils identifient trois dimensions complémentaires pour la prise en compte des valeurs : les caractères éthico-stratégique, économique, et psychologique. Le caractère éthico-stratégique part du principe que les valeurs proviennent de « leçons stratégiques » qui se sont maintenues dans le temps car elles sont efficaces et permettent d’atteindre les objectifs. Le caractère économique montre que les valeurs servent à donner un « prix » aux choses, à les évaluer. Elles leur attribuent donc un mérite, en prenant en compte la rareté, l’intérêt ou le prix. On voit ici que cette notion fait appel à l’idée d’interdépendance, puisqu’elle fait intervenir un Autre qui porte un jugement. Elle montre que les valeurs sont relatives. Le caractère psychologique fait référence au courage : « la qualité morale qui permet une approche résolue face à de grandes réalisations ou à des défis de taille et d’affronter le danger sans témoigner de crainte »8 Ils distinguent deux types de valeurs : Les valeurs finales constituent des objectifs de vie. Elles regroupent les valeurs personnelles, qui montrent ce qui est le plus important dans la vie d’un individu (le bonheur, la famille, la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 6 WEBER Max, L’Ethique Protestante et le Capitalisme, Gallimard, Paris, 2004. 7 DOLAN Shimon, GARCIA Salvador, La gestion par les valeurs, une nouvelle culture pour les organisations, Editions Nouvelles, Montréal, 1999.! 8 Ibid, p 76.
  • 14. ! "%! santé, l’amitié) mais également ce que l’individu souhaite pour le monde (la paix, la justice sociale). Les valeurs instrumentales sont des moyens pour atteindre des buts existentiels. Elles sont constituées des valeurs éthico-morales, qui guident le comportement avec autrui (la sincérité, la loyauté, la solidarité, la confiance) et les valeurs de compétition qui permettent de rivaliser avec les autres dans la vie (la logique, l’intelligence, le courage, la culture, l’argent). Pour l’étude des valeurs en entreprise, les concepts les plus intéressants sont ceux des valeurs éthico-sociales, qui concernent les objectifs de l’entreprise vis à vis de la société, et éthico- morales qui fixent les conduites à encourager pour respecter les valeurs que l’organisation cherche à promouvoir. Nous avons pu voir ici que le thème des valeurs appelle de multiples définitions complémentaires. Nous retenons ici l’acceptation du terme dans sa dimension morale et éthique. Pour la suite de notre étude, nous retiendrons que les valeurs définissent les critères de ce qui est désirable dans une société. Aux valeurs collectives traditionnelles, il convient de prendre en compte l’émergence de nouvelles valeurs individuelles, qui peuvent entrer en contradiction avec les premières. Après cet ensemble de définitions, nous allons chercher à recenser la diversité des valeurs existences en nous appuyant sur une typologie. 1.2Les valeurs universelles de Schwartz L’étude des valeurs a donné lieu à de nombreuses typologies. Nous pouvons retenir celles de Shalom Schwartz9, qui a fait l’objet d’une étude très approfondie, et qui a été appliquée dans 68 pays. Pour Schwartz, les valeurs sont des croyances qui font référence à des buts et des comportements désirables. Elles recherchent l’atteinte d’objectifs comme la sécurité, l’autonomie, l’accomplissement. Elles constituent des principes qui guident la vie, et qui ont une importance différente dans ce qui constitue le système de valeurs d’un individu, d’un groupe ou d’une société. Elles servent de critère pour évaluer les actions. Les valeurs répondent à trois grands besoins : biologique, d’interaction sociale, de survie et de bien être dans le groupe. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 9 SCHWARTZ Shalom, « Les valeurs de base de la personne : théorie, mesure et applications » in Revue Française de Sociologie, volume 47, 2006
  • 15. ! "&! Shalom Schwartz a réalisé un modèle de 56 valeurs organisées en dix valeurs universelles. Ces grands domaines de base sont l’autonomie, la stimulation, l’hédonisme, la réussite, le pouvoir, la sécurité, la conformité, la tradition, la bienveillance et l’universalisme. Son modèle trouve une application effective sur le terrain, puisqu’il l’a validé dans 68 pays. Il tient également compte des variables liées à l’âge, à l’éducation, au sexe et au revenu. Figure 1 : Modèle théorique des relations entre les dix valeurs de base Cette classification permet de confronter des valeurs de progrès et d’ouverture au changement à des valeurs plus conservatrices, mais aussi des valeurs d’altruisme à des valeurs plus universalistes. Elle met particulièrement bien en exergue les oppositions possibles entre les valeurs, puisque celles-ci peuvent prendre des directions contraires. 1.3Les valeurs des Français Avant de nous intéresser aux valeurs des entreprises françaises, il peut être intéressant d’examiner quelles sont les valeurs des Français.
  • 16. ! "'! Si la France était une entreprise, ses valeurs affichées pourraient être celles qu’on retrouve dans la devise de la République Française, « Liberté, Egalité, Fraternité ». Mais s’en tenir à ces trois concepts serait réducteur, car ils ne peuvent pas représenter l’ensemble des valeurs individuelles. Afin d’avoir une vision plus globale, nous pouvons nous intéresser à une étude de l’institut TNS Sofres. Le sondage du 7 mai 2000 met en avant les valeurs les plus importantes pour les Français. A la question « Quelles seraient les valeurs d’une société dans laquelle vous aimeriez vivre ? », l’institut de sondage a retenu les réponses suivantes10 : L'honnêté 41 La justice 32 L'amitié 30 L'égalité 30 La famille 28 Le respect de l'environnement 27 La liberté 25 Les droits de l'homme 24 La tolérance 24 La générosité 22 Le goût du travail 22 La politesse 20 La sincérité 17 Le courage 15 La responsabilité 14 La discipline 13 La fidélité 13 L'humour 12 L'honneur 10 L'optimisme 6 La réussite matérielle 5 Le patriotisme 3 NSP 2 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 10 TNS SOFRES, Enquêté réalisée auprès d'un échantillon représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus. 956 personnes ont été interrogées de 2 au 4 mars 2000 par téléphone. Echantillonnage par la méthode des quotas : sexe, âge, profession du chef de famille, région et catégorie d'agglomération. Consultable sur http://www.ipsos.fr/ipsos-public- affairs/sondages/valeurs-francais
  • 17. ! "(! Figure 2 : Classement des valeurs des Français selon l’enquête TNS Sofres de mai 2000. Parmi les premières valeurs privilégiées par les Français, nous retrouvons les grands thèmes de la devise de la République Française. Nous pouvons voir que les valeurs mises en avant au niveau étatique sont partagées par la population. Les valeurs conservent donc une forte dimension collective. 1.4Valeurs et Identité : la culture d’entreprise La notion de valeur d’entreprise peut se rapprocher de celle de culture d’entreprise. Ces deux concepts font appel à un registre commun, mais ils sont cependant de nature différente. Pour comprendre cette différence, nous allons d’abord nous attacher à définir le concept de culture. En philosophie, on définit la culture en l’opposant à la nature, en différenciant ce qui est acquis de ce qui est inné. La culture serait un trait propre à l’homme, qui a évolué en transformant la nature. En sociologie, la culture est ce qui est commun à un groupe. Elle permet de souder les individus. Elle est constituée de représentations, de normes et de valeurs qui orientent les actions de chacun. Nous pouvons retenir également la définition de l’UNESCO, qui englobe de nombreuses composantes : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances. »11 Ces premières définitions nous apprennent que la culture est un phénomène humain, qui permet de souder les individus. Elle est composée d’un grand nombre d’éléments, de principes, parmi lesquels figurent les valeurs. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 11 UNESCO, Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles, 6 août 1982.
  • 18. ! ")! Pour comprendre à quel niveau interviennent les valeurs dans cet ensemble d’éléments composant la culture, nous pouvons examiner les travaux de Fons Trompenaars, spécialiste en communication interculturelle.12 Il répartit les éléments culturels en trois niveaux : , Un niveau qui regroupe les pratiques, les modes de vie, les rituels et les symboles. C’est le niveau « superficiel » de la culture, celui qui est perceptible au premier abord. , Un niveau intermédiaire où apparaissent les normes. Celles-ci sont le plus souvent formalisées. On retrouve ici les valeurs affichées. , Un troisième niveau, beaucoup plus informel, plus difficile d’accès et de compréhension, celui des valeurs au cœur de la culture organisationnelle. Cette approche nous montre que les valeurs sont une partie spécifique de la culture. Elles peuvent être formelles, mais les véritables valeurs sont informelles et difficiles à découvrir. Elles sont partagées par les membres de l’organisation et sont donc au fondement de la culture. C’est à partir de celles-ci que peut se développer la culture. On retrouve l’essence de l’identité de l’entreprise dans les valeurs de marque. Celles-ci sont autant de concepts qui donnent une personnalité et une culture à la marque. Elles donnent du sens aux produits et aux services vendus par l’organisation. Les marques revendiquent de plus en plus des valeurs qui seraient associées à leurs produits. On peut par exemple citer la maison Chanel, qui représente la modernité et l’insolence, ou Nike, qui inspire la pugnacité et la victoire. Notre objet d’étude aurait donc pu être l’étude de la culture d’entreprise et de son application dans les pratiques RH. Il semble cependant que l’utilisation de la culture organisationnelle comme outil de management soit difficilement applicable. En effet, comme le souligne Alain Etchegoyen13, la culture d’entreprise peut parfois être un frein à la performance de l’entreprise, et la gêner dans son adaptation à l’environnement. La culture collective évolue lentement, et elle n’est pas toujours adaptée aux changements permanents qu’entraine la mondialisation. Elle peut donc entrainer des résistances au changement. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 12 Cité par MEIER Olivier, Management interculturel, Dunod, 2013. 13 ETCHEGOYEN Alain, « Entreprise, éthique et identité », in Identité et culture en entreprise, Publications de l’Université Paris 7, Paris, 1992.
  • 19. ! "*! De plus, l’internationalisation des entreprises et la création de filiales dans des pays appartenant à des civilisations différentes peuvent rendre plus difficile la constitution d’une culture commune. Il est cependant important de retenir que les valeurs sont liées à la culture de l’entreprise, puisqu’elles sont à la source de celle-ci. On ne peut donc pas séparer valeurs et culture organisationnelle. 1.5Valeurs et Ethique d’entreprise 1.5.1 Définition ! Dans les sociétés occidentales, on observe une modification des valeurs dans les dernières décennies. On constate une baisse des pratiques religieuses, ainsi qu’une tendance au « libéralisme culturel » : on tolère de plus en plus le divorce, l’homosexualité, l’avortement ou l’euthanasie. De manière générale, le choix individuel prend plus de poids dans la façon de vivre. Il semble donc que les valeurs collectives sont condamnées à être positionnées en retrait, face aux valeurs individuelles qui seraient celles qui guident le comportement de chacun. Pourtant, la notion de valeur dans son sens collectif est de plus en plus mise en avant en entreprise. Les grands groupes comme les PME cherchent aujourd’hui à formaliser, diffuser et afficher des systèmes de valeurs. On peut relever une dimension éthique dans cette démarche, en cherchant à mettre en avant l’idéal vers lequel tend l’organisation, par des comportements et des attitudes valorisées. Les valeurs dans l’entreprise ont une dimension éthique, liée à la recherche d’un idéal. L’éthique a un sens qui est proche de celui de la morale, mais il convient de distinguer ces deux concepts. Le mot « morale », du latin mores signifie coutumes, mœurs. Elle cherche à dire ce qui est bon, ce qui est bien, de façon générale. Elle s’applique à tous au sein d’une même culture, et elle énonce les grands principes qui doivent guider l’individu dans son existence. L’éthique se situe à un niveau plus individuel. Elle recommande des
  • 20. ! #+! comportements face à des situations données concrètes. Elle est relative, contrairement à la morale qui est universelle. Si la morale et l’éthique ont en commun la volonté de régler les comportements, la première concerne des concepts absolus, le bien et le mal, alors que l’éthique désigne ce qui est bien ou mal relativement à un individu ou à une organisation.14 C’est donc bien la dimension éthique qui est à retenir dans le cadre d’une étude sur les valeurs d’entreprise. En effet, les valeurs sont une donnée relative, qui peut s’appliquer à une organisation particulière. 1.5.2 Ethique et entreprise Dans les années 1990, les politiques éthiques se sont développées dans les entreprises. En effet, les dirigeants ont pris conscience de l’importance de formaliser des engagements éthiques, qui répondent à des enjeux internes et externes.15 Sur le plan interne, les préoccupations éthiques permettent de promouvoir des comportements chez les collaborateurs, et également de maintenir leur unité. Sur le plan externe, elles permettent de se conformer aux exigences politiques et sociales. En effet, la société dans son ensemble a des attentes vis à vis des entreprises. Leurs comportements sont scrutés par les consommateurs, mais aussi les salariés ou les fournisseurs. L’éthique participe donc à l’image de l’entreprise auprès de ces différents publics. L’impact des débats sur la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) est également à prendre en compte. Si ce concept semble récent, il trouve pourtant ses sources dans des pratiques qui se sont développées au tournant du XXème siècle aux Etats Unis. Aux aspirations religieuses protestantes qui les poussent à se préoccuper du salut de leur âme, les entrepreneurs intègrent une dimension pratique, qui cherche à retenir la main d’œuvre compétente. C’est cette démarche qui a encouragé les comportements paternalistes, puisque il est alors considéré comme normal pour l’homme d’affaires qui a réussi de contribuer au !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 14 COMTE-SPONVILLE André, Valeurs et vérités, Etudes cyniques, Presses Universitaires de France, 1994. 15 MERCIER Samuel, L’Ethique dans les Entreprises, Repères, 2004.
  • 21. ! #"! bien être de sa communauté. Après la crise de 1929, cette tendance devient de plus en plus rare. Elle revient pendant les années 50, prenant appui sur les mouvements sociaux aux Etats Unis, comme la lutte pour les droits civiques ou les premières revendications écologiques. La RSE constitue l’interface entre l’entreprise et la société. Elle regroupe plusieurs dimensions16 : , elle permet de maintenir l’équilibre entre les deux entités. La société exerce un contrôle social sur l’entreprise, qui permet de faire converger leurs buts communs. , elle rend compatible la recherche du profit et la réalisation d’actions responsables. Elle met en évidence les relations de pouvoirs entre l’entreprise et les acteurs sociaux. , elle montre l’influence de la culture dans laquelle l’entreprise s’inscrit, comme les facteurs religieux par exemple , elle met en jeu les représentations sociales. Elle est le fruit d’une négociation entre l’identité de la société et l’identité de l’entreprise. Les nouvelles générations de salariés sont de plus en plus sensibles aux démarches éthiques. Pour les nouveaux collaborateurs issus de la « Génération Y », l’entreprise doit toujours remplir ses fonctions économiques, mais également favoriser le développement personnel et professionnel de ses équipes.17 L’idée de conduire une démarche d’éthique en entreprise est aujourd’hui fortement répandue, surtout dans les grands groupes. On considère que la performance d’une entreprise ne peut plus se réduire à ses seuls résultats économiques et financiers. De plus, on insiste sur le fait que tous les moyens ne sont pas acceptables pour atteindre les résultats économiques, même s’ils ne sont pas condamnés par la loi. Les entreprises tiennent compte de la dimension éthique dans leur stratégie et leur organisation, que ce soit par la formalisation de chartes éthiques, ou par la création de processus et de métiers liées à l’éthique.18 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 16 GOND Jean-Pascal, IGALENS Jacques, La Responsabilité Sociale de l’Entreprise, Presses Universitaires de France, 2012.! 17 WELLHOFF Thierry, Les valeurs : donner du sens, Guider la communication, Construire la réputation, Eyrolles, 2010. 18 MESURE Hervé, LAURIOL Jacques, « L’éthique d’entreprise : présentation, bilan et interprétation » in Humanisme et Entreprise, numéro 267, 2005.!
  • 22. ! ##! 1.5.3 Ethique et valeurs d’entreprise La démarche de construction des valeurs peut correspondre à une volonté de promotion de l’éthique dans l’entreprise. On remarque dans plusieurs organisations qu’il existe une correspondance entre les pratiques éthiques et la formalisation des valeurs. Le groupe EDF a crée une charte éthique, qui reprend les trois grandes valeurs corporate de l’entreprise : Respect, Solidarité, Responsabilité. Considérant que l’électricité n’est pas un produit comme les autres, le groupe est investit d’une mission d’intérêt général. Sa politique éthique se concentre principalement sur la sécurisation de l’approvisionnement en énergie, sur la recherche d’un accès équitable à celle-ci, et sur l’attention portée au développement durable des territoires. EDF met en avant dans sa charte une déclinaison d’engagements en conformité avec ses valeurs éthiques : sécurité des personnes et sûreté des installations, maîtrise des risques environnementaux et des impacts sur l’homme et la nature, ne pas imposer d’objectifs contraires à la politique éthique, et garantir aux salariés un droit d’alerte sans représailles.19 Les valeurs d’entreprise liées à l’éthique peuvent-elle se concilier avec la recherche de performance et de profit des organisations ? Considérer que les valeurs répondent simplement à des objectifs de développement durable serait réducteur. En effet, les valeurs doivent guider l’entreprise dans son activité propre, et dans la réussite de l’ensemble de ses objectifs. Elles doivent donc pouvoir regrouper à la fois éthique et intérêt. 1.6Panorama des valeurs des entreprises françaises Plusieurs études ont été réalisées pour étudier les grandes valeurs mises en avant par les entreprises. Nous retiendrons celle de Thierry Wellhoff, fondateur de l’agence de communication Wellcom, qui publie l’Index International des valeurs corporate.20 Il réalise une typologie des valeurs en étudiant 4000 entreprises dans 30 pays. Ses travaux lui permettent de classer les valeurs en huit grandes familles : , les valeurs de compétence : !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 19 EDF, Charte Ethique Groupe, 2013. http://ethique.edf.com 20 WELLCOM, Index international des valeurs corporate, 2013!
  • 23. ! #$! Elles mettent en avant le savoir-faire et le professionnalisme des entreprises qui les affichent. Confidentialité, satisfaction client, détermination, différentiation, efficacité, excellence, international, savoir- faire, orientation marché, organisation, prévention, professionnalisme, qualité, rapidité, réputation, service, pérennité, création de valeur. , les valeurs gagnantes : Cette catégorie regroupe les valeurs liées à l’ambition, à la recherche d’être le premier dans son secteur d’activité. Ambition, anticipation, compétitivité, courage, enthousiasme, esprit entrepreneurial, exclusivité, esprit combatif, croissance, initiative, innovation, performance, succès. , les valeurs de conduite : Elles donnent des règles de conduite en interne et en externe. Adaptabilité, attention, attractivité, authenticité, disponibilité, clairvoyance, liberté, humilité, humour, individualité, inventivité, modernité, ouverture, passion, fierté, exigence, responsabilité, simplicité, implication de l’équipe, tradition. , les valeurs relationnelles : Elles identifient les modes d’interactions qui sont valorisés dans l’entreprise, entre les collaborateurs, mais aussi avec les clients, les fournisseurs … Accessibilité, communication, confiance, considération, convivialité, harmonie, partenariat, proximité, respect. , les valeurs morales : Elles guident les collaborateurs dans le comportement qu’ils doivent adopter dans l’entreprise mais aussi à l’extérieur quand ils représentent celle-ci. Ethique, intégrité, loyauté, honnêteté, transparence, franchise. , les valeurs sociétales : Elles montrent la façon dont l’entreprise cherche à interagir avec la société. C’est dans cette catégorie qu’on regroupe les valeurs qui s’inspirent du développement durable. Environnement, santé, partage, responsabilité sociale, développement durable. , les valeurs d’épanouissement :
  • 24. ! #%! Ce sont celles qui s’intéressent à l’humain dans l’entreprise. Esthétisme, humanisme, développement personnel, plaisir, sensibilité, talent. , les valeurs sociales : Elles fédèrent les salariés en faisant la promotion d’un management participatif et juste. Egalité, équité, amélioration de la qualité de vie, intégration, mutualisme, participation, patriotisme, pluralisme, démocratie. Thierry Wellhoff recense les valeurs d’un grand nombre d’entreprises françaises, et permet de voir quelles sont les familles de valeurs privilégiées : Figure 3 : Classement des valeurs dans les entreprises françaises selon le nombre de salariés, à partir des recherches de Thierry Wellhoff. Ce classement des valeurs les plus utilisées dans les entreprises françaises nous donne plusieurs informations intéressantes pour notre étude. Tout d’abord, nous pouvons observer que les valeurs des catégories sociétales et sociales, qui sont celles qui se rapprochent le plus de la notion d’éthique de l’entreprise, sont parmi les moins mises en avant par les organisations. En revanche, les valeurs liées aux compétences et les valeurs gagnantes sont les plus utilisées, ce qui montre que les entreprises choisissent +-! &-! "+-! "&-! #+-! #&-! $+-! $&-! Classement des valeurs dans les entreprises françaises + de 5000 1000 à 5000 - de 1000
  • 25. ! #&! des valeurs liées à leur activité et leur métier. Elles sont un moyen de se démarquer des concurrents, et de se placer en position de leader.
  • 26. ! #'! #" Construction des valeurs d’entreprise 2.1L’intérêt d’une entreprise à formaliser ses valeurs Pour Alain Desreumaux, une organisation regroupe nécessairement trois éléments distincts et complémentaires : les activités productives, les relations entre les individus, et les valeurs partagées. Les valeurs permettent d’apporter stabilité et cohérence, et de préserver l’identité de l’entreprise. L’équilibre apporté par les valeurs permet à l’entreprise de s’adapter aux mutations économiques et sociales.21 Les valeurs permettent de trouver un équilibre entre l’adaptation à l’environnement, et la conservation de la cohésion interne. Elles sont donc un outil précieux de management, et peuvent représenter un avantage stratégique pour une entreprise sachant correctement les utiliser. Les valeurs peuvent être considérées comme une ressource pour les entreprises et leur apporter un avantage concurrentiel dans la mesure où elles sont bien utilisées. Jay Barney définit le concept de ressource par la combinaison de plusieurs éléments22 : , la ressource doit permettre de saisir une occasion ou d’échapper à une menace , elle doit être rare pour être stratégique , elle ne doit pas pouvoir être imitée , son appropriation doit être lente (longévité de la ressource) , elle ne peut être substituée. Nous comprenons ainsi pourquoi les dirigeants cherchent à formaliser, mettre en avant et entretenir les valeurs de l’organisation dont ils ont la responsabilité. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 21 DESREUMAUX Alain, Théorie des Organisations, Management et Société, 1998! 22 BARNEY Jay, « Firm resources and sustained competitive advantage », in Journal of Management, 1991.!
  • 27. ! #(! 2.2La formalisation des valeurs d’entreprise 2.2.1 Les sources des valeurs d’entreprise Nous pouvons parfois nous demander si les processus de formalisation des valeurs mettent en avant des valeurs plaquées par commodité, ou par stratégie de communication qui ne correspondraient pas au contexte de l’entreprise dans laquelle elles apparaissent. Les valeurs seraient alors interchangeables et choisies selon la volonté seule du management en place. Pourtant, un grand nombre de facteurs semble nécessaire à l’émergence de valeurs23 : , les valeurs du fondateur , les valeurs des cadres et des managers en place , les valeurs des collaborateurs , l’influence des acteurs extérieurs (fournisseurs, clients, consultants) , la legislation , les valeurs sociales , l’histoire et la tradition de l’organisation La source des valeurs est multifactorielle et nous pouvons donc écarter l’explication d’une formalisation « artificielle » de valeurs choisies de façon délibérée, dans un but communicationnel ou marketing. Dans les entreprises, les valeurs sont souvent présentes à l’origine de la création de l’organisation, et fortement inspirées de la mentalité du fondateur. C’est à partir de lui que vont se forger les valeurs. Elles font donc partie de l’histoire d’une entreprise et sont nourries par l’ensemble des évènements qu’a connus l’organisation. Cette mémoire collective permet de fixer certains comportements qui sont jugés positifs. Les procédures, les modes de management et les avantages accordés aux salariés ont une influence sur les valeurs en se transmettant de génération en génération. Mais c’est souvent bien plus tard qu’une organisation va chercher à formaliser ses valeurs. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 23 DOLAN Shimon, GARCIA Salvador, Op Cit p13.
  • 28. ! #)! 2.2.2 Le cas de l’entreprise Fournier Les travaux de Samuel Mercier sont particulièrement éclairants en ce qui concerne la recherche d’identification et de mise en avant des valeurs. Il étudie ce processus en s’appuyant sur l’exemple de l’entreprise Fournier, et montre comment les valeurs peuvent constituer des « ressources-clés» pour les entreprises, et comment elles peuvent être à l’origine d’une meilleure performance pour les organisations.24 Le groupe Fournier est une entreprise française du secteur pharmaceutique, fondée en 1880. Elle emploie 4 200 collaborateurs répartis en trois divisions. L’organisation a conservé une forte culture familiale, et aujourd’hui encore plus de 90 % des actionnaires appartiennent à la famille du dirigeant. De part le secteur dans lequel elle évolue, l’entreprise doit s’adapter de plus en plus à son environnement qui évolue sans cesse. La prise en compte de la stratégie de l’entreprise est fondamentale pour éclairer son processus de formalisation des valeurs. Le groupe Fournier cherche depuis la fin des années 90 à s’imposer comme un acteur européen à influence mondiale, tout en parvenant à préserver ses valeurs familiales. On voit bien comment cette ambition de fort développement est difficilement conciliable avec un management et des processus de fonctionnement de type « familial », qui supposent une forte proximité et une forte concertation entre les différents acteurs. Les dirigeants ont d’ailleurs noté un décalage entre les valeurs affichées et ce que le personnel perçoit et vit au quotidien. Les valeurs formalisées sont la transparence et l’esprit d’équipe, alors que les collaborateurs signalent un manque de dialogue et de communication, et un manque de confiance dans les équipes. Conscients de l’enjeu de faire adhérer le personnel aux valeurs communes afin d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés sur le long terme pour l’entreprise, les dirigeants ont souhaité entamer un processus de clarification de leurs valeurs. Conscients de la nécessité d’impliquer les managers, les dirigeants ont débuté la démarche en réunissant les 100 cadres du groupe positionnés en haut de l’organigramme. Lors d’un séminaire, il leur a été demandé de réfléchir sur les valeurs communes au sein d’ateliers de !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 24 MERCIER Samuel, « L’instrumentalisation des valeurs : une ressource stratégique pour l’entreprise ? » in Gestion, 2001.
  • 29. ! #*! dix personnes. Ces ateliers ont permis de faire émerger les cinq valeurs les plus importantes au sein de l’organisation : respect des personnes, responsabilité, esprit d’équipe, esprit d’entreprise, transparence. Mais cette étape n’est pas suffisante. Pour que les valeurs aient un sens et qu’elles puissent constituer un avantage pour les entreprises, elles doivent être expliquées pour être mises en application. Le groupe Fournier a donc envoyé à ces 100 mêmes cadres un questionnaire leur permettant de les décliner sous forme de processus et d’actions. Le but ici est d’identifier les écarts entre ces valeurs identifiées et les pratiques de l’entreprise. Cette étape a permis de montrer les principaux freins internes à l’application des valeurs : , le manque de communication interpersonnelle dans l’entreprise , des rôles pas assez clairement définis dans l’organisation , des besoins de formation en management, mais aussi en relation client. Ensuite, des groupes de travail ont été formés pour définir les valeurs dans le détail. Le rendu attendu devait proposer une explication de la valeur et des illustrations par des exemples applicables à l’ensemble des fonctions de l’organisation. Le résultat obtenu a été le suivant : , le respect de la personne : à l’interne et à l’externe. Pour le mettre en application, les collaborateurs doivent « traiter l’autre comme ils souhaiteraient qu’on les traite ». , la responsabilité : prendre conscience de ses actes et les assumer, sur les plans individuels, collectifs et sociaux. , l’esprit d’équipe : il doit favoriser la collaboration entre les salariés qui travaillent sur des missions communes. , l’esprit d’entreprise : il favorise l’initiative et la prise de risque , la transparence : elle améliore la communication interpersonnelle et facilite l’accès et la diffusion de l’information dans l’organisation. Cette formalisation a été validée par la direction, qui a ensuite organisé la mise en œuvre des valeurs. Pour cela, chaque division de l’entreprise a dû réfléchir sur ces valeurs pour se les approprier, et choisir des actions prioritaires pour les appliquer. La direction a également insisté sur la nécessité d’établir un plan de communication à tous les niveaux de la hiérarchie, et de mettre en place des objectifs de progrès et des indicateurs de mesure appropriés.
  • 30. ! $+! L’étude de Samuel Mercier se focalisant strictement sur la formalisation des valeurs, elle se termine lors de cette étape cruciale de la mise en application. L’auteur ne se contente pas de nous décrire le processus, mais il analyse celui-ci en cherchant à identifier les obstacles inhérents à la formalisation des valeurs dans une organisation. Il en retient deux principaux : la cohérence entre les valeurs et la stratégie globale de l’entreprise, et la difficile concrétisation de ces principes dans les pratiques professionnelles. Définir des valeurs cohérentes avec la stratégie de l’entreprise est primordial. Pour rappel, les orientations stratégiques du groupe Fournier prévoient une montée en puissance sur les marchés internationaux aux niveaux européen et mondial. En parallèle du travail sur les valeurs, les cadres de l’entreprise ont du réfléchir aux compétences managériales à développer pour atteindre les objectifs. L’auteur s’est aperçu que les éléments remontés étaient différents de ceux mis en avant lors du travail sur les valeurs. Au lieu de favoriser la responsabilité, la communication, l’écoute et la proximité avec les équipes, les cadres ont insisté sur la pensée stratégique, la capacité à influencer et l’utilisation des données financières. Ces éléments sont tous liés à la performance organisationnelle de l’entreprise, sans tenir compte de la performance relationnelle attendue par les valeurs. On voit donc bien qu’au moment de prendre des décisions, les cadres vont devoir privilégier l’une ou l’autre de ces approches, et pourront difficilement les concilier. Pourtant, c’est l’exemplarité des cadres qui peut permettre l’appropriation et la mise en application des valeurs par l’ensemble des collaborateurs. La deuxième difficulté remontée par Samuel Mercier réside dans la concrétisation des valeurs dans les pratiques professionnelles. Pour réduire l’écart identifié au début du processus entre valeurs affichées et valeurs vécues, il est nécessaire de s’approprier les valeurs. Celles-ci ont été formalisées par 100 cadres de l’entreprise, on peut donc imaginer que l’appropriation sera facilitée pour ces personnes. Mais qu’en est-il du reste des 4 200 collaborateurs du groupe ? Au delà de l’appropriation par les individus, l’application concrète est difficile à mettre en œuvre. La valeur « transparence » est limitée dans son application par l’impossibilité dans une entreprise de dévoiler toutes les informations à tous les salariés. En ce qui concerne la « responsabilité », l’entreprise fait face à deux obstacles : les collaborateurs vont devoir accepter d’être jugé sur leurs actes, ce qui n’était pas forcément le cas jusque là. Plus difficile
  • 31. ! $"! encore, les managers vont devoir accepter de favoriser la responsabilisation de leurs équipes, et donc leur autonomisation alors que certains souhaiteraient conserver leur autorité entière. En conclusion, l’auteur met en avant trois grands principes à prendre en compte dans toute démarche de formalisation des valeurs : , faire participer au maximum les membres de l’organisation afin de faciliter l’appropriation et la mise en application , laisser du temps pour que les mentalités et les pratiques évoluent. Le travail sur les valeurs porte ses fruits sur le long terme , chercher à conserver une certaine cohérence entre les valeurs et les pratiques professionnelles. Il pourrait être tentant de mettre en place des processus participatifs de formalisation des valeurs mobilisant l’ensemble des salariés d’une organisation. Mais il semble difficile selon l’auteur de parvenir à obtenir un consensus avec un trop grand nombre de participants. Nous verrons pourtant dans notre étude terrain que certaines entreprises ont réussi à mener ce chantier à bien. Les obstacles qu’une organisation rencontre dans le cadre de la formalisation de ces valeurs peuvent également être dus à la difficulté plus générale d’appliquer des principes éthiques en entreprise. Pour Eric Godelier25, la première difficulté réside dans le fait que l’éthique ne se « décrète » pas. L’existence d’une charte éthique ne suffit pas à rendre l’organisation éthique. Il faut que celle-ci s’incarne dans la communauté professionnelle. Il est également nécessaire qu’un débat soit organisé autour des valeurs pour qu’elles soient acceptées. Il note également la difficulté de transcrire dans des actes des notions éthiques, et que la cohérence entre des principes moraux et des objectifs commerciaux est difficile à atteindre. Nous retiendrons ici que la formalisation des valeurs représente des intérêts pour l’entreprise, puisqu’elle permet de souder les équipes, et qu’elle peut constituer un avantage concurrentiel si les valeurs sont correctement partagées et appliquées. Mais il existe également des points de vigilance inhérents à tout projet de formalisation des valeurs, qui résident principalement !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 25 GODELIER Eric, La culture d’entreprise, La Découverte, Paris, 2006.
  • 32. ! $#! dans le choix des acteurs qui vont travailler sur ce thème, et dans la nécessaire cohérence à obtenir avec la stratégie et les pratiques de l’entreprise.
  • 33. ! $$! $" Construction des pratiques de Gestion des Ressources Humaines. 3.1La nécessité de fixer des règles de gestion du personnel. La volonté d’élaborer des processus pour la gestion des ressources humaines peut découler de plusieurs impératifs, qui peuvent se cumuler : , le passage à un seuil important des effectifs de salariés dans l’entreprise, qui nécessite l’organisation de la gestion du personnel , l’encadrement et l’harmonisation des pratiques au sein de l’entreprise , la volonté d’obtenir une certification qualité, qui implique l’existence de processus. La vie de l’entreprise, ses réussites et sa croissance entrainent souvent une augmentation des effectifs. Avec un nombre réduit de salariés, la fonction RH est souvent prise en charge par un service administratif et financier. Il y a donc peu de formalisation des activités. C’est le cas de nombreuses start-up, qui fonctionnaient au départ sur un mode de management et de gestion interne « familial », et qui ont dû se professionnaliser en se pérennisant. En parallèle, l’augmentation du nombre de salariés, et donc de managers, a nécessité la fixation de règles acceptées par tous pour gérer les relations au travail. En effet, il est difficile de faire coexister dans une même organisation des modes de management, de recrutement ou d’évaluation différents. Mais c’est souvent la dernière raison qui pousse les entreprises à formuler des processus. La norme ISO 9000 notamment, qui concerne la qualité dans l’entreprise, est souvent à l’origine de cette démarche. Cette norme utilisée par un million d’entreprises dans plus de 170 pays26 devient incontournable pour de nombreuses sociétés, notamment celles qui doivent répondre à des cahiers de charges précis si elles exercent des activité de sous-traitance. La norme ISO 9001, chargée d’établir les exigences d’un système de management de la qualité, définit un processus comme un « système organisé d’activités qui utilise des ressources (personnel, équipement, matériel et machines, matières premières, information) !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 26 Site officiel de la norme ISO 9000 http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/management- standards/iso_9000.htm
  • 34. ! $%! pour transformer des éléments entrants en éléments de sortie dont le résultat attendu est un produit ou un service ». 27 La définition et le respect de processus clairs est un des principaux principes de cette norme, puisqu’ils permettent d’atteindre les résultats attendus de manière efficiente, en diminuant les coûts et en améliorant les délais et la qualité. Mais la formalisation de processus permet également de favoriser l’amélioration continue en mettant en avant les axes de progrès. Selon la norme ISO 9001, la construction d’un processus implique une définition précise des activités qui sont nécessaires pour aboutir au résultat recherché, mais aussi des responsables de chaque activité. Il doit également montrer les ressources et les méthodes à utiliser. Parmi l’ensemble des processus RH existants, nous avons choisi de nous focaliser sur deux éléments qui semblent être les plus parlants pour l’application des valeurs dans l’entreprise : le recrutement et l’évaluation des collaborateurs. En effet, ces processus sont ceux pour lesquels l’entreprise est amenée à faire des choix importants, tout d’abord en intégrant ou non un individu, puis en choisissant de le récompenser ou de le faire évoluer. 3.2Le Recrutement 3.2.1 Définition ! Le recrutement regroupe l’ensemble des actions mises en œuvre pour trouver le talent correspondant aux besoins d’une organisation dans un poste donné. C’est un acte de management important et délicat qui nécessite un temps de réflexion et une prise de décision argumentée. Il doit répondre aux besoins immédiats et futurs de l’entreprise. C’est également un acte humain, ce qui entraine des aléas, principalement liés à la subjectivité. Ceux-ci ne peuvent pas être éliminés, mais ils peuvent être considérablement réduits. C’est aussi un acte juridique qui est encadré par le code du travail, et qui répond à un certain nombre de contraintes et obligations légales. Le recrutement est un des domaines des Ressources Humaines à la source de nombreuses discussions et de nombreuses attentions. En effet, il met en relation l’organisation avec les individus qui n’appartiennent pas à l’entreprise et qui cherchent à y entrer. C’est un moment !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 27 Principes de Management de la qualité, ISO, Genève, 2012.
  • 35. ! $&! où l’entreprise s’ouvre sur l’extérieur, avec notamment la diffusion d’offres d’emploi ou l’implication de prestataires (cabinets de recrutement, chasseurs de tête). Pour les individus, le recrutement est un moment important, qui va décider s’ils sont accueillis ou repoussés par l’entreprise à laquelle ils souhaitent appartenir. Enfin, le recrutement est observé attentivement par la société. En période de crise, le redémarrage des démarches de recrutement est perçu comme un élément annonçant la reprise de l’activité économique. Au contraire, le gel des embauches est souvent synonyme de difficultés à venir. L’image de la bonne santé économique du pays est donc liée en partie au recrutement. 3.2.2 Le cadre juridique Le code du travail encadre de manière assez stricte le recrutement dans l’entreprise. De manière générale, la décision finale de recrutement doit être prise selon des critères liés au domaine professionnel, de manière objective, et ne doit pas être fondée sur des éléments qui sont extérieurs au travail. C’est l’article L1132-1 du Code du Travail qui nous fournit les règles à respecter concernant le recrutement de nouveaux collaborateurs : « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou une période de formation en entreprise ». Il prévoit également que : « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle en raison : , de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de son apparence physique, de son nom de famille, , de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, , des ses convictions religieuses, , ou en raison de son état de santé ou de son handicap ».
  • 36. ! $'! Nous pouvons voir que les dispositions encadrant la pratique du recrutement sont liées au principe de non discrimination des candidats. Contrevenir à ces pratiques peut avoir des conséquences graves pour l’entreprise, d’une part pour sa réputation, et d’autre part sur le plan judiciaire. Sur le plan pénal, la discrimination à l’embauche est un délit passible d’une sanction pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Par ailleurs, si le candidat saisit le juge civil ou le conseil prud’homal avec des éléments factuels de discrimination, l’employeur encourt des sanctions financières. Il est donc essentiel de fonder son choix sur des critères uniquement professionnels, liés aux compétences et au potentiel du candidat. Afin de pouvoir se défendre contre une attaque éventuelle devant la justice, il est important de conserver une trace des informations liées au recrutement, pour éventuellement pourvoir prouver la non-discrimination des décisions prises. 3.2.3 Les étapes du recrutement Le Recrutement est souvent assimilé à tort à la sélection des candidats. L’étape des entretiens et des tests qui vont permettre de choisir le futur collaborateur n’est qu’une partie du recrutement. Négliger les autres aspects qui précèdent et qui suivent l’entretien de recrutement entraîne bien souvent l’échec de tout le processus. Dans la grande majorité des entreprises on retrouve le même enchainement d’étapes indispensables pour mener à bien une action de recrutement. On peut parfois observer certaines différences dans l’application, mais le processus comporte toujours une première phase de réflexion sur le besoin et le profil, une phase de recherche de candidats et de sélection, et une phase d’intégration. Nous retiendrons ici les travaux de Bernard Martory et Daniel Crozet28, dont les recherches se sont imposées comme la théorie « classique » du recrutement. Elles constituent une base pour l’étude de ce processus, qui fut ensuite reprise, complétée ou réfutée par beaucoup d’autres chercheurs. Mais le processus qu’ils ont mis en avant est celui qui reste le plus utilisé dans les entreprises. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 28 MARTORY Bernard, CROZET Daniel, Gestion des Ressources Humaines : Pilotage social et performances, Paris, Dunod, 2010.
  • 37. ! $(! Figure 4 : Les phases du recrutement selon les travaux de Bernard Martory et Daniel Crozet La première étape d’un processus de recrutement est celle de la définition du besoin. Il s’agit de comprendre les exigences liées au poste à pourvoir. A ce stade, il est fréquent de se baser sur une définition de poste si elle existe (par exemple si un recrutement similaire a déjà été réalisé par le passé). Dans ce cas, il reste indispensable de vérifier si cette fiche de poste est toujours valable, et si elle correspond bien aux attentes du nouveau recrutement. Les
  • 38. ! $)! évolutions technologiques ou des modifications dans l’organisation internes peuvent en effet modifier les responsabilités et les compétences nécessaires à la tenue d’un poste. Cette fiche de poste doit donc être réalisée avec l’opérationnel qui a exprimé le besoin en recrutement, le plus souvent le supérieur hiérarchique du futur collaborateur. Au delà de la recherche des exigences du poste, il faut s’attacher à définir des compétences « élargies », liées au contexte de l’entreprise. En effet, le collaborateur devra disposer des compétences nécessaires à l’accomplissement de sa mission, mais il devra également être capable de trouver sa place dans l’organisation. Enfin, il est nécessaire de penser à l’avenir au moment d’un recrutement. Souvent dans les entreprises de taille moyenne, et systématiquement dans les grands groupes, le recruteur doit penser à l’évolution de carrière qui sera proposée au futur collaborateur. Il cherchera alors à définir des compétences nécessaires à la tenue d’un poste futur, qui ne seront pas forcément maîtrisés par le candidat recruté, mais au moins potentiellement développables (des capacités en management par exemple). Lors de cette étape, le professionnel des ressources humaines doit recueillir l’information auprès du manager, qui a la connaissance des activités et des tâches qui vont être confiées au collaborateur. La seconde étape du processus de recrutement est la rédaction d’un profil de poste. A partir de la fiche de poste, qui définit l’ensemble des missions et des responsabilités liées, le recruteur cherche à dégager les qualités à rechercher chez le candidat. Ces qualités sont liées à des expériences, des connaissances, des comportements, des attitudes, des motivations. Elles vont permettre, une fois réunies, de constituer le candidat idéal. Cette démarche est difficile, puisqu’il faut arriver à identifier quelles sont les compétences nécessaires à la réalisation d’une activité. C’est à partir de ce travail que sera rédigée l’offre d’emploi. Lors de cette étape, le manager et le recruteur travaillent ensemble pour définir les qualités à rechercher. Le professionnel des Ressources Humaines, grâce à sa connaissance des profils existants sur le marché de l’emploi, peut aider le manager à bien formaliser le profil. La troisième étape consiste à identifier les sources du recrutement. Les candidats potentiels peuvent être recherchés en interne, c’est à dire dans les effectifs déjà présents dans l’entreprise, ou à l’externe, sur le marché du travail. A l’externe, les sources sont multiples. Le
  • 39. ! $*! canal le plus adapté sera choisi en fonction de la situation : niveau de poste (cadre ou non cadre), budget alloué au recrutement… Selon les situations, le recruteur pourra s’adresser au Pôle Emploi ou à l’APEC29, diffuser l’offre d’emploi sur des « jobboards30 » gratuits ou payants, ou consulter les candidatures spontanées. La quatrième étape concerne le choix des moyens de recrutement. Il s’agit de décider qui mènera le projet de recrutement. Cela peut-être le manager, mais le plus souvent il s’agit du service RH de l’entreprise, et plus précisément du service recrutement s’il en existe un. Mais l’entreprise peut également faire le choix de s’adresser à un cabinet de recrutement spécialisé ou à un chasseur de têtes31. C’est principalement le poste à pourvoir qui va orienter le choix des moyens de recrutement. L’entreprise fera souvent appel à un cabinet de recrutement ou à un chasseur de tête pour les profils pénuriques, ou les postes prestigieux (chefs de service, membres du comite de direction). La cinquième étape est celle du lancement de la campagne de recrutement. Elle doit permettre de communiquer le besoin de l’entreprise à la cible identifiée, grâce à différents moyens. Cette phase aura des impacts très variables sur le budget recrutement en fonction des moyens utilisés. Le recours aux petites annonces sur les sites d’emploi peut se révéler très couteux (la publication d’une annonce peut être facturée entre 500 et 1 000 euros par site, sachant qu’elle est souvent publiée sur plusieurs portails). D’autres moyens pourront être moins chers pour l’entreprise, comme le recours aux candidatures ou l’exploitation des candidatures spontanées, mais ils pourront se révéler moins efficaces pour atteindre le candidat idéal tel que défini lors de la seconde étape. La sélection intervient seulement à partir de la sixième étape. Elle se réalise elle-même en plusieurs phases : réception des candidatures et tri au vu des CV et des lettres de motivation. Ce premier tri doit permettre de constituer une liste restreinte de candidats qui correspondent aux critères définis en amont. Selon les situations, on peut faire passer un ou !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 29 Agence pour l’emploi des cadres 30 Site internet qui permet aux candidats d’accéder à des offres d’emploi et de déposer leur candidature en ligne. Parmi les jobboards les plus connus, on retrouve Monster, Cadremploi, Régionsjobs.! 31 Les cabinets de chasse, ou de recrutement par approche directe, contactent des candidats déjà en poste et qui ne sont pas en recherche d’emploi, pour leur proposer un nouveau poste.!
  • 40. ! %+! plusieurs tests aux candidats retenus. Les tests peuvent être techniques (utilisation des outils de bureautique, vérification de compétences informatiques) ou liés à la personnalité. C’est lors de cette étape qu’intervient l’entretien de recrutement, sur lequel nous reviendrons en détails plus tard. La sixième étape est celle de la décision. Au terme de la phase précédente, le recruteur doit pouvoir arriver à une sélection finale de deux à quatre candidats sur lesquels vont porter les dernières discussions. Les personnes ayant participé au processus de recrutement confrontent leur avis sur les candidats, et cherchent à déterminer celui qui convient le mieux aux besoins du demandeur et de l’entreprise. A ce stade, la hiérarchie a souvent le dernier mot, et le recruteur est chargé de conseiller, et d’alerter le futur manager des points de vigilance concernant le candidat choisi. Quand le choix définitif est arrêté, le recruteur donne la réponse au candidat retenu (il s’occupe également de prévenir les candidats non retenus, et de leur expliquer les raisons du refus). Selon le poste, le recruteur s’occupe de la négociation salariale. La septième et dernière étape du processus classique de recrutement est l’intégration du nouveau collaborateur. Cette étape est très importante, et c’est malheureusement celle qui est le plus souvent négligée. Pourtant, une mauvaise intégration représente un risque pour l’entreprise. En effet, un candidat mal intégré aura des difficultés à être performant, même s’il dispose des compétences nécessaires pour l’exercice de la mission. De plus, s’il est mal accompagné, le nouveau collaborateur peut être déçu par l’entreprise, et chercher à partir. Il faudra alors recommencer depuis le début le processus de recrutement, ce qui occasionnera une perte de temps et d’argent conséquente pour l’organisation. Dans le cadre de l’intégration des nouveaux collaborateurs, les entreprises ont à leur disposition un grand nombre d’outils : livret d’accueil, journées d’intégration, rendez-vous régulier avec un interlocuteur dédié au sein du service Ressources Humaines, ou nomination d’un tuteur qui sera chargé d’accompagner le nouveau collaborateur pendant ses premières semaines dans l’entreprise. Nous pouvons souligner grâce à l’examen de ce processus que les efforts ne doivent pas se porter uniquement sur l’entretien et sur les méthodes de sélection utilisées. Si le besoin n’est pas correctement identifié et formalisé, le recruteur recherchera des compétences qui ne sont
  • 41. ! %"! pas celles nécessaires au demandeur et à l’entreprise. Si les sources mobilisées ne sont pas les bonnes, les candidats reçus seront trop ou trop peu qualifiés. Enfin, s’il est mal intégré, le candidat choisi sera déçu et risque de quitter l’entreprise, ou sera peu performant et ne répondra pas aux attentes de sa hiérarchie. 3.2.4 La sélection : méthodes et outils Beaucoup de questions se posent sur les pratiques du recrutement dans les entreprises, et plus particulièrement sur les méthodes utilisées par les recruteurs. L’acte de recrutement implique un jugement humain. Afin de limiter les risques d’erreur, et de minimiser la subjectivité dans le recrutement, de nombreux outils sont utilisés. Ils ne permettent pas de remplacer le jugement humain, mais ils aident à l’établir, en évitant certains biais subjectifs. Parmi les outils les plus utilisés, on retrouve les entretiens de recrutement, les tests de personnalité, la graphologie, les mises en situation… Certains DRH ou certains recruteurs considèrent ces outils comme fiables, ils sont donc déployés dans l’entreprise pour tous les recrutements. Pourtant, un outil n’est pas efficace dans l’absolu, de façon intrinsèque, mais en fonction d’une situation ou d’une organisation donnée. Le choix d’un outil de sélection doit donc se faire en tenant compte de nombreux paramètres32 : , l’urgence du recrutement : si le poste est à pourvoir le plus vite possible, par exemple dans le cas du départ imminent d’un salarié en poste, le recruteur choisira des outils rapides, dont il dispose déjà, et qu’il sait utiliser. Il cherchera également à utiliser des outils qui sélectionnent rapidement les candidatures quand le nombre de postulants est très important. , les moyens financiers disponibles : les coûts des outils utilisés peuvent être extrêmement variables. Un test de personnalité adapté à un poste précis peut coûter très cher. Les outils plus ou moins coûteux seront utilisés selon le niveau du poste. Plus le poste est stratégique pour l’entreprise, plus le recruteur aura recours à des outils onéreux. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 32 CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Gestion des ressources humaines, pratiques et éléments de théorie, Dunod, Paris, 2003.
  • 42. ! %#! , les compétences du recruteur : il est primordial d’utiliser des outils maîtrisés par le recruteur. Le choix d’appliquer un nouvel outil implique souvent la formation du recruteur à son utilisation. , la demande sociale : l’utilisation d’un outil particulier peut être liée à la confiance que l’ensemble des personnes impliquées dans le processus ont en lui. Chaque recrutement implique un entretien d’embauche, car c’est un outil reconnu (à tord ou à raison) comme utile et performant par les recruteurs, les demandeurs, les candidats, et la société en général. , les caractéristiques à tester : le choix d’un outil en particulier doit impérativement être lié aux compétences et aux qualités qu’on cherche à mesurer. Un test sur les capacités de management n’aura aucun intérêt pour un poste qui ne nécessite pas d’encadrement. , la population évaluée : les outils doivent être adaptés au public ciblé. Dans le cadre du recrutement de personnel peu qualifié pour des métiers manuels ne requérant pas l’utilisation de l’écrit, utiliser un test d’orthographe est sans intérêt. De plus, il risque d’être mal accepté par les candidats. Nous pouvons voir que le choix d’un outil est lié à sa capacité à répondre aux enjeux d’une situation donnée. Ces enjeux varient d’une entreprise à l’autre et d’un poste à l’autre. Il serait donc inefficace d’utiliser toujours les mêmes outils pour tous les recrutements de l’entreprise, même si celle-ci a utilisé des moyens financiers et humains pour les acquérir et les maîtriser. Il est essentiel de bien comprendre et analyser la situation en amont du choix des outils à mobiliser. Au delà de la pertinence du choix des outils de recrutement, la question de leur validité est souvent mise en avant. Peut-on parler réellement d’outil scientifique ? Nous pouvons nous attendre à ce que ce soit le cas si nous souhaitons utiliser des moyens qui permettent de rationaliser le jugement et d’éviter la subjectivité du recruteur. Pour qu’un outil puisse être considéré comme scientifique, il doit pouvoir remplir trois conditions essentielles33 : , il doit être constant et donner des résultats identiques dans des situations similaires. Si ce n’est pas le cas, c’est que le jugement rendu ne dépend pas des caractéristiques de !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! $$!CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Op Cit p39!
  • 43. ! %$! l’outil, mais de la subjectivité de celui qui les utilise (le recruteur). Il doit donner les mêmes résultats avec des recruteurs différents qui évalueraient la même personne, mais aussi garantir une certaine constance sur un laps de temps à court ou moyen terme. Nous imaginons mal un test de personnalité qui donnerait des résultats différents d’une semaine sur l’autre. S’il n’est pas stable, l’outil n’est pas fidèle. , il doit être discriminant, en permettant de distinguer de manière suffisamment significative les individus entre eux. Si un outil donne les mêmes notes à l’ensemble des candidats, il ne permet en aucun cas de choisir, et il est donc inutile pour le recruteur. , il doit être valide, en apportant des informations qui aident à la prise de décision. Il doit être pertinent pour la situation de recrutement donnée en donnant des indications sur la réussite potentielle dans le poste. La réflexion sur les compétences nécessaires à la tenue du poste est donc essentielle, comme nous avons pu l’exposer dans les phases composant le processus de recrutement. La difficulté réside dans le fait qu’on ne peut pas comparer la performance réalisée dans son poste par la personne qui a été choisie avec celle qu’auraient réalisé les candidats refusés. Nous voyons ici que le choix d’utilisation des outils de recrutement nécessite un long travail de réflexion stratégique. Dans les faits, les opérationnels n’ont ni le temps ni les moyens financiers ou humains d’approfondir suffisamment ce travail de réflexion. Ils n’ont souvent d’autre choix que d’utiliser les outils qu’ils maîtrisent, et de les appliquer dans toutes les situations, sans en vérifier réellement la validité. Nous allons à présent examiner quelles sont les méthodes de sélection utilisées par les entreprises françaises34 (services recrutements des entreprises et cabinets de recrutement), puis comparer cette utilisation aux recherches effectuées sur la validité des techniques de sélection35 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 34 à partir des travaux de BRUCHON-SCHWEITZER Marylou et LIEVENS Stefan, « Le recrutement en Europe – Recherches et pratiques », in Psychologie et Psychométrie, volume 12, 1991. $&!CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Op Cit p39.!
  • 44. ! %%! Figure 5 : Techniques de sélection utilisées dans le recrutement par les entreprises françaises Figure 6 : Validité des différentes techniques de recrutement L’examen de ces deux tableaux nous montre que les méthodes de recrutement les plus utilisées par les entreprises françaises sont les entretiens et la graphologie, suivis des tests d’aptitude et de personnalité. Nous remarquons que ces techniques sont parmi les moins efficaces pour les chercheurs qui étudient cette question. L’entretien d’embauche, qui reste
  • 45. ! %&! une méthode quasi universelle de recrutement (parfois la seule dans certaines entreprises) obtient un coefficient de validité faible. Nous pouvons donc dire que l’utilisation générale d’une méthode ne la rend pas forcément efficace. A l’inverse, la méthode des « centres d’évaluations », plus connus sous leur nom anglais « assessment center » obtient un bon score de validité. Cette technique consiste en une évaluation en situation des candidats basée sur des études de cas, des jeux de rôle, accompagnés de tests de personnalité et d’entretien. La combinaison des ces méthodes semble être une bonne solution pour obtenir des résultats valides. Les centres d’évaluation tendent à se développer ces dernières années, principalement dans les grandes entreprises, en raison de leur coût important. Nous pouvons donc retenir que le choix d’une méthode d’évaluation ne se fait pas nécessairement sur des critères de validité scientifique, mais plutôt sur des critères d’acceptabilité sociale. Une méthode systématiquement utilisée dans les recrutements sera jugée bonne par les recruteurs, les demandeurs et les candidats, et elle sera donc appliquée pour tous les recrutements. Une méthode unanimement reconnue permet en effet de faire des choix qui seront facilement légitimés auprès des managers, mais aussi des candidats écartés. De plus, les études sur la validité des méthodes de recrutement n’intègrent pas l’ensemble des facteurs qui entrent en compte dans le choix des entreprises examinés plus haut, notamment le coût des méthodes et le temps nécessaire à leur mise en œuvre. Nous avons vu que pour des critères de coût, de temps de mise en œuvre et d’acceptabilité sociale, l’entretien de recrutement reste la méthode plébiscitée par les entreprises. Nous allons donc nous pencher plus en détail sur cette pratique. L’efficacité de cette méthode est encore plus que les autres outils intimement liée à la compétence du recruteur qui l’emploie. Elle est également celle qui comprend le plus de risques liés à la subjectivité. Dans toute démarche d’évaluation des candidats par la méthode de l’entretien de recrutement, il est important d’identifier les différents biais de jugement, afin de pouvoir les minimiser au maximum : , l’effet de halo : les éléments de contexte influent sur le jugement qu’on porte sur le candidat. Si celui qui précède était particulièrement bon, on jugera le suivant médiocre par comparaison.
  • 46. ! %'! , l’erreur fondamentale : il s’agit ici d’attribuer des attitudes à la personnalité du candidat alors qu’elles sont liées à la situation. Un candidat très nerveux dans le cadre d’un entretien d’embauche a peut-être été stressé par un retard de train, ou la difficulté à trouver une place de parking. Le manque de dynamisme d’un candidat peut être imputé à une longue période d’inactivité. C’est pour cette raison que les recruteurs qui cherchent à placer le candidat dans une situation de stress font erreur : ils ne jugeront pas les compétences et les qualités réelles du candidat, mais celles qu’il exprime dans une situation inhabituelle. , l’effet de cobaye : le candidat préparé sait ce que le recruteur attend de lui. Il risque donc de modifier son attitude et ses réponses en tenant compte des attentes supposées. , le biais de projection : le recruteur peut rechercher chez le candidat les qualités ou caractéristiques que lui même possède. Hors, celles-ci ne sont pas forcément celles qui sont recherchées pour le poste. Un recruteur ou un manager peut aussi valoriser un candidat qui est issu de la même formation que lui, ou qui a eu une expérience dans la même entreprise. , l’effet de primauté : il consiste à donner une grande importance à une caractéristique de l’individu qui occultera les autres. Un candidat qui a régulièrement changé d’entreprise sera d’emblée considéré comme instable, au risque de ne pas examiner avec soin ses compétences et ses qualités. Nous avons pu voir que le recrutement est une activité importante pour l’entreprise. Il lui permet de constituer les équipes de collaborateurs qui lui permettront d’atteindre ses objectifs. Mais c’est également une activité qui comporte des implications juridiques et qui influe sur l’image de la société. C’est surtout une activité humaine, qui est par nature soumise à la subjectivité de celui qui la pratique. Pour limiter cette subjectivité, sans pour autant pouvoir la supprimer, de nombreuses méthodes ont été mises au point, mais celles-ci, même si elles bénéficient de la confiance de leurs utilisateurs, peuvent être scientifiquement contestées. Mais la qualité d’un recrutement ne dépend pas uniquement des outils utilisés. Elle est liée principalement à la maîtrise de l’ensemble du processus, et surtout des étapes préalables à la sélection, de définition du besoin et du profil de poste.
  • 47. ! %(! 3.3L’évaluation annuelle 3.3.1 Définition En entreprise, l’évaluation des collaborateurs consiste à porter un jugement sur l’exercice de ses fonctions. Elle peut intervenir sous la forme d’une notation, par une synthèse de ses points forts ou de ses points faibles, ou par un bilan de ses réalisations par rapport à des objectifs précédemment posés. De nombreuses méthodes d’évaluation ont été mises en place dans les entreprises. Au départ, elle était souvent réservée aux fonctions commerciales, pour lesquelles il est facile de proposer et d’évaluer des objectifs basés sur le chiffre d’affaires à réaliser. Depuis quelques temps, l’évaluation des salariés s’élargit à toutes les fonctions, aux cadres tout d’abord, puis à l’ensemble des collaborateurs. Les ressources humaines sont dans la plupart des cas responsables du bon déroulement des évaluations annuelles. Au delà de la réalisation d’un bilan de l’année écoulée, l’évaluation annuelle répond à un grand nombre d’objectifs variés, souvent liés à la gestion des ressources humaines (formation, recrutement, mobilité, promotion, revalorisations salariales …). Comme nous avons pu l’identifier précédemment en ce qui concerne le recrutement, l’évaluation des collaborateurs est également à la source de nombreux questionnements. Il est souvent reproché aux entreprises de ne pas utiliser les évaluations dans la prise de décision en matière de gestion des ressources humaines et de ne pas mettre en place de mesures pour pallier aux éventuelles carences décelées chez les collaborateurs. L’évaluation étant également un processus où un humain juge de l’implication et des performances d’un autre humain, on peut craindre des biais liés à la subjectivité des acteurs. La grande majorité des processus d’évaluation des salariés repose sur l’organisation d’un entretien annuel, entre le salarié évalué et son manager direct (N+1). L’entretien est basé sur un support plus où moins cadré, que les interlocuteurs vont devoir compléter. Mais l’ensemble du processus de l’évaluation recoupe des aspects plus larges que la simple procédure d’entretien.
  • 48. ! %)! 3.3.2 Les apports des théories managériales Les pratiques des entreprises sont le plus souvent issues des apports des différentes théories managériales. Celles-ci ont en effet influencé les choix des dirigeants dans la manière de gérer leur entreprise et leurs ressources humaines. Sur le thème de l’évaluation, on peut identifier un certain nombre d’apports identifiables. Le Management Scientifique C’est l’avènement de la manufacture, issue de la révolution industrielle, qui a fait émerger un certain nombre de questionnements lié au management des hommes. On considère Adam Smith comme un précurseur des théories d’organisation du travail, lorsqu’il expose l’intérêt de la division du travail dans la recherche d’efficacité et de productivité36 : « J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui n'employait que dix ouvriers, et où par conséquent quelques-uns d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations. Mais, quoique la fabrique fût fort pauvre et, par cette raison, mal outillée, cependant, quand ils se mettaient en train, ils venaient à bout de faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour : or, chaque livre contient au delà de quatre mille épingles de taille moyenne. Ainsi ces dix ouvriers pouvaient faire entre eux plus de quarante-huit milliers d'épingles dans une journée; donc chaque ouvrier, faisant une dixième partie de ce produit, peut être considéré comme faisant dans sa journée quatre mille huit cents épingles. Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s'ils n'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eût pas fait vingt épingles, peut-être pas une seule, dans sa journée » Mais c’est Frederick Taylor, grâce à des observations et des analyses précises du mode opératoire des ouvriers, qui a réellement fondé le Management Scientifique37. Il a décomposé et recomposé le travail pour le rendre plus efficace, en créant ainsi le « one best way », la meilleure façon de réaliser l’ensemble des tâches nécessaires à la fabrication d’un produit. Cette façon de procéder constitue une révolution pour l’organisation du travail. Auparavant, !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 36 SMITH Adam, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776. 37 TAYLOR Frederick, Les Principes du management scientifique, 1911.
  • 49. ! %*! c’est l’ouvrier qui connaissait le mode opératoire et qui réalisait les tâches nécessaires à son exécution dans l’ordre qui lui convenait le mieux. C’est désormais un bureau des méthodes qui maîtrise le processus de production dans son ensemble, l’ouvrier étant réduit à réaliser une petite partie de la fabrication. Sur le plan de l’évaluation, les théoriciens qui se rattachent au courant du management scientifique privilégient la recherche d’objectivité.38 Ils vont chercher à établir une méthode qui permettrait d’éviter la subjectivité du manager. Cette démarche se traduira le plus souvent par la mise en place de grilles de notations, qu’on peut aujourd’hui encore retrouver dans la fonction publique. L’évaluation porte sur les exigences qui sont attendues sur chaque niveau de poste, grâce à des échelles de comportement. La notion d’objectivité dans l’évaluation se retrouve aujourd’hui encore dans certaines entreprises, principalement dans les groupes américains, qui ont un souci permanent de prévention des discriminations. La législation américaine prévoit en effet l’utilisation d’un système d’appréciation formalisé, comprenant une analyse fine des postes. Elle doit mobiliser uniquement des données objectives et éviter de se concentrer sur les comportements et les attitudes des collaborateurs. Le courant des relations humaines Ce courant théorique est né dans les années 1930 aux Etats Unis, grâce à un groupe de chercheurs de Harvard. Elton Mayo a mené une étude approfondie sur les ouvriers de l’usine Western Electric de Hawthorne, dans la banlieue du Chicago39. Il a observé que les ouvriers travaillaient mieux et étaient plus productifs quand le management s’intéressait à leurs conditions de travail et à leurs conditions de vie. Cette étude a fondé le courant des relations humaines, qui s’est consacré principalement à la question de la motivation au travail. Parmi ces études, nous pouvons également retenir les travaux d’Abraham Maslow, qui a hiérarchisé les besoins humains dans une pyramide40. Il a observé que l’homme cherche d’abord à satisfaire des besoins primaires, liés au maintien des fonctions physiques et à la sécurité, puis une fois que ceux-ci sont satisfaits, il se tourne vers des besoins secondaires, comme la création de relations sociales, et la recherche de réalisation de soi. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 38 CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Op Cit p39.! 39 MAYO Elton, Les Problèmes humains de la civilisation industrielle, 1933. 40 MASLOW Abraham, A theory of human motivation, 1943.
  • 50. ! &+! Figure 7 : La pyramide des besoins selon Abraham Maslow Les travaux de l’école des relations humaines sont aujourd’hui contestés par de nombreux chercheurs. Sur les recherches de Mayo, on dénonce « l’effet Hawthorne », qui implique que les sujets sachant qu’ils sont observés et étudiés, leur estime de soi augmente, et ils sont plus motivés. La pyramide de Maslow est beaucoup critiquée également, car les hommes cherchent à satisfaire certains besoins secondaires même si leurs besoins primaires ne sont pas garantis. Nous avons par exemple tous besoins de relations et d’appartenance à un groupe social. Il n’en demeure pas moins que l’école des relations humaines a permis d’appréhender l’homme au travail dans son intégralité et dans son individualité. Elle est donc allée plus loin que les travaux de Taylor qui ne se préoccupaient pas de la personnalité et du ressenti des individus. Sur le thème de l’appréciation, l’école des relations humaines a placé la motivation au centre de l’étude. Pour eux, l’élément essentiel réside dans le feedback, c’est à dire le retour du
  • 51. ! &"! manager sur le travail du collaborateur, mais aussi sur les besoins de reconnaissance et de réalisation de soi. L’outil privilégié d’évaluation est donc selon eux l’entretien individuel entre le salarié et son supérieur hiérarchique direct. Il doit être considéré comme un moment dédié à l’échange, pendant lequel l’écoute et la communication sont très importantes. S’il est bien mené, un entretien peut relancer la motivation du salarié. Ces deux grandes théories managériales mettent en avant deux aspects essentiels : l’attention portée à l’objectivité et la recherche de motivation du salarié par le feedback. 3.3.3 Les enjeux de l’évaluation L’évaluation comporte des enjeux pour l’organisation en influençant les décisions liées aux ressources humaines, mais aussi pour les salariés, puisqu’elles suscitent des attentes. Les multiples enjeux de l’évaluation des collaborateurs peuvent être mis en avant grâce à un schéma :41 Figure 8 : Les visées de l’appréciation L’évaluation semble donc être à la base de multiples autres processus liés aux ressources humaines. Elle permet d’évaluer la bonne adaptation des nouveaux embauchés, d’analyser les !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 41 GUILLOT-SOULEZ Chloé, La Gestion des Ressources Humaines, L’Extenso Editions, Paris, 2010.
  • 52. ! &#! points forts et les points faibles d’un collaborateur, et d’apporter des solutions pour augmenter sa performance. Elle est souvent à la source d’une mobilité géographique ou professionnelle : mutation, réorientation, promotion. Elle est à la base des augmentations de salaires et du versement de certaines primes ou bonus. Elle sert aussi à recueillir les besoins de formation, qui permettront d’établir le plan de formation prévisionnel. Elle favorise enfin la communication entre les collaborateurs et leur responsable hiérarchique, et participe ainsi à améliorer les relations de travail. 3.3.4 Le processus d’évaluation Au vu du grand nombre d’enjeux liés aux évaluations, le processus qui les encadre se doit d’être bien pensé et de prendre en compte toutes ses dimensions. Il doit pouvoir à la fois évaluer les résultats, les comportements et le potentiel des collaborateurs, mais aussi permettre de recueillir les éléments d’élaboration du plan de formation. Il est difficile de mettre en place un outil qui permette de répondre à tous ces enjeux. Tout processus d’évaluation doit avant tout établir l’objet de l’évaluation, c’est à dire définir sur quoi celle-ci portera. Les résultats de la période sont les premières données examinées, mais il faut chercher également à observer comment ils ont été obtenus, en étudiant le comportement du collaborateur au travail. Afin d’être objective, l’évaluation doit idéalement se baser sur un référentiel accepté par l’ensemble des acteurs. Ce référentiel peut être de nature différente selon l’organisation. Sur ce point, les travaux d’Eugène Enriquez, bien qu’anciens, sont particulièrement éclairants.42 Ils mettent en rapport les formes d’organisations avec les différentes modalités possibles d’évaluation des collaborateurs, et avec les référentiels qui y correspondent. L’auteur reprend ici la typologie de Max Weber sur les formes de domination,43 en distinguant trois types d’organisations : , la structure charismatique, dans laquelle le chef a une autorité totale sur les collaborateurs, et où il occupe une place centrale dans les processus !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 42 ENRIQUEZ Eugène, « Evaluation des hommes et structures d’organisation des entreprises », Connexions n°19, 1976. 43 WEBER Max, Economie et société, 1922.
  • 53. ! &$! , la structure bureaucratique, qui est constituée d’une hiérarchie impersonnelle, fondée sur les rôles , la structure coopérative qui entraine une interdépendance des collaborateurs dans la recherche de l’atteinte des objectifs. L’auteur met ensuite en relation les différents types de structures avec les pratiques d’évaluation que les caractérisent. Figure 9 : Appréciation et types d’organisation La question du choix du référentiel serait donc intimement liée au type d’organisation en place. Nous voyons que différents degrés de subjectivité existent, puisque dans les structures charismatique et coopérative, l’appréciation est liée au jugement par le prisme du chef ou par un groupe. Dans la structure bureaucratique, elle est au contraire basée sur un référenciel de compétences lié au poste, ce qui réduit la subjectivité sans pour autant l’écarter réellement. Quand l’objet de l’évaluation est défini, il est important de le rendre légitime auprès des différents acteurs impliqués dans le processus. L’attribution des rôles aux différents acteurs est aussi importante. Les concepteurs du processus d’évaluation sont le plus souvent les membres du comité de direction, qui en définissent les objectifs. La population des évalués est constituée de l’ensemble des collaborateurs. Il est important de noter que chaque salarié de l’entreprise doit être évalué, y compris les managers. Il peut cependant exister des distinctions quant aux outils employés pour évaluer, qui peuvent être différents selon la cible (cadre ou non cadre). C’est le choix de
  • 54. ! &%! la personne qui évalue qui est le plus difficile. Pour évaluer les résultats de la période et les compétences professionnelles du collaborateur, le responsable hiérarchique direct semble être le plus légitime, puisqu’il est au plus près du salarié. C’est d’ailleurs lui qui fixe les objectifs. Cependant, il est sans doute moins légitime pour évaluer les possibilités d’évolution du collaborateur, qui seront mieux appréhendées par un professionnel des ressources humaines. 3.3.5 Les méthodes d’évaluation Comme nous avons pu l’observer pour le recrutement, de nombreuses méthodes ont été développées pour appuyer les processus d’évaluation. Les méthodes peuvent être combinées pour un même collaborateur, ou peuvent être réservées à une catégorie particulière de salariés, selon leur coût ou le temps nécessaire à leur utilisation. Les modalités sont très variées selon les organisations, mais il est possible d’identifier celles qui sont le plus souvent utilisées.44 L’entretien individuel : Il s’agit d’un face à face organisé le plus souvent entre le salarié et son manager direct (N+1). Il permet de faire le point sur l’année écoulée en se référant aux objectifs fixés pour la période, et souvent de fixer ceux pour l’année à venir. Il représente aujourd’hui la méthode d’appréciation la plus diffusée dans les entreprises, pour tous les niveaux de postes. La configuration de l’entretien en fait un moment d’échange privilégié, puisqu’il permet au manager d’exprimer directement au salarié son jugement. Il permet également au collaborateur de donner son point de vue, et d’exposer ses ambitions en matière d’évolution de carrière, de revalorisation salariale ou de développement des compétences (souhaits de formation). En revanche, en fonction de la relation qui est établie entre les acteurs, certains sujets peuvent être difficiles à aborder en face à face. Il est souvent reproché aux responsables hiérarchiques leur manque de courage managérial au cours de ces entretiens, où leur incapacité à faire passer les messages avec tact auprès de leurs collaborateurs. De plus, le !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! %%!GUILLOT-SOULEZ Chloé, Op Cit p49.!