1. Nous, chefs d’État et de gouvernement des pays membres de
l’Alliance atlantique, nous sommes réunis à Madrid alors que la
guerre a fait son retour sur le continent européen. Nous nous
trouvons à un moment crucial pour notre sécurité ainsi que pour
la paix et la stabilité à l’échelle internationale. Dans l’unité et la
solidarité, nous réaffirmons d’une même voix le lien
transatlantique qui unit durablement nos pays. L’OTAN est une
alliance défensive et ne représente une menace pour aucun pays.
Elle reste le fondement de notre défense collective et le forum
privilégié pour les consultations et la prise de décision en matière
de sécurité entre Alliés. Notre attachement au traité de
Washington, y compris à son article 5, est sans faille. Dans un
environnement de sécurité radicalement bouleversé, ce sommet
représente un jalon important dans le renforcement de notre
Alliance et l’accélération de son adaptation.
2. Nous sommes unis dans notre attachement à la démocratie, à la
liberté individuelle, aux droits de la personne et à l’état de droit.
Nous adhérons au droit international ainsi qu’aux buts et principes
de la Charte des Nations Unies. Nous sommes déterminés à
préserver l’ordre international fondé sur des règles.
3. Nous condamnons avec la plus grande fermeté la guerre
d’agression que la Russie mène contre l’Ukraine. Cette guerre porte
gravement atteinte à la sécurité et à la stabilité internationales. Il
s’agit d’une violation flagrante du droit international. L’effroyable
cruauté de la Russie a causé d’immenses souffrances et des
déplacements massifs de population, touchant de manière
disproportionnée les femmes et les enfants. La Russie porte
l’entière responsabilité de cette catastrophe humanitaire. Elle doit
permettre un acheminement sûr, durable et sans entraves de l’aide
humanitaire. Les Alliés collaborent avec les acteurs compétents de
la communauté internationale pour faire en sorte que tous les
responsables de crimes de guerre, y compris de violences sexuelles
liées au conflit, répondent de leurs actes. Par ailleurs, la Russie a
intentionnellement exacerbé, notamment par ses actions
militaires, une crise alimentaire et énergétique qui affecte des
milliards de personnes dans le monde. Les Alliés coopèrent
étroitement aux efforts internationaux visant à permettre
l’exportation des céréales ukrainiennes et à atténuer cette crise
alimentaire mondiale. Nous continuerons de réfuter les
mensonges de la Russie et de dénoncer son discours
irresponsable. La Russie doit immédiatement mettre fin à cette
guerre et se retirer d’Ukraine. Le Bélarus doit cesser de se rendre
complice de cette guerre.
4. Nous nous réjouissons vivement de la participation du président
Zelensky à ce sommet. Nous sommes pleinement solidaires du
gouvernement et du peuple ukrainiens, qui défendent
héroïquement leur pays. Nous réaffirmons notre soutien
indéfectible à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières
internationalement reconnues, s’étendant à ses eaux territoriales.
Nous soutenons pleinement l’Ukraine dans le droit naturel qui est
le sien de se défendre et de choisir ses propres arrangements de
sécurité. Nous saluons les efforts de tous les pays de l’Alliance qui
apportent un soutien à l’Ukraine. Nous les aiderons de manière
adéquate, en tenant compte de leur situation spécifique.
5. Nous restons confrontés à des menaces patentes provenant de
toutes les directions stratégiques. La Fédération de Russie
constitue la menace la plus importante et la plus directe pour la
sécurité des Alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro-
atlantique. Le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses
manifestations, continue de représenter une menace directe pour
la sécurité de nos populations ainsi que pour la stabilité et la
prospérité à l’échelle internationale. Nous rejetons
catégoriquement le terrorisme et le condamnons avec la plus
grande fermeté. Avec détermination et résolution, et de manière
solidaire, les Alliés continueront de contrer les menaces de la
Russie, de répondre à ses actes d’hostilité et de lutter contre le
terrorisme, dans le respect du droit international.
6. Nous sommes confrontés à des menaces cyber, spatiales et
hybrides, et à d’autres menaces asymétriques, ainsi qu’à l’utilisation
malveillante de technologies émergentes et de rupture. Nous nous
trouvons face à une compétition systémique de la part d’acteurs,
parmi lesquels la République populaire de Chine, qui portent
atteinte à nos intérêts, à notre sécurité et à nos valeurs, et qui
cherchent à fragiliser l’ordre international fondé sur des règles.
L’instabilité observée au-delà de nos frontières favorise aussi la
migration irrégulière et la traite des êtres humains.
Dans ce contexte, nous avons pris une série de décisions.
7. Nous avons entériné un nouveau concept stratégique, qui décrit
l’environnement de sécurité auquel l’Alliance fait face, réaffirme
nos valeurs et énonce la raison d’être et la principale responsabilité
de l’OTAN, qui est d’assurer notre défense collective suivant une
approche à 360 degrés. Ce texte définit en outre les trois tâches
fondamentales de l’OTAN : la dissuasion et la défense, la
prévention et la gestion des crises, et la sécurité coopérative. Il
orientera notre action pour les années à venir, dans l’esprit de
solidarité transatlantique qui nous anime.
8. Nous maintiendrons, en l’intensifiant, notre soutien politique et
pratique à notre proche partenaire qu’est l’Ukraine, qui continue de
défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale contre
l’agression russe. En concertation avec l’Ukraine, nous avons
adopté un ensemble renforcé de mesures de soutien. Cela va
accélérer la livraison d’équipements de défense non létaux,
améliorer la résilience et les défenses cyber de l’Ukraine et l’aider à
moderniser son secteur de la défense dans le cadre de sa transition
vers une interopérabilité accrue et s’inscrivant dans la durée. À plus
long terme, nous porterons assistance à l’Ukraine et la
soutiendrons sur la voie de la reconstruction et des réformes après
la guerre.
9. Nous avons redéfini les fondements de notre posture de
dissuasion et de défense. L’OTAN continuera de protéger les
populations de ses pays membres et de défendre chaque
centimètre carré du territoire de l’Alliance, et ce en permanence.
Forts de cette posture récemment améliorée, nous allons renforcer
de manière significative notre dispositif de dissuasion et de
défense sur le long terme pour assurer la sécurité et la défense de
tous les Alliés. Nous le ferons suivant notre approche à 360 degrés,
sur terre, dans les airs, en mer, dans le cyber et dans l’espace, afin
de pouvoir contrer toutes les menaces et relever tous les défis. Le
rôle de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme fait aussi partie
intégrante de cette approche. Les Alliés se sont engagés à déployer
sur le flanc oriental davantage de forces en place et prêtes au
combat, dont la taille passera, là où et lorsque cela sera nécessaire,
des actuels groupements tactiques à des brigades, appuyées par
des renforcements crédibles et disponibles rapidement, par des
équipements prépositionnés et par des moyens de
commandement et de contrôle améliorés. Nous nous félicitons de
la coopération qui s’exerce entre pays-cadres et pays hôtes
concernant le renforcement des forces et des dispositifs de
commandement et de contrôle, et notamment la mise en place de
structures de niveau division. Nous nous réjouissons des
contributions initiales proposées par des Alliés pour le nouveau
modèle de forces de l’OTAN, qui permettront de renforcer et de
moderniser sa structure de forces et de faire en sorte que nos plans
militaires de nouvelle génération soient pourvus de ressources.
Nous allons améliorer nos exercices de défense collective pour
nous préparer à des opérations multidomaines de haute intensité
et garantir à tous les Alliés un renforcement sur court préavis.
Toutes ces mesures renforceront considérablement le dispositif de
dissuasion et les défenses avancées de l’OTAN. Elles aideront à
éviter toute agression contre le territoire de l’OTAN en empêchant
tout adversaire potentiel d’atteindre ses objectifs.
10. La résilience est une responsabilité nationale et un
engagement collectif. Nous améliorons notre résilience,
notamment au travers de buts et de plans de mise en œuvre définis
au niveau national sur la base des objectifs que les Alliés ont fixés
ensemble. Nous renforçons par ailleurs notre sécurité énergétique.
Nous garantirons la fiabilité des approvisionnements énergétiques
destinés à nos forces armées. Nous allons accélérer notre
adaptation dans tous les milieux, accroître notre résilience aux
menaces cyber et hybrides et renforcer notre interopérabilité.
Nous utiliserons nos instruments politiques et militaires de
manière intégrée. Nous avons entériné une nouvelle politique en
matière de défense contre les agents chimiques, biologiques,
radiologiques et nucléaires. Nous allons renforcer
considérablement nos défenses cyber en améliorant la
coopération civilo-militaire. Nous allons également développer les
partenariats avec l’industrie. Les Alliés ont décidé d’établir et de
mettre en pratique, à titre volontaire et sur la base de moyens
nationaux, un dispositif de réaction rapide dans le virtuel afin de
répondre aux actes de cybermalveillance majeurs.
11. Nous créons en ce moment un accélérateur d’innovation de
défense et un fonds multinational pour l’innovation, qui nous
aideront à renforcer notre avance technologique en réunissant
pouvoirs publics, secteur privé et monde universitaire. Nous avons
entériné une stratégie visant à assurer une continuité dans la
livraison des appareils AWACS (systèmes aéroportés de détection
et de contrôle) de nouvelle génération et des capacités connexes.
12. Le changement climatique est l’un des plus grands défis de
notre temps. Il a de lourdes conséquences pour la sécurité des
Alliés. Il agit comme un multiplicateur de menaces. Nous nous
sommes fixé comme objectif de réduire de manière significative les
émissions de gaz à effet de serre provenant des structures et des
installations politiques et militaires de l’OTAN tout en maintenant
notre efficacité opérationnelle et militaire et sans augmenter les
coûts. Nous allons prendre le changement climatique en
considération dans toutes les tâches fondamentales de l’OTAN.
13. Nous considérons la sécurité humaine comme primordiale et
veillons à prendre ses principes en compte dans nos trois tâches
fondamentales. Nous mettons en œuvre un ambitieux programme
« femmes, paix et sécurité » et nous intégrons la dimension de
genre dans l’ensemble de l’OTAN.
14. Nous sommes réunis à Madrid avec de nombreux partenaires
de l’OTAN. Nous avons eu des échanges fructueux avec les chefs
d’État et de gouvernement de l’Australie, de la Finlande, de la
Géorgie, du Japon, de la République de Corée, de la Nouvelle-
Zélande, de la Suède et de l’Ukraine, ainsi qu’avec le président du
Conseil européen et la présidente de la Commission européenne.
Nous nous félicitons d’avoir rencontré les ministres des Affaires
étrangères de la Jordanie et de la Mauritanie ainsi que le ministre
de la Défense de la Bosnie-Herzégovine.
15. Compte tenu de la coopération, d’un niveau sans précédent,
que nous entretenons avec l’Union européenne, nous allons
continuer de renforcer notre partenariat stratégique dans un esprit
d’ouverture, de transparence et de complémentarité mutuelles
totales, de même que dans le respect des différents mandats, de
l’autonomie décisionnelle et de l’intégrité institutionnelle de l’OTAN
et de l’UE, et comme l’ont décidé les deux organisations. Notre
détermination commune dans notre réponse à la guerre de la
Russie contre l’Ukraine met en évidence la force de ce partenariat,
essentiel et sans équivalent. La participation de nos partenaires de
la région Asie-Pacifique, aux côtés d’autres partenaires, montre
tout l’intérêt de notre coopération s’agissant de faire face aux défis
de sécurité communs.
16. Nous renforcerons plus avant nos partenariats de sorte qu’ils
continuent de répondre aux intérêts tant des Alliés que des
partenaires. Nous réfléchirons à des approches communes des
défis de sécurité mondiaux lorsque les intérêts de l’OTAN sont en
jeu, échangerons nos points de vue au travers de contacts
politiques plus approfondis et rechercherons des domaines de
coopération concrets pour répondre aux préoccupations de
sécurité communes. Nous allons maintenant avancer dans le
développement de nos interactions avec les interlocuteurs actuels
et avec de nouveaux interlocuteurs potentiels au-delà de la zone
euro-atlantique.
17. Au vu de l’évolution de l’environnement de sécurité en
Europe, nous avons adopté de nouvelles mesures pour intensifier
le soutien politique et pratique individualisé que nous apportons à
nos partenaires, y compris à la Bosnie-Herzégovine, à la Géorgie et
à la République de Moldova. Nous travaillerons avec eux pour
renforcer leur intégrité et leur résilience, développer leurs
capacités et préserver leur indépendance politique. Nous allons
aussi aider davantage nos partenaires du sud à renforcer leurs
capacités.
18. Nous réaffirmons notre attachement à la politique de la porte
ouverte de l’OTAN. Aujourd’hui, nous avons décidé d’inviter la
Finlande et la Suède à devenir membres de l’OTAN et sommes
convenus de signer leurs protocoles d’accession. Lors de toute
adhésion à l’Alliance, il est d’une importance cruciale que les
préoccupations de sécurité légitimes de tous les Alliés soient
dûment prises en compte. Nous nous félicitons dès lors que la
Türkiye, la Finlande et la Suède aient conclu à cet effet un
mémorandum trilatéral. L’adhésion de la Finlande et de la Suède
sera bénéfique pour leur sécurité, renforcera l’OTAN et rendra la
zone euro-atlantique plus sûre. La sécurité de la Finlande et de la
Suède est un sujet de première importance pour l’Alliance, y
compris pendant la durée du processus d’adhésion.
19. Nous saluons les progrès considérables accomplis depuis
2014 s’agissant des dépenses de défense des Alliés. Conformément
à l’engagement que nous avons pris au titre de l’article 3 du traité
de Washington, nous continuerons de renforcer notre capacité
individuelle et collective de résistance à toute forme d’attaque.
Nous réaffirmons notre attachement à l’engagement en matière
d’investissements de défense, dans son intégralité. Nous nous
appuierons sur celui-ci et, l’année prochaine, nous adopterons de
nouveaux engagements pour l’après-2024. Nous ferons en sorte
que nos décisions politiques s’accompagnent des ressources
adéquates. Nous ferons fond sur les progrès accomplis pour que
l’augmentation des dépenses de défense de nos pays et de
l’enveloppe du financement commun soit à la mesure des défis qui
se présentent à l’heure où l’ordre de sécurité est davantage
contesté. Il est essentiel que nous investissions dans la défense et
dans les capacités clés.
20. Nous rendons hommage à toutes les femmes et tous les
hommes qui continuent de servir chaque jour pour notre sécurité
collective et nous honorons la mémoire de tous ceux qui ont
sacrifié leur vie pour nous protéger.
21. Nous exprimons notre gratitude au Royaume d’Espagne pour
l’accueil généreux que celui-ci nous a réservé à l’occasion du
40e anniversaire de son adhésion à l’OTAN. Nous nous réjouissons
à la perspective de nous réunir de nouveau, à Vilnius, en 2023.
22. Par les décisions que nous avons prises aujourd’hui, nous
avons fixé clairement le cap à suivre pour la poursuite de
l’adaptation de l’Alliance. L’OTAN reste l’alliance la plus solide de
l’histoire. Grâce au lien et à l’engagement qui nous unissent, nous
continuerons de sauvegarder la liberté et la sécurité de tous les
pays de l’Alliance ainsi que nos valeurs démocratiques communes,
maintenant et pour les générations futures