1. Le Groupe ALPHA s’engage
auprès des jeunes Haïtiens
Moins d’un an après le terrible
tremblement de terre en Haïti (12 janvier
2010), le Groupe ALPHA a créé, à
l’automne 2010, une bourse Valencia
Mongérard, destinée à soutenir, chaque
année, deux étudiants haïtiens en Master
de Sciences économiques et ce, pendant
trois ans.
Par ce geste, rare dans le monde de
l’entreprise, le Groupe ALPHA a voulu
rendre hommage à Valencia Mongérard,
stagiaire au Groupe ALPHA durant l’année
2009 et décédée lors du séisme.
Pour mener à bien ce projet, il s’est
associé à l’association Haïti Futur,
présidée par Josette Bruffaerts-Thomas,
ainsi qu’à l’Université de Marne-la-Vallée,
où Valencia avait fait ses études en
sciences économiques et où les Boursiers,
depuis la première année, effectuent les
leurs.
La bourse Valencia Mongérard a été
reconduite à l’automne 2013 par le
Groupe ALPHA, en lien avec l’Université
de Marne-la-Vallée, pour trois nouvelles
années.
7 étudiants haïtiens en ont déjà bénéficié.
Tous, comme vous le constaterez dans les
pages relatant leur expérience,
considèrent que la Bourse Valencia
Mongérard leur a permis de réaliser leur
rêve : poursuivre leurs études
universitaires pour pouvoir, dès leur
retour en Haïti, contribuer au
développement de leur pays.
Ce recueil se veut un témoignage des
engagements des Boursiers, de Haïti
Futur, de l’Université de Marne-la-Vallée
et du Groupe ALPHA pour accompagner la
reconstruction de Haïti, en misant
résolument sur les talents et l’énergie des
jeunes Haïtiens.
2.
3. Groupe ALPHA : Vous êtes Haïtienne et vous
avez, vous-même, au cours de votre cursus,
bénéficié d’une bourse pour venir étudier en
France. Comment le projet de bourse est-il né ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Très
rapidement après le séisme,
Pierre Ferracci, Président du
Groupe ALPHA, m’a fait savoir
qu’il voulait apporter une aide à
Haïti. Nous avons réfléchi
ensemble, en lien avec
l’Université de Marne-la-Vallée,
où Valencia Mongérard, dont le nom a été donné
à la bourse, avait effectué son Master II en
sciences économiques. Elle était membre de
l’Association Haïti
Futur des jeunes
et elle avait
effectué son
stage de six mois
de fin d’études au
Groupe ALPHA.
Elle venait de
rentrer en Haïti
pour faire sa
thèse : « La
conséquence de la migration des
travailleurs qualifiés haïtiens sur le
développement d’Haïti ». Elle était
inscrite à l’Institut francophone de
gestion de la Caraïbe, l’Institut Aimé Césaire, créé
il y a à peine un an et entièrement détruit lors du
séisme. Elle voulait devenir enseignante et rester
en Haïti. De là, l’idée d’une bourse Valencia
Mongérard, portée par ces trois partenaires et
entièrement financée par le Groupe ALPHA.
Groupe ALPHA : Comment avez-vous fait pour
tout finaliser aussi rapidement ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Cette bourse Valencia
Mongérard est très symbolique, au-delà de tout
ce que vous pouvez imaginer. L’annonce de sa
création a eu un impact très fort en Haïti car cela
constitue un encouragement, pour toute la
jeunesse haïtienne, à continuer à avancer. Cela
concrétise la foi que nous avons dans notre
capacité à rebondir. C’est une incitation à
l’excellence car nous entourons la sélection des
candidats d’un ensemble de critères qui illustre le
parcours, l’engagement et les qualités de
Valencia :
les résultats académiques lors des études ;
la situation familiale du jeune boursier ;
l’implication dans la vie sociale ;
les qualités humaines, telles que la
droiture, le relationnel, l’esprit d’équipe… ;
la priorité d’un contrat de retour au pays
pour au moins cinq années ;
l’engagement citoyen.
Il faut mériter la bourse, en l’honneur
de Valencia qui a su s’investir pour son
pays. Haïti vit une période cruciale
durant laquelle on a besoin de
symboles. L’attribution d’une bourse,
telle que celle du Groupe ALPHA,
traduit cette nécessité.
Au-delà de l’argent, on
honore la jeunesse.
J’ajouterai qu’il y a un
autre symbole dans
cette bourse Valencia :
elle a été créée en
l’honneur d’une
personne décédée et donc, dans le respect total
de la culture haïtienne du culte des morts. C’est
un signe très fort en Haïti.
Groupe ALPHA : Cette bourse, dotée chaque
année de 15 000 €, soit 30 000 € annuels pour
deux étudiants sur trois ans, est attribuée en
priorité à des étudiants en sciences économiques.
Pourquoi ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Effectivement, on
peut penser que c’est restrictif. Loin s’en faut.
Haïti connaît une forte pénurie en experts
économiques. Choisir des étudiants dans cette
1ère
Interview de Josette Bruffaerts-Thomas,
Présidente de l’association Haïti Futur (23/09/2010)
3
4. spécialité est révélateur de notre volonté
d’encourager l’arrivée d’une nouvelle génération,
à même d’accompagner la reconstruction du pays.
Là aussi, c’est un symbole fort et nous espérons
tous que l’initiative du Groupe ALPHA donnera
des idées à d’autres, notamment aux industriels
haïtiens.
Groupe ALPHA : Comment s’est déroulée la phase
de sélection pour cette première année ?
Josette Bruffaerts-Thomas : C’était très intense et
émouvant. Nous avons sollicité les organes de
presse, tous modes de diffusion confondus. Nous
avons ressenti sur place combien les gens étaient
sensibles à la démarche. D’où, sans doute, le fort
retentissement de la campagne que nous avons
menée cet été pour identifier la première
boursière. Nous avons eu la chance de bénéficier
du soutien de Kesner Pharel, économiste haïtien
et animateur de l’émission de radio, « Investir »,
qui a non seulement consacré une plage horaire à
l’annonce de la création de la bourse mais qui a
également mis à notre disposition des outils de
diffusion et d’information.
Nous avions d’emblée décidé d’attribuer l’une des
deux Bourses à Sarah, la sœur de Valencia (Cf.
l’interview de Sarah Mongérard ci-après). Elle est,
depuis septembre, inscrite en master 1 en histoire
contemporaine à l’Université de Poitiers. L’autre
boursière a été retenue au regard des critères de
sélection. Elle vient d’arriver en France et elle va
suivre un master 1 en expertise économique à
l’Université de Marne-la-Vallée (Cf. l’interview de
Régine Lafontant ci-après).
Groupe ALPHA : Depuis plus de 15 ans,
l’association Haïti Futur, que vous avez créée en
1994 et que vous présidez depuis 2001, promeut
l’éducation en Haïti pour qu’un enseignement de
qualité soit accessible à tous. Après le drame,
quelles sont les urgences à traiter ?
Josette Bruffaerts-Thomas : L’éducation, c’est
l’avenir d’un pays. Notre action repose sur l’idée
qu’un enfant, quelle que soit son origine sociale,
doit avoir accès à un enseignement de qualité. Il
doit être libéré de toute contrainte financière et
profiter pleinement de l’apprentissage qui lui est
dispensé.
Après le tremblement de terre, les besoins sont
bien évidemment plus pressants et les enjeux plus
cruciaux car les jeunes générations ont été très
durement frappées : à 17h00, l’heure du séisme,
les écoles et les universités étaient remplies,
notamment par de jeunes adultes suivant des
cours du soir après leur journée de travail.
Haïti a perdu ses têtes pensantes, ceux qui
allaient, d’ici peu, contribuer à moderniser le
pays. Notre tâche est donc immense mais nous y
croyons et une aide, comme celle du Groupe
ALPHA, participe de cette envie d’aller de l’avant.
Début octobre, l’école a repris. Il y a une vraie
appétence, en Haïti, pour apprendre. La
population a soif de connaissance. Cela se
retrouve dans toutes les couches de la société à
tel point que l’on dit que le rêve haïtien, c’est
d’envoyer son enfant à l’école, avant même
d’avoir un logement. Notre mission s’inscrit dans
4
5. cette dimension car, au-delà du devoir de
l’enseignement, il y a un vrai devoir de
transmettre des connaissances.
Groupe ALPHA : Quels sont les projets que
l’association Haïti Futur mène sur place ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Actuellement, nous
soutenons 13 projets. Cela concerne aussi bien le
paiement des salaires des enseignants que la
création de fonds documentaires, le
fonctionnement courant d’écoles ou l’attribution
de bourses à des étudiants méritants et la
création de classes numériques. Nous travaillons
avec le ministère haïtien de l’Education nationale.
Récemment, nous avons obtenu un financement
de la Fondation de France qui s’est engagée, à nos
côtés, dans un projet d’ « enseignement
numérique pour tous ». Nous misons sur le
contenu et la pédagogie. Nous venons ainsi de
financer un vaste projet de formation des
enseignants qui a bénéficié à 360 personnes. C’est
d’autant plus essentiel aujourd’hui que les
Haïtiens ont besoin d’être soutenus et de
travailler ensemble à la reconstruction du pays. Le
traumatisme est toujours très présent. On
reconstruit mais insuffisamment pour soutenir le
moral des habitants. Il y a peu d’accompagnement
réel des populations. Or, c’est de cela dont elles
ont besoin. Notre action vise ainsi à les faire
travailler sur
l’avenir de
leurs enfants,
à leur donner
de l’espoir.
Groupe ALPHA : Deux ans et demi après la
création de la Bourse Valencia Mongérard, la
première bénéficiaire va rentrer vivre et
travailler en Haïti. C’était le but premier de cette
initiative financée par le Groupe ALPHA. Quels
enseignements en tirez-vous pour les années à
venir ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Haïti est le premier
pays exportateur de cerveaux en proportion. Nous
montrons, avec cette opération, que nous
pouvons aider les jeunes talents haïtiens à s’ouvrir
au monde qui les entoure et à revenir sur le
territoire pour l’aider à se développer. Le parcours
de Régine, la première bénéficiaire de la Bourse
Valencia, constitue à ce titre une réelle victoire
pour l’avenir. Son parcours, particulièrement
réussi, donne de l’espoir et nous conforte dans
notre décision de créer, à partir des talents et
ressources de notre pays, les conditions de son
renouveau. Pas seulement d’ailleurs pour le seul
territoire mais également pour les jeunes
bénéficiaires de la Bourse, en termes
d’enrichissement personnel et d’ouverture sur le
monde. Cette double dimension, individuelle et
collective, donne tout son sens à l’initiative que
nous avons mise en place et qui a été soutenue
par le Groupe ALPHA.
2ème
Interview de Josette Bruffaerts-Thomas,
Présidente de l’association Haïti Futur (23/01/2013)
5
6. Groupe ALPHA : Est-ce que ce premier bilan va
donner une nouvelle orientation pour le choix des
prochains Boursiers ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Oui. Au bout de deux
ans et demi de pratique, nous avons réalisé que la
Bourse Valencia était vraiment originale et
atypique. En effet, au-delà des seuls
enseignements académiques, indispensables et de
très haute qualité de l’Université de Marne-la-
Vallée, la Bourse, telle que nous l’avons conçue,
offre aux jeunes de multiples possibilités de
s’exprimer : via leur engagement auprès de notre
association Haïti Futur, grâce également à des
stages d’études à l’étranger, portes ouvertes sur
d’autres savoir-faire, ou encore au travers de leur
engagement – choisi et surtout pas subi – de
retourner travailler dans leur pays. Nous avons pu
mesurer combien la Bourse Valencia offrait de
réelles opportunités aux jeunes de rester ainsi en
lien étroit avec leur pays, tout en s’ouvrant au
monde. Les quatre premières Boursières ont
montré une capacité d’adaptation exceptionnelle
et un niveau d’implication sociale
particulièrement élevé, dont nous tiendrons
compte pour le choix des futurs Boursiers. En cela,
notre bilan est très positif et j’espère sincèrement
que l’investissement du Groupe ALPHA fera boule
de neige et donnera envie à d’autres entreprises
d’investir dans de telles initiatives. Nous pouvons
en effet attester combien ce type
d’investissement est bénéfique, individuellement
et collectivement.
Groupe ALPHA : Le Groupe ALPHA a annoncé au
début de cette année 2013 qu’il renouvelait son
soutien à la Bourse Valencia Mongérard.
Comment envisagez-vous les trois prochaines
années ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Cette nouvelle nous a
remplis de joie car nous avons encore beaucoup à
faire et un soutien financier de cette importance
est inestimable. Nous pouvons nous projeter dans
l’avenir, imaginer mettre en place de nouvelles
Bourses dans d’autres domaines, tels que
l’éducation numérique, programme phare de
notre association, que nous avons porté à bout de
bras depuis plusieurs années et qui,
aujourd’hui, est repris dans son
intégralité par le ministère de l’Education
en Haïti.
Groupe ALPHA : En quoi consiste le
programme d’éducation numérique ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Avec le
soutien de la Fondation de France et du
programme Sankoré de la DIENA, nous
avons lancé, avec nos écoles partenaires
en Haïti, un programme-pilote basé sur
l’utilisation du Tableau numérique
interactif (TNI), impliquant, au-delà de la
création des contenus dispensés, la formation des
enseignants, le suivi et la maintenance du
matériel informatique mis à disposition des
écoles, la production des programmes en Haïti ou
encore la mise en réseau des écoles. Aujourd’hui,
180 équipements ont été installés en Haïti. Nous
accompagnons le ministère de l’Education, en tant
6
7. qu’opérateur, pour déployer ces équipements sur
tout le territoire, pour les écoles, les hôpitaux ou
même les services départementaux d’agronomie.
En 2013, nous envisageons un déploiement de
400 à 500 équipements supplémentaires qui ira
donc bien au-delà de l’école et qui permet de
toucher un très large public, des parents d’élèves
aux fonctionnaires, des paysans aux infirmiers...
La Fondation de France vient de renouveler son
soutien à l’opération et, fin 2012, nous avons reçu
le 1er
prix du concours "All Children Reading"
organisé par l'USAID. Cette compétition mondiale
a été lancée en janvier 2012 par l'USAID (l'agence
de coopération américaine), AustralianAID et
World Vision, afin de récompenser les innovations
éducatives permettant aux jeunes enfants
d'apprendre à lire avec une efficacité accessible
au plus grand nombre. Notre programme visant à
révolutionner l'enseignement, grâce au TNI, à un
logiciel de fabrication de contenus performant et
à un accompagnement des enseignants de haute
qualité, a pleinement répondu, selon les créateurs
du Prix, à ces objectifs. Nous en sommes très fiers
et nous y associons tous ceux qui nous ont
soutenus depuis le début de cette aventure.
Groupe ALPHA : Vous avez innové en Haïti en leur
ouvrant le monde du numérique. Quel sens les
Haïtiens donnent-ils à cette innovation ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Le numérique, c’est
un outil d’innovation extraordinaire mais nous
avons conçu notre projet pour qu’il ne détache
pas les usagers
de la réalité.
Nous cherchons
avant tout à faire
que les enfants
s’ouvrent à la
nouveauté et au
monde tout en
restant liés à
leurs racines.
C’est essentiel. Innover mais en créant de la
cohésion sociale ; aider les écoles à s’approprier
l’outil et à inventer de nouveaux usages, tout en y
associant les parents d’élèves, souvent
analphabètes. Les jardins écoles qui se mettent en
place en Haïti sont une illustration flagrante de
cette dynamique alliant, avec un grand équilibre,
innovation et socialisation.
Groupe ALPHA : La Bourse Valencia Mongérard a
fêté ses 4 ans au début de l’automne. Quel bilan
en tirez-vous ?
Josette Bruffaerts-Thomas : La reconnaissance
envers tous ceux qui nous ont accompagnés lors
de cette première étape car nous espérons que
d’autres entreprises, au vu des résultats déjà
mesurables, franchiront le pas et soutiendront
notre action.
Groupe ALPHA : Quels signes justement recevez-
vous pour attester du succès d’une telle Bourse ?
Josette Bruffaerts-Thomas : Le travail que
réalisent les premiers bénéficiaires de la Bourse
en Haïti. Je pense notamment à Régine Lafontant
qui a trouvé, grâce aux diplômes obtenus dans le
cadre de la Bourse Valencia Mongérard, un poste
à la Banque interaméricaine de développement au
sein duquel elle montre ses compétences, savoir-
faire et expertises. A telle enseigne que nous
avons été contactés par le Conseil interministériel
d’aménagement du territoire en Haïti pour
connaître la recette. Car les Boursiers que nous
accompagnons bénéficient non seulement de la
qualité des enseignements dans les
universités françaises, mais également
d’un encadrement riche, ouvert sur les
autres et le monde, altruiste et
solidaire. Nous accompagnons les
jeunes au cours des deux années
d’études en France, nous leur confions
des missions, en lien avec les activités
d’Haïti Futur, nous leur faisons
rencontrer des personnes de tous
horizons, nous les aidons à promouvoir leur
culture, à être fiers d’être Haïtiens. Nous les
préparons pour leur retour en Haïti.
Le 28 octobre 2014, à quelques semaines du
20ème
anniversaire de l’association Haïti Futur ?
7
8. Groupe ALPHA : Qu’avez-vous ressenti lorsque
vous avez appris que le Groupe ALPHA créait la
Bourse Valencia Mongérard ?
Sarah Mongérard : Ma première
impression a été de me dire
qu’aider deux étudiants haïtiens,
c’est aider Haïti. C’est un signe
fort d’espoir en notre avenir.
Valencia a toujours dit qu’elle
souhaitait retourner vivre en
Haïti, apporter son aide et
contribuer à son
développement. Ma deuxième
impression ? Je me suis dit
qu’elle était toujours avec nous.
Je suis très heureuse et émue. Je
remercie sincèrement le Groupe
ALPHA pour cette très belle initiative.
Groupe ALPHA : Quel cursus universitaire avez-
vous choisi ?
Sarah Mongérard : J’ai passé une Licence en
histoire à l’Ecole normale supérieure en Haïti. A
l’Université de Poitiers, je vais suivre, cette année,
un master 1 en histoire contemporaine. Je
souhaite aller jusqu’au Doctorat et devenir
Professeur d’université. Ensuite, je veux rentrer
enseigner en Haïti.
Groupe ALPHA : Vous venez d’arriver en France
pour poursuivre vos études. Quelles premières
impressions ?
Sarah Mongérard : C’est la première
fois que je viens en France. Tout se
passe au mieux car l’accueil, à
l’Université de Poitiers, a été très
chaleureux. Nous sommes
16 étudiants haïtiens et un groupe de
professeurs nous encadre et nous
accompagne dans nos premières
démarches. C’est très sécurisant. Autrement,
j’avoue que tout est différent ici : le climat, la
nourriture, l’organisation du travail, le choix des
cursus et des professeurs, etc. Je vais avoir un
petit temps d’adaptation mais je suis très fière
d’être ici.
Groupe ALPHA : Vous avez achevé votre cursus
universitaire en juin 2012 et vous êtes
aujourd’hui en thèse. Quel bilan de ces trois
dernières années ?
Sarah Mongérard : J’ai en effet achevé mon
Master II en histoire contemporaine en juillet
2012 et j’ai commencé ma thèse il y a un an sur le
sujet suivant « Haïti dans les relations
internationales de 1945 à 2005 ». J’ai
énormément appris au cours de ces années. Les
cours étaient riches et passionnants. Poitiers est
une ville faite pour les étudiants. Tout est conçu
pour que l’on poursuive, dans les meilleures
conditions, nos études. Pour ma thèse, comme je
suis suivie par mes professeurs, je reste à Poitiers
pour l’achever, d’ici 2016, je pense. Comme le
sujet porte sur Haïti, je suis amenée à faire des
allers et retours deux fois par an.
Groupe ALPHA : Comment envisagez-vous votre
avenir ?
Sarah Mongérard : Une fois que j’aurai fini ma
thèse, je souhaite retourner en Haïti pour
enseigner l’histoire, notamment dans
l’établissement où j’ai effectué mes études,
l’Ecole normale supérieure de l’Université de
l’Etat d’Haïti. La Bourse Valencia m’a donné cette
opportunité de pouvoir
poursuivre mes études
universitaires. Je suis
très fière d’avoir pu
bénéficier de cette
bourse, associée, bien
sûr, à la mémoire de ma
sœur et portée par Haïti
Futur et le Groupe
ALPHA.
1ère
Interview, le 16 décembre 2010, de Sarah Mongérard,
étudiante en master 1 en histoire contemporaine,
bénéficiaire 2010-2013 de la Bourse Valencia Mongérard
2ème
Interview, le 20 septembre 2013, de Sarah Mongérard
8
9. Groupe ALPHA : Comment s’est déroulé le
processus de la sélection jusqu’à l’obtention de la
bourse ?
Régine Lafontant : Je venais d’achever ma Licence
en sciences économiques en Haïti. La campagne
d’information que l’association Haïti Futur a
lancée pour annoncer la création de la bourse
Valencia Mongérard, a été très bien relayée par
les radios et les télévisions. J’avais envie de
poursuivre mes études en sciences économiques
et j’avais, grâce à la bourse Valencia, si j’étais
sélectionnée, l’opportunité d’aller dans une
Université française. J’ai postulé et j’ai passé les
différentes étapes de sélection.
J’ai rencontré Josette
Bruffaerts-Thomas. Et j’ai été
retenue en master 1 en
expertise économique à
l’Université de Marne-la-Vallée.
Groupe ALPHA : Comment vous
organisez-vous depuis votre
arrivée en France ?
Régine Lafontant : Je suis arrivée le 19
septembre. Je viens de m’installer à la résidence
universitaire et j’apprends, grâce au soutien de
l’association Haïti Futur, à me familiariser avec
mon nouvel environnement. C’est la première fois
que je viens en France et c’est une expérience
totalement nouvelle. Cela peut être déroutant
mais l’essentiel, à mes yeux, c’est que j’ai la
chance d’étudier ici, à l’Université de Marne-la-
Vallée, de poursuivre mes études et,
parallèlement, de m’investir, aux côtés de
l’association Haïti Futur,
pour aider mes
compatriotes. Nous avons tous énormément
souffert cette année. Beaucoup de nos proches
sont décédés. La bourse, c’est une porte ouverte
sur l’avenir.
Groupe ALPHA : Vous venez d’achever votre
stage de fin d’études dans une ONG et vous allez
dans quelques jours rentrer en Haïti, forte d’un
master 1 en en expertise économique et d’un
master 2 en économie du développement et
management de projets internationaux. Quel
regard sur ces deux dernières années ?
Régine Lafontant : J’ai vécu, en France, une
expérience enrichissante, tant durant mes deux
années d’études que dans le cadre de mes
activités au sein de l’association Haïti Futur. Mon
stage de fin d’études, au sein du service
administratif et financier de l’ONG Vision du
monde, a été l’aboutissement de la formation que
j’ai reçue à l’Université et de ce que j’ai pu
accomplir aux côtés de Josette Bruffaerts-Thomas
et de son équipe. Je me sens prête aujourd’hui
pour retourner en Haïti et pour transmettre le
bagage que j’ai eu la chance de recevoir en
bénéficiant de la bourse Valencia Mongérard.
Groupe ALPHA : Comment pensez-vous mettre en
pratique les enseignements reçus en France ?
Régine Lafontant : J’ai approfondi mes
connaissances en économie, surtout en termes
d’évaluation des programmes, ainsi qu’en gestion
des projets. J’ai appliqué ces connaissances sur le
terrain, dans le cadre du stage que je viens
d’achever. J’ai eu la chance de
l’effectuer dans une ONG et d’aller
dans un pays en voie de
développement pour l’étude de
faisabilité d’un programme d’e-
learning en direction des acteurs
des ONG. Je me sens à même de
mener à bien, chez moi, des projets
1ère
Interview, le 23/09/2010, de Régine Lafontant,
étudiante en master 1 en expertise économique,
bénéficiaire 2010-2012 de la Bourse Valencia Mongérard
2ème
Interview, le 07/01/2013, de Régine Lafontant, à
quelques jours de son retour en Haïti, le cycle de ses
études venant de s’achever
9
10. de cette envergure, du montage du projet, à la
recherche des financements, de son suivi à son
évaluation.
Groupe ALPHA : C’est la première fois que vous
étiez si loin de chez vous pendant si longtemps.
Comment s’est déroulée votre adaptation ?
Régine Lafontant : Je suis très satisfaite de cette
expérience. J’en sors grandie, plus forte, avec le
sentiment que j’y ai beaucoup gagné sur le plan
du développement personnel. Il est vrai que je
m’adapte facilement et que j’ai eu la chance
d’avoir à mes côtés, dès mon arrivée, le soutien
de Haïti Futur et de l’université de Marne-la-
Vallée.
Groupe ALPHA : Quelle forme prendra, dans les
mois à venir, votre engagement auprès de Haïti
Futur ?
Régine Lafontant : Je suis et resterai toujours
disponible pour cette équipe que je trouve
extrêmement dynamique et positive. Comme je
serai en Haïti, mes activités seront plus en appui,
alors qu’ici, notamment la première année, j’ai
contribué au choix de la 2ème
boursière et à
l’organisation des expositions. Mes camarades ont
pris le relais et je suis très heureuse d’avoir pu
nouer avec elles et avec l’ensemble de l’équipe de
Haïti Futur cette relation de confiance,
d’engagement et de responsabilité envers notre
communauté.
Régine Lafontant est repartie en Haïti. Elle est
Analyste des opérations à la Banque
interaméricaine de développement.
Elle considère qu’elle a pu
obtenir ce poste, qui
correspond pleinement à ses
objectifs, grâce à son
parcours et aux études
qu’elle a pu suivre en France.
Groupe ALPHA : Comment avez-vous eu
connaissance de la Bourse Valencia Mongérard ?
Dany Selmé : Par le site de Haïti Futur. Je
cherchais à poursuivre mes études, après ma
licence en économie.
Parallèlement, je réfléchissais
à la meilleure manière de
contribuer efficacement à la
reconstruction de mon pays.
J’ai donc postulé pour la
Bourse Valencia Mongérard
et je suis arrivée en France en
septembre dernier.
Groupe ALPHA : La Bourse Valencia Mongérard
est attribuée aux étudiants les plus méritants,
tant en termes de résultats que d’engagement. A
quel point vous reconnaissez-vous dans cette
philosophie ?
Dany Selmé : J’ai bénéficié, pour ma licence en
Haïti, d’une bourse attribuée aux élèves modestes
réussissant bien leurs études (un des critères
d’attribution de la bourse est l’obtention d’au
moins 7,5 sur 10 de moyenne de la 4ème
à la
Terminale). Je sais combien j’ai eu de la chance,
moi qui venais d’une commune rurale, de pouvoir
poursuivre, dans les meilleures conditions, mes
études et de pouvoir, surtout, faire les études qui
me plaisent. En choisissant l’Economie de
développement, je tiens à me donner les
connaissances, les outils et les moyens
d’accompagner des jeunes comme, moi-même,
j’ai été si bien accompagnée dans mon parcours.
Groupe ALPHA : Selon vous, éducation et
engagement vont de pair ?
Dany Selmé : Indéniablement. Et c’est ce qui
caractérise les bénéficiaires de la Bourse Valencia
Mongérard. Nous sommes solidaires les unes des
autres car nous sommes conscientes d’être
particulièrement chanceuses. Nous avons, toutes
Et aujourd’hui ?
1ère
Interview, le 23 janvier 2012, de Dany Selmé,
étudiante en master 1 en expertise économique,
bénéficiaire 2011-2013 de la Bourse Valencia Mongérard
10
11. les trois, conscience de nos devoirs envers notre
communauté, qui nous a beaucoup donné. Nous
sommes conscientes que le développement et la
croissance reposent sur une bonne éducation. Il
n’y a pas mieux que l’éducation, c’est ce type de
message que j’ai envie de transmettre aux jeunes
de mon pays. J’ai envie de les encourager à
poursuivre leurs études. Je pense que je suis bien
placée pour aller à leur rencontre !
Groupe ALPHA : Vous avez achevé votre cursus
universitaire en juin dernier. Quel regard portez-
vous sur ces deux dernières années ?
Dany Selmé : J’ai trouvé les cours dispensés à
l’Université de Marne-la-Vallée très concrets,
résolument ancrés sur le terrain, notamment en
termes d’outils de gestion. J’ai pu bénéficier de six
semaines au Sénégal pour travailler sur un projet
de développement. Je me suis sentie en plein
dans le champ du développement. Après ces deux
années, je suis confiante dans mes capacités à me
lancer dans la vie active. Impression renforcée par
mon stage de fin d’année que j’achève, ces jours-
ci, à l’Association Haïti Futur et durant lequel j’ai
évalué son projet numérique.
Groupe ALPHA : Que retirez-vous de votre
expérience en France ?
Dany Selmé : La France m’a beaucoup inspirée, en
termes de maîtrise du temps, de la gestion, de
l’organisation et, surtout, des politiques
d’intervention économique et sociale. Au départ,
je trouvais les Français plus individualistes que les
Haïtiens mais, lorsque l’on approfondit les
relations, ils sont sympathiques, ouverts,
accueillants. J’ai l’impression de mieux
comprendre le monde, les rapports avec les
autres et avec les autres pays. Cette expérience
m’a apporté sur tous les plans. J’en sors grandie !
En revanche, j’ai un tout autre regard sur mon
pays. Je perçois mieux les enjeux de
développement et j’ai l’impression que je saurai
faire mieux face aux détails qui nous envahissent
tant en Haïti. Je sais que je parviendrai à me
concentrer sur l’essentiel et à mieux maîtriser tout
ce qui relève de l’accessoire.
Groupe ALPHA : Comment avez-vous envisagé
votre retour en Haïti ?
Dany Selmé : J’y retourne en janvier 2014. Je suis
actuellement en phase d’interrogation car
l’environnement a beaucoup changé. Pour le
moment, je cherche un travail. Ce que je
souhaiterais ? Créer un cabinet de conseil en
développement pour contribuer à mieux
coordonner les actions sur place. Il y a des
moyens, c’est indéniable, grâce à l’aide
internationale, mais pas de coordination. Les
projets existent, mais ils ne sont pas intégrés dans
un réseau. Cela manque en Haïti. J’aimerais faire
bénéficier mon pays de l’expertise que j’ai acquise
ici pour susciter des réseaux impactant les gens,
les activités, la vie communautaire. Grâce,
notamment, au soutien de Haïti Futur, j’ai pu, au
cours de ces deux dernières années renouveler
mon engagement et ouvrir grandes les portes de
la connaissance de ce type de coordination.
Aujourd’hui, je me sens prête.
NB : Dany est rentrée en Haïti. Elle vient de commencer
une mission de consultation au ministère du Commerce
et de l’Industrie dans le cadre d’un programme de
soutien aux micro-entreprises.
2ème
Interview, le 11 septembre 2013, de Dany
Selmé, étudiante en master 2 en économie du
développement et management de projets
internationaux
11
12. Groupe ALPHA : Vous avez obtenu l’an dernier un
master 1 en expertise économique à l’Université
de Marne-la-Vallée et vous commencez tout juste
votre master 2. Que retenez-vous de cette
première année passée en France ?
Marie-Evadie Daniel : Approfondissement,
enrichissement et ouverture au monde ! Je trouve
qu’au-delà des cours magistraux, la Bourse m’a
offert l’opportunité
d’approfondir les
notions acquises en
Haïti, d’acquérir un
regard nouveau et
différent sur le
monde, les gens et,
par conséquence,
d’apprendre la tolérance. Je rencontre des
personnes de nationalités différentes, je suis des
cours avancés dans des domaines que j’avais déjà
explorés en Haïti. Dans le cadre de mon
implication dans Haïti Futur, j’acquiers de
nouvelles expériences auprès d’autres
associations. Tout cet apprentissage me montre
combien la voie que j’ai choisie est la bonne.
Groupe ALPHA : Quels sont vos projets pour
l’avenir, une fois vos études achevées en France ?
Marie-Evadie Daniel : Je souhaite travailler
d’abord dans des entreprises
pour me familiariser encore plus
avec le monde du travail, pour
mieux asseoir mon expertise.
Après, j’aimerais travailler au sein
d’administrations haïtiennes pour
mettre en pratique toute mon
expérience… tout en continuant à
m’investir dans le social afin de
donner autant que j’ai reçu.
Groupe ALPHA : Quelle a été votre première
motivation pour solliciter la Bourse Valencia ?
Stevens Simplus : J’en
avais entendu parler,
comme beaucoup de
monde en Haïti. J’avais
achevé mon cursus
universitaire après
l’obtention d’un DES en
Statistique appliquée à l’économie. Je travaillais
depuis deux ans aux Télécoms haïtiens mais je
souhaitais me spécialiser en économie. La
formation que Haïti Futur ouvre aux étudiants
représentait un rêve, une réelle opportunité
d’aller plus loin dans mon parcours. En outre, en
tant qu’étudiant en économie, je trouvais inédit
qu’une telle bourse soit financée par une
entreprise privée française. Je suis donc allé voir
sur le site de l’association. J’ai trouvé que le
processus de recrutement des boursiers était
particulièrement structuré, tout en donnant à
tous ceux qui répondent aux critères la chance
d’être retenus. Le processus de sélection a duré
un mois et, début juillet, j’ai su que j’avais été
choisi.
Groupe ALPHA : Vous avez eu deux mois pour
préparer votre venue en France. Comment cela
s’est-il passé ?
Stevens Simplus : Tout s’est très bien déroulé car
Haïti Futur m’a accompagné dans toutes mes
démarches. J’ai démissionné de mon emploi et,
dès que je suis arrivé en France, j’ai pu compter
sur le soutien des bénévoles et des premières
Interview, le 19/09/2012, de Marie-Evadie Daniel,
étudiante en master 2 en économie du développement
et management, bénéficiaire 2012-2014 de la Bourse
Valencia Mongérard
1ère
Interview, le 23/09/2013, de Stevens Simplus,
étudiant en master 1 en expertise économique,
bénéficiaire 2013-2015 de la Bourse Valencia Mongérard
NB : Depuis la rentrée 2014, Marie-Evadie travaille au
ministère de l’Economie et des Finances.
12
13. boursières qui m’aident à me repérer et à me
familiariser avec les us & coutumes parisiens.
C’est passionnant !
Groupe ALPHA : Comment voyez-vous les deux
prochaines années ?
Stevens Simplus : Le programme des masters de
Marne-la-Vallée correspond en tous points avec
mes aspirations professionnelles. Ayant étudié et
travaillé en Haïti, je me suis rendu compte que
nous souffrions d’un manque de professionnels
compétents dans le domaine de l’information
statistique et économique. Une fois mon diplôme
de Marne-la-Vallée obtenu, j’aurai à cœur d’aider
les entreprises haïtiennes à mieux utiliser les
données dont elles disposent. J’aimerais, en
revenant après mes études en France, créer ma
propre entreprise et contribuer ainsi à la
reconstruction d’Haïti.
Groupe ALPHA : Vous venez de commencer votre
deuxième année de master, quel bilan tirez-vous
de la première ?
Stevens Simplus : J’ai appris énormément et j’ai
eu la chance de bénéficier d’un accompagnement
de très haute qualité de la part de l’association
Haïti Futur.
J’ai été deuxième de ma Promotion, ce dont je
suis particulièrement fier.
Cela m’encourage pour cette
nouvelle année !
Groupe ALPHA : Comment
abordez-vous le master 2 ?
Stevens Simplus : Les cours
sont davantage adaptés à la
réalité haïtienne, sans doute
moins théoriques qu’en
master 1. Cela me conforte
dans le choix de ma spécialisation, réellement en
phase avec mes attentes. En fin de cursus, je sens
que je serai prêt à retourner en Haïti pour
participer au développement de mon pays.
Groupe ALPHA : Vous êtes retourné en Haïti
pendant les congés d’été. Est-ce que votre regard
a changé après un an d’études en France ?
Stevens Simplus : Oui, j’ai trouvé que mon regard
avait beaucoup changé et que j’avais plein
d’idées, de projets de développement. Je me sens
plus ancré dans mon territoire et j’ai l’envie de
mettre en pratique ce que j’aurai appris ici.
2ème
Interview, le 28 octobre 2014, de Stevens Simplus,
étudiant en master 2 en économie du développement et
management
13
14. Groupe ALPHA : Quel bilan tirez-vous de vos deux
années en France ?
Stevens Simplus : Avant toute chose, je tiens à
remercier le Groupe ALPHA pour la chance qu’il
m’a donnée de transformer mon rêve en réalité.
Sans cette bourse qu’il finance depuis six ans pour
des étudiants haïtiens, jamais je n’aurais pu
achever mon cursus universitaire dans de telles
conditions ! Car, en plus de l’exemplarité de la
bourse, nous avons, tous les sept, eu un
accompagnement de très haute qualité par
l’association Haïti Futur qui nous a grandement
facilité l’adaptation à un pays que l’on ne
connaissait pas. Tous mes collègues boursières
sont unanimes pour penser que cet
accompagnement hors pair a fortement contribué
à la réussite de nos parcours.
Groupe ALPHA : Qu’est-ce qui vous a le plus
marqué au cours de ces deux années ?
Stevens Simplus : Cela a été une expérience
enrichissante exceptionnelle. J’ai le sentiment
d’avoir grandi, de m’être ouvert, d’avoir appris,
certes en termes d’acquis et de compétences,
mais également d’un point de vue humain. Je
crois qu’au-delà de ma réussite universitaire
[Stevens est Major de sa promotion, Ndlr], c’est
véritablement le fait d’avoir autant grandi
professionnellement et humainement qui me
frappe. J’ai appris au contact des différentes
personnes que j’ai rencontrées et j’en sors plus
fort, prêt à accompagner d’autres.
Groupe ALPHA : Qu’envisagez-vous dans les
prochaines semaines ?
Stevens Simplus : Je rentre en Haïti d’ici trois
semaines. J’ai déjà des pistes pour un emploi
même si je ne perds absolument pas de vue mon
ambition et mon objectif de créer ma propre
entreprise. Parallèlement à un poste dans un
organisme ou dans une entreprise, j’envisage,
avec quatre de mes amis, de monter ce projet.
Tout en gagnant ma vie, je me
donne un peu de temps pour le
mûrir et être ainsi plus en phase
avec les besoins du territoire
haïtien. J’ai la chance d’être bien
conseillé, notamment par
Monsieur Yannick L’Horty,
professeur d’économie à
l’Université de Marne-la-Vallée
qui encadre les boursiers
haïtiens et dont l’appui nous
sera très précieux.
3ème
Interview, le 2 novembre 2015, de Stevens Simplus,
diplômé du master 2 en économie du développement et
management, à quelques semaines de son retour en Haïti
Josette Bruffaerts-Thomas, présidente de
l’association Haïti Futur
« Avec l’expérience de Stevens, la Bourse Valencia
Mongérard prend sa triple dimension économique,
éducative et sociale. Stevens a quitté l’emploi qu’il
occupait en Haïti pour venir terminer ses études en
France. Il a pu le faire car le montant de la bourse le
lui a permis. Il n’aurait jamais pu laisser son emploi
car, en Haïti, il soutient financièrement sa famille.
Cette dimension solidaire est indissociable de la
dimension académique de la bourse Valencia
Mongérard.
A compétences égales, nous retiendrons la
candidature d’un étudiant qui n’a pas les moyens de
poursuivre ses études. L’association lui paye les
billets d’avion pour venir en France, le soutient dans
ses démarches lorsqu’il en a besoin. Lui, de son côté,
s’investit pour l’association mais il a un
environnement réellement propice pour mener à
bien, sereinement, ses études. D’où des résultats si
étonnants, pour Stevens, mais également pour ses
collègues boursières. Jusqu’à présent, tous ont très
bien réussi et ont été identifiés par l’Université
comme des étudiants exemplaires.
Pour l’association, c’est une immense fierté car nous
savons qu’ils vont ainsi retourner en Haïti et mettre
leurs compétences au service du développement
d’Haïti. Telle était notre ambition et notre objectif
lorsque nous avons créé, avec le Groupe ALPHA et
l’Université de Marne-la-Vallée, la Bourse. »
14
15. Groupe ALPHA : Que représente pour vous le fait
d’avoir obtenu la bourse Valencia Mongérard ?
Nemdia Daceney : Lorsque j’ai
appris la nouvelle, j’étais
atteinte par le virus du
chikungunya et assez affaiblie.
Du jour au lendemain, j’étais
guérie ! J’ai exactement suivi le
même parcours que Dany
Selmé. C’est grâce à nos bons
résultats en primaire que nous
avions bénéficié d’une bourse
d’excellence, nous permettant de suivre une
licence en économie en Haïti, puis, maintenant, de
la bourse Valencia Mongérard. C’est très
important pour nous car nos familles n’auraient
pu nous soutenir financièrement. C’est une réelle
chance et nous en sommes très conscientes. En
outre, Dany et Stevens m’ont aidée à bien
préparer mon voyage et mon séjour. Je suis
arrivée, début septembre, l’esprit tranquille, avec
le sentiment de déjà très bien connaître
l’environnement dans lequel j’évolue aujourd’hui.
Groupe ALPHA : Quelles sont vos impressions
après un mois en France ?
Nemdia Daceney : Je ne pourrais pas être plus
sûre de moi ! J’ai créé en Haïti un groupe
d’étudiants sur l’équité pour permettre aux
femmes de bénéficier des mêmes droits,
notamment économiques, que les hommes. Cela
correspond en tous points à ce que j’ai planifié
depuis ma 2ème
année ! Les cours que je suis en
France s’inscrivent dans mes engagements et me
confortent dans les choix que j’ai faits. J’ai le
même enthousiasme quand il s’agit, aux côtés de
Haïti Futur, de promouvoir la culture haïtienne, la
richesse et le talent de
mes concitoyens. Je
suis très heureuse de
faire partie de cette
très belle aventure.
Groupe ALPHA : Un an après votre arrivée en
France, quel bilan en tirez-vous ?
Nemdia Daceney : Très positif. J’ai obtenu mon
diplôme avec mention et je suis particulièrement
satisfaite du stage en gestion de base de données
économiques que j’ai effectué dans l’association
de développement économique de la Cité
Descartes durant cette première année. Cela
correspondait en tous points avec mes attentes.
Je gérais la base de données et je la mettais à jour,
je prospectais des entreprises et j’identifiais des
projets intéressants pour l’université dans des
domaines de pointe, tels que le numérique,
l’économie verte ou encore l’urbanisme.
Groupe ALPHA : Vous êtes entrée en master 2
depuis deux mois. Quelles premières
impressions ?
Nemdia Daceney : J’ai la chance d’être dans une
promotion multiculturelle. Nous sommes près de
40, contre 8 en master 1, venant de tous les coins
de la planète. Les enseignements sont très
concrets, pratico-pratiques et en anglais. Nous
aurons 354 heures de cours sur six mois, un
mémoire à rendre en fin d’année, un stage de six
mois ainsi qu’une mission de deux-trois semaines
en Haïti. Pour cette dernière, je sais déjà que
notre sujet d’études portera sur les algues
sargasses qui endommagent le sud de l’île. Pour
agir plus efficacement, j’ai créé avec des
condisciples de mes masters une association pour
œuvrer pour plus d’économie verte que nous
avons appelée CGain, car elle couvrira les
Caraïbes. Je pense que je réaliserai le stage de
6 mois dans le domaine de l’éducation, en lien
avec les actions d’Haïti Futur, dans le respect de
ce que j’appelle ma double casquette : boursière
grâce à Haïti Futur et membre de l’association. Je
m’y sens bien et pleinement intégrée.
1ère
Interview, le 28 octobre 2014, de Nemdia Daceney,
étudiante en master 1 en expertise économique,
bénéficiaire 2014-2016 de la Bourse Valencia Mongérard
2ème
Interview, le 10 novembre 2015, de Nemdia
Daceney, étudiante en master 2 en économie du
développement et management, bénéficiaire 2014-2016
de la Bourse Valencia Mongérard
15
16. Groupe ALPHA : Quel regard portez-vous sur
votre parcours en France ?
Emmanuela Douyon : Depuis trois ans, j’avais
inscrit sur ma liste de souhaits celui de postuler à
la bourse. J’ai pu le réaliser cette année. Dès la
phase de sélection, j’ai pu rencontrer, outre
Josette Bruffaerts, les premiers boursiers revenus
travailler en Haïti. Ensuite, j’ai pris contact avec
mes condisciples encore en France. Tout s’est
déroulé de telle sorte que je sois parfaitement
accompagnée avant, pendant et après mon
installation.
Groupe ALPHA : Qu’attendez-vous de votre
apprentissage en France ?
Emmanuela Douyon : Je suis arrivée ici en ayant
envie d’être ouverte à toutes les découvertes. J’ai
la chance d’être dans une promotion dans
laquelle règne une très bonne ambiance, avec les
enseignants et entre étudiants.
Après, j’ai envie de m’améliorer. J’étais licenciée
en économie en Haïti, cela faisait un an que
j’occupais un emploi au ministère des Affaires
étrangères. Je souhaite, outre les bénéfices des
enseignements dispensés à
l’université, diversifier mon
expérience du travail avec
des stages, rentrer en Haïti
avec de vraies références,
tant par ma formation que
par les expériences que
j’aurai vécues ici. Je sais
combien les étudiants
boursiers qui m’ont
précédée avaient un
excellent niveau. La barre
est haute mais je suis très bien entourée et
soutenue, passionnée par ce que je fais et très
motivée, avec un objectif d’obtenir, l’an prochain,
le statut d’étudiante entrepreneur pour monter
un projet d’avenir.
1ère
Interview, le 10 novembre 2015, d’Emmanuela
Douyon, étudiante en master 1 en expertise économique,
bénéficiaire 2014-2016 de la Bourse Valencia Mongérard
16
Le regard d’Emmanuela et de Nemdia
sur l’avenir d’Haïti
Emmanuela
« Je pense que nous sommes une génération très
prometteuse, motivée, avec de bonnes idées et de
belles initiatives. Nous sommes en capacité, me
semble-t-il, de nous distinguer. C’est la première fois
que nous avons autant de diplômés. Je pense que
nous sommes une chance pour l’avenir de notre
pays ! »
Nemdia
« Je suis pleinement d’accord. Nous avons une autre
façon de vivre l’engagement que les générations
précédentes, plus en phase avec le terrain,
davantage à un niveau micro que macro, pour la
mise en place de projets concrets, directement
palpables par les populations locales. On réfléchit en
termes de micro-projets, sur des territoires précis,
bien identifiés, dans nos communautés. »
17. Groupe ALPHA : Vous avez été à l’initiative de la
création de la Bourse Valencia Mongérard en
2010, aux côtés de Haïti Futur et de Groupe
ALPHA. Que retenez-vous de cette expérience ?
Marc Ferracci : Une perception concrète des
tourments et des difficultés que traversent les
pays dits en voie de développement, comme l’est
actuellement Haïti. On comprend mieux, au
regard du parcours des boursiers, les réelles
problématiques d’un pays économiquement
encore fragile. Cela nous
permet d’élargir notre
regard, souvent trop
empreint de chiffres et
de statistiques.
C’est important d’ouvrir
les portes de nos
Universités aux parcours
de ces jeunes, souvent
en charge de subvenir
aux besoins de leur
famille. Je pense
sincèrement que les
étudiants français ont été enrichis par les contacts
qu’ils ont eus avec les boursiers haïtiens,
nourrissant ainsi une alchimie très fertile. Au plan
académique, la motivation et le potentiel des
étudiants haïtiens ont aussi contribué à relever le
niveau général d’exigence pour tous.
Groupe ALPHA : Vous avez accompagné deux
étudiantes haïtiennes, Régine Lafontant et Dany
Selmé. Quel était votre regard à l’époque sur
leurs parcours, leur adaptation, etc. ?
Marc Ferracci : Je les ai trouvées très ouvertes aux
autres, avec de grandes qualités humaines. Au vu
du difficile parcours de sélection des boursiers
haïtiens, nous savions déjà qu’elles avaient un
niveau académique supérieur à la moyenne. Les
dossiers nous parviennent en fin de processus et
nous donnons un avis avant la sélection finale. Les
critères académiques sont naturellement très
importants pour le choix du boursier mais
l’association Haïti Futur a eu le souci, dès l’origine,
de privilégier celles et ceux capables de s’intégrer
dans un groupe et de favoriser l’ouverture des
autres aux problématiques d’Haïti. A ce titre,
Régine et Dany, comme cela avait été d’ailleurs le
cas de Valencia, ont pleinement joué leur rôle
fédérateur et entraînant.
L’une et l’autre avaient, dans mon souvenir, des
personnalités discrètes mais elles ont su s’adapter
avec intelligence et conviction. Elles allaient
spontanément vers les autres pour dialoguer. La
seule difficulté que nous avons pu rencontrer, de
façon transitoire, venait de la différence des
contenus d’enseignement entre la France et Haïti.
Leur approche des problématiques d’emploi, de
société et de développement suscitait de réels
échanges, féconds et approfondis, mais créait
parfois un décalage, que l’on résolvait par un
soutien adapté. C’est la force de la Bourse
Valencia Mongérard qui donne toutes leurs lettres
de noblesse aux échanges culturels et qui répond
ainsi pleinement à l’objectif d’intégration des
Universités françaises.
Groupe ALPHA : Vous êtes trois partenaires pour
la Bourse. Pourquoi cela fonctionne-t-il si bien ?
Marc Ferracci : Les rôles respectifs des
partenaires sont bien délimités. Ils ont, grâce au
Groupe ALPHA, les moyens de leur ambition,
chose suffisamment rare pour le souligner ici
encore. Ensuite, les enseignants de Marne-la-
Vallée les suivent et leur donnent les clés de
nouvelles compétences utiles pour leur devenir,
au même titre qu’aux autres étudiants. Enfin,
Haïti Futur est leur seconde famille en France, en
leur donnant aussi l’opportunité de s’engager au
travers des actions qu’ils réalisent pour
l’association. C’est ce mix qui est la clé de la
réussite.
Un partenariat de référence avec
l’Université de Marne-la-Vallée
Interview de Marc Ferracci, Professeur d’Economie à
l’Université Panthéon-Assas, membre du CREST (Centre
de recherche en économie et statistique)
17
18. Groupe Alpha : Vous suivez, au nom de
l’Université de Marne-la-Vallée, les Boursiers
haïtiens depuis trois ans. Quelles sont vos
impressions générales ?
Yannick L’Horty : Nous sommes extrêmement
satisfaits de leur présence dans notre cursus de
master car ils font partie des meilleurs étudiants.
Chaque année, ils sont dans les trois premiers de
leur promotion.
Naturellement, ils ont été recrutés très
finement mais je pense sincèrement
qu’ils bénéficient, outre du partenariat
financier par Groupe ALPHA, d’un
accompagnement hors pair de la part
de l’association Haïti Futur qui est,
avec eux, dans une véritable logique de
tutorat, dans une dynamique de
promotion collective.
C’est très palpable. Les jeunes s’entraident d’une
année sur l’autre, avant, pendant et après leur
séjour en France. Avant leur départ d’Haïti, les
aînés revenus chez eux leur donnent des conseils.
Arrivés en France, ils sont accompagnés dans leur
découverte de l’Université par leurs condisciples
encore présents ici et, naturellement, dans leur
apprentissage de la vie en France par l’association
Haïti Futur. Ils se retrouvent à l’antenne
parisienne et participent aux actions de
l’association. Cela crée du lien. Une fois rentrés
chez eux, ils peuvent compter sur le réseau de
ceux déjà installés. Ce passage de relais participe
pleinement de leur réussite. Cela crée un
environnement propice à de tels résultats. On
peut parler d’émulsion collective, créée et
enrichie par le travail quotidien mené par
l’association Haïti Futur.
Enfin, j’aimerais ajouter qu’ils ont tous un esprit
très collectif avec l’ensemble de leur promotion,
dans l’échange permanent, jouant un rôle moteur.
Ils ont été tous une richesse pour leur promotion.
Groupe Alpha : Stevens a pour projet la création
d’une entreprise en vue de contribuer au
développement de son pays. Quel regard portez-
vous sur son parcours universitaire ?
Yannick L’Horty : Stevens a trouvé, en suivant ce
cursus de Marne-la-Vallée, l’objet même de son
projet de création d’entreprise. Il se donne un peu
du temps et c’est bien pensé car il s’engage dans
une action qui doit avoir des impacts sur le
territoire. Mais il est indéniable qu’il a pris le
« virus » des économistes pour le développement
des études d’impact et des méthodes d’évaluation
des politiques publiques.
C’est d’autant plus important
que cela existe peu en Haïti
et que la phase de
développement que le pays
traverse nécessite de se
doter de tels outils.
Stevens a acquis les
compétences pour mener à
bien, de A à Z, un protocole d’évaluation de
politiques publiques, de sa conception au
traitement des données, en passant par la récolte
des données et la constitution de la base. Ce type
de compétences, d’expertise ou de technicité
peut être déployé aisément en Haïti, sur
n’importe quelle population, pour tout projet.
Groupe Alpha : La Bourse Valencia Mongérard et
l’accompagnement de Haïti Futur donnent-ils du
sens à votre propre engagement ?
Yannick L’Horty : Oui parce que je me réjouis de la
présence des étudiants haïtiens. A ce titre, je
remercie le Groupe ALPHA de financer la Bourse,
qui rend, bien évidemment, service aux étudiants
Haïtiens, mais aussi à l’Université de Marne-la-
Vallée et au pays car ce dernier va bénéficier des
compétences, de la créativité, de l’énergie de ces
jeunes particulièrement doués et résolument
tournés vers des dynamiques de développement
et d’évaluation des politiques mises en place pour
y parvenir. La boucle est bouclée.
Interview de Yannick L’Horty, Professeur d’Economie à
l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée
18
19. HAITI FUTUR est une association « loi 1901 », créée en 2001, dans le prolongement de
l’association GUANO créée en 1994.
Elle compte 280 adhérents et 1 400 sympathisants régulièrement informés des actions
menées.
En France, l’association développe les actions suivantes :
Recherche de financements.
Diffusion de la culture haïtienne.
Soutien aux étudiants haïtiens.
Participation aux actions et réflexions de la diaspora haïtienne (particulièrement depuis le
séisme).
Avec, en points d’orgue :
Des expositions-ventes.
Des interventions dans les écoles.
Des rencontres autour de la culture haïtienne.