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Illustration : Sylvari Necromancer, par Trisstiz (Deviantart)
L’ambiance a changé, vous
ne trouvez pas ?
Plus vite Stathor,
plus vite !
Le dragon dans la fosse, le
Nezu prend la pose.
Mais la
Terre est
ronde.
Psst. Hé oh ho èh. Réveillez-
vous.
Aucune idée, je lui
pète la gueule, et
j’avise après.
Ma sœur ? Je n’ai pas de
sœur.
Puuuuug ?
On se tiiiiiiire !
T’es oùùùùù ?
Il n’a pas trouvé de carottes,
il ne peut pas nous en
ramener.
Ce seront tes dernières
paroles ?
Va en enfer !
Le tout, c’est de
deviner chez qui
elle s’est réfugiée.
Dis tout de suite que je suis
gros !
Chapitre ƸƷ : Reflets
: Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste)
: Svynge (norn, gardienne)
: Nezumy (asura, ingénieur)
: Pug (asura, élémentaliste)
: Alia Arkady (humaine, voleuse)
: Shalimar (sylvari, élémentaliste)
: Ayrin Fields (humaine, guerrière)
: Aboune (asura, envoûteur)
: Stathor (asura, ingénieur)
: Guess (humaine, élémentaliste)
: Lianis (sylvari, élémentaliste)
: Agaéti (sylvari, gardienne)
: Altyon (sylvari, voleur)
: Lazare (humain, nécromant)
: Pogonar (humain, guerrier)
: Gledinia (norn, rôdeuse)
: Pajim (norn, rôdeuse)
: Yaddle (charr, guerrière)
: Oméga (asura, guerrier)
: Splif (asura, élémentaliste)
: Pan d’Orr ( ?)
Chapitre ƸƷ : Reflets
Saleté de charr, il s’est bien battu, je dois bien le reconnaître. La guerre est une
compagne qui lui est familier, la stratégie ne lui était pas étrangère non plus. Il se battait
avec l’énergie d’un dragon, il ravageait ses propres reflets sans que la douleur ne
l’atteigne. Ses attaques étaient dures à esquiver, tant les stratégies qu’il avait en tête
étaient nombreuses et difficiles à cerner. Il m’a fallu puiser dans mes réserves, au plus
profond de moi, dans ce que Père m’a légué. L’affrontement contre cette Shalimar m’avait déjà un
peu épuisé, et les blessures mortelles coûteuses en énergie. Je voulais faire vite contre ce charr
imprévisible, mais il avait fait durer le combat pour gagner l’avantage, il comprenait ma situation et
espérait m’avoir sur la durée. Malheureusement pour lui, nous ne sommes pas de la même lignée et
aussi valeureux que purent être ses ancêtres, je reprenais progressivement l’avantage. Blessé par ses
propres reflets, baigné dans son propre sang qui coulait à flot de ses multiples blessures, il finit par
s’agenouiller devant moi, une attitude fort honorable ma foi. Mes ses paroles, je ne les comprenais
toujours pas.
- Tu te bats bien, petite catin. Où est Ayrin avant que je retire ton sourire de ta face de skelk ?
- Qui ça ?
- Ayrin, pétasse, fais pas semblant de rien savoir. Je sens son odeur tout autour de toi. Tu étais
avec elle il y a peu.
- Ayrin… Ayrin ? Ah oui, la norn qui s’est faite tuer par Jormag ?
- Répète-ça ?
- La pauvre, sa propre sœur l’a tuée, sous l’emprise de Jormag.
- Merde, c’est pire que ce que je pensais.
- Ce seront tes dernières paroles ?
- Va en enfer !
A ma grande surprise, il s’était relevé d’un coup, en prenant le temps de se saisir de ma cheville pour
me faire chuter au sol. Furieuse, je n’avais plus qu’une envie, l’étriper ! Mais il avait disparu dans les
ombres de la forêt, et camouflé son aura. Je l’avais totalement perdu. Un adversaire digne d’intérêt,
qui préfère fuir que suivre un code d’honneur irrationnel. Il faudra me méfier, c’est un prédateur,
m’est avis que je reverrai tôt ou tard.
Quoi qu’il en soit, ces combats m’avaient épuisée. Je prenais conscience de la valeur des habitants de
la Tyrie et ce que Père a affronté. Ces êtres sont dangereux, plus encore unis. L’amour, l’amitié,
toutes ces conneries au nom desquelles ils se battent, leur donnaient une force incroyable. Si je
voulais les vaincre et restaurer un jour l’ordre de Père, il me faudrait les désunir.
J’avais faim. Peu avant le lever du jour, j’arrivai au niveau d’un hameau norn. Il fallait me rassasier, et
vite. Lorsque j’entrai dans la première demeure…
Zhaïtan s’était calmé, les effluves vertes qui s’extirpaient de son corps avaient fini par
disparaître. Il était allongé au cœur du décor, le souffle lent. Il était épuisé. Tout à coup, des
corps prirent forme devant lui. Des norns ! Oui ! Enfin, du monde ! Je me précipitai pour
aller à leur encontre lorsque je vis Zhaïtan se relever, difficilement. Il se jeta sur le premier
qu’il dévora net ! Impuissante, je ne pouvais que crier mon désarroi ! Il en dévora cinq ainsi,
sans leur laisser l’ombre d’une chance.
Chapitre ƸƷ : Reflets
Au chevet de leur lit, ma main sur leur front, j’aspirai leur vif sans qu’ils n’aient le temps
de réaliser ce qui se passait. Je n’avais pas le temps de leur proposer un combat digne de
ce nom, et j’en étais un peu contrariée, mais il me fallait manger, ça me faisait du bien.
Mais je n’étais pas encore repu, je le sentais. Ce que je redoutais arriva. J’avais
volontairement laissé les enfants en vie en espérant que les adultes me suffiraient. Mais
mes blessures étaient plus graves que je ne le pensais. Je luttais de toutes mes forces, je refusais
obstinément de les tuer, mais mon corps ne m’obéissait plus. Ma main tremblante se dirigeait sans
que je ne puisse rien y faire vers le front du petit homme. Je luttais avec toutes mes forces mais il
était trop tard. L’enfant devant moi n’étais plus qu’une coquille vide. Puis le second, et le troisième.
Je ne voulais pas, non, pas eux !
Je voyais avec horreur hommes, femmes, enfants, se faire dévorer par un Zhaïtan déchainé.
Mais que se passe-t-il ici par tous les esprits ? Vu le déchaînement du dragon, je me ferai
étriper si je tentais seulement de m’approcher à quelques mètres. Avec horreur, je me suis
détournée de ce massacre pour constater que petite Pan d’Orr regardait elle aussi la scène,
totalement impassible. Complètement figée. Impossible de savoir ce qu’elle ressentait à ce
moment là, quand bien même elle ressentirait quelque chose.
Derrière-moi, j’entendis Zhaïtan rugir. Il reprit son envol, tournoyant de nouveau dans les cieux. Le
massacre était fini. Une petite main se saisit de la mienne tandis que je vomissais intérieurement la
boucherie qui venait de se produire. La voix fluette de Pan d’Orr me fit d’un coup reprendre mes
esprits :
- J’aime pas quand il fait ça.
- Qu’est ce que… Pourquoi ?
- Il doit manger. Papa n’a pas le choix. Il a un gros appétit.
- Mais ce sont des innocents !
- Des innocents ? C’est quoi ?
- Des innocents c’est quoi ? Des innocents c’est quoi ! Tu te fous de moi !
Je voyais les yeux de la petite fille briller. Visiblement, elle ne comprenait pas ma réaction et
commençait à pleurer. Je m’emportais contre elle alors qu’elle n’y était pour rien. Je suis désolée.
- Excuse-moi Pan d’Orr, je suis désolée. Je ne voulais pas te rendre triste.
- Pourquoi t’es méchante avec moi ?
- Je ne voulais pas. Ce que je viens de voir… Ça m’a mis en colère.
- Pourquoi ?
- Ces gens n’y étaient pour rien. Il y avait même des enfants, comme toi, qui se sont fait
dévorés.
- Mais Papa, faut qu’il mange, sinon il va mourir.
- Je présume que des carottes ne lui suffiraient pas non ?
- Des carottes ?
- Un… petit truc orange super bon.
- Ça a l’air trop bien ! Je veux des carottes ! Je vais demander à papa.
Chapitre ƸƷ : Reflets
Pan d’Orr prit la direction de l’arène centrale. À son approche, le dragon descendit pour retrouver
sa… Sa fille… Après un court câlin, ils échangèrent des paroles qui m’étaient inaudibles. Au bout de
quelques instants, la petite fille revint me voir, sautillant de joie et battant des mains.
- Il verra ce qu’il peut faire pour les carottes.
- Ah… Ah bon ?
- Il t’aime bien tu sais.
- Ah ? Tu m’en vois ravie…
Je pense être restée assise des heures dans cette pièce, à pleurer. Quelle étrange
sensation. Je ne comprenais pas pourquoi mon corps réagissait comme ça, mais ça me
faisait du bien. Tellement de bien. J’étais devant le corps de cet enfant sans vie. Pas âgé
de plus de quelques saisons, et il n’en vivra plus maintenant. C’était la colère parfois qui
m’animait, le chagrin d’autres fois, le dégoût aussi, de ce que j’ai fait. Pourquoi n’ai-je pas
pu contrôler mon corps ? C’est mon corps merde ! J’aurais pu trouver pitance ailleurs. Alors
pourquoi ?
Tout à coup, j’entendis des voix provenant du centre du village, qui me firent sortir de mes
réflexions. Merde Svynge et les autres ! Qu’est-ce qu’ils font ici ? Auraient-ils compris ? On dirait que
non, leur pisteuse, Gledinia, ne comprend pas, mais elle a des doutes. Ce serait plus sage de
s’éclipser, pas le moment de trainer ici avec eux dans le coin.
J’ai couru toute la nuit, comme une folle. Qui était ce charr bordel ? Et qu’est-ce que c’est
que cette Pan d’Orr ? Une déesse ? Après tout, j’étais en vie grâce à elle, je lui dois tout.
Mais il y a plus urgent à faire. Ælwynn se porte-t-elle bien ? A-t-elle réussi à se contrôler ? À
mon grand soulagement, je l’aperçus enfin. Elle avait repris une marche normale, et je
pouvais la comprendre. Elle ne devait pas s’épuiser. Son fardeau est lourd à porter, et
extrêmement dangereux.
J’ai couru toute la nuit, comme une folle. Qui était ce charr bordel ? Et qu’est-ce que c’est
que cette Pan d’Orr ? Un émissaire des dragons ? Après tout, j’ai frôlé la mort à cause d’elle.
Mais il y a plus urgent à faire. Ælwynn se porte-t-elle bien ? A-t-elle réussi à se contrôler ? À
mon grand désarroi, je ne l’avais toujours pas retrouvée. J’espère qu’elle ne s’est pas
épuisée. Son fardeau est lourd à porter, et extrêmement dangereux. Mais avant tout, il
fallait me soigner. Cette rivière fera l’affaire.
Des bruits de pas précipités se firent entendre derrière moi. Retenant ma respiration, je
m’étais retournée pour voir, à mon plus grand soulagement, Shalimar arriver à mon
niveau. Je pouvais respirer, enfin !
- Shali ! Tu es en vie ! Mon cœur s’en réjouit !
Chapitre ƸƷ : Reflets
- Et le mien donc ! Comment te portes-tu ?
- Le fardeau est lourd à porter, mais ça va. Raconte-moi tout je t’en prie. Tu n’as pas l’air
blessée, j’en suis ravie, mais je ne comprends pas.
- Elle voulait ce que tu as en toi en l’occurrence.
- Est-ce tout ? Est-ce pour l’âme de ce démon qu’elle nous a attaquées ?
- J’en ai bien peur oui.
- Mais pourquoi ? Pan d’Orr s’est battue à nos côtés dans l’antre de Primordus. Cherchait-elle
seulement à s’accaparer cette incommensurable puissance ?
- Très probable.
- Tu l’as tuée ?
- Non. Pas vraiment.
- Shali, dis-moi tout, ne reste pas aussi mystérieuse.
-
Comment lui dire que je suis son amie sans l’être ? Comment lui dire que je la connais
depuis ma naissance alors que c’est la première fois que je la vois ? Comment lui dire
qu’une déesse m’a donné la vie et que c’est son pire ennemi ? Comment lui dire que je suis
son enfant et que Mère est immortelle ? Comment lui dire que je ne suis pas la Shalimar
qu’elle connaît mais que je suis juste son reflet ? Devrais-je lui dire ?
- Pan d’Orr a reçu des blessures mortelles mais… Mais à chaque fois elle s’est relevée, furieuse
et intacte.
- Que me chantes-tu là ? Es-tu sure de toi ?
- Un charr est intervenu dans notre combat et lui a dévissé littéralement la tête. Ça ne l’a pas
empêché de se relever.
- Un charr ?
- Oui.
- Tu sais pourquoi ?
- Aucune idée. Il m’a sauvée et m’a demandée de fuir. Ce que j’ai fait prestement.
- C’est catastrophique ce que tu me racontes ! Il faut à tout prix prévenir les autres.
- Rendons-nous d’abord au Prieuré nous mettre à l’abri, nous agirons ensuite. Mèr… Pan d’Orr
est peut-être sur nos traces, il ne faut pas trainer.
- Oui, oui, effectivement…
- Ça va t’es sure ? T’as pas l’air d’être au meilleur de ta forme.
- Ça va, je t’assure. Je suis juste un eu fatiguée.
- Sans toi, je sais pas si j’aurais eu la force de continuer. Te savoir en vie me comble de joie.
- Réciproquement.
Qui suis-je ? Suis-je cette amie qu’elle désire tant ? Ælwynn, j’ai l’impression de te connaître depuis
toujours, des foules de souvenirs me reviennent en mémoire en revoyant ton doux visage, mais ce ne
sont pas les miens. Jamais je n’ai vécu ça. C’est l’autre Shalimar qui connait tout ça. Devrais-je te
laisser en vie ? Devrais-je vivre ma propre vie ? Ma propre vie…
Chapitre ƸƷ : Reflets
Épuisée, je m’étais endormie sans m’en rendre compte au bord du ruisseau, bercée par le
clapotis du courant. Après de lourds rêves, j’entrouvrais les yeux. Un charr se tenait à quelques
mètres, les pattes dans le ruisseau. Massif, vêtu d’une épaisse armure, son sang imbibait les
eaux du ruisseau, formant des veinules rouges dans les eaux. Une de ses quatre oreilles s’agita, et il
se retourna pour me faire face. Ses deux longues cornes – l’une des deux étant brisée – ornaient un
visage couvert de cicatrices. Il n’avait plus qu’un œil, l’autre lui ayant été ôté par une estafilade qui
traverse son visage de part en part. Les dents saillantes, il humait l’air environnant avant de se
détourner de nouveau de moi.
- Bonjour ?
Seul le silence me fit office de réponse.
- Vous êtes celui qui m’a sauvée des griffes de… De cette fille. Je vous adresse mes plus
sincères remerciements.
Il daigna enfin me répondre, en se retournant pour me scruter de son unique œil.
- Pas besoin de me remercier. Je ne l’ai pas fait pour toi.
Ça avait le mérite d’être franc.
- Pourquoi vous en êtes vous pris à elle alors ?
Après avoir grogné et laissé de longues secondes de silence, il me répondit enfin.
- Elle pue.
- Pardon ?
- Elle porte l’odeur d’une proche qui m’est très chère.
- Est-ce tout ? Est-ce pour une simple odeur que vous vous êtes battu contre ce monstre ?
- Pas si simple que ça.
J’attendais la suite, mais il semblait méditatif d’abord, puis repris ses soins, en me laissant plantée là
avec cette réponse qui avait tout du ridicule.
- Laissez-moi vous aider, finis-je par lui dire en m’approchant de lui.
- Si vous faites encore un pas, je vous dégomme. Compris ?
- Euh, compris. Pourriez-vous me parler de cette odeur tout de même ?
Il sortait d’une de ses poches cousues à son armure des algues, avec lesquelles il se frotta les
blessures les plus graves.
- Ouais, si tu veux la plante. Cette gonzesse…
- Pan d’Orr.
- Pan d’Orr ?
- C’est son nom.
- Ouais, ben cette gonzesse, y’a un truc louche avec elle. Outre ses capacités de combat, plutôt
balèzes pour une humaine, elle porte l’odeur de ma gamine, et ça, ça me plait pas.
- Votre gamine ?
≈
Chapitre ƸƷ : Reflets
Il se mit à rigoler avec un rire grave et franc.
- On peut dire ça ouais, même si elle n’en fait qu’à sa tête.
- Pan d’Orr et votre fille, elles seraient rentrées en contact ?
- C’est là que ça cloche. L’odeur de ma gamine, elle n’est pas portée sur ses vêtements ou sur
son corps là, de l’autre, Pandar…
- Pan d’Orr.
- Pareil. M’en fous. Pétasse ce sera bien aussi. Le parfum de ma fille émanait du corps de la
pétasse, mais de l’intérieur. Je le sentais dans son souffle, dans sa sueur. Ça émanait partout
autour d’elle, mais impossible de voir ma fille. Comme si…
- Comme si votre fille était en elle ?
- C’est ça.
- Dites, comment s’appelle-t-elle ?
- Qui ça ?
- Votre fille.
- Cette chieuse ? Ayrin.
- Ayrin ? Ne me dites pas que votre fille est une norn.
Le charr releva la tête vivement, son œil fulminait. Il écumait.
- Comment la connais-tu, la plante ! Réponds !
- Nous étions ensemble pour affronter un valet de Primordus.
- Tu es sérieuse ? Que portait-elle ?
- Une magnifique armure en orichalque.
- Bordel de merde ! Que lui est-il arrivée ?
Je lui racontai toute l’histoire. Il tiqua au nom de Svynge. A la fin de mon récit, il resta contemplatif
puis la colère reprit le dessus.
- Abrutie de Svynge. Difficile de lui en vouloir vu la description que tu as faite de votre
adversaire. C’est la plus fragile des deux, à mon avis, elle morfle dans sa tête la blondasse. Va
falloir qu’elle encaisse. Si j’ai bien compris, Pan d’Orr était aux côtés d’Ayrin lorsqu’elle est
morte ?
- Oui.
- Je comprends rien aux superstitions et aux conneries religieuses, mais les norns ont un truc,
les esprits je crois. Son âme a du s’égarer et finir je ne sais comment dans le corps de la
pétasse.
- Ce serait une première.
- Première ou pas, va falloir que j’extirpe Ayrin de là.
- Comment comptez-vous vous y prendre ?
Il se gratta la tête comme un asura…
- Aucune idée. Je lui pète la gueule et j’avise après.
- Je suis pas sure que ça marche.
- Si t’as une meilleure idée, vas-y, parle, la plante.
- J’ai un nom.
Chapitre ƸƷ : Reflets
- C’est bien pour toi.
- Peut-être qu’un asura de ma connaissance pourra vous mettre sur la piste.
- Un asura ? Je hais ces bestioles.
- Si vous me promettez de ne pas lui faire de mal, je pourrais peut être vous indiquer sa
position.
- Pourquoi je l’exploserai ?
- C’est un asura.
- Ah ah ! Ouais, pas besoin d’en dire plus. Promis, je le chatouillerai pas.
- Il s’appelle Aboune, d’ici quelques jours, il devrait être aux abords de la demeure de Svynge,
dans la cité d’Hoelbrak, attendant le retour de ses compagnons.
- Pourquoi saurait-il quelque chose ?
- Il mène des recherches justement. Il parlait d’une magie interdite qui aurait été utilisée
pendant notre combat, et il avait vu juste. Peut être en saura-t-il plus sur l’imbrication des
âmes d’Ayrin et de Pan d’Orr.
- L’imbrica quoi ?
- Laissez tomber.
Le charr s’approcha de moi, puis me tendit la patte :
- Moi c’est Parousir, et vous ?
- Shalimar.
- Vous devriez-vous dépêcher. J’ai vu votre sœur courir à toute allure tout à l’heure, vers le
sud.
- Ma sœur ? Je n’ai pas de sœur.
- Pourtant, elle vous ressemblait comme deux gouttes d’eau.
Les idées se bousculaient dans ma tête. Oh non, je crains le pire !
- Je dois y aller ! Ça va aller pour vous ?
- Ouais, t’en fais pas la pla… Shalimar. Je saurai me débrouiller.
Non non ! Ælwynn est en danger. Si c’est bien ce que je pense, ce que je redoute, un clone de moi
n’est pas détruit. Et de ce que j’en sais, ils en savent beaucoup, beaucoup trop, sur les originaux.
Je suis elle mais je suis moi. Ai-je le droit de faire mes propres choix ? Doivent-ils être liés à
elle ? A moi ? Qui est le reflet de qui maintenant ? Maintenant que je suis sortie du miroir.
Je peux avoir mon propre reflet, à mon tour. Être maîtresse de ma vie.
- Ælwynn ?
- Oui ?
- Ce serait plus sage je pense de se détourner de notre chemin initial. Rien ne nous garantit
que Pan d’Orr ne nous pourchasse pas, ce serait mieux de brouiller les pistes.
- Tu as raison, on va remonter la Passe de Lornar par le sud pour atteindre le Prieuré. Ça nous
demandera trois ou quatre jours de plus mais on n’a pas le choix.
- Ça ira pour toi ?
- Oui oui, t’en fais pas.
Chapitre ƸƷ : Reflets
Je prenais soin d’effacer nos traces derrière nous, pour nous laisser le loisir de disparaître. Moi et
mon amie, à jamais liées. A mon tour de faire mon propre chemin, de laisser mes propres empreintes
en direction de l’avenir. Adieu, passé qui ne m’appartient pas. Une dernière chose…
Shalimar : Bon sève ! J’ai retrouvé leurs traces au bout de quelques heures. Ælwynn était avec elle.
Ce sont mes pas. Enfin les pas de moi. Mais ce n’est pas moi ! Mais la piste s’effaça d’un coup, sans
me laisser la moindre idée de la direction à prendre. Qu’a-t-elle fait à Ælwynn ? Sur une souche, un
objet attira mon attention. Mon pendentif, mon capteur de rêves. Elle s’en est séparée. Pourquoi ?
Me laisse-t-elle un message ? Que compte-t-elle faire d’Ælwynn, merde ?!
La piste étant trop bien dissimulée (on se demande bien d’où lui vient ce talent…) je pris la direction
du Prieuré, au pas de course. J’enverrai un moa voyageur prévenir les autres de la situation, et
tenterai de trouver de l’aide là-bas.
Le premier jour de nos recherches palpitantes dans l’Antre de Primordus, après avoir
prononcé nos adieux aux autres membres d’Onitopia, j’ai posé. Oui oui oui, le pied sur la
tête du Flammotaure, ou du moins sur ce qu’il en restait, il avait fier allure le Nezumy,
bouclier en avant, menton levé, cheveux dans le vent. Si avec ça Stathor n’avait pas le
béguin pour moi ! Bon, il n’y avait pas de vent certes, mais l’idée était là. Outre ce sublime
symbole qui irradiait la caverne de toute sa splendeur tel un parangon de justice et de vertus, et qui
faisait trembler Primordus lui-même au point qu’il se terrait au fond de sa niche, je servais surtout de
piédestal pour Aboune.
- Nezumy ? T’étais obligé de prendre cette pose ridicule pour que je ne puisse pas lire le
bouclier ?
- Ridicule ? Ridicule ? Ah ah ! Je me gausse. Le dragon dans la fosse, le Nezu prend la pose,
c’est bien normal !
- Si tu veux si tu veux.
Au bout de longues heures et quelques crampes.
- Alors, une petite idée ?
- Hein ? Ah oui, j’ai fini depuis longtemps déjà.
- Quoi quoi quoi ? Tu pouvais pas me prévenir ?
- T’avais l’air si heureux, je voulais pas te déranger.
- Groumph. Alors, quoi de neuf ?
- C’est limpide comme la roche de l’eau : ces symboles sur ton bouclier. Ils nous représentent.
- Bien sur bien sur. Ils nous représentent. Oui oui. Je vois pas ma tête dessus ceci dit, sauf
quand je me regarde dedans. Arrête de raconter des bêtises Aboune.
Guess, Pug et Stathor avaient fini par nous rejoindre.
- Pas dans mon intention de te faire marcher Nezu. Il y a vingt et un symboles en tout. Lorsque
nous affrontâmes la bête, nous étions combien d’après toi ?
Chapitre ƸƷ : Reflets
- Vingt et un ?
- Bravo.
- Merci !
- Va savoir pourquoi, ce bouclier est lié à nos énergies. Moins exactement, il est lié à ton
empathie pour les autres.
- Dis tout de suite que je suis gros.
Aboune se tapa le front de sa main, plutôt violemment.
- Non l’empathie, c’est la manière de ressentir les sentiments des autres, plus ou moins
développée chez les individus. Chez toi, c’est particulièrement développé.
- Ben oui, je sais très bien ce qu’est l’empathie. Pour qui me prends-tu ?
- Pour toi… Enfin bon bref, les personnes à qui tu t’attaches sont représentées
symboliquement sur ton bouclier.
- Trop fort !
- Si tu veux. La difficulté, c’est de deviner qui est qui, et pourquoi certains symboles réagissent
différemment des autres.
- C’est quoi c’est quoi c’est quoi ?
- C’est quoi quoi ?
- Mon symbole.
- En ressassant les derniers événements, ton symbole devrait appartenir à cette triade : Ξ ¿ Σ
- Ah c’est cool !
- J’ai fait une liste ici de mes suppositions, que vous pourrez ne pas regarder si ça vous chante.
- Ça m’enchante !
- Quoi qu’il en soit, on peut dire que nos compagnons sont partis dans différentes directions.
- Oh non.
- Rien de grave. A première vue, ils sont restés en groupe, pour la plupart. Probablement
quelques skelks à fouetter aux quatre coins de la Tyrie.
- Mais la Terre est ronde.
- Nezumy ?
- Oui ?
- Tu peux te taire s’il te plait ?
- D’accord.
- Ceci dit, il y a un symbole particulier. Le huit renversé toujours. Le seul qui se permet de
traverser les autres. Presque tous les autres en fait. Le voilà en osmose avec un symbole
depuis la chute du Flammotaure.
- Ce qui veut dire, intervint Pug ?
- Qu’ils sont liés intimement et qu’ils ne forment plus qu’une personne.
- Comment est-ce possible ?
- J’ai bien ma petite idée là-dessus. Lorsqu’Ayrin nous a quittés, son âme, son énergie, pour je
ne sais quelle raison, s’est réfugiée dans l’un de nous.
- J’ai pas envie de bière personnellement.
- Attends attends attends, tu veux dire qu’Ayrin est encore en vie ?
- Exactement.
Chapitre ƸƷ : Reflets
C’était l’heure de danser. Une des danses les plus exemplaires que ce monde carré ait connu ! Une
danse de joie !
- Le tout c’est de deviner chez qui elle s’est réfugiée. En posant les bonnes questions, ça
devrait pouvoir se trouver facilement et… Par tous les golems ! Qu’est-ce que c’est encore ?
Devant l’admiration d’Aboune, je finis par m’arrêter pour adresser de remarquables courbettes à
mon public.
- Merci merci.
- Ton bouclier ! Qu’est-ce que…
- Ben quoi ?
Aboune nous montra ce symbole : ≈. Voilà maintenant qu’ils étaient deux, face à face. Exactement
identiques mais symétriques.
- Alors là, voilà un nouveau mystère. C’aurait été trop simple…
Le deuxième jour de nos recherches, nous explorâmes la ville. Voilà qui n’était pas pour
me déplaire. Bon nombre d’artefacts nains avaient péri dans les flammes mais quelques
temples entre autres avaient su se préserver de la destruction. Lorsque nous passions les
entrecolonnements pour nous rendre au cœur des édifices, nous réalisions que tous
n’étaient pas destinés à quelconque croyance, à ma grande surprise. Celui-ci par exemple
était un bâtiment administratif, enfin ça y ressemblait. Nous évoluions au milieu de labyrinthes de
solides colonnes blanches et sculptées dans la plus grande simplicité mais non sans génie, sur le sol
duquel traînaient par centaines des tablettes de pierre gravées de symboles inconnus. Quelques
destructeurs fuyaient à notre approche. On les entendait à l’occasion derrière une colonne,
escaladant un mur, fuyant à toute allure. La défaite de leur maître ne les mettait pas en confiance,
mais leur présence n’était guère rassurante ceci dit.
Nous visitâmes ainsi bon nombre d’édifices, allant de l’école au temple, de la forge à l’entrepôt…
Nous naviguions dans une ville fantôme qui, à son heure de gloire, devait témoigner d’une intense
activité éblouissante. Les édifices noircis par le feu, les toiles d’araignées brulées, les contrastes
étaient parfois saisissants, entre les cendres et les pierres blanches, la tête pouvait m’en tourner.
Nous nous étions séparés pour accélérer les recherches, tout en restant dans un quartier commun,
au cas où. Je me dirigeai vers un temple, en apparence, en remarquant qu’un scarabée me suivait de
près. Ses mandibules cliquetaient derrière moi. Je me suis retourné vivement pour l’effrayer. Il battit
des ailes maladroitement puis finit par prendre la tangente.
La porte en bois massif était entrouverte. Elle n’avait pas l’air d’avoir souffert. Sur les linteaux, le
bestiaire des nains y figurait dans son intégralité : griffons, hydres, lions barbus… Ont-ils connus
toutes ces créatures ? Lorsque je poussai la porte, la poussière tomba comme une fine brume et, pris
de court, mon éternuement résonna dans le naos et se répercuta sur tous les murs avant de
disparaître au loin, après un fort long moment. Par tous les golems, quelle taille fait cet édifice ? Je
n’y voyais rien et ma torche ne perçait pas à plus de quelques mètres.
Chapitre ƸƷ : Reflets
Les toiles d’araignées n’avaient pas souffert non plus et étaient aux prises des courants d’air, les
minces fils voletant un peu partout. Seulement, il y avait un problème. Il n’y avait aucun courant
d’air. Plutôt que d’emprunter la colonnade central, je pris une des traverses latérales. Ma torche
éclairait les murs et j’eus la surprise d’y découvrir des fresques peintes.
La première représentait un asura – un asura ? – bras en l’air, devant une sorte de grande corne
entourée de norns. La deuxième fresque représentait une femme sur la scène d’un théâtre, avec un
groupe d’enfants en face d’elle. La troisième peinture représentait un asura – encore ? – fuyant ce
qui semble être une avalanche. La scène était criante de vérité et les peintures presque animées de
vie. Mais rien de scientifique dans tout cela, juste une impression. La suivante : une norn et un asura
affrontant des guivres. Bon sang ! C’est impossible ! La scène suivante montrait quatre personnages,
une norn, deux asuras et une humaine, comme s’ils volaient dans un ciel baigné de milliers d’étoiles.
Et les suivantes, que j’examinais à toute allure, totalement paniqué : l’aéronef qui emporta Svynge, le
visage du Flammotaure trois fois plus grand que moi me fit sursauter dans il était criant de vérité,
notre combat contre lui. Nous étions ici tous représentés, en train de l’affronter. Puis vint la
représentation de la mort d’Ayrin. Ayrin… Je ne t’oublierai jamais. Une fresque où trônait Nezumy sur
son adversaire, bouclier en main. Mais attendez, ça veut dire…
En levant haut la torche, je vis d’autres fresques plus loin : Svynge et les autres affrontant… C’est quoi
ça ? Une hydre ? En reprenant le fil des représentations, je poussai un cri de stupeur. C’était moi en
face de moi, une torche à la main, qui clignait des yeux ! Son bras sortit du mur et m’agrippa aussi
vivement au cou, pour me faire rentrer dans le mur.
Je me suis réveillé au pied du bâtiment, à l’extérieur, totalement sonné. Guess accroupie au-dessus
de moi.
- Tu vas bien ? On t’a entendu crier, on a accouru aussi vite.
- Je… Je sais pas.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Venez. Venez avec moi, je vais vous montrer.
Je pénétrai de nouveau dans le bâtiment, précipitamment, les autres derrière moi. Je me précipitai
vers les fresques pour leur montrer ce miracle ! Mais il n’y avait plus rien. Tout avait disparu. Non,
impossible !
- Alors ?
- Elles étaient là, je le jure ! Tout était là.
- Qu’est-ce qui était là ?
- Nous ! Enfin, les représentations de nous ! Les passées comme les futures !
- Il n’y a rien ici. Juste de la poussière et des toiles d’araignées.
- Mais je vous jure !
- Tu as du te prendre une pierre sur la tête. Allez sortons.
Aurais-je rêvé ? Tout cela me semblait si criant de vérité. L’hématome sur mon front en témoigne, et
je ne vois nulle part une pierre qui m’aurait assommé. Je ne suis pas fou, non !
Chapitre ƸƷ : Reflets
Au troisième jour, nous reprîmes activement nos recherches. Pug délirait un peu sur son
temple bizarre, et il y retournait souvent en espérant je ne sais pas trop quoi. Il en revenait
toujours bredouille. Ce temple était bizarre je l’avoue, une étrange ambiance. L’autel au
fond du naos, un imposant bloc de marbre qu’entourait deux lionnes ailées à visage et au
torse humain, était assez inquiétant. Leurs ailes se déployaient haut dans le dos des
créatures, sculptées admirablement. Impossible d’en connaître la fonction. Les créatures ailées était
faite d’une pierre bleue translucide qui battaient au rythme des flammes de nos torches, ce qui leur
donnerait presque un semblant de vie. Mais à part ça, pas grand-chose.
Le quatrième et le cinquième jour, nous finîmes les fouilles dans leur intégralité je pense (cette ville
est tellement grande). J’appréciais fouiller aux côtés d’Aboune qui me faisait l’histoire de ce qu’il
découvrait et de tous ces mystères de notre passé : le réveil des dragons, la disparition des nains,
l’effondrement de Louran-Sum… Tellement de choses à apprendre. Cette ville avait plusieurs sorties,
deux d’entre elles nous menèrent à des anciens sites d’excavations de pierre. Seuls les outils rouillés
témoignaient d’une intense activité, désormais éteinte. Un autre couloir nous menait au lac du
phare, ainsi qu’à la sortie. Un autre passage enfin, bien lus grand, à l’opposé, surmonté de solides
linteaux en pierre sculptée, s’enfonçait profondément sous terre. Nous arpentâmes quelques
centaines de mètres quand déjà la chaleur se faisait plus intense et les Destructeurs beaucoup plus
nombreux, et beaucoup moins fuyards. Nous n’insistâmes pas, de peur de nous fourvoyer dans des
lieux dangereux, d’autant plus qu’il serait sage de transmettre les informations au reste de la guilde.
Pas besoin de se faire connaître d’un nouveau vassal de Primordus.
La ville était étrangement calme le soir du cinquième jour. Du moins supposions-nous que nous en
étions au cinquième jour. Difficile de se repérer dans cette cavité. Étrangement oui. Nous
n’entendions plus les destructeurs autour de nous. D’habitude, ils étaient toujours plus ou moins
présents, pas forcément agressifs. Mais là, plus rien. Ça ne me disait rien qui vaille.
- L’ambiance a changé, vous ne trouvez pas ?
- Si Guess, me répondit Aboune, ça a sinistrement changé. On ferait mieux de ne pas trainer.
On regroupe nos affaires, on essaye de dormir un peu car la journée a été longue, et on file
d’ici. On n’a plus grand-chose à y trouver je pense.
Au beau milieu de la nuit, pour peu qu’une nuit ait un milieu, une odeur piquante et acide
de cendres brûlantes me réveillât. Il n’y avait rien autour de nous, tout était calme. Aboune,
Guess, Stathor, moi-même tout le monde était là. Hum. Hum. Hum…
Ou est passé Pug tiens ? Comment veut-il que je pense que tout le monde va bien si lui n’est
pas là ?
- Psst, hé, oh, eh. Réveillez-vous.
- Mmh, qu’est ce qui se passe ?
- Pug a disparu.
- Par tous les golems !
En me retournant pour suivre le regard de Stathor, je vis la cavité qui descendait profondément sous
terre, celle que nous n’avions jamais osé emprunter tant on savait que c’était risqué, baignée de
Chapitre ƸƷ : Reflets
rouge. Des destructeurs en sortaient par centaines ! Les entrailles de la terre vomissaient les insectes
dans la ville naine. Ils avaient pas l’air content !
- On se tire !
Je ne partirai pas d’ici sans résoudre le mystère d ce temple. Je sais que je ne suis pas fou,
pas encore du moins. Ces fresques étaient là, j’en suis sur ! Pourquoi ne réapparaissent-
elles pas ? Quel est l’énigme ? Il me faut savoir, je dois à tout prix savoir ! Une araignée
rentra dans mon nez par inadvertance et, surpris, j’éternuai pour qu’elle n’aille pas trop
loin dans mon cerveau !
Par tout… ce qui brille !!! Les fresques, les voilà ! Ne me dites pas qu’il suffit d’éternuer pour les
activer ? Selon toute apparence, ben si. La représentation qui me faisait face mettait en scène…
Quoi ? Ayrin me faisait face. Elle tenait la main d’une petite fille humaine vêtue d’une simple robe
rouge. Mais le plus étrange peut être, c’est que derrière elles deux se tenait Zhaïtan, les enveloppant
de ses ailes comme s’il voulait les protéger. Qu’est-ce que…
- Puuuuuug ? On se tiiiiiire ! T’es oùùùùù ?
Nezumy ? Que veut-il ? Je sortis du temple pour le héler :
- Hé, par ici ! Les fresques sont revenues.
- On s’en fout de tes dessins, on se tire ! On a d’autres dessins là tout de suite maintenant !
- Mais vous êtes pas bien ! Venez voir…
Du coin de l’œil, je vis Stathor se ruer vers moi. Elle m’empoigna fortement. Elle avait la force de cinq
norns ! Elle m’entraîna sur son sillage. Quelle brute !
- Mais arrêtez ! Je vous dis que tout est là ! Je…
Oh bon sang, une nuée de scarabées se déversait sur nous, escaladant les bâtiments, la cavernes, se
déversant dans les rues ! Il y en avait partout ! La ville était inondée d’une lumière rougeoyante.
Clairement, Papa Primordus n’était pas content.
- Plus vite Stathor, plus vite !
- Eh oh, je suis qu’une asura moi !
Nous courûmes ainsi comme des fous furieux, traqués par les milliers de scarabées. Nous
réempruntâmes les couloirs qui nous ont menés ici, en esquivant tant bien que mal les insectes au
vol maladroit. Je fermai la marche. A mon entrée dans la caverne aux cascades, je vis Nezumy au
dessus d’une sorte de levier.
- Messieurs mesdames attention, spectacle !
Il appuya sur le levier. Peu de temps après, le couloir explosa en émettant une détonation
monstrueuse. Les premiers scarabées se firent souffler net par l’explosion. Le sol trembla et le couloir
s’effondra, empêchant tout vassal de Primordus de le franchir.
Chapitre ƸƷ : Reflets
- Quelques petites mesures de sécurité, dit Nezumy, les mains sur les hanches, pas peu fier.
Dorénavant, la ville nous était interdite et à jamais enterrée, ainsi que ses secrets, mais au moins,
maigre consolation, les armées de Primordus n’auront plus accès à la surface. Le tombeau d’Ayrin, à
l’abri des regards indiscrets, pour l’éternité. D’ailleurs, Ayrin, quand j’y repense…
Je profitai des siestes de Pan d’Orr pour fouiller les lieux de manière plus conventionnelle.
Clairement, le centre de ce monde, c’est Zhaïtan, et tout se développait en cercles
concentriques autour de lui. Dans ce décor gris et austère, la ville en ruines se tenait au
centre d’une vaste plaine plate et morne, mélancolique et triste, s’étendant aussi loin que
pouvait porter le regard, pour buter sur de hautes chaines de montagnes. J’ai bien sur
tenter de rejoindre ces montagnes à plusieurs reprises, ne serait-ce que pour savoir ce qui pouvait se
cacher derrière, mais je pris bien vite conscience qu’il me faudrait plus qu’une simple sieste pour y
parvenir, sans compter sur le fait que dans ces plaines le dragon pouvait vite me repérer. Je préférai
que Pan d’Orr ne sache rien de mes projets. Et puis, de toute façon, si je trouve une sortie, qu’est-ce
qui se passera ?
Mon âme se trouvera à nouveau isolée dans les limbes du néant et si les esprits ne daignent venir me
chercher alors j’errerai pour l’éternité dans le vide absolu. Je préférai éviter ça. J’essayai de faire le
point sur la situation et de que j’en comprenais.
Pour je ne sais quelle raison, Pan d’Orr a une affinité extrême avec Zhaïtan. Il semble que le dragon
ne soit pas tout à fait mort finalement, son âme ou quelque chose du genre tournoie dans la tête de
cette fille. Comment et pourquoi, alors là vous m’en demandez trop. Peut-être que Pan d’Orr était
une guerrière qui aurait lutté contre Zhaïtan aux côté des autres et, un peu comme moi, Zhaïtan se
serait infiltré dans son corps à sa mort. Mais si c’était ça, pourquoi l’appellerait-t-elle papa ? Non, ce
n’est pas logique. Il aurait élevé cette gamine ? Ah ah ! Laissez moi rire. Un dragon, élever une petite
humaine… Je passai du rire franc au rire jaune… Pourquoi pas après tout ? Si elle a toujours vécu avec
les préceptes de son père particulier, rien de plus normal que d’accepter cette situation. Plus je
cherchais, et plus cette hypothèse semblait tenir la route.
Esprit ou pas, le dragon avait besoin de se nourrir visiblement. Dans ce monde, je n’ai jamais ressenti
la faim, alors pourquoi lui avait besoin de manger ? Régulièrement, des être apparaissaient au cœur
de la ville, que le dragon se faisait un malin plaisir à dévorer sans leur laisser l’ombre d’une chance.
Heureusement, je n’ai plus jamais revu d’enfants ou de carnages aussi violents que celui de la
dernière fois. La dernière fois d’ailleurs, quand j’y repense, j’ai ressenti une odeur familière. Un
parfum particulier avait soufflé l’espace d’un instant sur ce décor : celui de Parousir. Était-ce le fruit
de mon imagination ?
Zhaïtan avait besoin de manger. J’avais loisir de le regarder. En y prêtant une certaine attention, je
remarquai que le dragon semblait grandir en taille à mesure qu’il participait à ces orgies. Est-ce que
cela voudrait dire qu’il est en train de récupérer ses forces pour tenter de dominer à nouveau notre
monde ? C’est fort possible ! D’autant plus qu’il peut agir à loisir caché dans l’enveloppe humaine de
Pan d’Orr.
Chapitre ƸƷ : Reflets
En surface, Pan d’Orr devait trouver les proies pour les amener ici. Elle nous a bien roulés !
Heureusement, d’une certaine manière, je n’ai jamais vu de visage familier jusque-là. Est-ce dire
qu’elle s’est séparée de mes proches, de ma sœur ? Pourquoi a-t-elle voulu nous accompagner
d’ailleurs ? Quels sont ses intérêts à nous côtoyer ? Je n’aime pas ça.
Pourtant, quelque chose me chagrinait dans tout ça. Maintenant que j’étais plongé dans les plus
profonds secrets de Pan d’Orr, j’y ai trouvé un dragon certes, mais une petite fille aussi, tout ce qu’il
y a de plus normal : aimant jouer et rigoler, aimant les câlins, un peu excentrique parfois, curieuse,
pas méchante pour un sou… Tout ce qu’il y a de plus normal pour une gamine de six ans. Je savais
très bien que tuer la Pan d’Orr physique tuerait cette petite fille aussi, qui n’est que son plus profond
reflet. Si elle a été effectivement élevée parmi les dragons, elle n’a pas du passer une enfance
terrible…
Et si je tuais la petite ici, est-ce que ça tuerait l’enveloppe charnelle ainsi que Zhaïtan ?
En regardant petite Pan d’Orr dormir sur mes genoux, je me voyais serrant le cou de cette gamine
innocente, la privant de sa vie. Sans m’en rendre compte, je pleurais. Je ne pourrai jamais faire ça !
Mais si je n’ai pas le choix… Si Zhaïtan devient trop puissant. Pourrais-je faire autrement ? A chaque
seconde où j’hésite, ce sont des innocents qui finissent dans l’arène du dragon, et je corrobore ces
faits par ma passivité ! J’ai les mains tâchés de sang et je suis tout aussi coupable que Zhaïtan
finalement ! Devrais-je la tuer, là, maintenant, pour mettre fin à tout ça ? Je crois que…
- Ayrin, tu pleures ?
- Hein ? Non, tout va bien, t’en fais pas.
Je ne l’avais pas vu se réveiller.
- Papa veut me parler, je reviens.
- D’accord.
Je la regardais se diriger vers son papa… Qui se posa de nouveau au niveau de petite Pan d’Orr.
L’image pourrait presque être touchante si ce n’était pas un dragon psychopate qui venait chercher
l’affection d’une petite fille. Après son traditionnel câlin sur le museau, et quelques échanges
verbiaux, elle revint me voir.
- Il a dit qu’il est désolé.
- Désolé, pourquoi ça ?
- Il n’a pas trouvé de carottes, il ne peut pas nous en ramener.
- Ah ? Dommage. On finira bien par en trouver un jour, t’en fais pas.
- Oh oui oh oui oh oui.
Un dragon, bloqué pour trouver des carottes. J’y crois pas ! Je voyais petite Pan d’Orr trépigner
devant moi.
- Tu veux me dire autre chose ?
- Oui, mais j’ose pas.
- Viens ici, dans mes bras. On se connaît bien toutes les deux, ne sois pas timide.
Elle se lova contre moi.
Chapitre ƸƷ : Reflets
- Je t’écoute.
- Il a dit qu’il est d’accord.
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- Quoi ?

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  • 1. Illustration : Sylvari Necromancer, par Trisstiz (Deviantart) L’ambiance a changé, vous ne trouvez pas ? Plus vite Stathor, plus vite ! Le dragon dans la fosse, le Nezu prend la pose. Mais la Terre est ronde. Psst. Hé oh ho èh. Réveillez- vous. Aucune idée, je lui pète la gueule, et j’avise après. Ma sœur ? Je n’ai pas de sœur. Puuuuug ? On se tiiiiiiire ! T’es oùùùùù ? Il n’a pas trouvé de carottes, il ne peut pas nous en ramener. Ce seront tes dernières paroles ? Va en enfer ! Le tout, c’est de deviner chez qui elle s’est réfugiée. Dis tout de suite que je suis gros !
  • 2. Chapitre ƸƷ : Reflets : Aelwynn Wintersong (humaine, élémentaliste) : Svynge (norn, gardienne) : Nezumy (asura, ingénieur) : Pug (asura, élémentaliste) : Alia Arkady (humaine, voleuse) : Shalimar (sylvari, élémentaliste) : Ayrin Fields (humaine, guerrière) : Aboune (asura, envoûteur) : Stathor (asura, ingénieur) : Guess (humaine, élémentaliste) : Lianis (sylvari, élémentaliste) : Agaéti (sylvari, gardienne) : Altyon (sylvari, voleur) : Lazare (humain, nécromant) : Pogonar (humain, guerrier) : Gledinia (norn, rôdeuse) : Pajim (norn, rôdeuse) : Yaddle (charr, guerrière) : Oméga (asura, guerrier) : Splif (asura, élémentaliste) : Pan d’Orr ( ?)
  • 3. Chapitre ƸƷ : Reflets Saleté de charr, il s’est bien battu, je dois bien le reconnaître. La guerre est une compagne qui lui est familier, la stratégie ne lui était pas étrangère non plus. Il se battait avec l’énergie d’un dragon, il ravageait ses propres reflets sans que la douleur ne l’atteigne. Ses attaques étaient dures à esquiver, tant les stratégies qu’il avait en tête étaient nombreuses et difficiles à cerner. Il m’a fallu puiser dans mes réserves, au plus profond de moi, dans ce que Père m’a légué. L’affrontement contre cette Shalimar m’avait déjà un peu épuisé, et les blessures mortelles coûteuses en énergie. Je voulais faire vite contre ce charr imprévisible, mais il avait fait durer le combat pour gagner l’avantage, il comprenait ma situation et espérait m’avoir sur la durée. Malheureusement pour lui, nous ne sommes pas de la même lignée et aussi valeureux que purent être ses ancêtres, je reprenais progressivement l’avantage. Blessé par ses propres reflets, baigné dans son propre sang qui coulait à flot de ses multiples blessures, il finit par s’agenouiller devant moi, une attitude fort honorable ma foi. Mes ses paroles, je ne les comprenais toujours pas. - Tu te bats bien, petite catin. Où est Ayrin avant que je retire ton sourire de ta face de skelk ? - Qui ça ? - Ayrin, pétasse, fais pas semblant de rien savoir. Je sens son odeur tout autour de toi. Tu étais avec elle il y a peu. - Ayrin… Ayrin ? Ah oui, la norn qui s’est faite tuer par Jormag ? - Répète-ça ? - La pauvre, sa propre sœur l’a tuée, sous l’emprise de Jormag. - Merde, c’est pire que ce que je pensais. - Ce seront tes dernières paroles ? - Va en enfer ! A ma grande surprise, il s’était relevé d’un coup, en prenant le temps de se saisir de ma cheville pour me faire chuter au sol. Furieuse, je n’avais plus qu’une envie, l’étriper ! Mais il avait disparu dans les ombres de la forêt, et camouflé son aura. Je l’avais totalement perdu. Un adversaire digne d’intérêt, qui préfère fuir que suivre un code d’honneur irrationnel. Il faudra me méfier, c’est un prédateur, m’est avis que je reverrai tôt ou tard. Quoi qu’il en soit, ces combats m’avaient épuisée. Je prenais conscience de la valeur des habitants de la Tyrie et ce que Père a affronté. Ces êtres sont dangereux, plus encore unis. L’amour, l’amitié, toutes ces conneries au nom desquelles ils se battent, leur donnaient une force incroyable. Si je voulais les vaincre et restaurer un jour l’ordre de Père, il me faudrait les désunir. J’avais faim. Peu avant le lever du jour, j’arrivai au niveau d’un hameau norn. Il fallait me rassasier, et vite. Lorsque j’entrai dans la première demeure… Zhaïtan s’était calmé, les effluves vertes qui s’extirpaient de son corps avaient fini par disparaître. Il était allongé au cœur du décor, le souffle lent. Il était épuisé. Tout à coup, des corps prirent forme devant lui. Des norns ! Oui ! Enfin, du monde ! Je me précipitai pour aller à leur encontre lorsque je vis Zhaïtan se relever, difficilement. Il se jeta sur le premier qu’il dévora net ! Impuissante, je ne pouvais que crier mon désarroi ! Il en dévora cinq ainsi, sans leur laisser l’ombre d’une chance.
  • 4. Chapitre ƸƷ : Reflets Au chevet de leur lit, ma main sur leur front, j’aspirai leur vif sans qu’ils n’aient le temps de réaliser ce qui se passait. Je n’avais pas le temps de leur proposer un combat digne de ce nom, et j’en étais un peu contrariée, mais il me fallait manger, ça me faisait du bien. Mais je n’étais pas encore repu, je le sentais. Ce que je redoutais arriva. J’avais volontairement laissé les enfants en vie en espérant que les adultes me suffiraient. Mais mes blessures étaient plus graves que je ne le pensais. Je luttais de toutes mes forces, je refusais obstinément de les tuer, mais mon corps ne m’obéissait plus. Ma main tremblante se dirigeait sans que je ne puisse rien y faire vers le front du petit homme. Je luttais avec toutes mes forces mais il était trop tard. L’enfant devant moi n’étais plus qu’une coquille vide. Puis le second, et le troisième. Je ne voulais pas, non, pas eux ! Je voyais avec horreur hommes, femmes, enfants, se faire dévorer par un Zhaïtan déchainé. Mais que se passe-t-il ici par tous les esprits ? Vu le déchaînement du dragon, je me ferai étriper si je tentais seulement de m’approcher à quelques mètres. Avec horreur, je me suis détournée de ce massacre pour constater que petite Pan d’Orr regardait elle aussi la scène, totalement impassible. Complètement figée. Impossible de savoir ce qu’elle ressentait à ce moment là, quand bien même elle ressentirait quelque chose. Derrière-moi, j’entendis Zhaïtan rugir. Il reprit son envol, tournoyant de nouveau dans les cieux. Le massacre était fini. Une petite main se saisit de la mienne tandis que je vomissais intérieurement la boucherie qui venait de se produire. La voix fluette de Pan d’Orr me fit d’un coup reprendre mes esprits : - J’aime pas quand il fait ça. - Qu’est ce que… Pourquoi ? - Il doit manger. Papa n’a pas le choix. Il a un gros appétit. - Mais ce sont des innocents ! - Des innocents ? C’est quoi ? - Des innocents c’est quoi ? Des innocents c’est quoi ! Tu te fous de moi ! Je voyais les yeux de la petite fille briller. Visiblement, elle ne comprenait pas ma réaction et commençait à pleurer. Je m’emportais contre elle alors qu’elle n’y était pour rien. Je suis désolée. - Excuse-moi Pan d’Orr, je suis désolée. Je ne voulais pas te rendre triste. - Pourquoi t’es méchante avec moi ? - Je ne voulais pas. Ce que je viens de voir… Ça m’a mis en colère. - Pourquoi ? - Ces gens n’y étaient pour rien. Il y avait même des enfants, comme toi, qui se sont fait dévorés. - Mais Papa, faut qu’il mange, sinon il va mourir. - Je présume que des carottes ne lui suffiraient pas non ? - Des carottes ? - Un… petit truc orange super bon. - Ça a l’air trop bien ! Je veux des carottes ! Je vais demander à papa.
  • 5. Chapitre ƸƷ : Reflets Pan d’Orr prit la direction de l’arène centrale. À son approche, le dragon descendit pour retrouver sa… Sa fille… Après un court câlin, ils échangèrent des paroles qui m’étaient inaudibles. Au bout de quelques instants, la petite fille revint me voir, sautillant de joie et battant des mains. - Il verra ce qu’il peut faire pour les carottes. - Ah… Ah bon ? - Il t’aime bien tu sais. - Ah ? Tu m’en vois ravie… Je pense être restée assise des heures dans cette pièce, à pleurer. Quelle étrange sensation. Je ne comprenais pas pourquoi mon corps réagissait comme ça, mais ça me faisait du bien. Tellement de bien. J’étais devant le corps de cet enfant sans vie. Pas âgé de plus de quelques saisons, et il n’en vivra plus maintenant. C’était la colère parfois qui m’animait, le chagrin d’autres fois, le dégoût aussi, de ce que j’ai fait. Pourquoi n’ai-je pas pu contrôler mon corps ? C’est mon corps merde ! J’aurais pu trouver pitance ailleurs. Alors pourquoi ? Tout à coup, j’entendis des voix provenant du centre du village, qui me firent sortir de mes réflexions. Merde Svynge et les autres ! Qu’est-ce qu’ils font ici ? Auraient-ils compris ? On dirait que non, leur pisteuse, Gledinia, ne comprend pas, mais elle a des doutes. Ce serait plus sage de s’éclipser, pas le moment de trainer ici avec eux dans le coin. J’ai couru toute la nuit, comme une folle. Qui était ce charr bordel ? Et qu’est-ce que c’est que cette Pan d’Orr ? Une déesse ? Après tout, j’étais en vie grâce à elle, je lui dois tout. Mais il y a plus urgent à faire. Ælwynn se porte-t-elle bien ? A-t-elle réussi à se contrôler ? À mon grand soulagement, je l’aperçus enfin. Elle avait repris une marche normale, et je pouvais la comprendre. Elle ne devait pas s’épuiser. Son fardeau est lourd à porter, et extrêmement dangereux. J’ai couru toute la nuit, comme une folle. Qui était ce charr bordel ? Et qu’est-ce que c’est que cette Pan d’Orr ? Un émissaire des dragons ? Après tout, j’ai frôlé la mort à cause d’elle. Mais il y a plus urgent à faire. Ælwynn se porte-t-elle bien ? A-t-elle réussi à se contrôler ? À mon grand désarroi, je ne l’avais toujours pas retrouvée. J’espère qu’elle ne s’est pas épuisée. Son fardeau est lourd à porter, et extrêmement dangereux. Mais avant tout, il fallait me soigner. Cette rivière fera l’affaire. Des bruits de pas précipités se firent entendre derrière moi. Retenant ma respiration, je m’étais retournée pour voir, à mon plus grand soulagement, Shalimar arriver à mon niveau. Je pouvais respirer, enfin ! - Shali ! Tu es en vie ! Mon cœur s’en réjouit !
  • 6. Chapitre ƸƷ : Reflets - Et le mien donc ! Comment te portes-tu ? - Le fardeau est lourd à porter, mais ça va. Raconte-moi tout je t’en prie. Tu n’as pas l’air blessée, j’en suis ravie, mais je ne comprends pas. - Elle voulait ce que tu as en toi en l’occurrence. - Est-ce tout ? Est-ce pour l’âme de ce démon qu’elle nous a attaquées ? - J’en ai bien peur oui. - Mais pourquoi ? Pan d’Orr s’est battue à nos côtés dans l’antre de Primordus. Cherchait-elle seulement à s’accaparer cette incommensurable puissance ? - Très probable. - Tu l’as tuée ? - Non. Pas vraiment. - Shali, dis-moi tout, ne reste pas aussi mystérieuse. - Comment lui dire que je suis son amie sans l’être ? Comment lui dire que je la connais depuis ma naissance alors que c’est la première fois que je la vois ? Comment lui dire qu’une déesse m’a donné la vie et que c’est son pire ennemi ? Comment lui dire que je suis son enfant et que Mère est immortelle ? Comment lui dire que je ne suis pas la Shalimar qu’elle connaît mais que je suis juste son reflet ? Devrais-je lui dire ? - Pan d’Orr a reçu des blessures mortelles mais… Mais à chaque fois elle s’est relevée, furieuse et intacte. - Que me chantes-tu là ? Es-tu sure de toi ? - Un charr est intervenu dans notre combat et lui a dévissé littéralement la tête. Ça ne l’a pas empêché de se relever. - Un charr ? - Oui. - Tu sais pourquoi ? - Aucune idée. Il m’a sauvée et m’a demandée de fuir. Ce que j’ai fait prestement. - C’est catastrophique ce que tu me racontes ! Il faut à tout prix prévenir les autres. - Rendons-nous d’abord au Prieuré nous mettre à l’abri, nous agirons ensuite. Mèr… Pan d’Orr est peut-être sur nos traces, il ne faut pas trainer. - Oui, oui, effectivement… - Ça va t’es sure ? T’as pas l’air d’être au meilleur de ta forme. - Ça va, je t’assure. Je suis juste un eu fatiguée. - Sans toi, je sais pas si j’aurais eu la force de continuer. Te savoir en vie me comble de joie. - Réciproquement. Qui suis-je ? Suis-je cette amie qu’elle désire tant ? Ælwynn, j’ai l’impression de te connaître depuis toujours, des foules de souvenirs me reviennent en mémoire en revoyant ton doux visage, mais ce ne sont pas les miens. Jamais je n’ai vécu ça. C’est l’autre Shalimar qui connait tout ça. Devrais-je te laisser en vie ? Devrais-je vivre ma propre vie ? Ma propre vie…
  • 7. Chapitre ƸƷ : Reflets Épuisée, je m’étais endormie sans m’en rendre compte au bord du ruisseau, bercée par le clapotis du courant. Après de lourds rêves, j’entrouvrais les yeux. Un charr se tenait à quelques mètres, les pattes dans le ruisseau. Massif, vêtu d’une épaisse armure, son sang imbibait les eaux du ruisseau, formant des veinules rouges dans les eaux. Une de ses quatre oreilles s’agita, et il se retourna pour me faire face. Ses deux longues cornes – l’une des deux étant brisée – ornaient un visage couvert de cicatrices. Il n’avait plus qu’un œil, l’autre lui ayant été ôté par une estafilade qui traverse son visage de part en part. Les dents saillantes, il humait l’air environnant avant de se détourner de nouveau de moi. - Bonjour ? Seul le silence me fit office de réponse. - Vous êtes celui qui m’a sauvée des griffes de… De cette fille. Je vous adresse mes plus sincères remerciements. Il daigna enfin me répondre, en se retournant pour me scruter de son unique œil. - Pas besoin de me remercier. Je ne l’ai pas fait pour toi. Ça avait le mérite d’être franc. - Pourquoi vous en êtes vous pris à elle alors ? Après avoir grogné et laissé de longues secondes de silence, il me répondit enfin. - Elle pue. - Pardon ? - Elle porte l’odeur d’une proche qui m’est très chère. - Est-ce tout ? Est-ce pour une simple odeur que vous vous êtes battu contre ce monstre ? - Pas si simple que ça. J’attendais la suite, mais il semblait méditatif d’abord, puis repris ses soins, en me laissant plantée là avec cette réponse qui avait tout du ridicule. - Laissez-moi vous aider, finis-je par lui dire en m’approchant de lui. - Si vous faites encore un pas, je vous dégomme. Compris ? - Euh, compris. Pourriez-vous me parler de cette odeur tout de même ? Il sortait d’une de ses poches cousues à son armure des algues, avec lesquelles il se frotta les blessures les plus graves. - Ouais, si tu veux la plante. Cette gonzesse… - Pan d’Orr. - Pan d’Orr ? - C’est son nom. - Ouais, ben cette gonzesse, y’a un truc louche avec elle. Outre ses capacités de combat, plutôt balèzes pour une humaine, elle porte l’odeur de ma gamine, et ça, ça me plait pas. - Votre gamine ? ≈
  • 8. Chapitre ƸƷ : Reflets Il se mit à rigoler avec un rire grave et franc. - On peut dire ça ouais, même si elle n’en fait qu’à sa tête. - Pan d’Orr et votre fille, elles seraient rentrées en contact ? - C’est là que ça cloche. L’odeur de ma gamine, elle n’est pas portée sur ses vêtements ou sur son corps là, de l’autre, Pandar… - Pan d’Orr. - Pareil. M’en fous. Pétasse ce sera bien aussi. Le parfum de ma fille émanait du corps de la pétasse, mais de l’intérieur. Je le sentais dans son souffle, dans sa sueur. Ça émanait partout autour d’elle, mais impossible de voir ma fille. Comme si… - Comme si votre fille était en elle ? - C’est ça. - Dites, comment s’appelle-t-elle ? - Qui ça ? - Votre fille. - Cette chieuse ? Ayrin. - Ayrin ? Ne me dites pas que votre fille est une norn. Le charr releva la tête vivement, son œil fulminait. Il écumait. - Comment la connais-tu, la plante ! Réponds ! - Nous étions ensemble pour affronter un valet de Primordus. - Tu es sérieuse ? Que portait-elle ? - Une magnifique armure en orichalque. - Bordel de merde ! Que lui est-il arrivée ? Je lui racontai toute l’histoire. Il tiqua au nom de Svynge. A la fin de mon récit, il resta contemplatif puis la colère reprit le dessus. - Abrutie de Svynge. Difficile de lui en vouloir vu la description que tu as faite de votre adversaire. C’est la plus fragile des deux, à mon avis, elle morfle dans sa tête la blondasse. Va falloir qu’elle encaisse. Si j’ai bien compris, Pan d’Orr était aux côtés d’Ayrin lorsqu’elle est morte ? - Oui. - Je comprends rien aux superstitions et aux conneries religieuses, mais les norns ont un truc, les esprits je crois. Son âme a du s’égarer et finir je ne sais comment dans le corps de la pétasse. - Ce serait une première. - Première ou pas, va falloir que j’extirpe Ayrin de là. - Comment comptez-vous vous y prendre ? Il se gratta la tête comme un asura… - Aucune idée. Je lui pète la gueule et j’avise après. - Je suis pas sure que ça marche. - Si t’as une meilleure idée, vas-y, parle, la plante. - J’ai un nom.
  • 9. Chapitre ƸƷ : Reflets - C’est bien pour toi. - Peut-être qu’un asura de ma connaissance pourra vous mettre sur la piste. - Un asura ? Je hais ces bestioles. - Si vous me promettez de ne pas lui faire de mal, je pourrais peut être vous indiquer sa position. - Pourquoi je l’exploserai ? - C’est un asura. - Ah ah ! Ouais, pas besoin d’en dire plus. Promis, je le chatouillerai pas. - Il s’appelle Aboune, d’ici quelques jours, il devrait être aux abords de la demeure de Svynge, dans la cité d’Hoelbrak, attendant le retour de ses compagnons. - Pourquoi saurait-il quelque chose ? - Il mène des recherches justement. Il parlait d’une magie interdite qui aurait été utilisée pendant notre combat, et il avait vu juste. Peut être en saura-t-il plus sur l’imbrication des âmes d’Ayrin et de Pan d’Orr. - L’imbrica quoi ? - Laissez tomber. Le charr s’approcha de moi, puis me tendit la patte : - Moi c’est Parousir, et vous ? - Shalimar. - Vous devriez-vous dépêcher. J’ai vu votre sœur courir à toute allure tout à l’heure, vers le sud. - Ma sœur ? Je n’ai pas de sœur. - Pourtant, elle vous ressemblait comme deux gouttes d’eau. Les idées se bousculaient dans ma tête. Oh non, je crains le pire ! - Je dois y aller ! Ça va aller pour vous ? - Ouais, t’en fais pas la pla… Shalimar. Je saurai me débrouiller. Non non ! Ælwynn est en danger. Si c’est bien ce que je pense, ce que je redoute, un clone de moi n’est pas détruit. Et de ce que j’en sais, ils en savent beaucoup, beaucoup trop, sur les originaux. Je suis elle mais je suis moi. Ai-je le droit de faire mes propres choix ? Doivent-ils être liés à elle ? A moi ? Qui est le reflet de qui maintenant ? Maintenant que je suis sortie du miroir. Je peux avoir mon propre reflet, à mon tour. Être maîtresse de ma vie. - Ælwynn ? - Oui ? - Ce serait plus sage je pense de se détourner de notre chemin initial. Rien ne nous garantit que Pan d’Orr ne nous pourchasse pas, ce serait mieux de brouiller les pistes. - Tu as raison, on va remonter la Passe de Lornar par le sud pour atteindre le Prieuré. Ça nous demandera trois ou quatre jours de plus mais on n’a pas le choix. - Ça ira pour toi ? - Oui oui, t’en fais pas.
  • 10. Chapitre ƸƷ : Reflets Je prenais soin d’effacer nos traces derrière nous, pour nous laisser le loisir de disparaître. Moi et mon amie, à jamais liées. A mon tour de faire mon propre chemin, de laisser mes propres empreintes en direction de l’avenir. Adieu, passé qui ne m’appartient pas. Une dernière chose… Shalimar : Bon sève ! J’ai retrouvé leurs traces au bout de quelques heures. Ælwynn était avec elle. Ce sont mes pas. Enfin les pas de moi. Mais ce n’est pas moi ! Mais la piste s’effaça d’un coup, sans me laisser la moindre idée de la direction à prendre. Qu’a-t-elle fait à Ælwynn ? Sur une souche, un objet attira mon attention. Mon pendentif, mon capteur de rêves. Elle s’en est séparée. Pourquoi ? Me laisse-t-elle un message ? Que compte-t-elle faire d’Ælwynn, merde ?! La piste étant trop bien dissimulée (on se demande bien d’où lui vient ce talent…) je pris la direction du Prieuré, au pas de course. J’enverrai un moa voyageur prévenir les autres de la situation, et tenterai de trouver de l’aide là-bas. Le premier jour de nos recherches palpitantes dans l’Antre de Primordus, après avoir prononcé nos adieux aux autres membres d’Onitopia, j’ai posé. Oui oui oui, le pied sur la tête du Flammotaure, ou du moins sur ce qu’il en restait, il avait fier allure le Nezumy, bouclier en avant, menton levé, cheveux dans le vent. Si avec ça Stathor n’avait pas le béguin pour moi ! Bon, il n’y avait pas de vent certes, mais l’idée était là. Outre ce sublime symbole qui irradiait la caverne de toute sa splendeur tel un parangon de justice et de vertus, et qui faisait trembler Primordus lui-même au point qu’il se terrait au fond de sa niche, je servais surtout de piédestal pour Aboune. - Nezumy ? T’étais obligé de prendre cette pose ridicule pour que je ne puisse pas lire le bouclier ? - Ridicule ? Ridicule ? Ah ah ! Je me gausse. Le dragon dans la fosse, le Nezu prend la pose, c’est bien normal ! - Si tu veux si tu veux. Au bout de longues heures et quelques crampes. - Alors, une petite idée ? - Hein ? Ah oui, j’ai fini depuis longtemps déjà. - Quoi quoi quoi ? Tu pouvais pas me prévenir ? - T’avais l’air si heureux, je voulais pas te déranger. - Groumph. Alors, quoi de neuf ? - C’est limpide comme la roche de l’eau : ces symboles sur ton bouclier. Ils nous représentent. - Bien sur bien sur. Ils nous représentent. Oui oui. Je vois pas ma tête dessus ceci dit, sauf quand je me regarde dedans. Arrête de raconter des bêtises Aboune. Guess, Pug et Stathor avaient fini par nous rejoindre. - Pas dans mon intention de te faire marcher Nezu. Il y a vingt et un symboles en tout. Lorsque nous affrontâmes la bête, nous étions combien d’après toi ?
  • 11. Chapitre ƸƷ : Reflets - Vingt et un ? - Bravo. - Merci ! - Va savoir pourquoi, ce bouclier est lié à nos énergies. Moins exactement, il est lié à ton empathie pour les autres. - Dis tout de suite que je suis gros. Aboune se tapa le front de sa main, plutôt violemment. - Non l’empathie, c’est la manière de ressentir les sentiments des autres, plus ou moins développée chez les individus. Chez toi, c’est particulièrement développé. - Ben oui, je sais très bien ce qu’est l’empathie. Pour qui me prends-tu ? - Pour toi… Enfin bon bref, les personnes à qui tu t’attaches sont représentées symboliquement sur ton bouclier. - Trop fort ! - Si tu veux. La difficulté, c’est de deviner qui est qui, et pourquoi certains symboles réagissent différemment des autres. - C’est quoi c’est quoi c’est quoi ? - C’est quoi quoi ? - Mon symbole. - En ressassant les derniers événements, ton symbole devrait appartenir à cette triade : Ξ ¿ Σ - Ah c’est cool ! - J’ai fait une liste ici de mes suppositions, que vous pourrez ne pas regarder si ça vous chante. - Ça m’enchante ! - Quoi qu’il en soit, on peut dire que nos compagnons sont partis dans différentes directions. - Oh non. - Rien de grave. A première vue, ils sont restés en groupe, pour la plupart. Probablement quelques skelks à fouetter aux quatre coins de la Tyrie. - Mais la Terre est ronde. - Nezumy ? - Oui ? - Tu peux te taire s’il te plait ? - D’accord. - Ceci dit, il y a un symbole particulier. Le huit renversé toujours. Le seul qui se permet de traverser les autres. Presque tous les autres en fait. Le voilà en osmose avec un symbole depuis la chute du Flammotaure. - Ce qui veut dire, intervint Pug ? - Qu’ils sont liés intimement et qu’ils ne forment plus qu’une personne. - Comment est-ce possible ? - J’ai bien ma petite idée là-dessus. Lorsqu’Ayrin nous a quittés, son âme, son énergie, pour je ne sais quelle raison, s’est réfugiée dans l’un de nous. - J’ai pas envie de bière personnellement. - Attends attends attends, tu veux dire qu’Ayrin est encore en vie ? - Exactement.
  • 12. Chapitre ƸƷ : Reflets C’était l’heure de danser. Une des danses les plus exemplaires que ce monde carré ait connu ! Une danse de joie ! - Le tout c’est de deviner chez qui elle s’est réfugiée. En posant les bonnes questions, ça devrait pouvoir se trouver facilement et… Par tous les golems ! Qu’est-ce que c’est encore ? Devant l’admiration d’Aboune, je finis par m’arrêter pour adresser de remarquables courbettes à mon public. - Merci merci. - Ton bouclier ! Qu’est-ce que… - Ben quoi ? Aboune nous montra ce symbole : ≈. Voilà maintenant qu’ils étaient deux, face à face. Exactement identiques mais symétriques. - Alors là, voilà un nouveau mystère. C’aurait été trop simple… Le deuxième jour de nos recherches, nous explorâmes la ville. Voilà qui n’était pas pour me déplaire. Bon nombre d’artefacts nains avaient péri dans les flammes mais quelques temples entre autres avaient su se préserver de la destruction. Lorsque nous passions les entrecolonnements pour nous rendre au cœur des édifices, nous réalisions que tous n’étaient pas destinés à quelconque croyance, à ma grande surprise. Celui-ci par exemple était un bâtiment administratif, enfin ça y ressemblait. Nous évoluions au milieu de labyrinthes de solides colonnes blanches et sculptées dans la plus grande simplicité mais non sans génie, sur le sol duquel traînaient par centaines des tablettes de pierre gravées de symboles inconnus. Quelques destructeurs fuyaient à notre approche. On les entendait à l’occasion derrière une colonne, escaladant un mur, fuyant à toute allure. La défaite de leur maître ne les mettait pas en confiance, mais leur présence n’était guère rassurante ceci dit. Nous visitâmes ainsi bon nombre d’édifices, allant de l’école au temple, de la forge à l’entrepôt… Nous naviguions dans une ville fantôme qui, à son heure de gloire, devait témoigner d’une intense activité éblouissante. Les édifices noircis par le feu, les toiles d’araignées brulées, les contrastes étaient parfois saisissants, entre les cendres et les pierres blanches, la tête pouvait m’en tourner. Nous nous étions séparés pour accélérer les recherches, tout en restant dans un quartier commun, au cas où. Je me dirigeai vers un temple, en apparence, en remarquant qu’un scarabée me suivait de près. Ses mandibules cliquetaient derrière moi. Je me suis retourné vivement pour l’effrayer. Il battit des ailes maladroitement puis finit par prendre la tangente. La porte en bois massif était entrouverte. Elle n’avait pas l’air d’avoir souffert. Sur les linteaux, le bestiaire des nains y figurait dans son intégralité : griffons, hydres, lions barbus… Ont-ils connus toutes ces créatures ? Lorsque je poussai la porte, la poussière tomba comme une fine brume et, pris de court, mon éternuement résonna dans le naos et se répercuta sur tous les murs avant de disparaître au loin, après un fort long moment. Par tous les golems, quelle taille fait cet édifice ? Je n’y voyais rien et ma torche ne perçait pas à plus de quelques mètres.
  • 13. Chapitre ƸƷ : Reflets Les toiles d’araignées n’avaient pas souffert non plus et étaient aux prises des courants d’air, les minces fils voletant un peu partout. Seulement, il y avait un problème. Il n’y avait aucun courant d’air. Plutôt que d’emprunter la colonnade central, je pris une des traverses latérales. Ma torche éclairait les murs et j’eus la surprise d’y découvrir des fresques peintes. La première représentait un asura – un asura ? – bras en l’air, devant une sorte de grande corne entourée de norns. La deuxième fresque représentait une femme sur la scène d’un théâtre, avec un groupe d’enfants en face d’elle. La troisième peinture représentait un asura – encore ? – fuyant ce qui semble être une avalanche. La scène était criante de vérité et les peintures presque animées de vie. Mais rien de scientifique dans tout cela, juste une impression. La suivante : une norn et un asura affrontant des guivres. Bon sang ! C’est impossible ! La scène suivante montrait quatre personnages, une norn, deux asuras et une humaine, comme s’ils volaient dans un ciel baigné de milliers d’étoiles. Et les suivantes, que j’examinais à toute allure, totalement paniqué : l’aéronef qui emporta Svynge, le visage du Flammotaure trois fois plus grand que moi me fit sursauter dans il était criant de vérité, notre combat contre lui. Nous étions ici tous représentés, en train de l’affronter. Puis vint la représentation de la mort d’Ayrin. Ayrin… Je ne t’oublierai jamais. Une fresque où trônait Nezumy sur son adversaire, bouclier en main. Mais attendez, ça veut dire… En levant haut la torche, je vis d’autres fresques plus loin : Svynge et les autres affrontant… C’est quoi ça ? Une hydre ? En reprenant le fil des représentations, je poussai un cri de stupeur. C’était moi en face de moi, une torche à la main, qui clignait des yeux ! Son bras sortit du mur et m’agrippa aussi vivement au cou, pour me faire rentrer dans le mur. Je me suis réveillé au pied du bâtiment, à l’extérieur, totalement sonné. Guess accroupie au-dessus de moi. - Tu vas bien ? On t’a entendu crier, on a accouru aussi vite. - Je… Je sais pas. - Qu’est-ce qui s’est passé ? - Venez. Venez avec moi, je vais vous montrer. Je pénétrai de nouveau dans le bâtiment, précipitamment, les autres derrière moi. Je me précipitai vers les fresques pour leur montrer ce miracle ! Mais il n’y avait plus rien. Tout avait disparu. Non, impossible ! - Alors ? - Elles étaient là, je le jure ! Tout était là. - Qu’est-ce qui était là ? - Nous ! Enfin, les représentations de nous ! Les passées comme les futures ! - Il n’y a rien ici. Juste de la poussière et des toiles d’araignées. - Mais je vous jure ! - Tu as du te prendre une pierre sur la tête. Allez sortons. Aurais-je rêvé ? Tout cela me semblait si criant de vérité. L’hématome sur mon front en témoigne, et je ne vois nulle part une pierre qui m’aurait assommé. Je ne suis pas fou, non !
  • 14. Chapitre ƸƷ : Reflets Au troisième jour, nous reprîmes activement nos recherches. Pug délirait un peu sur son temple bizarre, et il y retournait souvent en espérant je ne sais pas trop quoi. Il en revenait toujours bredouille. Ce temple était bizarre je l’avoue, une étrange ambiance. L’autel au fond du naos, un imposant bloc de marbre qu’entourait deux lionnes ailées à visage et au torse humain, était assez inquiétant. Leurs ailes se déployaient haut dans le dos des créatures, sculptées admirablement. Impossible d’en connaître la fonction. Les créatures ailées était faite d’une pierre bleue translucide qui battaient au rythme des flammes de nos torches, ce qui leur donnerait presque un semblant de vie. Mais à part ça, pas grand-chose. Le quatrième et le cinquième jour, nous finîmes les fouilles dans leur intégralité je pense (cette ville est tellement grande). J’appréciais fouiller aux côtés d’Aboune qui me faisait l’histoire de ce qu’il découvrait et de tous ces mystères de notre passé : le réveil des dragons, la disparition des nains, l’effondrement de Louran-Sum… Tellement de choses à apprendre. Cette ville avait plusieurs sorties, deux d’entre elles nous menèrent à des anciens sites d’excavations de pierre. Seuls les outils rouillés témoignaient d’une intense activité, désormais éteinte. Un autre couloir nous menait au lac du phare, ainsi qu’à la sortie. Un autre passage enfin, bien lus grand, à l’opposé, surmonté de solides linteaux en pierre sculptée, s’enfonçait profondément sous terre. Nous arpentâmes quelques centaines de mètres quand déjà la chaleur se faisait plus intense et les Destructeurs beaucoup plus nombreux, et beaucoup moins fuyards. Nous n’insistâmes pas, de peur de nous fourvoyer dans des lieux dangereux, d’autant plus qu’il serait sage de transmettre les informations au reste de la guilde. Pas besoin de se faire connaître d’un nouveau vassal de Primordus. La ville était étrangement calme le soir du cinquième jour. Du moins supposions-nous que nous en étions au cinquième jour. Difficile de se repérer dans cette cavité. Étrangement oui. Nous n’entendions plus les destructeurs autour de nous. D’habitude, ils étaient toujours plus ou moins présents, pas forcément agressifs. Mais là, plus rien. Ça ne me disait rien qui vaille. - L’ambiance a changé, vous ne trouvez pas ? - Si Guess, me répondit Aboune, ça a sinistrement changé. On ferait mieux de ne pas trainer. On regroupe nos affaires, on essaye de dormir un peu car la journée a été longue, et on file d’ici. On n’a plus grand-chose à y trouver je pense. Au beau milieu de la nuit, pour peu qu’une nuit ait un milieu, une odeur piquante et acide de cendres brûlantes me réveillât. Il n’y avait rien autour de nous, tout était calme. Aboune, Guess, Stathor, moi-même tout le monde était là. Hum. Hum. Hum… Ou est passé Pug tiens ? Comment veut-il que je pense que tout le monde va bien si lui n’est pas là ? - Psst, hé, oh, eh. Réveillez-vous. - Mmh, qu’est ce qui se passe ? - Pug a disparu. - Par tous les golems ! En me retournant pour suivre le regard de Stathor, je vis la cavité qui descendait profondément sous terre, celle que nous n’avions jamais osé emprunter tant on savait que c’était risqué, baignée de
  • 15. Chapitre ƸƷ : Reflets rouge. Des destructeurs en sortaient par centaines ! Les entrailles de la terre vomissaient les insectes dans la ville naine. Ils avaient pas l’air content ! - On se tire ! Je ne partirai pas d’ici sans résoudre le mystère d ce temple. Je sais que je ne suis pas fou, pas encore du moins. Ces fresques étaient là, j’en suis sur ! Pourquoi ne réapparaissent- elles pas ? Quel est l’énigme ? Il me faut savoir, je dois à tout prix savoir ! Une araignée rentra dans mon nez par inadvertance et, surpris, j’éternuai pour qu’elle n’aille pas trop loin dans mon cerveau ! Par tout… ce qui brille !!! Les fresques, les voilà ! Ne me dites pas qu’il suffit d’éternuer pour les activer ? Selon toute apparence, ben si. La représentation qui me faisait face mettait en scène… Quoi ? Ayrin me faisait face. Elle tenait la main d’une petite fille humaine vêtue d’une simple robe rouge. Mais le plus étrange peut être, c’est que derrière elles deux se tenait Zhaïtan, les enveloppant de ses ailes comme s’il voulait les protéger. Qu’est-ce que… - Puuuuuug ? On se tiiiiiire ! T’es oùùùùù ? Nezumy ? Que veut-il ? Je sortis du temple pour le héler : - Hé, par ici ! Les fresques sont revenues. - On s’en fout de tes dessins, on se tire ! On a d’autres dessins là tout de suite maintenant ! - Mais vous êtes pas bien ! Venez voir… Du coin de l’œil, je vis Stathor se ruer vers moi. Elle m’empoigna fortement. Elle avait la force de cinq norns ! Elle m’entraîna sur son sillage. Quelle brute ! - Mais arrêtez ! Je vous dis que tout est là ! Je… Oh bon sang, une nuée de scarabées se déversait sur nous, escaladant les bâtiments, la cavernes, se déversant dans les rues ! Il y en avait partout ! La ville était inondée d’une lumière rougeoyante. Clairement, Papa Primordus n’était pas content. - Plus vite Stathor, plus vite ! - Eh oh, je suis qu’une asura moi ! Nous courûmes ainsi comme des fous furieux, traqués par les milliers de scarabées. Nous réempruntâmes les couloirs qui nous ont menés ici, en esquivant tant bien que mal les insectes au vol maladroit. Je fermai la marche. A mon entrée dans la caverne aux cascades, je vis Nezumy au dessus d’une sorte de levier. - Messieurs mesdames attention, spectacle ! Il appuya sur le levier. Peu de temps après, le couloir explosa en émettant une détonation monstrueuse. Les premiers scarabées se firent souffler net par l’explosion. Le sol trembla et le couloir s’effondra, empêchant tout vassal de Primordus de le franchir.
  • 16. Chapitre ƸƷ : Reflets - Quelques petites mesures de sécurité, dit Nezumy, les mains sur les hanches, pas peu fier. Dorénavant, la ville nous était interdite et à jamais enterrée, ainsi que ses secrets, mais au moins, maigre consolation, les armées de Primordus n’auront plus accès à la surface. Le tombeau d’Ayrin, à l’abri des regards indiscrets, pour l’éternité. D’ailleurs, Ayrin, quand j’y repense… Je profitai des siestes de Pan d’Orr pour fouiller les lieux de manière plus conventionnelle. Clairement, le centre de ce monde, c’est Zhaïtan, et tout se développait en cercles concentriques autour de lui. Dans ce décor gris et austère, la ville en ruines se tenait au centre d’une vaste plaine plate et morne, mélancolique et triste, s’étendant aussi loin que pouvait porter le regard, pour buter sur de hautes chaines de montagnes. J’ai bien sur tenter de rejoindre ces montagnes à plusieurs reprises, ne serait-ce que pour savoir ce qui pouvait se cacher derrière, mais je pris bien vite conscience qu’il me faudrait plus qu’une simple sieste pour y parvenir, sans compter sur le fait que dans ces plaines le dragon pouvait vite me repérer. Je préférai que Pan d’Orr ne sache rien de mes projets. Et puis, de toute façon, si je trouve une sortie, qu’est-ce qui se passera ? Mon âme se trouvera à nouveau isolée dans les limbes du néant et si les esprits ne daignent venir me chercher alors j’errerai pour l’éternité dans le vide absolu. Je préférai éviter ça. J’essayai de faire le point sur la situation et de que j’en comprenais. Pour je ne sais quelle raison, Pan d’Orr a une affinité extrême avec Zhaïtan. Il semble que le dragon ne soit pas tout à fait mort finalement, son âme ou quelque chose du genre tournoie dans la tête de cette fille. Comment et pourquoi, alors là vous m’en demandez trop. Peut-être que Pan d’Orr était une guerrière qui aurait lutté contre Zhaïtan aux côté des autres et, un peu comme moi, Zhaïtan se serait infiltré dans son corps à sa mort. Mais si c’était ça, pourquoi l’appellerait-t-elle papa ? Non, ce n’est pas logique. Il aurait élevé cette gamine ? Ah ah ! Laissez moi rire. Un dragon, élever une petite humaine… Je passai du rire franc au rire jaune… Pourquoi pas après tout ? Si elle a toujours vécu avec les préceptes de son père particulier, rien de plus normal que d’accepter cette situation. Plus je cherchais, et plus cette hypothèse semblait tenir la route. Esprit ou pas, le dragon avait besoin de se nourrir visiblement. Dans ce monde, je n’ai jamais ressenti la faim, alors pourquoi lui avait besoin de manger ? Régulièrement, des être apparaissaient au cœur de la ville, que le dragon se faisait un malin plaisir à dévorer sans leur laisser l’ombre d’une chance. Heureusement, je n’ai plus jamais revu d’enfants ou de carnages aussi violents que celui de la dernière fois. La dernière fois d’ailleurs, quand j’y repense, j’ai ressenti une odeur familière. Un parfum particulier avait soufflé l’espace d’un instant sur ce décor : celui de Parousir. Était-ce le fruit de mon imagination ? Zhaïtan avait besoin de manger. J’avais loisir de le regarder. En y prêtant une certaine attention, je remarquai que le dragon semblait grandir en taille à mesure qu’il participait à ces orgies. Est-ce que cela voudrait dire qu’il est en train de récupérer ses forces pour tenter de dominer à nouveau notre monde ? C’est fort possible ! D’autant plus qu’il peut agir à loisir caché dans l’enveloppe humaine de Pan d’Orr.
  • 17. Chapitre ƸƷ : Reflets En surface, Pan d’Orr devait trouver les proies pour les amener ici. Elle nous a bien roulés ! Heureusement, d’une certaine manière, je n’ai jamais vu de visage familier jusque-là. Est-ce dire qu’elle s’est séparée de mes proches, de ma sœur ? Pourquoi a-t-elle voulu nous accompagner d’ailleurs ? Quels sont ses intérêts à nous côtoyer ? Je n’aime pas ça. Pourtant, quelque chose me chagrinait dans tout ça. Maintenant que j’étais plongé dans les plus profonds secrets de Pan d’Orr, j’y ai trouvé un dragon certes, mais une petite fille aussi, tout ce qu’il y a de plus normal : aimant jouer et rigoler, aimant les câlins, un peu excentrique parfois, curieuse, pas méchante pour un sou… Tout ce qu’il y a de plus normal pour une gamine de six ans. Je savais très bien que tuer la Pan d’Orr physique tuerait cette petite fille aussi, qui n’est que son plus profond reflet. Si elle a été effectivement élevée parmi les dragons, elle n’a pas du passer une enfance terrible… Et si je tuais la petite ici, est-ce que ça tuerait l’enveloppe charnelle ainsi que Zhaïtan ? En regardant petite Pan d’Orr dormir sur mes genoux, je me voyais serrant le cou de cette gamine innocente, la privant de sa vie. Sans m’en rendre compte, je pleurais. Je ne pourrai jamais faire ça ! Mais si je n’ai pas le choix… Si Zhaïtan devient trop puissant. Pourrais-je faire autrement ? A chaque seconde où j’hésite, ce sont des innocents qui finissent dans l’arène du dragon, et je corrobore ces faits par ma passivité ! J’ai les mains tâchés de sang et je suis tout aussi coupable que Zhaïtan finalement ! Devrais-je la tuer, là, maintenant, pour mettre fin à tout ça ? Je crois que… - Ayrin, tu pleures ? - Hein ? Non, tout va bien, t’en fais pas. Je ne l’avais pas vu se réveiller. - Papa veut me parler, je reviens. - D’accord. Je la regardais se diriger vers son papa… Qui se posa de nouveau au niveau de petite Pan d’Orr. L’image pourrait presque être touchante si ce n’était pas un dragon psychopate qui venait chercher l’affection d’une petite fille. Après son traditionnel câlin sur le museau, et quelques échanges verbiaux, elle revint me voir. - Il a dit qu’il est désolé. - Désolé, pourquoi ça ? - Il n’a pas trouvé de carottes, il ne peut pas nous en ramener. - Ah ? Dommage. On finira bien par en trouver un jour, t’en fais pas. - Oh oui oh oui oh oui. Un dragon, bloqué pour trouver des carottes. J’y crois pas ! Je voyais petite Pan d’Orr trépigner devant moi. - Tu veux me dire autre chose ? - Oui, mais j’ose pas. - Viens ici, dans mes bras. On se connaît bien toutes les deux, ne sois pas timide. Elle se lova contre moi.
  • 18. Chapitre ƸƷ : Reflets - Je t’écoute. - Il a dit qu’il est d’accord. - D’accord pourquoi ? - Que tu deviennes ma maman. - Quoi ?