1. Alors,qu’attendred’untellabel?
Le label est décerné à un pôle métropolitain
censé supporter un écosystème local de
jeunes pousses avec à la clé des bénéfices
pour la startup de l’écosystème labellisé –
utilisation du label comme une marque
commune - bien qu’aucune contribution
financière ne soit versée. On ne peut nier
l’intérêt d’une telle labellisation au niveau
national, la région parisienne concentrant à
elle seule environ 60% des startups,
masquant de fait le caractère innovant
d’autres régions. Avec la labellisation French
Tech, on a pu voir émerger des métropoles
qui n’étaient pas particulièrement connues
pour leurs jeunes pousses. Et au niveau
national en dehors des métropoles point de
salut ?Etsimonentreprise/startupn’estpas
dans une métropole, je n’ai droit à rien parce
que je suis un bouseux. Parce qu’en dehors
des lieux de pouvoir politique, rien ne peut
exister ? Sur le plan international en
revanche, le bilan est moins probant, il est
difficile aujourd’hui de comprendre en quoi
ce label permet de promouvoir les startups
à l’étranger alors que cela en était l’objectif
premier. Parler d’une technologie française
innovantemais désignerauseinmêmed’un
pays des métropoles particulières oblitère
définitivement la lisibilité du label en
l’éparpillant au lieu d’insuffler une
dynamique globale de groupe.
Unestratégiedecommunication
coûteuse...
Côté moyen, cette action du gouvernement
a un coût, certes minime comparé au déficit
public, mais une communication onéreuse
rapportée aux bénéfices générés.
Rappelons-le, aucune rémunération
financière n’est attribuée aux startups
innovantes porteuses du label. L’argent du
plan de communication de ce label aurait
pu être directement alloué aux startups, qui
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Si les intentions du gouvernement sont
plutôt nobles, une labellisation « French
Tech » ne semble pas avoir beaucoup de
sens, sur la scène internationale, on ne
retrouve aucun équivalent, personne ne
parle de GermanTech ou de
JapaneseTech. Pourtant, la réputation de
la technologie allemande ou de
l’innovation japonaise n’est plus à faire.
Je n’oserais vous rappeler les « CES Las
Vegas » et autres « Vivatech » d’il y a
quelques années, d’avant Covid, où dans
les allées du salon on rencontrait plus
d’élus régionaux (des délégations de plus
de 50 personnes avec « journalistes » ?
embedded...) que de startup, tout cela aux
frais du contribuable... Et cerise sur le
gâteau, en ordre dispersé, sous des
bannières et stands « régionalistes »
totalement illisibles et incompréhensibles
pour un investisseur ou un prospect non
français. Si la crise du COVID a été positive,
c’est au moins sur l’arrêt de cette gabegie.
Comment avons nous fait pour passer
d’une bonne idée et d’un besoin réel à une
usine à gaz administrative et politique qui
ne sert pas les entreprises ou l’économie
réelle mais les agendas des élus nationaux,
régionaux et métropolitains, peu importe
le parti politique en présence, seule compte
la photo !
D
errière ce titre éminemment
provocateur, l’auteur a quelques
interrogations sur l’emblématique
« FrenchTech », son cortège de salons, de
communications politiques et d’appels à
projets bidons... En ces temps électoraux,
nous nous extasions sur la 26ème licorne
française, n’oublions pas quand même que
les licornes sont des animaux légendaires et
que l’argent magique n’existe pas... Et que
nos 26 licornes n’ont objectivement rien à
envier aux 37 anglaises et 26 allemandes,
surtout au niveau des fonds levés... Et qu’il
n’existe point de salut hors d’une approche
purement européenne, comme nous le
verrons à la fin de ce billet !
Unpeud’histoirerécente
Lancé par le gouvernement Français, le
label French Tech a pour objectif déclaré
« de faire de la France entière un vaste
accélérateur de startups : un réseau de
quelques écosystèmes attractifs. ». Belle
ambition. Au départ une bonne idée qui
date du quinquennat précédent (2014), sur
un constat somme toute pertinent :
comment faire rayonner à l’international
les startup françaises, au demeurant
invisibles par rapport à leur homologues
nord-américaines malgré leur qualités
avérées.
FRENCH
TECH
Ou comment passer de la bonne idée
à la « Startuffe Nation » ?
L E B I L L E T D ’ H U M E U R D E
P A S C A L F L A M A N D
UNELABELLISATION«
FRENCHTECH»NE
SEMBLEPASAVOIR
BEAUCOUPDESENS,
SURLASCÈNEINTER-
NATIONALE
2. contre la « tech » française et ses
indéniables atouts...
Dans ce petit monde « entre soit » les profils
d'ingénieurs et de spécialistes de la tech
sont invisibles. Confinés dans leurs
laboratoires et derrière leurs écrans, ce sont
pourtant les talents que les entreprises
devraient plébisciter à des postes de
dirigeants... «Les ingénieurs et les
spécialistes de la tech sont absent de la
FrenchTech, tant dans son leadership que
dans ses membres». Ce phénomène est
général à une société qui tient à l'écart les
compétences techniques, pourtant
nécessaires à la transformation de
l’administration et de l'économie.
Au final, l’intérêt du label French Tech se
justifie essentiellement à l’échelle
nationale. Les métropoles labellisées en
sont les réelles bénéficiaires et non
véritablement les startups elles-mêmes.
C’est un comble quand on se rappelle que
l’un des principes disruptifs majeurs de la
nouvelle économie est de se passer des
intermédiaires…Une schizophrénie française
bien classique. Pourquoi cela n’est pas
reconnu au niveau mondial, la question elle
est vite répondue !
Tout n’est pas à jeter et définitivement
négatif : le label French Tech a permis de
créer des écosystèmes locaux, là où ils
n’existaient pas, et de les fédérer, il a permis
de donner à des startups provinciales une
possibilité de visibilité internationale sous
une bannière commune... Mais il a aussi mis
en difficulté les écosystèmes pré-existants,
déjà organisés et performants en favorisant
la prise de pouvoir et l’adoubement
politique de petits potentats locaux en
quête de visibilité médiatique et la reprise
en mains dans certaines régions du secteur
de la «tech» par les organisations claniques
de l’économie traditionnelle.
Quand une région dépense 100€ pour la
tech et les startups, quelle est la part réelle
qui revient aux entreprises et quelle est la
part qui revient dans le salaire des
fonctionnaires gouvernementaux et
régionaux, des consultants divers et des
communicants institutionnels ? Les cours
régionales des comptes sont mieux placées
que l’auteur pour répondre à cette question.
Et devraient réellement se pencher sur le
sujet...
Lesstartupsetentreprises
françaisesdelatechn’ontpasbesoin
deservirdesupportde
communicationpolitiqueetdefaire
valoir;
elles ont besoins en premier lieu de
clients (avant même d’investisseurs) !
Surtout quand la commande publique
représente 50 % du PIB d’un
pays comme le nôtre! Collectivités
locales, gouvernement, faites confiance à
vos pépites et plutôt que de faire de la
communication ; confiez, par exemple et
au hasard, la gestion des données de
santé de vos concitoyens à un
groupement d’entreprises françaises du
cloud plutôt qu’à Microsoft ! Un « Small
Business Act » européen (pas local, pas
français) ne serait-il pas un signe fort,
une preuve d’amour, de nos institutions
pour nos entreprises ?
Et puis soyons réalistes, il n’y aucun avenir
à une tech Franco-Française, nous devons
avant tout a minima être européen, les
GAFAM nous le rappellent tous les jours, et
malgré les Cassandre, tout n’est pas
encore joué ! Nous avons de réelles
compétences, des ingénieurs et
chercheurs de très haut niveau que le
monde entier nous envie (et nous pille), des
entrepreneurs motivés, des écosystèmes
performants, ne laissons pas la
communication politique et les fausses
bonnes intentions tout gâcher !
en ont besoin, et sur lesquelles se reposent
précisément les métropoles/régions pour
réclamer le label. La France a-t-elle besoin
de communiquer sur sa puissance
technologique, son succès devrait se
démontrer naturellement !
Le gouvernement dépense des millions
pour communiquer, préférant investir dans
le « parler » plutôt que dans le « faire ». Se
faire représenter par le Président de la
République est flatteur et ne se refuse pas,
mais cela fait quand même un peu cher le
« Community Manager » ! Créer une
initiative pour clamer au monde que nos
jeunes pousses technologiques sont les
meilleures, c'est très «Gaulois ». « On est les
meilleurs, mais vous n'êtes pas assez
intelligents pour le comprendre, alors on va
vous l'expliquer. » On part la fleur au fusil
expliquer au monde entier que les
entreprises technologiques françaises sont
excellentes, et que les investisseurs
allemands, américains, japonais ou chinois
ne l'ont pas compris... A leur place j’en serai
vexé.
Cerise sur le gâteau, la French Tech « joue »
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