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ujourd’hui, nous sommes à
l’arrêt, nous attendons, je ne
sais pas vous dire si ça re-
prend demain ou après-
demain. » un bail qu’il at-
tend, le directeur de la sucre-
rie de Kiliba, fidèle au poste.
Bientôt un quart de siècle.
Sous son chapeau de paille,
enos Kambale contemple
avec mélancoliel’immensecarcassede
son usine, les tôles ondulées, les tuyau-
teries qui finissent de rouiller sous un
soleil de plomb, les engins agricoles
désossés dans lesquels jouent des
corbeaux sinistres. La silhouette de la
friche se détache comme un anachro-
nisme géographique, vision des vastes
horizons de Wallonie et de flandre
transportée aux confins de la répu-
bliquedémocratiqueduCongo.
C’estbienici,pourtant,en1956,adossée
àlafrontièreburundaiseetàlarivenord
du lac Tanganyika, que la sucrerie a lié
son destin à celui du pays-continent.
Aveclui,elleasubilescrisesetlesguerres
successives, leur cortège de récession,
lafaillitedesélites.Aveclui,elleachangé
de nom, quatre fois. Congo belge et Su-
craf,républiqueduCongoetofficena-
tional du sucre, Zaïre et sucrerie de
Kiliba, rDC et sucrerie du Kivu. Au
contrairedel’édifice,ledirecteurnesem-
blepasmarquerlesannées.Apart,peut-
être, dans les yeux, cette douceur de
vieuxmonsieur,sonfrançaischâtiédes
pèresmissionnaires.ilraconte.L’histoire
d’une faillite. Car, depuis 1995, pas un
gramme de sucre n’est sorti de celle qui
fut longtemps la gloire de la province.
Toutunroman
Le portrait noir et blanc du baron Paul
Kronacker,hommed’affairesetministre
d’etat, tient encore au mur de l’admi-
nistration silencieuse. regard clair, au
loin, du visionnaire. Du bon père de fa-
mille. C’est à son initiative que les
champsdecannesortentdesmarécages
pour approvisionner l’est de la colonie
etcelleduruanda-urundi.1960,quatre
ansplustard,Lumumba,Indépendance
cha-cha, nationalisation. retour de la
violence,mercenaireseuropéens,rébel-
lions locales. Le dépôt de bilan menace
et, dès 1968, les Kronacker sont de
3Le vif • numÉro 33 • 19.08.20162 Le vif • numÉro 33 • 19.08.2016
«
§
Le portrait du fondateur, le baron
Paul Kronacker, tient toujours au mur
du couloir de l'administration.
LESFANTÔMES
DEKILIBA
A l’est de la République démocratique du Congo,une
sucrerie industrielle se décompose au milieu des
champs de canne à l’abandon.Construite il y a
soixante ans,elle est à l’arrêt depuis 1995.Dans ses
ruines,des fantômes se promènent.Ceux des morts :
un baron belge,le maréchal Mobutu.Ceux des vivants,
encore accrochés à l’espoir d’une reprise.
PAR PAUL SALVANÈS - PhotoS : RONAN GUILLOU
Vingt et un ans après, les
infrastructures finissent de
rouiller sous le soleil de plomb.
L’usine extrait. Là, on verse les cannes
surletapismécanique,iciellessontcou-
pées,puisellespassentautraversdetrois
broyeurs successifs. » Plus de vingt ans
depuisladernièrerécolte,maisHippolyte
enparleencoreauprésent.iln’arrivepas
às’yfaire,lui,originaired’uneautrepro-
vince, venu faire sa vie ici à Kiliba. « on
metlesrouesetçapart!»lâche-t-il avec
excitation devant des cadavres de trac-
teurs. Seul lui répond le croassement
descorbeauxdanslacathédraled’acier.
Depuis1995,Hippolytevitdansl’espoir
que la production reprenne. L’année
prochaineestpeut-êtrelabonne.Luiet
les130employésrestantsn’ontpastou-
chédesalairedepuistrentemois.ilsres-
tentdonclà,ombresvivantesentourées
des fantômes d’hier, dont le plus pres-
tigieux porte une toque léopard.
LafauteàMobutu
mobutuetseshommesontorganiséavec
soinlaprédationdupays.Kiliban’apas
faitexception.Lafaillite:c’estleurfaute.
mobutuquifaisaitréglerparlasucrerie
les factures de ses visites officielles au
Burundivoisin.mobutuquifitconstruire
parl’entrepriseunmonumentstalinien
à sa gloire au nord de la plaine, à Kama-
nyola, là où, en 1964, encore simple of-
ficier, une balle traversa son képi. Sa lé-
gende d’invincibilité magique résiste
mal,d’ailleurs,àlavisitedesavillaper-
sonnelle,abandonnée,àl’écart.Loin
région attendaient le jour de paie des
employés de Kiliba pour ouvrir leurs
boutiques », poursuit l’ancien sportif.
Pendantlessixmoisdelacampagnean-
nuelle,1500coupeursdecannesontem-
bauchéscommejournaliers.unemanne
pourlarégion.entrelesarrivéesdema-
chines-outilsetlesdépartsdemarchan-
dises, le port lacustre d’uvira est le
deuxièmedupays.Aprèsmatadi,surla
façade atlantique.
« 42ansdeservicecontinu »
Ancien pilote du Cameco n°302, Alexis
sesouvientluiaussi.« ilyavaitbeaucoup
d’ambiance! A la fin de chaque cam-
pagne, les gens se retrouvaient comme
unefamille,onbuvait,onmangeaitdes
brochettes. »Lanostalgieestcelled’une
réussitecollective.D’unecommunauté
dont le département social assurait
l’animation. « ils faisaient venir des
troupesdethéâtre,desboxeurs,descat-
cheursdeLubumbashi. »Lesévocations
duprestiged’antanfonts’allumerlesre-
gards, vite assombris par la frustration
de la banqueroute. L’amertume d’un
pays richissime en sous-sol mais ruiné
en surface.
Lesplusaffectéssontceuxquisonttou-
jours en poste. Comme Hippolyte Cha-
kala,« 42annéesdeservicecontinu ».Le
responsable des plantations s’agite de-
vantunecarteau1/10000e
delaconces-
sion,empileleschiffresetlessuperlatifs.
uneconcessionde7000hectares,unré-
seaucomplexed’irrigation,186véhicules
agricoles, 10000 litres de mazout par
jourpendantlescampagnes.L’ingénieur-
agronome entame la visite d’une usine
qu’on dirait avoir été attaquée par un
troupeaudezombies,etévacuéeàlahâte.
Suruneporte,unmessageàlacraie :« Je
suisàl’atelier. »Desdocumentsàl’effigie
du Zaïre sont recouverts d’excréments
de volatiles. Au niveau de la bascule,
qui pesait les remorques de retour des
champs, une main dépitée a écrit sur le
tableaunoirladatedeladernièreentrée :
« fin transport cannes. 30/11/95. 20
heures. » une scène de crime écono-
mique qu’on inspecte en prenant garde
denetoucheràrien.
« Lesucreestfabriquédansleschamps.
5Le vif • numÉro 33 • 19.08.2016
récitcongo
4 Le vif • numÉro 33 • 19.08.2016
retourpour,finalement,coadminis-
trerlasucreriesouslazaïrianisationdu
maréchal mobutu. Les vestiges témoi-
gnent de cet âge d’or. un dédale de ma-
chines-outils allemandes, françaises,
italiennes, de poulies, de poutres, de
tourelles, de fourneaux à bagasse, de
cuvesàmélasse.Desremorques,desni-
veleuses,desherseusesàl’abandonsur
le bitume rendu à la nature. Des piles
d’archivespoussiéreuses,descartesdu
Zaïre, Costermansville pour Bukavu. il
flotte un air de rumba congolaise.
MandelaNixon
C’est tout un monde qui vivait là. Tout
unroman.CarKiliba,c’estaussiuneville
industrielle,fantôme.unepetiteAtlan-
tide sous le soleil africain. Autour de
l’usine,lesrestesdesdemeurespourca-
dres supérieurs, des pavillons pour
agents de maîtrise, du quartier ouvrier,
d’unedivisionsocialedel’espacehéritée
descitésminièresduplatpays.Demai-
gres troupeaux broutent les jardins où
jouaient les enfants. Pas un bruit. L’es-
trade à parades est envahie d’herbes
folles.Leplafondduclub-houses’effon-
dre là où les chefs socialisaient autour
de verres de genièvre. Dans quelques-
unes des villas décrépies habite désor-
mais la centaine d’employés qui reste.
Tristesapparitionsdésœuvréessousles
perrons et les arbres. ils font « du gar-
diennage ».enattendantl’hypothétique
reprise. mais, dans le cimetière indus-
triel,desvoixpleinesdefiertés’élèvent.
Lamêmefierté,lesmêmessouriresque
ceux des photos d’époque où l’on pose
devant les Cameco, ces monstres agri-
coles désormais réduits au silence.
nixon est natif du coin. Son père était
auxfourneauxdel’usine,àlacuite.L’été,
pendantlesvacances,lesgarçonsducru
venaient y travailler, obtenaient le per-
mis de conduire, un Graal. A la retraite
dupaternel,nixonaprislarelève,poli-
tique de recrutement familial oblige.
« Pour nous, la sucrerie c’était tout, de-
puisledébut.noussommeslesfilsd’ici. »
il évoque avec nostalgie ces années bé-
nies.Toutl’yramène,commelesurnom
qu’ilporteencoreaujourd’hui,celuid’un
autreprésident,Africaincelui-là.nixon
avait osé prendre la parole devant le
grand patron et les 3000 employés en
CDi, sur fond de revendications sala-
riales.« mandela!mandela! »,l’avait-on
acclamé. C’est resté. Avec un ami, il a
créél’associationdesenfantsdeKiliba.
Pours’entraider,garderlecontactentre
ceux qui sont partis et ceux qui restent
malgré le chômage. Près de 2000 tra-
vailleursattendenttoujours,vingtetun
ans après, leur solde de tout compte.
Son surnom à lui, « cerveau-moteur »,
Simbi l’a gagné sur le terrain de football
delaconcession.Leballonrond,lapassion
du baron. « J’étais, si je peux le dire, une
grande vedette, quoi. » Simbi est acheté
en1989àsonclubd’uvirapourrenforcer
celui de la sucrerie, le fC Koko (canne à
sucreenswahili).« ilsontversé100dollars
américainspourmontransfert,etj’aitou-
ché10%,unesommeàl’époque!»L’ancien
libéro a défendu les couleurs de la com-
pagnie jusqu’en province orientale. en
échangedesespassementsdejambe,on
luidonneuntravail.Asafemme,unposte
demaîtresseàl’écoledelasucrerie.etun
toitpourlejeunecouple.enseignement
gratuit.Santégratuiteassuréeparl’hôpital
moderne. « on avait des spécialistes, un
cardiologue,unpédiatre...lesseulsdela
région !»Tousleursenfantsynaissent,à
part les dernières, les jumelles suivies
pour complication par le désormais no-
bélisableDenismukwege.Laréputation
du chirurgien commence alors à se faire
àLemera,danslesmoyensplateaux.
« Letravailétaitdur,maisonétaitpayé,
etàl’heure.Touslescommerçantsdela
§
Les anciens sont de retour et posent devant les Cameco.
Nixon pose devant le tableau du dispatch,
qui organisait le travail de 186 véhicules
agricoles. L'agronome Hippolyte Chakala
fait la visite guidée de l'édifice.
Le directeur Enos Kambale reçoit dans son
grand bureau vide. §
desorsdesonpalaisdemarbreàGba-
dolite, elle est néanmoins la plus vaste
dusite,avecsestroiscolonnes.onpeut
apercevoir le mobilier kitsch au travers
des vitres brisées. un mythe local pré-
tendqueceuxquiontvoululepillern’ont
jamaisdépassél’enclosdelaconcession.
Panne mécanique. mystère. Alors on y
atoutremis,etletempsafaitsonœuvre.
retourdanslebureaududirecteur.une
vieille publicité européenne vante avec
désespoir les mérites de la saccharose :
« Quelleénergiedanslesucre! »Quefait
le dernier des mohicans de ses journées
dans le grand bureau vide? il termine
l’histoire. « en 1987, la Banque africaine
de développement nous a fait crédit de
40 millions de dollars pour rénover
l’usine. » Les deux années suivantes, les
campagnesproduisentchacuneplusde
20000tonnes,picshistoriques.mais,dé-
butdesannées1990,l’économieduZaïre
est exsangue. Sclérosée par la mauvaise
gestion, étranglée par la dévalorisation
de la monnaie, incapable d’acheter en-
graisetpiècesderechange,lasucreriene
peutpluspayersestravailleurs.C’estter-
miné. A quelques kilomètres, le monde
découvreavechorreurlegénociderwan-
dais,descentainesdemilliersderéfugiés
affluentenrDC.Kabilapèrelance,depuis
leSud-Kivu,sarébellionàlaconquêtedu
pays. une première guerre vite suivie
d’unedeuxième.rwanda,ouganda,Bu-
rundi,Angola, Zimbabwe, namibie jet-
tent leurs armées sur le sol congolais.
Les morts se comptent en millions. Les
deux Kivu virent capitale mondiale
du viol. Le docteur mukwege devient
l’homme qui répare les femmes. Beau-
coupd’anciensdelacompagnie,àlafor-
mation reconnue, sont recrutés par les
onG. C’est le cas de nixon, Simbi et
Alexis.
vingtansplustard,ilsysonttoujours.
Seul secteur qui ne connaît pas la crise,
l’industrie humanitaire, prise au piège
d’une maladie chronique dont le pays
ne semble pas vouloir guérir, tient dés-
ormais lieu d’économie locale. Avec le
conflitquienfleauBurundi,lestensions
électorales, une vingtaine de groupes
armésrépertoriésdanslaseuleprovince,
des niveaux d’éducation qui n’en finis-
sent pas de chuter quand la population
n’en finit pas d’augmenter... Pourtant,
ledirecteurinsiste.L’usineesttoujours
opérationnelle! il suffit de relancer les
plantations, un peu de maintenance et
l’appareil industriel livrera la capacité
installée de 200 tonnes/jour. « et les
connaissancestechniquessonttoujours
bienlà »,affirmeceluiquijongleencore
à la perfection entre précipité de phos-
phate tricalcique et processus de cris-
tallisation.
Quand, en 2011, l’etat congolais met
la sucrerie en liquidation de manière
unilatérale, elle est rachetée par des
investisseurs tanzaniens. Arrivée de
quelquestracteursflambantneufs.Cé-
rémonie de relance. Danses tradition-
nelles.Leshabitantsdelaplaineveulent
ycroire.maisrienn’abougé,pourcause
de tribalisme, de corruption et de pro-
cédurejudiciairelancéeparlesdescen-
dants du baron. L’espoir est pourtant
tenace.enmarsdernier,ledirecteurse
prenait à rêver. un accord avait été
trouvé,ilsepouvaitqu’onrecommence
en avril ! « Probablement, il y a de
grandes chances, s’il n’y a pas d’autre
aléa. Dieu aidant... oui. Absolument. »
Cinq mois après, du haut des tourelles
rouillées,tranquillesperchoirsdevolées
de pigeons, de toute leur inactivité, la
sucrerie de Kiliba et ses enfants atten-
dent toujours. en jugeant et condam-
nant la faillite générale. N
récitcongo
6 Le vif • numÉro 33 • 19.08.2016
§
Simbi, « cerveau-moteur », a retrouvé
une photo de son heure de gloire,
quand il jouait libéro de l'équipe
de la sucrerie, le FC Koko.
Un an après, les panneaux indiquent toujours la sucrerie depuis la route nationale 5,
désormais Sucrerie du Kivu, après qu'un groupe tanzanien en a racheté la moitié
des parts à l'Etat congolais.

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Les Fantômes de Kiliba - Le Vif

  • 1. récitcongo A ujourd’hui, nous sommes à l’arrêt, nous attendons, je ne sais pas vous dire si ça re- prend demain ou après- demain. » un bail qu’il at- tend, le directeur de la sucre- rie de Kiliba, fidèle au poste. Bientôt un quart de siècle. Sous son chapeau de paille, enos Kambale contemple avec mélancoliel’immensecarcassede son usine, les tôles ondulées, les tuyau- teries qui finissent de rouiller sous un soleil de plomb, les engins agricoles désossés dans lesquels jouent des corbeaux sinistres. La silhouette de la friche se détache comme un anachro- nisme géographique, vision des vastes horizons de Wallonie et de flandre transportée aux confins de la répu- bliquedémocratiqueduCongo. C’estbienici,pourtant,en1956,adossée àlafrontièreburundaiseetàlarivenord du lac Tanganyika, que la sucrerie a lié son destin à celui du pays-continent. Aveclui,elleasubilescrisesetlesguerres successives, leur cortège de récession, lafaillitedesélites.Aveclui,elleachangé de nom, quatre fois. Congo belge et Su- craf,républiqueduCongoetofficena- tional du sucre, Zaïre et sucrerie de Kiliba, rDC et sucrerie du Kivu. Au contrairedel’édifice,ledirecteurnesem- blepasmarquerlesannées.Apart,peut- être, dans les yeux, cette douceur de vieuxmonsieur,sonfrançaischâtiédes pèresmissionnaires.ilraconte.L’histoire d’une faillite. Car, depuis 1995, pas un gramme de sucre n’est sorti de celle qui fut longtemps la gloire de la province. Toutunroman Le portrait noir et blanc du baron Paul Kronacker,hommed’affairesetministre d’etat, tient encore au mur de l’admi- nistration silencieuse. regard clair, au loin, du visionnaire. Du bon père de fa- mille. C’est à son initiative que les champsdecannesortentdesmarécages pour approvisionner l’est de la colonie etcelleduruanda-urundi.1960,quatre ansplustard,Lumumba,Indépendance cha-cha, nationalisation. retour de la violence,mercenaireseuropéens,rébel- lions locales. Le dépôt de bilan menace et, dès 1968, les Kronacker sont de 3Le vif • numÉro 33 • 19.08.20162 Le vif • numÉro 33 • 19.08.2016 « § Le portrait du fondateur, le baron Paul Kronacker, tient toujours au mur du couloir de l'administration. LESFANTÔMES DEKILIBA A l’est de la République démocratique du Congo,une sucrerie industrielle se décompose au milieu des champs de canne à l’abandon.Construite il y a soixante ans,elle est à l’arrêt depuis 1995.Dans ses ruines,des fantômes se promènent.Ceux des morts : un baron belge,le maréchal Mobutu.Ceux des vivants, encore accrochés à l’espoir d’une reprise. PAR PAUL SALVANÈS - PhotoS : RONAN GUILLOU Vingt et un ans après, les infrastructures finissent de rouiller sous le soleil de plomb.
  • 2. L’usine extrait. Là, on verse les cannes surletapismécanique,iciellessontcou- pées,puisellespassentautraversdetrois broyeurs successifs. » Plus de vingt ans depuisladernièrerécolte,maisHippolyte enparleencoreauprésent.iln’arrivepas às’yfaire,lui,originaired’uneautrepro- vince, venu faire sa vie ici à Kiliba. « on metlesrouesetçapart!»lâche-t-il avec excitation devant des cadavres de trac- teurs. Seul lui répond le croassement descorbeauxdanslacathédraled’acier. Depuis1995,Hippolytevitdansl’espoir que la production reprenne. L’année prochaineestpeut-êtrelabonne.Luiet les130employésrestantsn’ontpastou- chédesalairedepuistrentemois.ilsres- tentdonclà,ombresvivantesentourées des fantômes d’hier, dont le plus pres- tigieux porte une toque léopard. LafauteàMobutu mobutuetseshommesontorganiséavec soinlaprédationdupays.Kiliban’apas faitexception.Lafaillite:c’estleurfaute. mobutuquifaisaitréglerparlasucrerie les factures de ses visites officielles au Burundivoisin.mobutuquifitconstruire parl’entrepriseunmonumentstalinien à sa gloire au nord de la plaine, à Kama- nyola, là où, en 1964, encore simple of- ficier, une balle traversa son képi. Sa lé- gende d’invincibilité magique résiste mal,d’ailleurs,àlavisitedesavillaper- sonnelle,abandonnée,àl’écart.Loin région attendaient le jour de paie des employés de Kiliba pour ouvrir leurs boutiques », poursuit l’ancien sportif. Pendantlessixmoisdelacampagnean- nuelle,1500coupeursdecannesontem- bauchéscommejournaliers.unemanne pourlarégion.entrelesarrivéesdema- chines-outilsetlesdépartsdemarchan- dises, le port lacustre d’uvira est le deuxièmedupays.Aprèsmatadi,surla façade atlantique. « 42ansdeservicecontinu » Ancien pilote du Cameco n°302, Alexis sesouvientluiaussi.« ilyavaitbeaucoup d’ambiance! A la fin de chaque cam- pagne, les gens se retrouvaient comme unefamille,onbuvait,onmangeaitdes brochettes. »Lanostalgieestcelled’une réussitecollective.D’unecommunauté dont le département social assurait l’animation. « ils faisaient venir des troupesdethéâtre,desboxeurs,descat- cheursdeLubumbashi. »Lesévocations duprestiged’antanfonts’allumerlesre- gards, vite assombris par la frustration de la banqueroute. L’amertume d’un pays richissime en sous-sol mais ruiné en surface. Lesplusaffectéssontceuxquisonttou- jours en poste. Comme Hippolyte Cha- kala,« 42annéesdeservicecontinu ».Le responsable des plantations s’agite de- vantunecarteau1/10000e delaconces- sion,empileleschiffresetlessuperlatifs. uneconcessionde7000hectares,unré- seaucomplexed’irrigation,186véhicules agricoles, 10000 litres de mazout par jourpendantlescampagnes.L’ingénieur- agronome entame la visite d’une usine qu’on dirait avoir été attaquée par un troupeaudezombies,etévacuéeàlahâte. Suruneporte,unmessageàlacraie :« Je suisàl’atelier. »Desdocumentsàl’effigie du Zaïre sont recouverts d’excréments de volatiles. Au niveau de la bascule, qui pesait les remorques de retour des champs, une main dépitée a écrit sur le tableaunoirladatedeladernièreentrée : « fin transport cannes. 30/11/95. 20 heures. » une scène de crime écono- mique qu’on inspecte en prenant garde denetoucheràrien. « Lesucreestfabriquédansleschamps. 5Le vif • numÉro 33 • 19.08.2016 récitcongo 4 Le vif • numÉro 33 • 19.08.2016 retourpour,finalement,coadminis- trerlasucreriesouslazaïrianisationdu maréchal mobutu. Les vestiges témoi- gnent de cet âge d’or. un dédale de ma- chines-outils allemandes, françaises, italiennes, de poulies, de poutres, de tourelles, de fourneaux à bagasse, de cuvesàmélasse.Desremorques,desni- veleuses,desherseusesàl’abandonsur le bitume rendu à la nature. Des piles d’archivespoussiéreuses,descartesdu Zaïre, Costermansville pour Bukavu. il flotte un air de rumba congolaise. MandelaNixon C’est tout un monde qui vivait là. Tout unroman.CarKiliba,c’estaussiuneville industrielle,fantôme.unepetiteAtlan- tide sous le soleil africain. Autour de l’usine,lesrestesdesdemeurespourca- dres supérieurs, des pavillons pour agents de maîtrise, du quartier ouvrier, d’unedivisionsocialedel’espacehéritée descitésminièresduplatpays.Demai- gres troupeaux broutent les jardins où jouaient les enfants. Pas un bruit. L’es- trade à parades est envahie d’herbes folles.Leplafondduclub-houses’effon- dre là où les chefs socialisaient autour de verres de genièvre. Dans quelques- unes des villas décrépies habite désor- mais la centaine d’employés qui reste. Tristesapparitionsdésœuvréessousles perrons et les arbres. ils font « du gar- diennage ».enattendantl’hypothétique reprise. mais, dans le cimetière indus- triel,desvoixpleinesdefiertés’élèvent. Lamêmefierté,lesmêmessouriresque ceux des photos d’époque où l’on pose devant les Cameco, ces monstres agri- coles désormais réduits au silence. nixon est natif du coin. Son père était auxfourneauxdel’usine,àlacuite.L’été, pendantlesvacances,lesgarçonsducru venaient y travailler, obtenaient le per- mis de conduire, un Graal. A la retraite dupaternel,nixonaprislarelève,poli- tique de recrutement familial oblige. « Pour nous, la sucrerie c’était tout, de- puisledébut.noussommeslesfilsd’ici. » il évoque avec nostalgie ces années bé- nies.Toutl’yramène,commelesurnom qu’ilporteencoreaujourd’hui,celuid’un autreprésident,Africaincelui-là.nixon avait osé prendre la parole devant le grand patron et les 3000 employés en CDi, sur fond de revendications sala- riales.« mandela!mandela! »,l’avait-on acclamé. C’est resté. Avec un ami, il a créél’associationdesenfantsdeKiliba. Pours’entraider,garderlecontactentre ceux qui sont partis et ceux qui restent malgré le chômage. Près de 2000 tra- vailleursattendenttoujours,vingtetun ans après, leur solde de tout compte. Son surnom à lui, « cerveau-moteur », Simbi l’a gagné sur le terrain de football delaconcession.Leballonrond,lapassion du baron. « J’étais, si je peux le dire, une grande vedette, quoi. » Simbi est acheté en1989àsonclubd’uvirapourrenforcer celui de la sucrerie, le fC Koko (canne à sucreenswahili).« ilsontversé100dollars américainspourmontransfert,etj’aitou- ché10%,unesommeàl’époque!»L’ancien libéro a défendu les couleurs de la com- pagnie jusqu’en province orientale. en échangedesespassementsdejambe,on luidonneuntravail.Asafemme,unposte demaîtresseàl’écoledelasucrerie.etun toitpourlejeunecouple.enseignement gratuit.Santégratuiteassuréeparl’hôpital moderne. « on avait des spécialistes, un cardiologue,unpédiatre...lesseulsdela région !»Tousleursenfantsynaissent,à part les dernières, les jumelles suivies pour complication par le désormais no- bélisableDenismukwege.Laréputation du chirurgien commence alors à se faire àLemera,danslesmoyensplateaux. « Letravailétaitdur,maisonétaitpayé, etàl’heure.Touslescommerçantsdela § Les anciens sont de retour et posent devant les Cameco. Nixon pose devant le tableau du dispatch, qui organisait le travail de 186 véhicules agricoles. L'agronome Hippolyte Chakala fait la visite guidée de l'édifice. Le directeur Enos Kambale reçoit dans son grand bureau vide. §
  • 3. desorsdesonpalaisdemarbreàGba- dolite, elle est néanmoins la plus vaste dusite,avecsestroiscolonnes.onpeut apercevoir le mobilier kitsch au travers des vitres brisées. un mythe local pré- tendqueceuxquiontvoululepillern’ont jamaisdépassél’enclosdelaconcession. Panne mécanique. mystère. Alors on y atoutremis,etletempsafaitsonœuvre. retourdanslebureaududirecteur.une vieille publicité européenne vante avec désespoir les mérites de la saccharose : « Quelleénergiedanslesucre! »Quefait le dernier des mohicans de ses journées dans le grand bureau vide? il termine l’histoire. « en 1987, la Banque africaine de développement nous a fait crédit de 40 millions de dollars pour rénover l’usine. » Les deux années suivantes, les campagnesproduisentchacuneplusde 20000tonnes,picshistoriques.mais,dé- butdesannées1990,l’économieduZaïre est exsangue. Sclérosée par la mauvaise gestion, étranglée par la dévalorisation de la monnaie, incapable d’acheter en- graisetpiècesderechange,lasucreriene peutpluspayersestravailleurs.C’estter- miné. A quelques kilomètres, le monde découvreavechorreurlegénociderwan- dais,descentainesdemilliersderéfugiés affluentenrDC.Kabilapèrelance,depuis leSud-Kivu,sarébellionàlaconquêtedu pays. une première guerre vite suivie d’unedeuxième.rwanda,ouganda,Bu- rundi,Angola, Zimbabwe, namibie jet- tent leurs armées sur le sol congolais. Les morts se comptent en millions. Les deux Kivu virent capitale mondiale du viol. Le docteur mukwege devient l’homme qui répare les femmes. Beau- coupd’anciensdelacompagnie,àlafor- mation reconnue, sont recrutés par les onG. C’est le cas de nixon, Simbi et Alexis. vingtansplustard,ilsysonttoujours. Seul secteur qui ne connaît pas la crise, l’industrie humanitaire, prise au piège d’une maladie chronique dont le pays ne semble pas vouloir guérir, tient dés- ormais lieu d’économie locale. Avec le conflitquienfleauBurundi,lestensions électorales, une vingtaine de groupes armésrépertoriésdanslaseuleprovince, des niveaux d’éducation qui n’en finis- sent pas de chuter quand la population n’en finit pas d’augmenter... Pourtant, ledirecteurinsiste.L’usineesttoujours opérationnelle! il suffit de relancer les plantations, un peu de maintenance et l’appareil industriel livrera la capacité installée de 200 tonnes/jour. « et les connaissancestechniquessonttoujours bienlà »,affirmeceluiquijongleencore à la perfection entre précipité de phos- phate tricalcique et processus de cris- tallisation. Quand, en 2011, l’etat congolais met la sucrerie en liquidation de manière unilatérale, elle est rachetée par des investisseurs tanzaniens. Arrivée de quelquestracteursflambantneufs.Cé- rémonie de relance. Danses tradition- nelles.Leshabitantsdelaplaineveulent ycroire.maisrienn’abougé,pourcause de tribalisme, de corruption et de pro- cédurejudiciairelancéeparlesdescen- dants du baron. L’espoir est pourtant tenace.enmarsdernier,ledirecteurse prenait à rêver. un accord avait été trouvé,ilsepouvaitqu’onrecommence en avril ! « Probablement, il y a de grandes chances, s’il n’y a pas d’autre aléa. Dieu aidant... oui. Absolument. » Cinq mois après, du haut des tourelles rouillées,tranquillesperchoirsdevolées de pigeons, de toute leur inactivité, la sucrerie de Kiliba et ses enfants atten- dent toujours. en jugeant et condam- nant la faillite générale. N récitcongo 6 Le vif • numÉro 33 • 19.08.2016 § Simbi, « cerveau-moteur », a retrouvé une photo de son heure de gloire, quand il jouait libéro de l'équipe de la sucrerie, le FC Koko. Un an après, les panneaux indiquent toujours la sucrerie depuis la route nationale 5, désormais Sucrerie du Kivu, après qu'un groupe tanzanien en a racheté la moitié des parts à l'Etat congolais.