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UNIVERSITE DE TOULOUSE 1 CAPITOLE
DE LA VIOLENCE
EN POLITIQUE
Violences endogènes et exogènes dans l’arène parlementaire
Sélim Denoux
Mémoire en vue de l’obtention du Master 1 Science Politique
Sous la direction de
Madame Audrey Bousquet
Avril 2010
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
2
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
REMERCIEMENTS
Mes premiers remerciements sont destinés à mon directeur de recherche, Mme BOUSQUET
Audrey, pour le temps qu’elle a consacré à nous présenter les outils méthodologiques
nécessaire à la réalisation de ce mémoire, ainsi que pour nous avoir orienté sur les bonnes
pistes de recherches. Ensuite, je tiens à remercier l’ensemble des députés français, qui par
leurs joutes parlementaires, m’ont donné l’idée de ce mémoire et notamment les plus virulents
qui se reconnaîtront. Enfin, Je souhaite adresser une remerciement tout particulier à ma
famille pour m’avoir apporté son soutien indéfectible.
3
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
« La violence est ce qui ne parle pas »
Gilles Deleuze
Présentation de Sacher Masoch, le froid et le cruel
Paris, Minuit, 2007
4
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
TABLE DES ACRONYMES
A.F.C : Analyse Factorielle des Correspondances
C.H.A : Classification Hiérarchique Ascendante
C.H.D : Classification Hiérarchique Descendante
G.D.R : Gauche Démocrate et Républicaine
I.V.G : Interruption Volontaire de Grossesse
J.O : Journal Officiel
M.D.C : Mouvement des Citoyens
M.I.M : Mouvement pour l’Indépendance de la Martinique
MO.DEM. : Mouvement Démocrate
N.C : Nouveau Centre
PA.C.S : Pacte Civil de Solidarité
P.C.F : Parti Communiste Français
P.R.G : Parti Radical de Gauche
P.S : Parti Socialiste
R.F.I : Radio France International
R.P.R : Rassemblement Pour la République
S.R.C : Socialiste Radical Citoyen
S.R.U : Solidarité Renouvellement Urbain
U.D.F : Union pour la Démocratie Française
U.M.P : Union pour un Mouvement Populaire
5
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
SOMMAIRE
1 INTRODUCTION : LA VIOLENCE DANS L’ARENE POLITIQUE
1.1 LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE LA VIOLENCE 6
1.2 LA VIOLENCE DES ECHANGES EN MILIEU PARLEMENTAIRE 12
1.3 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 24
1.4 METHODOLOGIE 27
2 TRAITEMENT DES RESULTATS
2.1 DESCRIPTION DU CORPUS 35
2.2 PLAN D’ANALYSE DES CLASSES 37
2.3 ANALYSE DE LA CLASSE 1 : Ecologie économique du développement 41
2.4 ANALYSE DE LA CLASSE 2 : Gestion 43
2.5 ANALYSE DE LA CLASSE 3 : Pragmatisme écologique 47
2.6 ANALYSE DE LA CLASSE 4 : Régulation 50
2.7 ANALYSE DE LA CLASSE 5 : Réglementation du territoire 53
3 SYNTHESE DES RESULTATS, INTERPRETATION ET CONCLUSION
3.1 VALIDATION OU INVALIDATION DES INTERPRETATIONS PAR L’ANALYSE
FACTORIELLE 56
3.2 CONFIRMATION OU INFIRMATION DES HYPOTHESES 57
3.3 CONCLUSIONS 59
ANNEXES 67
6
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
1
INTRODUCTION
LA VIOLENCE DANS L’ARENE POLITIQUE
1.1 LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE LA VIOLENCE
Romulus fixant les limites symboliques de la cité de Rome à l'aide de sa charrue
déclara qu'il était désormais interdit de franchir le sillon en armes, sous peine de mort. La
légende rapporte que Rémus, irrité par le sérieux de son frère et le cérémonial dont il entourait
le tracé symbolique de la nouvelle ville franchit le glaive à la main le sillon que Romulus
venait de retourner. Romulus sans un mot tua son frère qui venait de transgresser la toute
première Loi de la Cité. Cette histoire contée par Tite-Live1
, illustre à merveille que la
« faiblesse des démocraties, c’est qu’il leur faille trop souvent se renier pour survivre »2
, en
ayant recours à la même violence qu’elle combatte. Quel paradoxe ! Mais à quelle violence
est-il fait allusion ?
En langage populaire, la violence désigne une utilisation excessive ou agressive de la
force physique qui conduit à une relation de brutalité ou d’inhumanité envers l’autre.
Blandine Kriegel3
en donne une définition plus élaborée dans son rapport intitulé « la violence
à la télévision », ce serait : « la force déréglée qui porte atteinte à l’intégrité physique ou
psychique pour mettre en cause dans un but de domination ou de destruction l’humanité de
l’individu ». La notion de violence, est donc, ici comprise comme étant une action à laquelle
on a recours pour agir de force sur quelqu’un de manière à enfreindre le respect qui lui est dû.
Comme Dominique Desmarchelier le souligne : « la violence revient donc à porter atteinte à
ce que l’on doit respecter »4
. D’ailleurs le mot est dérivé du latin vis, le verbe « violer » en
français. En paraphrasant la célèbre formule de Jean-Paul Sartre, on pourrait même faire
l’hypothèse que « la violence, c’est les autres.»5
. En effet, l’autre est un problème car sa
liberté se heurte toujours à la mienne et inversement. C’est pourquoi, il ne convient pas de
parler de la violence comme si elle existait par elle-même au milieu des hommes, en quelque
1
Tite-Live, Histoire romaine, Livre I, 6.
2
ROSTAND Jean, Inquiétudes d'un biologiste, Paris, Gallimard, 1967.
3
Blandine Kriegel est une philosophe, professeur des universités. En 2002, elle préside la Mission d'évaluation,
d'analyse et de propositions relatives aux représentations violentes à la télévision.
4
DESMARCHELIER Dominique, « Les mots de la violence, la violence des mots » in Actes du Colloque de
Cerisy, Argumentation et discours politique. (3 au 9 septembre 2001), PU Rennes, 2003.
5
La phrase exacte de Jean- Paul Sartre est : « L’enfer, c’est les autres ». Elle est extraite de sa pièce de théâtre
Huis Clos, Paris, Gallimard, 1944.
7
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
sorte en dehors d'eux, et comme si elle agissait par elle-même. La violence n’existe et n’agit
que par l’homme. En fait, il y a autant de définitions de la violence que de sens qu’on peut lui
attribuer. Ainsi, par exemple, pour Romain Rolland, « la violence est la loi de la brute »6
,
alors que pour Nietzsche, c’est « un procédé d’action directe des opprimés contre les
détenteurs de la force et du pouvoir ». Le premier philosophe occidental à avoir mentionné la
violence est Platon dans le Gorgias où il évoque la violence active, comme force de séduction
qu’exercent les tyrans sur les esprits faibles et la violence réactive qui pousse parfois à la
révolte par désespoir. Après avoir fait, un rapide tour d’horizon des différentes définitions de
la violence, il est à présent nécessaire d’expliquer les mécanismes et les enjeux de cette
violence dans la société contemporaine.
1.1.1 Violence et société
La violence règne en permanence dans la vie quotidienne et elle devient relativement
banalisée par les crimes, les guerres, les discours, les images. La principale explication
avancée par les théoriciens de la violence quant à son origine, mentionne Jean-Marie Muller7
dans son Dictionnaire de la non-violence (2005), tient dans le fait que « l’homme est un être
de passion autant que de raison. Et [que] l’homme qui subit sa passion est violent. […]. A
chaque moment, il peut nourrir de puissants sentiments d’inhumanité qui l’apprêtent à blesser
l’humanité d’un autre homme ». Toujours selon l’auteur, la violence serait également dûe au
fait que l’homme a conscience de sa mortalité : « L'expérience de sa fragilité, de sa
vulnérabilité, de sa finitude incline l'homme à être violent envers l'autre homme. ». La visée
ultime de la violence étant toujours « la mort de l’autre, son exclusion, son élimination ou sa
néantisation ». De l’humiliation à la torture, du mépris au meurtre, multiples sont les formes
de la violence et multiples les formes de mort. Qu’en est-il du rapport entre violence et
politique ? Pour Jean-Marie Muller, l’exigence fondamentale de la politique est de construire
une société libérée de l’emprise de la violence : « Dans une société, la justice et la paix sont
réalisées dans la mesure où les diverses formes de violence se trouvent éliminées des rapports
entre les individus et les groupes ». Pourtant les idéologies dominantes ont constamment
affirmé le contraire en soutenant que la violence serait inhérente à l’action politique. Ce
recours à la violence serait justifié, en effet, car elle seule permettrait l’efficacité dans l’action.
Pourtant, Jean-Marie Muller constate, que cette vision réaliste de la politique apporte de
nombreuses raisons de discréditer la violence. Pour l’auteur, le fondement de la politique est
6
ROLLAND Romain, Gandhi, Paris, Albin Michel 1970. Romain Rolland est un écrivain français.
7
Jean-Marie Muller est un philosophe français, spécialiste de Gandhi et de la non-violence.
8
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
le contraire absolu de la violence, c'est-à-dire, la parole humaine qui résulte d’un vouloir vivre
ensemble (« parler et agir ensemble pour construire un avenir commun »). L’essence de la
politique et de la démocratie serait donc le dialogue des hommes entre eux. Il ajoute « Parce
que l’apparition de la violence entre les hommes signifie toujours l’échec de leur dialogue, la
violence signifie toujours l’échec du politique ». La vie en communauté peut être à tout
moment troublée par des conflits provoqués par des individus qui ne respectent pas ce
« vouloir vivre ensemble », ceux-ci doivent être neutralisés par des « agents de la paix » qui
n’usent de violence qu’en cas de stricte nécessité. L’individu qui cède à ses passions ou qui
chercher à faire prévaloir ses intérêts particuliers à déjà quitté la sphère de la communauté
politique à laquelle il appartenait. Jean- Marie Muller explique que « la résolution des conflits
est une condition de la vie politique, mais elle ne la constitue pas ». Pour lui, l’action politique
et la démocratie doivent tendre à pacifier la vie sociale de sorte que « tous les citoyens
bénéficient d’un espace dans lequel ils puissent vivre en toute sécurité et en toute liberté ».
L’objectif de la politique serait donc de juguler la violence afin d’instaurer la sérénité. Qu’en
pensent les grands noms de la philosophie politique ?
1.1.2 Violence et politique
De la violence en politique ? A priori, cela ne va pas de soi. La Politique, n’est elle pas
au contraire le moyen de se libéré de l’emprise de la violence ? N’est-elle pas censée éliminer
la violence inhérente à la cité, comme l’enseigne Platon ? Comment pourrait-on parler de
violence en politique alors que ces deux termes s’opposent par leur nature même ?
Pour Machiavel, ces deux termes se juxtaposent. L’auteur florentin explique que si
l’on considère que le noble dessein de la politique est bien d’annuler la violence dont est
empreinte la société, la violence n’en demeure pas moins intrinsèquement liée à l’action
politique et à la vie politique, car l’homme est mû par ses passions. La violence étant un des
modes d’expression privilégiés de la socialité humaine, il est tout naturel de lui ménager une
place au sein des arènes politiques. Au contraire, pour Platon, bien qu’il reconnaisse que les
groupes humains soient animés par des intérêts divergents, et que la violence fournisse son
primum movens8
au discours philosophique en politique, la violence en politique est « la
marque distinctive de la faillite humaine ». Si les deux auteurs s’accordent sur le fait que les
hommes sont mus par leurs passions, cet état n’est pas irréversible pour Platon, qui pense
8
Primum movens signifie « point de départ », première cause.
9
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
pouvoir transformer l’homme par un enseignement philosophique. Pour lui, le pouvoir
légitime doit revenir à celui qui maîtrise son désir au point qu’il n’a ni besoin ni envie de
dominer les autres, et précisément parce que le souci politique n’est pas sa préoccupation (on
confie justement l’autorité à celui qui n’en veut pas, parce qu’il ne le veut pas, c'est-à-dire on
la confie au philosophe). Montesquieu rejoint la pensée de Platon, lorsqu’il écrit « […] c’est
une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. »9
, ce qui
explique la nécessité du « philosophe roi ». En revanche, Machiavel pense que la morale n’a
pas sa place en politique pas plus que la sagesse, car la férocité naturelle de l’homme ne
saurait être domestiquée10
. La politique doit être guidée par la vertu, qu’il définit comme
« une énergie conquérante qui puise sa force dans la constance du désir et des passions, mais
qui, pour autant, n’est pas privée de discernement. Son expression guerrière permet de saisir
sa nature de la manière la plus exacte, car la guerre révèle la vertu comme capacité de se
mesurer soi-même et de s’imposer à autrui dans des situations d’adversité ». Ces réflexions
théoriques sur le rapport en politique et violence, amène tout naturellement à poser la question
du rapport entre la violence et la démocratie.
1.1.3 Violence et démocratie
L’homme est par nature, un animal qui vît en société. Telle est la teneur de la formule
d’Aristote, l’homme est un zoôn politikon, autrement dit un animal politique. Mais cette vie
dans la cité lui suffit-elle pour qu’il se distingue des autres animaux, toujours régis par la loi
du plus fort ? L’animal politique a-t-il vraiment refoulé en lui cette part de violence inhérente
à la nature humaine que déctit Hobbes11
? A-t-il tué en lui la bête ?
C'est la question à laquelle conduit l'observation des démocraties occidentales lesquelles
affichent des idéaux de justice, de liberté et d'égalité et qui sont pourtant l'objet de violences
prégnantes lorsqu'elles ne les organisent pas elles-mêmes. Comment expliquer que le régime
de la liberté recèle en lui tant de violence ? La violence n'est-elle pas à l'opposé des ambitions
poursuivies par la démocratie ? Pourtant, la démocratie n'utilise-t-elle pas la violence comme
moyen politique d'assurer une fin, qui serait l'ordre public ? Où ce système fondé sur la "
monopolisation de la violence légitime " trouve-t-il, justement, sa source de légitimation ? Il
9
Montesquieu, ajoute que c’est la raison pour laquelle le pouvoir doit arrêter le pouvoir. Ces pensées sont
extraites De l’esprit des lois, 1748.
10
Nietzche rejoint ici en tout point la pensée de Machiavel, pour lui l’éducation humaniste et chrétienne, est un
dressage des passions effectué sous le motif fallacieux de rendre l’homme meilleur (voir l’ouvrage de Thierry
Ménissier dans la bibliographie.
11
Thomas Hobbes est un des premiers à imaginer un état de nature pré-existant à la société humaine dans le
Léviathan, XIII.
10
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
semble donc que les démocraties aient à gérer un paradoxe puissant qui consisterait à
rechercher à expulser la violence à l'extérieur du régime, tout en intériorisant un autre type de
violence qu’elles sont contraintes de théoriser.
1.1.3.1 La violence, omniprésente dans les démocraties, peut constituer un
instrument de celles-ci
La violence est omniprésente dans les démocraties
Les démocraties ont souvent été créées dans la violence même si cela ne signifie
nullement que la violence originelle soit une condition sine qua non de la démocratie. Que ce
soit aux Etats-Unis ou en France, l'idée démocratique ne s'est imposé qu'au prix de
révolutions, de manifestations où était revendiqués le respect des droits de l'homme les plus
élémentaires et qui ont bien souvent été accompagnées de violence. Ainsi, paradoxalement, la
démocratie, le régime dont la finalité est le respect des droits et de la liberté, a triomphé, en
utilisant un moyen, la violence, contraire au principe qu'elle défend. En outre, la violence
s'exerce aussi contre la démocratie. En tant que régime fondé sur l'égalité et la liberté, la
démocratie se doit de tolérer toutes les idées politiques, y compris celles qui lui sont hostiles
(comme les idées anarchistes par exemple). La plupart des violences, ne s’inscrivent pourtant
pas dans un rejet de la démocratie. La plupart du temps, c’est même le contraire, elles sont
réalisées par des individus qui se sentent exclus de la démocratie, qui considèrent qu’ils ne
bénéficient ni de l’égalité de droit (droit au travail, à la sécurité, à la santé…), ni de la liberté
(liberté de jouir de ses biens, liberté de profiter de cette société de consommation…).
Les violences, comme moyen légitime pour la démocratie d’assurer l’ordre public
Depuis sa fondation originelle, la démocratie autorise le recours à la violence légitime
voire le facilite. Cette violence est dite légitime car elle permet de maintenir l’ordre dans la
cité. La démocratie tendrait donc à rationnaliser la violence et à en faire un moyen d’établir
l’ordre public. Cette idée se retrouve dans la définition de l’Etat esquissée par Max Weber :
« Une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé [...] revendique
avec succès le monopole de la violence légitime»12
. La démocratie par ailleurs met en place
des lois autorisant la violence, concernant la médecine par exemple (les opérations
chirurgicales étant considérées par certains comme une violence faite au corps) ou encore les
12
WEBER Max, Le Savant et le politique, Paris, La découverte, 2003.
11
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
sports de combats. En ce qui concerne les relations extérieures, les démocraties s'autorisent
des violences de façon encore plus claire. Hiroshima, génocide grandeur nature, Nagasaki,
réitération de l'horreur constituent indéniablement des crimes collectifs d'une violence
rarement égalée même par les régimes dictatoriaux ou fascistes. Pourtant, il s'agit d'une
violence considérée comme légale et légitime, que nul n'aurait l'idée de comparer avec les
exactions des régimes totalitaires. La démocratie en légitimant le recours à cette violence
donne jour à de grands paradoxes. Pour Marat, « C'est par la violence qu'on doit établir la
liberté »13
. La violence, qu'elle soit intérieure ou extérieure peut devenir légitime, du simple
fait de l'existence de l'idée démocratique.
1.1.3.2 L’ambition de la démocratie est pourtant de transcender cette violence
L’ambition pacifique de la démocratie : la canalisation de la violence
La démocratie a une double ambition, elle tend d’une part à canaliser la violence
propre à l’être humain individuel et collectif et à mettre en place un gouvernement politique
stable capable de faire face aux menaces des dictatures et des régimes violents. Partant du
postulat que l’homme serait naturellement violent, la démocratie essaie donc de protéger
l’individu par rapport au groupe. Comme le souligne René Girard14
, pour contenir et canaliser
la violence du groupe, est organisée une violence de moindre mal, ou symbolique, celle
du « bouc émissaire ». La violence individuelle proscrite est donc remplacée par une violence
collective. La canalisation de la violence exercée par la démocratie, passe également par la
lutte contre l’installation d’un pouvoir arbitraire et autoritaire, c'est-à-dire, concrètement par
l’instauration d’un régime de liberté fondé sur la séparation des pouvoirs, théorisée par
Montesquieu. Aussi, afin que règne la paix, la démocratie se doit d’établir un régime capable
de repousser la violence extérieure par la guerre si nécessaire, c’est ce qu’entend Clausewitz15
lorsqu’il affirme que « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». A
cette ambition de canaliser la violence, s'ajoute une volonté d'approfondir la lutte contre la
violence en la détournant, en la sublimant.
La démocratie vise à sublimer la violence
La démocratie est liée à l'idée de liberté. L'autorité y subsiste sans doute mais elle est
aménagée de telle sorte que, fondée sur l'adhésion de ceux qui lui sont soumis, elle demeure
13
MARAT Jean-Paul, L’ami du peuple, 1792
14
GIRARD René, La violence et le sacré, Paris, Hachette Pluriel, 1998.
15
CLAUSEWITZ Karl Von. De la guerre, Paris, Rivages Poche, 2006.
12
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
compatible avec leur liberté. Cependant, à quoi bon être libre politiquement, si l’on est aliéné
socialement et économiquement ? Ainsi, pour dépasser la violence née de l'injustice, sociale
ou économique, le droit démocratique a permis de mettre en oeuvre la solidarité, par exemple
par la prise en compte des différences pour une égalité de traitement et non plus une égalité
abstraite. Ainsi certains groupes sociaux fragiles, femmes, personnes âgées, RMIstes sont-ils
particulièrement pris en compte dans leurs spécificités. La démocratie tend à sublimer cette
part humaine foncièrement violente, à « civiliser les mœurs » (Norbert Elias) en réduisant le
niveau de violence sous ses différentes formes dans notre existence privée et publique. Elle
cherche à promouvoir tous les moyens de transformer l'agressivité en force de conscience, de
création ou de progrès en tous domaines.
En conclusion, la violence est multiple et donc difficile à unifier sous un concept
opératoire. Néanmoins elle est partie intégrante de la société des hommes. C'est pourquoi les
démocraties sont fragiles car elles doivent trouver en permanence les moyens de limiter la
montée de la violence, qui pourraient mettre en cause les principes mêmes de liberté et
d'humanité.
1.2 LA VIOLENCE DES ECHANGES EN MILIEU PARLEMENTAIRE
Qui est violent ? Certains individus ou certains groupes le sont-ils plus que d’autres ?
Quand et à quel sujet l’est-on ? Pourquoi ? Comment se manifeste cette violence ? Qui vise t-
elle ? Peut-on y distinguer des niveaux ? Comment est-elle perçue ? La problématique, qui en
découle est de savoir en quoi est faîte en termes de violence, mais aussi en-deçà ou au-delà de
la violence, une séance d’assemblée dans la France républicaine d’aujourd’hui ?
La thèse dominante avancée par les principaux chercheurs de science politique
compétents, affiliés au groupe de recherche sur les parlements et les parlementaires16
, est que
la civilisation des arènes parlementaires n’a pas supprimé pour autant le caractère violent de
certaines interactions. Malgré, une codification et une pacification des rapports
interpersonnels poussés à l’extrême au fil des années, notamment par un renforcement du
règlement17
, les débats politiques, mêmes les plus ritualisés, et c’est le cas de ce qui a été
observé à l’assemblée nationale, demeurent souvent le lieu d’expression de la violence.
L’hémicycle, n’y échappe donc pas, et constituerait, à travers la séance de questions
16
Le GRPP est un groupe d’étude dirigé par Pierre-Yves Baudot (chercheur associé, Triangle), Eric Kerrouche
(SPIRIT) et Olivier Rozenberg (CEVIPOF).
17
Le règlement a été renforcé notamment grâce à l’adoption de la Constitution de 1958.
13
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
d’actualités et la séance de questions au gouvernement, un lieu exceptionnel d’exacerbation
des passions parlementaires, à la fois propice aux tensions et aux dramatisations. La question
qui se pose alors aux chercheurs est de savoir si cette violence atteste de la faillite du modèle
parlementaire républicain ou si elle traduit plutôt ses capacités d’autorégulation ? La seconde
option est celle qui à la faveur du plus grand nombre comme le font remarquer Thomas
Bouchet et Jean Vigreux18
. La violence serait alors la conséquence inévitable du débat et du
combat d’opinions. Elle est inhérente à la vie parlementaire, elle-même, pour Eric Kerrouche ;
encore mieux dit-il : « [Elle est] consubstantielle à la Vème République et au fait
majoritaire »19
. Il partage en ce sens tous une conception de la politique en tant que « lutte de
style tauromachique »20
. Cette première question sur la place dévolue à la violence dans
l’enceinte parlementaire, en appelle une autre soulignent Thomas Bouchet et Jean-Vigreux, de
quelle manière l’équilibre entre parlementarisme pacifié et poussées ponctuelles de fièvre
rend-il compte de ce qui se joue en séance ? Il s’agit donc de considérer les formes de
pacification et de dé-pacification des interactions parlementaires en concentrant
l’interrogation sur le rapport à la violence et au conflit des assemblées. Pour répondre à notre
problématique, qui est de connaître en quoi est faîte en termes de violence, mais aussi en-deçà
ou au-delà de la violence, une séance d’assemblée dans la France républicaine d’aujourd’hui,
il convient donc de s’attacher à repérer les occurrences de la violence dans le discours
parlementaire, ses motifs et ses différentes formes d’expressions. Dans un premier temps, il
s’agit donc de comprendre les mécanismes et d’expliciter les raisons de la violence
parlementaire. Puis, dans un second temps, il sera question de caractériser les modes
d’expressions de cette violence parlementaire. Enfin, une troisième partie viendra montrer que
cette violence est en fait très contrôlée.
1.2.1 Sources et enjeux du recours à la violence dans les débats parlementaires
Cette première partie vise à mettre en lumière les sources d’expressions de la violence
parlementaire ouverte. Cette violence est entendue par Thomas Bouchet et Jean Vigreux
comme étant celle qui est perçue comme telle et qui est dans certains cas sanctionnée au sein
de l’Assemblée. C'est-à-dire, la violence verbale, la violence dans les gestes (parfois), la
18
BOUCHET Thomas, VIGREUX Jean, « Violences parlementaires en perspective : 1850-1900-1950-2000 » in
Actes des Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009.
19
KERROUCHE Eric, « La violence des débats correspond à des moments de crispation idéologique majeure »,
La Croix, 21 janvier 2009.
20
Expression empruntée à Gérard Leclerc qui est un journaliste français de radio et de télévision, il a été nommé
président de La Chaîne Parlementaire en mai 2009, son article concernant la vie politique et la violence, peut être
lu à cette adresse : http://www.france-catholique.fr/Vie-politique-et-violence.html.
14
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
brutalité physique (très rarement). En somme, la violence physique ou symbolique. Elle
comprend, également, la violence plus lexicale liée au contenu d’une intervention,
« l’argument pouvant être lui-même une forme de violence »21
.
1.2.1.1 Les clivages doctrinaux et idéologiques, les conjonctures politiques
Dans les violences ouvertes, le clivage gauche-droite est une première variable explicative
à prendre en considération. L’étude comparée des expressions d’assentiments et des
expressions de dissentiment en séance donne une première idée de ce qu’il en est. Ainsi,
Thomas Bouchet et Jean Vigreux, dans leur analyse extraite de leur article « Violences
parlementaires en perspective (1950-1900-1950-2000) » comptabilisent les marques
d’assentiment et de dissentiment de type partisan à l’issue de plusieurs séances d’assemblée.
Il en ressort, aux vus des chiffres que la variable gauche-droite est de plus en plus marqué au
fil du temps. En 2000, 45% des marques d’assentiment ou dissentiment sont à mettre au
compte de la gauche contre 54.6% pour la droite. Ce clivage est d’autant plus visible à
l’occasion de débat sensible ou les idéologies des différents partis sont amenés à se heurter,
comme c’est le cas pour deux questions souvent liées, que sont : la question scolaire et la
question religieuse. Ainsi, par exemple, les séances du 17 et 18 janvier 1850 mettent
vigoureusement aux prises des adversaires très déterminés à propos de la Convention et de la
guerre des révolutionnaires contre la Vendée. Montalembert dans un camp, Crémieux dans
l’autre sont particulièrement actifs lors de la querelle qui s’inscrit justement en relation avec
l’instruction. Les invectives fusent : Crémieux dénonce « la guerre impie des Chouans » ;
Laborde s’exclame « je maudirai éternellement 1793 ! » ; les interruptions et les cris
d’indignation fusent de droite comme de gauche. C’est de la même façon, que les débats sur
d’importantes questions de sociétés en 2000, comme les lois sur la chasse, la parité en
politique, la loi SRU (solidarité renouvellement urbain), le vote des étrangers, conduisent à
des visions radicalement opposées où les clivages politiques gauche/droite laissent place aux
violences verbales. C’est aussi, le cas lors de « débats conjoncturels » liés aux intempéries et
catastrophes de l’hiver 1999-2000 (ouragan et naufrage de l’Erika) : la ministre de
l’Environnement Dominique Voynet est prise à partie par de nombreux députés de droite.
Un exemple flagrant, d’interventions traduisant manifestement une violence idéologique
est le débat enflammé sur le Pacte Civil de Solidarité (PACS), le 4 novembre 1998, à
21
ANGENOT Marc, La Parole pamphlétaire, Typologie des discours modernes, Paris, Payot, 1995, 2é éd, 425
p.
15
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
l’assemblée nationale. Dominique Desmarchelier, dans sont article nommé « les mots de la
violence, la violence des mots » revient sur la violence des propos venant interrompre la
longue intervention de Christine Boutin dont le but était de défendre la motion d’irrecevabilité
concernant le PACS. Il constate que, la députée UDF est interrompue pas moins de 500 fois,
par une majorité de femmes députées PS. La plupart des invectives ayant trait aux champs
sémantiques de la religion et de la sexualité. La députée UDF ayant pris pour argument
central que le PACS avait pour but réel de favoriser les mariages entre homosexuels, et
d’affaiblir les fondements de la société française, elle sera attaquée précisément sur ce terrain.
On assiste véritablement à un déluge d’invectives ad personam (visant à disqualifier la
personne de l’adversaire) et ad hominem (portant sur l’opinion exprimée), venant des bancs
de gauche : « Intégriste ! » ; « C’est du racisme ! » ; « Vous êtes encore au Moyen Âge,
madame Boutin » ; « C’est nazi comme jugement ! » ; « Ce n’est pas un discours c’est un
chemin de croix ! » ; « Sodome et Gomorrhe ! »...
Pour Nathalie Dompnier, le clivage politique est indéniablement le facteur premier de
la violence ouverte à l’assemblée nationale22
, cette violence est accrue par l’introduction
d’une compétition électorale dans l’hémicycle et par la nécessité de se démarquer des autres
partis pour mieux affirmer la cohésion du groupe parlementaire auquel on appartient. Nathalie
Dompnier s’intéresse plus particulièrement à la relation entre violence parlementaires et
questions sur les fraudes électorales. Elle remarque que les échanges aussi violents soient-ils,
permettent de mettre en scène et de jouer l’unité de chaque groupe ou de chaque camp et son
opposition aux autres groupes. On le voit, par exemple, dans le procédé, qui consiste à mettre
en cause, non pas la régularité d’un scrutin particulier, mais l’ensemble du groupe ou du parti
du candidat présumé fraudeur. Cette stigmatisation touche notamment le PCF dans les années
1990. Apparaît clairement dans ces échanges une grammaire éprouvée permettant la
constitution ou l’actualisation de camps que tout opposerait. Comme en un récit mythique, le
discours de chaque camp sur la fraude donne à voir la partition nette et définitive entre le cru
et le cuit, les « bons » et les « méchants », les fraudeurs et les « démocrates » (14 mai 1990.
Jacques Blanc : « Nous n’accepterons jamais, en effet, que le parti communiste impose en
France, par la terreur, un système que tous les communistes du monde connaissent bien, le
système totalitaire ». Les interventions disent les camps en en définissant les traits et les tares.
Pascal Marchand, partage l’avis de Nathalie Dompnier, pour lui, le clivage partisan entraîne
22
DOMPNIER Nathalie, « La légitimité politique en joue. Le chahut organisé des députés français sur la
question des fraudes électorales depuis les années 1980 », in Actes des Journées d’études du GRPP, 16 janvier
2009.
16
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
de facto une valorisation de l’endogroupe et une disqualification de l’exogroupe et donc
l’exercice d’une violence23
. Ainsi, il cite Pierre Mauroy (député PS) : « voilà la différence
entre la rigueur de gauche et l'austérité de la droite ! » ou encore « les chefs d'entreprise
comprendront-ils que la gauche au pouvoir apporte aux entreprises ce que la droite n'a jamais
pu leur assurer ? ». La logique politique et idéologique des groupes est donc à l’origine de la
plupart des violences ouvertes, en témoigne encore une fois, l’exemple parmi tant d’autres de
l’exclusion du député communiste Gérard Duprat le 3 mars 1950, qui s’empare de la tribune
de force. En réalité, cette volonté d’obstruction du PCF sera révélée comme étant le moyen de
gagner du temps avant la discussion du projet de loi sur la répression des actes de sabotage
lors de cette même séance du 3 mars.
1.2.1.2 La part des hommes
L’examen des séances à l’assemblée nationale permet, en outre, de faire émerger une
seconde cause au déchaînement de la violence ouverte : la présence de députés
particulièrement incisifs, provocateurs et querelleurs. C’est précisément le sujet abordé par
Jean Claude Caron24
, lorsqu’il s’attache à élucider le meurtre parlementaire de Jacques
Manuel25
, député libéral, qui fût du XIXe siècle à nos jours, le seul député à avoir été
physiquement expulsé d’une assemblée parlementaire siégeant en séance. Pour se faire, il se
base sur les travaux de l’historien Paul Thureau-Dangin26
, cherchant à décrire l’attitude du
député Manuel, ce dernier écrit : « sans jamais s’emporter, il cherchait posément à faire le
plus de mal possible » ou encore « Habile et obstiné à introduire dans le débat les souvenirs
irritants des guerres civiles ou de l’invasion étrangère, il se plaisait à exciter l’une contre
l’autre la France de la Révolution et celle de l’Emigration, et triomphait quand il avait amené
entre elles un de ces chocs violents et stériles qui rendaient plus difficile ensuite la
réconciliation ». Ces citations sont une parfaite illustration de la figure du député agressif.
L’émergence de ces députés provocateurs, a eu pour conséquence, une personnalisation des
débats à l’assemblée, affirme Nathalie Dompnier. C'est-à-dire qu’il arrive désormais souvent
que l’orateur soit mis en cause, tout comme la qualité de son intervention ou son attitude
peuvent être stigmatisées. Ainsi, Pierre Joxe réagit ainsi au propos de Jacques Blanc en 1980
23
MARCHAND Pascal, « De l’affrontement partisan à la violence symbolique : la déclaration de politique
générale dans la Ve République » in Actes des Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009.
24
CARON Jean Claude, «Les mots qui tuent. Le meurtre parlementaire de Manuel (1823) » in Actes des
Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009.
25
Député libéral expulsé de la Chambre des représentants en 1823.
26
THUREAU-DANGIN Paul, Le parti libéral sous la Restauration, Plon, 2e éd., 1888 (1ère éd. 1876).
17
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
par cet appel : « Y a-t-il un médecin dans la salle ? », tandis que Noël Mamère, en mai 2000,
est interrompu, entre autres, par Arnaud Leclercq, qui lui lance un « Ayatollah ! ».
Il faut toutefois relativiser ce phénomène parlementaire, car, au final, il n’y a
réellement eu en tout et pour tout sur l’histoire de l’Assemblée Nationale, seulement quelques
dizaines de députés qui prennent la parole et dont les noms reviennent sans cesse. Certains ne
s’exprimant que sur certains sujets (comme l’Amiral Reunier en 1900, très en pointe sur le
budget de la marine), d’autres étant plus polyvalents, faisant entendre leurs voix à toute
occasion. En voici quelques-uns. En 1900, c’est sans nul doute, le député Lasies, qui exerce,
le mieux, le rôle de perturbateur. On le retrouve souvent lorsque la tension monte. C’est alors
que pour la seule séance du 23janvier, Lasies interrompt dix-sept fois un orateur, demande la
parole une fois, et présente aussi en cours de séance une interpellation… qu’il retire.*
En 1950, la multitude des altercations et leurs variétés rendent difficile d’isoler quelques
figures. Cependant, cinquante ans plus tard, quelques députés peuvent être plus facilement
repérés comme orateurs incisifs. Thierry Mariani, député RPR, s’emploie à débattre,
combattre ses adversaires par de nombreuses invectives, interruptions. Il use en particulier
d’un registre anti-communiste suranné – « goulag », « soutien à Staline ! », « pacte germano-
soviétique », « Komintern ! » – en interrompant plus de 17 fois l’orateur Bernard Bisinger. De
nos jours il serait également possible de parler de députés comme Maxime Gremetz, dont le
dernier coup d’éclat est d’avoir déployé le 23 juin 2009, pendant quelques instants, un tee-
shirt rouge sur lequel était inscrit "RFI, l’Etat licencie", avant d’être rabroué par le président
de l’Assemblée27
; ou encore Noël Mamère (intervenant phare dans les comptes rendus
sélectionnés pour l’analyse), condamné pour avoir adressé un bras d’honneur à la majorité,
lors de la séance du 2 décembre 200928
et dont les débordements en assemblée sont légions.
Enfin, toujours dans la mise en relation entre violence ouverte et responsabilité
humaine, il apparaît que le Président de l’assemblée peut être au même titre que les députés
un acteur de ces violences. Il lui arrive, en effet, d’attiser les querelles en prenant parti et en
commettant des maladresses. Ainsi, en 1850, le Président Dupin, interrompt plusieurs fois
Victor Hugo alors député ou refuse de laisser la parole au député Lagrange, qui laisse éclater
27
« Le happening de Maxime Gremetz à l’Assemblée Nationale », lepost.fr, [en ligne], le 3 octobre 2009,
[consulté le 12 février 2009], http://www.lepost.fr/article/2009/10/03/1724398_le-happening-de-gremetz-a-l-
assemblee-nationale.html.
28
« Noël Mamère sanctionné pour son bras d’honneur à l’Assemblée nationale », liberation.fr, [en ligne], le 16
décembre 2009 [consulté le 5 janvier 2010], http://www.liberation.fr/politiques/0101608948-noel-mamere-
sanctionne-pour-son-bras-d-honneur-a-l-assemblee-nationale.
18
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
son indignation en fin de séance29
. Autre exemple, en 2000, le vice-président de l’assemblée,
issu de l’opposition (à l’époque le RPR), Patrick Ollier, préside. Il compte lors d’un vote à
main levée, sa propre voix entraînant de vives protestations sur les bancs socialistes.
Pour Thomas Bouchet et Jean Vigreux, il appartient, tout de même de souligner que si
les troubles peuvent être le fait d’un individu, ils peuvent aussi avoir une origine collective.
Dans ce cas précis, l’ordre de la séance peut se révéler très fragile étant donné que l’arme que
constitue le rappel à l’ordre nominatif est de peu d’éfficacité lorsqu’il se révèle impossible
d’individualiser les auteurs des invectives.
1.2.1.3 Les mots de la violence, la violence des mots
La violence est aussi affaire de mot comme le souligne Nicolas Rousselier, en mettant
l’accent sur le rôle essentiel de la parole au « Parlement de l’éloquence »30
.En dépit de leur
souci de polir joliment leurs discours, les députés ne peuvent s’en empêcher : sous la pression
des joutes oratoires, leurs mots refoulés se lâchent parfois dans un élan de fureur libératrice. A
bout de nerfs, il leur arrive de traiter leurs ennemis de tous les noms, au risque de passer pour
des enfants mal élevés. Beaucoup d’élus y ont recours lorsqu’ils sont à cours d’arguments.
Pourtant, constate l’historien Thomas Bouchet dans une analyse subtile de l’insulte en
politique de la Restauration à nos jours31
, le degré d’intensité des insultes exprimées dans
l’enceinte du Parlement s’est largement affaibli avec le temps et la sensibilité des députés aux
différentes insultes a évolué. S’il ne suffit pas de prononcer un mot blessant pour
effectivement blesser, pour autant, certains mots semblent d’avantage faire mouche que
d’autres. Par exemple, traiter un adversaire de menteur, au XIX ème siècle, c’est s’attirer à
tous les coups ou presque ses foudres ou celles du président de séance. Ainsi, Clemenceau est
connu pour être particulièrement sensible à la question du mensonge, d’où plusieurs
provocations en duels. Toujours, en 1900, le député Bernard, dans le contexte qu’est celui de
l’Affaire Dreyfus, s’exclame lorsque le président du Conseil Waldeck-Rousseau s’apprête à
prendre la parole que « les mensonges vont recommencer ! », ce qui entraîne de « vives
réclamations à gauche » et un rappel à l’ordre de Bernard avec inscription au procès-verbal.
Au XIX ème siècle, c’est avant tout les « Vous mentez », « Vous êtes un menteur » ou encore
« Vous en avez menti » (Léo de Laborde à Guichardet, 6 février 1850) qui s’individualisent.
29
Lagrange lors de la séance du 5 avril 1850 s’exclame même à propos du président Dupin: « Je voudrais bien
savoir si vous êtes autocrate ou Président de l’Assemblée ».
30
ROUSSELIER Nicolas, Le Parlement de l’éloquence, Paris, Presses de Science Po, 1997.
31
BOUCHET Thomas, L'insulte en politique de la Restauration à nos jours, Paris, Stock, 2010.
19
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
Ce registre lié à la calomnie, même s’il provoque toujours des réactions, semble être moins
sujet à polémique au cours du XXème siècle, constate Thomas Bouchet. A contrario, les mots
« staliniens », « fascistes », « collaborateurs » peuvent largement électriser l’atmosphère. En
1950, le député Pierre Meunier32
, figure de la résistance, développe un long plaidoyer en
faveur du « neutralisme », dans un contexte de guerre froide, avec notamment la guerre de
Corée. Il est violemment pris à parti par Louis Noguères, député socialiste, qui déclare « c’est
le langage des attentistes de Vichy » et par Félix Gaillard, député radical, qui le compare à
« Marcel Déat »33
. S’en suit une violente altercation ; l’usage de l’insulte est vite dénoncé par
Pierre Meunier, d’autant plus choqué qu’il est secrétaire général du Conseil National de la
Résistance. Autre exemple, tiré du journal « le Monde »34
, en février 1984, trois députés de
droite, alors dans l'opposition, Jacques Toubon, Alain Madelin et François d'Aubert, avaient
été sanctionnés pour avoir tenu des propos insultants à l'égard du chef de l'Etat de l'époque,
François Mitterrand, en le questionnant sur ses activités au lendemain de la guerre. Ils avaient
écopé d'une censure simple consistant en une retenue de 50 % de l'indemnité parlementaire
pendant un mois.
A travers son étude des mécanismes et des dispositifs de l’insulte, l’historien rappelle
que le Parlement, avant de devenir un espace dominé par le travail technique en commission,
fut souvent « un chenil à l’heure de la pâtée ». De « Napoléon le petit » lancé le 17 juillet
1851 par Victor Hugo au président Louis Napoléon Bonaparte, à « vous êtes un misérable et
un lâche » crié par Jean Jaurès au comte de Bernis le 22 janvier 1898, en pleine affaire
Dreyfus, des invectives des élus communistes en novembre 1947 aux cris de haine reçus par
Simone Veil lors du débat sur le droit à l’avortement en 1974…, la République parlementaire
est pleine de ces insultes lancées comme on porte l’estocade : pour mettre à terre. Thomas
Bouchet observe néanmoins que la «brutalisation » de la parole politique, palpable sous la
IIIème République, s’est effacée au profit d’une évidente édulcoration, à la fois dans la forme
et la fréquence des attaques. Les « glands de potence », « baron d’mes deux », « moule à
claques », « bandits », « faussaires », « canailles », « vendus », « judas »…, écrasent par leur
violence les mots doux d’aujourd’hui.
32
Député de gauche, il fût le secrétaire général du Conseil National de la Résistance.
33
Marcel Déat est un homme politique collaborationniste, il fût ministre du Travail et de la Solidarité nationale
dans le gouvernement de Vichy.
34
« Noël Mamère sanctionné par l'Assemblée », lemonde.fr, [en ligne] le 16 décembre 2009 [consulté le 5
janvier 2010], http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/12/16/noel-mamere-sanctionne-par-l
assemblee_1281541_823448.html.
20
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
1.2.2 Les différents modes d’expression de la violence parlementaire et ses effets
Il s’agit, de présenter les moyens d’expressions de la violence dont dispose les députés
lors des assemblées. Ces violence qualifiées de « secondes » par Thomas Bouchet et Jean
Vigreux, bien qu’elles passent plus inaperçues, font d’avantage le quotidien des séances que
la violence ouverte.
1.2.2.1 Le chahut
Le chahut traditionnel est défini, selon J. Testanière35
, comme « toute manifestation
collective de nature à troubler l’ordre et les rapports traditionnels entre élèves et éducateurs,
rapports qui sont définis par les textes administratifs et l’usage. […] il faut appeler chahut tout
cas de désordre qui résulte directement ou indirectement d’un acte positif ou négatif, accompli
par l’élève lui-même, et qu’il savait devoir produire ce résultat. ». Cette définition très
durkheimienne, s’applique parfaitement aux désordres parlementaires et à son quotidien de
chahut. Il s’agit maintenant de s’interroger sur : Quels sont les caractéristiques de ce chahut ?
Premièrement, il est « collectif et dans l’idéal unanime », nous disent Thomas Bouchet et Jean
Vigreux. En effet, les interruptions ne sont jamais le fait d’un seul député mais toujours de
plusieurs. Les retranscriptions des débats font apparaître que c’est le plus souvent l’ensemble
d’un groupe parlementaire, ou même l’ensemble de la majorité ou de l’opposition qui
participe au chahut parlementaire. Deuxièmement, le chahut à pour vocation de renforcer
l’unité du groupe « en lui donnant conscience de son unité », la satisfaction la plus importante
étant « de se sentir uni ». Il s’agit d’affirmer la cohésion parlementaire, en opposition aux
autres groupes parlementaires et par une mise en scène, celle du chahut. Troisièmement, « les
initiateurs du chahut ont pour objectif de produire le désordre ». C'est-à-dire que les
interventions et interruptions ne visent en rien à initier un débat ou à introduire de nouveaux
arguments. L’objectif est avant tout d’empêcher l’orateur de s’exprimer et de détourner le
propos pour fustiger ou ridiculiser son auteur ou plus largement son camp politique. Enfin,
« les rôles, les pratiques et les cibles du chahut sont définis en référence à l’ordre pédagogique
et en manifestent la parfaite intériorisation. ». Le chahut se trouve être alors un remise en
cause provisoires des codes de l’assemblée, un moyen de perturbé l’ordre parlementaire,
sachant que ces perturbations n’ont de sens que pour des acteurs qui maîtrisent parfaitement
les codes de conduites dans l’enceinte parlementaire. Un type de chahut consiste à
35
TESTANIERE Jacques, « Chahut traditionnel et chahut anomique », Revue française de sociologie, vol. VIII,
1967.
21
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
interrompre sans cesse un orateur par toutes sortes d’interpellations qui vont du bon mot à
l’utilisation d’une épithète proche de l’insulte comme le souligne Marc Abélès dans l’étude
ethnologique qu’il a menée à l’Assemblée nationale36
.
1.2.2.2 La pratique de l’interruption
La pratique de l’interruption est chose courante dans l’hémicycle. En effet, les
discours de députés sont régulièrement interrompus par des invectives, des commentaires ou
encore des exclamations. Ainsi, le 4 décembre 1997, le ministre de l’intérieur, Jean-Pierre
Chevènement est interrompu pas moins de 131 fois, lors de sa présentation du projet de loi
« Relatif à l’Entrée et au Séjour des Etrangers et au Droit d’Asile ». La question d’André
Lajoinie à propos des annulations d’élections municipales le 15 juin 1983 est interrompue 20
fois et la réponse de Pierre Mauroy, alors Premier ministre est ponctuée de 34 interventions
dont 5 de soutien de la part de députés de gauche. Christine Boutin, quant à elle, bat des
records lorsque, le 4 décembre 1998, elle est interrompue plus de 500 fois lors de son discours
à l’encontre du PACS. La plupart des questions et des réponses des députés donnent ainsi lieu
à des prises des paroles inopinées. Si pour Thomas Bouchet, la tendance du XIXème siècle est
au ralentissement du recours à l’interruption, le XXème siècle marque le retour de cette
pratique (En 1850, un discours est en moyenne haché par un nombre d’interruptions situé
entre 7 et 10, alors qu’en 1950 et en 2000, la moyenne des interventions se situe entre 7 et
15). Ce retour serait principalement dû aux logiques d’affrontements (la guerre froide et la
bipolarisation) qui aurait généré des « réflexes, des pratiques de « combat » ou d’affirmation
de sa propre culture politique d’opposition, afin de solidifier la cohérence et la place de
chaque camp.». Après avoir un aperçu quantitatif du désordre engendré par les interruptions,
il est de rigueur de d’exposer les différentes formes que peuvent prendre ces interruptions.
Comme Nathalie Dompnier, le souligne, elles expriment parfois des réactions immédiates aux
propos de l’orateur : ce sont les exclamations (« Ah ! », « Oh ! », les « protestations » sur les
bancs). Ce sont aussi des applaudissements, des rires, des huées, des « bruits », et parfois
même des « claquements de pupitres » qui peuvent se faire entendre. Ce sont enfin des
appréciations comme « c’est ridicule et honteux » (député Juquin, en 1980) ou encore
« Mensonge ! Ce n’est pas vrai ! ». Le geste peut aussi accompagner la parole, comme lorsque
« les membres du groupe socialiste s’exclament et font le geste du pouce renversé (pollice
verso en latin). Il n’est également pas rare de constater, que de mini-débats s’engagent à la
36
ABELES Marc, Un ethnologue à l'Assemblée, Paris, Odile Jacob, 2000.
22
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
suite d’une interruption. Comme l’affirme Dominique Desmarchelier : « La moindre invective
donne souvent lieu à une contre attaque émanant aussi bien de l’orateur, que des membres de
sa famille politique.». On observe une sorte d’effet d’entraînement qui interdit à chacun de
relâcher ses attaques car « ce serait céder et laisser à l’adversaire la dernière répartie, la
position du redresseur de torts et ainsi la victoire. ».
Quant aux modalités du surgissement de l’interruption, celle-ci peut très bien
apparaître à la fin d’une phrase de l’orateur principal ou au contraire le couper en plein milieu
de son intervention. Dans ce dernier cas le caractère de provocation ou de déstabilisation est
souvent manifeste : « J.-P. Chevènement (MDC) : Le flux est continu ; il y a les conjoints, une
petite partie des travailleurs réguliers sont des médecins… C. Cova (RPR) ; Qu’ils aillent
soigner chez eux ! ». Le renchérissement est un autre procédé utilisé, permettant d’accentuer
la critique de l’adversaire : « C’est évident ! C’est le but ! C’est ce qu’ils veulent » criaient J.
Peyrat (RPR), B. Accoyer (RPR) et R.Cazenave, à propos d’une intervention de Dominique
Perben.
Les interruptions constituent un moyen privilégié de manifestation de la violence au
sein de l’Assemblée. Pour Nathalie Dompnier : « Ce type d’échanges ne permet évidemment
pas de nourrir le débat parlementaire. Les interruptions répétées empêchent toute
argumentation construite et les questions ou propositions sur lesquelles portent les échanges
semblent devenues tout à fait secondaires. ». Les visées de se travail de sape parlementaire, ou
les députés rivalisent en éloquence sont toutes autres. Ces interruptions régulières servent à
susciter l’indignation, à stigmatiser, à disqualifier l’adversaire politique, parfois à insulter, et
finalement à produire le plus grand désordre dans l’hémicycle.
1.2.2.3 Les autres formes de violences secondes
L’expression du mépris, l’ironie, la moquerie ou encore l’applaudissement et le rire
partisan peuvent être considérés comme étant le plus souvent des violences secondes car ils
affectent peu le cours du débat et offensent rarement les personnes même si Thomas Bouchet
et Jean Vigreux nous disent qu’ils peuvent dans certains cas être des ingrédients pour des
conflits ouverts. Il est au demeurant assez difficile de décrypter de telles expressions à partir
des indications des sténographes qui non seulement ont évolués avec le temps mais qui sont
souvent succintes et obscures. C’est pourquoi faire la différence entre rire ironique, rire
moqueur et rire amical est chose difficile ; de même pour les applaudissements. Par exemple,
23
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
pou les séances d’assemblée de 1850, il faut se contenter de quelques notations fugaces
comme « rires ironiques », « rires ironiques à gauche », « interruption et sourires à gauche »
(5 janvier) ; « murmures et rires à gauche », « rire ironique » (5 février), « sourires ironiques à
droite », « rumeurs et rires ironiques à gauche » (5 mars). En 1900, rien de tel n’est repérable
sur les 4 séances étudiées par les deux chercheurs. Si les expressions dévalorisantes existent
encore, elles sont moins fréquentes et/ou les sténographes les caractérisent moins. Les mêmes
transcriptions de « rires sur les bancs de tel groupe, « murmures », « sourires », ne sont plus
éclairés par des adjectifs, ce qui caractérise surement une évolution des us et coutumes
parlementaires. Le rire et la répartie font également partie de ces moyens d’expressions de la
violence redoutablement efficace qui sont à toutes périodes des armes de l’éloquence et de la
déstabilisation. Le député communiste, Jacques Duclos, en 1950, en est particulièrement
friand et aime employer des formules humoristiques, tels que : « Changez de disque ! »,
« Heureux les pauvres d’esprit ! », etc. En janvier 2000, un échange aigre doux entre Yvette
Roudy, député socialiste, et Jacques Myard, député UMP des Yvelines, témoigne de la
vivacité d’esprit des orateurs. Alors qu’Yvette Roudy prend la parole pour défendre le projet
de loi sur la parité dans la vie politique, elle est interrompue brusquement par Jacques Myard
qui s’écrie « Qui t’a élue ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ». L’usage du
tutoiement signe ici la relative brutalité de l’attaque. Yvette Roudy utilise la même arme dans
sa réponse : « C’est pas toi ! » (Rires). M. Jacques Myard « Ça oui ! ». Tout le débat de cette
séance est ponctué de bons mots ou de réflexions qui provoquent des sourires37
. Le bruit et
l’agitation sont tout aussi dignes d’études comme en témoigne la retranscription courante dans
les comptes rendus des « Ecoutez ! Ecoutez ! » ou « Parlez ! Parlez ». Ce chahut évoqué plus
haut, se manifeste de diverses forme, ainsi quelques députés laissent exprimer leur colère, en
1950, « C’est scandaleux, ces grognements systématiques ! ». C’est ainsi que la presse se fait
également l’écho de telles situations « Le citoyen Rigal présente quelques observations qu’il
nous est impossible d’entendre à cause du bruit toujours croissant des conversations »38
. Ou
encore : « Monsieur Jourde, au milieu du bruit, demande à la Chambre de ne pas se prononcer
et de remettre sa séance à lundi »39
. Le bruit, l’agitation et le tumulte ont toujours fait partie
du quotidien des séances d’assemblée mais il semble qu’au cours de la Vème République,
cela soit plus souvent le cas lors des séances de questions au gouvernement comme le
démontre Clément Viktorovitch dans sa communication intitulé « La compétition dans les
37
Journal Officiel, 3ème séance du 25 Janvier 2000.
38
Journal La Réforme, le 12 janvier 1850.
39
Jounal Le Petit Journal, le 13 janvier 1900.
24
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
séances de questions au gouvernement »40
. Cela venant du fait principal qu’ « aucun orateur
n’a le droit de réagir aux réponses des ministres, pas même le député interrogateur [...]
permettant ainsi aux membres du gouvernement de s’autoriser la plus grande agressivité,
puisqu’ils se savent à l’abri de toute réplique parlementaire ». C’est ainsi, que le 21 mars
2000, par exemple, Lionel Jospin alors premier ministre répond à la question du député
Philippe Douste-Blazy : « Respecter le Parlement, ce n’est pas simplement respecter
scrupuleusement les droits de l’opposition comme nous le faisons, c’est aussi respecter les
droits de sa propre majorité […] » déclenchant de vifs applaudissements sur les bancs de sa
majorité et des protestations sur les bancs de l’opposition.
1.3 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
Le constat historique que l’assemblée est à la fois un lieu d’expression et de traitement
de la violence nous renvoie directement aux réflexions théoriques de Platon et Machiavel. Ce
sont elles qui nous ont amené à nous interroger sur la place dévolue à la violence dans le
discours politique et social contemporain. D’où notre question de départ : nos hommes
politiques, se situent-ils plus dans une filiation Machiavélienne que dans une filiation
Platonicienne de la conception de la politique ? Les divers travaux parcourus nous conduisent
à penser que c’est le cas et ont suscité notre intérêt pour l’analyse de « la violence des
échanges en milieu parlementaire », dans la France contemporaine et plus précisément au sein
de l’Assemblée nationale, lieu par excellence d’exacerbation des passions. Notre hypothèse a
priori est que la civilisation des arènes parlementaires n’a pas supprimé le caractère
fondamentalement violent de certaines interactions. L’hypothèse souvent avancée quant à
l’explication de cette violence est qu’elle correspond principalement à des moments de
crispation idéologiques majeurs et à un contexte politique et institutionnel. Les débats sur
d’importantes questions de société conduisent à des visions radicalement opposées où les
clivages politiques gauche/droite laissent place aux violences verbales. Ainsi, de l’IVG au
PACS, certains débats parlementaires ont fortement marqué les esprits par la tension qui les
portait autant, sinon plus, que par la qualité rhétorique des intervenants. Il est également fait
l’hypothèse que le caractère violent des échanges parlementaires fluctue en fonction de leur
médiatisation et en fonction de l’intérêt personnel des députés. La dimension stratégique de
l’utilisation de la violence au sein de l’arène parlementaire se définit donc également comme
40
VIKTOROVITCH Clément, « La compétition dans les séances de questions au gouvernement », in Actes des
Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009.
25
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
le moyen pour le député de remporter les élections législatives, d’assoir le leadership de son
groupe ou de s’inscrire dans un rapport de groupe bien déterminé. Car, la politique est aussi
« une lutte de style tauromachique »41
pour le maintien du pouvoir, au fond un jeu.
Nous pouvons observer et catégoriser les différentes formes de violence tolérées et ritualisées
au sein de l’assemblée, nous pensons qu’elles reposent certainement sur des règles implicites
qui ne doivent pas ête franchies. Au-delà de l’insulte et du geste violent nous pouvons
postuler qu’il y a transgression de ces règles parlementaires implicites de la violence
ritualisée. La violence physique par exemple devenue très rare.
Cependant ces règles ne peuvent être respectées et appliquées que dans la mesure où la
source de violence symbolique est un député, un membre de l’assemblée, mais que se passe-t-
il lorsque la transgression vient de l’extérieur ? Voit-on une relance de la violence des
députés, une solidarité résistant à cette « agression », un clivage s’opérer en fonction de la
nature de cette interruption… ?
Nous sommes donc amené ici à faire une distinction entre violence endogène, c'est-à-
dire ayant comme support la parole ou le geste d’un député et violence exogène dont le
support est étranger à l’assemblée. La question générale qui nous préoccupe est d’essayer de
comprendre si les règles implicites de la violence ritualisée peuvent répondre et continuent de
s’appliquer dans de telles circonstances. Nous parlons ici de violence exogène uniquement
symbolique, notre question n’aurait pas de sens dans une situation comme celle de la dernière
tentative de coup d’état en Espagne, avec prise de contrôle des Cortes par des individus
armés.
Un deuxième questionnement porte sur l’exercice même de la violence ritualisée dans
de telles circonstances de violence symbolique exogène. Quels liens ces deux types de
violence entretiennent-elles avec les thématiques des discours des députés ? Dans un débat
ainsi interrompu, y a-t-il des thématiques ou des orientations générales plus propices au
déclanchement de la violence ritualisée. Voilà un type de questionnements plus rare. Plus
globalement, la question se pose alors au chercheur de savoir si la violence symbolique
exogène signe la faillite du modèle parlementaire républicain ou si, au contraire, elle en
traduit plutôt les capacités d’autorégulation. Mais, même si elle témoigne des capacités de
régulation, cela ne peut se faire que dans certaines limites de cette expression violente.
41
Expression empruntée à Gérard Leclerc, journaliste français de radio et dé télévision qui a été nommé
président de La Chaîne Parlementaire en mai 2009. Son article concernant la vie politique et la violence, peut
être lu à cette adresse : http://www.france-catholique.fr/Vie-politique-et-violence.html.
26
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
Quelles sont les limites de cette autorégulation ? Qu’advient-il des capacités
d’autorégulation lorsque les manifestations violentes n’obéissent plus aux règles de la
violence ritualisée ?
Voilà toutes les questions de notre problématique auxquelles nous tenterons de
répondre par les hypothèses suivantes :
 Hypothèse générale 1 de l’autorégulation « à froid »
La gestion de la violence symbolique exogène au sein de l’assemblée parlementaire
s’opère par une réduction à de la violence ritualisée
 Hypothèse opérationnelle 1
Dans une séance avec interruption par une violence symbolique exogène, la violence
ritualisée endogène devrait jouer un rôle beaucoup moins important que dans la séance
suivante.
Nous pensons que, devant l’incapacité à gérer en séance l’apparition d’une violence
symbolique exogène l’autorégulation de cette transgression des règles implicites se réalisera
au cours de la séance suivante par l’exacerbation de la violence ritualisée endogène
 Hypothèse générale 2 de l’impact des thématiques
La manifestation de la violence ritualisée au sein de l’assemblée est liée à des types de
contenus évoqués par les parlementaires.
 Hypothèse opérationnelle 2
Les contenus de politique générale prêtent moins à manifestation de violence ritualisée
que ceux qui traitent des applications concrètes
Nous pensons que l’orientation des thématiques argumentées par les députés joue un
rôle dans la manifestation de formes ritualisées de violence parlementaire.
 Hypothèse générale 3 du maintien des clivages
L’apparition d’une violence symbolique exogène maintient le clivage droite/gauche
 Hypothèse opérationnelle 3
Le clivage droite gauche reste un élément struturant les discours et les manifestations
violentes après l’apparition d’une violence symbolique exogène
27
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
Nous pensons qu’une des forces d’autorégulation de l’arène parlementaire française se
trouve justement dans le civage droite/gauche qui absorbe tous les remous y compris ceux qui
ne font pas partie des formes implicitement admises de violence.
1.4 METHODOLOGIE
1.4.1 Recueil des donnees
Puisque notre analyse va porter sur leur discours, présentons maintenant le député, ce
représentant au parlement, élu par le peuple. Le portrait robot d’un député français tel que le
dessinent Olivier Costa et Eric Kerrouche42
dans leur ouvrage est « un homme de plus de
cinquante ans, fortement diplômé, souvent salarié du public et/ou issu d'un milieu
professionnel favorisé et titulaire d'un mandat exécutif local. ». Ils sont au nombre de 577 et
bien qu’ils soient représentants de la nation, ils ne sont en rien représentatifs de la population.
En effet, la majorité d’entre eux sont des hommes, leur moyenne d’âge était en 2006 de 57,7
ans et ils ont tous un niveau d’études élevé (5 ans après le bac). Député est un métier à part
entière, d’ailleurs, les députés n’exercent plus leur profession initiale depuis longtemps pour
cause de manque de temps dû au caractère de plus en plus complexe et technique de leur
fonction. Les députés doivent bien sûr siéger à l'Assemblée, mais aussi travailler et être
présents dans leur circonscription, notamment pour se faire réélire. En somme, ils travaillent à
préserver leur éligibilité, c’est pourquoi ils se doivent d’être populaire à la fois auprès des
électeurs et de leur parti respectif à l’Assemblée Nationale. Cependant, tient à préciser Éric
Kerrouche : « Il faut pourtant se garder de la caricature et des préjugés, ils ne sont ni des pions
de leur parti, ni des cyniques qui ne pensent qu'à se faire réélire. La majeure partie d'entre eux
souhaite faire du bon travail. »
Le caractère restreint de l’échantillon, limite fortement l’extension de nos résultats et
rapproche par force notre recherche d’une étude de cas. Par ailleurs, la prise de notes sur
laquelle nous faisons porter notre analyse est évidemment biaisée. En effet en dehors du fait
que beaucoup d’éléments ne sont pas notés notament concernant les manifestations non
verbales violentes des députés, certains éléments sont flous ou atténués. Malgré cela nous
effectuerons un codage des manifestations dites de violence ritualisée telles qu’elles ont été
consignées.
42
Olivier Costa et Eric Kerrouche sont deux chercheurs du laboratoire SPIRIT (Sciences politiques, Relations
internationales, Territoire) de l’IEP de Bordeaux qui ont mené une enquête auprès des parlementaires français,
retranscrite dans leur livre Qui sont les députés français ? Enquête sur une élite inconnue.
28
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
Notre analyse va porter sur le contenu de deux séances parlementaire, la première
séance du Mercredi 2 Décembre 2009 et la première séance du Mercredi 9 Décembre 2009.
Le choix de ces deux séances repose sur le fait que la première a été interrompue par une
action très démonstrative des écologistes en provenance de la tribune des visiteurs (descente
en rappel et déroulé de banderoles). La seconde a été choisie par ce que de même nature, elle
succédait à la précédente et revenait sur les incidents. Nous n’avions en fait que peu de choix
car les incidents porteurs de violence symbolique exogène sont très rares. A ce titre, nous ne
pouvons considérer ces deux séances comme représentatives ni de ce qui se passe
habituellement ni de ce qui se passe exceptionnellement au sein de l’assemblée nationale.
Il va de soi que la totalité des députés n’était
pas présente lors de ces séances et de plus ce
n’était pas nécessairement les mêmes qui
siégeaient. Enfin, tous ne se sont pas exprimés.
En fait notre corpus va être constitué des
propos de 31députés orateurs à la première
séance et de 34 députés orateurs à la deuxième
séance avec 6 députés orateurs dans les deux séances.
La première séance était composée de 20 députés UMP, 9 députés GDR et 2 députés
NC. La deuxième séance était composée de 17 députés UMP, 9 députés SRC, 6 députés GDR,
1 député Modem et 1 député NC. Le ratio de genre est comme habituellement complètement
déséquilibré avec une femme dans la première séance et deux dans la seconde. Comme
l’indique le schéma ci-dessus la distribution des ages ne varie pas fondamentalement d’une
séance à l’autre avec un âge légèrement plus élévé dans la première. Une présentation
générale des députés ayant participé aux deux éancesse trouve en annexe.
Le document de référence est le Journal Officiel (le quotidien officiel édité par l’Etat
français contenant le compte rendu des séances de l’assemblée) anciennement connu sous le
nom de Moniteur. Cepedant omme Charles Péguy le souligne « Les sténographes du Journal
officiel ne peuvent saisir et enregistrer qu’une image pauvre et linéaire de débats tumultueux
et nombreux en personnages »43
. De facto, les retranscriptions du Journal Officiel obéissent à
certaines règles qui tendent à « policer » le débat en bannissant les insultes et la violence de
manière globale même si fort heureusement la censure n’est pas complète. C’est pourquoi, il
43
Charles Péguy est un écrivain, poète et essayiste du XIXème siècle, avant lui Balzac avait déjà écrit : « la vraie
séance n’est nulle part, pas même dans Le Moniteur ».
29
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
aurait certainement été utile de compléter l’étude du J.O par celle de la presse écrite ou par
l’analyse d’entretiens avec les acteurs eux-mêmes. Il ya là une des limites de notre travail.
1.4.2 Analyse de contenu et analyse du discours
Les techniques d'analyse de contenu qui permettent une analyse objective,
systématique et quantitative du contenu manifeste de la communication44
ont été critiquées
pour analyser le contenu indépendamment des interprétations idéologiques et de catégoriser
comme si le sens était transparent45
. Le contenu, présuppose déjà une attribution de sens, plus
ou moins arbitraire, le discours, lui, se définit comme une unité linguistique constituée de
phrases. L’un s’attache au texte, l’aute permet aussi de réintroduire le contexte. Les
techniques d’analyse du discours dès le début sont plus automatiques et s’intéressent à une
approche lexicographique. Elles aussi reposent sur une phase de catégorisation, suivie d'une
phase de quantification mais généralement entièrement systématisée. Nous aurions souhaité
la combinaison, voire l'articulation des deux types d'analyse46
mais le temps nous a manqué.
La technique d’analyse du discours que nous avons choisie ici est le logiciel d’analyse
lexicale Alceste qui utilise plusieurs techniques de traitement de données comme les
techniques associées de classification hiérarchique descendante et ascendante, le tri croisé et
l'analyse factorielle des correspondances.
1.4.2.1 Présentation d’Alceste
L'objectif de ce logiciel est de permettre une analyse lexicale des données textuelles
issues des entretiens, des corpus de réponse à des questions ouvertes, des corpus de texte, de
recueils de texte divers, etc. Outil d'aide à l'interprétation, il se propose selon son auteur47
de
« modéliser les lois de distribution du vocabulaire dans un corpus, à l'aide d'un tableau à
double entrée, croisant unités de contexte (u.c.e) et unités de contexte initiale (u.c.i) et
vocabulaire retenu ». La technique est basée sur un classement du corpus considéré en
fonction des cooccurrences ou des dissemblances de vocabulaire utilisé. Elle permet « de
réduire et de classer les segments de texte (...), d'en donner un condensé parfaitement
formalisé et d'en construire la structure »48
. Les formes (noms, verbes, adjectifs…) sont
considérées, dans leurs relations mutuelles, à l'intérieur du texte, sans tenir compte du sens de
44
BARDIN, L. L’analyse de contenu. Paris, PUF, 1991.
45
ROBIN, R. Histoire et linguistique, Paris, Armand Colin, 1973.
46
CHARAUDEAU, P. & MAINGUENEAU, D. Dictionnaire de l’analyse du discours, Paris, Seuil, 2002.
47
Max Reinert est le concepteur d'Alceste.
48
MARCHAND, P. L'analyse du discours assistée par ordinateur, Paris, A. Colin, 1998.
30
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
celui-ci. « On peut étudier la structure d'un texte sans faire appel à aucune information qui ne
soit pas fournie par le texte lui-même (...), sans faire appel à la connaissance que l'analyste
peut avoir du sens spécifique de chaque morphème, de l'intention de l'auteur ou de sa
situation ».
Sous-jacent à cette approche, se trouve le postulat selon lequel le contenu lexical du
discours est caractéristique « du monde de pensée" du locuteur. Pour spécifier ce "monde de
pensée", Max Reinert évoque un locuteur ayant habité des "pièces mentales" dont les traces
sont perceptibles en terme de "mondes lexicaux » L'enjeu méthodologique est ici d'identifier
la réalité que recouvrent les notions d'énoncé et d'unité de contexte49
. Pour l'auteur l'énoncé
constitue « la plus petite unité de texte susceptible de décrire [...] la représentation sous-
jacente d'un sujet » L'unité de contexte correspond « au segment de message dont la taille est
optimale pour saisir la signification exacte de l'unité d'enregistrement »50
.
Le logiciel procède à un double découpage du texte à analyser en unités de contexte
initiales (pour nous les interventions des députés) et élémentaires (uce)51
. Ensuite, il crée un
tableau binaire croisant en ligne des parties de discours constituées par les différentes uce, et
en colonne les formes réduites à leur racine52
, présentent dans le corpus. Les variables actives
représentées par des mots précédés d’une astérique seront analysées, les illustratives et
supplémentaires seront positionnées ensuite. Alceste calcule les cooccurrences de chaque
forme dans chaque uce. À partir de ces calculs statistiques il propose sans les nommer des
classes des sous-classes du corpus.
1.4.2.2 Pourquoi Alceste ?
Les raisons de notre choix de cette technique logiciel d'analyse lexicale est qu’il
permet de rechercher la structure d’un discours indépendamment des significations que
voudrait y trouver le chercheur. Ceci est important en ce qui concerne un de nos objectifs de
retrouver éventuellement des traces de violence verbale et de comprendre comment s’articule
le discours et les manifestations non verbales de violence. Alceste peut traiter efficacement
49
L'ensemble des segments du texte composant le corpus traité sont appelés « unités de contexte ». Les « unités
de contexte initiales, uci » désignent les différents textes ou unités naturelles composant le corpus, les « unités de
contexte élémentaires, uce » désignent les segments des textes composant l'uci.
50
BARDIN, L. L’analyse de contenu. Paris, PUF, 1991.
51
Le calcul de l'u.c.e combine deux dimensions : la longueur en nombre de mots et la ponctuation. Selon les
valeurs choisies, c'est l'une ou l'autre qui est dominante dans le calcul. Toutefois, cette longueur peut être
paramétrée par le chercheur afin d'observer la stabilité des résultats de l'analyse quel que soit le paramétrage.
52
Alceste possède un algorithme qui lui permet de procéder à la lemmatisation des formes.
31
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
un corpus maximal de 10.000.000 de caractères, soit 10.000 uce, 90.000 formes réduites avec
une grande rapidité d'exécution. Par ailleurs, il permet de procédures statistiques de contrôle
des interprétations notamment à partir des techniques statistiques de Classification
hiérarchique descendante, et d’Analyse Factorielle de Correspondances. Ainsi une grande
partie des biais provenant du chercheur, très présents dans les méthodes manuelles d’analyse
de contenu sont évités. Il s’agit d’une méthode présentant un degré élevé d'exhaustivité,
couvrant systématiquement toutes les formes du corpus et la totalité des relations qu’elles
entretiennent entre elles. La catégorisation descendante produit une description complète et
organisée des champs lexicaux. Enfin, l'introduction de variables illustratives « extra-
textuelles », les éléments supplémentaires, permet de tester de multiples hypothèses relatives
au contexte du discours.
Cependant comme pour toutes les techniques, à ses multiples avantages sont associés
aussi des limites et des inconvénients.
La première difficulté est le passage du qualitatif au quantitatif, car si nous trouvons
au plan quantitatif sans aucun doute des champs lexicaux, cela correspond-il à des univers de
significations. Nous saisissons peut-être seulement une manifestation lexicale comme le
remarque le créateur de la méthode Max Reinert. Cette limite n’est pa propre à Alceste, les
techniques qui utilisent de manière plus ou moins sophistiquée, le comptage, et à partir
desquelles le chercheur extrapole des processus qu’ils manifestent. Pour définir cette
correspondance entre le lexique utilisé et un processus sous-jacent le créateur de la technique
avancera la notion de « mondes lexicaux »53
dont la définition opérationnelle n'est que
statistique mais qui désigne un monde référentiel pour le locuteur.
1.4.2.3 Classification Hiérarchique descendante (CHD)
Sur la base des unités analysées par Alceste, la classification hiérarchique
descendante permet la constitution et la hiérarchisation de classes distinctes et homogènes,
représentant la structure de l’univers sémantique des discours analysés. Par dichotomisations
successives de l’ensemble des uce retenues, elle procède à une identification puis à une
hiérarchisation des classes, suivant un principe itératif de bipartition de la plus grande des
classes restantes. Par la maximisation des Khi2
au croisement entre vocables et énoncés, la
CHD va tendre à dégager des classes de façon à en maximiser les différences, tout en testant
53
REINERT, M. La méthodologie Alceste et l'analyse d'un corpus de 304 récits de cauchemars d'enfants.
Convegno Internazionale, Ricerca qualitativa e computer nelle scienze sociali, 1992.
32
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
leur stabilité jusqu’à atteindre le nombre de classes fixées. Chaque classe consistant en un
lexique d’apparence hétérogène qui repose sur des cooccurrences de fait, est caractérisée par
des formes récurrentes. L’ensemble des classes est généralement résumé par un
dendogramme qui en représente la structure. L’application de la CHD repose sur deux
postulats originellement établis sous forme d’hypothèses de travail par Max Reinert54
:
l’hypothèse qu’un corpus de textes peut être considéré comme un ensemble d’énoncés
indépendants et redondants dont chacun « porte l’empreinte d’un processus sous-jacent,
dépendant des conditions de production de cet énoncé (d’ordre psychique, social, culturel,
narratif…) » et l’hypothèse que les énoncés utilisant plutôt les mêmes vocables « renvoient
généralement à une même représentation sous-jacente, ceci avec d’autant plus de certitude
que le nombre d’énoncés est grand ».
1.4.2.4 Analyse Factorielle des Correspondances (AFC)
L’analyse factorielle des correspondances élaborée par Benzecri55
est une technique
d’analyse statistique non paramétrique qui a été conçue pour étudier des tableaux dits de
contingence ou tableaux croisés56
qui sont des tableaux d’effectifs obtenus en croisant les
modalités de deux variables qualitatives, définies sur une même population de N individus.
Tout l’intérêt de l’AFC pour notre recherche est de permettre de resituer les relations entre
les formes du corpus issus de la CHD et avec les sujets57
. Elle permet d’extraire des données
une structure fournissant « une vision bien structurée immédiatement accessible de la
manière dont les variables covarient, s’opposent et sont entre elles interdépendantes »58
.
Cette technique relève dans un ensemble de données les structures sous-jacentes par la
recherche systématique des corrélations des modalités entre elles et avec les individus. Ces
corrélations ou absence de corrélation vont se traduire graphiquement par une proximité ou
une distance entre des points ou des nuages de points figurant les modalités, et/ou les sujets.
Ils sont matérialisés dans un espace factoriel à n dimensions dont les facteurs représentés par
des axes, symbolisent l’ensemble des coordonnées des projections des points d’un nuage. La
participation d’un facteur à l’inertie totale exprimée en pourcentage indique la contribution
54
REINERT, M. Classification Hiérarchique Descendante et Analyse Lexicale par contexte. Toulouse : UTM,
Texte polycopié, 1984.
55
BENZECRI, J.P. L’analyse des données, Tome 2, Paris, Dunod, 1973.
56
ESCOFFIER, B. & PAGES, J. Analyses factorielles simples et multiples, objectifs, méthodes et interprétation,
Paris, Dunod, 1988.
57
MARCHAND, P. L'analyse du discours assistée par ordinateur, Paris, A. Colin, 1998.
58
DOISE, W., CLEMENCE, A. & LORENZI-CIOLDI. Représentations sociales et analyse des données.
Grenoble, PUG, 1992.
33
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
relative du facteur à l’explication de l’ensemble des corrélations. Alors que l’extraction des
facteurs est une procédure quantitative, la nomination des axes qui les représentent, est un
processus qualitatif devant s’appuyer sur l’examen attentif des contributions les plus fortes,
parmi les modalités. « Interpréter un axe, c’est trouver tout ce qu’il y a d’analogue, d’une
part entre tout ce qui est écrit à droite de l’origine, d’autre part, entre tout ce qui s’écarte à
gauche, et exprimer, avec concision et exactitude, l’opposition entre les deux extrêmes »59
.
1.4.2.5 Dernières opérationnalisations
Après rappel des hypothèses, nous proposons ici plus en détails l’anticipation de nos
résultats, compte tenu de la méthode d’analyse des données choisie.
 Hypothèse générale 1 de l’autorégulation « à froid »
La gestion de la violence symbolique exogène au sein de l’assemblée parlementaire
s’opère par une réduction à de la violence ritualisée
 Hypothèse opérationnelle 1
Dans une séance avec interruption par une violence symbolique exogène, la violence
ritualisée endogène devrait jouer un rôle beaucoup moins important que dans la séance
suivante.
Si cette hypothèse s’avérait, nous devrions observer dans nos résultats beaucoup moins
de lien statistique entre les manifestations de violences relevées et la séance 1, qu’entre les
manifestations de violences relevées et la séance 2. De la même manière, nous devrions
observer dans nos résultats beaucoup moins de lien statistique entre les manifestations de
violences relevées et les discours tenus dans la séance 1, qu’entre les manifestations de
violences relevées et les discours tenus dans la séance 2. Si la séance 2 opère comme
régulation de la séance 1, elle devrait à la fois être plus constitué de violences ritualisées et en
cohérence avec les discours.
 Hypothèse générale 2 de l’impact des thématiques
La manifestation de la violence ritualisée au sein de l’assemblée est liée à des types de
contenus évoqués par les parlementaires.
59
BENZECRI, J.P. L’analyse des données, Tome 2, Paris, Dunod, 1973.
34
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
 Hypothèse opérationnelle 2
Les contenus de politique générale prêtent moins à manifestation de violence ritualisée
que ceux qui traitent des applications concrètes
Si cette hypothèse s’avérait, nous devrions observer dans nos résultats que la manifestation de
violences ritualisées est statistiquement liée à des blocs de discours traitant de politique
concrète, alors que l’expression de discours de politique générale ne devrait pas présenter de
lien avec ses manifestations
 Hypothèse générale 3 du maintien des clivages
L’apparition d’une violence symbolique exogène maintient clivage droite/gauche
 Hypothèse opérationnelle 3
Le clivage droite gauche reste un élément struturant les discours et les manifestations
violentes après l’apparition d’une violence symbolique exogène
Si cette hypothèse s’avérait, nous devrions observer que l’appartenance droite ou
gauche persiste comme élément structurant le discours sur l’ensemble des propos tenus lors de
la séance 1 et 2. De ce fait, nous montrerions que ce type de clivage, même au cours de
circonstances exceptionnelles continuent de jouer un rôle régulateur de réduction des
violences symboliques exogènes à des violences ritualisées.
35
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
2
TRAITEMENT DES RESULTATS
2.1 DESCRIPTION DU CORPUS
2.1.1 Caractéristiques
A l’issue des analyses ALCESTE nous avons analysé 265 u.c.i (unités de contexte
initiales) soit 21071 formes contenues dans le corpus dont 3689 formesdistinctes. 2034 hapax
(formes présentes une seule fois dans le corpus) ont été relevés.
2.1.2 Réduction des formes
Nous avons procédé à une réduction des 21071 formes relevées (cf Rapport d’analyse
en Annexe) aux 597 formes analysées, ex :
Technolog = technologie (2), technologies (10), technologique (1), technologiques (2).
2.1.3 Sélection et Identification des catégories grammaticales
Toutes les catégories grammaticales ont été soi analysées à l’exception des nombres en
chiffre (cf Rapport d’analyse en Annexe) c'est-à-dire prises en compte dans l'analyse, soit
considérées comme supplémentaires c'est-à-dire présentes uniquement dans la description du
36
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
profil des classes, soit rejetées. Ces catégories sont affectées a priori aux formes reconnues du
corpus. Par défaut, seuls les noms, les verbes (mis à part les auxiliaires être, avoir et les verbes
modaux), les adjectifs, les adverbes et les formes non reconnues sont analysés, dans la mesure
où ces formes sont présentes au moins 4 fois dans le corpus (cf Rapport d’analyse en
Annexe).
2.1.4 Constitution d’un dictionnaire des formes et des formes réduites
Nous avons constitué ensuite un dictionnaire des formes du corpus et un dictionnaire
des formes réduites classées en fonction de leur effectif dans le corpus. Ainsi nous constatons
(cf Rapport d’analyse en Annexe) que les formes réduites les plus fréquentes sont les noms :
pays (110 occurrences), minist (89), president (76), etat (74), question (57), copenhague (56), parole (53),
developpement (52), emission (48), collegue (47)… et quelques adjectifs ou adverbes : premier (40),
climatique (40), cher (35) …
2.1.5 Découpage et classification
Le logiciel procède ensuite au découpage du texte en unités de contexte et à la
classification descendante hiérarchique. Nous avons choisi ici une analyse standard dont les
paramètres (notamment la
longueur des u.c.e) sont
prédéfinis par le logiciel.
Comme paramétrage
cependant nous avons procédé à l’effectuation de deux classifications successives afin de
retenir les classes les plus stables (classification double plus intéreressante lorsque le corpus
est important). Nous avons d’abord proposé une longueur d’u.c.e de minimum 15 mots puis
de 17 mots Par ailleurs, nous rappelons qu’un mot est analysé lorsqu'il est présent dans au
moins 4 u.c.e.
2.1.6 Croisement des classifications et résultats
Après effectuation des deux classifications nous
sommes parvenus à un nombre de 5 classes avec 38 u.c.e
minimum par classe et avec un classement de 71 % des u.c.e.
La comparaison des deux classifications nous indique
37
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
clairement une stabilité de la structure des classes sous-jacente au discours même lorsqu’on
fait varier la longueur des u.c.e (cf Rapport d’analyse en Annexe). D’autant que la structure
des arbres de classification descendante ne varie pas lorsqu’on fait varier la longueur des u.c.e
Nous pouvons dès lors considérer que notre corpus contient 5 classes de discours dont nous
trouvons dans les schémas ci-dessous la description du point de vue de la répartition des u.c.e
classées et des mots analysés par classe, les deux premières totalisant plus de la moitié des
effectifs.
2.2 PLAN D’ANALYSE DES CLASSES
Pour l’analyse des classes nous procéderons classe par classe selon le schéma suivant :
2.2.1 Identification et nomination des classes et des sous-classes
Dans notre procédure, l’identification et nomination des classes et des sous-classes se
fera en trois temps d’abord l’étude de la composition de la classe puis linterprétation des
absences significatives et enfin la recherche de confirmation par la Classification
Hiérarchique Ascendante.
2.2.1.1 Composition de la classe
La composition de la classe est étudiée à partir de son vocabulaire propre (formes
réduites) considéré sur la base des présences significatives (cf Rapport d’analyse en Annexe).
Chaque forme réduite est caractérisée par son khi2, son effectif réel dans la classe (Effectif 1),
le nombre d'u.c.e de la classe la contenant (effectif 2), le nombre total d'u.c.e classées la
38
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
contenant (total) et le pourcentage du nombre d'u.c.e de la classe la contenant (percent). Nous
rechercherons des illustrations par quelques u.c.e caractéristiques de la classe considérée,
triées par ordre d'importance (khi2) dans la classe en soulignant les formes les plus
caractéristiques de la classe par des parenthèses.
2.2.1.2 Absences significatives
La composition de la classe est étudiée (cf Rapport d’analyse en Annexe) à partir du
son vocabulaire significativement absent (formes réduites) se définit par opposition à des
significations portées par d’autres classes. Dans ce cas, chaque forme réduite est caractérisée
par son khi2 toujours négatif, le nombre d'u.c.e de la classe la contenant toujours faible ou nul
(effectif), le nombre total d'u.c.e classées la contenant (total) et le pourcentage du nombre
d'u.c.e de la classe la contenant (percent)
2.2.1.1 Confirmation par la Classification Hiérarchique Ascendante (CHA)
Pour confirmer ou infirmer nos interprétations nous nous appuierons sur la
classification ascendante, résultat complémentaire, figurant les relations locales entre formes
d'une même classe. Elle permet de corroborer les agrégats de formes réduites en tenat compte
du khi2 de chaque forme dans la classe.
2.2.2 Relation avec les variables (mots étoilés)
A cet endroit nous réintroduirons dans notre lecture des résultats les mots étoilés
représentant nos variables à l’exception de *s_1 et *s_2 et des formes de violence que nous
traiterons à part puisqu’il s’agit plus directement de nos hypothèses.
Séance *s_ *s_1 Séance du 2 Décembre 2009
*s_2 Séance du 9 Décembre 2009
Sexe *sx_ *sx_m Masculin
*sx_f Féminin
Age *ag_ *ag_1 30 à 39 ans
*ag_2 40 à 49 ans
*ag_3 50 à 59 ans
*ag_4 60 à 69 ans
*ag_5 70 à 79 ans
Parti *pa_ pa_ump UMP
39
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
*pa_ps Parti Socialiste
*pa_nc Nouveau Centre
*pa_mim Mvt d’Indép. de la Martin.
*pa_prg Parti Radical de Gauche
*pa_modem Mvt
*pa_pc Parti ommuniste
*pa_vert Les Verts
Région *rg_ *rg_idrf Ile de France
*rg_padc Pas de Calais
*rg_cent Centre
*rg_pica Picardie
*rg_auve Auvergne
*rg_bour Bourgogne
*rg_padl Pays de Loire
*rg_paca Provence Alpes Côte d’Azur
*rg_rhal Rhône-Alpes
*rg_cham Champagne
*rg_mart) Martinique
Il s’agira de pointer les corrélations apparaissant entre certaines modalités de ces variables et
la classe envisagée de manière à identifier si les « paquets » de discours qu’elle représente
sont liés à des conditions précises d’age de sexe, d’appartenance politique, d’omplantation
régionale etc
2.2.3 Relation avec les deux séances parlementaires et les formes de violence
Enfin, pour la classe
considérée, nous rechercherons
les liens entre les éléments de
discours (formes réduites) et les
séances de l’assemblée (*s_1 et
*s_2). Dans le même temps
nous rechercherons les rapports
existant entre cette classe et
l’apparition ou non de
apg Applaudissement Général
adr Applaudissements par la droite
aga Applaudissements par la gauche
pdr Protestation de la droite
pga Protestation de la gauche
idr (p / n) Interruption par la droite (positive ou négative)
iga (p / n) Interruption par la gauche (positive ou négative)
isdr Insulte par la droite
isga Insulte par la gauche
40
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
manifestations de violence60
: apg, adr, aga, pdr, pga, idr (p / n), iga (p / n), isdr, isga. Cette
variable a été introduite dans le corpus en majuscules comme « élément supplémentaire »,
pour éviter qu’elle interfère sur le strict comptage du vocabulaire.
2.3 ANALYSE DE LA CLASSE 1
2.3.1 Identification et nomination des classes et des sous-classes de la classe 1
2.3.1.1 Composition de la classe 1
A considérer un Khi2 > 6, la lecture des présences significatives de la classe 1 nous
indique qu’elle se caractérise par la présence de deux sous-classes :
La sous-classe « Ecologie politique » comprenant les formes réduites (Khi2, effectif
1, effectif 2, total, percent) :
developpement (77 43 39 42 93%), climat (45 26 24 26 92%), carbone (28 21 19 23 83%), copenhague
(27 24 24 33 73%), aide (26 14 14 15 93%), climatique (23 21 20 27 74%), durable (22 12 12 13 92%),
ressource (18 10 10 11 91%),vulnerable (18 10 10 11 91%), terre (17 8 8 8 100%), global (16 9 9 10
90%), soutien (13 7 6 6 100%), co (11 5 5 5 100%), vie (11 7 7 8 88%), besoin (11 9 8 10 80%), afrique
(11 7 7 8 88%), continent (11 5 5 5 100%), demograph (11 5 5 5 100%), france (10 12 12 18 67%),
energ (16 10 14 12 18 67%), planete (10 9 9 12 75%), population (10 12 12 18 67%), accord (9 12 12
19 63%), habitant (9 7 7 9 78%), internationale (9 7 7 9 78%)
Nous pourrions caractériser cette sous-classe par les u.c.e suivantes :
uce n° 377 Khi2 = 15 uci n° 114 : *s_1 *sx_m *ag_3 *pa_ump *rg_idrf *K_1
« par-rapport a l' (aide) au (developpement) montre (que) l’additionalite annoncee ne (devient) pas
forcement realite. Si (ces) (ressources) (financieres) (entrent) en (competition), l (environnement) (et) le
(developpement) en ressortiront perdants. »
La sous classe « Finance » comprenant les formes réduites (Khi2, effectif 1, effectif 2,
total, percent) :
financer (29 19 18 21 86%), milliard (21 17 13 15 87%), financier (17 11 11 13 85%), prix (11 5 5 5
100%), competitif (11 5 5 5 100%), dollar (9 4 4 4 100%)
60
Il est évident qu’un applaudissement n’est pas en soi une manifestation de violence mais ils sont ici à resituer
dans un contexte polémique comme moyen bruyant de manifester le soutien de son camp quitte à couvrirla
parole de l’adversaire.
41
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
Nous pourrions caractériser cette sous-classe par les u.c.e suivante :
uce n° 406 Khi2 = 23 uci n° 116 : *s_1 *sx_m *ag_4 *pa_ump *rg_idfr *K_3
« la possibilite de recourir a des (financements) novateurs, (tels) (qu') une (taxe) (sur) les transactions
(sur) les valeurs mobilieres, (doit) (etre) exploree. L' (aide) (financiere) (internationale) (devrait) (etre)
dirigee en priorite (vers) les (pays) les (plus) (vulnerables) au (changement) (climatique), (comme) vous
le (proposez), monsieur le ministre, (dans) le (plan) (justice) (climat). »
uce n° 317 Khi2 = 21 uci n° 104 : *s_1 *sx_m *ag_4 *pa_ps *rg_cent *K_1
« (que) (soit) reconnu le (role) des (pouvoirs) (publics) locaux; enfin, (que) (soit) (mis) en-place un
(financement) perenne de l (aide) (publique) aux (pays) en (developpement), (qui), pour nous, (doit)
(etre) (constitue) (par) une taxation des transactions (financieres) (internationales). »
2.3.1.2 Absences significatives de la classe 1
Outre les mots étoilés que nous n’exploitons pas ici nous relevons parmi les absences
significatives des formes réduites liées aux questions écologiques concrètes et au
fonctionnement de l’assemblée :
serre (-14 0 28 0%), parole (-13 3 42 7%), gaz (-12 1 29 3%), effet (-10 2 32 6%), collegue (-10 3 36
8%), depute (-9 0 19 0%), president (-8 7 49 14%), loi (-7 1 20 5%), credit (-7 0 14 0%)
Elles caractérisent des oppositions à d’autres classes que nous synthétisons plus loin.
2.3.1.3 Confirmation par la Classification Ascendante Hiérarchique (CAH)
L’analyse hiérarchique va nous permettre deréviser notre constitutionde sous-classes
en proposant une distribution différente qui permet de modifier notre première analyse. En
effet comme le montre le schéma ci-dessous
42
De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010
Nous observons trois sous-classes qui nous invitent à modifier notre identification
antérieure des champs sémantiques. Si effectivement les dimensions économique et
écopolitique sont bien présentes elles se distribuent de façon légèrement différente tel
qu’indiquée sur le schéma ci-dessus avec trois sous-classes distinctes de formes réduites :
- « Economie du développement » centrée sur les aspects financiers et internationaux
du développement
- « Ecologie politique » centrée sur le traitement au niveau international des problèmes
environnementaux
- « Politique du développement » centrée sur les questions politiques posées par le
développement
ECOLOGIE
POLITIQUE
ECONOMIE DU
SOUS DEVELOPPEMENT
POLITIQUE
DU
DEVELOPPEMENT
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  • 1. UNIVERSITE DE TOULOUSE 1 CAPITOLE DE LA VIOLENCE EN POLITIQUE Violences endogènes et exogènes dans l’arène parlementaire Sélim Denoux Mémoire en vue de l’obtention du Master 1 Science Politique Sous la direction de Madame Audrey Bousquet Avril 2010 FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
  • 2. 2 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 REMERCIEMENTS Mes premiers remerciements sont destinés à mon directeur de recherche, Mme BOUSQUET Audrey, pour le temps qu’elle a consacré à nous présenter les outils méthodologiques nécessaire à la réalisation de ce mémoire, ainsi que pour nous avoir orienté sur les bonnes pistes de recherches. Ensuite, je tiens à remercier l’ensemble des députés français, qui par leurs joutes parlementaires, m’ont donné l’idée de ce mémoire et notamment les plus virulents qui se reconnaîtront. Enfin, Je souhaite adresser une remerciement tout particulier à ma famille pour m’avoir apporté son soutien indéfectible.
  • 3. 3 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 « La violence est ce qui ne parle pas » Gilles Deleuze Présentation de Sacher Masoch, le froid et le cruel Paris, Minuit, 2007
  • 4. 4 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 TABLE DES ACRONYMES A.F.C : Analyse Factorielle des Correspondances C.H.A : Classification Hiérarchique Ascendante C.H.D : Classification Hiérarchique Descendante G.D.R : Gauche Démocrate et Républicaine I.V.G : Interruption Volontaire de Grossesse J.O : Journal Officiel M.D.C : Mouvement des Citoyens M.I.M : Mouvement pour l’Indépendance de la Martinique MO.DEM. : Mouvement Démocrate N.C : Nouveau Centre PA.C.S : Pacte Civil de Solidarité P.C.F : Parti Communiste Français P.R.G : Parti Radical de Gauche P.S : Parti Socialiste R.F.I : Radio France International R.P.R : Rassemblement Pour la République S.R.C : Socialiste Radical Citoyen S.R.U : Solidarité Renouvellement Urbain U.D.F : Union pour la Démocratie Française U.M.P : Union pour un Mouvement Populaire
  • 5. 5 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 SOMMAIRE 1 INTRODUCTION : LA VIOLENCE DANS L’ARENE POLITIQUE 1.1 LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE LA VIOLENCE 6 1.2 LA VIOLENCE DES ECHANGES EN MILIEU PARLEMENTAIRE 12 1.3 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 24 1.4 METHODOLOGIE 27 2 TRAITEMENT DES RESULTATS 2.1 DESCRIPTION DU CORPUS 35 2.2 PLAN D’ANALYSE DES CLASSES 37 2.3 ANALYSE DE LA CLASSE 1 : Ecologie économique du développement 41 2.4 ANALYSE DE LA CLASSE 2 : Gestion 43 2.5 ANALYSE DE LA CLASSE 3 : Pragmatisme écologique 47 2.6 ANALYSE DE LA CLASSE 4 : Régulation 50 2.7 ANALYSE DE LA CLASSE 5 : Réglementation du territoire 53 3 SYNTHESE DES RESULTATS, INTERPRETATION ET CONCLUSION 3.1 VALIDATION OU INVALIDATION DES INTERPRETATIONS PAR L’ANALYSE FACTORIELLE 56 3.2 CONFIRMATION OU INFIRMATION DES HYPOTHESES 57 3.3 CONCLUSIONS 59 ANNEXES 67
  • 6. 6 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 1 INTRODUCTION LA VIOLENCE DANS L’ARENE POLITIQUE 1.1 LA PHILOSOPHIE POLITIQUE DE LA VIOLENCE Romulus fixant les limites symboliques de la cité de Rome à l'aide de sa charrue déclara qu'il était désormais interdit de franchir le sillon en armes, sous peine de mort. La légende rapporte que Rémus, irrité par le sérieux de son frère et le cérémonial dont il entourait le tracé symbolique de la nouvelle ville franchit le glaive à la main le sillon que Romulus venait de retourner. Romulus sans un mot tua son frère qui venait de transgresser la toute première Loi de la Cité. Cette histoire contée par Tite-Live1 , illustre à merveille que la « faiblesse des démocraties, c’est qu’il leur faille trop souvent se renier pour survivre »2 , en ayant recours à la même violence qu’elle combatte. Quel paradoxe ! Mais à quelle violence est-il fait allusion ? En langage populaire, la violence désigne une utilisation excessive ou agressive de la force physique qui conduit à une relation de brutalité ou d’inhumanité envers l’autre. Blandine Kriegel3 en donne une définition plus élaborée dans son rapport intitulé « la violence à la télévision », ce serait : « la force déréglée qui porte atteinte à l’intégrité physique ou psychique pour mettre en cause dans un but de domination ou de destruction l’humanité de l’individu ». La notion de violence, est donc, ici comprise comme étant une action à laquelle on a recours pour agir de force sur quelqu’un de manière à enfreindre le respect qui lui est dû. Comme Dominique Desmarchelier le souligne : « la violence revient donc à porter atteinte à ce que l’on doit respecter »4 . D’ailleurs le mot est dérivé du latin vis, le verbe « violer » en français. En paraphrasant la célèbre formule de Jean-Paul Sartre, on pourrait même faire l’hypothèse que « la violence, c’est les autres.»5 . En effet, l’autre est un problème car sa liberté se heurte toujours à la mienne et inversement. C’est pourquoi, il ne convient pas de parler de la violence comme si elle existait par elle-même au milieu des hommes, en quelque 1 Tite-Live, Histoire romaine, Livre I, 6. 2 ROSTAND Jean, Inquiétudes d'un biologiste, Paris, Gallimard, 1967. 3 Blandine Kriegel est une philosophe, professeur des universités. En 2002, elle préside la Mission d'évaluation, d'analyse et de propositions relatives aux représentations violentes à la télévision. 4 DESMARCHELIER Dominique, « Les mots de la violence, la violence des mots » in Actes du Colloque de Cerisy, Argumentation et discours politique. (3 au 9 septembre 2001), PU Rennes, 2003. 5 La phrase exacte de Jean- Paul Sartre est : « L’enfer, c’est les autres ». Elle est extraite de sa pièce de théâtre Huis Clos, Paris, Gallimard, 1944.
  • 7. 7 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 sorte en dehors d'eux, et comme si elle agissait par elle-même. La violence n’existe et n’agit que par l’homme. En fait, il y a autant de définitions de la violence que de sens qu’on peut lui attribuer. Ainsi, par exemple, pour Romain Rolland, « la violence est la loi de la brute »6 , alors que pour Nietzsche, c’est « un procédé d’action directe des opprimés contre les détenteurs de la force et du pouvoir ». Le premier philosophe occidental à avoir mentionné la violence est Platon dans le Gorgias où il évoque la violence active, comme force de séduction qu’exercent les tyrans sur les esprits faibles et la violence réactive qui pousse parfois à la révolte par désespoir. Après avoir fait, un rapide tour d’horizon des différentes définitions de la violence, il est à présent nécessaire d’expliquer les mécanismes et les enjeux de cette violence dans la société contemporaine. 1.1.1 Violence et société La violence règne en permanence dans la vie quotidienne et elle devient relativement banalisée par les crimes, les guerres, les discours, les images. La principale explication avancée par les théoriciens de la violence quant à son origine, mentionne Jean-Marie Muller7 dans son Dictionnaire de la non-violence (2005), tient dans le fait que « l’homme est un être de passion autant que de raison. Et [que] l’homme qui subit sa passion est violent. […]. A chaque moment, il peut nourrir de puissants sentiments d’inhumanité qui l’apprêtent à blesser l’humanité d’un autre homme ». Toujours selon l’auteur, la violence serait également dûe au fait que l’homme a conscience de sa mortalité : « L'expérience de sa fragilité, de sa vulnérabilité, de sa finitude incline l'homme à être violent envers l'autre homme. ». La visée ultime de la violence étant toujours « la mort de l’autre, son exclusion, son élimination ou sa néantisation ». De l’humiliation à la torture, du mépris au meurtre, multiples sont les formes de la violence et multiples les formes de mort. Qu’en est-il du rapport entre violence et politique ? Pour Jean-Marie Muller, l’exigence fondamentale de la politique est de construire une société libérée de l’emprise de la violence : « Dans une société, la justice et la paix sont réalisées dans la mesure où les diverses formes de violence se trouvent éliminées des rapports entre les individus et les groupes ». Pourtant les idéologies dominantes ont constamment affirmé le contraire en soutenant que la violence serait inhérente à l’action politique. Ce recours à la violence serait justifié, en effet, car elle seule permettrait l’efficacité dans l’action. Pourtant, Jean-Marie Muller constate, que cette vision réaliste de la politique apporte de nombreuses raisons de discréditer la violence. Pour l’auteur, le fondement de la politique est 6 ROLLAND Romain, Gandhi, Paris, Albin Michel 1970. Romain Rolland est un écrivain français. 7 Jean-Marie Muller est un philosophe français, spécialiste de Gandhi et de la non-violence.
  • 8. 8 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 le contraire absolu de la violence, c'est-à-dire, la parole humaine qui résulte d’un vouloir vivre ensemble (« parler et agir ensemble pour construire un avenir commun »). L’essence de la politique et de la démocratie serait donc le dialogue des hommes entre eux. Il ajoute « Parce que l’apparition de la violence entre les hommes signifie toujours l’échec de leur dialogue, la violence signifie toujours l’échec du politique ». La vie en communauté peut être à tout moment troublée par des conflits provoqués par des individus qui ne respectent pas ce « vouloir vivre ensemble », ceux-ci doivent être neutralisés par des « agents de la paix » qui n’usent de violence qu’en cas de stricte nécessité. L’individu qui cède à ses passions ou qui chercher à faire prévaloir ses intérêts particuliers à déjà quitté la sphère de la communauté politique à laquelle il appartenait. Jean- Marie Muller explique que « la résolution des conflits est une condition de la vie politique, mais elle ne la constitue pas ». Pour lui, l’action politique et la démocratie doivent tendre à pacifier la vie sociale de sorte que « tous les citoyens bénéficient d’un espace dans lequel ils puissent vivre en toute sécurité et en toute liberté ». L’objectif de la politique serait donc de juguler la violence afin d’instaurer la sérénité. Qu’en pensent les grands noms de la philosophie politique ? 1.1.2 Violence et politique De la violence en politique ? A priori, cela ne va pas de soi. La Politique, n’est elle pas au contraire le moyen de se libéré de l’emprise de la violence ? N’est-elle pas censée éliminer la violence inhérente à la cité, comme l’enseigne Platon ? Comment pourrait-on parler de violence en politique alors que ces deux termes s’opposent par leur nature même ? Pour Machiavel, ces deux termes se juxtaposent. L’auteur florentin explique que si l’on considère que le noble dessein de la politique est bien d’annuler la violence dont est empreinte la société, la violence n’en demeure pas moins intrinsèquement liée à l’action politique et à la vie politique, car l’homme est mû par ses passions. La violence étant un des modes d’expression privilégiés de la socialité humaine, il est tout naturel de lui ménager une place au sein des arènes politiques. Au contraire, pour Platon, bien qu’il reconnaisse que les groupes humains soient animés par des intérêts divergents, et que la violence fournisse son primum movens8 au discours philosophique en politique, la violence en politique est « la marque distinctive de la faillite humaine ». Si les deux auteurs s’accordent sur le fait que les hommes sont mus par leurs passions, cet état n’est pas irréversible pour Platon, qui pense 8 Primum movens signifie « point de départ », première cause.
  • 9. 9 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 pouvoir transformer l’homme par un enseignement philosophique. Pour lui, le pouvoir légitime doit revenir à celui qui maîtrise son désir au point qu’il n’a ni besoin ni envie de dominer les autres, et précisément parce que le souci politique n’est pas sa préoccupation (on confie justement l’autorité à celui qui n’en veut pas, parce qu’il ne le veut pas, c'est-à-dire on la confie au philosophe). Montesquieu rejoint la pensée de Platon, lorsqu’il écrit « […] c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. »9 , ce qui explique la nécessité du « philosophe roi ». En revanche, Machiavel pense que la morale n’a pas sa place en politique pas plus que la sagesse, car la férocité naturelle de l’homme ne saurait être domestiquée10 . La politique doit être guidée par la vertu, qu’il définit comme « une énergie conquérante qui puise sa force dans la constance du désir et des passions, mais qui, pour autant, n’est pas privée de discernement. Son expression guerrière permet de saisir sa nature de la manière la plus exacte, car la guerre révèle la vertu comme capacité de se mesurer soi-même et de s’imposer à autrui dans des situations d’adversité ». Ces réflexions théoriques sur le rapport en politique et violence, amène tout naturellement à poser la question du rapport entre la violence et la démocratie. 1.1.3 Violence et démocratie L’homme est par nature, un animal qui vît en société. Telle est la teneur de la formule d’Aristote, l’homme est un zoôn politikon, autrement dit un animal politique. Mais cette vie dans la cité lui suffit-elle pour qu’il se distingue des autres animaux, toujours régis par la loi du plus fort ? L’animal politique a-t-il vraiment refoulé en lui cette part de violence inhérente à la nature humaine que déctit Hobbes11 ? A-t-il tué en lui la bête ? C'est la question à laquelle conduit l'observation des démocraties occidentales lesquelles affichent des idéaux de justice, de liberté et d'égalité et qui sont pourtant l'objet de violences prégnantes lorsqu'elles ne les organisent pas elles-mêmes. Comment expliquer que le régime de la liberté recèle en lui tant de violence ? La violence n'est-elle pas à l'opposé des ambitions poursuivies par la démocratie ? Pourtant, la démocratie n'utilise-t-elle pas la violence comme moyen politique d'assurer une fin, qui serait l'ordre public ? Où ce système fondé sur la " monopolisation de la violence légitime " trouve-t-il, justement, sa source de légitimation ? Il 9 Montesquieu, ajoute que c’est la raison pour laquelle le pouvoir doit arrêter le pouvoir. Ces pensées sont extraites De l’esprit des lois, 1748. 10 Nietzche rejoint ici en tout point la pensée de Machiavel, pour lui l’éducation humaniste et chrétienne, est un dressage des passions effectué sous le motif fallacieux de rendre l’homme meilleur (voir l’ouvrage de Thierry Ménissier dans la bibliographie. 11 Thomas Hobbes est un des premiers à imaginer un état de nature pré-existant à la société humaine dans le Léviathan, XIII.
  • 10. 10 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 semble donc que les démocraties aient à gérer un paradoxe puissant qui consisterait à rechercher à expulser la violence à l'extérieur du régime, tout en intériorisant un autre type de violence qu’elles sont contraintes de théoriser. 1.1.3.1 La violence, omniprésente dans les démocraties, peut constituer un instrument de celles-ci La violence est omniprésente dans les démocraties Les démocraties ont souvent été créées dans la violence même si cela ne signifie nullement que la violence originelle soit une condition sine qua non de la démocratie. Que ce soit aux Etats-Unis ou en France, l'idée démocratique ne s'est imposé qu'au prix de révolutions, de manifestations où était revendiqués le respect des droits de l'homme les plus élémentaires et qui ont bien souvent été accompagnées de violence. Ainsi, paradoxalement, la démocratie, le régime dont la finalité est le respect des droits et de la liberté, a triomphé, en utilisant un moyen, la violence, contraire au principe qu'elle défend. En outre, la violence s'exerce aussi contre la démocratie. En tant que régime fondé sur l'égalité et la liberté, la démocratie se doit de tolérer toutes les idées politiques, y compris celles qui lui sont hostiles (comme les idées anarchistes par exemple). La plupart des violences, ne s’inscrivent pourtant pas dans un rejet de la démocratie. La plupart du temps, c’est même le contraire, elles sont réalisées par des individus qui se sentent exclus de la démocratie, qui considèrent qu’ils ne bénéficient ni de l’égalité de droit (droit au travail, à la sécurité, à la santé…), ni de la liberté (liberté de jouir de ses biens, liberté de profiter de cette société de consommation…). Les violences, comme moyen légitime pour la démocratie d’assurer l’ordre public Depuis sa fondation originelle, la démocratie autorise le recours à la violence légitime voire le facilite. Cette violence est dite légitime car elle permet de maintenir l’ordre dans la cité. La démocratie tendrait donc à rationnaliser la violence et à en faire un moyen d’établir l’ordre public. Cette idée se retrouve dans la définition de l’Etat esquissée par Max Weber : « Une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé [...] revendique avec succès le monopole de la violence légitime»12 . La démocratie par ailleurs met en place des lois autorisant la violence, concernant la médecine par exemple (les opérations chirurgicales étant considérées par certains comme une violence faite au corps) ou encore les 12 WEBER Max, Le Savant et le politique, Paris, La découverte, 2003.
  • 11. 11 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 sports de combats. En ce qui concerne les relations extérieures, les démocraties s'autorisent des violences de façon encore plus claire. Hiroshima, génocide grandeur nature, Nagasaki, réitération de l'horreur constituent indéniablement des crimes collectifs d'une violence rarement égalée même par les régimes dictatoriaux ou fascistes. Pourtant, il s'agit d'une violence considérée comme légale et légitime, que nul n'aurait l'idée de comparer avec les exactions des régimes totalitaires. La démocratie en légitimant le recours à cette violence donne jour à de grands paradoxes. Pour Marat, « C'est par la violence qu'on doit établir la liberté »13 . La violence, qu'elle soit intérieure ou extérieure peut devenir légitime, du simple fait de l'existence de l'idée démocratique. 1.1.3.2 L’ambition de la démocratie est pourtant de transcender cette violence L’ambition pacifique de la démocratie : la canalisation de la violence La démocratie a une double ambition, elle tend d’une part à canaliser la violence propre à l’être humain individuel et collectif et à mettre en place un gouvernement politique stable capable de faire face aux menaces des dictatures et des régimes violents. Partant du postulat que l’homme serait naturellement violent, la démocratie essaie donc de protéger l’individu par rapport au groupe. Comme le souligne René Girard14 , pour contenir et canaliser la violence du groupe, est organisée une violence de moindre mal, ou symbolique, celle du « bouc émissaire ». La violence individuelle proscrite est donc remplacée par une violence collective. La canalisation de la violence exercée par la démocratie, passe également par la lutte contre l’installation d’un pouvoir arbitraire et autoritaire, c'est-à-dire, concrètement par l’instauration d’un régime de liberté fondé sur la séparation des pouvoirs, théorisée par Montesquieu. Aussi, afin que règne la paix, la démocratie se doit d’établir un régime capable de repousser la violence extérieure par la guerre si nécessaire, c’est ce qu’entend Clausewitz15 lorsqu’il affirme que « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». A cette ambition de canaliser la violence, s'ajoute une volonté d'approfondir la lutte contre la violence en la détournant, en la sublimant. La démocratie vise à sublimer la violence La démocratie est liée à l'idée de liberté. L'autorité y subsiste sans doute mais elle est aménagée de telle sorte que, fondée sur l'adhésion de ceux qui lui sont soumis, elle demeure 13 MARAT Jean-Paul, L’ami du peuple, 1792 14 GIRARD René, La violence et le sacré, Paris, Hachette Pluriel, 1998. 15 CLAUSEWITZ Karl Von. De la guerre, Paris, Rivages Poche, 2006.
  • 12. 12 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 compatible avec leur liberté. Cependant, à quoi bon être libre politiquement, si l’on est aliéné socialement et économiquement ? Ainsi, pour dépasser la violence née de l'injustice, sociale ou économique, le droit démocratique a permis de mettre en oeuvre la solidarité, par exemple par la prise en compte des différences pour une égalité de traitement et non plus une égalité abstraite. Ainsi certains groupes sociaux fragiles, femmes, personnes âgées, RMIstes sont-ils particulièrement pris en compte dans leurs spécificités. La démocratie tend à sublimer cette part humaine foncièrement violente, à « civiliser les mœurs » (Norbert Elias) en réduisant le niveau de violence sous ses différentes formes dans notre existence privée et publique. Elle cherche à promouvoir tous les moyens de transformer l'agressivité en force de conscience, de création ou de progrès en tous domaines. En conclusion, la violence est multiple et donc difficile à unifier sous un concept opératoire. Néanmoins elle est partie intégrante de la société des hommes. C'est pourquoi les démocraties sont fragiles car elles doivent trouver en permanence les moyens de limiter la montée de la violence, qui pourraient mettre en cause les principes mêmes de liberté et d'humanité. 1.2 LA VIOLENCE DES ECHANGES EN MILIEU PARLEMENTAIRE Qui est violent ? Certains individus ou certains groupes le sont-ils plus que d’autres ? Quand et à quel sujet l’est-on ? Pourquoi ? Comment se manifeste cette violence ? Qui vise t- elle ? Peut-on y distinguer des niveaux ? Comment est-elle perçue ? La problématique, qui en découle est de savoir en quoi est faîte en termes de violence, mais aussi en-deçà ou au-delà de la violence, une séance d’assemblée dans la France républicaine d’aujourd’hui ? La thèse dominante avancée par les principaux chercheurs de science politique compétents, affiliés au groupe de recherche sur les parlements et les parlementaires16 , est que la civilisation des arènes parlementaires n’a pas supprimé pour autant le caractère violent de certaines interactions. Malgré, une codification et une pacification des rapports interpersonnels poussés à l’extrême au fil des années, notamment par un renforcement du règlement17 , les débats politiques, mêmes les plus ritualisés, et c’est le cas de ce qui a été observé à l’assemblée nationale, demeurent souvent le lieu d’expression de la violence. L’hémicycle, n’y échappe donc pas, et constituerait, à travers la séance de questions 16 Le GRPP est un groupe d’étude dirigé par Pierre-Yves Baudot (chercheur associé, Triangle), Eric Kerrouche (SPIRIT) et Olivier Rozenberg (CEVIPOF). 17 Le règlement a été renforcé notamment grâce à l’adoption de la Constitution de 1958.
  • 13. 13 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 d’actualités et la séance de questions au gouvernement, un lieu exceptionnel d’exacerbation des passions parlementaires, à la fois propice aux tensions et aux dramatisations. La question qui se pose alors aux chercheurs est de savoir si cette violence atteste de la faillite du modèle parlementaire républicain ou si elle traduit plutôt ses capacités d’autorégulation ? La seconde option est celle qui à la faveur du plus grand nombre comme le font remarquer Thomas Bouchet et Jean Vigreux18 . La violence serait alors la conséquence inévitable du débat et du combat d’opinions. Elle est inhérente à la vie parlementaire, elle-même, pour Eric Kerrouche ; encore mieux dit-il : « [Elle est] consubstantielle à la Vème République et au fait majoritaire »19 . Il partage en ce sens tous une conception de la politique en tant que « lutte de style tauromachique »20 . Cette première question sur la place dévolue à la violence dans l’enceinte parlementaire, en appelle une autre soulignent Thomas Bouchet et Jean-Vigreux, de quelle manière l’équilibre entre parlementarisme pacifié et poussées ponctuelles de fièvre rend-il compte de ce qui se joue en séance ? Il s’agit donc de considérer les formes de pacification et de dé-pacification des interactions parlementaires en concentrant l’interrogation sur le rapport à la violence et au conflit des assemblées. Pour répondre à notre problématique, qui est de connaître en quoi est faîte en termes de violence, mais aussi en-deçà ou au-delà de la violence, une séance d’assemblée dans la France républicaine d’aujourd’hui, il convient donc de s’attacher à repérer les occurrences de la violence dans le discours parlementaire, ses motifs et ses différentes formes d’expressions. Dans un premier temps, il s’agit donc de comprendre les mécanismes et d’expliciter les raisons de la violence parlementaire. Puis, dans un second temps, il sera question de caractériser les modes d’expressions de cette violence parlementaire. Enfin, une troisième partie viendra montrer que cette violence est en fait très contrôlée. 1.2.1 Sources et enjeux du recours à la violence dans les débats parlementaires Cette première partie vise à mettre en lumière les sources d’expressions de la violence parlementaire ouverte. Cette violence est entendue par Thomas Bouchet et Jean Vigreux comme étant celle qui est perçue comme telle et qui est dans certains cas sanctionnée au sein de l’Assemblée. C'est-à-dire, la violence verbale, la violence dans les gestes (parfois), la 18 BOUCHET Thomas, VIGREUX Jean, « Violences parlementaires en perspective : 1850-1900-1950-2000 » in Actes des Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009. 19 KERROUCHE Eric, « La violence des débats correspond à des moments de crispation idéologique majeure », La Croix, 21 janvier 2009. 20 Expression empruntée à Gérard Leclerc qui est un journaliste français de radio et de télévision, il a été nommé président de La Chaîne Parlementaire en mai 2009, son article concernant la vie politique et la violence, peut être lu à cette adresse : http://www.france-catholique.fr/Vie-politique-et-violence.html.
  • 14. 14 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 brutalité physique (très rarement). En somme, la violence physique ou symbolique. Elle comprend, également, la violence plus lexicale liée au contenu d’une intervention, « l’argument pouvant être lui-même une forme de violence »21 . 1.2.1.1 Les clivages doctrinaux et idéologiques, les conjonctures politiques Dans les violences ouvertes, le clivage gauche-droite est une première variable explicative à prendre en considération. L’étude comparée des expressions d’assentiments et des expressions de dissentiment en séance donne une première idée de ce qu’il en est. Ainsi, Thomas Bouchet et Jean Vigreux, dans leur analyse extraite de leur article « Violences parlementaires en perspective (1950-1900-1950-2000) » comptabilisent les marques d’assentiment et de dissentiment de type partisan à l’issue de plusieurs séances d’assemblée. Il en ressort, aux vus des chiffres que la variable gauche-droite est de plus en plus marqué au fil du temps. En 2000, 45% des marques d’assentiment ou dissentiment sont à mettre au compte de la gauche contre 54.6% pour la droite. Ce clivage est d’autant plus visible à l’occasion de débat sensible ou les idéologies des différents partis sont amenés à se heurter, comme c’est le cas pour deux questions souvent liées, que sont : la question scolaire et la question religieuse. Ainsi, par exemple, les séances du 17 et 18 janvier 1850 mettent vigoureusement aux prises des adversaires très déterminés à propos de la Convention et de la guerre des révolutionnaires contre la Vendée. Montalembert dans un camp, Crémieux dans l’autre sont particulièrement actifs lors de la querelle qui s’inscrit justement en relation avec l’instruction. Les invectives fusent : Crémieux dénonce « la guerre impie des Chouans » ; Laborde s’exclame « je maudirai éternellement 1793 ! » ; les interruptions et les cris d’indignation fusent de droite comme de gauche. C’est de la même façon, que les débats sur d’importantes questions de sociétés en 2000, comme les lois sur la chasse, la parité en politique, la loi SRU (solidarité renouvellement urbain), le vote des étrangers, conduisent à des visions radicalement opposées où les clivages politiques gauche/droite laissent place aux violences verbales. C’est aussi, le cas lors de « débats conjoncturels » liés aux intempéries et catastrophes de l’hiver 1999-2000 (ouragan et naufrage de l’Erika) : la ministre de l’Environnement Dominique Voynet est prise à partie par de nombreux députés de droite. Un exemple flagrant, d’interventions traduisant manifestement une violence idéologique est le débat enflammé sur le Pacte Civil de Solidarité (PACS), le 4 novembre 1998, à 21 ANGENOT Marc, La Parole pamphlétaire, Typologie des discours modernes, Paris, Payot, 1995, 2é éd, 425 p.
  • 15. 15 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 l’assemblée nationale. Dominique Desmarchelier, dans sont article nommé « les mots de la violence, la violence des mots » revient sur la violence des propos venant interrompre la longue intervention de Christine Boutin dont le but était de défendre la motion d’irrecevabilité concernant le PACS. Il constate que, la députée UDF est interrompue pas moins de 500 fois, par une majorité de femmes députées PS. La plupart des invectives ayant trait aux champs sémantiques de la religion et de la sexualité. La députée UDF ayant pris pour argument central que le PACS avait pour but réel de favoriser les mariages entre homosexuels, et d’affaiblir les fondements de la société française, elle sera attaquée précisément sur ce terrain. On assiste véritablement à un déluge d’invectives ad personam (visant à disqualifier la personne de l’adversaire) et ad hominem (portant sur l’opinion exprimée), venant des bancs de gauche : « Intégriste ! » ; « C’est du racisme ! » ; « Vous êtes encore au Moyen Âge, madame Boutin » ; « C’est nazi comme jugement ! » ; « Ce n’est pas un discours c’est un chemin de croix ! » ; « Sodome et Gomorrhe ! »... Pour Nathalie Dompnier, le clivage politique est indéniablement le facteur premier de la violence ouverte à l’assemblée nationale22 , cette violence est accrue par l’introduction d’une compétition électorale dans l’hémicycle et par la nécessité de se démarquer des autres partis pour mieux affirmer la cohésion du groupe parlementaire auquel on appartient. Nathalie Dompnier s’intéresse plus particulièrement à la relation entre violence parlementaires et questions sur les fraudes électorales. Elle remarque que les échanges aussi violents soient-ils, permettent de mettre en scène et de jouer l’unité de chaque groupe ou de chaque camp et son opposition aux autres groupes. On le voit, par exemple, dans le procédé, qui consiste à mettre en cause, non pas la régularité d’un scrutin particulier, mais l’ensemble du groupe ou du parti du candidat présumé fraudeur. Cette stigmatisation touche notamment le PCF dans les années 1990. Apparaît clairement dans ces échanges une grammaire éprouvée permettant la constitution ou l’actualisation de camps que tout opposerait. Comme en un récit mythique, le discours de chaque camp sur la fraude donne à voir la partition nette et définitive entre le cru et le cuit, les « bons » et les « méchants », les fraudeurs et les « démocrates » (14 mai 1990. Jacques Blanc : « Nous n’accepterons jamais, en effet, que le parti communiste impose en France, par la terreur, un système que tous les communistes du monde connaissent bien, le système totalitaire ». Les interventions disent les camps en en définissant les traits et les tares. Pascal Marchand, partage l’avis de Nathalie Dompnier, pour lui, le clivage partisan entraîne 22 DOMPNIER Nathalie, « La légitimité politique en joue. Le chahut organisé des députés français sur la question des fraudes électorales depuis les années 1980 », in Actes des Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009.
  • 16. 16 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 de facto une valorisation de l’endogroupe et une disqualification de l’exogroupe et donc l’exercice d’une violence23 . Ainsi, il cite Pierre Mauroy (député PS) : « voilà la différence entre la rigueur de gauche et l'austérité de la droite ! » ou encore « les chefs d'entreprise comprendront-ils que la gauche au pouvoir apporte aux entreprises ce que la droite n'a jamais pu leur assurer ? ». La logique politique et idéologique des groupes est donc à l’origine de la plupart des violences ouvertes, en témoigne encore une fois, l’exemple parmi tant d’autres de l’exclusion du député communiste Gérard Duprat le 3 mars 1950, qui s’empare de la tribune de force. En réalité, cette volonté d’obstruction du PCF sera révélée comme étant le moyen de gagner du temps avant la discussion du projet de loi sur la répression des actes de sabotage lors de cette même séance du 3 mars. 1.2.1.2 La part des hommes L’examen des séances à l’assemblée nationale permet, en outre, de faire émerger une seconde cause au déchaînement de la violence ouverte : la présence de députés particulièrement incisifs, provocateurs et querelleurs. C’est précisément le sujet abordé par Jean Claude Caron24 , lorsqu’il s’attache à élucider le meurtre parlementaire de Jacques Manuel25 , député libéral, qui fût du XIXe siècle à nos jours, le seul député à avoir été physiquement expulsé d’une assemblée parlementaire siégeant en séance. Pour se faire, il se base sur les travaux de l’historien Paul Thureau-Dangin26 , cherchant à décrire l’attitude du député Manuel, ce dernier écrit : « sans jamais s’emporter, il cherchait posément à faire le plus de mal possible » ou encore « Habile et obstiné à introduire dans le débat les souvenirs irritants des guerres civiles ou de l’invasion étrangère, il se plaisait à exciter l’une contre l’autre la France de la Révolution et celle de l’Emigration, et triomphait quand il avait amené entre elles un de ces chocs violents et stériles qui rendaient plus difficile ensuite la réconciliation ». Ces citations sont une parfaite illustration de la figure du député agressif. L’émergence de ces députés provocateurs, a eu pour conséquence, une personnalisation des débats à l’assemblée, affirme Nathalie Dompnier. C'est-à-dire qu’il arrive désormais souvent que l’orateur soit mis en cause, tout comme la qualité de son intervention ou son attitude peuvent être stigmatisées. Ainsi, Pierre Joxe réagit ainsi au propos de Jacques Blanc en 1980 23 MARCHAND Pascal, « De l’affrontement partisan à la violence symbolique : la déclaration de politique générale dans la Ve République » in Actes des Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009. 24 CARON Jean Claude, «Les mots qui tuent. Le meurtre parlementaire de Manuel (1823) » in Actes des Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009. 25 Député libéral expulsé de la Chambre des représentants en 1823. 26 THUREAU-DANGIN Paul, Le parti libéral sous la Restauration, Plon, 2e éd., 1888 (1ère éd. 1876).
  • 17. 17 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 par cet appel : « Y a-t-il un médecin dans la salle ? », tandis que Noël Mamère, en mai 2000, est interrompu, entre autres, par Arnaud Leclercq, qui lui lance un « Ayatollah ! ». Il faut toutefois relativiser ce phénomène parlementaire, car, au final, il n’y a réellement eu en tout et pour tout sur l’histoire de l’Assemblée Nationale, seulement quelques dizaines de députés qui prennent la parole et dont les noms reviennent sans cesse. Certains ne s’exprimant que sur certains sujets (comme l’Amiral Reunier en 1900, très en pointe sur le budget de la marine), d’autres étant plus polyvalents, faisant entendre leurs voix à toute occasion. En voici quelques-uns. En 1900, c’est sans nul doute, le député Lasies, qui exerce, le mieux, le rôle de perturbateur. On le retrouve souvent lorsque la tension monte. C’est alors que pour la seule séance du 23janvier, Lasies interrompt dix-sept fois un orateur, demande la parole une fois, et présente aussi en cours de séance une interpellation… qu’il retire.* En 1950, la multitude des altercations et leurs variétés rendent difficile d’isoler quelques figures. Cependant, cinquante ans plus tard, quelques députés peuvent être plus facilement repérés comme orateurs incisifs. Thierry Mariani, député RPR, s’emploie à débattre, combattre ses adversaires par de nombreuses invectives, interruptions. Il use en particulier d’un registre anti-communiste suranné – « goulag », « soutien à Staline ! », « pacte germano- soviétique », « Komintern ! » – en interrompant plus de 17 fois l’orateur Bernard Bisinger. De nos jours il serait également possible de parler de députés comme Maxime Gremetz, dont le dernier coup d’éclat est d’avoir déployé le 23 juin 2009, pendant quelques instants, un tee- shirt rouge sur lequel était inscrit "RFI, l’Etat licencie", avant d’être rabroué par le président de l’Assemblée27 ; ou encore Noël Mamère (intervenant phare dans les comptes rendus sélectionnés pour l’analyse), condamné pour avoir adressé un bras d’honneur à la majorité, lors de la séance du 2 décembre 200928 et dont les débordements en assemblée sont légions. Enfin, toujours dans la mise en relation entre violence ouverte et responsabilité humaine, il apparaît que le Président de l’assemblée peut être au même titre que les députés un acteur de ces violences. Il lui arrive, en effet, d’attiser les querelles en prenant parti et en commettant des maladresses. Ainsi, en 1850, le Président Dupin, interrompt plusieurs fois Victor Hugo alors député ou refuse de laisser la parole au député Lagrange, qui laisse éclater 27 « Le happening de Maxime Gremetz à l’Assemblée Nationale », lepost.fr, [en ligne], le 3 octobre 2009, [consulté le 12 février 2009], http://www.lepost.fr/article/2009/10/03/1724398_le-happening-de-gremetz-a-l- assemblee-nationale.html. 28 « Noël Mamère sanctionné pour son bras d’honneur à l’Assemblée nationale », liberation.fr, [en ligne], le 16 décembre 2009 [consulté le 5 janvier 2010], http://www.liberation.fr/politiques/0101608948-noel-mamere- sanctionne-pour-son-bras-d-honneur-a-l-assemblee-nationale.
  • 18. 18 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 son indignation en fin de séance29 . Autre exemple, en 2000, le vice-président de l’assemblée, issu de l’opposition (à l’époque le RPR), Patrick Ollier, préside. Il compte lors d’un vote à main levée, sa propre voix entraînant de vives protestations sur les bancs socialistes. Pour Thomas Bouchet et Jean Vigreux, il appartient, tout de même de souligner que si les troubles peuvent être le fait d’un individu, ils peuvent aussi avoir une origine collective. Dans ce cas précis, l’ordre de la séance peut se révéler très fragile étant donné que l’arme que constitue le rappel à l’ordre nominatif est de peu d’éfficacité lorsqu’il se révèle impossible d’individualiser les auteurs des invectives. 1.2.1.3 Les mots de la violence, la violence des mots La violence est aussi affaire de mot comme le souligne Nicolas Rousselier, en mettant l’accent sur le rôle essentiel de la parole au « Parlement de l’éloquence »30 .En dépit de leur souci de polir joliment leurs discours, les députés ne peuvent s’en empêcher : sous la pression des joutes oratoires, leurs mots refoulés se lâchent parfois dans un élan de fureur libératrice. A bout de nerfs, il leur arrive de traiter leurs ennemis de tous les noms, au risque de passer pour des enfants mal élevés. Beaucoup d’élus y ont recours lorsqu’ils sont à cours d’arguments. Pourtant, constate l’historien Thomas Bouchet dans une analyse subtile de l’insulte en politique de la Restauration à nos jours31 , le degré d’intensité des insultes exprimées dans l’enceinte du Parlement s’est largement affaibli avec le temps et la sensibilité des députés aux différentes insultes a évolué. S’il ne suffit pas de prononcer un mot blessant pour effectivement blesser, pour autant, certains mots semblent d’avantage faire mouche que d’autres. Par exemple, traiter un adversaire de menteur, au XIX ème siècle, c’est s’attirer à tous les coups ou presque ses foudres ou celles du président de séance. Ainsi, Clemenceau est connu pour être particulièrement sensible à la question du mensonge, d’où plusieurs provocations en duels. Toujours, en 1900, le député Bernard, dans le contexte qu’est celui de l’Affaire Dreyfus, s’exclame lorsque le président du Conseil Waldeck-Rousseau s’apprête à prendre la parole que « les mensonges vont recommencer ! », ce qui entraîne de « vives réclamations à gauche » et un rappel à l’ordre de Bernard avec inscription au procès-verbal. Au XIX ème siècle, c’est avant tout les « Vous mentez », « Vous êtes un menteur » ou encore « Vous en avez menti » (Léo de Laborde à Guichardet, 6 février 1850) qui s’individualisent. 29 Lagrange lors de la séance du 5 avril 1850 s’exclame même à propos du président Dupin: « Je voudrais bien savoir si vous êtes autocrate ou Président de l’Assemblée ». 30 ROUSSELIER Nicolas, Le Parlement de l’éloquence, Paris, Presses de Science Po, 1997. 31 BOUCHET Thomas, L'insulte en politique de la Restauration à nos jours, Paris, Stock, 2010.
  • 19. 19 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 Ce registre lié à la calomnie, même s’il provoque toujours des réactions, semble être moins sujet à polémique au cours du XXème siècle, constate Thomas Bouchet. A contrario, les mots « staliniens », « fascistes », « collaborateurs » peuvent largement électriser l’atmosphère. En 1950, le député Pierre Meunier32 , figure de la résistance, développe un long plaidoyer en faveur du « neutralisme », dans un contexte de guerre froide, avec notamment la guerre de Corée. Il est violemment pris à parti par Louis Noguères, député socialiste, qui déclare « c’est le langage des attentistes de Vichy » et par Félix Gaillard, député radical, qui le compare à « Marcel Déat »33 . S’en suit une violente altercation ; l’usage de l’insulte est vite dénoncé par Pierre Meunier, d’autant plus choqué qu’il est secrétaire général du Conseil National de la Résistance. Autre exemple, tiré du journal « le Monde »34 , en février 1984, trois députés de droite, alors dans l'opposition, Jacques Toubon, Alain Madelin et François d'Aubert, avaient été sanctionnés pour avoir tenu des propos insultants à l'égard du chef de l'Etat de l'époque, François Mitterrand, en le questionnant sur ses activités au lendemain de la guerre. Ils avaient écopé d'une censure simple consistant en une retenue de 50 % de l'indemnité parlementaire pendant un mois. A travers son étude des mécanismes et des dispositifs de l’insulte, l’historien rappelle que le Parlement, avant de devenir un espace dominé par le travail technique en commission, fut souvent « un chenil à l’heure de la pâtée ». De « Napoléon le petit » lancé le 17 juillet 1851 par Victor Hugo au président Louis Napoléon Bonaparte, à « vous êtes un misérable et un lâche » crié par Jean Jaurès au comte de Bernis le 22 janvier 1898, en pleine affaire Dreyfus, des invectives des élus communistes en novembre 1947 aux cris de haine reçus par Simone Veil lors du débat sur le droit à l’avortement en 1974…, la République parlementaire est pleine de ces insultes lancées comme on porte l’estocade : pour mettre à terre. Thomas Bouchet observe néanmoins que la «brutalisation » de la parole politique, palpable sous la IIIème République, s’est effacée au profit d’une évidente édulcoration, à la fois dans la forme et la fréquence des attaques. Les « glands de potence », « baron d’mes deux », « moule à claques », « bandits », « faussaires », « canailles », « vendus », « judas »…, écrasent par leur violence les mots doux d’aujourd’hui. 32 Député de gauche, il fût le secrétaire général du Conseil National de la Résistance. 33 Marcel Déat est un homme politique collaborationniste, il fût ministre du Travail et de la Solidarité nationale dans le gouvernement de Vichy. 34 « Noël Mamère sanctionné par l'Assemblée », lemonde.fr, [en ligne] le 16 décembre 2009 [consulté le 5 janvier 2010], http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/12/16/noel-mamere-sanctionne-par-l assemblee_1281541_823448.html.
  • 20. 20 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 1.2.2 Les différents modes d’expression de la violence parlementaire et ses effets Il s’agit, de présenter les moyens d’expressions de la violence dont dispose les députés lors des assemblées. Ces violence qualifiées de « secondes » par Thomas Bouchet et Jean Vigreux, bien qu’elles passent plus inaperçues, font d’avantage le quotidien des séances que la violence ouverte. 1.2.2.1 Le chahut Le chahut traditionnel est défini, selon J. Testanière35 , comme « toute manifestation collective de nature à troubler l’ordre et les rapports traditionnels entre élèves et éducateurs, rapports qui sont définis par les textes administratifs et l’usage. […] il faut appeler chahut tout cas de désordre qui résulte directement ou indirectement d’un acte positif ou négatif, accompli par l’élève lui-même, et qu’il savait devoir produire ce résultat. ». Cette définition très durkheimienne, s’applique parfaitement aux désordres parlementaires et à son quotidien de chahut. Il s’agit maintenant de s’interroger sur : Quels sont les caractéristiques de ce chahut ? Premièrement, il est « collectif et dans l’idéal unanime », nous disent Thomas Bouchet et Jean Vigreux. En effet, les interruptions ne sont jamais le fait d’un seul député mais toujours de plusieurs. Les retranscriptions des débats font apparaître que c’est le plus souvent l’ensemble d’un groupe parlementaire, ou même l’ensemble de la majorité ou de l’opposition qui participe au chahut parlementaire. Deuxièmement, le chahut à pour vocation de renforcer l’unité du groupe « en lui donnant conscience de son unité », la satisfaction la plus importante étant « de se sentir uni ». Il s’agit d’affirmer la cohésion parlementaire, en opposition aux autres groupes parlementaires et par une mise en scène, celle du chahut. Troisièmement, « les initiateurs du chahut ont pour objectif de produire le désordre ». C'est-à-dire que les interventions et interruptions ne visent en rien à initier un débat ou à introduire de nouveaux arguments. L’objectif est avant tout d’empêcher l’orateur de s’exprimer et de détourner le propos pour fustiger ou ridiculiser son auteur ou plus largement son camp politique. Enfin, « les rôles, les pratiques et les cibles du chahut sont définis en référence à l’ordre pédagogique et en manifestent la parfaite intériorisation. ». Le chahut se trouve être alors un remise en cause provisoires des codes de l’assemblée, un moyen de perturbé l’ordre parlementaire, sachant que ces perturbations n’ont de sens que pour des acteurs qui maîtrisent parfaitement les codes de conduites dans l’enceinte parlementaire. Un type de chahut consiste à 35 TESTANIERE Jacques, « Chahut traditionnel et chahut anomique », Revue française de sociologie, vol. VIII, 1967.
  • 21. 21 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 interrompre sans cesse un orateur par toutes sortes d’interpellations qui vont du bon mot à l’utilisation d’une épithète proche de l’insulte comme le souligne Marc Abélès dans l’étude ethnologique qu’il a menée à l’Assemblée nationale36 . 1.2.2.2 La pratique de l’interruption La pratique de l’interruption est chose courante dans l’hémicycle. En effet, les discours de députés sont régulièrement interrompus par des invectives, des commentaires ou encore des exclamations. Ainsi, le 4 décembre 1997, le ministre de l’intérieur, Jean-Pierre Chevènement est interrompu pas moins de 131 fois, lors de sa présentation du projet de loi « Relatif à l’Entrée et au Séjour des Etrangers et au Droit d’Asile ». La question d’André Lajoinie à propos des annulations d’élections municipales le 15 juin 1983 est interrompue 20 fois et la réponse de Pierre Mauroy, alors Premier ministre est ponctuée de 34 interventions dont 5 de soutien de la part de députés de gauche. Christine Boutin, quant à elle, bat des records lorsque, le 4 décembre 1998, elle est interrompue plus de 500 fois lors de son discours à l’encontre du PACS. La plupart des questions et des réponses des députés donnent ainsi lieu à des prises des paroles inopinées. Si pour Thomas Bouchet, la tendance du XIXème siècle est au ralentissement du recours à l’interruption, le XXème siècle marque le retour de cette pratique (En 1850, un discours est en moyenne haché par un nombre d’interruptions situé entre 7 et 10, alors qu’en 1950 et en 2000, la moyenne des interventions se situe entre 7 et 15). Ce retour serait principalement dû aux logiques d’affrontements (la guerre froide et la bipolarisation) qui aurait généré des « réflexes, des pratiques de « combat » ou d’affirmation de sa propre culture politique d’opposition, afin de solidifier la cohérence et la place de chaque camp.». Après avoir un aperçu quantitatif du désordre engendré par les interruptions, il est de rigueur de d’exposer les différentes formes que peuvent prendre ces interruptions. Comme Nathalie Dompnier, le souligne, elles expriment parfois des réactions immédiates aux propos de l’orateur : ce sont les exclamations (« Ah ! », « Oh ! », les « protestations » sur les bancs). Ce sont aussi des applaudissements, des rires, des huées, des « bruits », et parfois même des « claquements de pupitres » qui peuvent se faire entendre. Ce sont enfin des appréciations comme « c’est ridicule et honteux » (député Juquin, en 1980) ou encore « Mensonge ! Ce n’est pas vrai ! ». Le geste peut aussi accompagner la parole, comme lorsque « les membres du groupe socialiste s’exclament et font le geste du pouce renversé (pollice verso en latin). Il n’est également pas rare de constater, que de mini-débats s’engagent à la 36 ABELES Marc, Un ethnologue à l'Assemblée, Paris, Odile Jacob, 2000.
  • 22. 22 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 suite d’une interruption. Comme l’affirme Dominique Desmarchelier : « La moindre invective donne souvent lieu à une contre attaque émanant aussi bien de l’orateur, que des membres de sa famille politique.». On observe une sorte d’effet d’entraînement qui interdit à chacun de relâcher ses attaques car « ce serait céder et laisser à l’adversaire la dernière répartie, la position du redresseur de torts et ainsi la victoire. ». Quant aux modalités du surgissement de l’interruption, celle-ci peut très bien apparaître à la fin d’une phrase de l’orateur principal ou au contraire le couper en plein milieu de son intervention. Dans ce dernier cas le caractère de provocation ou de déstabilisation est souvent manifeste : « J.-P. Chevènement (MDC) : Le flux est continu ; il y a les conjoints, une petite partie des travailleurs réguliers sont des médecins… C. Cova (RPR) ; Qu’ils aillent soigner chez eux ! ». Le renchérissement est un autre procédé utilisé, permettant d’accentuer la critique de l’adversaire : « C’est évident ! C’est le but ! C’est ce qu’ils veulent » criaient J. Peyrat (RPR), B. Accoyer (RPR) et R.Cazenave, à propos d’une intervention de Dominique Perben. Les interruptions constituent un moyen privilégié de manifestation de la violence au sein de l’Assemblée. Pour Nathalie Dompnier : « Ce type d’échanges ne permet évidemment pas de nourrir le débat parlementaire. Les interruptions répétées empêchent toute argumentation construite et les questions ou propositions sur lesquelles portent les échanges semblent devenues tout à fait secondaires. ». Les visées de se travail de sape parlementaire, ou les députés rivalisent en éloquence sont toutes autres. Ces interruptions régulières servent à susciter l’indignation, à stigmatiser, à disqualifier l’adversaire politique, parfois à insulter, et finalement à produire le plus grand désordre dans l’hémicycle. 1.2.2.3 Les autres formes de violences secondes L’expression du mépris, l’ironie, la moquerie ou encore l’applaudissement et le rire partisan peuvent être considérés comme étant le plus souvent des violences secondes car ils affectent peu le cours du débat et offensent rarement les personnes même si Thomas Bouchet et Jean Vigreux nous disent qu’ils peuvent dans certains cas être des ingrédients pour des conflits ouverts. Il est au demeurant assez difficile de décrypter de telles expressions à partir des indications des sténographes qui non seulement ont évolués avec le temps mais qui sont souvent succintes et obscures. C’est pourquoi faire la différence entre rire ironique, rire moqueur et rire amical est chose difficile ; de même pour les applaudissements. Par exemple,
  • 23. 23 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 pou les séances d’assemblée de 1850, il faut se contenter de quelques notations fugaces comme « rires ironiques », « rires ironiques à gauche », « interruption et sourires à gauche » (5 janvier) ; « murmures et rires à gauche », « rire ironique » (5 février), « sourires ironiques à droite », « rumeurs et rires ironiques à gauche » (5 mars). En 1900, rien de tel n’est repérable sur les 4 séances étudiées par les deux chercheurs. Si les expressions dévalorisantes existent encore, elles sont moins fréquentes et/ou les sténographes les caractérisent moins. Les mêmes transcriptions de « rires sur les bancs de tel groupe, « murmures », « sourires », ne sont plus éclairés par des adjectifs, ce qui caractérise surement une évolution des us et coutumes parlementaires. Le rire et la répartie font également partie de ces moyens d’expressions de la violence redoutablement efficace qui sont à toutes périodes des armes de l’éloquence et de la déstabilisation. Le député communiste, Jacques Duclos, en 1950, en est particulièrement friand et aime employer des formules humoristiques, tels que : « Changez de disque ! », « Heureux les pauvres d’esprit ! », etc. En janvier 2000, un échange aigre doux entre Yvette Roudy, député socialiste, et Jacques Myard, député UMP des Yvelines, témoigne de la vivacité d’esprit des orateurs. Alors qu’Yvette Roudy prend la parole pour défendre le projet de loi sur la parité dans la vie politique, elle est interrompue brusquement par Jacques Myard qui s’écrie « Qui t’a élue ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ». L’usage du tutoiement signe ici la relative brutalité de l’attaque. Yvette Roudy utilise la même arme dans sa réponse : « C’est pas toi ! » (Rires). M. Jacques Myard « Ça oui ! ». Tout le débat de cette séance est ponctué de bons mots ou de réflexions qui provoquent des sourires37 . Le bruit et l’agitation sont tout aussi dignes d’études comme en témoigne la retranscription courante dans les comptes rendus des « Ecoutez ! Ecoutez ! » ou « Parlez ! Parlez ». Ce chahut évoqué plus haut, se manifeste de diverses forme, ainsi quelques députés laissent exprimer leur colère, en 1950, « C’est scandaleux, ces grognements systématiques ! ». C’est ainsi que la presse se fait également l’écho de telles situations « Le citoyen Rigal présente quelques observations qu’il nous est impossible d’entendre à cause du bruit toujours croissant des conversations »38 . Ou encore : « Monsieur Jourde, au milieu du bruit, demande à la Chambre de ne pas se prononcer et de remettre sa séance à lundi »39 . Le bruit, l’agitation et le tumulte ont toujours fait partie du quotidien des séances d’assemblée mais il semble qu’au cours de la Vème République, cela soit plus souvent le cas lors des séances de questions au gouvernement comme le démontre Clément Viktorovitch dans sa communication intitulé « La compétition dans les 37 Journal Officiel, 3ème séance du 25 Janvier 2000. 38 Journal La Réforme, le 12 janvier 1850. 39 Jounal Le Petit Journal, le 13 janvier 1900.
  • 24. 24 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 séances de questions au gouvernement »40 . Cela venant du fait principal qu’ « aucun orateur n’a le droit de réagir aux réponses des ministres, pas même le député interrogateur [...] permettant ainsi aux membres du gouvernement de s’autoriser la plus grande agressivité, puisqu’ils se savent à l’abri de toute réplique parlementaire ». C’est ainsi, que le 21 mars 2000, par exemple, Lionel Jospin alors premier ministre répond à la question du député Philippe Douste-Blazy : « Respecter le Parlement, ce n’est pas simplement respecter scrupuleusement les droits de l’opposition comme nous le faisons, c’est aussi respecter les droits de sa propre majorité […] » déclenchant de vifs applaudissements sur les bancs de sa majorité et des protestations sur les bancs de l’opposition. 1.3 PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES Le constat historique que l’assemblée est à la fois un lieu d’expression et de traitement de la violence nous renvoie directement aux réflexions théoriques de Platon et Machiavel. Ce sont elles qui nous ont amené à nous interroger sur la place dévolue à la violence dans le discours politique et social contemporain. D’où notre question de départ : nos hommes politiques, se situent-ils plus dans une filiation Machiavélienne que dans une filiation Platonicienne de la conception de la politique ? Les divers travaux parcourus nous conduisent à penser que c’est le cas et ont suscité notre intérêt pour l’analyse de « la violence des échanges en milieu parlementaire », dans la France contemporaine et plus précisément au sein de l’Assemblée nationale, lieu par excellence d’exacerbation des passions. Notre hypothèse a priori est que la civilisation des arènes parlementaires n’a pas supprimé le caractère fondamentalement violent de certaines interactions. L’hypothèse souvent avancée quant à l’explication de cette violence est qu’elle correspond principalement à des moments de crispation idéologiques majeurs et à un contexte politique et institutionnel. Les débats sur d’importantes questions de société conduisent à des visions radicalement opposées où les clivages politiques gauche/droite laissent place aux violences verbales. Ainsi, de l’IVG au PACS, certains débats parlementaires ont fortement marqué les esprits par la tension qui les portait autant, sinon plus, que par la qualité rhétorique des intervenants. Il est également fait l’hypothèse que le caractère violent des échanges parlementaires fluctue en fonction de leur médiatisation et en fonction de l’intérêt personnel des députés. La dimension stratégique de l’utilisation de la violence au sein de l’arène parlementaire se définit donc également comme 40 VIKTOROVITCH Clément, « La compétition dans les séances de questions au gouvernement », in Actes des Journées d’études du GRPP, 16 janvier 2009.
  • 25. 25 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 le moyen pour le député de remporter les élections législatives, d’assoir le leadership de son groupe ou de s’inscrire dans un rapport de groupe bien déterminé. Car, la politique est aussi « une lutte de style tauromachique »41 pour le maintien du pouvoir, au fond un jeu. Nous pouvons observer et catégoriser les différentes formes de violence tolérées et ritualisées au sein de l’assemblée, nous pensons qu’elles reposent certainement sur des règles implicites qui ne doivent pas ête franchies. Au-delà de l’insulte et du geste violent nous pouvons postuler qu’il y a transgression de ces règles parlementaires implicites de la violence ritualisée. La violence physique par exemple devenue très rare. Cependant ces règles ne peuvent être respectées et appliquées que dans la mesure où la source de violence symbolique est un député, un membre de l’assemblée, mais que se passe-t- il lorsque la transgression vient de l’extérieur ? Voit-on une relance de la violence des députés, une solidarité résistant à cette « agression », un clivage s’opérer en fonction de la nature de cette interruption… ? Nous sommes donc amené ici à faire une distinction entre violence endogène, c'est-à- dire ayant comme support la parole ou le geste d’un député et violence exogène dont le support est étranger à l’assemblée. La question générale qui nous préoccupe est d’essayer de comprendre si les règles implicites de la violence ritualisée peuvent répondre et continuent de s’appliquer dans de telles circonstances. Nous parlons ici de violence exogène uniquement symbolique, notre question n’aurait pas de sens dans une situation comme celle de la dernière tentative de coup d’état en Espagne, avec prise de contrôle des Cortes par des individus armés. Un deuxième questionnement porte sur l’exercice même de la violence ritualisée dans de telles circonstances de violence symbolique exogène. Quels liens ces deux types de violence entretiennent-elles avec les thématiques des discours des députés ? Dans un débat ainsi interrompu, y a-t-il des thématiques ou des orientations générales plus propices au déclanchement de la violence ritualisée. Voilà un type de questionnements plus rare. Plus globalement, la question se pose alors au chercheur de savoir si la violence symbolique exogène signe la faillite du modèle parlementaire républicain ou si, au contraire, elle en traduit plutôt les capacités d’autorégulation. Mais, même si elle témoigne des capacités de régulation, cela ne peut se faire que dans certaines limites de cette expression violente. 41 Expression empruntée à Gérard Leclerc, journaliste français de radio et dé télévision qui a été nommé président de La Chaîne Parlementaire en mai 2009. Son article concernant la vie politique et la violence, peut être lu à cette adresse : http://www.france-catholique.fr/Vie-politique-et-violence.html.
  • 26. 26 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 Quelles sont les limites de cette autorégulation ? Qu’advient-il des capacités d’autorégulation lorsque les manifestations violentes n’obéissent plus aux règles de la violence ritualisée ? Voilà toutes les questions de notre problématique auxquelles nous tenterons de répondre par les hypothèses suivantes :  Hypothèse générale 1 de l’autorégulation « à froid » La gestion de la violence symbolique exogène au sein de l’assemblée parlementaire s’opère par une réduction à de la violence ritualisée  Hypothèse opérationnelle 1 Dans une séance avec interruption par une violence symbolique exogène, la violence ritualisée endogène devrait jouer un rôle beaucoup moins important que dans la séance suivante. Nous pensons que, devant l’incapacité à gérer en séance l’apparition d’une violence symbolique exogène l’autorégulation de cette transgression des règles implicites se réalisera au cours de la séance suivante par l’exacerbation de la violence ritualisée endogène  Hypothèse générale 2 de l’impact des thématiques La manifestation de la violence ritualisée au sein de l’assemblée est liée à des types de contenus évoqués par les parlementaires.  Hypothèse opérationnelle 2 Les contenus de politique générale prêtent moins à manifestation de violence ritualisée que ceux qui traitent des applications concrètes Nous pensons que l’orientation des thématiques argumentées par les députés joue un rôle dans la manifestation de formes ritualisées de violence parlementaire.  Hypothèse générale 3 du maintien des clivages L’apparition d’une violence symbolique exogène maintient le clivage droite/gauche  Hypothèse opérationnelle 3 Le clivage droite gauche reste un élément struturant les discours et les manifestations violentes après l’apparition d’une violence symbolique exogène
  • 27. 27 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 Nous pensons qu’une des forces d’autorégulation de l’arène parlementaire française se trouve justement dans le civage droite/gauche qui absorbe tous les remous y compris ceux qui ne font pas partie des formes implicitement admises de violence. 1.4 METHODOLOGIE 1.4.1 Recueil des donnees Puisque notre analyse va porter sur leur discours, présentons maintenant le député, ce représentant au parlement, élu par le peuple. Le portrait robot d’un député français tel que le dessinent Olivier Costa et Eric Kerrouche42 dans leur ouvrage est « un homme de plus de cinquante ans, fortement diplômé, souvent salarié du public et/ou issu d'un milieu professionnel favorisé et titulaire d'un mandat exécutif local. ». Ils sont au nombre de 577 et bien qu’ils soient représentants de la nation, ils ne sont en rien représentatifs de la population. En effet, la majorité d’entre eux sont des hommes, leur moyenne d’âge était en 2006 de 57,7 ans et ils ont tous un niveau d’études élevé (5 ans après le bac). Député est un métier à part entière, d’ailleurs, les députés n’exercent plus leur profession initiale depuis longtemps pour cause de manque de temps dû au caractère de plus en plus complexe et technique de leur fonction. Les députés doivent bien sûr siéger à l'Assemblée, mais aussi travailler et être présents dans leur circonscription, notamment pour se faire réélire. En somme, ils travaillent à préserver leur éligibilité, c’est pourquoi ils se doivent d’être populaire à la fois auprès des électeurs et de leur parti respectif à l’Assemblée Nationale. Cependant, tient à préciser Éric Kerrouche : « Il faut pourtant se garder de la caricature et des préjugés, ils ne sont ni des pions de leur parti, ni des cyniques qui ne pensent qu'à se faire réélire. La majeure partie d'entre eux souhaite faire du bon travail. » Le caractère restreint de l’échantillon, limite fortement l’extension de nos résultats et rapproche par force notre recherche d’une étude de cas. Par ailleurs, la prise de notes sur laquelle nous faisons porter notre analyse est évidemment biaisée. En effet en dehors du fait que beaucoup d’éléments ne sont pas notés notament concernant les manifestations non verbales violentes des députés, certains éléments sont flous ou atténués. Malgré cela nous effectuerons un codage des manifestations dites de violence ritualisée telles qu’elles ont été consignées. 42 Olivier Costa et Eric Kerrouche sont deux chercheurs du laboratoire SPIRIT (Sciences politiques, Relations internationales, Territoire) de l’IEP de Bordeaux qui ont mené une enquête auprès des parlementaires français, retranscrite dans leur livre Qui sont les députés français ? Enquête sur une élite inconnue.
  • 28. 28 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 Notre analyse va porter sur le contenu de deux séances parlementaire, la première séance du Mercredi 2 Décembre 2009 et la première séance du Mercredi 9 Décembre 2009. Le choix de ces deux séances repose sur le fait que la première a été interrompue par une action très démonstrative des écologistes en provenance de la tribune des visiteurs (descente en rappel et déroulé de banderoles). La seconde a été choisie par ce que de même nature, elle succédait à la précédente et revenait sur les incidents. Nous n’avions en fait que peu de choix car les incidents porteurs de violence symbolique exogène sont très rares. A ce titre, nous ne pouvons considérer ces deux séances comme représentatives ni de ce qui se passe habituellement ni de ce qui se passe exceptionnellement au sein de l’assemblée nationale. Il va de soi que la totalité des députés n’était pas présente lors de ces séances et de plus ce n’était pas nécessairement les mêmes qui siégeaient. Enfin, tous ne se sont pas exprimés. En fait notre corpus va être constitué des propos de 31députés orateurs à la première séance et de 34 députés orateurs à la deuxième séance avec 6 députés orateurs dans les deux séances. La première séance était composée de 20 députés UMP, 9 députés GDR et 2 députés NC. La deuxième séance était composée de 17 députés UMP, 9 députés SRC, 6 députés GDR, 1 député Modem et 1 député NC. Le ratio de genre est comme habituellement complètement déséquilibré avec une femme dans la première séance et deux dans la seconde. Comme l’indique le schéma ci-dessus la distribution des ages ne varie pas fondamentalement d’une séance à l’autre avec un âge légèrement plus élévé dans la première. Une présentation générale des députés ayant participé aux deux éancesse trouve en annexe. Le document de référence est le Journal Officiel (le quotidien officiel édité par l’Etat français contenant le compte rendu des séances de l’assemblée) anciennement connu sous le nom de Moniteur. Cepedant omme Charles Péguy le souligne « Les sténographes du Journal officiel ne peuvent saisir et enregistrer qu’une image pauvre et linéaire de débats tumultueux et nombreux en personnages »43 . De facto, les retranscriptions du Journal Officiel obéissent à certaines règles qui tendent à « policer » le débat en bannissant les insultes et la violence de manière globale même si fort heureusement la censure n’est pas complète. C’est pourquoi, il 43 Charles Péguy est un écrivain, poète et essayiste du XIXème siècle, avant lui Balzac avait déjà écrit : « la vraie séance n’est nulle part, pas même dans Le Moniteur ».
  • 29. 29 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 aurait certainement été utile de compléter l’étude du J.O par celle de la presse écrite ou par l’analyse d’entretiens avec les acteurs eux-mêmes. Il ya là une des limites de notre travail. 1.4.2 Analyse de contenu et analyse du discours Les techniques d'analyse de contenu qui permettent une analyse objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de la communication44 ont été critiquées pour analyser le contenu indépendamment des interprétations idéologiques et de catégoriser comme si le sens était transparent45 . Le contenu, présuppose déjà une attribution de sens, plus ou moins arbitraire, le discours, lui, se définit comme une unité linguistique constituée de phrases. L’un s’attache au texte, l’aute permet aussi de réintroduire le contexte. Les techniques d’analyse du discours dès le début sont plus automatiques et s’intéressent à une approche lexicographique. Elles aussi reposent sur une phase de catégorisation, suivie d'une phase de quantification mais généralement entièrement systématisée. Nous aurions souhaité la combinaison, voire l'articulation des deux types d'analyse46 mais le temps nous a manqué. La technique d’analyse du discours que nous avons choisie ici est le logiciel d’analyse lexicale Alceste qui utilise plusieurs techniques de traitement de données comme les techniques associées de classification hiérarchique descendante et ascendante, le tri croisé et l'analyse factorielle des correspondances. 1.4.2.1 Présentation d’Alceste L'objectif de ce logiciel est de permettre une analyse lexicale des données textuelles issues des entretiens, des corpus de réponse à des questions ouvertes, des corpus de texte, de recueils de texte divers, etc. Outil d'aide à l'interprétation, il se propose selon son auteur47 de « modéliser les lois de distribution du vocabulaire dans un corpus, à l'aide d'un tableau à double entrée, croisant unités de contexte (u.c.e) et unités de contexte initiale (u.c.i) et vocabulaire retenu ». La technique est basée sur un classement du corpus considéré en fonction des cooccurrences ou des dissemblances de vocabulaire utilisé. Elle permet « de réduire et de classer les segments de texte (...), d'en donner un condensé parfaitement formalisé et d'en construire la structure »48 . Les formes (noms, verbes, adjectifs…) sont considérées, dans leurs relations mutuelles, à l'intérieur du texte, sans tenir compte du sens de 44 BARDIN, L. L’analyse de contenu. Paris, PUF, 1991. 45 ROBIN, R. Histoire et linguistique, Paris, Armand Colin, 1973. 46 CHARAUDEAU, P. & MAINGUENEAU, D. Dictionnaire de l’analyse du discours, Paris, Seuil, 2002. 47 Max Reinert est le concepteur d'Alceste. 48 MARCHAND, P. L'analyse du discours assistée par ordinateur, Paris, A. Colin, 1998.
  • 30. 30 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 celui-ci. « On peut étudier la structure d'un texte sans faire appel à aucune information qui ne soit pas fournie par le texte lui-même (...), sans faire appel à la connaissance que l'analyste peut avoir du sens spécifique de chaque morphème, de l'intention de l'auteur ou de sa situation ». Sous-jacent à cette approche, se trouve le postulat selon lequel le contenu lexical du discours est caractéristique « du monde de pensée" du locuteur. Pour spécifier ce "monde de pensée", Max Reinert évoque un locuteur ayant habité des "pièces mentales" dont les traces sont perceptibles en terme de "mondes lexicaux » L'enjeu méthodologique est ici d'identifier la réalité que recouvrent les notions d'énoncé et d'unité de contexte49 . Pour l'auteur l'énoncé constitue « la plus petite unité de texte susceptible de décrire [...] la représentation sous- jacente d'un sujet » L'unité de contexte correspond « au segment de message dont la taille est optimale pour saisir la signification exacte de l'unité d'enregistrement »50 . Le logiciel procède à un double découpage du texte à analyser en unités de contexte initiales (pour nous les interventions des députés) et élémentaires (uce)51 . Ensuite, il crée un tableau binaire croisant en ligne des parties de discours constituées par les différentes uce, et en colonne les formes réduites à leur racine52 , présentent dans le corpus. Les variables actives représentées par des mots précédés d’une astérique seront analysées, les illustratives et supplémentaires seront positionnées ensuite. Alceste calcule les cooccurrences de chaque forme dans chaque uce. À partir de ces calculs statistiques il propose sans les nommer des classes des sous-classes du corpus. 1.4.2.2 Pourquoi Alceste ? Les raisons de notre choix de cette technique logiciel d'analyse lexicale est qu’il permet de rechercher la structure d’un discours indépendamment des significations que voudrait y trouver le chercheur. Ceci est important en ce qui concerne un de nos objectifs de retrouver éventuellement des traces de violence verbale et de comprendre comment s’articule le discours et les manifestations non verbales de violence. Alceste peut traiter efficacement 49 L'ensemble des segments du texte composant le corpus traité sont appelés « unités de contexte ». Les « unités de contexte initiales, uci » désignent les différents textes ou unités naturelles composant le corpus, les « unités de contexte élémentaires, uce » désignent les segments des textes composant l'uci. 50 BARDIN, L. L’analyse de contenu. Paris, PUF, 1991. 51 Le calcul de l'u.c.e combine deux dimensions : la longueur en nombre de mots et la ponctuation. Selon les valeurs choisies, c'est l'une ou l'autre qui est dominante dans le calcul. Toutefois, cette longueur peut être paramétrée par le chercheur afin d'observer la stabilité des résultats de l'analyse quel que soit le paramétrage. 52 Alceste possède un algorithme qui lui permet de procéder à la lemmatisation des formes.
  • 31. 31 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 un corpus maximal de 10.000.000 de caractères, soit 10.000 uce, 90.000 formes réduites avec une grande rapidité d'exécution. Par ailleurs, il permet de procédures statistiques de contrôle des interprétations notamment à partir des techniques statistiques de Classification hiérarchique descendante, et d’Analyse Factorielle de Correspondances. Ainsi une grande partie des biais provenant du chercheur, très présents dans les méthodes manuelles d’analyse de contenu sont évités. Il s’agit d’une méthode présentant un degré élevé d'exhaustivité, couvrant systématiquement toutes les formes du corpus et la totalité des relations qu’elles entretiennent entre elles. La catégorisation descendante produit une description complète et organisée des champs lexicaux. Enfin, l'introduction de variables illustratives « extra- textuelles », les éléments supplémentaires, permet de tester de multiples hypothèses relatives au contexte du discours. Cependant comme pour toutes les techniques, à ses multiples avantages sont associés aussi des limites et des inconvénients. La première difficulté est le passage du qualitatif au quantitatif, car si nous trouvons au plan quantitatif sans aucun doute des champs lexicaux, cela correspond-il à des univers de significations. Nous saisissons peut-être seulement une manifestation lexicale comme le remarque le créateur de la méthode Max Reinert. Cette limite n’est pa propre à Alceste, les techniques qui utilisent de manière plus ou moins sophistiquée, le comptage, et à partir desquelles le chercheur extrapole des processus qu’ils manifestent. Pour définir cette correspondance entre le lexique utilisé et un processus sous-jacent le créateur de la technique avancera la notion de « mondes lexicaux »53 dont la définition opérationnelle n'est que statistique mais qui désigne un monde référentiel pour le locuteur. 1.4.2.3 Classification Hiérarchique descendante (CHD) Sur la base des unités analysées par Alceste, la classification hiérarchique descendante permet la constitution et la hiérarchisation de classes distinctes et homogènes, représentant la structure de l’univers sémantique des discours analysés. Par dichotomisations successives de l’ensemble des uce retenues, elle procède à une identification puis à une hiérarchisation des classes, suivant un principe itératif de bipartition de la plus grande des classes restantes. Par la maximisation des Khi2 au croisement entre vocables et énoncés, la CHD va tendre à dégager des classes de façon à en maximiser les différences, tout en testant 53 REINERT, M. La méthodologie Alceste et l'analyse d'un corpus de 304 récits de cauchemars d'enfants. Convegno Internazionale, Ricerca qualitativa e computer nelle scienze sociali, 1992.
  • 32. 32 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 leur stabilité jusqu’à atteindre le nombre de classes fixées. Chaque classe consistant en un lexique d’apparence hétérogène qui repose sur des cooccurrences de fait, est caractérisée par des formes récurrentes. L’ensemble des classes est généralement résumé par un dendogramme qui en représente la structure. L’application de la CHD repose sur deux postulats originellement établis sous forme d’hypothèses de travail par Max Reinert54 : l’hypothèse qu’un corpus de textes peut être considéré comme un ensemble d’énoncés indépendants et redondants dont chacun « porte l’empreinte d’un processus sous-jacent, dépendant des conditions de production de cet énoncé (d’ordre psychique, social, culturel, narratif…) » et l’hypothèse que les énoncés utilisant plutôt les mêmes vocables « renvoient généralement à une même représentation sous-jacente, ceci avec d’autant plus de certitude que le nombre d’énoncés est grand ». 1.4.2.4 Analyse Factorielle des Correspondances (AFC) L’analyse factorielle des correspondances élaborée par Benzecri55 est une technique d’analyse statistique non paramétrique qui a été conçue pour étudier des tableaux dits de contingence ou tableaux croisés56 qui sont des tableaux d’effectifs obtenus en croisant les modalités de deux variables qualitatives, définies sur une même population de N individus. Tout l’intérêt de l’AFC pour notre recherche est de permettre de resituer les relations entre les formes du corpus issus de la CHD et avec les sujets57 . Elle permet d’extraire des données une structure fournissant « une vision bien structurée immédiatement accessible de la manière dont les variables covarient, s’opposent et sont entre elles interdépendantes »58 . Cette technique relève dans un ensemble de données les structures sous-jacentes par la recherche systématique des corrélations des modalités entre elles et avec les individus. Ces corrélations ou absence de corrélation vont se traduire graphiquement par une proximité ou une distance entre des points ou des nuages de points figurant les modalités, et/ou les sujets. Ils sont matérialisés dans un espace factoriel à n dimensions dont les facteurs représentés par des axes, symbolisent l’ensemble des coordonnées des projections des points d’un nuage. La participation d’un facteur à l’inertie totale exprimée en pourcentage indique la contribution 54 REINERT, M. Classification Hiérarchique Descendante et Analyse Lexicale par contexte. Toulouse : UTM, Texte polycopié, 1984. 55 BENZECRI, J.P. L’analyse des données, Tome 2, Paris, Dunod, 1973. 56 ESCOFFIER, B. & PAGES, J. Analyses factorielles simples et multiples, objectifs, méthodes et interprétation, Paris, Dunod, 1988. 57 MARCHAND, P. L'analyse du discours assistée par ordinateur, Paris, A. Colin, 1998. 58 DOISE, W., CLEMENCE, A. & LORENZI-CIOLDI. Représentations sociales et analyse des données. Grenoble, PUG, 1992.
  • 33. 33 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 relative du facteur à l’explication de l’ensemble des corrélations. Alors que l’extraction des facteurs est une procédure quantitative, la nomination des axes qui les représentent, est un processus qualitatif devant s’appuyer sur l’examen attentif des contributions les plus fortes, parmi les modalités. « Interpréter un axe, c’est trouver tout ce qu’il y a d’analogue, d’une part entre tout ce qui est écrit à droite de l’origine, d’autre part, entre tout ce qui s’écarte à gauche, et exprimer, avec concision et exactitude, l’opposition entre les deux extrêmes »59 . 1.4.2.5 Dernières opérationnalisations Après rappel des hypothèses, nous proposons ici plus en détails l’anticipation de nos résultats, compte tenu de la méthode d’analyse des données choisie.  Hypothèse générale 1 de l’autorégulation « à froid » La gestion de la violence symbolique exogène au sein de l’assemblée parlementaire s’opère par une réduction à de la violence ritualisée  Hypothèse opérationnelle 1 Dans une séance avec interruption par une violence symbolique exogène, la violence ritualisée endogène devrait jouer un rôle beaucoup moins important que dans la séance suivante. Si cette hypothèse s’avérait, nous devrions observer dans nos résultats beaucoup moins de lien statistique entre les manifestations de violences relevées et la séance 1, qu’entre les manifestations de violences relevées et la séance 2. De la même manière, nous devrions observer dans nos résultats beaucoup moins de lien statistique entre les manifestations de violences relevées et les discours tenus dans la séance 1, qu’entre les manifestations de violences relevées et les discours tenus dans la séance 2. Si la séance 2 opère comme régulation de la séance 1, elle devrait à la fois être plus constitué de violences ritualisées et en cohérence avec les discours.  Hypothèse générale 2 de l’impact des thématiques La manifestation de la violence ritualisée au sein de l’assemblée est liée à des types de contenus évoqués par les parlementaires. 59 BENZECRI, J.P. L’analyse des données, Tome 2, Paris, Dunod, 1973.
  • 34. 34 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010  Hypothèse opérationnelle 2 Les contenus de politique générale prêtent moins à manifestation de violence ritualisée que ceux qui traitent des applications concrètes Si cette hypothèse s’avérait, nous devrions observer dans nos résultats que la manifestation de violences ritualisées est statistiquement liée à des blocs de discours traitant de politique concrète, alors que l’expression de discours de politique générale ne devrait pas présenter de lien avec ses manifestations  Hypothèse générale 3 du maintien des clivages L’apparition d’une violence symbolique exogène maintient clivage droite/gauche  Hypothèse opérationnelle 3 Le clivage droite gauche reste un élément struturant les discours et les manifestations violentes après l’apparition d’une violence symbolique exogène Si cette hypothèse s’avérait, nous devrions observer que l’appartenance droite ou gauche persiste comme élément structurant le discours sur l’ensemble des propos tenus lors de la séance 1 et 2. De ce fait, nous montrerions que ce type de clivage, même au cours de circonstances exceptionnelles continuent de jouer un rôle régulateur de réduction des violences symboliques exogènes à des violences ritualisées.
  • 35. 35 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 2 TRAITEMENT DES RESULTATS 2.1 DESCRIPTION DU CORPUS 2.1.1 Caractéristiques A l’issue des analyses ALCESTE nous avons analysé 265 u.c.i (unités de contexte initiales) soit 21071 formes contenues dans le corpus dont 3689 formesdistinctes. 2034 hapax (formes présentes une seule fois dans le corpus) ont été relevés. 2.1.2 Réduction des formes Nous avons procédé à une réduction des 21071 formes relevées (cf Rapport d’analyse en Annexe) aux 597 formes analysées, ex : Technolog = technologie (2), technologies (10), technologique (1), technologiques (2). 2.1.3 Sélection et Identification des catégories grammaticales Toutes les catégories grammaticales ont été soi analysées à l’exception des nombres en chiffre (cf Rapport d’analyse en Annexe) c'est-à-dire prises en compte dans l'analyse, soit considérées comme supplémentaires c'est-à-dire présentes uniquement dans la description du
  • 36. 36 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 profil des classes, soit rejetées. Ces catégories sont affectées a priori aux formes reconnues du corpus. Par défaut, seuls les noms, les verbes (mis à part les auxiliaires être, avoir et les verbes modaux), les adjectifs, les adverbes et les formes non reconnues sont analysés, dans la mesure où ces formes sont présentes au moins 4 fois dans le corpus (cf Rapport d’analyse en Annexe). 2.1.4 Constitution d’un dictionnaire des formes et des formes réduites Nous avons constitué ensuite un dictionnaire des formes du corpus et un dictionnaire des formes réduites classées en fonction de leur effectif dans le corpus. Ainsi nous constatons (cf Rapport d’analyse en Annexe) que les formes réduites les plus fréquentes sont les noms : pays (110 occurrences), minist (89), president (76), etat (74), question (57), copenhague (56), parole (53), developpement (52), emission (48), collegue (47)… et quelques adjectifs ou adverbes : premier (40), climatique (40), cher (35) … 2.1.5 Découpage et classification Le logiciel procède ensuite au découpage du texte en unités de contexte et à la classification descendante hiérarchique. Nous avons choisi ici une analyse standard dont les paramètres (notamment la longueur des u.c.e) sont prédéfinis par le logiciel. Comme paramétrage cependant nous avons procédé à l’effectuation de deux classifications successives afin de retenir les classes les plus stables (classification double plus intéreressante lorsque le corpus est important). Nous avons d’abord proposé une longueur d’u.c.e de minimum 15 mots puis de 17 mots Par ailleurs, nous rappelons qu’un mot est analysé lorsqu'il est présent dans au moins 4 u.c.e. 2.1.6 Croisement des classifications et résultats Après effectuation des deux classifications nous sommes parvenus à un nombre de 5 classes avec 38 u.c.e minimum par classe et avec un classement de 71 % des u.c.e. La comparaison des deux classifications nous indique
  • 37. 37 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 clairement une stabilité de la structure des classes sous-jacente au discours même lorsqu’on fait varier la longueur des u.c.e (cf Rapport d’analyse en Annexe). D’autant que la structure des arbres de classification descendante ne varie pas lorsqu’on fait varier la longueur des u.c.e Nous pouvons dès lors considérer que notre corpus contient 5 classes de discours dont nous trouvons dans les schémas ci-dessous la description du point de vue de la répartition des u.c.e classées et des mots analysés par classe, les deux premières totalisant plus de la moitié des effectifs. 2.2 PLAN D’ANALYSE DES CLASSES Pour l’analyse des classes nous procéderons classe par classe selon le schéma suivant : 2.2.1 Identification et nomination des classes et des sous-classes Dans notre procédure, l’identification et nomination des classes et des sous-classes se fera en trois temps d’abord l’étude de la composition de la classe puis linterprétation des absences significatives et enfin la recherche de confirmation par la Classification Hiérarchique Ascendante. 2.2.1.1 Composition de la classe La composition de la classe est étudiée à partir de son vocabulaire propre (formes réduites) considéré sur la base des présences significatives (cf Rapport d’analyse en Annexe). Chaque forme réduite est caractérisée par son khi2, son effectif réel dans la classe (Effectif 1), le nombre d'u.c.e de la classe la contenant (effectif 2), le nombre total d'u.c.e classées la
  • 38. 38 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 contenant (total) et le pourcentage du nombre d'u.c.e de la classe la contenant (percent). Nous rechercherons des illustrations par quelques u.c.e caractéristiques de la classe considérée, triées par ordre d'importance (khi2) dans la classe en soulignant les formes les plus caractéristiques de la classe par des parenthèses. 2.2.1.2 Absences significatives La composition de la classe est étudiée (cf Rapport d’analyse en Annexe) à partir du son vocabulaire significativement absent (formes réduites) se définit par opposition à des significations portées par d’autres classes. Dans ce cas, chaque forme réduite est caractérisée par son khi2 toujours négatif, le nombre d'u.c.e de la classe la contenant toujours faible ou nul (effectif), le nombre total d'u.c.e classées la contenant (total) et le pourcentage du nombre d'u.c.e de la classe la contenant (percent) 2.2.1.1 Confirmation par la Classification Hiérarchique Ascendante (CHA) Pour confirmer ou infirmer nos interprétations nous nous appuierons sur la classification ascendante, résultat complémentaire, figurant les relations locales entre formes d'une même classe. Elle permet de corroborer les agrégats de formes réduites en tenat compte du khi2 de chaque forme dans la classe. 2.2.2 Relation avec les variables (mots étoilés) A cet endroit nous réintroduirons dans notre lecture des résultats les mots étoilés représentant nos variables à l’exception de *s_1 et *s_2 et des formes de violence que nous traiterons à part puisqu’il s’agit plus directement de nos hypothèses. Séance *s_ *s_1 Séance du 2 Décembre 2009 *s_2 Séance du 9 Décembre 2009 Sexe *sx_ *sx_m Masculin *sx_f Féminin Age *ag_ *ag_1 30 à 39 ans *ag_2 40 à 49 ans *ag_3 50 à 59 ans *ag_4 60 à 69 ans *ag_5 70 à 79 ans Parti *pa_ pa_ump UMP
  • 39. 39 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 *pa_ps Parti Socialiste *pa_nc Nouveau Centre *pa_mim Mvt d’Indép. de la Martin. *pa_prg Parti Radical de Gauche *pa_modem Mvt *pa_pc Parti ommuniste *pa_vert Les Verts Région *rg_ *rg_idrf Ile de France *rg_padc Pas de Calais *rg_cent Centre *rg_pica Picardie *rg_auve Auvergne *rg_bour Bourgogne *rg_padl Pays de Loire *rg_paca Provence Alpes Côte d’Azur *rg_rhal Rhône-Alpes *rg_cham Champagne *rg_mart) Martinique Il s’agira de pointer les corrélations apparaissant entre certaines modalités de ces variables et la classe envisagée de manière à identifier si les « paquets » de discours qu’elle représente sont liés à des conditions précises d’age de sexe, d’appartenance politique, d’omplantation régionale etc 2.2.3 Relation avec les deux séances parlementaires et les formes de violence Enfin, pour la classe considérée, nous rechercherons les liens entre les éléments de discours (formes réduites) et les séances de l’assemblée (*s_1 et *s_2). Dans le même temps nous rechercherons les rapports existant entre cette classe et l’apparition ou non de apg Applaudissement Général adr Applaudissements par la droite aga Applaudissements par la gauche pdr Protestation de la droite pga Protestation de la gauche idr (p / n) Interruption par la droite (positive ou négative) iga (p / n) Interruption par la gauche (positive ou négative) isdr Insulte par la droite isga Insulte par la gauche
  • 40. 40 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 manifestations de violence60 : apg, adr, aga, pdr, pga, idr (p / n), iga (p / n), isdr, isga. Cette variable a été introduite dans le corpus en majuscules comme « élément supplémentaire », pour éviter qu’elle interfère sur le strict comptage du vocabulaire. 2.3 ANALYSE DE LA CLASSE 1 2.3.1 Identification et nomination des classes et des sous-classes de la classe 1 2.3.1.1 Composition de la classe 1 A considérer un Khi2 > 6, la lecture des présences significatives de la classe 1 nous indique qu’elle se caractérise par la présence de deux sous-classes : La sous-classe « Ecologie politique » comprenant les formes réduites (Khi2, effectif 1, effectif 2, total, percent) : developpement (77 43 39 42 93%), climat (45 26 24 26 92%), carbone (28 21 19 23 83%), copenhague (27 24 24 33 73%), aide (26 14 14 15 93%), climatique (23 21 20 27 74%), durable (22 12 12 13 92%), ressource (18 10 10 11 91%),vulnerable (18 10 10 11 91%), terre (17 8 8 8 100%), global (16 9 9 10 90%), soutien (13 7 6 6 100%), co (11 5 5 5 100%), vie (11 7 7 8 88%), besoin (11 9 8 10 80%), afrique (11 7 7 8 88%), continent (11 5 5 5 100%), demograph (11 5 5 5 100%), france (10 12 12 18 67%), energ (16 10 14 12 18 67%), planete (10 9 9 12 75%), population (10 12 12 18 67%), accord (9 12 12 19 63%), habitant (9 7 7 9 78%), internationale (9 7 7 9 78%) Nous pourrions caractériser cette sous-classe par les u.c.e suivantes : uce n° 377 Khi2 = 15 uci n° 114 : *s_1 *sx_m *ag_3 *pa_ump *rg_idrf *K_1 « par-rapport a l' (aide) au (developpement) montre (que) l’additionalite annoncee ne (devient) pas forcement realite. Si (ces) (ressources) (financieres) (entrent) en (competition), l (environnement) (et) le (developpement) en ressortiront perdants. » La sous classe « Finance » comprenant les formes réduites (Khi2, effectif 1, effectif 2, total, percent) : financer (29 19 18 21 86%), milliard (21 17 13 15 87%), financier (17 11 11 13 85%), prix (11 5 5 5 100%), competitif (11 5 5 5 100%), dollar (9 4 4 4 100%) 60 Il est évident qu’un applaudissement n’est pas en soi une manifestation de violence mais ils sont ici à resituer dans un contexte polémique comme moyen bruyant de manifester le soutien de son camp quitte à couvrirla parole de l’adversaire.
  • 41. 41 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 Nous pourrions caractériser cette sous-classe par les u.c.e suivante : uce n° 406 Khi2 = 23 uci n° 116 : *s_1 *sx_m *ag_4 *pa_ump *rg_idfr *K_3 « la possibilite de recourir a des (financements) novateurs, (tels) (qu') une (taxe) (sur) les transactions (sur) les valeurs mobilieres, (doit) (etre) exploree. L' (aide) (financiere) (internationale) (devrait) (etre) dirigee en priorite (vers) les (pays) les (plus) (vulnerables) au (changement) (climatique), (comme) vous le (proposez), monsieur le ministre, (dans) le (plan) (justice) (climat). » uce n° 317 Khi2 = 21 uci n° 104 : *s_1 *sx_m *ag_4 *pa_ps *rg_cent *K_1 « (que) (soit) reconnu le (role) des (pouvoirs) (publics) locaux; enfin, (que) (soit) (mis) en-place un (financement) perenne de l (aide) (publique) aux (pays) en (developpement), (qui), pour nous, (doit) (etre) (constitue) (par) une taxation des transactions (financieres) (internationales). » 2.3.1.2 Absences significatives de la classe 1 Outre les mots étoilés que nous n’exploitons pas ici nous relevons parmi les absences significatives des formes réduites liées aux questions écologiques concrètes et au fonctionnement de l’assemblée : serre (-14 0 28 0%), parole (-13 3 42 7%), gaz (-12 1 29 3%), effet (-10 2 32 6%), collegue (-10 3 36 8%), depute (-9 0 19 0%), president (-8 7 49 14%), loi (-7 1 20 5%), credit (-7 0 14 0%) Elles caractérisent des oppositions à d’autres classes que nous synthétisons plus loin. 2.3.1.3 Confirmation par la Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) L’analyse hiérarchique va nous permettre deréviser notre constitutionde sous-classes en proposant une distribution différente qui permet de modifier notre première analyse. En effet comme le montre le schéma ci-dessous
  • 42. 42 De la violence en politique, Sélim Denoux, UT1 Capitole, 2010 Nous observons trois sous-classes qui nous invitent à modifier notre identification antérieure des champs sémantiques. Si effectivement les dimensions économique et écopolitique sont bien présentes elles se distribuent de façon légèrement différente tel qu’indiquée sur le schéma ci-dessus avec trois sous-classes distinctes de formes réduites : - « Economie du développement » centrée sur les aspects financiers et internationaux du développement - « Ecologie politique » centrée sur le traitement au niveau international des problèmes environnementaux - « Politique du développement » centrée sur les questions politiques posées par le développement ECOLOGIE POLITIQUE ECONOMIE DU SOUS DEVELOPPEMENT POLITIQUE DU DEVELOPPEMENT