6. Sam Szafran (1934-2019) occupe une
place très singulière dans l’histoire
de l’art de la deuxième moitié du
XXe siècle. Il a voué son œuvre à
une approche figurative et poético-
onirique du réel qu’il a développée
loin du monde de l’art et de ses
engouements, dans le retrait de
l’atelier.
7. Une enfance particulièrement difficile, marquée par les catastrophes de la
Seconde Guerre mondiale dans une famille d’origine juive-polonaise, lui a fait
préférer cette solitude, se focalisant sur sa propre existence et ses états
intérieurs pour donner naissance à ses thèmes de prédilection.
Trois ans après la disparition de
l’artiste, le musée de
l’Orangerie met en lumière, les
quelques sujets pour lui
existentiels – ateliers, escaliers
et feuillages – qui ont tous en
commun son environnement
immédiat.
L’économie parcimonieuse des
représentations est
contrebalancée par une fièvre
d’expérimentation envoutante,
qui fonctionne comme une
ancre jetée dans l’histoire de
l’art.
8. En autodidacte d’une curiosité inépuisable, il s’est initié au pastel puis à l’aquarelle,
terrains de recherche artistique qu’il a ardemment poursuivis. Szafran met à l’épreuve le
regard, en déformant et déconstruisant la perspective, dans des lieux clos,
hermétiquement fermés sur eux-mêmes.
Avec le temps, ceux-ci s’ouvrent, se fragmentent pour donner naissance à des visions
éclatées où se multiplient les plans de temporalité dans lesquels les espaces se
conjuguent et se confrontent, symboliques d’un ordre à jamais disparu.
9. Biographie
Fils aîné de parents émigrés juifs polonais, Samuel Berger passe
les premières années de son enfance dans le quartier des Halles
de Paris. Il habite au 158, rue Saint-Martin dans le 3e
arrondissement de Paris.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il échappe à la rafle du
Vélodrome d'Hiver et se cache dans un premier temps chez des
paysans dans le Loiret4, puis à Espalion (Aveyron), dans une
famille de républicains espagnols5. À dix ans, il est brièvement
interné au camp de Drancy d’où il est libéré par les Américains,
après la fuite des Allemands le 18 août.
Alors que son père et une grande partie de sa famille ont été
massacrés dans les camps nazis6, il est envoyé en 1944 par la
Croix-Rouge à Winterthur en Suisse5, où il est accueilli par la
famille Halberstadt. En 1947, il embarque à Marseille avec sa
mère et sa sœur pour Melbourne en Australie, où ils sont
accueillis par un oncle maternel.
10.
11. À son retour en France en 1951, totalement
autodidacte, il suit quelques cours du soir de dessin
dans les écoles de la Ville de Paris et mène une
existence particulièrement rude et précaire.
Entre 1953 et 1958, il fréquente l’académie de la
Grande-Chaumière à Paris, où enseigne Henri
Goetz. À Saint-Germain-des-Prés et à
Montparnasse, il fait la connaissance de beaucoup
de peintres. Il réalise alors ses premières œuvres
abstraites et premiers collages.
Szafran retourne ensuite vers la figuration. Il produit
une première série de Choux (1958–1965).
En 1960, une boîte de pastels offerte lui permet une
tournure importante dans son œuvre, le pastel
devenant sa pratique de prédilection. Alberto
Giacometti, qu’il rencontre en 1964 devient
officieusement son maître.
En 1964, l’artiste entre à la galerie Claude Bernard à
Paris. Le collectionneur Jacques Kerchache organise
sa première exposition personnelle en 19658. Par la
suite, son œuvre va se resserrer autour de quelques
thèmes : Ateliers (1969-1970), Imprimeries (1972),
Escaliers (à partir de 1974).
12.
13. Szafran rejoint pour un temps Fernando Arrabal,
Roland Topor et le groupe Panique en 1972. À
l'occasion de l'exposition « 60-72. Douze ans d'art
contemporain en France » au Grand Palais, il se lie
d'une profonde amitié fraternelle avec Henri Cartier-
Bresson dont il sera un temps le maître en dessin .
En 1977 et 1978, il réalise ses premières grandes
aquarelles, variations sur ses thèmes de prédilection
: Ateliers, Serres et Escaliers. C’est sur ces mêmes
thèmes ainsi que sur celui des Villes, qu’il
commence, vers 1987, à combiner le pastel et
l’aquarelle, le sec et le mouillé. À partir de 1999, il
aborde certains grands Paysages urbains.
En 1999 et 2001, deux rétrospectives sont
organisées : la première à la Fondation Gianadda à
Martigny en Valais (Suisse), puis, la première
présentée à Paris, « L’Atelier dans l’atelier » au
musée de la Vie romantique.
En 2004 et 2005, il travaille avec le céramiste
catalan Joan Gardy Artigas pour la réalisation des
deux décors monumentaux Escalier et
Philodendrons, destinés au Pavillon Szafran à la
Fondation Gianadda, qui est inauguré en 2006.
Deux autres grandes rétrospectives vont suivre : «
Sam Szafran – dessins, pastels et aquarelles » au
musée Max Ernst de Brühl, près de Cologne en
Allemagne (2010-2011) et « Cinquante ans de
peinture » à la Fondation Gianadda ( Il y dévoile
pour la première fois ses très grands formats.
14.
15. Le peintre Sam Szafran est décédé le 14 septembre à l'âge de 84 ans,
laissant derrière lui une oeuvre émouvante et mystérieuse, d'une rare
intensité. Redécouvrez notre visite d'atelier réalisée en 2013 à l'occasion de la
rétrospective organisée par la Fondation Pierre Gianadda, en Suisse.
On éprouve une sensation d’étouffement en pénétrant dans l’atelier de
Malakoff, une ancienne fonderie, où il est installé depuis 1974. Même
impression qu’en regardant ses pastels, mais en plus désordonné, moins
coloré. Les grands philodendrons sont moins verts et moins luisants que dans
ses aquarelles.