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Comment La Lecture en Couleurs intègre
“briser le code écrit de l’anglais” avec
compréhension du sens - Paula Hajar
Parmi les arguments souvent utilisés contre les approches à l’enseignement de la lecture qui
utilisent le décodage, il y a l’affirmation que le décodage, par l’attention qu’il fait porter aux
formes des graphèmes et des phonèmes, fait sortir de leur contexte les mots, les phrases et
toutes choses exprimées, dépouillant ainsi la lecture de sens.
Ceux qui enseignent la lecture avec l’approche de La Lecture en couleurs de Caleb
Gattegno soutiennent que le contraire même peut être vrai : qu’en fait, même dans les
premières étapes de l’apprentissage du décodage, les élèves qui utilisent la Lecture en
Couleurs sont constamment mis au défi d’analyser les expressions qu’ils décodent par rapport
à leurs expériences vécues de la langue. “Qui pourrait dire ceci ?” et “Dans quel genre de
situations ?” sont des questions qui sont associées même au plus simple des décodages.
De tels échanges sont possibles en fait, même quand les élèves n’en sont qu’au début du
décodage des sons voyelles tels que les diphtongues “down”, “sigh” ou “oh”. Même à ce
niveau, les élèves peuvent créer des variations de tonalité qui suggèrent diverses personnes,
situations, ambiances et motivations pour une expression donnée. Et une fois que l’élève est
capable de lire une syllabe (c’est-à-dire, dans un premier temps, une voyelle suivie ou
précédée par une consonne), il est possible que “donner du sens” fasse partie de chaque
activité qui leur sera dès lors proposée, même si ce n’est que pour commenter si quelque
chose qui a été décodé est vraiment “anglais” ou non.
Porter autant d’attention au sens qu’aux exigences du décodage imprègne la pratique de
la Lecture en Couleurs. Un autre exercice typique en début d’apprentissage est de demander
aux élèves de regarder les tableaux de la Lecture en Couleurs (dont chacun est un éventail de
mots dont les rapports sont non seulement phonétiques et graphiques mais aussi
occasionnellement grammaticaux) et de trouver des mots qui pourraient être dits isolément
comme des expressions courantes du langage parlé, puis de proposer différents cas où de
telles expressions seraient appropriées. Un exemple facile est les impératifs (“Sit !”, “Stop !”)
ou les exclamatifs (“Pop !”, “Yes !”, “Fun !”). D’un autre côté, les élèves peuvent voir les
expressions formées d’un seul mot comme des réponses et créer des questions possibles
correspondantes. Par exemple, si la réponse est “Pam” (“Paméla”), la question pourrait être
“Qui est absente aujourd’hui ?” ou “Qui vous a donné cela ?”.
La focalisation sur le contexte peut aussi devenir une focalisation sur l’usage. Quand les
élèves en sont au point de pouvoir créer des phrases de plusieurs mots et qu’ils peuvent faire
des expériences sur l’ordre des mots et l’idiome, ils font sans arrêt appel à leurs propres
expériences (et donc à leur propre sens de la vérité) pour évaluer si quelque chose “sonne
juste” en se demandant “Est-ce anglais ?” puis “C’est l’anglais de qui ?”. De cette façon, ils
s’engagent continuellement dans l’examen critique de leur propre langue et des différentes
façons dont elle est utilisée, comme ils le font déjà en parlant la langue qu’ils connaissent
mais aussi de façon très critique tel un linguiste ou un anthropologue culturel. Ainsi, bien que
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lisant au départ sur un corpus restreint, la subtilité des observations qu’ils peuvent faire sur ce
qu’ils lisent, ne s’en trouve pas sacrifiée.
La Lecture en Couleurs accentue aussi l’attention précoce sur la mélodie de la langue. En
utilisant cette approche, même le plus néophyte des lecteurs ne tombera pas dans le piège
d’une lecture monotone que nous avons fini par associer aux efforts d’un jeune lecteur-
décodeur et qui, il est vrai, dépouille la lecture de sens. Dès le début du processus de
décodage, les élèves sont explicitement encouragés à soigner le rythme et la métrique (et
donc, par définition, le sens) de ce qu’ils lisent.
En fait, dès qu’ils commencent à décoder des mots de plus d’une voyelle, les élèves abordent
le “schwa”, c’est-à-dire la voyelle non-accentuée. Au début, les professeurs donneront aux
élèves le “battement” d’un mot en donnant un petit coup sec de la règle ou du bout des doigts
sur un bureau ou sur un mur; les élèves développent leur propre acuité auditive et leur
familiarité avec la langue parlée pour juger par eux-mêmes s’ils prononcent un mot
correctement ou non. De cette façon, ils ne tombent pas dans le travers qui consiste à
prononcer des mots avec des accentuations sans relation à la langue parlée telle qu’ils la
connaissent.
Quand ils passent du décodage de mots au décodage de phrases, les élèves peuvent utiliser
parmi leurs critères de correction la mélodie de la phrase : l’élévation de la voix pour une
question ; la pause marquée par une virgule ; les changements de ton qui sont inhérents à la
citation directe ou à l’impératif. L’attention sera portée à ces différents éléments dès le début
de l’apprentissage. Le rythme donné par les doigts ou la règle du professeur peut les guider en
leur faisant prendre conscience que la mélodie est une propriété de la langue et que, puisqu’ils
parlent la langue, ils ont déjà des critères pour la correction de la mélodie. Puisqu’ils savent,
dès le début, qu’ils peuvent compter sur le fait qu’ils sont experts dans leur langue maternelle
parlée, alors ils sont à même d’éviter les difficultés qui surgissent plus tard avec une approche
mécanique se focalisant exclusivement sur la production des phonèmes corrects (sans
attention particulière à la mélodie).
Les élèves qui sont au stade du décodage peuvent aussi expérimenter sur les nombreuses
façons dont une phrase peut être exprimée et comment ils peuvent créer une ambiance, du
caractère et même une situation en modifiant l’intonation et l’inflexion. Dans son livre The
Common Sens of Teaching Reading and Writing, Caleb Gattegno aborde ce thème par la
suggestion d’un exercice dans lequel les lecteurs-décodeurs expérimentent les variations de
l’intonation pour dire une même phrase “doucement, avec irritation, comme s’il s’agissait
d’un avertissement, comme une caresse, comme une prière, en criant comme si on demandait
de s’arrêter, en plaisantant, en étant effrayé, en faisant comme si l’on était épuisé”. (p. 89)
Un autre jeu – faisant travailler sur un personnage et son rôle – que Gattegno suggère, fait
utiliser les tableaux de la Lecture en Couleurs par les élèves pour créer des phrases qui
pourraient avoir été dites par différents types de personnes, par exemple: quelque chose dit
par une personne jalouse, par une personne gentille, par une personne âgée, par un jeune
enfant, un invalide, un invité, un hôte, etc. Les phrases que créent les élèves peuvent exprimer
quelque chose de comique, de sombre, d’irritant ou tout simplement un fait ; quoi qu’il en
soit, les élèves doivent se servir de leurs expériences, de leur intuition et de leur perspicacité
pour créer ces phrases.
Un troisième jeu joué par les élèves, qui fait travailler en même temps la compréhension et le
décodage des phrases, consiste à imaginer que la phrase fait partie d’un texte plus grand et
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qu’il faut imaginer le reste du texte… ce qui précède et ce qui pourrait suivre. A nouveau, la
création d’un contexte et l’attention à la structure narrative peuvent (et devraient) suivre de
près le décodage.
Citons un autre exercice encore – sophistiqué mais qui devient assez ordinaire même aux
stades précoces du décodage – qui consiste pour les élèves à discuter des interprétations qu’il
est possible de faire quand une phrase est ambiguë. Voici quelques exemples. En n’utilisant
que les tableaux trois, quatre et cinq, le professeur pourrait pointer (montrer successivement
les mots en silence avec un pointeur : ce procédé est appelé “dictée visuelle”) la phrase:
“Then Daddy landed on the dusty tent” (Alors papa atterrit sur la tente poussiéreuse) puis
engager les élèves dans une recherche sur les différents sens de “landed” (atterri). Quelles
étaient les activités de papa juste avant d’“atterrir” ? (Volait-il en avion ? Arrivait-il en
courant du terrain de jeux d’à côté ? Trébuchait-il sur les piquets de la tente ?)
En utilisant les tableaux un, deux et trois, le professeur pourrait pointer la phrase “Mom
sniffed at Sam’s pants” (Maman a reniflé le pantalon de Sam) et poser les questions :
“Pourquoi maman a-t-elle fait cela ?”, “Qui est Sam pour elle ?”, “Est-ce que c’est son bébé
qui aurait besoin qu’on change ses couches ?”, “Son mari, qu’elle soupçonne de ne pas avoir
tenu la promesse de ne pas aller dans un bar enfumé après le travail ?”, “Son fils dont elle
ramasse le linge sale ?” Et ainsi de suite.
Parce que de telles phrases impliquent une action hors de la scène autant qu’elles expliquent
l’action sur la scène, elles sont pour les élèves de bons stimulants pour produire des
illustrations. Ces dessins peuvent montrer “l’histoire entière” et servir à mesurer jusqu’à quel
point leur imagination a été engagée par ce qu’ils ont lu.
A cause du défi qui consiste à travailler à l’intérieur de restrictions (habituellement les élèves
sont limités à un certain éventail de mots se trouvant sur les tableaux et/ou à une ambiance ou
un personnage particulier) les élèves débutants se trouvent moins souvent engagés à décrire
leur propre expérience, ce qui est devenu le point de mire principal de diverses versions de la
méthode de lecture globale. En revanche, ils doivent utiliser leur imagination pour trouver un
lien entre eux-mêmes et leur environnement tel qu’ils le connaissent. Ainsi, le lecteur, obligé
de regarder à l’extérieur, est engagé dans une approche plus sociale de la lecture et de
l’écriture, bien que le moi, l’expérience personnelle et son savoir soient, dès le début,
identifiés comme les instruments les plus fondamentaux qu’un élève possède pour lire et
interpréter ces textes créés.
A l’importance donnée à l’aptitude à décoder, la Lecture en Couleurs ajoute et met une
importance toute particulière sur la mélodie, l’inflexion et l’intonation, trois aspects
techniques de la lecture qui sont souvent négligés par les autres approches. Ainsi, La Lecture
en Couleurs fait comprendre à quel point – parce qu’ils permettent au lecteur de faire des
suppositions et de déduire, de contextualiser et de créer des bases pour l’anticipation – ces
aspects de la lecture sont la clé de la compréhension. La mélodie, l’inflexion et l’intonation
sont finalement ce qui donne à l’élève les outils, les occasions et les habitudes de relier les
mots de la page, si simples soient-ils au début, à leurs expériences de la vie et à celle de
l’usage de la langue. C’est de cette façon qu’une méthode d’enseignement de la lecture telle
que La Lecture en Couleurs qui, à première vue, met l’accent sur les aptitudes au décodage
insiste également sur l’importance à donner au sens, qui est généralement l’estampille
d’autres approches.