1. SAUVEGARDER LA VUE : GERER LES SITUATIONS D’URGENCE DANS VOTRE CABINET
Frank FAMOSE – DMV – CES Ophtalmologie
La perte de la vision est un handicap majeur pour un chien ou un chat. Elle peut €tre li•e ‚ des
troubles de la transparence oculaire qui peuvent int•resser la corn•e, la chambre ant•rieure, le
cristallin ou le corps vitr•. La pr•sence d’une inflammation intraoculaire s’accompagne aussi d’une
perte de vision li•e au trouble des milieux oculaires et aux modifications fonctionnelles de l’œil.
L’•volution d’un glaucome est une situation redoutable en ophtalmologie tant humaine que
v•t•rinaire : la conservation de la vision est g•n•ralement compromise. La c•cit• peut €tre
•galement li•e ‚ des affections de la r•tine ou des structures nerveuses visuelles.
Cliniquement, la baisse de vision peut €tre totale ou partielle et toucher un ou deux yeux. Elle
constitue dans certains cas un motif de consultation pr•occupant pour les propri•taires qui
attendent des r•ponses ‚ la mesure de leurs inqui•tudes. Sauvegarder la vue est, avec la prise en
charge de la douleur, l’objectif prioritaire du traitement en ophtalmologie. Face ‚ ces diff•rentes
situations d’urgence, la conduite ‚ tenir r•pond ‚ des principes d’examen et de traitement que le
praticien peut mettre en œuvre au quotidien.
Diagnostic de base et ‚valuation de la vision
A la diff•rence de l’esp…ce humaine, l’•valuation clinique de la vision chez les Carnivores ne repose
pas sur la r•alisation de champs visuels mais sur la r•ponse au test de clignement ‚ la menace et ‚
des r•ponses comportementales. La mise en •vidence des r•flexes pupillaires photomoteurs vient
compl•ter cette •valuation en testant le fonctionnement des voies optiques (r•tine, nerf optique).
L’examen clinique de l’œil permet de mettre en •vidence les alt•rations de la transparence oculaire
qui se localisent soit ‚ la corn•e, soit en chambre ant•rieure, soit au niveau du cristallin, du corps
vitr• ou en avant de la r•tine. La mesure de la pression oculaire permet le diagnostic des
hypertensions et des hypotensions oculaires. L’•chographie oculaire peut €tre r•alis•e simplement
avec une sonde de fr•quence 9-12 MHz et apporte de pr•cieux renseignements lorsque la
transparence oculaire est alt•r•e.
Traumatismes oculaires
Les traumatismes oculaires sont un motif de consultation fr•quent en pratique canine. Leurs
cons•quences sont variables selon la nature et la violence de l’impact oculaire mais, de mani…re
g•n•rale, les traumatismes oculaires s’accompagnent d’une inflammation oculaire, d’une douleur
oculaire, de destructions tissulaires. La perforation oculaire est une cons•quence potentielle de ces
traumatismes. La luxation du globe en est une autre.
2. Figure 1 : Traumatisme oculaire (chien) avec perforation oculaire et hyph‚ma (Clich‚ F. FAMOSE)
La gestion pratique d’un traumatisme oculaire consiste dans un premier temps ‚ •tablir un •tat des
lieux des l•sions p•ri et intraoculaires (Figure 1). L’examen ophtalmologique peut €tre
avantageusement compl•t• par une •chographie oculaire dont les buts seront de d•terminer l’•tat
du cristallin et du segment post•rieur. Le second temps est celui du traitement d’urgence qui
consiste au r•tablissement de l’•tanch•it• du globe si celui-ci est perfor• et ‚ la remise en place de
celui-ci s’il est lux•. Un traitement antiinflammatoire est •galement mis en place, localement et par
voie g•n•rale.
Affections corn‚ennes graves
La gravit• des affections de la corn•e est fonction de leur •tendue et de leur profondeur. En effet, les
processus cicatriciels mal contr†l•s aboutissent ‚ un degr• variable de cicatrices fibreuses non
transparentes dont l’•tendue compromet la vision. Le diagnostic de l’•tendue des l•sions corn•ennes
ne pose habituellement aucune difficult•. Par contre l’•valuation de la profondeur est plus d•licate,
en particulier lors de k•ratomalacie associ•e ou non ‚ une infection bact•rienne (Figure 2).
Figure 2 : K‚ratomalacie chez un Chien. La corn‚e est l’objet d’une fonte purulente (Clich‚ F. FAMOSE)
Le pronostic reste r•serv• tant que le processus de destruction de la corn•e est actif et que les
m•canismes de r•paration ne sont pas encore en place. Le traitement de ces l•sions est d’embl•e
agressif : la gestion chirurgicale de la k•ratomalacie accompagne le traitement m•dical bas• sur
l’instillation fr•quente d’antibiotiques et d’inhibiteurs des prot•ases corn•ennes. Les cortico‡des
3. locaux sont contrindiqu•s tant que l’•pith•lium n’est pas compl…tement reconstitu• et peuvent €tre
utiles pour moduler la r•ponse inflammatoire et les l•sions de fibrose.
Uv‚ites
Les uv•ites sont des inflammations intraoculaires pouvant €tre localis•es ‚ l’iris, aux corps ciliaires, ‚
la choro‡de post•rieure ou ‚ l’ensemble des structures vasculaires de l’œil. Leurs causes, outre les
traumatismes que nous avons •tudi•s ci-dessus, sont nombreuses et peuvent €tre s•par•es en
causes infectieuses ou non infectieuses. Leurs cons•quences imm•diates sont une perte de
transparence des milieux oculaires (Figure 3), une douleur et une perte de vision associ•e. A moyen
terme, les s•quelles d’uv•ite conduisent ‚ la perte de la vision par diff•rents m•canismes tels que
l’•volution d’un glaucome secondaire, la pr•sence d’adh•rences ou de d•p†ts de pigments
intraoculaires, les modifications de la transparence du vitr• et les l•sions r•tiniennes.
Figure 3 : Uv‚ite ant‚rieure chez un Chat. La fente pupillaire est partiellement combl‚e par de la fibrine (Clich‚ F.
FAMOSE)
Le diagnostic causal des uv•ites est d•licat et dans certaines circonstances peut €tre li• ‚ la mise en
•vidence d’une maladie g•n•rale. Sur un plan local, l’•valuation d’une uv•ite repose sur
l’•chographie oculaire et la r•alisation de ponctions de chambre ant•rieure ou de vitr•. Le traitement
anti-inflammatoire est une urgence m•dicale et doit €tre mis en place dans les meilleurs d•lais. Il est
lui aussi bas• sur l’utilisation de traitements locaux (collyres, injections intra ou p•ri oculaires) et par
voie g•n•rale. En l’absence de cause identifi•e et dans la crainte d’une infection intraoculaire un
traitement antiinfectieux peut €tre propos•.
Cataracte
Les cataractes correspondent ‚ une opacification du cristallin, lentille r•fractive intraoculaire. Elles
s’accompagnent d’une perte visuelle li•e ‚ la perte de transparence : la lumi…re n’atteint plus la
r•tine. Bien que rarement brutales, les cataractes peuvent malgr• tout €tre observ•es en urgence
chez les jeunes animaux et chez le chien diab•tique oˆ elles peuvent •voluer en quelques jours
(Figure 4).
4. Figure 4 : cataracte diab‚tique chez un Chien. Les lignes de suture du cristallin intumescent commencent ƒ appara„tre.
(Clich‚ F. FAMOSE)
Aucun traitement m•dical ne peut faire dispara‰tre une cataracte. Cependant, une cataracte brutale,
en particulier chez un chien diab•tique, peut s’accompagner d’une augmentation du volume du
cristallin (intumescence) pouvant conduire ‚ la fissuration de son enveloppe et au d•veloppement
d’une inflammation intraoculaire. Une corticoth•rapie locale est alors indiqu•e. Ces cataractes
brutales sont une excellente indication op•ratoire qui ne rel…ve cependant pas de la gestion
d’urgence.
Glaucome aigu
Le glaucome correspond ‚ une d•g•n•rescence du nerf optique puis de la r•tine caus•e par une
hypertension oculaire. L’origine de cette hypertension est un d•faut de circulation et/ou
d’•limination de l’humeur aqueuse dans le globe oculaire, la production restant constante. Les
glaucomes peuvent €tre primaires (1/3 ‚ Š des cas chez le chien) ou secondaires ‚ l’•volution d’une
inflammation oculaire, d’une tumeur intraoculaire ou ‚ un d•placement ant•rieur du cristallin.
L’•valuation du glaucome repose sur la mesure de la pression intraoculaire et de la recherche des
causes de d•faut d’•limination ou de circulation. L’•chographie reste un moyen pertinent d’•valuer
les l•sions intraoculaires.
Figure 5 : Glaucome aigu post-traumatique chez un Chien (Clich‚ F. FAMOSE)
5. Le traitement d’urgence du glaucome, quel que soit sa cause ou son m•canisme, a pour objectif de
ramener la pression intraoculaire dans les valeurs normales. Les moyens sont m•dicaux (perfusion de
mannitol, injection d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion, anti glaucomateux locaux) ou
chirurgicaux (paracent…se de la chambre ant•rieure, lib•ration des syn•chies). L’ex•r…se d’un
cristallin lux• n•cessite un •quipement sp•cialis•.
D‚collements et h‚morragies r‚tiniennes
Au-del‚ des causes traumatiques, les d•collements et les h•morragies de la r•tine peuvent €tre la
cons•quence d’affections g•n•rales infectieuses (Ehrlichiose) ou non (Hypertension art•rielle f•line).
Ces affections s’accompagnent habituellement de l•sions bilat•rales conduisant ‚ la c•cit•.
Figure 6 : H‚morragie r‚tinienne chez un chat atteint d'hypertension art‚rielle (Clich‚ F. FAMOSE)
Le diagnostic repose sur la mise en •vidence du d•collement r•tinien lors de l’examen du fond d’œil
ou par •chographie. La survie de la r•tine visuelle n•cessite une r•application rapide. Celle-ci peut
€tre obtenue dans certains cas par la mise en place d’un traitement sp•cifique (antihypertenseurs
dans l’HTA f•line).
D‚g‚n‚rescence aigue de la r‚tine
Certaines c•cit•s irr•versibles sont dues, chez le chien et le chat, ‚ une d•g•n•rescence soudaine de
la r•tine. Celle-ci se manifeste par une c•cit• bilat•rale brutale, apparaissant en moins de 48 heures.
Ces affections, regroup•es sous le terme de ‹ syndrome de r•tine silencieuse Œ ne s’accompagnent
d’aucune anomalie pr•alable de l’aspect du fond d’œil. Le diagnostic de certitude repose sur l’•lectro
r•tinographie qui montre l’absence de r•ponse r•tinienne ‚ la stimulation lumineuse. Le pronostic
est sombre : il n’existe ‚ ce jour aucun traitement efficace.
C‚cit‚s brutales neurologiques
La c•cit• peut •galement r•sulter d’une affection neurologique. Le nerf optique peut €tre l’objet
d’une inflammation (n•vrite optique) conduisant ‚ la perte brutale de la vision. Le diagnostic repose
sur l’observation de modifications de la papille optique. Le traitement est bas• sur l’utilisation d’anti-
6. inflammatoires st•ro‡diens ‚ forte dose. Ces n•vrites optiques s’inscrivent dans certains cas dans
l’•volution d’affections plus complexes telles que les m•ningo-enc•phalomy•lites. Le diagnostic
repose alors sur des examens compl•mentaires plus sp•cialis•s (ponction de LCR, imagerie
intracr•nienne).
La r•ussite du traitement, dans la pr•vention de la c•cit•, repose, comme dans toutes les situations
d’urgence, sur la pr•cocit• du traitement. Des moyens de diagnostic simples et accessibles
permettent dans la plupart des cas d’•tablir un bilan l•sionnel et un pronostic, ‚ d•faut d’un
diagnostic causal. Sur un plan th•rapeutique, m€me si certaines affections n•cessitent un
•quipement et des comp•tences sp•cifiques, le praticien a ‚ sa port•e des moyens th•rapeutiques
simples qui permettent d’am•liorer les chances de pr•server la vision de l’animal.