Ensuite, on identifie les légumes qui risqueraient de
s’hybrider. Au fur et à mesure, on fait des choix. Il est
primordial de connaître l’identité botanique de la
variété pour éviter qu’elle ne s’hybride et qu’elle perde
ses spécificités (de goût, d'aspect). Il faut connaître
la taxonomie : la famille, le genre, l’espèce. » Sur les
plantes autogames, qui ont pour particularité de
s’autoféconder, pas de risque de mélange de varié-
tés. Pour les légumineuses (haricots, pois, fèves…)
et les tomates, c’est facile. Mais sur les plantes
allogames (fécondation croisée entre deux
individus distincts), ça se complique, et on peut
vite se retrouver avec un sacré mélange ! Il faut
donc être particulièrement vigilant avec les
poireaux, carottes, courges…
LA RÉCOLTE, « UN MOMENT CRUCIAL »
Au potager, Véronique Bonaventure conseille de
ne laisser monter à graine qu’une variété par an
– même si plusieurs sont cultivées pour la consom-
mation. « Le moment crucial est celui de la récolte : il
faut que les graines soient bien mûres car c’est ce qui
conditionne en partie leur durée de vie. Le degré de
maturité, cela s’apprend sur le terrain, c’est concret.
Nous observons les porte-graines, leur couleur parti-
culière, la texture, les graines qui ont tendance à tom-
ber… » Puis vient la pratique des techniques d’ex-
traction, de tri et de conservation : « Par exemple,
MULTIPLIER
LES SAVOIR-FAIRE
EN SAVOIR +
—
Graines de vie,
Conservatoire de Sainte
Marthe, 41200 Millançay.
www.grainesdevie.net
Stage “Produire ses
graines”, les 7 et 8
septembre, au Centre
écologique Terre vivante,
à Mens (Isère) :
centre.terrevivante.org
Semences buissonnières,
coffret de quatre DVD,
de Seedfilm, 50 €,
www.seedfilm.org
Produire ses graines
bio, de Christian Boué,
éd. Terre vivante,
272 p., 27,40 €.
Devant la nécessité de faire vivre un patrimoine de semences
de variétés locales et traditionnelles, des savoir-faire
particuliers sont à acquérir pour produire et conserver
les graines. Associations et particuliers s’engagent
dans la transmission de ces connaissances.
Face au flou législatif qui entoure
la vente des semences anciennes, les
associations et les particuliers ont
toute liberté pour agir en faveur de la conserva-
tion et la diffusion des semences potagères et
fruitières locales et/ou anciennes. Comment ? En
les partageant ou en les échangeant. Mais pour
cela, il faut savoir les produire et les conserver.
Le mouvement Graines de vie, initié par l’as-
sociation Intelligence verte, en partenariat avec
le Conservatoire de la Ferme de Sainte Marthe,
a mis en place une action très inspirante. Un des
axes du projet est de démocratiser l’art de la repro-
duction et de la conservation des semences tradi-
tionnelles comestibles en formant gratuitement
des “Ambassadeurs de la biodiversité” qui s’enga-
gent à transmettre leurs connaissances dans leur
réseau à au moins trente personnes. Depuis 2015,
elles sont 360 à avoir été formées.
Ces stages de deux jours se déroulent au Conserva-
toire des variétés anciennes de Sainte Marthe, en
Sologne. Véronique Bonaventure assure la trans-
mission. Théorie le matin, pratique l’après-midi.
« Le plus complexe pour les participants est de com-
prendre le principe d’hybridation, explique-t-elle.
Nous faisons, par exemple, un exercice théorique qui
consiste à créer un potager imaginaire et d’y mettre
tous les légumes qu’on souhaiterait y voir pousser.
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SEMENCES
DOSSIER
TEXTE PERRINE DUPONT
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nettoyer à l’eau des graines d’alliacées (ail, oignon, poi-
reau), de tomates, d’aubergines, de laitues, de certaines
fleurs. Il y a la technique de battage, de tamisage ou
encore la technique “au vent” : par inertie, les bonnes
graines tombent au sol et les débris et les mauvaises
graines s’envolent. Il est facile d’avoir rapidement
des graines propres ».
Véronique Bonaventure insiste sur la richesse du
patrimoine génétique : « Dans la nature, les plantes
poussent à plusieurs ». C’est pourquoi elle préconise
d’avoir plusieurs porte-graines de la même variété
pour favoriser “le brassage de pollen”. Pas toujours
évident de garder plusieurs pieds de choux pour les
graines dans un petit jardin de particulier, d’autant
que la quantité de graines sera considérable – de
2 000 à 5 000 par pied ! La solution : « Se regrou-
per. J’oriente les gens pour qu’ils se mettent en réseau
et fassent des jardins de semences ».
Ainsi le savoir est transmis, avec les bonnes idées.
Parmi ces ambassadeurs de la biodiversité, Carole
Devesa, présidente de l’association Graines de Oaï,
à Gignac-la-Nerthe (13) qui a suivi la formation
en octobre 2017. Depuis, elle a donné deux confé-
Ci-dessus
–
Le purin de consoude
soutient la croissance
et la floraison des rosiers
en cours de saison,
ainsi que la production
des légumes fruits
(tomates, concombres,
melons, etc.).
Page de gauche
—
Utilisez le bicarbonate
de soude de mai
à août contre tous types
d’oïdium, le mildiou
de la tomate, etc. Il bloque
le développement des
champignons. Attention,
ne dépassez jamais
la dose recommandée !
rences et formé cinq animateurs municipaux qui
gèrent un petit jardin pédagogique. Une graino-
thèque est en place. « En un an, j’ai fait des actions
de sensibilisation qui ont concerné une centaine
de personnes et j’en ai formé vingt, détaille Carole
Devesa. Il est important pour moi de transmettre car
c’est une réponse aux enjeux de sécurité et de souve-
raineté alimentaires, aux enjeux climatiques. ». Et
ce ne sont pas que des mots : « Nous donnons des
cours de jardinage une fois par mois et nous semons
uniquement des semences paysannes. En mars, notre
projet phare, la création d’un jardin de semences,
va se concrétiser ».
Pour d’autres, les actions ne sont pas formalisées,
mais font partie du mode de vie, comme pour
Jenny Lhoir, en Charente. Elle a déjà transmis à ses
quatre enfants, qui sont instruits à la maison, et à
une cinquantaine de personnes, enfants et adultes,
sans cadre, au fil du temps et des échanges… et
ce n’est qu’un début. Jusqu’ici, grâce à ce projet,
360 multiplié par 30 devrait donner 10 800 per-
sonnes sachant multiplier les variétés locales.
Et combien de graines semées ? ●
GRAINESDEVIE
—
Véronique Bonaventure,
au centre avec des
lunettes, anime les stages
au Conservatoire des
variétés anciennes de
Sainte Marthe, à Millançay
(Loir-et-Cher). Ici entourée
par les stagiaires, elle
explique le nettoyage,
à l'aide d'un tamis,
des graines de livèche
récoltées en fin d'été.
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