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L’histoire a commencé en Afrique il y a 5 ou 6 ans….
Athoumane Niang est un Sénégalais, professeur de Mathématiques à l’Université de Dakar, père
de famille et citoyen de Pikine, quartier périphérique de la capitale, qui souffre depuis qu’il est
petit de voir l’eau couler chez lui chaque fois qu’il pleut… le plafond de sa maison est comme
une passoire.
Pendant la saison humide, qui dure à peu près 3 mois, les habitants se réfugient debout dans les
rares zones des pièces qui restent sèches… ils vivent comme ça jusqu’à ce que ça se calme.
Le problème concerne la majorité des habitants de cette zone.
Athoumane, de la caste des Griots et musulman, se doit d’aider son prochain, famille, voisins...
Créer une petite unité de production de tuiles lui sembla être un bon moyen d’aborder un double
problème.
L’étanchéité des toits en fabriquant des tuiles et procurer du travail à ses proches qui en ont be-
soin.
Homme de courage, Athoumane a toujours aimé les challenges. Il a déjà travaillé durement pour
décrocher ses deux doctorats, tout en s’occupant financièrement de sa famille. Il se sent capable
de réaliser ce nouveau projet.
Pendant cinq ans, il va chercher des informations sur l’argile et ses différents traitements en rê-
vant qu’un jour il trouvera un associé adéquat.
C’est au cours d’une de ces recherches que le hasard nous mit en contact.
Alors qu’il était en France pour passer sa deuxième thèse en mathématiques à l’université de
Montpellier, Athou est venu à ma rencontre dans mon atelier de céramique à Mourèze. C’était en
Juin 2005.
Il m’expliqua qu’il recherchait un partenaire pour l’aider à monter la structure qui servirait à fa-
briquer des tuiles au Sénégal.
Les personnes susceptibles d’y travailler, me dit-il, ne connaissaient rien à l’argile mais étaient
très motivées pour apprendre.
Sa proposition me parut un peu folle mais intéressante, aussi acceptai-je de l’aider dans la me-
sure de mes moyens et tout se mit en place assez rapidement.
Athou devant rentrer à Dakar après sa soutenance de thèse, mi-juillet, nous n’avions que quel-
ques jours pour mettre au point le démarrage du projet.
(Je me faisais une idée de l’Afrique grâce aux descriptions que m’en faisait Athou, mais j’imagi-
nais bien que ce serait très différent de visu).
Pour me déplacer là-bas quelques semaines, je devais mettre en suspens mes commandes en cours
et laisser mes enfants Eléa, Mattéo et Camille à la charge de ma femme Sophie.
Athoumane Niang
Vue de toitures à Pikine
Vue d’une rue de Pikine
Toit d’une case recouvert de végétaux
Pour travailler dans de bonnes conditions, j’ai suggéré d’importer un minimum de matériel.
Il fallait ramener de la fibre réfractaire pour créer les parois de l’indispensable four à céramique,
un brûleur à gaz pour l’alimenter et une sonde de température précise pour réaliser différents tests
qui permettraient de chercher la meilleure composition d’argile possible.
Tout le reste était à construire et à adapter sur place.
Une fois rentré chez lui, au mois d’août, Athou me prévint qu’il avait acheté un terrain à Miname
près de Thiès, à 70 km au nord de Dakar.
Le village est situé dans une zone où l’on peut trouver de l’argile.
Une caste du village confectionne des poteries destinées à recevoir les braises servant à consumer
le « tchouraï » (encens local) :
Ce sont de vastes pots, cuits à ciel ouvert avec de l’herbe sèche, mais peu résistants et ne pouvant
pas contenir de liquide ni être exposés à la pluie.
En septembre, Athou m’envoya mon billet d’avion et je me préparai pour le challenge : former, en
un mois, une équipe autonome, capable de produire des tuiles.
En Afrique, cela semblait pour moi un pari un peu audacieux…
Je pris mon envol le 25 septembre.
À l’arrivée à Dakar, la chaleur ne me surprend pas mais l’ambiance qui règne dans la capitale à
cette heure tardive me déboussole un peu… J’observe par la fenêtre de notre voiture (elle peut en-
core rouler!) les abords des rues que nous empruntons, il y a des gens partout !
Notre chauffeur, As, évite les trous sur la chaussée, les flaques d’eau impressionnantes et les em-
bouteillages, en roulant comme il peut, zigzaguent de la route aux « trottoirs » en évitant les pié-
tons.
Je vais loger dans un premier temps chez Athoumane, dans le quartier populaire de Pikine.
Sa famille m’accueille avec beaucoup de chaleur. Athou me fait un « état des lieux » du projet, me
décrit Miname et projette de satisfaire ma curiosité en m’y conduisant dès le lendemain.
Le trajet vers Miname me donne un premier aperçu de l’état de ce pays. 24 heures après avoir quit-
té la France… ça laisse songeur.
Le voyage dure environ deux heures pour une distance de 70 km; il faut éviter les trous, la police,
les flaques d’eau, les piétons, les charrettes… bref, une sorte d’épopée africaine.
As, notre chauffeur, le
frère de Athou.
Athoumane
Sur la route, à l’heure chaude.
Paul, futur potier et gardien du site, le
frère cadet d’Athou.
La voiture de As.
Cour intérieure d’une maison de Griots
À Miname.
Première semaine...
Dès mon arrivée à Miname, quelques kilomètres de piste après la grande route, on me présente aux
Griots (la caste des historiens et musiciens). Ces gens, fascinés par la présence inhabituelle d’un
blanc, français de surcroît, m’offrent leur plus beau siège pour m’asseoir et me remettre du
voyage… ils me préparent du thé...
L’ambiance est joyeuse et les rues du village sont pleines de vie.
Les gens déambulent affairés et tranquilles… c’est très agréable et même rassurant.
Je me sens à l’aise.
Le site se trouve en bordure du village et mesure environ 35 x 25 mètres.
Il est entouré d’une palissade en palmes qui a été fabriquée à Mboro, une ville proche.
Il y a deux cases, construites en palmes, qui sont équipées de deux banquettes-lits, elles aussi en
tiges de palme…
C’est donc là que je vais dormir pendant mes séjours au village.
L’intérieur est bien ombragé et très typique surtout une fois la moustiquaire installée... Le dépayse-
ment est complet !
Sitôt mes bagages posés, je m’empresse de tâter l’argile local.
Quelques personnes du village m’accompagnent jusqu’aux trous d’eau où l’argile se dépose par
décantation. On la trouve en couches fines, séparées par du sable.
Elle n’est pas pure et contient des végétaux…
Poussées par la curiosité, des femmes se rapprochent.
Paul, mon accompagnateur et traducteur, explique en wolof la raison de ma présence… à priori,
personne ne parle français.
Contentes et surprises de voir un blanc s’intéresser à leur travail, les potières me proposent de me
montrer comment elles travaillent l’argile.
J’assiste à la réalisation d’une poterie et suis fasciné par la dextérité de ces artisans créant sans au-
tre outil que leurs mains, un petit bout de fil de fer rouillé et une gamelle d’eau percée et toute bos-
selée. Ces femmes modèlent à la motte d’argile des pots de trente centimètres de diamètre, à la
forme et l’épaisseur régulières et esthétiques.
Elles m’expliquent qu’elles cuisent avec de l’herbe séchée, qu’elles ont du mal à faire monter la
température et qu’elles cherchent à éviter d’avoir trop de noir sur les pots après cuisson.
Il y a trente ou quarante personnes autour de moi, accroupi à me regarder … ce sont surtout des
enfants et la majorité n’a jamais vu d’homme blanc qu’à la télévision.
La première pièce réalisée, nous avons fait connaissance.
Le groupe qui m’entoure me suit jusqu’au petit chemin qui mène à ma case en chantant une chan-
son africaine… je suis vraiment très troublé.
De retour sur le site, je me plonge immédiatement dans mon livre de céramique afin d’échafauder
une façon d’améliorer l’argile avec les moyens du bord.
Paul dans la case.
La fine équipe d’à côté.
Aux abords de Miname, un champ
d’arachide.
Mamor, très heureux d’être pris en photo.
Les tessons de pots cuits que j’avais recueillis sur les zones de cuisson se révèlent effectivement
trop fragiles pour un usage courant.
Peut être que cette argile n’est pas suffisamment cuite.
Je décide donc de mettre les tessons à cuire à 1030°C dans un four de fortune mais ils n’ont pas
meilleur aspect : ils sont friables comme du biscuit…
La pâte me semble trop sableuse.
Je fais décanter dans des seaux d’eau l’argile récupérée au bord de la mare. Par filtrage, on peut
éliminer une partie du sable et des impuretés et obtenir des échantillons plus solides et plus faciles
à modeler.
Les jours suivants, j’initie mes compagnons au travail de l’argile.
Athoumane, Mamor et Paul se prêtent avec plaisir au jeu de malaxer de belles balles de terre. Ils
en auront des courbatures …
Les tessons recuits et broyés nous servent de chamotte que nous intégrons en quantités variables à
l’argile pour préparer des échantillons.
Comme on ne sait rien des minéraux qui nous entourent, on concasse tous ceux qu’on trouve et on
les ajoute ponctuellement à notre base.
Ce travail va « tomber à l’eau » au cours de la dernière nuit de cette première période…
Un violent orage balaiera et inondera copieusement nos plaquettes-tests…
Tout est à refaire.
Pour travailler sur un espace hors sable, nous coulons une dalle en béton et nous profitons de la
présence de notre chauffeur pour aller à Mboro faire construire le pied du four.
Notre objectif du week end sera de nous moderniser un peu.
Nous compulsons les documents sur le travail de la terre dont nous disposons pour réaliser des ou-
tils adaptés... avec nos moyens et un minimum d’argent.
A Dakar, il faudra trouver le matériel nécessaire à la fabrication d’un petit four pour les essais et
d’un grand four pour la production à venir, ainsi qu’à
l’installation d’un atelier avec une table, de la lumière...
bref, trouver de quoi travailler le bois, le métal, l’électri-
cité…
Une fois rentrés de Miname, Athoumane m’emmène
faire un tour dans la ville à la découverte de l’inépuisable
ingéniosité sénégalaise.
Cela ne ressemble à rien que je connaisse… J’ai l’im-
pression d’évoluer dans un grand chaos… Mais, comme
on se comprend, les idées naissent.
Je dessine les plans d’un tour à pied pour l’argile, d’un
compost pour les déchets biodégradables et d’une presse
pour travailler à partir de moules.
Athou imagine diverses commodités pour le site et on
achète les pointes à la pièce et des outils d’occasion bri-
colés de bric et de broc qui sont souvent plus solides que
des neufs… On se débrouillera.
Pots traditionnels de Miname en cours de séchage. Hamed au pilon.
Moustapha travaillant sur la dalle en béton.
Préparation de l’argile.
Comment malaxer sans emprisonner d’air.
Par ailleurs, je profite de ce court séjour à Dakar pour découvrir les plaisirs gastronomiques et pi-
mentés de délicieux plats traditionnels africains concoctés pendant des heures par Mame dans l’am-
biance chaleureuse de la famille d’Athou, au milieu de Pikine.
Au téléphone, ma femme et mes enfants m’encouragent à continuer mon travail et je me sens prêt à
repartir quelques jours à Miname, pour la deuxième semaine.
Aussi, j’arrive à diriger le regard d’Athou sur l’authenticité du village de Miname et je le convainc
de revoir le projet de construction de la tuilerie.
Pour ne pas détériorer le site de Miname, je propose d’y mettre en place plutôt atelier de poterie et
un complexe de réflexion et de recherche pour les universitaires, et installer la tuilerie près de Dakar
où l’argile abonde dans un décor d’usines.
Deuxième semaine.
Le coffre rempli d’instruments et d’outils, de planches et de sacs, la voiture repart sur les chemins de
Miname, As au volant, la musique sénégalaise à fond.
Recroquevillé sur la banquette arrière pour échapper aux décibels des haut-parleurs derrière ma tête
et aux effluves de pollution, je reste curieux de tout sur mon passage :
Stations d’essence bondées de vendeurs de fruits, poissons, serviettes, encens… voyageurs de tous
âges, vêtus de couleurs vives, en attente d’un véhicule... Panorama bordé de baobabs et d’herbes sau-
vages composant un authentique paysage d’Afrique .
Miname a séché depuis l’orage et Paul (le petit frère d’Athou qui garde le site) a fait nettoyer une
partie du terrain pendant notre absence… les innombrables morceaux de verre, de plastique d’embal-
lages ou d’habits qui jonchaient le sol ont été ramassés et jetés dans une fosse en attendant une idée
pour un éventuel recyclage.
Le site prend forme mais il reste beaucoup à faire.
Je commence par fabriquer un four à l’aide d’un demi tonneau en métal pour l’expérimentation et y
place les plaquettes-tests lavées par la pluie…
Les résultats ne sont pas satisfaisants… Il nous faudra réaliser d’autres plaquettes et accorder davan-
tage d’attention à la décantation de l’argile et à son traitement.
De plus, pour améliorer nos conditions de travail, il nous faudrait une table solide et capable d’ac-
cueillir au moins 5 personnes.
Une épaisse dalle en béton de 3 m. x 1,50 m. posée sur des briques sera notre solution.
Nous travaillons toujours sur la qualité de l’argile et cherchons de nouveaux sites d’extraction autour
du village.
Il faut décanter et tamiser les différents échantillons et piler les pierres de la région dans le but de
trouver, par associations, la composition idéale de la pâte d’argile.
Les plaquettes annotées aux proportions des différents mélanges sont mises à sécher en attendant la
cuisson. Le suspens est à son comble… Trouverons-nous la bonne composition?
Pendant ce temps, j’explique à mes compagnons les techniques du moulage au plâtre. Il faut imagi-
ner des stratagèmes pour remplacer les produits démoulants et pour former les bacs de moulage : on
se sert de sable, de journal et d’argile...
En début de semaine, nous construisons le plateau de la table (qui pèse une demi-tonne).
Le coffrage se fait au sol, creusé dans le sable. Il faudra laisser tirer le béton quelques jours avant de
manipuler cette dalle, sinon elle casserait.
Emmanuel Cometto…le toubab
au chapeau. Découpage du fût pour le four à essais.
Le four à essais fini sous le pied du fu-
tur grand four.
Par ailleurs, je suis prévenu de l’arrivée de la période du Rama-
dan. Ce sera dur pour tout le monde car il ne sera plus possible de
boire ni de manger pendant tout le jour…
Je ne ferai pas l’expérience du jeûne. Les températures de la se-
maine sont élevées (parfois 42°C à l’endroit le plus frais du site)
et ici, les microbes et virus guettent les sujets faibles pour se dé-
velopper. Je mettrais ma mission en péril.
En parallèle, je suis invité régulièrement à manger dans les diffé-
rentes familles du quartier et il m’arrive parfois de manger dans
deux ou trois familles au même repas…
Nous mangeons de la main droite, tous dans le même grand plat
(8 à 10 personnes). Le plat unique est en général composé de
poisson et de riz avec un peu de légumes.
Le mil et les arachides sont consommés en dehors des repas et les
fruits, étonnamment rares et chers, sont réservés pour les événements particuliers.
Nous avons rendu visite au chef du village, Job, et le projet en cours de réalisation, ainsi que la pré-
sence du toubab (homme blanc en langue Wolof) en chair et en os, l’enchantent...
Il nous rendra bientôt visite.
Il est déjà temps de faire la pause à Dakar.
Hélage, alias As, vient nous chercher avec son véhicule et nous abandonnons nos plaquettes en sé-
chage pour prendre la route… J’aime bien l’air de Miname, mais je suis très impatient de téléphoner
à Sophie et à mes enfants.
Au cours cette pause de trois jours, Athou me propose de rencontrer des artisans dans un quartier
particulier de Pikine.
Dans des rues bordées de centaines de voitures dans tous les états possibles, de toutes marques, avec
ou sans carrosserie, on trouve des centaines de cabanons proposant toutes sortes de réparations.
Des tas de gens aux habits souvent noirs de cambouis sont là, occupés à travailler ou à boire du thé, à
dormir et à discuter au milieu d’amas de pièces détachées, d’épaves et de voitures en réparation.
Nous cherchons un homme en particulier. Athou ne l’a pas vu depuis deux ans… A première vue, la
tâche semble difficile, mais des gens nous guident et, dans ce lieu incroyable, nous parvenons à le
trouver !
Ma claire présence interpelle…d’autant plus que je porte un beau boubou blanc ( je ne savais pas
qu’on allait visiter un immense garage-auto !).
Le but de cette excursion est de trouver le nécessaire pour fabriquer la base du tour à pied.
Il faut trouver les matériaux, expliquer le schéma et donner des cotes; trouver le soudeur, négocier
les prix et conclure… quelques demi-heures suffiront…
Pendant tout ce temps, je goûte à l’ambiance du site… les gens sont souriants et relax, des affaires se
discutent de ci de là, et je remarque que, sous les dehors d’un gigantesque « souk », tout est méticu-
leusement trié et rangé. L’ espace fait défaut mais le patron du cabanon sait exactement ce qu’il a en
stock et comprend très vite ce dont nous avons besoin.
Le travail sera fait pour le lendemain.
Nous continuons notre marché en achetant une paire de fûts propres qui nous serviront de poubelle et
de compost.
C’est l’heure de la sieste...
Il fait trop chaud même pour Aram Lo
Un plan d’arachide : on voit les cacahuettes à la racine.
Trois kilomètres plus loin, après avoir longé le bord de mer,
dans la zone où on sèche le poisson (très impressionnant là
aussi), nous allons faire fabriquer un mortier et pilon chez
un sculpteur… là aussi, le travail sera fait pour le lende-
main. J’ai remarqué que l’artisan travaille avec des outils sé-
culaires.
Nous rentrons nous reposer car le Ramadan a commencé et
la chaleur écrasante fatigue vite (surtout ceux qui ne boivent
pas).
Le lendemain, je décide d’accompagner Athou à ses cours
de mathématiques aux élèves de l’école supérieure de télé-
communication de Dakar. Nous en profitons pour essayer
de trouver des informations sur l’argile sénégalaise à l’uni-
versité.
Nous empruntons les transports en commun de Dakar : un
périple qui dépasse de loin nos pires expériences en matière
de transports en commun français… Il faut partir très tôt pour être à l’heure au travail…
Ne comprenant rien aux mathématiques du jour, je profite de l’ambiance studieuse et exotique de
la classe pour avancer dans mes investigations sur l’argile.
Dans mes livres, je recense les matières premières de la région à la recherche de celles qui pour-
raient servir d’additif pour notre argile trop grasse et encore trop cassante à la manipulation.
Entre midi et deux heures, nous essayons de rencontrer un spécialiste en géologie à l’université,
mais le chercheur en question est parti aux États-Unis et ne sera de retour que dans six mois !…
Nous ne pouvons donc compter que sur nous-mêmes et devons continuer nos essais. Aussi som-
mes-nous impatients de voir le résultat de la cuisson de nos plaquettes à Miname.
Nous allons récupérer nos commandes; les pièces sont parfaitement réalisées.
Nous voilà parés pour une nouvelle semaine d’aventures et de découvertes.
Troisième semaine
À peine arrivé à Miname, j’enfourne nos plaquettes-tests.
La cuisson se passe de nuit. Le four sera éteint vers quatre heures du matin. Pendant ce temps,
nous nous penchons sur la réalisation d’un amphithéâtre dans un grand creux du terrain proche de
la partie-atelier du site.
Le sol est constitué de sable fin et compact. Avec du courage et une bonne pelle (on en a acheté
une à Dakar), on pourra facilement sculpter la forme. De ma vie, je n’avais jamais pelleté après
minuit !
Le travail avance bien car il ne fait pas trop chaud.
Le lendemain matin, je m’empresse d’aller ouvrir le four pour voir nos échantillons.
Les tests sont bons. Me voilà soulagé !
Le travail que nous avons fait est cohérent, les plaquettes sont solides. En rayant chaque morceau
avec un objet métallique pointu, on peut en comparer la dureté et choisir les meilleurs.
Les jours suivants sont consacrés à l’aménagement du site, à la fabrication de moules en plâtre et
au travail de la terre.
La case à Manu avant le nettoyage du terrain.Des plaquettes au séchage.
Fonte de métal en direct.. On peut en
faire plein de choses comme des outils
ou des ustensiles de cuisine.
On procède avec des moules en sable.
Point d’eau…
Tout le village vient s’y approvi-
sionner (les autres points d’eau
étant à sec).
Parfois il y a des problèmes d’eau,
alors on fait la queue jusqu’au soir
pour pouvoir remplir les bidons de
l’essentiel.
L’organisation du temps est assujettie à des contraintes telles que la chaleur et la fatigue.
A la mi-matinée, au réveil, on commence par faire les travaux d’installation comme la réalisation,
en béton, du pied de la table ou la confection d’étagères en briques…
Le jeûne fatigue vite et le soleil plus chaud vers midi nous oblige à rester à couvers. Nous travail-
lons alors la terre sur notre nouvelle table.
La grande pause se fait l’après-midi à l’ombre d’un arbre… J’en profite pour me joindre aux
groupes de gens qui discutent, dorment ou se tressent mutuellement les cheveux, pour m’impré-
gner de la vie et de la culture traditionnelle de cette région.
Une leçon passionnante qui me permet, en outre, de mieux anticiper sur la manière adéquate de
dispenser mon enseignement… et de réaliser que rien ne se fera ici sans que les gens l’aient choi-
si et adopté de leur propre initiative.
Le soir, vers 19 heures, les musulmans font la «coupure»... Un moment très convivial de la fin du
jeûne où chaque jour, à peine le soleil couché, nous nous rassemblons sur une natte autour d’un
appétissant «petit déjeuner», composé de sandwichs au beurre, aux saucisses en boîte ou au cor-
ned-beaf et accompagné de délicieuses boissons : tisanes quinquéliba, café touba et infusions de-
bissap (calice d’hibiscus).
Une fois rassasié, il faut bien une ou deux heures avant que tout le monde se remette en route
pour la deuxième partie de… la nuit.
Elle est réservée aux gros travaux de terrassement à la pelle et à la manutention des briques lour-
des. Nous commençons à construire l’amphithéâtre.
La fraîcheur de la nuit rend le travail plus facile, mais il faut faire attention à ne pas marcher sur
un scorpion... surtout que la lumière est faible.
Les voisins nous apportent à manger vers 23 heures.
En plus du repas que nous avons commandé, certains habitants du village nous offrent des por-
tions de leur propre plat… c’est copieux et délicieux.
Le travail se prolonge souvent jusqu’aux aurores (mais pour moi rarement après trois heures du
matin).
En cours de semaine, on travaille sur des moulages de volumes simples.
Les tasses réalisées sont encore grossières. Cependant, la première de ces ébauches, à peine sortie
du moule, provoque la stupéfaction de tous. Applaudissements enthousiastes !
Elle est un peu épaisse, mais elle est là, devant eux, symbole d’un pari réussi.
En parallèle, nos recherches sur la qualité de la pâte destinée à la réalisation de plaquettes se font
maintenant avec une balance : on gagne en précision.
Tout le monde est à son affaire et les techniques commencent à être maîtrisées.
Vu la motivation de chacun, le projet commence à prendre une réalité ; je suis bien content.
Malgré tout, ma famille me manque et j’ai hâte de l’entendre au téléphone.
Il est temps de rentrer à Dakar.
Le week-end me permet de me reposer et de me projeter dans la semaine à venir.
Je dois faire en sorte que l’équipe puisse être autonome et se sente capable de mener le projet à
son terme après mon départ.
Tout est prêt pour la coupure
chez Athou et Mame.
Nous attendons le signal à la
télé pour commencer à man-
ger.
Préparation du repas… le tié boudieun
volumes simples en argile qui voisinent
avec une sculpture des enfants!
J’en profite également pour en-
quêter sur la cuisine familiale
en suivant les étapes de la pré-
paration du soulour m’bala.
C’est un délicieux plat au riz et
au poisson, mais différent du
traditionnel thiéboudien.
Nous avons aussi le plaisir de
faire la connaissance de M. Ga-
kou à qui je devais faire une
commission de la part de mes
amis de Radio Pays d’Hérault.
Propriétaire d’une fabrique de
pommes-chips à Dakar, il est
séduit par notre entreprise et
propose de nous aider à placer notre future production sur le marché local. C’est formidable !
Aucun de nous ne s’est préoccupé de cette facette du projet mais il n’est pas à négliger.
J’assiste aussi à la rentrée scolaire des enfants : c’est un peu comme en France mais en version
africaine… ils sont tout beaux tout neufs.
La quatrième semaine nous attend, et c’est parti pour la dernière ligne droite.
Quatrième semaine.
Athou a préparé de quoi faire une fête pour le quartier des Griots à Miname, et on a apporté sur
place son ordinateur portable afin de montrer les photos prises durant le séjour.
J’espère qu’il tiendra le coup avec le sable… Le « mini-disc » et la caméra 8mm que j’avais em-
portés avec moi n’y ont pas survécu plus de quelques jours.
« Adios » les interviews que je comptais faire…
Les activités de cette semaine se déroulent comme pendant la précédente avec du modelage, du
malaxage, du concassage, des pesées... Mais certains autres travaux restent à réaliser.
Il faut terminer le montage du grand four, ainsi que du tour, et construire la presse avec son dispo-
sitif de moulage…
-Le tour a besoin de plus de plâtre à sa base, et après cette mise au point, l’outil « tourne » enfin à
pleine efficacité. On peut faire des merveilles avec peu de choses !…
-Le grand four devait initialement être installé de manière à pouvoir fonctionner avec divers com-
bustibles. Notre objectif était d’utiliser le gaz, en attendant de mettre au point un combustible à
base d’écorces d’arachide de production locale… Une autre manière de retraiter des déchets…
L’idée était de fabriquer des briquettes de coquilles d’arachide en les agglomérant avec la sève
d’un arbuste présent partout dans la région… L’arachide a un pouvoir calorique élevé ( davantage
encore que le chêne), ce serait donc une bonne alternative au gaz.
Comme nous n’avons plus assez de temps pour travailler cette technique, on décide de faire un
four à gaz juste pour cuire la céramique et pour essayer les briquettes, et de construire aussi un
four à pain avec des briques et du sable.
Le travail sur notre grande table
Construction de la presse
Le four à pain à bois
Le four à céramique mixte : bois ou gaz
-Enfin, la presse sera destinée à réaliser des objets assez plats tels que des briques ou
des assiettes à démouler immédiatement. Son procédé consiste à se servir d’argile à
peine humide et à la presser dans des moules.
Elle sera réalisée en béton à l’aide d’un coffrage. Le vérin sera un cric de voiture qui
pourra fournir facilement une tonne de pression.
Les tests seront effectués plus tard car, avant de mettre du béton sous pression, il fau-
dra attendre plusieurs semaines.
...La fête a lieu chez nos voisins et l’ambiance est survoltée.
Sur l’ordinateur, branché dans une maison, les images défilent en diaporama : le bon-
heur des petits (comme des grands) qui se découvrent à l’écran fait plaisir à voir.
En fin de semaine, nous nous réunissons pour faire un bilan complet de notre aven-
ture : événement à la fois inédit et extraordinaire que cette réunion, où chacun va pou-
voir prendre la parole pour exprimer son vécu et le degré de son engagement dans l’a-
venir du projet.
Nous planifions ensemble les tâches de chacun pour la poursuite de notre entreprise.
Mes collègues se déclarent unanimement ravis de ma prestation et souhaitent vivement
me voir revenir travailler avec eux.
Seul petit bémol de mon ami Tapha (musulman qui vit à l’hymne de sa foi) : il m’en-
gage à faire preuve de plus de « religiosité » dans ma vie quotidienne.
Athoumane confirme que j’ai brillamment rempli ma mission et m’engage à laisser
tomber mon travail en France pour m’installer à Miname…
Enfin, je suis rassuré. Les outils que j’ai pu fournir à ces gens sont simples et je pense
qu’ils sont adaptés à leurs compétences.
Le groupe de travail semble suffisamment solide pour continuer à progresser dans la
maîtrise du travail de l’argile après mon départ.
Mon aventure en Afrique touche à sa fin et il me faut dire au revoir aux gens de Mi-
name.
Ce sera pour moi l’occasion de voir une réunion au sommet à la mode du Sénégal, lors
de ma visite au chef Job :
Au centre du village, non loin de la Mosquée, le chef et les anciens palabrent, allongés
sous un arbre touffu…
L’arrivée dans le groupe est très cérémonial. Je m’installe sur une natte aux côtés du
frère de Job… qu’on appelle lui aussi Job, et je tente de répondre aux questions qu’on
me pose en wolof… mes réponses en wolof provoquent les rires mais, sous l’amuse-
ment et la bonne humeur, affleurent l’intérêt et le sérieux avec lesquels chacun écoute
les explications d’Athou. Nos interlocuteurs accordent un grand crédit à ma participa-
tion à cette entreprise et ne seront rassurés que lorsque je me serai engagé à rester en
contact avec eux et à revenir.
Lors des adieux, mes voisins expriment beaucoup d’affection et de regret de me voir
partir, mais mes pensées sont tournées vers Sophie et mes enfants… J’ai hâte de les re-
trouver.
Le tour confectionné à partir de bouts de voitures... La presse en béton actionnée par un crick.
C’est un atelier
vivant!
Avec des jardiniers...
Et aussi… Moustapha, chef d’atelier, en pleine mé-
ditation.
Mon rôle en France sera de soutenir le projet de mes conseils et, si possible, de continuer dans
mon atelier de Mourèze l’enseignement de la céramique au chef d’atelier, Moustapha Seck.
La mise en relation des écoles de Brignac et de Miname est amorcée : le directeur a téléphoné pour
dire qu’il envoyait une lettre en réponse aux questions posées par les enfants français ainsi que des
photos numériques de son école…
J’ai écrit ce récit sur quatre semaines après être rentré chez moi.
Je suis en contact permanent avec le Sénégal; Moustapha vient d’emménager au centre, le travail
continue comme prévu et la production s’affine.
Nous communiquons par téléphone, par la poste et par Internet…
Le pari de créer, en un mois, un atelier de production d’objets en terre cuite avec des néophytes de
l’argile a été tenu et gagné, avec une dépense de moins de deux mille euros en tout, mon billet d’a-
vion compris. Désormais, grâce à cette technique de fabrication de tuiles,on peut espérer être un
peu plus à l’abri quand ce sera la saison des pluies.
Je remercie Athoumane Niang, réalisateur du projet, pour son audace à essayer l’impossible;
Mame sa femme qui m’a chouchouté en prétextant que j’étais l’invité… même au bout d’un mois;
La famille d’Athou, son frère, sa sœur, ses parents, ses enfants, leurs amis pour leur très chaleu-
reux accueil… une auberge à recommander!
Moustapha, artiste, cousin d’Athoumane, qui est le chef d’atelier et passionné par les possibilités
de créations qu’offre la céramique.
Hélage, alias As, frère d’Athou, as de la conduite qui nous a patiemment véhiculés partout en es-
sayant de m’apprendre, musique à l’appui, des rythmes de percussions Sénégalaises;
Paul, le frère d’Athou, mon guide touristique et le gardien du site, ainsi que Hamed, pour leur gen-
tillesse;
Les habitants de Miname pour leur hospitalité, leur accueil, leur bonne humeur, leur savoir vivre…
j’ai connu chez eux de vrais moments de bonheur. Waw! ……..(ça veut dire oui en wolof).
Une équipe du tonnerre!
Des groupies déchaînées,
Et l’auteur…
Emmanuel Cometto
Avec des fans,
Dans un véritable chantier.

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Le récit incroyable de la création d'une poterie au Sénégal

  • 1.
  • 2. L’histoire a commencé en Afrique il y a 5 ou 6 ans…. Athoumane Niang est un Sénégalais, professeur de Mathématiques à l’Université de Dakar, père de famille et citoyen de Pikine, quartier périphérique de la capitale, qui souffre depuis qu’il est petit de voir l’eau couler chez lui chaque fois qu’il pleut… le plafond de sa maison est comme une passoire. Pendant la saison humide, qui dure à peu près 3 mois, les habitants se réfugient debout dans les rares zones des pièces qui restent sèches… ils vivent comme ça jusqu’à ce que ça se calme. Le problème concerne la majorité des habitants de cette zone. Athoumane, de la caste des Griots et musulman, se doit d’aider son prochain, famille, voisins... Créer une petite unité de production de tuiles lui sembla être un bon moyen d’aborder un double problème. L’étanchéité des toits en fabriquant des tuiles et procurer du travail à ses proches qui en ont be- soin. Homme de courage, Athoumane a toujours aimé les challenges. Il a déjà travaillé durement pour décrocher ses deux doctorats, tout en s’occupant financièrement de sa famille. Il se sent capable de réaliser ce nouveau projet. Pendant cinq ans, il va chercher des informations sur l’argile et ses différents traitements en rê- vant qu’un jour il trouvera un associé adéquat. C’est au cours d’une de ces recherches que le hasard nous mit en contact. Alors qu’il était en France pour passer sa deuxième thèse en mathématiques à l’université de Montpellier, Athou est venu à ma rencontre dans mon atelier de céramique à Mourèze. C’était en Juin 2005. Il m’expliqua qu’il recherchait un partenaire pour l’aider à monter la structure qui servirait à fa- briquer des tuiles au Sénégal. Les personnes susceptibles d’y travailler, me dit-il, ne connaissaient rien à l’argile mais étaient très motivées pour apprendre. Sa proposition me parut un peu folle mais intéressante, aussi acceptai-je de l’aider dans la me- sure de mes moyens et tout se mit en place assez rapidement. Athou devant rentrer à Dakar après sa soutenance de thèse, mi-juillet, nous n’avions que quel- ques jours pour mettre au point le démarrage du projet. (Je me faisais une idée de l’Afrique grâce aux descriptions que m’en faisait Athou, mais j’imagi- nais bien que ce serait très différent de visu). Pour me déplacer là-bas quelques semaines, je devais mettre en suspens mes commandes en cours et laisser mes enfants Eléa, Mattéo et Camille à la charge de ma femme Sophie.
  • 3. Athoumane Niang Vue de toitures à Pikine Vue d’une rue de Pikine Toit d’une case recouvert de végétaux
  • 4. Pour travailler dans de bonnes conditions, j’ai suggéré d’importer un minimum de matériel. Il fallait ramener de la fibre réfractaire pour créer les parois de l’indispensable four à céramique, un brûleur à gaz pour l’alimenter et une sonde de température précise pour réaliser différents tests qui permettraient de chercher la meilleure composition d’argile possible. Tout le reste était à construire et à adapter sur place. Une fois rentré chez lui, au mois d’août, Athou me prévint qu’il avait acheté un terrain à Miname près de Thiès, à 70 km au nord de Dakar. Le village est situé dans une zone où l’on peut trouver de l’argile. Une caste du village confectionne des poteries destinées à recevoir les braises servant à consumer le « tchouraï » (encens local) : Ce sont de vastes pots, cuits à ciel ouvert avec de l’herbe sèche, mais peu résistants et ne pouvant pas contenir de liquide ni être exposés à la pluie. En septembre, Athou m’envoya mon billet d’avion et je me préparai pour le challenge : former, en un mois, une équipe autonome, capable de produire des tuiles. En Afrique, cela semblait pour moi un pari un peu audacieux… Je pris mon envol le 25 septembre. À l’arrivée à Dakar, la chaleur ne me surprend pas mais l’ambiance qui règne dans la capitale à cette heure tardive me déboussole un peu… J’observe par la fenêtre de notre voiture (elle peut en- core rouler!) les abords des rues que nous empruntons, il y a des gens partout ! Notre chauffeur, As, évite les trous sur la chaussée, les flaques d’eau impressionnantes et les em- bouteillages, en roulant comme il peut, zigzaguent de la route aux « trottoirs » en évitant les pié- tons. Je vais loger dans un premier temps chez Athoumane, dans le quartier populaire de Pikine. Sa famille m’accueille avec beaucoup de chaleur. Athou me fait un « état des lieux » du projet, me décrit Miname et projette de satisfaire ma curiosité en m’y conduisant dès le lendemain. Le trajet vers Miname me donne un premier aperçu de l’état de ce pays. 24 heures après avoir quit- té la France… ça laisse songeur. Le voyage dure environ deux heures pour une distance de 70 km; il faut éviter les trous, la police, les flaques d’eau, les piétons, les charrettes… bref, une sorte d’épopée africaine.
  • 5. As, notre chauffeur, le frère de Athou. Athoumane Sur la route, à l’heure chaude. Paul, futur potier et gardien du site, le frère cadet d’Athou. La voiture de As. Cour intérieure d’une maison de Griots À Miname.
  • 6. Première semaine... Dès mon arrivée à Miname, quelques kilomètres de piste après la grande route, on me présente aux Griots (la caste des historiens et musiciens). Ces gens, fascinés par la présence inhabituelle d’un blanc, français de surcroît, m’offrent leur plus beau siège pour m’asseoir et me remettre du voyage… ils me préparent du thé... L’ambiance est joyeuse et les rues du village sont pleines de vie. Les gens déambulent affairés et tranquilles… c’est très agréable et même rassurant. Je me sens à l’aise. Le site se trouve en bordure du village et mesure environ 35 x 25 mètres. Il est entouré d’une palissade en palmes qui a été fabriquée à Mboro, une ville proche. Il y a deux cases, construites en palmes, qui sont équipées de deux banquettes-lits, elles aussi en tiges de palme… C’est donc là que je vais dormir pendant mes séjours au village. L’intérieur est bien ombragé et très typique surtout une fois la moustiquaire installée... Le dépayse- ment est complet ! Sitôt mes bagages posés, je m’empresse de tâter l’argile local. Quelques personnes du village m’accompagnent jusqu’aux trous d’eau où l’argile se dépose par décantation. On la trouve en couches fines, séparées par du sable. Elle n’est pas pure et contient des végétaux… Poussées par la curiosité, des femmes se rapprochent. Paul, mon accompagnateur et traducteur, explique en wolof la raison de ma présence… à priori, personne ne parle français. Contentes et surprises de voir un blanc s’intéresser à leur travail, les potières me proposent de me montrer comment elles travaillent l’argile. J’assiste à la réalisation d’une poterie et suis fasciné par la dextérité de ces artisans créant sans au- tre outil que leurs mains, un petit bout de fil de fer rouillé et une gamelle d’eau percée et toute bos- selée. Ces femmes modèlent à la motte d’argile des pots de trente centimètres de diamètre, à la forme et l’épaisseur régulières et esthétiques. Elles m’expliquent qu’elles cuisent avec de l’herbe séchée, qu’elles ont du mal à faire monter la température et qu’elles cherchent à éviter d’avoir trop de noir sur les pots après cuisson. Il y a trente ou quarante personnes autour de moi, accroupi à me regarder … ce sont surtout des enfants et la majorité n’a jamais vu d’homme blanc qu’à la télévision. La première pièce réalisée, nous avons fait connaissance. Le groupe qui m’entoure me suit jusqu’au petit chemin qui mène à ma case en chantant une chan- son africaine… je suis vraiment très troublé. De retour sur le site, je me plonge immédiatement dans mon livre de céramique afin d’échafauder une façon d’améliorer l’argile avec les moyens du bord.
  • 7. Paul dans la case. La fine équipe d’à côté. Aux abords de Miname, un champ d’arachide. Mamor, très heureux d’être pris en photo.
  • 8. Les tessons de pots cuits que j’avais recueillis sur les zones de cuisson se révèlent effectivement trop fragiles pour un usage courant. Peut être que cette argile n’est pas suffisamment cuite. Je décide donc de mettre les tessons à cuire à 1030°C dans un four de fortune mais ils n’ont pas meilleur aspect : ils sont friables comme du biscuit… La pâte me semble trop sableuse. Je fais décanter dans des seaux d’eau l’argile récupérée au bord de la mare. Par filtrage, on peut éliminer une partie du sable et des impuretés et obtenir des échantillons plus solides et plus faciles à modeler. Les jours suivants, j’initie mes compagnons au travail de l’argile. Athoumane, Mamor et Paul se prêtent avec plaisir au jeu de malaxer de belles balles de terre. Ils en auront des courbatures … Les tessons recuits et broyés nous servent de chamotte que nous intégrons en quantités variables à l’argile pour préparer des échantillons. Comme on ne sait rien des minéraux qui nous entourent, on concasse tous ceux qu’on trouve et on les ajoute ponctuellement à notre base. Ce travail va « tomber à l’eau » au cours de la dernière nuit de cette première période… Un violent orage balaiera et inondera copieusement nos plaquettes-tests… Tout est à refaire. Pour travailler sur un espace hors sable, nous coulons une dalle en béton et nous profitons de la présence de notre chauffeur pour aller à Mboro faire construire le pied du four. Notre objectif du week end sera de nous moderniser un peu. Nous compulsons les documents sur le travail de la terre dont nous disposons pour réaliser des ou- tils adaptés... avec nos moyens et un minimum d’argent. A Dakar, il faudra trouver le matériel nécessaire à la fabrication d’un petit four pour les essais et d’un grand four pour la production à venir, ainsi qu’à l’installation d’un atelier avec une table, de la lumière... bref, trouver de quoi travailler le bois, le métal, l’électri- cité… Une fois rentrés de Miname, Athoumane m’emmène faire un tour dans la ville à la découverte de l’inépuisable ingéniosité sénégalaise. Cela ne ressemble à rien que je connaisse… J’ai l’im- pression d’évoluer dans un grand chaos… Mais, comme on se comprend, les idées naissent. Je dessine les plans d’un tour à pied pour l’argile, d’un compost pour les déchets biodégradables et d’une presse pour travailler à partir de moules. Athou imagine diverses commodités pour le site et on achète les pointes à la pièce et des outils d’occasion bri- colés de bric et de broc qui sont souvent plus solides que des neufs… On se débrouillera.
  • 9. Pots traditionnels de Miname en cours de séchage. Hamed au pilon. Moustapha travaillant sur la dalle en béton. Préparation de l’argile. Comment malaxer sans emprisonner d’air.
  • 10. Par ailleurs, je profite de ce court séjour à Dakar pour découvrir les plaisirs gastronomiques et pi- mentés de délicieux plats traditionnels africains concoctés pendant des heures par Mame dans l’am- biance chaleureuse de la famille d’Athou, au milieu de Pikine. Au téléphone, ma femme et mes enfants m’encouragent à continuer mon travail et je me sens prêt à repartir quelques jours à Miname, pour la deuxième semaine. Aussi, j’arrive à diriger le regard d’Athou sur l’authenticité du village de Miname et je le convainc de revoir le projet de construction de la tuilerie. Pour ne pas détériorer le site de Miname, je propose d’y mettre en place plutôt atelier de poterie et un complexe de réflexion et de recherche pour les universitaires, et installer la tuilerie près de Dakar où l’argile abonde dans un décor d’usines. Deuxième semaine. Le coffre rempli d’instruments et d’outils, de planches et de sacs, la voiture repart sur les chemins de Miname, As au volant, la musique sénégalaise à fond. Recroquevillé sur la banquette arrière pour échapper aux décibels des haut-parleurs derrière ma tête et aux effluves de pollution, je reste curieux de tout sur mon passage : Stations d’essence bondées de vendeurs de fruits, poissons, serviettes, encens… voyageurs de tous âges, vêtus de couleurs vives, en attente d’un véhicule... Panorama bordé de baobabs et d’herbes sau- vages composant un authentique paysage d’Afrique . Miname a séché depuis l’orage et Paul (le petit frère d’Athou qui garde le site) a fait nettoyer une partie du terrain pendant notre absence… les innombrables morceaux de verre, de plastique d’embal- lages ou d’habits qui jonchaient le sol ont été ramassés et jetés dans une fosse en attendant une idée pour un éventuel recyclage. Le site prend forme mais il reste beaucoup à faire. Je commence par fabriquer un four à l’aide d’un demi tonneau en métal pour l’expérimentation et y place les plaquettes-tests lavées par la pluie… Les résultats ne sont pas satisfaisants… Il nous faudra réaliser d’autres plaquettes et accorder davan- tage d’attention à la décantation de l’argile et à son traitement. De plus, pour améliorer nos conditions de travail, il nous faudrait une table solide et capable d’ac- cueillir au moins 5 personnes. Une épaisse dalle en béton de 3 m. x 1,50 m. posée sur des briques sera notre solution. Nous travaillons toujours sur la qualité de l’argile et cherchons de nouveaux sites d’extraction autour du village. Il faut décanter et tamiser les différents échantillons et piler les pierres de la région dans le but de trouver, par associations, la composition idéale de la pâte d’argile. Les plaquettes annotées aux proportions des différents mélanges sont mises à sécher en attendant la cuisson. Le suspens est à son comble… Trouverons-nous la bonne composition? Pendant ce temps, j’explique à mes compagnons les techniques du moulage au plâtre. Il faut imagi- ner des stratagèmes pour remplacer les produits démoulants et pour former les bacs de moulage : on se sert de sable, de journal et d’argile... En début de semaine, nous construisons le plateau de la table (qui pèse une demi-tonne). Le coffrage se fait au sol, creusé dans le sable. Il faudra laisser tirer le béton quelques jours avant de manipuler cette dalle, sinon elle casserait.
  • 11. Emmanuel Cometto…le toubab au chapeau. Découpage du fût pour le four à essais. Le four à essais fini sous le pied du fu- tur grand four.
  • 12. Par ailleurs, je suis prévenu de l’arrivée de la période du Rama- dan. Ce sera dur pour tout le monde car il ne sera plus possible de boire ni de manger pendant tout le jour… Je ne ferai pas l’expérience du jeûne. Les températures de la se- maine sont élevées (parfois 42°C à l’endroit le plus frais du site) et ici, les microbes et virus guettent les sujets faibles pour se dé- velopper. Je mettrais ma mission en péril. En parallèle, je suis invité régulièrement à manger dans les diffé- rentes familles du quartier et il m’arrive parfois de manger dans deux ou trois familles au même repas… Nous mangeons de la main droite, tous dans le même grand plat (8 à 10 personnes). Le plat unique est en général composé de poisson et de riz avec un peu de légumes. Le mil et les arachides sont consommés en dehors des repas et les fruits, étonnamment rares et chers, sont réservés pour les événements particuliers. Nous avons rendu visite au chef du village, Job, et le projet en cours de réalisation, ainsi que la pré- sence du toubab (homme blanc en langue Wolof) en chair et en os, l’enchantent... Il nous rendra bientôt visite. Il est déjà temps de faire la pause à Dakar. Hélage, alias As, vient nous chercher avec son véhicule et nous abandonnons nos plaquettes en sé- chage pour prendre la route… J’aime bien l’air de Miname, mais je suis très impatient de téléphoner à Sophie et à mes enfants. Au cours cette pause de trois jours, Athou me propose de rencontrer des artisans dans un quartier particulier de Pikine. Dans des rues bordées de centaines de voitures dans tous les états possibles, de toutes marques, avec ou sans carrosserie, on trouve des centaines de cabanons proposant toutes sortes de réparations. Des tas de gens aux habits souvent noirs de cambouis sont là, occupés à travailler ou à boire du thé, à dormir et à discuter au milieu d’amas de pièces détachées, d’épaves et de voitures en réparation. Nous cherchons un homme en particulier. Athou ne l’a pas vu depuis deux ans… A première vue, la tâche semble difficile, mais des gens nous guident et, dans ce lieu incroyable, nous parvenons à le trouver ! Ma claire présence interpelle…d’autant plus que je porte un beau boubou blanc ( je ne savais pas qu’on allait visiter un immense garage-auto !). Le but de cette excursion est de trouver le nécessaire pour fabriquer la base du tour à pied. Il faut trouver les matériaux, expliquer le schéma et donner des cotes; trouver le soudeur, négocier les prix et conclure… quelques demi-heures suffiront… Pendant tout ce temps, je goûte à l’ambiance du site… les gens sont souriants et relax, des affaires se discutent de ci de là, et je remarque que, sous les dehors d’un gigantesque « souk », tout est méticu- leusement trié et rangé. L’ espace fait défaut mais le patron du cabanon sait exactement ce qu’il a en stock et comprend très vite ce dont nous avons besoin. Le travail sera fait pour le lendemain. Nous continuons notre marché en achetant une paire de fûts propres qui nous serviront de poubelle et de compost.
  • 13. C’est l’heure de la sieste... Il fait trop chaud même pour Aram Lo Un plan d’arachide : on voit les cacahuettes à la racine.
  • 14. Trois kilomètres plus loin, après avoir longé le bord de mer, dans la zone où on sèche le poisson (très impressionnant là aussi), nous allons faire fabriquer un mortier et pilon chez un sculpteur… là aussi, le travail sera fait pour le lende- main. J’ai remarqué que l’artisan travaille avec des outils sé- culaires. Nous rentrons nous reposer car le Ramadan a commencé et la chaleur écrasante fatigue vite (surtout ceux qui ne boivent pas). Le lendemain, je décide d’accompagner Athou à ses cours de mathématiques aux élèves de l’école supérieure de télé- communication de Dakar. Nous en profitons pour essayer de trouver des informations sur l’argile sénégalaise à l’uni- versité. Nous empruntons les transports en commun de Dakar : un périple qui dépasse de loin nos pires expériences en matière de transports en commun français… Il faut partir très tôt pour être à l’heure au travail… Ne comprenant rien aux mathématiques du jour, je profite de l’ambiance studieuse et exotique de la classe pour avancer dans mes investigations sur l’argile. Dans mes livres, je recense les matières premières de la région à la recherche de celles qui pour- raient servir d’additif pour notre argile trop grasse et encore trop cassante à la manipulation. Entre midi et deux heures, nous essayons de rencontrer un spécialiste en géologie à l’université, mais le chercheur en question est parti aux États-Unis et ne sera de retour que dans six mois !… Nous ne pouvons donc compter que sur nous-mêmes et devons continuer nos essais. Aussi som- mes-nous impatients de voir le résultat de la cuisson de nos plaquettes à Miname. Nous allons récupérer nos commandes; les pièces sont parfaitement réalisées. Nous voilà parés pour une nouvelle semaine d’aventures et de découvertes. Troisième semaine À peine arrivé à Miname, j’enfourne nos plaquettes-tests. La cuisson se passe de nuit. Le four sera éteint vers quatre heures du matin. Pendant ce temps, nous nous penchons sur la réalisation d’un amphithéâtre dans un grand creux du terrain proche de la partie-atelier du site. Le sol est constitué de sable fin et compact. Avec du courage et une bonne pelle (on en a acheté une à Dakar), on pourra facilement sculpter la forme. De ma vie, je n’avais jamais pelleté après minuit ! Le travail avance bien car il ne fait pas trop chaud. Le lendemain matin, je m’empresse d’aller ouvrir le four pour voir nos échantillons. Les tests sont bons. Me voilà soulagé ! Le travail que nous avons fait est cohérent, les plaquettes sont solides. En rayant chaque morceau avec un objet métallique pointu, on peut en comparer la dureté et choisir les meilleurs. Les jours suivants sont consacrés à l’aménagement du site, à la fabrication de moules en plâtre et au travail de la terre.
  • 15. La case à Manu avant le nettoyage du terrain.Des plaquettes au séchage. Fonte de métal en direct.. On peut en faire plein de choses comme des outils ou des ustensiles de cuisine. On procède avec des moules en sable. Point d’eau… Tout le village vient s’y approvi- sionner (les autres points d’eau étant à sec). Parfois il y a des problèmes d’eau, alors on fait la queue jusqu’au soir pour pouvoir remplir les bidons de l’essentiel.
  • 16. L’organisation du temps est assujettie à des contraintes telles que la chaleur et la fatigue. A la mi-matinée, au réveil, on commence par faire les travaux d’installation comme la réalisation, en béton, du pied de la table ou la confection d’étagères en briques… Le jeûne fatigue vite et le soleil plus chaud vers midi nous oblige à rester à couvers. Nous travail- lons alors la terre sur notre nouvelle table. La grande pause se fait l’après-midi à l’ombre d’un arbre… J’en profite pour me joindre aux groupes de gens qui discutent, dorment ou se tressent mutuellement les cheveux, pour m’impré- gner de la vie et de la culture traditionnelle de cette région. Une leçon passionnante qui me permet, en outre, de mieux anticiper sur la manière adéquate de dispenser mon enseignement… et de réaliser que rien ne se fera ici sans que les gens l’aient choi- si et adopté de leur propre initiative. Le soir, vers 19 heures, les musulmans font la «coupure»... Un moment très convivial de la fin du jeûne où chaque jour, à peine le soleil couché, nous nous rassemblons sur une natte autour d’un appétissant «petit déjeuner», composé de sandwichs au beurre, aux saucisses en boîte ou au cor- ned-beaf et accompagné de délicieuses boissons : tisanes quinquéliba, café touba et infusions de- bissap (calice d’hibiscus). Une fois rassasié, il faut bien une ou deux heures avant que tout le monde se remette en route pour la deuxième partie de… la nuit. Elle est réservée aux gros travaux de terrassement à la pelle et à la manutention des briques lour- des. Nous commençons à construire l’amphithéâtre. La fraîcheur de la nuit rend le travail plus facile, mais il faut faire attention à ne pas marcher sur un scorpion... surtout que la lumière est faible. Les voisins nous apportent à manger vers 23 heures. En plus du repas que nous avons commandé, certains habitants du village nous offrent des por- tions de leur propre plat… c’est copieux et délicieux. Le travail se prolonge souvent jusqu’aux aurores (mais pour moi rarement après trois heures du matin). En cours de semaine, on travaille sur des moulages de volumes simples. Les tasses réalisées sont encore grossières. Cependant, la première de ces ébauches, à peine sortie du moule, provoque la stupéfaction de tous. Applaudissements enthousiastes ! Elle est un peu épaisse, mais elle est là, devant eux, symbole d’un pari réussi. En parallèle, nos recherches sur la qualité de la pâte destinée à la réalisation de plaquettes se font maintenant avec une balance : on gagne en précision. Tout le monde est à son affaire et les techniques commencent à être maîtrisées. Vu la motivation de chacun, le projet commence à prendre une réalité ; je suis bien content. Malgré tout, ma famille me manque et j’ai hâte de l’entendre au téléphone. Il est temps de rentrer à Dakar. Le week-end me permet de me reposer et de me projeter dans la semaine à venir. Je dois faire en sorte que l’équipe puisse être autonome et se sente capable de mener le projet à son terme après mon départ.
  • 17. Tout est prêt pour la coupure chez Athou et Mame. Nous attendons le signal à la télé pour commencer à man- ger. Préparation du repas… le tié boudieun volumes simples en argile qui voisinent avec une sculpture des enfants!
  • 18. J’en profite également pour en- quêter sur la cuisine familiale en suivant les étapes de la pré- paration du soulour m’bala. C’est un délicieux plat au riz et au poisson, mais différent du traditionnel thiéboudien. Nous avons aussi le plaisir de faire la connaissance de M. Ga- kou à qui je devais faire une commission de la part de mes amis de Radio Pays d’Hérault. Propriétaire d’une fabrique de pommes-chips à Dakar, il est séduit par notre entreprise et propose de nous aider à placer notre future production sur le marché local. C’est formidable ! Aucun de nous ne s’est préoccupé de cette facette du projet mais il n’est pas à négliger. J’assiste aussi à la rentrée scolaire des enfants : c’est un peu comme en France mais en version africaine… ils sont tout beaux tout neufs. La quatrième semaine nous attend, et c’est parti pour la dernière ligne droite. Quatrième semaine. Athou a préparé de quoi faire une fête pour le quartier des Griots à Miname, et on a apporté sur place son ordinateur portable afin de montrer les photos prises durant le séjour. J’espère qu’il tiendra le coup avec le sable… Le « mini-disc » et la caméra 8mm que j’avais em- portés avec moi n’y ont pas survécu plus de quelques jours. « Adios » les interviews que je comptais faire… Les activités de cette semaine se déroulent comme pendant la précédente avec du modelage, du malaxage, du concassage, des pesées... Mais certains autres travaux restent à réaliser. Il faut terminer le montage du grand four, ainsi que du tour, et construire la presse avec son dispo- sitif de moulage… -Le tour a besoin de plus de plâtre à sa base, et après cette mise au point, l’outil « tourne » enfin à pleine efficacité. On peut faire des merveilles avec peu de choses !… -Le grand four devait initialement être installé de manière à pouvoir fonctionner avec divers com- bustibles. Notre objectif était d’utiliser le gaz, en attendant de mettre au point un combustible à base d’écorces d’arachide de production locale… Une autre manière de retraiter des déchets… L’idée était de fabriquer des briquettes de coquilles d’arachide en les agglomérant avec la sève d’un arbuste présent partout dans la région… L’arachide a un pouvoir calorique élevé ( davantage encore que le chêne), ce serait donc une bonne alternative au gaz. Comme nous n’avons plus assez de temps pour travailler cette technique, on décide de faire un four à gaz juste pour cuire la céramique et pour essayer les briquettes, et de construire aussi un four à pain avec des briques et du sable.
  • 19. Le travail sur notre grande table Construction de la presse Le four à pain à bois Le four à céramique mixte : bois ou gaz
  • 20. -Enfin, la presse sera destinée à réaliser des objets assez plats tels que des briques ou des assiettes à démouler immédiatement. Son procédé consiste à se servir d’argile à peine humide et à la presser dans des moules. Elle sera réalisée en béton à l’aide d’un coffrage. Le vérin sera un cric de voiture qui pourra fournir facilement une tonne de pression. Les tests seront effectués plus tard car, avant de mettre du béton sous pression, il fau- dra attendre plusieurs semaines. ...La fête a lieu chez nos voisins et l’ambiance est survoltée. Sur l’ordinateur, branché dans une maison, les images défilent en diaporama : le bon- heur des petits (comme des grands) qui se découvrent à l’écran fait plaisir à voir. En fin de semaine, nous nous réunissons pour faire un bilan complet de notre aven- ture : événement à la fois inédit et extraordinaire que cette réunion, où chacun va pou- voir prendre la parole pour exprimer son vécu et le degré de son engagement dans l’a- venir du projet. Nous planifions ensemble les tâches de chacun pour la poursuite de notre entreprise. Mes collègues se déclarent unanimement ravis de ma prestation et souhaitent vivement me voir revenir travailler avec eux. Seul petit bémol de mon ami Tapha (musulman qui vit à l’hymne de sa foi) : il m’en- gage à faire preuve de plus de « religiosité » dans ma vie quotidienne. Athoumane confirme que j’ai brillamment rempli ma mission et m’engage à laisser tomber mon travail en France pour m’installer à Miname… Enfin, je suis rassuré. Les outils que j’ai pu fournir à ces gens sont simples et je pense qu’ils sont adaptés à leurs compétences. Le groupe de travail semble suffisamment solide pour continuer à progresser dans la maîtrise du travail de l’argile après mon départ. Mon aventure en Afrique touche à sa fin et il me faut dire au revoir aux gens de Mi- name. Ce sera pour moi l’occasion de voir une réunion au sommet à la mode du Sénégal, lors de ma visite au chef Job : Au centre du village, non loin de la Mosquée, le chef et les anciens palabrent, allongés sous un arbre touffu… L’arrivée dans le groupe est très cérémonial. Je m’installe sur une natte aux côtés du frère de Job… qu’on appelle lui aussi Job, et je tente de répondre aux questions qu’on me pose en wolof… mes réponses en wolof provoquent les rires mais, sous l’amuse- ment et la bonne humeur, affleurent l’intérêt et le sérieux avec lesquels chacun écoute les explications d’Athou. Nos interlocuteurs accordent un grand crédit à ma participa- tion à cette entreprise et ne seront rassurés que lorsque je me serai engagé à rester en contact avec eux et à revenir. Lors des adieux, mes voisins expriment beaucoup d’affection et de regret de me voir partir, mais mes pensées sont tournées vers Sophie et mes enfants… J’ai hâte de les re- trouver.
  • 21. Le tour confectionné à partir de bouts de voitures... La presse en béton actionnée par un crick. C’est un atelier vivant! Avec des jardiniers... Et aussi… Moustapha, chef d’atelier, en pleine mé- ditation.
  • 22. Mon rôle en France sera de soutenir le projet de mes conseils et, si possible, de continuer dans mon atelier de Mourèze l’enseignement de la céramique au chef d’atelier, Moustapha Seck. La mise en relation des écoles de Brignac et de Miname est amorcée : le directeur a téléphoné pour dire qu’il envoyait une lettre en réponse aux questions posées par les enfants français ainsi que des photos numériques de son école… J’ai écrit ce récit sur quatre semaines après être rentré chez moi. Je suis en contact permanent avec le Sénégal; Moustapha vient d’emménager au centre, le travail continue comme prévu et la production s’affine. Nous communiquons par téléphone, par la poste et par Internet… Le pari de créer, en un mois, un atelier de production d’objets en terre cuite avec des néophytes de l’argile a été tenu et gagné, avec une dépense de moins de deux mille euros en tout, mon billet d’a- vion compris. Désormais, grâce à cette technique de fabrication de tuiles,on peut espérer être un peu plus à l’abri quand ce sera la saison des pluies. Je remercie Athoumane Niang, réalisateur du projet, pour son audace à essayer l’impossible; Mame sa femme qui m’a chouchouté en prétextant que j’étais l’invité… même au bout d’un mois; La famille d’Athou, son frère, sa sœur, ses parents, ses enfants, leurs amis pour leur très chaleu- reux accueil… une auberge à recommander! Moustapha, artiste, cousin d’Athoumane, qui est le chef d’atelier et passionné par les possibilités de créations qu’offre la céramique. Hélage, alias As, frère d’Athou, as de la conduite qui nous a patiemment véhiculés partout en es- sayant de m’apprendre, musique à l’appui, des rythmes de percussions Sénégalaises; Paul, le frère d’Athou, mon guide touristique et le gardien du site, ainsi que Hamed, pour leur gen- tillesse; Les habitants de Miname pour leur hospitalité, leur accueil, leur bonne humeur, leur savoir vivre… j’ai connu chez eux de vrais moments de bonheur. Waw! ……..(ça veut dire oui en wolof).
  • 23. Une équipe du tonnerre! Des groupies déchaînées, Et l’auteur… Emmanuel Cometto Avec des fans, Dans un véritable chantier.