Dans ce nouvel article nous allons exposer comment Raoul Follereau s'est doté, à partir de 1958, d'un passé aussi vertueux que factice, faisant croire qu'il a consacré sa vie, prioritairement à toute autre occupation, à la défense des lépreux.
2. Monsieur Biographie
Je suis mort
Extrait du téléfilm Au Plaisir de Dieu sur les Camelots du Roi au début du XXèm e siècle
Fin 1920, Raoul Follereau fonde, avec quelques amis poètes, comme lui, un cercle littéraire intitulé La
Annuaire Tous les Blogs Jeune Académie. Dans le courant des années 1930, cette association disposera même d'une libraire et
d'une troupe de théâtre. L'objectif de Raoul Follereau est de promouvoir le Lyrisme et l'Idéal dont l'absence
Blogs / Annuaire de Blogs serait, selon lui, "une des causes de la tristesse et de l'inquiétude de la jeunesse" (ici). Par le terme
"Idéal", Raoul Follereau désigne en même temps la Foi (dans une acceptation proto-nationale-catholique
c'est à dire à la fois catholique ultramontaine et nationaliste, en opposition radicale avec la séparation de
l'Église et de l'État et au laïcisme qui en découle) et le Patriotisme (par opposition aux apatrides et autres
internationalismes) (voir notre article sur le sujet ici).
Pendant toutes les années 1920 et au moins jusqu'au milieu des années 1930, Raoul Follereau tente de se
faire connaître comme poète et auteur (par exemple, ici en avril 1921, ici en avril 1923 ou ici en avril 1926).
Cependant, ses pièces de théâtre et ses recueils de poésie seront uniquement édités par La Jeune
Académie dont il assure la direction. Il développe par ailleurs d'incontestables talents de conférencier.
En 1923, Raoul Follereau obtient ses licences de philosophie et de droit ; il part en septembre effectuer
son service militaire en Allemagne. Précédemment, le 10 juin, il avait animé une conférence à l'Hôtel des
BlogZone Sociétés Savantes intitulée Dieu est Amour (ici).
Le 22 juin 1925, Raoul Follereau épouse Madeleine Boudou à Nevers.
Il s'inscrit à Paris à la conférence du stage pour exercer la
profession d'avocat mais renonce assez rapidement. Peu après,
Raoul Follereau entre comme secrétaire de rédaction (c'est-à-
dire adjoint du rédacteur en chef) au quotidien du soir
L'Intransigeant. Ce quotidien qui fut farouchement antidreyfusard
à l'époque de l'Affaire est un quotidien important dans le paysage
de la presse française des années 1920. Sa ligne éditoriale est
foncièrement droitière et très nationaliste, "ce qui convient
assez bien à Raoul Follereau" écrit Thévenin.
Pour son voyage de noces, Raoul Follereau emmène son
épouse Madeleine en Italie du Nord. Depuis 1922, le régime italien a basculé dans le fascisme sous la
férule de Benito Mussolini. Raoul Follereau, converti aux vertus de la civilisation latine promue par Charles
Maurras depuis le retour de ce dernier des premiers jeux olympiques modernes de 1896 à Athènes,
s'enthousiasme pour le dictateur italien et multiplie les voyages en Italie et les actes d'allégeance vis-à-vis
du Duce (voir notre article ici).
Entre mai 1926 et octobre 1927, Raoul Follereau est chroniqueur dans
un mensuel des sorties parisiennes La Rampe (par exemple, ici).
Début 1927, Raoul Follereau franchit une étape capitale dans son
parcours : il fonde la Ligue d'Union latine pour "défendre la civilisation
chrétienne contre toutes les barbaries et tous les paganismes". La
Fondation Raoul Follereau présente la Ligue d'Union latine comme une
officine littéraire dont la tâche aurait été exclusivement limitée à l'édition
d'œuvres d'auteurs injustement méconnus. Ce faisant, elle escamote
habillement la nature première de La Ligue d'Union latine qui fut avant tout
un organe de propagande au services des conceptions politiques
nationales-catholiques de son fondateur. Selon Raoul Follereau, qui ne
croit pas à l'égalité républicaine, les poètes et les artistes constituent une
élite qui doit diriger le peuple (voir notre article ici et la presse de l'époque
qui indique ici que la Ligue d'Union latine a pour but d'"unir et fédérer les
converted by Web2PDFConvert.com
3. élites latines pour la défense et la gloire de leur civilisation"). Selon Raoul
Follereau, la France, fille aînée de l'Église, doit être LE phare catholique et chrétien de l'humanité. Le reste
n'est qu'"Anti-France". Dans ses éditos, Raoul Follereau décline ainsi ses convictions ultranationalistes et
cléricales.
À partir de 1927, Raoul Follereau mutliplie les conférences, en France et à l'étranger, au cours desquelles
il promeut sa conception de la latinité qui présente un sérieux avant-goût de pétainisme : Ordre, Dieu,
Travail, Famille, Patrie (notamment Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre ? ou Le sourire de la France).
Il organise également, telle une agence de voyage, des "voyages d'étude et de propagande française et
d'Union latine" dans divers pays d'Europe latine et centrale (par exemple, publicité ici ou ici pour un
voyage en Europe centrale datée d'avril 1930, ici, en avril 1933, publicité pour des voyages organisés
"aux trois grands foyers de notre race" : Grèce, Espagne, Italie).
À partir d'octobre 1930, c'est en Amérique du Sud qu'il entreprend de nombreux voyages "de propagande
française". À l'époque, ces pays d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale s'éveillent politiquement et, tout
comme la majeure partie des pays d'Europe, sont secoués par des soubresauts militaires et
ultranationalistes (voir notre article ici) . Il s'investit particulièrement dans une action de propagande
"nationale et catholique" intitulée L'Œuvre du livre français à l'étranger qui consiste à collecter des fonds
afin de financer l'envoi à l'étranger d'ouvrages littéraires "sélectionnés pour leur moralité" et leur conformité
à l'idéal que défend Raoul Follereau (ici, mention en janvier 1931 d'une "œuvre de propagande nationale et
catholique", ici, mention en avril 1931 d'"ouvrages dignes de la France et soigneusement sélectionnés
quant à leur valeur et à leur moralité" ; ici, mention en octobre 1931 d'"ouvrages soigneusement choisis
d'un point de vue national et moral").
Pendant l'hiver 1931, Raoul Follereau dispense des "cours de culture latine" à l'École de Psychologie de
Paris (ici).
Dans le courant des années 1930, Raoul Follereau poursuit ses travaux littéraires et ses conférences :
par exemple, sa Jeune Académie publie en 1933 son quatrième ouvrage de poésie Les Îles de Miséricorde
(ici ou ici). En 1934, des pièces de théâtre de Raoul Follereau sont diffusées sur Radio Alger ("Notre bel
Amour" ici et "Les nouveaux chevaliers" ici). Raoul Follereau organise également des concerts au cours
desquels il intervient (ici), entre autres conférences (ici). Raoul Follereau y est référencé dans l'annuaire de
la société des Orateurs-Conférenciers.
Ses activités de la défense de la civilisation latine se poursuivent également : par exemple il tient en
novembre 1935 une conférence sur la place de la France dans le monde (ici) ; en octobre 1935, il signe
un article dans la revue "Le Front Latin" qui est une association de "combat pour la sauvegarde de la
culture latine à travers le monde" (ici).
Sur le plan politique, Raoul Follereau approuve la prise de pouvoir au Portugal de
Salazar et l'instauration, en 1933, de l'Estado Novo, régime autoritaire fortement
inspiré par la doctrine maurassienne. À la même période, Raoul Follereau se
reconnait dans l'austrofascisme du chancelier autrichien, Engelbert Dollfuss. De façon
générale, Raoul Follereau éprouve de la sympathie à l'égard des mouvements
politiques (européens ou sud-américains) pourvu qu'ils soient antibolcheviques,
nationalistes et catholiques. Raoul Follereau y reconnait des signes de sa conception
de la latinité.
Son attachement pour le dictateur italien Mussolini s'est amplifié depuis le milieu des années 1920 et
Raoul Follereau s'engage résolument en faveur de l'Italie fasciste après l'invasion, par cette dernière, du
dernier pays non colonisé d'Afrique : le royaume d'Éthiopie (1935) (voir notre article ici). Il multiplie à cette
fin les initiatives : éditos dans L'Œuvre latine, pétitions, ...
L'année 1936 est un virage pour Raoul Follereau. Pour au moins deux séries de raisons.
D'un point de vue "spirituel", Raoul Follereau découvre Charles de Foucauld. Il
faut savoir qu'à l'époque, les catholiques se divisent à propos de Charles de
Foucauld. T andis que les uns y voient un ermite mystique, témoin de la
fraternité universelle (par exemple Louis Massignon ou René Voillaume),
d'autres y voient l'ancien officier militaire, missionnaire nationaliste et adepte
d'une colonisation chrétienne dans une Algérie française. (Georges Gorrée, par
exemple). Cette deuxième facette correspond bien à Raoul Follereau qui
transforme alors en 1937 sa Ligue d'Union latine en Fondations Charles de
Foucauld. Raoul Follereau se donne alors pour mission de collecter des fonds
afin de reconstruire "l'Église du Sahara" afin de "glorifier le visage de la France
chrétienne". Certains, cependant, s'émeuvent de ce qu'ils estiment être un
détournement de la notoriété et de l'image de Charles de Foucauld dans un
but excessivement nationaliste plutôt que spirituel : dix ans plus tard, en 1948,
Louis Massignon réclamera (et finira par obtenir) que Raoul Follereau cessât
d'utiliser le nom de Charles de Foucauld pour ses "œuvres". La Fondations
Charles de Foucauld se renommera alors en Ordre de la Charité.
D'un point de vue politique, Raoul Follereau subit en 1936 deux évènements
majeurs : l'avènement du Front Populaire en France et la guerre civile en
Espagne. Léon Blum incarne toute l'Anti-France à lui tout seul : juif,
socialiste (ce qui, aux yeux de Raoul Follereau, n'est guère différent de
bolchevique) et franc-maçon. La guerre civile espagnole, quant à elle, est la
concrétisation du choc des civiliations (chrétienne versus paganismes et
autres barbaries) auquel Raoul Follereau se prépare depuis dix années avec
sa Ligue d'Union latine. Raoul Follereau vit cette période comme une véritable
converted by Web2PDFConvert.com
4. guerre sainte dans laquelle il engage toutes ses forces.
C'est à cette période que Raoul Follereau travaille alors et collabore avec des
antisémites notoires, tels ceux du journal La Libre Parole et du Centre de
Documentation et de Propagande : Henry Coston, Henri-Robert Petit, Jacques
Ditte , Comte Armand Chastenet de Puysegur et autres Louis Darquier de
Pellepoix (voir notre article ici). Dans ce contexte, Raoul Follereau intervient à
d e nombreuses reprises en Algérie française, et plus particulièrement en
Oranie. Non seulement l'antisémitisme y est très répandu depuis le décret
Crémieux de 1871, mais en plus, l'Oranie est composée d'une partie très
importante de "néos", ces Espagnols devenus citoyens Français qui sont très
sensibles au sort de leur patrie d'origine. Raoul Follereau muliplie les
conférences à plusieurs périodes (vingt-cinq pour le seul mois de décembre
1936). Dans la ville de Tiaret, par exemple, le journal local relate que Raoul
Follereau "part en croisade contre tout ce qui est l'Anti-France" et plus
particulièrement contre "ces oiseaux de proie" venus "s'abattre sur la France",
ces "financiers internationaux qui sont de partout et de nulle part et dont le
porte-monnaie remplace le coeur et qui forment la société du Komintern" (voir notre article ici).
C'est aussi à cette période (1936) que Raoul Follereau fait connaissance avec
les soeurs de Notre Dame des Apôtres, celles qui, plusieurs années plus tard,
mettront Raoul Follereau sur les rails de la bataille de la lèpre. Mais jusqu'en
1943, de lépreux, il n'en est jamais question dans la vie de Follereau.
Jusqu'en septembre 1939, la vie de Raoul Follereau poursuit son cours,
alternant entre voyages de propagande française et autre promotion de la
latinité. Quelques semaines avant la seconde guerre mondiale, Raoul Follereau
part en Amérique du Sud pour un nouveau cycle de conférences.
En septembre 1939, Raoul Follereau a trente-six ans et nulle trace d'actions
ou d'initiatives en faveur des lépreux. Ce qui fait dire à Étienne Thévenin (page
139) : "jusqu'à là, la vie de Raoul Follereau était très éloignée de celle d'un
apôtre des lépreux". Nous sommes bien d'accord.
À partir de juin 1940, Raoul Follereau s'engage résolument aux côtés du
Maréchal Pétain dans une forme de collaboration implicite avec le régime de
Vichy : il parcourt villes et villages de la France non occupée afin de
promouvoir les principes moraux de la Révolution Nationale de l'État français et
l'unité autour du Maréchal Pétain (voir notre article ici).
Le 15 avril 1943, Raoul Follereau anime à Annecy une conférence "Ce que le
monde doit à la France" dont les bénéfices sont destinés au financement
d'une léproserie en Côte d'Ivoire. C'est à cette date que, pour la première fois
de sa vie, Raoul Follereau entreprend quelque chose en faveur des lépreux. Il
a un peu moins de 40 ans. Néanmoins, c'est loin d'être une exclusive. Le
financement d'Adzopé est une des causes soutenues (et non la seule) à
l'occasion de ces conférences organisées sous l'égide de l'Heure des pauvres.
L'invention du mythe de "l'homme qui a consacré sa vie pour les
lépreux"
Dans la première partie de cet article, nous avons exposé les principaux moments de la vie de Raoul
Follereau entre son arrivée à Paris en 1920 et le 15 avril 1943, date de sa première initiative connue en
faveur des lépreux.
Nous allons maintenant effectuer un bond de quinze ans en avant. Nous sommes à Tokyo, en 1958. Raoul
Follereau participe alors au VIIème Congrès International de la Lèpre. Jusqu'ici, rien que de très ordinaire :
Raoul Follereau est un conférencier hors-pair : c'est un métier qu'il maitrise largement. Depuis le début
des années 1950 (la découverte des sulfones pour soigner les lépreux), il enchaîne les réunions publiques
et les initiatives en faveur des lépreux, avec beaucoup de succès.
Mais ce soir-là, un élément nouveau va apparaître dans l'historiographie de
Raoul Follereau. Car ce soir-là, pour la première fois de sa vie, Raoul
Follereau raconte un épisode jusqu'à lors inédit de sa vie : sa conversion en
faveur des lépreux à l'occasion d'une rencontre, un jour, dans le désert du
Sahara (Les Œuvres complètes de Raoul Follereau, Les Livres B, page 275).
Nous avons la chance exceptionnelle de bénéficier de deux enregistrements
de Raoul Follereau narrant cet épisode :
- le premier date du 28 janvier 1968, diffusé par la Télévision Suisse
Romande (version intégrale ici) ;
- le second a été diffusé le jour du décès de Raoul Follereau, le 6 décembre
1977 ; sa date d'enregistrement effective n'est pas mentionnée mais cela
importe peu pour notre démonstration (version vidéo ici).
L'histoire est toute simple : alors qu'il réalisait un reportage dans le désert, sur
converted by Web2PDFConvert.com
5. L'histoire est toute simple : alors qu'il réalisait un reportage dans le désert, sur
les pas du Père Charles de Foucauld, pour le compte d'un grand quotidien de Bueno Aires, La Nación,
Raoul Follereau tombe en panne d'auto. Et pendant que le guide fait le nécessaire, des hommes
décharnés surgissent de nulle part. Raoul Follereau s'inquiète alors de qui sont ces hommes. "Des
lépreux" lui répond-on. En quelques questions, Raoul Follereau découvre alors le sort dramatique de ces
pauvres hères condamnés au rejet social et à l'errance. Et c'est ce jour-là, affirme Raoul Follereau,
qu'il décida de ne plaider qu'une seule cause, celle des lépreux :
"(...) et c'est ce jour-là que j'ai décidé de consacrer ma vie à ces millions d'hommes que notre
ignorance pour la plupart du tout, mais aussi, il faut le dire, notre égoïsme et notre lâcheté ont fait des
lépreux."
"(...) et c'est ce jour-là que je me suis décidé à ne plus plaider qu'une cause, une seule cause
pour toute ma vie, celle de ces millions d'êtres que notre ignorance, mais aussi, il faut le dire, notre
égoïsme et notre lâcheté ont fait des lépreux."
Et quand a eu lieu cet épisode digne de Saül qui tombe de cheval, ébloui par le Saint-Esprit ?
Selon Raoul Follereau, entre 1923 et 1928. Les dates se bousculent mais les faits qu'il mentionne sont là
pour témoigner : il avait 25 ans (1928), il venait de se marier (1925) et se destinait à devenir un avocat et
journaliste (1923) :
- "Il y a quarante ans, dans quelques semaines (...)" => l'émission date de janvier 1968, soit aux
alentours de 1928,
- "j'ai commencé en 1935, (...) j'avais fait des études et je me préparai à une carrière d'avocat
(1923) et de journaliste, aussi (...) je venais de me marier (1925), j'avais 25 ans (1928) (...)"
Raoul Follereau va alors mutliplier les références, écrites ou orales, à cet épisode fondateur qui aurait
orienté toute sa vie. Selon les sources, la fixation de la date ne sera jamais très précise : elle évolue de
la fin des années 1920 au milieu des années trente :
- 19 octobre 1963, lors d'une conférence Une bataille pas comme les autres, Raoul Follereau fait
remonter la date de son récit à "trente ans", puis répètent à plusieurs reprises "trente ans" ou "trente
années" pendant lesquelles "il a passé sa vie à aimer les lépreux" (Les Œuvres complètes de Raoul
Follereau, Les Livres B, page 14) (1963 - 30 = 1933) ;
- fin 1966, Raoul Follereau publie La seule vérité, c'est de s'aimer ; le premier tome commence ainsi :
"Quarante années de lutte. Au début, seul ou presque. Deux millions de kilomètres parcourus (...)
Cent deux pays visités (...), Deux milliards de nos vieux francs distribués (...). Ce fut le bilan de mon
existence" (1966 - 40 = 1926) ;
- dans le tome 2 du même ouvrage, page 393, il rapporte un article de presse, écrit en 1965, qui
commence ainsi : "la Bataille de la lèpre qu'il y a trente ans, Raoul Follereau engageait dans le monde
et qu'il poursuivit, presque seul (...)" (1965 - 30 = 1935) ;
- page suivante, Raoul Follereau écrit : "après trente ans de lutte contre la lèpre, isolé parfois mais
jamais las, simplement, sûrement, j'ai le droit de dire : la bataille est gagnée" (1966 - 30 = 1936) ;
- page 404, nous lisons "Depuis 1925, Raoul Follereau parcourt le monde, messager de la Charité" ;
- page 411, nous lisons un texte de 1960 qui dit "il y a vingt-cinq ans que, vagabond de la Charité,
Raoul Follereau parcourt le monde pour visiter les lépreux" (1960 - 25 = 1935) ;
- page 413, nous lisons dans un texte daté en 1962 "1956 (...) pour le vingt-cinquième anniversaire de
son premier voyage sur les routes de la Charité" (1956 - 25 = 1931), "Sur les routes de la Charité,
Raoul Follereau y fut toute sa vie", Raoul Follereau a "durant ces trente années, distribué près de
deux milliard d'anciens francs aux pauvres" (1962 - 30 = 1932) ;
- page 91 du tome Les Conférences des Œuvres complètes de Raoul Follereau, André Récipon lui
même (fils spirituel de Raoul Follereau, président pendant plus de trente ans de ce qui fut la Fondation
Raoul Follereau) fixe la date de la rencontre des lépreux à 1933 puis indique que Raoul Follereau et lui
avaient 62 ans à eux deux. Or, Raoul Follereau est né en 1903 et André Récipon en 1925 : cela
repousse la date de la rencontre des lépreux à ... 1945 ;
- le 2 février 1968, Raoul Follereau présente un texte à l'Académie des sciences d'outre mer intitulé
Quarante ans de lutte contre la lèpre et pour les lépreux (1968 - 40 = 1928) ;
- en 1978, les éditions Flammarion publient le dernier livre écrit par Raoul Follereau intitulé Cinquante
années au services des lépreux, cinquante souvenirs (1977 - 50 = 1927) ;
Nous ne sommes pas à deux ou trois années près, mais entre 1925 et 1936, cette volatilité peut
surprendre : si Raoul Follereau était sur les traces de Charles de Foucauld pour un reportage pour le
compte du journal La Nación , ne suffirait-il pas de retrouver ledit article publié par ce journal ?
Malheureusement, cet article semble ne jamais avoir été retrouvé. A-t-il été recherché ? Nous n'en savons
rien. Quoiqu'il en soit, ni la Fondation Raoul Follereau, ni Étienne Thévenin n'en font état. Nous pouvons
donc légitimement nous poser la question de savoir s'il a existé.
Cette volatilité de dates cache surtout un triste réalité : personne ne saurait dire exactement quand elle a
eu lieu et seul Raoul Follereau est en mesure d'affirmer qu'elle a effectivement eu lieu. C'est donc parole
converted by Web2PDFConvert.com
6. contre parole. Le problème, c'est que la période de sa vie entre 1920 et 1943 est à l'opposé de ce qu'il
prétend avoir été.
En effet, les engagements réels de Raoul Follereau de l'époque - que nous n'avons pas à juger,
nous nous limitons au fait de les décrire - ne sont tout simplement pas compatibles avec un
homme qui prétend n'avoir consacré le reste de sa vie, à compter de ce jour, qu'à la défense des
lépreux.
Concernant plus particulièrement la date aujourd'hui retenue par la Fondation Raoul Follereau, 1936, celle-
ci nous semble particulièrement inadéquate : 1936 correspond malheureusement aux preuves que nous
avons exposées démontrant l'antisémitisme de Raoul Follereau. Nous ne pensons pas que la défense des
lépreux passe nécessairement par l'antisémitisme et l'antibochevisme viscéral.
Enfin, et nous achèverons notre démonstration là-dessus, nous ne sommes pas les seuls à douter de la
véracité de cette rencontre de Raoul Follereau avec les lépreux.
Car l'Ordre de Malte, lui aussi, partage nos réserves et nos doutes. Et il n'hésite
pas à le dire et à l'écrire, sans être réellement contredit. Et il nous plait de
considérer que l'Ordre de Malte présente plus de garanties d'objectivité que les
dirigeants de la Fondation Raoul Follereau. Dans le dossier de presse que l'Ordre
adresse chaque année aux médias dans le cadre de la Journée Mondiale des
Lépreux, l'Ordre de Malte affirme (source ici, page 7), tout comme il le fit à chaque
année antérieure :
"E n 1938, Justin Godard, Président des Œuvres Hospitalières françaises de l'Ordre de Malte,
approche un jeune journaliste, un certain Raoul Follereau, pour lui demander de faire, pour le compte
des Œuvres Hospitalières, un reportage sur la lèpre en Afrique. Celui-ci, touché par ce qu'il voit,
décide de s'engager personnellement dans ce combat."
Comme nous pouvons le constater, nous sommes loin du reportage de 1925 demandé par un grand journal
argentin sur Charles de Foucauld.
Un mensonge ? Pour quel mobile ?
Après avoir démontré le caractère romancé, total ou partiel, de ce récit de Raoul Follereau sur sa rencontre
avec les lépreux, il convient de s'interroger brièvement sur les motifs qui auraient pu pousser Raoul
Follereau a procéder ainsi.
Différentes pistes de réflexion peuvent être ainsi ouvertes, sans pour autant prétendre apporter une réponse
formelle :
- En tout premier lieu, n'oublions pas que Raoul
Follereau était un précurseur du marketing caritatif,
autrement dit du charity business : certains de ses
contemporains furent ulcérés par la démagogie et le
populisme qui caractérisent les "coups de com" de
Raoul Follereau. Mieux que quiconque, à l'époque,
Raoul Follereau use et abuse des arguments ad
misericordiam et du pathos. Ce n'est pas pour rien
qu'Étienne Thévenin suppose que Raoul Follereau
s'est brillamment formé à la psychologie des masses
: il savait manier les ficelles de l'émotion de son
auditoire, quitte à prendre des libertés avec la réalité.
Son objectif est d'ouvrir le cœur, et surtout le porte-
monnaie, de ses spectateurs. Cette histoire de la
rencontre avec les lépreux est belle, elle est
émouvante : le public a envie d'y croire, Raoul
Follereau l'a bien compris et il est parfaitement possible d'imaginer qu'il a souhaité privilégier
l'efficacité du propos à sa véracité.
- De façon plus prosaïque, cela permet à Raoul Follereau, puis à la Fondation Raoul Follereau de gommer
le passé antisémite et collaborationniste de Raoul Follereau.
- Du même coup, cela permet à Raoul Follereau de se faire passer pour "l'homme qui a consacré sa vie
pour les lépreux". Aujourd'hui, la Fondation Raoul Follereau ne se gêne pas pour le faire, communiquant
ainsi sur un Raoul Follereau aseptisé et idéalisé ... un vrai petit produit du marketing caritatif ... bien que
non conforme à la réalité historique.
- Accessoirement, cela permet à Raoul Follereau de rompre tout historique avec l'Ordre de Malte qui
semble prétendre que Raoul Follereau a initialement travaillé pour les lépreux dans le cadre de l'Ordre
avant de se décider à jouer "sa carte perso".
converted by Web2PDFConvert.com
7. Conclusion
Dans cet article, nous n'avons pas souhaité porter un jugement sur le passé de Raoul Follereau. Nous
avons notre propre sentiment personnel, nos lecteurs l'auront probablement compris, mais notre blog ne
vise pas à critiquer Raoul Follereau pour ce qu'il a été.
Notre blog, et cet article en particulier vise à résister à une campagne de désinformation et de propagande
qui est contraire à la réalité historique : en souhaitant se faire passer pour "l'homme qui a consacré sa vie
pour les lépreux", Raoul Follereau occulte et dissimule les quarante premières années de sa vie et
prétend entrer dans l'Histoire pour ce qu'il n'est pas.
Être fasciste dans les années trente n'a, à la réflexion, rien d'exceptionnel.
Être pétainiste en 1940 n'a rien d'extraordinaire non plus (1940 : 40 millions de pétainistes, disait
Amouroux).
Être antisémite en 1936 n'a, malheureusement, rien de rare dans les milieux catholiques de France de
l'époque.
Raoul Follereau fut un homme de son temps et nous en prenons acte, sans juger ni condamner.
Mais, entre reconnaître que Raoul Follereau fut un homme de son temps et faire croire qu'il a été autre
chose que ce qu'il fut réellement, il y a un cap que nous refuserons de franchir.
Comme le disait Napoléon 1er, "l'Histoire est un mensonge de personne ne conteste". Voilà le rôle de
notre blog, notre unique rôle : tenter de préserver l'Histoire d'un de ses faussaires. Quelles qu'aient été ses
autres qualités par ailleurs.
Par Entre ombre et lumière
Proposer un com m entaire - Partager Like
Précédent Retour à l'accueil
: Raoul Follereau et le régime...
Créer un blog gratuit sur over-blog.com - C ontact - C .G.U. - Rémunération en droits d'auteur - Signaler un abus
converted by Web2PDFConvert.com