1. UNIVERSITE DE DROIT D'ECONOMIE ET DES SCIENCES D'AIX-MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE
Mémoire
Réalisé par KHEZAMI Samia
MASTER II : DROIT DES TRANSPORTS TERRESTRES
Centre de Droit Maritime et des Transports
« LE CONTRAT DE LOGISTIQUE »
Directeur de recherches : Maître Christian Scapel
Promotion : 2006/2007
- 1 -
2. -Remerciements-
Avant d’entamer ce mémoire, je souhaite témoigner de ma reconnaissance
à toute l’équipe d’intervenants dont Maître Christian Scapel pour la
qualité de leurs enseignements et de leurs interventions, qui constituent
de solides bases dans nos carrières de juristes.
Je souhaite exprimer ma profonde gratitude à M. Daniel HOEINIG, qui
m’a guidé et conseillé dans le cadre de ce mémoire.
Je souhaiterai également remercier M. Christophe THELCIDE, pour sa
gentillesse et sa spontanéité et qui a su nous transmettre son savoir, et sa
passion du droit des transports terrestres et maritimes.
Sans oublier tout le personnel de la société LV FRUIT ou j’ai pu effectuer
mon stage, en particulier Mademoiselle Djamila MEKADMI pour son
aide et ses précieux conseils.
Enfin, un grand remerciement à tous ceux qui m’ont soutenue et si bien
encouragée à la réalisation de ce mémoire.
A mes parents
Pour leur aide et soutien
Et sans qui je ne saurais pas là : MERCI
A ma famille et amis :Olfa,Anissa, Lotfi, Naji, Mojib,Rafik et Hichem.
- 2 -
3. -SOMMAIRE-
REMERCIEMENTS ................................................................................. 2
GLOSSAIRE............................................................................................ 5
INTRODUCTION ..................................................................................... 9
PARTIE I LE CONTRAT DE LOGISTIQUE : CONTRAT CONSENSUEL
CONCLU INTUITU PERSONAE ............................................................. 13
Chapitre I- La formation du contrat de logistique ................................... 14
Section I- Définition du contrat de logistique ............................................. 15
Section II- Les clauses clé du contrat de prestations logistiques ................... 20
Chapitre II- La mise en place du contrat de logistique ........................... 25
Section I- Le déroulement des opérations dans une entreprise de logistique .. 26
Section II- La responsabilité de l’entreprise de logistique ........................... 30
Chapitre III- La fin du contrat de logistique .......................................... 34
Section I- Les clauses de cessation du contrat de logistique ........................ 35
Section II- Les clauses attributives du contrat de logistique....................... 40
PARTIE II LA PRESTATION LOGISTIQUE : UN CONTRAT
INNOMME AU CARREFOUR DES CONTRATS NOMMES ...................... 45
Chapitre I- Les contrats « nommés » reconnus par la législation ............. 46
Section I- Le contrat de transport et le contrat de commission ..................... 48
Section II- Le contrat de dépôt et le contrat d’entreprise ............................. 50
Section III- La manutention dans le contrat de prestation logistique ............. 52
Chapitre II- La prestation logistique : vers un contrat sui generis ? ........ 56
Section I- Le transporteur logisticien : un patchwork juridique pour la
jurisprudence........................................................................................... 58
Section II- La théorie de l’accessoire : fin du contrat unique ....................... 61
- 3 -
4. Section III- Le contrat de mise à disposition : un dérivé du contrat de
prestation ................................................................................................ 64
Section IV- Le guide des bonnes pratiques logistiques : un référentiel
réclamé par les prestataires et clients ........................................................ 67
CONCLUSION ........................................................................................ 71
SOMMAIRE DES ANNEXES .................................................................... 74
ANNEXES............................................................................................... 75
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................... 97
TABLE DES MATIERES .......................................................................... 101
- 4 -
5. -GLOSSAIRE-
Activités logistiques
La conception, l’approvisionnement, la fabrication, le conditionnement,
l’emballage, le groupage/dégroupage, la conservation, le stockage, le
déplacement.
Centre de distribution
Entrepôt d’un réseau de distribution dont l’objectif est de desservir les
clients de l’entreprise.
Chaîne d’approvisionnement (supply chain)
« Le bon produit au bon endroit et au bon moment » : flux des produits et de
l’information le long des processus logistiques à partir de l’achat des
matières premières jusqu’à la livraison des produits finis au consommateur.
La chaîne d’approvisionnement inclut tous les fournisseurs de service et les
clients.
Chaîne logistique
La chaîne logistique est l’ensemble des entreprises interdépendantes
(considérés comme les différents maillons de la chaîne) se concordant dans
la réalisation des activités (approvisionnements, production et distribution)
pour assurer la circulation des produits ou services de leur conception à leur
fin de vie (service après vente et logistique de retrait).
Contrat
Un contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes
« s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas
faire quelque chose. Le contrat né donc de la volonté des parties qui sont
libres d’y inclure les clauses qu’elles désirent selon leur accord.
- 5 -
6. Contrôle des stocks
Mesure (exemple le dénombrement des articles stockés et la méthode de
l’inventaire permanent) utilisées pour contrôler a posteriori l’efficacité des
méthodes de gestions des stocks.
Délai de livraison
Laps de temps écoulé entre le moment ou l’engagement de livrer est
contracté et le moment de livraison correspondant à cet engagement.
Documents d’expédition
Documents adressés par l’expéditeur au destinataire et mentionnant le poids,
la nature des marchandises et les conditions de leur expédition.
Entrepôt
Lieu de réception, stockage et de préparation de produits avant leur
livraison
Expédition de marchandises
Ensemble des opérations par lesquelles le service de l’expédition transfère
des marchandises vers un destinataire qui en a préalablement passé la
commande.
Fonction logistique
Ensemble des méthodes et techniques qui concourent à la planification et à
la régulation des flux des matières premières, composants, en cours de
fabrication, produits finis aussi bien dans le temps que dans l’espace, dans
le respect des contraintes de coûts et des niveaux de service prévus.
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7. Frais de manutention
Coûts associés à la manipulation des marchandises entre le moyen de
transport et le site de livraison ou d’entreposage.
Gestion des stocks
Ensemble des activités et techniques qui établissent les références à tenir en
magasin, les quantités d’articles associés à ces références, les modes et
échéances de réapprovisionnement, les modes de valorisation des stocks.
Plate-forme
Etablissement de passage des transporteurs plus dédié au cross-docking
qu’au stockage proprement dit.
Rotation des stocks
Indicateur du renouvellement des stocks dans une période donnée (rapport
entre les sorties et le stock physique moyen correspondant)
Rupture de stock
Situation dans laquelle le stock physique est provisoirement épuisé, ce qui
empêche l’entité de fonctionner normalement.
Stock
Ensemble des matières premières, marchandises, fournitures, produits semi-
ouvrés, produits finis, produits en cours, emballages… qui appartient à une
entreprise à une date donnée.
Stock disponible
Stock physiquement existant, diminué des affectations, des réservations, des
commandes en retard et des quantités bloquées pour des problèmes de
qualité.
- 7 -
8. Supply Chain management
Mode de gestion des flux physiques et d’information visant à optimiser les
processus de commande, de production et de livraison.
L’étude de la Supply Chain conduit à définir, en collaboration avec un
client, les conditions dans lesquelles les opérations logistiques doivent être
orientées, et réalisées pour atteindre au mieux les objectifs de performances
commerciales, techniques et économique de l’entreprise.
A chaque étape de la Supply Chain, il s’agit de piloter des flux physiques,
financiers ou d’information entre une entreprise, ses fournisseurs et ses
clients.
Transitaire
Entreprise mandatée par l’expéditeur ou le destinataire d’une marchandise
qui doit subir plusieurs transports successifs. Sa mission est d’organiser la
liaison entre les différents transporteurs et d’assurer ainsi la continuité du
transport.
- 8 -
9. -INTRODUCTION-
Au cours des 3500 dernières années de notre histoire, nous avons
connu environ 8000 guerres. Ceci nous donne une base d’observation et de
réflexion pour comprendre l’évolution de la logistique militaire.
Les approches de la logistique ont évolué selon les contextes géographiques,
les objectifs stratégiques et les technologies mises en œuvre. La logistique a
toujours été un élément déterminant dans l’acte de guerre. Elle facilite le
mouvement, assure le ravitaillement, et le rapatriement des blessés.
Le mot « logistique » a comme racine grecque « logisteuo » signifiant avant
tout administré.
L’institution militaire a utilisé ce terme pour définir l’activité qui réussit à
combiner deux facteurs nécessaires dans la gestion des flux : l’espace et le
temps. La logistique a donc été un sujet de réflexion intense pour les grands
chefs militaires.
Au IV° siècle avant JC, Sun Tzu met en avant la nécessité de disposer de
chariots d’approvisionnement de denrées alors qu’ Alexandre Le Grand
(356-323 avant JC.) avant de se lancer dans son périple en Asie, brûla tous
ses chariots de denrées afin de rendre moins pesante la mobilité de ses
troupes. De part cette réflexion Alexandre Le Grand avait pensé faire
précéder le mouvement de ces armées par l’organisation de ravitaillement.
Ainsi jules César en créant la fonction « logistica » chargeait un officier de
s’occuper des mouvements des légions romaines pour organiser les
campements de nuit et constituer les dépôts d’approvisionnements dans les
villes soumises.
C’est au début du XX° siècle que les premières références sur la logistique
ont été identifiées. Cependant, c’est seulement vers le milieu des années
1970 aux Etats-Unis et début des années 1980 en Europe, que la logistique a
été prise en compte.
A partir de 1973, HESKETT isole la logistique comme un domaine à part
entière de la gestion, pour les enjeux stratégiques et ses problèmes
organisationnels.
- 9 -
10. En 1978, il définit la logistique1
comme un processus qui englobe
l’ensemble des activités participant à la maîtrise des flux physiques de
produits, à la coordination des ressources et des débouchés avec l’objectif
d’obtenir un niveau de service donné au moindre coût.
PORTER2
en 1980, identifie la logistique comme un avantage concurrentiel
possible pour les entreprises. C’est à partir de ce moment que la pensée
logistique française va suivre celle de la logistique américaine.
La logistique peut être définie simplement comme « la gestion efficace des
flux physiques et d’information d’une entreprise, de façon à satisfaire le
client » ; c’est lui livrer le bon produit, à l’endroit voulu, au moment voulu,
au prix voulu.
Quelle entreprise ne consacre pas une part importante de son énergie à
recevoir les commandes, gérer les stocks, planifier la production,
s’approvisionner chez les fournisseurs ?
Et ce même si les entreprises n’utilisent pas le mot logistique pour qualifier
cette démarche.
La « logistique » est un concept qui a commencé à apparaître avec la
construction des « plateformes logistique » destinées, dans les années de
leur émergence vers 1970, à permettre à des commissionnaires de transport,
ou à des transporteurs, de réceptionner les marchandises de leurs clients
industriels ou fabricants, les entreposer provisoirement, puis les réexpédier
vers les clients de ces derniers.
Au fil des années, tant en raison des nécessités économiques qu’en raison du
développement de l’informatique permettant l’échange de données et
d’informations, les besoins se sont modifiés pour aboutir à la distribution
des produits en flux physiques beaucoup plus tendus, afin de limiter la
quantité de stockage. Ainsi dans cette « logistique de distribution » certains
ont préféré internaliser leur logistique en se faisant construire des entrepôts
dédiés, soit sur les plates-formes en question, soit dans des sites
spécifiques. D’autres ont fait le choix, au contraire, d’externaliser leurs
1
Dans son livre, la logistique, élément clé de la stratégie, 1978.
2
Dans son livre, la logistique : approvisionnement, production, distribution.
- 10 -
11. prestations, de stockage notamment, qui étaient auparavant réalisées en
interne.
Face à cette multiplicité d’activités réunies sous le concept de « logistique »
quel en est le cadre contractuel et juridique?
De même les parties doivent définir clairement leurs obligations et leurs
responsabilités, ce qui est rendu difficile par le fait que ce terme n’est pas
défini juridiquement en tant que tel et que les contrats susceptibles de s’y
rattacher sont donc multiples.
En effet il n’existe pas vraisemblablement de définition légale de la
logistique et encore moins de son contrat.
La logistique recouvre des réalités extrêmement diverses, il est difficile de
donner un contrat juridique type. Le contrat juridique doit être le reflet de
cette diversité et toujours être le reflet des intentions des deux parties. Il y a
de nombreux cas encore ou les opérations logistiques externalisés ne font
pas, n’ont jamais fait l’objet d’un contrat clair et bien défini.
Le contrat de logistique étant avant tout un contrat par définition, il se
trouve naturellement soumis aux règles générales des obligations3
et se
trouve donc soumis à l’article 1134 alinéa 1 du Code civil « les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Dans le présent contrat, le donneur d’ordre fait entreposer des marchandises,
à titre professionnel auprès d’un dépositaire ou prestataire de service, qui
met à sa disposition un certain nombre de moyen matériels et humains
(entrepôts, équipes de surveillance, logiciel de gestion des stocks, flotte de
véhicule) et lui permet d’externaliser ses opérations de stockage et de
livraison et ainsi, d’optimiser ses flux commerciaux.
La complexité et l’étendue des prestations confiées au logisticien obligent
l’entreprise qui désire externaliser tout ou partie de ses flux logistiques et
son prestataire de services à rédiger un contrat qui précisent leurs
obligations réciproques. Les pourparlers précontractuels comme la
négociation du contrat sont souvent l’objet de longues discussions entre
Techniciens, commerciaux et juristes.
3
(Articles 1101 à 1396 du Code civil)
- 11 -
12. Il convient au mieux d’organiser les pourparlers et la négociation du contrat,
à tout le moins d’en connaître les risques et les conséquences. Les
engagements contractuels qui en résulteront créeront aussi des devoirs et des
obligations pour chaque partie, bref une matière vivante qu’il faudra
modifier au fil de l’évolution des techniques, peaufiner au fil de
l’expérience des parties, renégocier au fil de l’évolution des charges
financières qui pèsent sur les parties ou du périmètre des opérations
confiées.
La renégociation du contrat est souvent une source de difficulté et de
frictions entre les parties : en prévoir les modalités dans le contrat permet la
plupart du temps d’éviter les conflits en cas de rupture de l’équilibre qui
doit présider aux relations contractuelles.
C’est pourquoi nous tenterons dans ce mémoire de développer dans un
premier temps, le concept même du « contrat de prestations de logistique »
en mettant en avant la formation, l’exécution et la conclusion de celui-ci.
Puis dans un second lieu nous l’associerons aux divers contrats (contrat de
transport, contrat de dépôt…) qui se trouvent être parfois étroitement liés
pour ne pas dire confondus selon l’interprétation des juges.
- 12 -
13. PARTIE I
LE CONTRAT DE LOGISTIQUE
UN CONTRAT CONSENSUEL CONCLU
INTUITU PERSONAE
- 13 -
15. SECTION I - DEFINITION DU CONTRAT DE
LOGISTIQUE
La logistique étant une activité émergente et ne prenant sa pleine mesure,
dans les relations commerciales, que depuis fort peu e temps, il n’existe pas
à ce jour de texte, voire de solution jurisprudentielle, donnant une quelque
conque définition du contrat de logistique.
Ainsi on peut la formuler de la manière suivante :
« Le contrat de logistique est une convention par laquelle un
professionnel, l’entreprise de logistique, s’engage à gérer un stock de
produits afin de les remettre à des personnes désignées et en des lieux
déterminés, selon un calendrier souvent précis et contraignant et des
procédures préétablies en accord avec l’autre partie, le client, moyennant
un prix convenu ».
§I : Classification juridique du contrat de logistique
La classification juridique du contrat est importante, car elle permet de
déterminer le régime correspondant et d’en déduire, par analogie, des
conséquences juridiques maîtrisées. Cette tache s’avère laborieuse pour le
contrat de logistique. Comparons le contrat de prestations logistiques aux
conventions qui s’en rapproche le plus, à savoir le contrat de travail, le
contrat de dépôt, et le contrat d’entreprise.
A] Le contrat de logistique et le contrat de travail
Par définition, si l’on parle de contrat de logistique, on écarte la notion de
« contrat de travail » qui entraîne de lourdes conséquences pour l’employeur
tant en termes d’obligations vis-à-vis de ces employés que de charge
sociales.
Le contrat de travail peut être défini comme « la convention par laquelle
une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre,
- 15 -
16. sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une
rémunération ».
La caractéristique principale du contrat de travail est la subordination
juridique du salarié par rapport à l’employeur, ce qui ne correspond pas à
l’optique du contrat de logistique qui relève davantage du concept du
partenariat que de la relation subordonnée propre au contrat de travail. En
pratique ,la question de l’existence d’un lien de subordination est très
souvent éludée ou contournée par le fait que les entreprises de logistique
sont des sociétés et que le concept même de société s’oppose au principe de
salariat.
B] Le contrat de logistique associé au contrat de dépôt
L’article 1915 du code civil définit le contrat de dépôt ou plutôt la
conception de dépôt comme « un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui,
à la charge de la garder et de la restituer en nature ».
Le contrat de logistique ne nous semble pas davantage entrer dans cette
catégorie. En effet, l’opération caractéristique de dépôt est la garde et la
conservation de la chose.
Cette obligation se retrouve naturellement dans le contrat de logistique mais
elle n’en constitue pas l’obligation centrale. L’obligation essentielle de
cette relation est de gérer un stock de produits et d’en assurer la remise à
qui de droit lorsque la demande en est faite.
L’obligation principale de la relation logistique est donc bien une obligation
de faire quelque chose et non pas de conserver la chose.
- 16 -
17. C] Le contrat de logistique, un contrat d’entreprise ?
Aux termes du Code Civil4
, le contrat d’entreprise ou louage d’ouvrage est
défini comme « un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire
quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ».
Deux éléments primordiaux caractérisent ce contrat. En premier lieu,
l’exécution d’un travail particulier requérant certaines qualités ou encore la
fourniture d’un service, ceci par opposition à la simple fourniture d’un bien
comme dans le contrat de vente. En second lieu, l’indépendance de
l’entrepreneur vis-à-vis de son maître de l’ouvrage se traduisant par
l’absence de lien de subordination.
Ces éléments nous apparaissent recouvrir la réalité de l’opération de
logistique. En effet, le contrat de logistique oblige à faire quelque chose
pour le client moyennant paiement d’un prix (fourniture d’un service de
gestion de stock de produits en vue de leur remise au destinataire dans les
délais de produits en vue de leur remise au destinataire dans les délais et
conditions définis entre les parties).
Voyons à présent, les règles applicables à ce type de contrat.
§ II : Le régime juridique du contrat de logistique
On peut qualifier le contrat de prestations logistiques, comme un contrat
d’entreprise. Un bon contrat est celui qui énonce de manière logique,
exhaustive et non ambiguë les règles convenues. Tout contrat, dispose donc
d’un régime juridique propre, quel en est celui du contrat de logistique ?
Bien que chacune des parties s’interdisent en conséquence, sauf mandat
exprès et écrit, de représenter l’autre de quelque manière que ce soit, elles
doivent au préalable répondrent aux conditions de celui-ci.
4
A son article 1720
- 17 -
18. A] Les conditions de forme et de fond du contrat de logistique
Le contrat de logistique est régi par les dispositions concernant le contrat
d’entreprise (Code Civil art 1787 et s.) et, de manière plus large, par la
théorie générale des obligations.
La règle qui domine le droit français des contrats est celle du
consensualisme. Cela signifie que nul écrit n’est nécessaire pour constituer
un contrat valable. Au surplus, aucun formalisme n’est requis à sa
constitution. Un simple échange de courriers commerciaux peut s’analyser
comme un contrat.
Le contrat est simplement formé lorsqu’une offre rencontrera une
acceptation.
Le contrat n’est soumis à aucune forme particulière, et est présumé conclu à
titre onéreux.5
Les conditions nécessaires à la conclusion de tout contrat
commercial sont donc applicables, à savoir le consentement des parties,
ainsi qu’un objet et une cause indispensables à sa validité.
Les conditions de fonds requises pour la validité du contrat sont celles du
Code civil, c'est-à-dire une réunion de consentements non viciés par une
erreur, un dol, ou une violence, un objet possible est surtout licite.
B] La nature du contrat de prestation logistique : un contrat à
exécution successive.
Le contrat de logistique entre dans la grande catégorie des contrats à
exécution successive par opposition à celle des contrats instantanés.
L’opération de logistique ne se résume pas à l’exécution d’une opération
déterminée et ponctuelle. Au contraire, la relation de logistique s’inscrit
dans la durée, souvent sur plusieurs années. Cette constatation implique
qu’il ne sera pas rare que le contrat initialement signé fasse l’objet de
renouvellements ou de modifications en cours d’exécution. Il faut donc
5
Civ. 3ème
, 17 décembre 1997
- 18 -
19. retenir une structure contractuelle qui soit compatible avec une certaine
flexibilité d’usage.
Prévoir un préambule dans le contrat de logistique n’est pas indispensable.
En revanche, pour un contrat de prestations logistique cela est fortement
recommandé. Le préambule va en effet permettre de rappeler les
circonstances dans lesquelles le contrat de logistique s’inscrit et de restituer
son contexte. Quelles sont les parties, pour quelles raisons se sont-elles
choisies, comment se sont déroulés les pourparlers, etc.… ? A défaut de
telles précisions, il sera difficile de distinguer de logistique des prestations
qui le composent dont les régimes sont bien spécifiques et distincts les uns
des autres.
S’agissant du corps du contrat, il est bien entendu essentiel de rappeler les
obligations de chacune des parties mais surtout de faire état des différentes
prestations qui composent le contrat. Ainsi, le point de départ et la fin des
obligations du prestataire sont clairement déterminées ou déterminables.
- 19 -
20. SECTION II – LES CLAUSES CLE DU CONTRAT DE
PRESTATIONS LOGISTIQUES
Dans les prestations logistiques, il faut avoir à l’esprit de se prémunir contre
les désagréments qui pourraient découler de ce consensualisme en insistant
sur la nécessité d’un formalisme pour lier les parties. Ainsi, afin d’éviter
qu’une relation commerciale soit, à tort, qualifiée de contrat de prestations
logistiques, il est préférable de se protéger à l’aide de formules telles que :
« Le présent courrier ne revêt aucun caractère contractuel. Tout
engagement juridique concernant notre négociation de logistique est
expressément subordonné à la signature d’un contrat par les représentants
légaux des deux parties ».
On constate aussi fréquemment que le calendrier de mise en œuvre d’un
contrat de logistique par les opérationnels n’est pas toujours compatible
avec le calendrier de négociation du contrat. Il arrive donc, assez
régulièrement, que le contrat entre en vigueur dans les faits, alors que des
points de négociation, parfois important comme la question des limitations
de responsabilité, restent encore en suspens. Ainsi il n’est pas exceptionnel,
dans un tel cas de figure, que les choses traînent en longueur et qu’un
contrat en bonne est due forme ne soit jamais signé.
En cas de conflit sur un aspect non résolu, que se passera-t-il ?
En vertu du principe du consensualisme, le contrat sera considéré comme
existant. En cas de saisine, les juridictions rechercheront quels sont les
points sur lesquels les parties se sont mises d’accord et ceux qui restent à
définir. Les solutions sur lesquelles les parties sont tombées d’accord seront
alors appliquées. Pour les points pendants ou non résolus, les positions
antinomiques des parties seront écartées, application étant faite du droit
commun.
En d’autres termes le juge reviendra au droit général du contrat pour
suppléer le silence des parties.
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21. § I : Les clauses introductives du contrat de logistique
Il est à l’évidence indispensable d’identifier, dans le contrat, les personnes
liées par celui-ci :
« le présent contrat est signé entre : la société X, [forme de la société],
ayant sont siège social à [adresse], immatriculée au RCS de [ville], sous le
numéro …., représentée par Monsieur X dument habilité aux fins des
présentes (l’entreprise de logistique),d’une part,
Et la société Y, [forme de la société], ayant sont siège social à [adresse],
immatriculée au RCS de [ville], sous le numéro …. , représentée par
Monsieur X dument habilité aux fins des présentes (le client), d’autre
part. »
Dans un contrat de logistique, l’objet est naturellement la réalisation de
prestations de logistique par l’entreprise de logistique au profit du
bénéficiaire. Quand bien même l’objet du contrat ne fait aucun doute entre
les parties au moment de sa signature, cet objet pourra devenir des plus
incertains avec les temps ou pour un tiers étranger à sa négociation. Cette
incertitude est inopportune et donne prise à d’inutiles controverses
d’interprétation et au contentieux.
Le contrat doit dès lors, préciser très clairement l’objet de la relation de
logistique, son contenu et ses limites. Pour éviter que le contrat ne se
transforme en recueil technique, les parties se résoudront à donner une
définition conceptualisée et globale de l’opération de logistique dans le
corps principal du contrat et renverront aux annexes pour sa description
analytique.
En termes de durée, deux types de contrat peuvent être envisagés : les
contrats à durée déterminée et les contrats à durée non déterminée.
Le contrat à durée déterminée est conclu pour une durée préfixe : x années
ou y mois. Il lie alors les parties, sauf rupture anticipée, pour toute sa durée
- 21 -
22. et nul, en principe, ne peut y mettre fin prématurément. Le contrat prend fin
à son terme, sous réserves de mécanismes de renouvellement dont les parties
pourront librement définir les modalités dans leurs contrats. En principe, et
sauf à ce qu’il en soit disposé autrement entre les parties, un contrat à durée
déterminée qui continue d’être exécuté après son terme se transforme en
contrat à durée indéterminée.
A la différence le contrat à durée indéterminée est un contrat sans date
d’expiration précise. On prévoit son entrée en vigueur, mais on n’indique
pas sa date de cessation. Dans ce cas chaque partie est libre d’y mettre fin à
tout moment moyennant le respect d’un préavis raisonnable qui peut être
déterminé contractuellement. Il faut en effet savoir que si le droit français
autorise les contrats de longue durée, il interdit les contrats perpétuels.
L’exclusivité n’est pas dans la nature du contrat de logistique. Il est
néanmoins possible de la prévoir dans le contrat. Le plus souvent,
l’exclusivité concernera le client qui s’engagera à confier toutes ses
opérations de logistique à la même entreprise.
L’inverse est plus difficilement concevable. Il est en effet difficile
d’imaginer qu’une entreprise de logistique accepte de fournir ses services à
un seul client. En revanche, il est plus facilement envisageable qu’un client
ne souhaite pas qu’une entreprise de logistique fournisse ses services à un
de ses concurrents immédiats. Dans une telle hypothèse, il ne s’agira plus
d’exclusivité à proprement parler mais de non-concurrence. Enfin
contrairement à certaines catégories de contrats comme les contrats
d’approvisionnement, il n’existe pas pour le contrat de logistique de
disposition particulière limitant l’exclusivité à une certaine durée.
Le contrat de logistique peut-il prévoir une clause de non-concurrence au
profit de l’un ou l’autre contractant ?
Une clause de non-concurrence à pour objet d’interdire à l’une des parties
de contracter pendant ou après le contrat avec une entreprise concurrente de
la première. Le but étant d’éviter qu’elle fasse profiter son nouveau
partenaire du savoir-faire acquis auprès de celui d’origine. Elle a pour objet
accessoire de compléter les obligations de confidentialité.
- 22 -
23. La question est de savoir si une telle clause se trouve justifiée eu égard à la
légitimité du but recherché dans une entreprise de logistique. En effet, le
droit de la concurrence, plus encore que le principe de liberté du commerce
et de l’industrie, est très suspicieux à l’égard de ce type de clause, surtout
lorsqu’elle présente un aspect post contractuel. Une telle clause devra alors
être limitée dans son champ d’interdiction (domaine d’activité, temps,
espace) pour ne pas excéder le but légitime de protection recherché.
§ II : Un contrat « intuitu personae »
Comme nous l’avons cité précédemment le contrat de logistique entre dans
la famille des contrats d’entreprise. Comme tel, il est conclu intuitu
personae. Cela signifie qu’il est signé en considération de la personne de
son interlocuteur, et plus précisément de celui qui s’engage à effectuer
l’opération de logistique. De part cette caractéristique, il ne peut en principe
être cédé ou sous-traité par l’entreprise de logistique. Cette protection
légale n’est cependant pas suffisante et ne recouvre pas tous les cas de
figure. Ainsi un contrat de logistique bien qu’ayant été signé avec une
société, pourra l’avoir été en considération de telle ou telle personne
travaillant ou dirigeant cette société. Dès lors, si cette personne part ou si
cette société est vendue, d’un point de vue strictement juridique, l’intuitu
personae du contrat n’aura pas été affecté. Le signataire du contrat de
logistique qui est la société prise comme personne juridique n’aura pas été
touché. Il n’en demeure pas moins que, dans une telle hypothèse, l’aspect
personnel du contrat aura bel et bien été remis en cause.
Le caractère intuitu personae propre à tous contrats d’entreprise est à
nuancer s’agissant de prestations logistiques car nous savons que le recours
à la sous-traitance est monnaie courante. En effet, cette technique est assez
répandue étant donné le caractère complexe et spécifique des différentes
prestations (transport, stockage, gestion des stocks, constitution de
chargements, mise en route des produits du client...).
- 23 -
24. Tous les prestataires logistiques n’exercent pas toujours ces activités de
manière simultanée. C’est pourquoi le recourt à la sous-traitance est parfois
inévitable. Le contrat de prestations logistiques se distingue donc d’un
contrat d’entreprise classique. Néanmoins, le prestataire logistique reste
seul interlocuteur et responsable à l’égard de son client.
- 24 -
25. CHAPITRE II - LA MISE EN PLACE DU
CONTRAT DE LOGISTIQUE
- 25 -
26. SECTION I -LE DEROULEMENT DES OPERATIONS
DE LOGISTIQUE
Le contrat de logistique doit très clairement définir les droits et obligations
réciproques des parties, et notamment le calendrier des opérations de
logistique.
Le contrat devra organiser dans le détail le mécanisme de déclenchement des
demandes des opérations. Organiser ces procédures avec précision permettra
d’optimiser et de rationaliser la mise en œuvre et la gestion des demandes de
prestation logistique.
§I : La mise en place d’un calendrier des opérations et le
pilotage du contrat
Les parties sont encouragées à définir dans leur contrat le territoire
d’exécution des prestations de logistique. Ce territoire pourra, dès lors, être
une adresse d’usine, des entrepôts, une ville, un périmètre kilométrique, une
région, un pays…
En prévoyant un territoire, on va ainsi permettre la détermination des coûts
de la logistique, contrôler, le cas échéant, l’exclusivité et pouvoir influer
sur son partenaire en étendant ou réduisant son territoire d’intervention en
fonction de ses performances techniques et commerciales. Il convient
toutefois de prendre garde à l’écueil suivant. Le territoire doit être défini
par référence à un paramètre objectif et donc ne pas être susceptible de
modification par l’action unilatérale de l’un des contractants, ni
d’interprétation.
Dans une opération de logistique, le personnel contribue de manière
essentielle à la réussite du projet. Il est donc important de prévoir dans le
contrat que l’entreprise de logistique devra affecter un personnel suffisant et
adéquat au service du client. Réciproquement, le client doit également
affecter un personnel chargé du suivi des opérations. Le contrat pourra aussi
déterminer une série de personnes nommément désignés qui assureront le
pilotage du projet ou la gestion des commandes. Une obligation plus
- 26 -
27. générale en moyens humains pourra également être prévue. Les pilotes du
projet pourront être modifiés par chacune des parties qui devront alors
indiquer les noms des nouveaux pilotes à l’autre partie par voie de
notification.
En accompagnement de cette disposition, il est également possible de
prévoir une obligation pour l’entreprise de logistique de suivre les directives
du client concernant ses procédures-produits. Une obligation identique
pourra également être mise à la charge du client.
§ II: La propriété des stocks dans un contrat de logistique
Dans la plupart des hypothèses, l’entreprise chargée de réaliser les
opérations se logistique n’acquiert jamais la propriété des produits transitant
entre ses mains. Elle n’en est que le dépositaire. Ainsi pour éviter que les
produits du client fassent l’objet de saisies de la part de créanciers de
l’entreprise de logistique, il peut être prudent d’en identifier matériellement
la propriété dans les entrepôts de l’entreprise prestataire de services.
Le stock est l’élément central de l’opération de logistique. Du stock
disponible dans l’entreprise prestataire dépendra la bonne fin et la célérité
de la réalisation de l’opération. Le contrat devra alors prévoir le niveau de
stock permanent.
Pour garantir que l’entreprise de logistique gère correctement les stocks de
produits qui lui sont confiés, il n’est pas inutile de prévoir une clause de
visite par le client des installations de son prestataire de service et, en
particulier de son site d’entreposage. De telles visites pourront le cas
échéant, permettre de corriger les faiblesses qui auront pu être notées par le
client.
De même pour garantir une meilleure fraicheur des stocks, il peut être
opportun de prévoir une clause de rotation des stocks selon une méthode
prédéterminée. Exemple : « afin d’assurer un roulement du stock et d’éviter
- 27 -
28. une obsolescence des produits gardés, l’entreprise de logistique s’engage à
gérer le stock de produits selon une méthode FIFO ».
La question des stocks à l’issue même du contrat peut être une source
sérieuse de difficultés et d’interrogations. La sensibilité des parties sur ce
point pourra même être exacerbée si la cessation des relations contractuelles
s’est déroulée dans une ambiance contentieuse avérée ou latente. Ainsi afin
de couper court à toute forme de discussions stériles à leur sujet, il apparaît
judicieux de définir le sort post-contractuel des stocks de produits du client,
et leurs conditions de retour à ce dernier. Dans le même ordre il est
nécessaire de régler la question des produits avariés, périmés ou
déconditionnés.
§III: la fixation et le paiement du prix dans le contrat de
logistique
La devise obligatoire de paiements dans les contrats franco-français est
l’euro.
Pour les contrats internationaux, les parties demeurent, en revanche,
toujours libres d’élire comme monnaie de paiement toute devise de leur
choix. Il en sera prudent de choisir une devise convertible et d’anticiper des
variations de change. Si le prix n’est pas payé dans la devise de calcul, pour
éviter toute spéculation, il sera bon de prévoir un mécanisme de conversion
et de fixer la date de celle-ci.
La fixation logistique ne s’envisageant qu’à titre onéreux, la question du
prix en constitue un élément substantiel.
Les parties doivent définir, au moment de la signature du contrat, le prix de
prestations de logistique. Il est nécessaire de préciser le prix de chaque
prestation ou, s’il s’agit d’un forfait, le contenu du forfait. Le contrat doit
éliminer ou, à défaut, identifier et traiter tous les risques de supplément de
prix qui pourraient survenir lors de l’exécution des prestations. Dans le
même ordre d’idées, il importe de prévoir les conditions d’évolution à la
hausse ou à la baisse, du prix du contrat et insérer, le cas échéant, une
- 28 -
29. clause d’indexation qui soit en rapport avec l’activité des parties ou l’objet
du contrat. Il s’agit la des conditions de légalité de la clause d’indexation,
une référence à l’indice général des prix à la consommation étant illicite.
Concernant le paiement du prix il ne suffit pas de prévoir qu’un prix doive
être payé par une partie à l’autre. Encore convient-il de déterminer ou, quant
et comment ce paiement devra intervenir. Les parties auront toute latitude
pour déterminer s’il s’agit d’un paiement à date fixe, d’un paiement à
réception de la facture. Beaucoup de nuances sont à apporter à ce niveau
pour toutes les prestations logistiques liées au transport depuis l’adoption de
la loi du n°2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au
développement du transport qui dans son article 26 introduit un nouvel
alinéa à l’article L 441-6 du Code de Commerce en vertu duquel les délais
de paiement des prestations de transport ne sauraient être supérieurs à 30
jours à compter de la date d’émission de la facture. Cette disposition est
d’ordre public, et son non respect constitue un délit pénalement sanctionné
tant à l’égard du prestataire que de son client.
- 29 -
30. SECTION II – LA RESPONSABILITE DE
L’ENTREPRISE DE LOGISTIQUE
A défaut de disposition légale particulière, les dommages résultant de
l’exécution ou de l’inexécution de tout contrat de logistique doivent être
réparés par celui à qui ils sont imputables, conformément aux règles du droit
commun de la réparation des dommages contractuels. C’est l’article 1150 du
code civil qui limite la réparation au dommage prévisible au moment de la
formation du contrat. L’appréciation du caractère prévisible du dommage est
une question de fait.
§I: Les limitations contractuelles de responsabilité
Les parties peuvent influer conventionnellement sur la responsabilité qui
résultera de l’inexécution du contrat. En principe, les clauses limitatives ou
exonératoires de responsabilité sont valables. La jurisprudence reconnaît
leur efficacité, mais en restreint sérieusement les conditions de validité.
Tout d’abord, la clause ne doit pas aboutir à une décharge de responsabilité
sur les obligations essentielles de la part de celui qui s’oblige. Une telle
disposition serait sanctionnée sur le fondement de la théorie de la cause. Par
ailleurs, la clause limitative ou exonératoire de responsabilité demeure sans
effet en cas de dol, c’est-à-dire de manœuvre frauduleuse, ou de faute lourde
de celui qui s’en prévaut.
La clause pénale, telle que définie par le code civil dans son article 1152,
consiste à déterminer par avance, dans le contrat, le montant de l’indemnité
qui sera due par le contractant en cas d’inexécution de son obligation. Elle
sera présente comme un forfait. La réparation prévue est en conséquence
indépendante de l’importance réelle du préjudice subi et ne peut en principe
y être ajustée. Cette clause est aussi un moyen de contraindre le débiteur à
l’exécution lorsque son montant est important. Si le montant de l’indemnité
parait au juge manifestement excessif ou dérisoire, la loi l’autorise,
nonobstant toute clause contraire et même d’office, à modérer ou augmenter
- 30 -
31. la peine convenue au contrat. Il ne lui est pas permis de fixer une somme
inférieure au montant du dommage subi par le créancier, mais il bénéficie de
la faculté de la supprimer en l’absence de préjudice. Le juge peut tenir
compte de l’exécution partielle du contrat pour diminuer la peine prévue à
proportion de l’intérêt que le créancier a retiré de cette exécution (article
1231 du code civil). En définitive, la seule limite imposée au juge dans son
pouvoir modérateur est le montant du dommage subi par le créancier.
Les obligations dont l’inexécution est sanctionnée par une clause pénale
doivent être très précisément définies. En général, il s’agit de l’inexécution
d’obligations de faire (respect des délais de livraison, obligation d’assurer
les marchandises, obligation d’assurer la surveillance des marchandises…)
ou de ne pas faire (obligation de non-concurrence). Les dommages causés
aux marchandises à l’occasion du stockage, où des manipulations font
plutôt l’objet de clauses limitatives de responsabilité.
Le contrat doit aussi prévoir une clause de garantie faisant supporter à
l’entreprise de logistique les conséquences des actions en responsabilité
intentées contre le client par les destinataires. En effet, l’entreprise de
logistique ayant souvent pour mission de gérer les stocks du client jusqu’à
leur acheminement jusqu’au destinataire final, elle doit supporter la charges
des dommages qu’elle cause à celui-ci du fait de l’inexécution de ses
obligations. Le destinataire ne connaissant que le client de l’entreprise de
logistique, il va s’adresser à celui-ci pour demander réparation de son
préjudice.
La question du transfert des risques est une question essentielle du contrat
de logistique. Qui supporte les risques de la garde des produits donnés en
logistique ? A partir de quel moment et jusqu’à quand ?
En règle générale, les difficultés ne surgissent pas dans les périodes de
passivité vis-à-vis des produits, mais plutôt lors de leurs manipulations en
vue de leurs remises au prestataire de logistique ou au destinataire final.
Partant du principe que l’entreprise de logistique a pour mission de délivrer
les produits au point de destination désigné par son client, une clause telle
« les risques afférents aux produits seront transférées à l’entreprise de
- 31 -
32. logistique à partir de [ …]. L’entreprise de logistique en assumera la
charge et les risques jusqu’à leur livraison aux entrepôts du client,
déchargement compris. Lors de chaque réception de produits, le client
devra vérifier les emballages et adresser au transporteur, ou à l’entreprise
de logistique toutes réserves et réclamations qui apparaitraient justifiées ;
une copie étant également adressée à l’entreprise de logistique. » mettra
cette responsabilité à la charge de l’entreprise de logistique.
§II: Les limitations et exonérations légales de responsabilité
Le contrat de logistique n’étant pas reconnu comme tel, par le législateur, il
n’y a donc aucun texte (pour le moment) qui énonce les limitations de
responsabilité du contrat de logistique à charge aux parties d’en faire
référence dans la convention.
Pour les transports maritimes la Convention Internationale de Bruxelles pour
l’unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août
1924, reprise par la loi française n° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats
d’affrètement et de transports maritimes, prévoit un plafond de
responsabilité du transporteur maritime à hauteur de 666 DTS par colis ou 2
DTS par kilo.
Concernant le transport routier de marchandises ce plafond est de 750 € par
colis ou 14 à 23 € par kilo conformément à la loi d’orientation des
transports intérieurs n°82-1153 du 30 décembre 1982.
La convention relative au contrat de transport international de marchandises
du 19 mai 1956 dite « CMR » prévoit quant à elle une limitation de 8,33
DTS par kilo.
Le prestataire logisticien pourra se prévaloir de ces limitations s’il ressort
que la prestation de transport revêtait un caractère d’activité principale, ou
si ces limitations ont été choisies par les parties dans la convention.
- 32 -
33. La force majeure, Selon l’article 1148 du code civil « est exonéré de sa
responsabilité celui qui n’a pas pu accomplir l’obligation qu’il lui incombait
d’exécuter en raison d’un cas de force majeure ».
Telle que définie classiquement par les tribunaux, la force majeure est
constituée par des évènements réunissant les caractères d’extériorité,
d’imprévisibilité et d’irrésistibilité, lesquels empêchent la réalisation de
l’obligation contractuelle.
Les conditions de mise en œuvre de la force majeure sont particulièrement
strictes et rarement réunies. Pour cette raison, il n’est pas exceptionnel que
le contrat substitue une définition de la force majeure moins « sévère » que
celle ressortant de la jurisprudence. Le contrat étant la loi des parties, rien
n’y s’oppose. Il convient toutefois de prendre garde à ce que la définition
donnée ne soit pas non plus trop souple et n’aboutisse ainsi à une
exonération de responsabilité. Il peut être prévu que le contrat pourra
prendre fin à l’initiative des parties si la force majeure perdure au-delà
d’une certaine durée.
- 33 -
35. SECTION I- LES CLAUSES DE CESSATION DU
CONTRAT DE LOGISTIQUE
Tout contrat de logistique prend normalement fin à son terme. Il arrive
toutefois que les évènements fassent qu’une des parties souhaite y mettre fin
avant que la date normale de cessation n’intervienne. On parle alors de
« résiliation anticipée ». De même nous sommes parfois amenés lors de la
conclusion du contrat à insérer dans le contrat des clauses dites de
« confidentialité » pour le maintien du secret professionnel ou encore des
clauses de « non débauchage » pour éviter le recrutement dans des
entreprises concurrentes.
§ I: La clause dite « résolutoire »
Aux termes de l’article 1184 du code civil, « la condition résolutoire est
toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas ou
l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement ». La mise en
œuvre de la résiliation anticipée est cependant formaliste. Si les parties
n’ont rien prévu pour en aménager et assouplir les conditions d’exercice,
seul le juge pourra libérer les parties de manière anticipée. Pour cette
raison, il est important de prévoir une clause résolutoire de plein droit qui
permettra aux parties de sortir du contrat rapidement et sans avoir à passer
par les offices du juge.
Les parties devront doser sa rédaction, de sorte qu’elle ne se transforme en
disposition favorisant des actions de chantage à la résiliation pour des
problèmes véniels ou en favorisant des abus d’utilisation. Certaines
violations contractuelles sont graves et justifient la cessation immédiate des
relations contractuelles. D’autres, en revanche, sont simplement gênantes ou
ennuyeuses et peuvent faire l’objet d’une correction ou d’un avertissement
sans frais. Les clauses résolutoires reflètent souvent cette dualité. Il est
ainsi généralement prévu un double mécanisme de sanction contractuelle.
Une mise en œuvre immédiate viendra sanctionner une violation
- 35 -
36. contractuelle grave ou non réparable. Une mise en demeure de réparer le
trouble causé frappera les fautes moins sérieuses. A toutes fins utiles, on
rappellera que le principe de la triple mise en demeure, la troisième
permettant de rompre le contrat, ne repose sur aucune base légale.
En principe, lorsque la cessation de la relation contractuelle intervient
conformément à son terme, c'est à dire autrement que du fait d’une violation
contractuelle, aucune indemnisation n’est due. Ce principe ne devrait a
priori pas souffrir d’exception mais, en certains domaines, il se trouve
néanmoins battu en brèche.
Afin de couper court à toute velléité indemnitaire, il est utile de prévoir
dans le contrat de logistique une disposition qui pose clairement la règle de
non- indemnisation post-contractuelle.
§ II: La clause de confidentialité
Le secret professionnel existe, mais il est limité à certaines professions. Au-
delà des incriminations spécifiques qui répriment la diffusion de certaines
formes déterminées de secret comme l’article L 621-1 du code de la
propriété intellectuelle, il n’existe pas d’obligation générale confidentialité,
sauf à la faire entrer dans l’obligation générale de bonne foi qui régit
l’exécution de tout contrat dont dispose l’article 1134 du code civil.
Il ne nous semble dès lors pas qu’il existe une obligation implicite pour les
contractants d’un contrat de logistique de maintenir confidentielles les
informations économiques, commerciales, techniques ou industrielles qui
leur ont été communiquées en cours de contrat, lorsque ces divulgations
s’inscrivent dans le cadre normal des relations d’affaires, et que finalement,
elles doivent être regardées comme le fruit de l’expérience professionnelle.
Hormis les hypothèses particulières de fraude ou de parasitisme prouvé,
profiter de l’enrichissement acquis au contact des autres apparaît comme la
récompense normale inhérente à toute activité économique ou
professionnelle.
Il serait donc préférable de prévoir une obligation de confidentialité si l’on
souhaite se protéger efficacement contre un risque de divulgation. Comme
- 36 -
37. en matière de clause de non-concurrence, la clause de confidentialité doit
être rédigée avec mesure. Elle doit assurer une bonne protection contre le
risque de divulgation mais ne pas entraver inutilement la liberté
d’entreprendre de son cocontractant. En particulier, la clause de
confidentialité perdra sa raison d’être lorsque les informations
confidentielles auront cessé de l’être, autrement que par la faute du
bénéficiaire de ces informations. La clause confidentialité doit non
seulement régler la question de la divulgation proprement dite dédites
informations, mais aussi leur usage et la question du retour de leurs
supports.
§ III: La clause de non débauchage
A travailler régulièrement avec les mêmes interlocuteurs, des liens
personnels se tissent. Il peut arriver qu’une des entreprises, généralement
l’entreprise cliente de la prestation de logistique souhaite recruter un ou
plusieurs employés de son cocontractant. On parle alors de débauchage.
Une telle pratique est, en principe, parfaitement légale et trouve sa
justification dans le principe de la liberté du commerce et de celle du
travail. En l’absence de disposition contractuelle contraire, le débauchage de
salariés ne se trouve sanctionné, par le biais d’une action en concurrence
déloyale, qu’en cas d’abus manifeste, c’est-à-dire en cas de débauchage
systématique destiné à désorganiser l’entreprise victime du débauchage.
Pour éviter d’avoir à rapporter la preuve de l’intention maligne qui sous-
tend ce débauchage interdit, il sera opportun d’insérer une disposition
contractuelle l’interdisant. Ainsi, le simple fait de débaucher un salarié de
l’autre partie sera constitutif d’une faute contractuelle ouvrant droit à
réparation.
Cette clause peut être illustré par un arrêt de 2006 de la Cour de Paris6
, en
effet, s’il est très désagréable de voir un concurrent récupérer des salariés,
6
C. Paris, 5ème
chambre section A, 28 juin 2006 ; Ségui ès qual. Contre Sté Action Logistique.
- 37 -
38. profiter de leur éventuel savoir- faire ou de leurs contacts avec les clients,
prouver la faute du nouvel employeur n’est pas si évident. En effet, la
responsabilité étant quasi-délictuelle, il faut :
• Etablir la « complicité » et donc démontrer qu’il a embauché les
nouveaux en connaissance de la clause de non-concurrence qui les
liait.
• Qu’il y a eu débauchage massif (ainsi un ou deux départs ne tirent
pas à conséquence)
• Que l’on a violé un savoir-faire ou détourné la clientèle par divers
procédés dont le dénigrement.
• Et que le tout a porté préjudice direct, difficile à établir.
En l’espèce, une société de logistique reprochait tout cela à son concurrent
mais se voit déboutée. Pourquoi cette décision ?
En l’absence de toute contre partie pécuniaire, la clause de non-concurrence
était nulle : on ne pouvait donc reprocher au rival d’avoir aidé à la violation
d’une disposition inexistante.
La deuxième mouture de la stipulation, tout aussi vague, était inopérante ; la
clause de confidentialité était valable mais elle n’a de portée selon la Cour
« que si elle s’attache à un savoir-faire » en l’occurrence, rien n’établissait
l’originalité des méthodes.
De plus rien ne démontrait l’existence de tentatives de détournements ses
clients sur lesquels le logisticien n’avait aucun droit exclusif. Enfin le lien
entre les manœuvres et la perte de clientèle alléguée n’était pas établi : les
difficultés de la victime pouvaient être conjoncturelles. Reste à savoir
comment se préserver des prédateurs, le juge ne laisse pas grand choix :
soit il y a une clause de non-concurrence qui doit faire l’objet d’une contre
partie financière, soit il y a une clause de confidentialité (pour laquelle elle
n’est pas exigée) mais qui est limitée par l’exigence d’un savoir faire. Tout
est une question d’introduire une clause de type : « Le salarié (ou le
cocontractant, s’il n’y a pas de contrat de travail) s’engage à ne pas
divulguer à un tiers, directement ou indirectement concurrent, même après
la résiliation du contrat pour quelque motif que ce soit, les méthodes
d’exécution des prestations, la teneur de la démarche qualité et les
- 38 -
39. pratiques qualités de son employeur ( ou de son donneur d’ordre ). Toute
violation de cette clause entraîne la réparation de l’entier préjudice subit
même indirect ».
De même en stipulant une clause « de non démarchage » qui n’est pas une
clause de non-concurrence a proprement parler puisqu’elle n’interdit pas de
se rétablir. On pourrait être libellée ainsi « le salarié (ou le cocontractant)
s’interdit de démarcher les clients de son ancien employeur (ou donneur
d’ordre) pendant X année et dans tel rayon ». A la différence avec la clause
de non-concurrence, elle ne porte pas atteinte à la liberté du travail ou
d’entreprendre, puisque si les clients viennent directement, il n’y a rien à
dire.
Encore n’est-on pas sur que le juge n’y détecte pas une clause de non-
concurrence déguisée…
Aussi faudrait-il le « muscler » en précisant que l’interdiction vise toute
manœuvre tendant au détournement de la clientèle.
- 39 -
40. SECTION II - LES CLAUSES ATTRIBUTIVES DE
JURIDICTION
En cas de litige, les parties peuvent porter leur différend soit devant les
tribunaux, soit pour les domaines ne relevant pas de la compétence exclusive
des juridictions étatiques, devant une cour d’arbitrage. Si la solution de
l’arbitrage est retenue dans le contrat, les parties devront encore choisir
entre l’arbitrage institutionnel et l’arbitrage dit ad hoc. La différence entre
l’un et l’autre système n’a pas, en principe, de répercussions sur la sentence
arbitrale qui sera rendue. Simplement, dans le premier cas, l’organisation
matérielle de la procédure et les audiences arbitrales sont organisées par un
organisme d’arbitrage. En cas d’arbitrage ad hoc, il appartiendra aux parties
de prendre en charge cette organisation.
§ I:La Cour de conciliation et d’arbitrage de la logistique et
du transport.
Il est aujourd’hui impensable de s’engager verbalement. De conclure
d’importants marchés simplement par téléphone, sans penser aux
« pathologies ».
Conciliation et médiation sont deux modalités de règlement conventionnel
des litiges, c’est-à-dire que l’extinction du litige procède d’une solution
connue et acceptée des parties.
Selon le contexte, le terme de conciliation et de médiation vise tant la
procédure que l’acte par lequel les parties éteignent le litige. La différence
entre la conciliation et la médiation est plus de degré que de nature : la
médiation implique l’existence d’un tiers, le médiateur, chargé de faciliter
la réalisation d’un accord amiable, alors que la conciliation n’implique pas
la présence d’un tiers, les parties peuvent se concilier elles-mêmes ou bien
sous l’impulsion d’un tiers, un conciliateur. La qualification du recours à un
tiers en vue de parvenir à un accord amiable est parfois consacrée par la loi.
- 40 -
41. Dans le procès civil la distinction entre conciliation et médiation repose sur
le caractère légal ou judiciaire de la tentative d’arrangement amiable.
Prévues par la loi ces conciliations et médiations ont des régimes juridiques
propres. D’ailleurs, dans le procès civil, les régimes juridiques de la
conciliation et de la médiation ne sont pas similaires, bien que leurs
finalités soient identiques. En dehors des cas ou les termes de conciliation et
de médiation sont consacrés par la loi, ces deux notions recouvrent une
même réalité et apparaissent synonymes pour désigner une procédure
d’arrangement amiable se déroulant sous l’égide d’un tiers. La conciliation
et la médiation sont dites extrajudiciaires lorsqu’elles se déroulent en dehors
de tout procès et judiciaires lorsque les parties parviennent à s’entendre au
cours du procès.
C’est précisément pour traiter préventivement et curativement ces litiges
que la FEDIMAG avec l’aide d’avocats spécialisés dans le domaine ont eu
l’idée de créer une Cour de conciliation et d’arbitrage de la logistique et du
transport. L’arbitrage est de nos jours très utilisé, notamment dans le
commerce international.
Il s’agit d’une justice privée, coexistant avec nos juridictions d’Etat, à
laquelle le code civil et le code de procédure civile ont néanmoins reconnu
droit de cité.
Ainsi sitôt l’accord conclut, les parties prévoient de s’en remettre à
l’arbitrage pour traiter leurs éventuels procès et ce, par clause
compromissoire. Les arbitres rendent alors une sentence (et non un arrêt ou
un jugement) qui obtient l’exequatur pour devenir exécutoire : possibilités
de saisies, de ventes forcées …
Sauf stipulations contraires des contractants, la langue d’arbitrage utilisée
sera le Français et le droit applicable le droit français.
Les intérêts de cette procédure sont multiples, d’abord l’impartialité de ou
des arbitres désignés, en nombre impair, qui doivent dans une déclaration
liminaire certifier leur totale indépendance vis-à-vis des parties. Des
arbitres que la cour arbitrale et l’adversaire peuvent d’ailleurs récuser. Le
recours à l’arbitrage permet en outre de savoir par qui on va être jugé
puisque les arbitres sont librement désignés par les parties. Il peut s’agir de
magistrats en exercice, de praticiens du droit, de professeurs d’Université,
- 41 -
42. voire d’hommes d’affaires ou de grand commis de l’Etat. La cour arbitrale
publiera une liste d’arbitres.
En recourant à l’arbitrage, on est surtout assuré d’être jugé dans un délai
raisonnable de six mois maximum. Et d’autant plus définitivement qu’on
aura renoncé à toutes voies de recours. La formule respecte l’aspect
contradictoire du procès, l’arbitre s’assurant, notamment, de la transmission
des pièces à l’adversaire.
L’arbitrage respecte surtout la confidentialité des affaires, en effet, les
audiences ne sont pas publiques et l’intégralité des pièces fournies sera
rendue aux intéressés, excluant de ce fait tout risque de contrôle fiscal ou
social ultérieur.
Enfin les frais et honoraires d’arbitrage sont « barèmisés » en proportion de
l’enjeu et de la complexité du litige à régler. Les honoraires des arbitres
sont payables en début et fin d’arbitrage, la provision étant imputable pour
moitié (25% à charge de chacune des parties). En fin de procès, la Cour
répartit l’ensemble des frais entre les protagonistes. Bien entendu, si une
conciliation ou transaction intervient en cours de procédure, l’arbitrage
n’aura coûté aux parties que la seule provision.
De manière générale avec une sentence exécutoire, confidentielle et sans
appel, de ce type, on est assuré d’avoir une solution équilibrée, juridique et
parfois équitable. Car l’équité peut parfois utilement s’inviter au contrat. Il
est vrai que nos lois sont parfois en désaccord avec la réalité ainsi mieux
vaut juger être juger en équité qu’en droit.
§ II : Les clauses relatives aux contrats internationaux de
prestations logistiques
Lorsque le contrat de logistique est un contrat international, il appartiendra
de prêter une attention toute particulière à sa rédaction, et s’assurer les
conseils d’un avocat spécialisé en droit international, dans la mesure où
l’exercice de rédaction va s’avérer nettement plus périlleux, et les réflexes
différents. En particulier, s’il est inutile d’indiquer dans un contrat franco-
français quel est le droit applicable au contrat puisque, par définition, celui-
- 42 -
43. ci est le droit français, une telle logique ne s’applique plus avec la même
évidence pour les contrats internationaux.
En droit international il existe des règles complexes de détermination de la
loi applicable destinées à suppléer le silence des parties (la convention de
Rome du 19 juin 1980). Plutôt que de s’en remettre à la solution qui sortira
de cet exercice, il sera grandement préférable d’élire le droit applicable au
contrat au moment de la rédaction. Bien entendu, il ne suffira pas de choisir
un droit applicable au contrat par simple commodité ou parce qu’il présente
un caractère de neutralité. Il faudra s’assurer que le contrat est valide par
rapport au droit élu et surtout s’informer des conséquences matérielles de
l’application de telle ou telle loi étrangère. Il ne faudra pas oublier que, par
l’effet territorial du contrat de logistique ou de la nationalité de l’une des
parties, des dispositions de droits non envisagées ne régissant pas le contrat
pourront néanmoins trouver application. Ces règles sont les lois d’ordre
public ou de police qui s’appliquent à une situation juridique
indépendamment du droit applicable au contrat.
Il en va en particulier ainsi du droit de la concurrence, du droit fiscal, ou du
droit régissant les flux monétaires.
S’il est très souhaitable de définir la loi applicable au contrat international
de logistique, il est également important de déterminer quelle sera la
juridiction compétente en cas de litige. Dans le cas contraire, les parties
s’en remettront aux règles de résolution des conflits de juridictions.
A cet égard on soulignera qu’il est rarement judicieux de dissocier un droit
applicable des tribunaux chargés de l’appliquer. A nouveau, les parties
seront appelées à réfléchir sur l’intérêt du recours à l’arbitrage par rapport
aux tribunaux et d’analyser les couts et les risques engendrés par les
systèmes respectifs. Dans cette réflexion, il ne faudra pas oublier que le
prononcé d’un jugement ou d’une sentence arbitrale n’est que l’étape
préliminaire dans la résolution d’un litige. Il faudra encore le faire exécuter
soit de manière volontaire, mais le plus souvent de manière forcée, ce qui
posera la non moins difficile question de l’exécution des jugements
étrangers dans un autre pays.
La question linguistique reviendra de manière récurrente dans la négociation
d’un contrat international de logistique. L’anglais étant la langue
- 43 -
44. internationale des affaires, il est très vraisemblable que le contrat soit non
seulement négocié et rédigé en anglais, mais aussi exécuté dans cette langue.
En cas de bilinguisme contractuel, le contrat devra prévoir très expressément
quelle sera la langue contractuelle officielle. S’il existe une traduction
contractuelle dans une autre langue, il pourra être utile d’indiquer quelle
sera la langue qui fera foi en cas de contradiction linguistique. Par ailleurs,
s’il appartient à une partie de communiquer à l’autre partie des documents
dans une langue autre que celle de rédaction originale du document, la partie
communicante devra prendre toute la mesure du cout en temps, énergie et
argent qui devra consacré à la préparation des traductions et à leurs
révisions.
Le contrat de logistique international pourra entrainer des réunions de suivi
en dehors du territoire national. Si des réunions sont prévues au titre du
suivi de l’évaluation du contrat de logistique international, il conviendra
d’en intégrer la cout par avance et, si possible, de définir à même le contrat
ou auront lieu lesdites réunions et qui supportera le cout des visites de
vérification effectuées dans le cadre du suivi de la bonne exécution du
contrat.
- 44 -
45. PARTIE II
LA PRESTATION LOGISTIQUE
UN CONTRAT INNOMME AU
CARREFOUR DE CONTRATS NOMMES
- 45 -
47. Les contrats portant sur l’accomplissement d’un acte actif de manière
autonome sont appelés « contrats de service »7
. Dans notre Code Civil, ces
contrats sont subdivisés en trois types, à savoir le contrat d’entreprise
(louage d’ouvrage dans le Code Civil, cité et traité aux articles 1787-1799
du C. civ.), le contrat de dépôt (C. civ. Article 1915-1954) et , enfin le
contrat de mandat (C. civ. Article 1984-2010).
Ainsi que nous l’avons indiqué dans notre première partie, la logistique
n’est définie, sur le plan juridique , par aucun texte et constitue de ce
fait, « un contrat innommé »,d’où l’importance de définir son contenu, au-
delà des règles générales du droit des contrats qui ont été rappelés.
Mais la logistique englobe par ailleurs quantité de prestations, lesquelles
sont, en revanche, définies par des textes : c’est ce qu’on appelle « les
contrats nommés », dont quatre intéressent la logistique : le contrat de
commission de transport et le contrat de transport régis par le code de
Commerce ainsi que le contrat de dépôt et le contrat d’entreprise instaurés
dans le code Civil.
L’intérêt de se pencher sur le contenu de ces contrats est double, dans la
mesure ou il déterminera si le contrat de logistique peut se rattaché
partiellement ou en totalité à l’une ou plusieurs des dites catégories. On
identifiera le ou les régimes juridiques qui y sont rattachés. Enfin on
déterminera si les obligations dudit contrat constitueront des obligations de
moyens ou de résultats.
7
F. Glansdorff e. a, les contrats de service, Bruxelles éd. Jeune Barreau, 1994 ; F.Glansdorff « Actualités des
contrats de service », in Aspects récents du droit des contrats, Bruxelles, éd. Jeune Barreau , 2001
- 47 -
48. SECTION I- LE CONTRAT DE TRANSPORT ET LE
CONTRAT DE COMMISSION
Le commissionnaire de transport est un des prestataires par lequel la
logistique est arrivée via les plateformes. Son statut est donc naturellement
examiné en premier, puisque, dans le cadre d’un contrat de « prestation
logistique », il faudra légitimement se demander si le prestataire n’est pas
un commissionnaire de transport dans l’exercice effectif de ses fonctions.
Cet examen doit se faire au-delà même de son inscription au registre
spécifique des commissionnaires tenus par les préfets de région, qui
constitue l’aspect réglementaire de sa profession et qui est souvent effectuée
par les « logisticiens ».
Rappelons que le commissionnaire, en général, est défini au chapitre II,
section 1 du code de Commerce à l’article L 132-1 disposant « le
commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social
pour le compte d’un commettant.».
Les devoirs et droits du commissionnaire qui agit au nom d’un commettant
sont déterminés par le titre XIII du livre II du code Civil.
En revanche, le commissionnaire de transport n’est pas redéfini
textuellement à la section II du code de Commerce. C’est la jurisprudence
qui a cependant dégagé des critères de définition : en le qualifiant
d’intermédiaire non mandataire. Il exécute pour le compte du commettant
mais en son propre nom en son nom, les actes juridiques et les actes
matériels nécessaires au déplacement de la marchandise. Le commissionnaire
agit de manière indépendante, non subordonnée au commettant. Il organise
librement le transport par les voies et les moyens de son choix et en
assume la responsabilité. Sa double responsabilité est définie par le code de
Commerce, en effet, il est responsable de son fait personnel8
, il est
responsable du fait de ses substitués9
.Ainsi vis-à-vis de son commettant (ou
de son client) le commissionnaire assume ainsi une obligation de résultat, ce
8
Article L 132-4 et L 132-5 du code de Commerce
9
Article L 132-6 du code de Commerce
- 48 -
49. qui présente évidemment un intérêt pour ce dernier, qui exige souvent de
son prestataire d’organiser ses transports de distribution en aval.
Mais, pour autant, la logistique ne se délimite pas, en général, à
l’organisation des transports. A défaut le contrat pourrait être tout
simplement requalifié comme tel.
La qualification de contrat de commission est souvent retenue pour qualifier
une convention comportant diverses prestations de nature logistique :
transport, manutention et stockage. Cette qualification se révèle judicieuse
dans la mesure où elle correspond à l’activité de groupage assumée par les
commissionnaires. La qualification de contrat de commission de transport
est ainsi retenue pour des opérations de transport, manutention et stockage,
la Cour de cassation10
relevant que l’opération était assurée par un
commissionnaire qui « se chargeait accessoirement d’assurer la garde des
marchandises entre les opérations d’approvisionnement et de livraison ».
Le transport doit ainsi constituer l’objet essentiel du contrat, les autres
prestations n’ayant qu’un caractère accessoire, concourant à la réalisation
du transport.
La logistique ne se limite pas non plus, en général, au transport, mais ce
dernier est souvent partie intégrante du contrat, pour peu que l’organisateur
commissionnaire de transport ait, comme c’est souvent le cas, sa propre
flotte de véhicules et exécute donc lui même, totalement ou le plus souvent
partiellement, une partie des transports.
Le transporteur est celui qui s’engage à déplacer des marchandises ne lui
appartenant pas par ses propres moyens, moyennant un prix et un délai. La
responsabilité du transporteur, qui est présumée, est définie, en droit
national, tant par le code civil11
que par le code de commerce, aux articles L
133-1 et suivant. Cette présomption de responsabilité se retrouve dans toutes
les conventions internationales relatives aux différents modes de transport.
Le transporteur assume donc aussi une obligation de résultat.
10
Cass. Com, 3oct. 1989, n°87-15.725, Sté Marquet C/ Sté Rochars-Bonnet et autres, Bull. Civ. IV, n°244
11
Articles 1782 à 1784
- 49 -
50. SECTION II- LE CONTRAT DE DEPOT ET LE
CONTRAT D’ENTREPRISE
La logistique, c’est aussi, à l’origine, le stockage des marchandises.
Juridiquement, cet acte se rattache au contrat de dépôt défini à l’article 1915
du code civil : « Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la
chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature. ».
Le contrat de dépôt se caractérise par deux obligations pour l’entrepositaire
celle de garder et conserver « la chose » c'est-à-dire la marchandise, en
bon père de famille et celle de restituer la chose telle qu’il l’a reçue. Pour
autant, en termes d’obligations, la jurisprudence considère que le dépositaire
n’assume qu’une obligation de moyens et on de résultat. Mais la logistique
peut aussi recouvrir des prestations autres que l’organisation des transports,
le transport et le stockage.
Toutes les autres prestations , qui n’entrent pas dans le cadre des trois
contrats précédemment nommés, pourraient se voir rattacher au contrat de
« louage d’ouvrage », dit aussi « contrat d’entreprise », car sa définition,
extrêmement large, est susceptible de regrouper les prestations de
conditionnement des produits, voire leur assemblage.
L’article 1710 du code Civil définit celui-ci comme suit : « le louage
d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire
quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ».
Le contrat d’entreprise présente deux caractéristiques principales par
rapport aux autres contrats : tout d’abord la fourniture d’un service est non
d’une chose ( au contraire du contrat de vente) puis l’indépendance de
« l’entrepreneur » ( au contraire du contrat de travail caractérisé par le lien
de subordination).Cela étant , la nature de l’obligation du « locateur
d’ouvrage », c'est-à-dire de celui qui exécute cet ouvrage, n’est pas, en
dehors du cas spécifique des contrats de constructions, définie par le code
Civil. C’est la jurisprudence qui a élaboré au fil du temps des critères
permettant, profession par profession, de déterminer si l’obligation souscrite
est ou non de résultat ou de moyens.
- 50 -
51. En matière de contrat de logistique, tout reste à faire.
Certains estiment qu’il est plus commode de rattacher le contrat de
prestations logistiques au seul contrat d’entreprise, ce qui n’est que
partiellement vrai du point de vue de sa classification et ce qui ne nous
parait pas, de surcroît, être satisfaisant du point de vue de la détermination
de l’engagement du prestataire, puisqu’on laisserait ainsi le champ libre à la
jurisprudence pour définir cette responsabilité.
Il nous semble plus opportun, soit de définir, dans le cadre du contrat de
logistique, chaque prestation à laquelle peut être rattaché tel ou tel type
d’obligation, soit encore, et cela n’est pas antinomique, de considérer que le
contrat de prestations logistiques est un contrat « sui generis ». Cela étant,
quelle que soit l’option choisie, nous ne pouvons que préconiser aux
différents partenaires d’une future prestation logistique de définir
précisément cette dernière dans le cadre d’un véritable contrat, et de ne pas
se contenter de « cahiers des charges », qui sont rencontrés fréquemment
dans le milieu de la logistique. Ces derniers, très utiles en annexes
techniques du contrat, deviennent illisibles, contradictoires, et donc
dangereux, lorsqu’ils incluent des clauses pseudo juridiques, destinées à
remplacer un contrat en bonne et due forme, et qui ne sont pas rédigées par
des juristes d’entreprise ou avocats spécialisés.
- 51 -
52. SECTION III - LA MANUTENTION DANS LE
CONTRAT DE PRESTATIONS LOGISTIGUE
Transport et manutention ont, de tous temps, entretenu des relations étroites.
Au reste, les rapports parfois difficiles entre manutentionnaires et
transporteurs se compliquent encore plus aujourd’hui puisque manutention et
transport s’intègrent dans le cadre plus vaste de la logistique.
Plus délicate est la recherche de la nature juridique de la prestation lorsque
celle-ci se situe dans le cadre d’un contrat de logistique. Plus large est
d’ailleurs la question, car dans le cas d’un contrat de prestations logistiques,
le logisticien effectue de nombreuses opérations : il manutentionne, il
stocke, il prépare les commandes, il emballe, il livre, il reprend parfois les
invendus et, quelque fois même, il établit la facture. Toutes ces activités
étant successives ou simultanées, on est tenté de segmenter la prestation
pour appliquer à chaque segment un régime de responsabilité différent. Une
piste de réflexion ne devrait-elle pas consister à soumettre l’ensemble de
l’opération au régime du contrat d’entreprise…sauf pour les phrases qui
obéissent à des régimes spécifiques dérogatoires au droit commun : le dépôt
pour le stockage, le transport pour « le déplacement de la marchandise »,…
Ainsi, la phrase « manutention » s’intégrerait au contrat général et obéirait
au même régime que lui.
On trouvera une illustration de cette théorie dans deux arrêts récents :
Dans un premier arrêt 12
le juge considère que la « qualification du contrat
de prestation de services litigieux doit être déterminée par ses prestations
essentielles ; que ce contrat , qui prévoit un ensemble de prestations
composites à savoir : réception, stockage, prise en charge, préparation de
commandes, contrôle des préparations, constitution des chargements,
transports, livraisons, enlèvements et mise en route des produits de la
société X , est un contrat complexe, regroupant divers services au sein
desquels la livraison de la marchandise n’est pas essentielle , n’apparaissant
12
CA Paris, 4 janv.2000,n°98/1377,BTL 2000 p 169
- 52 -
53. que comme l’aboutissement des opérations de stockage et de gestion dans les
entrepôts de la Société Y… »
Ainsi la Cour déclare « que l’objet social du logisticien n’est pas
exclusivement le transport d’un point à un autre puisque ses prestations
incluent également un contrat de dépôt, un contrat de mandat par la gestion
des stocks et vérification des commandes, de service par l’emballage, des
opérations longues, complexes et importantes exigeant matériel, entrepôts et
personnels et qui ne sont pas accessoires au transport des marchandises ».
Par conséquent elle refuse d’appliquer « de courtes prescriptions,
dérogatoires au droit commun » à un contrat qu’elle considère « composites
prévoyant un ensemble de prestations réalisant une chaîne de logistique » tel
un contrat de prestations de services conclu entre ces deux sociétés.
Dans un second arrêt13
de 2005, Une société X, soutenant que « sa
responsabilité ne pourrait être recherchée qu’au regard des règles qui
régissent le transport routier international et que, dans ce cadre, elle serait
fondée, en l’absence da faute lourde, à titre principal, une présomption de
livraison conforme et, à titre subsidiaire les limitations de responsabilité
fixées par la convention marchandise route, dite CMR »;
Les juges on en vue autrement, considérant « que la prestation essentielle
confiée à la société X par la société Y consiste en un transfert en France de
divers matériels avec, principalement, une série d’opérations de
manutention, de stockage et de tri et, accessoirement de transport, même si
celui-ci a fait l’objet d’une facturation distincte… »
Par conséquent la cour en en déduit un contrat d’entreprise global.
Traiter de la manutention intégrée au contrat de transport ou de commission
de transport est plus aisée. D’abord parce que la figure juridique est plus
simple, ensuite parce que la pratique et le législateur la connaissent depuis
que le transport existe. Pourtant charger, décharger un camion, n’est ce pas
faire de la manutention ?
Envisagée sous cet angle et portant généralement sur le simple
chargement/déchargement de l’ensemble routier, la manutention constitue
13
CA Paris, 9 juin 2005, n°02/19550, BTL 2005 p 557
- 53 -
54. alors, soit une prestation intégrée, soit une prestation annexe, mais toujours
une prestation obéissant au régime juridique du contrat principal : en
l’espèce le contrat de transport ou le contrat de commission de transport.
La LOTI a institué l’établissement par décret de contrats type applicable de
plein droit, à défaut de conventions écrites entre les parties14
. Parfois
controversés, souvent attaqués, notamment par le biais de la constatation
d’une indemnisation de retard limitée au prix du transport, les contrats types
sont depuis consacrés par le conseil d’Etat15
.
L’étude du contrat type « général » est éclairante quant au régime juridique
des prestations de manutention intégrées au contrat de transport16
.
L’article 7 du contrat type distingue, tout d’abord la manutention au départ
« chargement, calage, arrimage » et la manutention à l’arrivée
« déchargement ». Cette différentiation des taches parait simple et de bon
sens. Mais elle doit se combiner avec les dispositions de l’article 25 de la
loi dite « sécurité et modernisation des transports »17
, qui institue un
document de « cadrage » des taches du transporteur, document qui doit être
remis au voiturier effectif, préalablement à la présentation du véhicule au
chargement, et qui doit, entre autres, contenir « outre les informations
nécessaires à l’exécution du contrat, la liste des prestations annexes ». Ainsi
la manutention, qui n’est pas expressément citée au titre des prestations «
normales » entrerait-elle alors dans les prestations annexes ? On peut
répondre par l’affirmative, mais il faut alors s’empresser, d’ajouter que, s’il
n’est pas dérogé au partage institué par le contrat type ,à le supposer
applicable, à défaut d’autres conventions entre les parties.
En d’autres termes, ce n’est sue si les parties entendent, par exemple, faire
supporter la manutention au donneur d’ordre pour un envoi de moins de trois
tonnes, ou faire supporter au transporteur la manutention pour un envoi de
plus de trois tonnes, qu’il y aura lieu de le préciser dans le document de
cadrage, bien évidemment en prévoyant une rémunération spécifique de cette
prestation, en quelque sorte « exorbitante de droit commun du contrat
14
L.n°82-1153 30 déc. 1982, JO 31 déc.
15
CE, 6 juillet 2005, n°261991, BTL 2005 p 495
16
D. 99-269, 6 avril 1999, JO 11 avril et D. 2001-1363, 28 déc. 2001, JO 30 déc.
17
L. 95-96, 1er
févr. 1995, JO 2 févr.
- 54 -
55. type ». La cour d’appel de Colmar du 8 mars 2004 en fait une illustration à
ce principe.
Par conséquent le critère simple permettait de distinguer le « vrai » contrat
de manutention de la manutention intégrée au contrat de transport, serait
« qu’à chaque fois que l’opération de manutention est réalisée par un tiers
au contrat de transport, qu’il soit requis par le donneur d’ordre ou par le
transporteur, il y a création d’un contrat de manutention » c'est-à-dire
contrat de prestation de service n’obéissant pas au droit commun du
transport.
Bien sur, lorsque l’opération de manutention se situe déjà dans un contrat
plus vaste de prestation de service : le contrat de prestations logistiques, il
n’y a pas lieu de se poser la question. La manutention sera une des
prestations de service du contrat.
- 55 -
57. Le temps ou le voiturier napoléonien se bornait à acheminer la marchandise
par diligence est révolu. Aujourd’hui, les transporteurs ne se cantonnent
plus à l’acheminement : nécessité commerciale faisant loi, les voila
contraints de taler, quasi inévitablement, du magasinage, de la manutention
voire de la location de supports. Bref, de se lancer dans le monde
protéiforme de la logistique. Une évolution qui ne va pas sans poser de
problèmes en cas de contentieux. Comment traiter cet ensemble de contrats
ayant chacun leur régime propre ?
Quand un litige survient, la jurisprudence a une ligne de conduite simple,
inspirée d’un vieux principe : pour qualifier le contrat, on détermine la
prestation la plus importante. L’ensemble de la convention suit alors son
régime. Cette construction a été mise à mal par la Cour de Versailles18
.
18
Dans un arrêt du 14 Janvier 1999, Sté CGM Sud contre Cie le Continent et autres
- 57 -
58. SECTION I LE TRANSPORTEUR LOGISTICIEN : UN
« PATCHWORK JURIDIQUE » POUR LA
JURISPRUDENCE
Aujourd’hui les transporteurs ne réalisant que du transport sont rares.
Compte tenu des coûts générés par la route, le déplacement ne paie plus.
Vœu des clients et concurrence obligeant, on s’est tourné progressivement
vers d’autres métiers : d’abord le stockage, puis la gestion des
approvisionnements, la préparation des commandes et la mise en route des
produits fournisseur. Bref des prestations encadrant le domaine logistique.
Prenons le cas classique d’une entreprise proposant la gestion de stocks, le
magasinage l’emballage, le contrôle des préparations, la constitution de lots,
le transport, et mise en marche des produits. Si l’on décompose l’ensemble
des services offerts, on trouve un peu de tout. Deux prestations, seulement,
sont aisées à identifier et possèdent leur régime propre : le dépôt et le
transport. Quant aux autres opérations, elles sont à classer dans la catégorie
fourre-tout de la « prestation de services ». Or, sauf exceptions (tel le
transport ou la construction), elle n’a pas de statut juridique propre et relève
du contrat d’entreprise ou louage d’ouvrage.
L’entrepreneur est simplement tenu d’œuvrer dans les règles de l’art, ce sui
ne dit nullement quelle est la nature de son obligation : moyen ou résultat ?
Il faut, alors, examiner chaque service pour déterminer le régime applicable.
A ce niveau, déjà, les solutions peuvent varier :
Ainsi la gestion d’approvisionnements s’apparente aussi au mandat (avec
une responsabilité pour faute prouvée) dès lors qu’il y a mission de
représentation auprès des fournisseurs. Compte tenu de son double régime,
on serait tenté d’y voir une simple obligation de moyens.
Pour la préparation de commandes et, plus précisément,
l’étiquetage/emballage, on peut être plus exigeant et s’acheminer vers une
obligation de moyens renforcée.
Quant à la constitution de chargement, la question est plus complexe mais il
faut, à notre avis, pencher pour l’obligation de résultat. En aval, le
- 58 -
59. prestataire va jouer le rôle de transporteur : il faut donc un chargement
adéquat au plan sécurité et conservation de la marchandise.
Enfin s’agissant de la mise en route des produits, le moins qu’on puisse
demander est une installation conforme : il y a, au minimum, obligation de
garantie, voire résultat.
Au plan de la prescription et des formalités, le problème est encore plus
aigu : le transport est soumis à une forclusion en cas d’absence d’envoi
d’une protestation motivée dans les délais et à une prescription annale. Les
autres contrats, eux relèvent de la prescription décennale sauf clause
contraire abréviative.
Difficile, dans ces conditions de gérer l’ensemble. Trois solutions
apparaissent donc :
Soit faire de la logistique un tout, avec un régime précis, contractuel et la
transformant en contrat sui generis, soit isoler le maillon coupable quand la
chose est possible, soit appliquer la théorie de l’accessoire et déterminer la
prestation qui conduira à qualifier l’ensemble de la convention. (Que l’on
traitera dans une section deux).
Quand il n’y a que deux contrats, la chose n’est déjà pas aisée, comme en
témoigne la jurisprudence transport /dépôt (conf. annexe 1).Lorsque s’y
joignent une foultitude de prestations, l’exercice est encore plus délicat. Si
la partie « contrat » d’entreprise est majoritaire, on sera conduit à la doter
d’un régime sur mesure, purement contractuel. Concrètement quelles sont les
mentions à ne pas omettre dans ce type de convention ? On pourrait être
tenté d’imputer globalement au prestataire une simple obligation de moyen.
La solution est confortable mais, elle heurte un texte capital du transport :
l’article L 131-1 du nouveau code de commerce. Si le dommage provient du
déplacement, le transporteur en sera garant, toute clause contraire étant
réputée non écrite. On peut, en revanche, tout à fait stipuler des limitations
d’indemnités. Quant au délai pour agir, il faut, là encore, tenir compte de la
partie déplacement et de l’article L 133-3 du même code. On ne peut y faire
échec en allongeant le délai, mais rien n’empêche d’accommoder l’ensemble
de la convention comme un contrat de transport et de stipuler qu’aucune
réclamation ne sera admise à défaut de protestation motivée dans les trois
jours suivant la réception. De même, pour ne pas s’exposer longtemps à la
- 59 -
60. prescription, il est possible de transposer l’article L 133-6 du code de
commerce et prévoir un délai annal : l’article L 110-4 (prescription
décennale entre commerçants) n’étant pas d’ordre public, on peut le
raccourcir.
On s’aperçoit, en fin de compte, que si la part « transport » est marginale, il
faut néanmoins la prendre en considération pour la rédaction d’un contrat
global. Reste à savoir comment réagissent les juges face à ce type de
situation… A notre connaissance, ils n’ont pas encore eu à traiter de
problèmes de gestion ou préparation de commandes prises en tant que telles.
Le seul contentieux concerne la part entre l’entreposage et le transport. Là
encore, les solutions sont loin d’être concordantes : certains se fondent sur
la théorie de l’accessoire (section 2), comparant la part respective de chaque
prestation, d’aucun préfère isoler le chaînon objet du litige (tableau de
jurisprudences des contrats complexes : annexe 1).
- 60 -
61. SECTION II-LA THEORIE DE L’ACCESSOIRE : FIN
DU CONTRAT UNIQUE
On connaît tous bien la théorie dite de l’accessoire : il suffit de penser au
cas ultra classique ou le transport se double d’un dépôt. Si un sinistre
survient durant l’entreposage, on regardera qu’elle était la prestation
dominante dans l’esprit des parties : le transport ou bien le stockage ? Une
fois cette recherche effectuée, on appliquera à l’ensemble de la convention
le régime de l’opération principale. Si la prestation majeure est le transport,
il y aura présomption de responsabilité, prescription annale et
indemnisations selon les contrats types.
Pour démêler l’écheveau de ces contrats juxtaposés, les juges tiennent
compte de la volonté des parties, la durée di stockage étant relativement
inopérante : tout juste une présomption.
A coté du dépôt, le transport comporte bien souvent de la manutention. Bien
que les contrats types règlent peu ou prou son sort, on procédera en cas de
dommage, au même dispatching entre prestation principale et secondaire.
Cette théorie a une utilité certaine : elle fait de contrats disparates, soumis à
des régimes distincts, une convention unique ayant un seul statut. Si l’on se
met au contraire à découper le contrat, on va au-devant de sérieuses
complications…
En effet en saucissonnant l’opération, on risque de mauvaises surprises,
surtout du coté transporteurs.
Prenons le cas suivant : Un voiturier, chargé d’un Paris Marseille, assure la
marchandise pour le compte du client, procède à son transport, l’entrepose
en attendant l’arrivée du destinataire. Dans une autre variante, le
transporteur achemine la marchandise, aide au déchargement grâce au
matériel de levage loué au destinataire et branche la machine livrée (cette
hypothèse n’est pas si rare).
Dans la première version, nous avons un mandant, plus un transport, plus un
dépôt, soit trois contrat ayant chacun leur régime propre : ainsi on va de la
faute prouvée (dans le mandat) à la présomption de responsabilité (dans le
transport).
- 61 -
62. Dans la seconde hypothèse, on trouve un transport plus une location de
matériel, plus un contrat d’entreprise. Si l’on se place dans la logique de la
Cour de Versailles, on peut fort bien admettre que ni le stockage qui est
destiné à la conservation des marchandises, ni la location de matériel, ni a
fortiori, le branchement de l’appareil ne sont la cause du transport… Il y
aura donc diversité de responsabilité mais ce n’est pas le pis...
D’abord, la prescription d’un an, propre au contrat de transport, ne
s’appliquera pas aux autres prestations, soumises au délai décennal entre
commerçants, sauf clause spécial dans la convention. Encore faut-il y
penser !
Quant aux limitations d’indemnités des contrats types, elles se cantonneront
au déplacement proprement dit, sauf convention contraire.
Il y a donc un risque qu’on peut éliminer via des conditions générales multi
usage. En effet rien n’empêcherait, par exemple, un transporteur logisticien
de disposer que la réparation due, en cas de perte ou avarie, est limitée
selon les contrats types ou selon ses propres conditions « en quelque qualité
qu’il intervienne, voiturier, mandataire, dépositaire, loueur,… ».
Qu’en est-il du sort des « services »supplémentaires ?
Conscient des risques qu’encourent le voiturier en acceptant des missions
supplémentaires, les contrats types ont dressé des barrières. D’abord en
posant le principe que le transporteur ne procède ni à l’échange, ni à la
location de palettes, tout retour de ces emballages devant faire l’objet d’un
contrat de transport distinct et rémunéré. Le voiturier n’est comptable de la
perte des palettes que s’il existe une convention écrite contraire au contrat
type par laquelle il a accepté de les reprendre. Cette convention peut passer
inaperçue dans la mesure où il suffit que le transporteur ait exécuté un
déplacement au vu d’un fax où figure la mention « retour palettes » pour
présumer qu’il a bien voulu se charger de leur récupération…
Quant à la règle selon laquelle le silence vaut acceptation, elle souffre
quelques exceptions, surtout dans le monde des affaires ou l’absence de
formalisme est de règle…
Par ailleurs, les contrats types ont dressé une liste, non limitative des
prestations annexes donnant lieu à paiement. La loi n°95-96 du 1er
février
1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et
- 62 -
63. régissant diverses activités d’ordre économique et commercial, est, cette
fois, allée plus loin en limitant le « service transport » à la préparation du
véhicule au chargement/déchargement, à la conduite et à la mise en œuvre de
ses équipement : le reste relève donc des prestations supplémentaires devant
être convenus et rétribuées. La loi ajoute, d’ailleurs, que les dommages
résultant de services non convenus engagent la responsabilité de celui qui
les a demandés : les dégâts provoqués par un déchargement imprévu sont, a
priori, à la charge du destinataire.
Bien entendu ce listage et ces précautions n’évitent pas les litiges, mais
favorisent l’amélioration des conflits.
- 63 -