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UNIVERSITE DE DROIT D’ECONOMIE ET DES SCIENCES D’AIX - MARSEILLE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES D’AIX – MARSEILLE
CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS
LA CLANDESTINITE MARITIME
D.E.S.S. DE DROIT DES TRANSPORTS OPTION DROIT DES
TRANSPORTS MARITIME
Mémoire présenté par Aurore DIAZ /Année 1997/98
Directeurs de recherches :
Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES et
Monsieur le Professeur Christian SCAPEL
INTRODUCTION
Le clandestin peut être défini comme un délinquant qui voyage sans titre de transport et
qui est en contravention avec les lois nationales puisqu’il n’est pas autorisé à entrer sur
le territoire. L’article premier de la Convention de Bruxelles de 1957 sur les passagers
clandestins donne une très bonne définition puisqu’elle les définit comme : “ Une
personne qui en un port quelconque ou un lieu en sa proximité, se dissimule dans un
navire sans le consentement du propriétaire du navire ou du capitaine ou de toute autre
personne ayant la responsabilité du navire et qui est à bord après que le navire a quitté
ce port ou lieu ”.
La clandestinité maritime n’est pas un phénomène nouveau, elle a toujours existé. Déjà
au XVIII siècle, on a retrouvé des traces de ces passagers dans les rôles de bord des
navires de commerce. A cette époque, les clandestins étaient pour la plupart des
français qui fuyaient la France pour aller tenter leur chance aux Indes. Aujourd’hui ce
sont davantage des étrangers qui fuient leur pays pour aller s’installer dans des pays
développés.
Depuis quelques années, ce phénomène a pris de plus en plus d’ampleur et il devient
une préoccupation grandissante pour les armateurs qui sont tenus de rapatrier ces
voyageurs indésirables et qui doivent faire face aux multiples dépenses occasionnées
par leur découverte à bord. Ce phénomène est “ Humainement ” dramatique, car ces
clandestins n’ont qu’un objectif en tête, celui de quitter leur pays. Ils sont prêts à mourir
pour “ l’Eldorado européen ” et utilisent tous les moyens pour y arriver.
Mais au-delà du problème humain posé par la situation de ces clandestins, l’immigration
clandestine par voie maritime a de nombreuses répercussions dans les domaines
juridique, économique, politique et social, et place toutes les personnes concernées,
armateurs, capitaines, équipages, ainsi que les pouvoirs publics et les P&I Clubs dans
une situation très complexe.
En effet, depuis quelques années, les autorités administratives françaises refusent de
laisser débarquer les passagers clandestins sur le territoire sous prétexte que les
textes en vigueur imposent à l’armateur de ramener le clandestin par le même moyen
de transport qui l’a amené. Ce raisonnement amène les autorités administratives à
consigner les clandestins à bord des navires, empêchant ainsi l’armateur de pouvoir
les rapatrier par un moyen de transport plus rapide, alors que les lois de 1992 et 1994
ont mis en place des zones d’attente destinées à recevoir les clandestins en transit.
Depuis 1994, les tribunaux ont jugé à plusieurs reprises que l’administration commettait
ainsi une voie de fait, et lui ont ordonné de mettre fin à ces consignations arbitraires.
Cependant le Tribunal des Conflits, dans un arrêt très controversé du 12 mai 1997, a
considéré que ces pratiques administratives ne constituaient pas une voie de fait. En
écartant la compétence des juges judiciaires, le Tribunal des Conflits prive ainsi les
intéressés du seul recours efficace pour y mettre fin.
Les intérêts des différentes personnes concernées imposent une solution rapide à cette
situation, surtout lorsque de nombreux clandestins sont présents à bord et constituent
un danger pour la sécurité de l’équipage.
Ce phénomène a soulevé l’intérêt des autorités publiques de chaque Etat, qui ont tenté
de trouver des solutions au niveau international en adoptant une convention, mais cette
dernière n’est jamais entrée en vigueur.
Au plan national, les sources juridiques sont d’origines diverses, Droit Pénal Maritime,
Droit Administratif, mais il serait aisé de croire qu’il existe “ un vide juridique ” en la
matière.
C’est pourquoi il serait astucieux de trouver au-delà des réflexions juridiques, des
solutions pratiques basées d’avantage sur la coopération inter étatique ou encore sur la
politique préventive.
Nous étudierons donc ces questions dans deux parties. La première partie constituera
une tentative de regroupement et d’analyse des différents problèmes humains,
juridiques et économiques posés par la présence des passagers clandestins sur les
navires de commerce.
Dans la deuxième partie, nous tenterons d’exposer et d’analyser les solutions juridiques
et techniques qui existent et qu’il faudrait développer tant au niveau national
qu’international
Première Partie :
Les problèmes posés par
la Clandestinité Maritime
CHAPITRE I : LE PROBLEME HUMAIN POSE PAR LA CLANDESTINITE
MARITIME
De tout temps les hommes ont pensé à utiliser les navires de commerce pour fuir leur
pays pour quelques raisons que ce soit.
A notre époque, la clandestinité maritime est un phénomène très préoccupant pour les
transporteurs, mais nous ne pouvons fermer les yeux sur les raisons qui poussent ces
populations à fuir leur pays. Le malaise social, politique et économique qui règne dans
beaucoup de pays d’Afrique ou d’Europe de l’Est pousse ces populations à quitter leur
pays coûte que coûte. En principe, ces populations sont très attirées par l’Europe
Centrale, le Canada ou les Etats-Unis. Leurs motivations pour atteindre “ l’Eldorado ”
sont très fortes.
On peut se demander pourquoi ces individus prennent de tels risques pour des
espérances qui sont rarement satisfaites. Dans tous les cas, les passagers clandestins
ont très vite appris à s’adapter au voyage maritime clandestin et sont très astucieux, ce
qui rend de plus en plus difficile leur découverte par l’équipage au moment de
l’embarquement.
SECTION I : LE VISAGE HUMAIN DU PASSAGER CLANDESTIN
Cette volonté migratoire est due en grande partie aux disparités de développement
économique qui caractérisent notre monde actuel. En effet, les populations d’Afrique et
d’Europe de l’Est souffrent du retard économique et politique qui s’est installé dans leur
pays. Face à ce désarroi total, des populations souhaitent fuir leur pays et le plus
souvent clandestinement. Le moyen le plus facile est d’utiliser les navires de commerce
qui font des rotations régulières avec l’Europe centrale, les Etats-Unis ou le Canada. La
surveillance dans les ports africains est très laxiste et il n’est pas difficile de se cacher
à bord des navires. De plus, en Europe de l’Est, il s’est formé des organisations qui
aident les clandestins à se dissimuler à bord des navires de commerce. Dans tous les
cas, les passagers clandestins ne veulent pas retourner dans leur pays et dans leur
misère et pour cela ils feront tous pour éviter qu’on les renvoie d’où ils viennent, surtout
si près du but ! ! !
PARAGRAPHE I : LE PROFIL MISERABLE DU PASSAGER CLANDESTIN
Comme tout délinquant, on peut tracer un portrait type des passagers clandestins et de
leurs motivations.
A - Présentation des clandestins et de leurs motivations
1) Les clandestins :
En général, les passagers clandestins sont des hommes âgés de 13 à 35 ans, ce sont
rarement des femmes et des enfants. Il faut en effet être très résistant, insouciant et
n’avoir rien à perdre pour passer plusieurs jours sans boire ni manger dans un
conteneur ou au fond d’une cale de navire bercé par un roulis incessant.
Ces individus fuient les pays en voie de développement pour le mirage des pays riches
où ils espèrent trouver du travail et se construire un meilleur avenir. La plupart du
temps, les passagers clandestins que l’on trouve sur les navires de commerce sont
des récidivistes.
En fonction de la nationalité du clandestin, on pourra savoir s’il a un comportement
violent ou calme. En général, les clandestins roumains sont calmes, et les clandestins
venant du Zaïre peuvent se montrer violents.
Dans le cas où les passagers clandestins seraient plus nombreux que l’équipage, un
climat de tension et de peur peut s’installer à bord et compromettre la sécurité de
l’expédition maritime.
2) Leurs motivations :
Les raisons qui poussent les clandestins à fuir leur pays peuvent être classées en
plusieurs catégories. Ce peut être pour des raisons économiques, politiques ou par
idéologie religieuse. Mais aussi, les clandestins peuvent être des repris de justice
évadés ou des passeurs de drogue.
En général, ils quittent leur pays pour des raisons économiques, les clandestins fuient la
misère de leur pays où il n’y a pas de travail donc pas d’espoir. Ils cherchent une terre
où ils pourront améliorer leur qualité de vie, et ils sont persuadés que dans les pays
riches, ils pourront trouver du travail, et cela vaut la peine de risquer leur vie. C’est pour
cela qu’il est rare de voir des femmes et des enfants immigrer clandestinement, car
dans l’esprit des clandestins, l’homme part pour travailler et gagner de l’argent pour
pouvoir ensuite faire venir sa famille ou rentrer chez lui avec des économies.
Il peut aussi s’agir de personnes qui fuient car elles sont pourchassées à cause de
leurs idées politiques, religieuses ou parce qu’elles appartiennent à un autre groupe
social ou une autre ethnie.
La catégorie la plus redoutée de toutes, est celle des repris de justice évadés
cherchant à fuir leur pays dans lequel ils étaient détenus. Ils sont généralement les plus
violents car ils savent que s’ils retournent dans leur pays leur peine sera plus
qu’aggravée.
Il existe aussi des filières exploitées par les trafiquants de drogue ou d’esclaves. Elles
sont organisées pour la traite des blanches et les organisations prenant en charge les
passagers clandestins leur demandent parfois de transporter un peu de drogue sur
eux. Les autorités françaises n’arrivent pas à infiltrer et à démanteler ces organisations,
même si elles en connaissent l’existence.
Dernièrement la chute d’anciens empires et l’émergence de nouvelles entités
indépendantes ont entraîné l’accroissement de guerres civiles provoquant un flot
continu d’immigration. Seulement les besoins d’argent pour le voyage et la nécessité
d’un visa sont des handicaps infranchissables pour les individus qui veulent s’enfuir et
en désespoir de cause ils optent pour la clandestinité.
B : D’où viennent–ils ?
Les pays traditionnels d’origine sont principalement l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique du Sud,
le Maroc, la Tanzanie et le Zaïre. Les ports les plus touchés sont : Lagos (Nigeria),
Takoradi et Accra (Ghana), Monrovia (Liberia), Dakar (Sénégal), Abidjan (Côte
d’Ivoire), Casablanca et Safi (Maroc), Matadi (Zaïre), Durban (Afrique du Sud),
Mombasa (Kenya), Maputo (Mozambique), Dar Es-Salaam (Tanzanie).
Il existe une clandestinité venant d’Amérique du Sud, mais nous traiterons
essentiellement de la clandestinité provenant d’Afrique et d’Europe de l’Est.
On a constaté qu’il existait deux flux migratoires dans les pays développés d’occident
touchés par ce problème. Un flux sud-nord et un flux est-ouest, chacun touchant des
ports différents en France. Par exemple, le port du Havre est très concerné par l’afflux
de roumains qui tentent de s’embarquer en se cachant principalement dans des
conteneurs pour aller au Canada ou aux Etats-Unis. Alors que le port de Bordeaux ou
de Nantes sont uniquement concernés par des clandestins venant d’Afrique.
1) Le continent africain :
En raison d’une population africaine très importante et qui se déplace, la nationalité des
clandestins et les ports où ils embarquent n’ont parfois aucun rapport. Par exemple, le
Rwanda et le Burundi connaissent des conflits ethniques très violents depuis trente
ans, ce qui amène leurs ressortissants à se réfugier en Tanzanie. Et le plus souvent,
ces réfugiés s’embarquent clandestinement sur des navires à partir des ports de
Maputo ou Mombasa.
Les régions les plus touchées par la clandestinité maritime sont l’Afrique du sud, de l’Est
(Tanzanie) et de l’Ouest (Congo). En effet, ces pays sont très touchés par la famine, la
guerre, la sécheresse, la mort et la misère. Parmi ces pays, ce sont évidemment les
pays qui connaissent d’importants troubles politiques et sociaux qui “ exportent ” le plus
de clandestins (le Rwanda, le Congo, l’Angola).
Il faut aussi ajouter que le contrôle à l’entrée des ports africains est très laxiste, l’accès
aux navires ne pose aucune difficulté. Nous rappellerons pour le plaisir cette anecdote
d’un clochard sénégalais nommé “ César ”, qui avait installé sa maison dans le port de
Dakar et qui s’est réveillé un beau matin dans le port de Conakry, alors qu’il s’etait
endormi la veille dans un conteneur. Il était, sans le vouloir, un passager clandestin.
Le phénomène des clandestins croît et varie en fonction de la situation politique et
économique dans les différentes régions du monde. En ce moment la situation en
Angola est très critique, et il ne serait pas étonnant que le nombre de passagers
clandestins Angolais augmente.
2) L’Europe de l’Est :
Depuis la modification de l’équilibre mondial par la chute des régimes dits
“ communistes ”, un nouveau vent d’immigration souffle d’Est en Ouest.
En effet depuis l’éclatement de l’Union Soviétique et la faillite des régimes de l’Est, on a
vu une pénurie générale s’installer dans ces pays. Ce phénomène a eu pour
conséquence directe un flux migratoire de Roumains, de Croates, de Russes, de
Tchèques et de Polonais vers l’Europe de l’Ouest. D’ailleurs on a relevé un nombre
croissant de passagers clandestins Roumains sur les lignes transatlantiques au départ
de l’Europe. Ainsi pour chaque clandestin arrivant aux Etats-Unis par voie maritime, le
P&I Club de l’armateur doit déposer une garantie bancaire de USD 1.000 et de USD
5.000 pour le Canada.
A l’heure actuelle, le port du Havre est une plaque tournante du trafic de passagers
clandestins Roumains. Ils arrivent, en général, par train, route ou auto stop et une fois
en France ils demandent en toute légalité le droit d’asile politique. Si leur demande n’est
pas manifestement infondée, ils auront droit à une autorisation de séjour d’un mois, ce
qui leur laisse toute liberté de voyager sur le territoire et d’embarquer clandestinement
sur un navire en partance pour le Canada ou les Etats-Unis.
PARAGRAPHE 2 : LES RISQUES COURUS PAR LES PASSAGERS CLANDESTINS
On peut se demander pourquoi ces personnes risquent ainsi leur vie, alors que leurs
espérances sont rarement satisfaites. Non seulement ils risquent leur vie en
s’engageant sur un navire sans savoir si l’équipage les respectera ou en se cachant
dans des endroits dangereux, mais ils risquent aussi d’être rapatrier, sans avoir pu
poser le pied sur un autre territoire.
A – Les risques à bord du navire
Quand ils montent à bord d’un navire, les clandestins prennent le risque de tomber sur
un équipage inhumain qui pourrait les maltraiter. De plus, ils ne réalisent pas toujours
que leur cachette peut se révéler très dangereuse pendant la traversée.
1) Le risque de tomber sur un équipage féroce :
Au vu des faits divers qui alimentent la presse, on sait qu’il arrive que l’équipage
manifeste souvent sa haine contre les passagers clandestins en les massacrant ou en
les jetant à l’eau. D’ailleurs il est connu que les clandestins évitent d’office certains
équipages qu’ils savent sans pitié à leur égard (équipages chypriotes, marocains,
grecs, russes). Il est vrai que leur présence à bord est nuisible pour la sécurité de
l’expédition maritime, d’ailleurs certaines compagnies maritimes pénalisent les marins si
des clandestins sont trouvés sur le navire. Et pour éviter ces conséquences nuisibles,
certains équipages préféreront les jeter à l’eau.
On se souvient qu’il y a encore peu de temps, une partie de l’équipage du navire “ MC
RUBY ”, cargo battant pavillon des Bahamas, avait dévalisé puis massacré et jeté à
l’eau huit clandestins ghanéens et camerounais. Mais cette affaire n’est
malheureusement pas isolée et “ des éléments laissent penser que de tels actes le plus
souvent impunis sont de moins en moins rares, simplement pour éviter les lourdes
amendes qu’infligent aux armements les autorités des pays occidentaux ”.
L’histoire qui rappelle le plus le “ MC RUBY ” est celle du navire “ GAROUFALIA ”. Dans
cette affaire, le cargo “ GAROUFALIA ” quittait le port de Mombasa (Kenya) avec onze
clandestins à bord dont six adolescents. Le capitaine grec entra dans une colère folle et
fit enfermer les neuf clandestins en fond de cale. Les deux qui restèrent sur le pont
furent passés à tabac et jetés à la mer. Alors qu’ils avaient réussi à s’accrocher au
bastingage, le capitaine leur écrasa les mains et les repoussa dans la mer infestée de
requins. Le commandant exigea alors qu’on fasse monter les autres, qui refusèrent
dans un premier temps, mais ils y furent contraints par des émanations de mort aux
rats qui montaient des cales. Le commandant aidé d’un marin les jeta à l’eau. Dans
cette affaire, le capitaine qui plaida la légitime défense, a été condamné à dix ans de
prison et n’a pas prononcé la moindre phrase de repentir. Il a même été étonné de
l’importance qu’on donnait à cette affaire. “  Je pensais, a-t-il simplement expliqué, que
les requins ne mangeaient pas les noirs ”.
Heureusement l’équipage n’agit pas toujours ainsi. Mais nous sommes quand même
conscients des risques que prennent les clandestins pour une maigre épopée.
Cependant, même si ils tombent sur un équipage relativement humain, ils tombent
parfois dans leur propre piège ! ! !
2) Le risque que leur cachette se transforme en tombeau :
L’embarquement s’opère en général dans des conditions rocambolesques et
dangereuses. Les passagers clandestins se cachent dans des endroits inimaginables,
si bien qu’il est arrivé de trouver des clandestins dans des tuyaux, des soutes, des
bouches d’aération, des faux plafonds, entre des grumes de bois ou dans les puits de
chaînes au risque d’être écrasés, dans les cheminées du navire, dans les salles des
machines sous les grilles des planchers car à cet endroit se forme une marre d’huile où
l’on peut se cacher. On a même vu des clandestins se dissimuler dans une cargaison
d’huile et respirer à l’aide d’une paille.
Il est certain que les passagers clandestins ne réalisent pas tous les dangers qu’ils
courent et il arrive qu’ils ne résistent pas à la traversée. On a retrouvé des cadavres de
clandestins décomposés au déchargement d’une cargaison de son en vrac car ils
n’avaient pas résisté à la fumigation de la marchandise.
De même, on a retrouvé le corps d’un clandestin dans les cales d’un cargo autrichien
transportant du minerai de Zinc, son décès pourrait avoir été provoqué par des
émanations de minerai. Les deux autres clandestins marocains qui se trouvaient à bord
ont été hospitalisés car ils étaient sous alimentés.
Lorsque les clandestins se cachent à l’intérieur d’un conteneur, ils ne savent pas si
celui-ci sera arrimé en fond de cale ou bien en pontée. Dans le premier cas ils peuvent
rester coincés dans le conteneur, condamnés à y rester jusqu’au dépotage. Dans le
second, ils prennent le risque qu’un conteneur mal arrimé tombe à la mer par mauvais
temps, entraînant avec lui ses passagers.
Cette énumération, non exhaustive, démontre que les clandestins sont complètement
inconscients et désespérés. Et les risques qu’ils prennent sont à la hauteur de leur
inventivité ! !
B - Le risque de refoulement
Il faut savoir que le passager clandestin représente “ une menace ” à la fois pour
l’armateur, qui est entièrement responsable de sa présence à bord, mais aussi pour les
autorités publiques, qui tentent par tous les moyens de faire respecter leur politique
d’immigration.
1) La volonté de l’armateur de se débarrasser au plus vite du passager clandestin :
Pour l’armateur le passager clandestin représente une charge financière et une
responsabilité très lourde. En principe si l'équipage ne l’a pas jeté à l’eau pendant le
voyage, il fait son possible pour qu’à la première escale, le clandestin soit débarqué puis
rapatrié.
Dés que le capitaine a connaissance de la présence des passagers clandestins à bord,
il les enferme dans une cabine ou dans la cale du bateau, et poste un membre
d’équipage à leur porte afin que ceux-ci ne s’échappent pas.
Ensuite, il tente de les identifier afin que son P&I Club leur procure rapidement des
laissez-passer temporaires, pour qu'on puisse les débarquer à la première escale.
En principe, l’obstination de l’armateur à rapatrier le passager clandestin n'a d'égale que
la motivation du clandestin pour quitter son pays.
2) Le refoulement du clandestin à la frontière :
Pour les autorités publiques, le clandestin représente une menace à l’égard de sa
politique de lutte contre l’immigration. A l’arrivée du navire au port, les autorités
françaises, au nom du Ministère de l’Intérieur, refuseront au clandestin l’entrée sur le
territoire en notifiant au capitaine une décision de refus d’admission sur le territoire
français. Si le passager clandestin réclame l'asile politique, sa demande sera examinée
par le ministère de l'intérieur, mais le plus souvent il rejettera leur demande.
Par crainte de voir son seuil d’immigration augmenté, les autorités vont même jusqu’à
adopter un comportement “ pousse au crime ”, en interdisant au transporteur de
débarquer les clandestins dans les zones de transit légalement prévues à cet effet.
La rigidité et l’obstination de ces autorités créent des situations qui ne sont à l’avantage
de personne. Mais dans tous les cas, la politique française en matière d’immigration
clandestine est très rigoureuse, et les demandeurs d’asile voient rarement leur
demande aboutir.
SECTION 2 : LE CLANDESTIN : UN PERSONNAGE ASTUCIEUX
Les clandestins ont su s’adapter aux évolutions du transport maritime et ont notamment
appris à utiliser le conteneur pour monter à bord clandestinement. Ils ont aussi appris à
contourner les pièges que pouvaient leur poser les armateurs et leur équipage qui
tentent par tous les moyens de les découvrir au moment de l’embarquement.
De même, leur motivation pour atteindre “ l’Eldorado européen ” est tellement forte, qu’ils
refusent d’être coopératifs durant la procédure d’identification.
PARAGRAPHE 1 – LES METHODES EMPLOYEES
Il est de plus en plus difficile pour les équipages de découvrir les passagers clandestins
lors de l'embarquement. Certains d'entre eux sont déjà cachés dans la marchandise
avant qu'elle soit amenée au port, d'autres se mélangent avec le personnel des
entreprises de manutention.
La plupart du temps il est impossible à l'équipage de les détecter, car ils n'ont pas le
temps ou le droit d'ouvrir tous les conteneurs ou toutes les remorques. Pour une
meilleure surveillance, il faudrait que l'armateur emploie des gardes privés qui
contrôleraient toutes les opérations d'embarquement.
A : Des cachettes astucieuses
Pour éviter d’être découverts lors d’une fouille à l’embarquement, certains passagers
clandestins ont l'idée de se cacher dans les remorques que l'on charge à bord des Ro-
Ro. En général, ils s'y dissimulent au moment de l’empotage dans les champs ou dans
l’usine. La remorque arrive au port fermée et les clandestins sont déjà à l’intérieur.
Il est impossible pour l’équipage de vérifier chaque remorque.
De même, il arrive souvent que les clandestins se fassent engager occasionnellement
comme acconier ou stevedore. Après un mois de travail, ils connaissent toutes les
rotations, tous les navires ainsi que le personnel du port. Ils peuvent monter à bord
sans se faire remarquer en se dissimulant dans une remorque, dans un conteneur ou
dans un coin du bateau.
Lorsque les clandestins sont extérieurs au port, ils profitent du roulement du personnel
de nuit et de jour pour passer inaperçus et grimper à bord sans se faire remarquer.
B : L’utilisation de complices
Quand les clandestins veulent se faire aider par un complice ou par des passeurs
professionnels, ils feront appel à une organisation spécialisée de passeurs qui,
moyennant un droit de passage, aide les clandestins à se dissimuler à bord des
navires. Les clandestins leur donnent toutes leurs économies, et si leur expédition
échoue, ils retournent à la case départ sans un sou en poche.
Le plus souvent ces passeurs achètent le personnel du port, quand ce ne sont pas les
acconiers eux même qui agissent.
On a décelé dans le port de Monrovia (Liberia), une organisation qui impliquait non
seulement les stevedores mais aussi la sécurité du port. Ceux-ci aidaient les
clandestins à se cacher dans les cargos en les dissimulant entre les grumes de bois.
Ces pratiques étaient très dangereuses pour les clandestins qui risquaient de se faire
écraser.
La mission des complices consiste aussi à aider les clandestins à se dissimuler à
l’intérieur du conteneur. Quand celui est plombé, ils font sauter le plomb avec des outils,
ils font rentrer le groupe de clandestins à l’intérieur, et ensuite, le complice referme le
conteneur en apposant un nouveau plomb ou en recollant le premier. Ce travail est
tellement bien fait, que cela passe inaperçu.
Ensuite, les clandestins apportent avec eux suffisamment de nourriture et d’eau pour
survivre pendant quelques jours. Ils pensent même parfois à apporter des toilettes
chimiques et des outils pour faire des trous dans les conteneurs.
PARAGRAPHE II – LE BUT DU PASSAGER CLANDESTIN
Le but du passager clandestin est d’entrer frauduleusement sur le territoire qu’il désire
atteindre. Il a donc vocation à devenir un immigré potentiel, et c’est pour cette raison
que les autorités refuseront de le laisser débarquer sur le territoire français.
En ce qui concerne le clandestin, celui-ci est dans un tel état de misère qu’il n’a rien à
perdre. Au mieux il arrive à destination sain et sauf, au pire il est nourrit, logé, voire
habillé et soigné, par le transporteur pendant plusieurs mois.
C’est pour ces raisons, qu’une fois découverts par le capitaine, les passagers
clandestins font le maximum pour rester à bord le plus longtemps possible afin de
retarder la procédure de rapatriement.
A – Rester le plus longtemps à bord
1 ) Pour le meilleur :
Le traitement des passagers clandestins est différent à chaque traversée et la vie à
bord est parfois plus agréable que dans leur pays. En effet, même si leur périple échoue
à l’arrivée, ils auront toujours eu la chance d’être nourris pendant quelques mois.
Certains passagers clandestins préféreront rester dans leur cachette le plus longtemps
possible afin d’éviter que l’équipage ne les découvre et les enferme. Ainsi, ils auront la
possibilité de s’enfuir à l’arrivée du navire en rade ou au port.
D’autres passagers clandestins s’embarqueront à bord sans vouloir atteindre une
destination précise. Ils voudront simplement se faire employer à bord pour un temps,
sachant qu’au pire ils seront renvoyés chez eux. Ils ne sortiront de leur cachette qu’une
fois le bateau loin des côtes pour ne pas risquer d’être ramenés. Une fois découverts,
le capitaine devra les garder à bord et les nourrir. Si les clandestins se montrent très
calmes et travailleurs, ils pourront être embauchés le temps du voyage en échange
d’un peu d’argent et de nourriture.
Mais ces pratiques ne sont pas valables pour toutes les nationalités car on évite de
faire travailler certains passagers clandestins qui pourraient compliquer leur
rapatriement, c’est le cas des clandestins zaïrois. Et en général, ce genre de situation
est assez rare car l’équipage ne veut pas intégrer le clandestin et préfère le garder à
l’écart afin d’éviter d’éventuelles tensions.
Dans tous les cas, les passagers clandestins sont pendant quelques temps “ le centre
d’intérêt ” de plusieurs personnes ce qui leur donne, pour une fois dans leur vie,
beaucoup d’importance.
2) Pour le pire :
On a constaté qu’une fois découverts par l’équipage, les passagers clandestins feront
tout pour ne pas être rapatriés, et leur manque de coopération retardera la procédure
de rapatriement car il faudra plus de temps pour établir leur véritable nationalité.
En général, ils auront de faux papiers, ils apprendront une autre langue, ils refuseront
de parler (on a vu des cas où le clandestin s’était coupé la langue), et ils pourront
parfois se montrer agressifs.
Le plus souvent, ils cacheront leur véritable identité et déclareront provenir de pays
connaissant actuellement de graves conflits afin de bénéficier du statut de réfugié
politique. Par exemple, ils vont prétendre être ressortissant du Rwanda, du Burundi, du
Congo ou encore de l’Angola, alors que le plus souvent ils seront originaires de la Côte
Est Africaine. En effet, des statistiques ont montré que sur 75 % des passagers
clandestins qui viennent d’Afrique de l’Est, la plupart sont Tanzaniens, et sur les 17%
qui viennent d’Afrique de l’Ouest la plupart sont Nigériens ou Ghanéens.
Le but de leur comportement est de gagner du temps. Ainsi ils pensent qu’ils réussiront
à s’échapper à la moindre occasion. En effet, on a vu des clandestins détenus dans
des cabines et qui arrivaient à les détruire pour trouver une sortie ou qui arrivaient à
détacher les meubles de la cabine pour en défoncer la porte, ou réussir à sortir par le
hublot, trouer les murs des cabines, ou tenter de se suicider avec un capuchon de stylo
bic afin de se faire hospitaliser.
Aussi certains armateurs ont installé dans leur navire des cabines blindées comportant
le strict minimum et qui sont destinées à les recevoir. Mais parfois, les clandestins
arriveront à s'échapper grâce à la complicité d'un des membres de l'équipage.
B –Eviter d’être rapatrié
1) Ils veulent éviter un retour douloureux :
En principe, les passagers clandestins n’ont qu’une crainte, celle d’être rapatrié et cela
pour plusieurs raisons :
Si le clandestin est un réfugié politique ou religieux, il sait qu’à son retour il risque fort de
se faire massacrer par son peuple.
Si le clandestin est un repris de justice évadé, à son retour il sera attendu par des
forces armées et il risque d’être condamné à mort.
Certains pays, comme le Maroc, considèrent que le clandestin est une insulte pour son
peuple et lui réserve un sort assez dur. D’ailleurs quand les clandestins montent à bord
de navires marocains, ils restent cachés le plus longtemps possible car en général les
capitaines marocains ne sont pas très complaisants.
Dans le meilleur des cas, ils ont juste une amende à payer et écopent de quelques mois
de prison, mais après ils retrouvent leur vie misérable.
2) Le cas exceptionnel du rescapé du “ MC RUBY ”
Exceptionnellement, le retour du passager clandestin se passera bien, et nous citerons
comme exemple le cas de Kingsley Ofusu, le seul clandestin rescapé du massacre du
“ MC RUBY ” qui a eu un retour dans son pays plutôt glorieux. En effet, dans son
malheur il a su tirer bénéfice de sa situation et se préparer un meilleur avenir.
“Bien que traumatisé à vie, le jeune Ghanéen a quitté le territoire français dès que
possible. Après avoir vendu ses droits de récits à la BBC, il a alterné séjours dans son
pays et en Grande-Bretagne. La chaîne de télévision britannique a d’ailleurs déjà diffusé
“ Deadly voyage ” (le voyage de la mort), en novembre dernier, sur les écrans anglais,
américains, ukrainiens..
Kingsley participe d’ailleurs activement à la promotion commerciale de ce film tourné en
grande partie à Takoradi, le port ghanéen où le drame s’est noué. Cette tournée
promotionnelle l’a amené à New York. La cassette vidéo, largement inspirée de l’affaire,
devrait être disponible en France dès la fin de cette année ”.
Avec son pécule, Kingsley a acheté deux taxis au Ghana. Il a également commencé à
se faire construire une maison et il envisage de créer une société d’import-export de
voitures d’occasion.”
Maintenant que nous avons exposé le drame humain que représentait le phénomène de
la clandestinité maritime, nous allons exposer le drame juridique et financier subit
régulièrement par les transporteurs maritimes dûs à la présence des passagers
clandestins sur leur navire.
CHAPITRE II : Un problème Juridique LIE A LA RESPONSABILITE DU
TRANSPORTEUR
En raison de la situation misérable des passagers clandestins, c’est le transporteur
maritime qui sera responsable de leur présence à bord et qui aura l’obligation de les
rapatrier. Mais cette obligation est souvent difficile à mettre en œuvre en raison de
l’attitude de l’administration qui interdit au transporteur de débarquer les clandestins.
Le transporteur devra aussi rapatrier les passagers clandestins à ses frais et devra
supporter toutes les conséquences financières et tous les dommages causés par leur
présence à bord.
SECTION I : LE TRANSPORTEUR RESPONSABLE DE LA PRESENCE DU
CLANDESTIN A BORD
A partir du moment où les passagers clandestins sont découverts à bord du navire, ils
sont sous l’entière responsabilité du transporteur maritime. En effet vu le statut
malheureux du passager clandestin, aucune peine répressive ne lui est applicable, si ce
n’est le refoulement immédiat dans son pays d’origine.
Le transporteur aura l’obligation d’organiser au plus vite le refoulement de ce “ passager
indésirable ” à ses frais, et devra faire en sorte que ce dernier ne s’échappe pas au port
d’escale, sinon les autorités locales lui adresseront une amende de 10.000 francs par
passager clandestin.
En principe, le transporteur assume cette fatalité qu’il doit affronter de plus en plus
souvent, mais il se heurte à l’attitude draconienne des autorités portuaires qui consiste
presque systématiquement à refuser que le transporteur débarque le clandestin,
l’obligeant ainsi à consigner ce dernier à bord au mépris des règles impératives de
sécurité et du respect de la dignité humaine.
PARAGRAPHE I : LES OBLIGATIONS QUI PESENT SUR LE TRANSPORTEUR
En France, ce sont principalement les dispositions du Code Disciplinaire et Pénal de la
Marine Marchande et de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions
d’entrée et de séjour des étrangers en France, qui appréhendent cette situation.
Ces textes condamnent pénalement les passagers clandestins et leurs complices, et
font peser sur l’armateur tous les frais de refoulement hors du territoire. De plus, ces
textes prévoient que l’armateur, qui débarque sur le territoire français un étranger
démuni de titre de transport et de visa, peut se voir infliger une amende de 10.000
francs par passager clandestin.
L’application de ces mesures montre que les sanctions principalement financières sont
axées sur le transporteur.
A - Le clandestin : un délinquant responsable mais pas coupable
Il existe plusieurs textes qui traitent de la situation juridique du passager clandestin
maritime et les sources légales sont d’origines diverses car le clandestin à un double
statut. D’une part c’est un “ délinquant ” à l’égard du bord du navire, car il s’est introduit
frauduleusement à bord sans autorisation et sans avoir payé le prix du billet. Et d’autre
part, c’est “ un immigré potentiel ”, car son but est d’entrer sur le territoire de façon
irrégulière.
1)Le clandestin est “ un délinquant ” à l’égard du bord :
Selon le Doyen RODIERE, “ le délit d’embarquement clandestin est constitué par le fait
de s’introduire frauduleusement sur un navire pour accomplir une traversée sans
conclure de contrat de transport et payer le prix du passage ”. Ce délit est prévu et
réprimé par l’article 74 du CDPMM qui dispose que :
“ Toute personne qui s’introduit frauduleusement sur un navire avec l’intention de faire
une traversée de long cours ou de cabotage international, est punie d’une peine
d’amende de 60 à 15.000 francs et d’un emprisonnement de six jours à six mois ou de
l’une de ces deux peines seulement. En cas de récidive, l’amende sera de 1.800 francs
à 16.000 francs et l’emprisonnement de six mois à deux ans…Les frais de refoulement
hors du territoire des passagers clandestins de nationalité étrangère sont imputés au
navire à bord duquel le délit a été commis ”.
Aux termes de cet article, le clandestin risque une peine principale d’emprisonnement
de six jours à six mois et une amende de 60 à 15.000 francs. De plus il est passible
d’une peine complémentaire qui consiste au refoulement du clandestin vers son port
d’embarquement aux frais de l’armateur.
Mais dans la situation des clandestins, l’application de la peine principale paraît
utopique. Prononcer une amende envers une personne qui est totalement insolvable ne
sert à rien. Quant à la peine d’emprisonnement, elle est trop courte pour être
dissuasive, et trop dangereuse pour les autorités, car pendant le temps d’incarcération,
les clandestins feront vite des connaissances qui pourront les aider à sortir ou qui les
aideront à demander le droit d’asile (comme les associations humanitaires).
2)Le clandestin est un “ immigré potentiel ” à l’égard de l’Etat :
Selon l’ordonnance du 2 novembre 1945, “ l’étranger qui pénètre en France sans
remplir les conditions prévues à l’article 5 de ladite ordonnance commet l’infraction
d’entrée frauduleuse sur le territoire français prévu par l’article 19 de la même
ordonnance ”.
Aux termes de cet article, le clandestin qui entre sur le territoire français par voie
maritime commet l’infraction prévue à l’article 19 de l’ordonnance. Cette infraction est
entamée dès que le navire sur lequel il se trouve pénètre dans les eaux territoriales
françaises.
Mais les autorités françaises ont inventé une “ fiction juridique ” qui consiste à dire que
le clandestin qui reste à bord d’un navire battant pavillon étranger, même dans les eaux
territoriales françaises, est hors du territoire français. En quelque sorte, le clandestin qui
reste à bord du navire, n’entre pas sur le territoire français et ne commet jamais
l’infraction prévue à l’article 19 de l’ordonnance du 2 novembre 1945.
Cependant, le clandestin reste “ un immigré potentiel ” et sa situation doit être
rapidement réglée. C’est pourquoi les autorités imposent au transporteur de refouler au
plus vite le clandestin vers son port d’embarquement.
B – Le transporteur, un responsable désigné de plein droit
Le législateur considère que le transporteur a commis une faute dans l’exécution de son
obligation de surveillance à l’embarquement, par conséquent il est pleinement
responsable de son “ passager indésirable ”.
En effet, selon l’ article 74 du CDPMM, “ les frais de refoulement hors du territoire des
passagers clandestins de nationalité étrangère seront imputés au navire à bord duquel
le délit a été commis ”.
L’article 35ter de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ajoute que “  l’entreprise de
transport qui l’a acheminé est tenue de ramener à ses frais cet étranger au point où il a
commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ”.
De plus l’article 20 bis de l’ordonnance, prévoit que “ l’entreprise de transport sera tenu
de payer une amende de 10.000 francs par passager clandestin, si elle laisse
débarquer sur le territoire français un étranger qui ne remplit pas les conditions
d’admission ”.
D’après ces articles, le transporteur devra donc prendre en charge son passager afin
de pouvoir le débarquer au prochain port d’escale en vue de son rapatriement. La
responsabilité du transporteur maritime conduit également à mettre à sa charge les frais
de rapatriement des clandestins.
Mais comme nous le verrons, les autorités du port d’escale refusent de laisser
débarquer le clandestin, même avec des papiers en bonne et due forme. Cette attitude
oblige les transporteurs à consigner les clandestins à bord et continuer leur voyage au
mépris de toutes les règles de sécurité et du respect de la dignité humaine.
1) La faute implicite du transporteur
Le capitaine, c’est à dire le préposé de l’armateur, est responsable de tout ce qui se
passe sur son navire et doit veiller à la circulation des personnes. Donc si un clandestin
arrive à se cacher à bord du navire, c’est que le capitaine a commis une faute dans
l’exercice de son obligation de surveillance et qu’il n’a pas pris toutes les précautions
pour empêcher la présence du clandestin à son bord. D’ailleurs, le ministère de
l’intérieur, ainsi que les P&I Clubs qui couvrent les risques clandestins, demandent au
capitaine d’être très vigilant et d’effectuer une ronde afin de détecter si des clandestins
se sont caché à bord.
Cependant la responsabilité du transporteur ne sera engagée qu’à l’arrivée du navire
dans un port, et selon le pays, ces mesures seront plus ou moins sévères.
Dans les ports français, le capitaine en tant que gardien de son navire doit veiller à ce
que le clandestin ne s’échappe pas du bateau. Les autorités portuaires françaises
infligeront une amende au transporteur uniquement si le clandestin a réussi à
s’échapper.
En revanche dans beaucoup d’autres pays, les autorités publiques font peser sur le
capitaine une obligation de résultat ; tout navire qui entre au port avec un clandestin à
bord sera sanctionné d’office. Par exemple en Grande Bretagne, le transporteur devra
payer une amende de 2.000 Livres. En Grèce, le transporteur devra déposer une
garantie bancaire de USD 2.000 par clandestin.
Si les autorités publiques font peser toute la responsabilité du clandestin sur les épaules
de l’armateur, c’est qu’elles veulent l’inciter à renforcer les contrôles au moment de
l’embarquement. Mais cette politique répressive est un peu dure, car elle sanctionne
l’armateur qui n’a pas pris toutes les précautions pour éviter que les clandestins
montent à bord, or “ quand on connaît les conditions de sécurité et de surveillance dans
les ports du tiers monde, on impose au transporteur une tâche surhumaine ”.
2) L’obligation de refouler le passager clandestin
Il appartient au transporteur de s’occuper du rapatriement de son clandestin. Il devra
pour cela mettre très rapidement en marche la procédure de refoulement qui consiste
dans un premier temps à connaître les origines du clandestin pour que les autorités
diplomatiques de son pays lui fournissent un laissez- passer temporaire, et dans un
deuxième temps à débarquer le clandestin pour le rapatrier par avion ou par bateau.
Etablir l’identité du passager clandestin :
Dès que le capitaine a connaissance de la présence des passagers clandestins à bord,
il en informera l’armateur, lequel contactera son P&I Club afin que celui-ci demande à
ses correspondants locaux d’intervenir.
Pour que le rapatriement soit possible, il faut identifier le passager clandestin, et
s’assurer qu’il est ressortissant du pays vers lequel on le renvoie. Cette étape n’est pas
la plus facile, et peut prendre du temps car le plus souvent les clandestins n’ont pas de
papiers sur eux et ne sont pas très coopératifs.
Cette procédure d’identification peut se faire en deux phases : soit pendant la
traversée, soit si la première phase n’est pas satisfaisante, à l’arrivée du navire au port.
Pendant la traversée, c’est le capitaine qui est chargé de réunir le plus d’informations
sur les clandestins, il doit les interroger, les fouiller et leur faire remplir un questionnaire
très détaillé sur leur origine. Si le navire est équipé d’un telex, d’un fax ou d’un
téléphone, le capitaine pourra interroger les passagers clandestins en liaison
téléphonique avec différents consulats.
A l’arrivée du navire au port, c’est le correspondant local du P&I Club qui montera à
bord et qui procèdera à un interrogatoire précis pour déterminer la nationalité du
passager clandestin. Une fois établie, l’ambassade ou le consulat voudra vérifier la
nationalité de son ressortissant. Pour cela, le consulat pourra envoyer un agent
diplomatique à bord pour interroger lui même les clandestins, sinon le correspondant
local du P&I Club organisera un entretien téléphonique entre le clandestin et le consulat.
On lui posera des questions très précises sur son pays, comme des noms de rues ou
le dialecte parlé dans son pays. Souvent le consulat vérifiera si le clandestin connaît
une seconde langue, comme l’anglais, le portugais ou le français, car avant
l’indépendance, les colonies Africaines était partagées entre les pays du
Commonwealth, le Portugal et la France et les résidants des anciennes colonies sont
censés avoir des notions d’une de ces langues.
Après cet entretien, si le consul confirme la nationalité du passager clandestin, le
consulat ou l’ambassade lui procurera un laissez-passer temporaire.
Préparer le rapatriement du passager clandestin
Le capitaine devra impérativement informer la police de l’immigration du port vers lequel
il se dirige qu’il transporte un passager clandestin. En France, il faudra prévenir la
DICCILEC, ancienne Police de l’Air et des Frontières (PAF), qui prendra à l’encontre du
clandestin une décision de refus d’entrée sur le territoire.
A l’arrivée du navire au port, les officiers de police monteront à bord pour interroger le
capitaine afin de savoir comment il a découvert le ou les clandestins. Ensuite, ils
fouilleront les clandestins pour trouver des papiers d’identité et ils inspecteront les lieux
de détention des passagers les clandestins.
Pendant la durée de l’escale, les officiers de police exigeront la présence de gardes
devant le local où sont enfermés les clandestins et ils auront l’interdiction de sortir. Ainsi
la police de l’immigration veut limiter les tentatives d’évasion ou tout contact avec le
public, la presse ou les associations humanitaires qui inciteraient les clandestins à
demander l’asile politique car dans ce cas la police devra les prendre charge et
l’armateur serait libéré.
Le rapatriement qui implique le passage du clandestin en transit dans l’Etat du port pose
des problèmes en France, et nécessite la coopération des pouvoirs publics. C’est le
cas des rapatriements par avion, qui ne sont pas utilisés par tous les pays. En France,
les autorités acceptent de moins en moins souvent ce genre de rapatriement, pour
limiter les risques d’évasion.
Le rapatriement par bateau est le moyen le plus couramment utilisé, ce peut être le
même bateau qui a amené le clandestin, ou un bateau appartenant à un armement
différent. On constate un mouvement de solidarité entre armateurs et capitaines, car le
problème des clandestins a pris tellement d’ampleur qu’il concerne tout le monde. C’est
pourquoi les armateurs acceptent de récupérer quelques passagers clandestins même
d’un autre armement.
Pendant longtemps, les professionnels et les pouvoirs publics avaient établi une
pratique qui permettait le rapatriement des clandestins. Mais depuis quelque temps
cette situation est remise en cause par l'attitude de l'administration française qui refuse
de façon presque systématique le débarquement des clandestins, même en transit.
En effet il y a quelques années, la police permettait au transporteur de débarquer le
clandestin et de le placer dans un centre de détention. A Marseille, par exemple, on
plaçait les clandestins dans le centre de détention d’ARENC, le temps de trouver le
moyen de transport qui pourrait les rapatrier.
Aujourd’hui, ces centres ne servent plus qu’aux individus en situation irrégulière qui
attendent leur expulsion, car la DICCILEC refuse de laisser débarquer les clandestins
et exige leur refoulement par le même navire prétextant d’une part, que l’article 35 ter de
l’ordonnance impose au transporteur de ramener sans délai le clandestin par le même
navire, et d’autre part, que l’article 20 bis de la même ordonnance inflige au transporteur
une amende de 10.000 francs par passager clandestin qui débarquerait du navire.
Certes le refoulement est à la charge du transporteur, mais l’article 35 ter de
l’ordonnance de 1945 n’impose nullement un moyen de transport pour l’exécution de
cette obligation. Pour des raisons logiques, le rapatriement ne peut pas toujours se faire
par le même navire (sauf si le navire retourne le lendemain dans le même port).
D’ailleurs, l’article 35 quater de l’ordonnance prévoit la mise en place de zones d’attente
pour accueillir les “ étrangers non admis à entrer sur le territoire français, en attendant
son départ pour un autre pays.  Ces zones sont géographiquement en France, mais
juridiquement considérées comme étant hors du territoire français ”.
D’après ce texte, le législateur permet au clandestin de débarquer à certaines
conditions. Néanmoins, comme très peu de zones d’attentes ont été crées à ce jour et
que les pouvoirs publics refusent de voir débarquer les clandestins, ceux-ci sont
consignés à bord des navires dans des conditions qui ne sont pas toujours humaines.
On se demande pourquoi les autorités se bornent à refuser de créer les zones
d’attentes prévues par la loi du 6 juillet 1992. Le Ministère de l’Intérieur à fait savoir que
ces dispositions ne changeraient en rien le statut des passagers clandestins, et qu’ils
resteraient consignés à bord.
Pourtant ces zones ont un statut international, et les étrangers qu’on pourrait y placer
ne seraient pas considérés comme des immigrés.
Les armateurs sont conscients des difficultés que posent les clandestins aux Etats, et
acceptent de refouler le passager clandestin au plus vite, d’autant plus que l’entreprise
de transport doit respecter ses impératifs économiques, et les retards causés par la
présence de clandestins se chiffrent vite en millions de francs. Cependant les
transporteurs ne peuvent plus accepter la rigidité administrative qui consiste à exiger le
refoulement du passager clandestin par le même navire, et à lui interdire de débarquer
le clandestin dans une zone d’attente.
PARAGRAPHE II  : DES OBLIGATIONS DIFFICILES A METTRE EN OEUVRE
Il existe une situation complètement paradoxale : d’une part, le transporteur est
condamné pour s’être sauvagement débarrassé des clandestins, et d’autre part, quand
celui-ci les ramène sains et saufs, les autorités françaises leur interdisent tout
débarquement sur le territoire national à des fins de rapatriement.
Pourquoi l’administration adopte t’elle une situation si paradoxale et si “ Pousse-au-
Crime ”. En effet, c’est ce qu’a déclaré le président de l’AFCAN dans un journal suite à
l’affaire du “ SAAR BREDA ”:
“ En refusant ainsi toute aide aux navigants,  on pousse les esprits faibles à des
décisions plus radicales et plus dramatiques. Il s’agit en fait d’une véritable attitude
pousse-au-crime ”.
Dans cette affaire le navire “ SAAR BREDA ”, porte-conteneurs battant pavillon
d’Antigua, en provenance de Casablanca, se dirigeait vers le port d’Anvers, lorsque
l’équipage (composé de sept hommes) a été alerté par des appels provenant d’un
conteneur vide qui était arrimé en fond de cale. Eprouvés par le mauvais temps, les
cinq clandestins Marocains avaient décidé de se manifester. Tout accès au conteneur
étant impossible, le commandant décida, pour des raisons humanitaires, de se dérouter
sur Brest, port le plus proche équipé de moyens de manutention appropriés, pour y
décharger ses passagers clandestins.
Pris en mains par la DICCILEC, les cinq clandestins se sont vus consignés à bord,
avec interdiction de débarquer, alors que le commandant était prêt à les rapatrier à ses
frais.
Les Affaires Maritimes ont ordonné au commandant d’appareiller, alors que le navire
n’était pourvu que de neuf combinaisons de survie pour douze passagers. Le
commandant s’est révolté car les autorités l’obligeaient à appareiller avec cinq
passagers de trop, alors qu’avec une seule bouée en moins, on l’aurait empêché de
partir.
Finalement, avec l’aide des avocats de l’ANAFE les autorités françaises ont laissé le
commandant rapatrier les Marocains. Ce qui a coûté à l’armateur la coquette somme de
300.000 francs entre les frais de déroutement, les frais portuaires et les billets d’avion.
On comprend aisément que le transporteur soit tenu de rapatrier le clandestin qu’il a
amené, mais l’administration doit l’aider afin que sa tâche soit accomplie au plus vite,
plutôt que de retarder cette procédure pénible et coûteuse pour tout le monde.
A – L’attitude critiquée et critiquable de l’Administration
1) La situation avant l’affaire de “ L’ALTAÏR ”
Jusqu’en 1994, il arrivait à la police de laisser des passagers clandestins débarquer
sous certaines conditions très strictes, pour qu’ils soient rapatriés par voie aérienne
avec la certitude que le rapatriement se passerait sans difficulté. Ainsi il fallait que
l’étranger ait expressément accepté son rapatriement, que le consulat ait délivré un
laissez-passer, que l’agent de l’armateur ait organisé le retour, c’est à dire qu’il ait
réservé les billets d’avion nécessaires, et que le vol parte pendant la durée de l’escale
du navire, pour pouvoir y remettre l’étranger en cas de problème. L’étranger était
débarqué au dernier moment pour être transféré. Ceci se passait hors de tout cadre
légal, comme l’a montré l’affaire de l’Altaïr en avril 1994 à Dunkerque. En effet, l’affaire
des clandestins de Dunkerque reste dans les mémoires, vu l’importance médiatique
qu’elle a prise.
“ L’Altaïr, cargo battant pavillon d’Antigua, accoste à Dunkerque, avec à son bord huit
Africains embarqués clandestinement à Douala (Cameroun). Le capitaine du navire
refuse d’appareiller avec les clandestins à bord, jugeant leur présence trop dangereuse
pour l’expédition maritime.
Les huit passagers, originaires de l’Angola, du Zaïre, d’Afrique du Sud, du Liberia et du
Cameroun demandent l’asile politique. Deux sont hospitalisés, l’un pour l’appendicite,
l’autre pour tentative de suicide. Bloqués au fond de la cale du cargo, les six autres
reçoivent notification du rejet de leur demande d’asile et du refus d’entrée en France.
Les membres du GIGN interviennent et les six passagers sont débarqués pour être
hébergés pour le week-end dans la maison des gens de mer à Dunkerque sous la
surveillance d’une société de gardiennage privée. L’Altaïr quitte le port le soir même, un
accord étant intervenu entre les autorités françaises et l’armateur , aux termes duquel
ce dernier s’engage à organiser et à assurer le rapatriement à ces frais. Le lendemain,
quatre représentants du SAF ( syndicat des avocats de France), de la Cimade et du
Gisti viennent rencontrer les clandestins. Constatant qu’ils sont retenus en dehors de
toute mesure légale, dans un lieu privé et sous surveillance privée, ils proposent aux
Africains de les suivre et les emmènent à Lille.
La presse évoque, dès le lendemain, le “ commando humanitaire ” venu enlever les
clandestins. Devant le scandale provoqué par la succession de pratiques illégales
initiées par le préfet, le ministère de l’Intérieur annonce, par un communiqué, que tous
les Africains sont admis provisoirement à séjourner en France et qu’ils pourront, s’ils le
souhaitent, solliciter le statut de réfugié.
Le Ministère justifia après coup sa conduite en expliquant qu’il n’y a pas de zone
d’attente dans le port de commerce de Dunkerque, que la zone d’attente la plus proche
est située à 20 km et que, l’état de la législation ne le permettant pas, le transfert jusqu’à
la zone d’attente n’avait pu être réalisé. Le ministère en profita pour annoncer une
modification législative qui allait se concrétiser par la loi du 27 décembre 1994.
Depuis lors, un arrêté préfectoral a institué une zone d’attente dans le port de
Dunkerque, ce qui n’a pas modifié pour autant les pratiques consistant à consigner à
bord des navires les passagers clandestins ”.
2) La situation après l’affaire de “ L’ALTAÏR ”
Depuis 1994, les consignes du ministère de l’intérieur sont devenues plus strictes, plus
de débarquement ! ! Cette pratique concerne plusieurs centaines de personnes chaque
année : 502 à Marseille en 1995 d’après les chiffres de la DICCILEC. Il n’y a qu’à
Dunkerque que les passagers clandestins sont désormais systématiquement
débarqués et placés en zone d’attente le temps d’escale.
Des formes illégales de privation de liberté 
Les juges des référés ont jugé à plusieurs reprises que cette pratique représentait une
voie de fait, car elle était attentatoire à la liberté individuelle des étrangers et qu’elle
n’etait prévue par aucun texte. Surtout que les législateurs de 1992 et de 1994, ont
élaboré un cadre juridique permettant au transporteur de transférer et de débarquer les
clandestins dans les zones d’attente.
Des formes légales de privation de liberté :
En créant les zones d’attente, le législateur a voulu éviter les consignations sauvages à
bord et permettre aux navires qui effectuent un long trajet de ne pas à interrompre leur
périple pour ramener un “ passager indésirable ” à son port d’embarquement.
Ces zones d’attente permettent d’accueillir tous ceux qui se voient opposer les cas de
l’article 5 et suivant de l’ordonnance de 1945, c’est à dire tous les étrangers qui arrivent
en France et qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français. Ces étrangers
non admis seront maintenus en zone d’attente le temps strictement nécessaire à leur
départ, et les demandeurs d’asile seront maintenus le temps nécessaire à l’examen
tendant à déterminer si “ leur demande est manifestement infondée ”.
Par la mise en place des zones d’attente, le législateur pensait solutionner les conflits
entre l’administration et les entreprises de transport liés au débarquement des
clandestins. D’ailleurs, lors des débats devant l’Assemblée Nationale, le secrétaire
d’Etat de l’époque, MJ SUEUR a précisé que ces zones d’attente avaient pour objet de
“ combler un vide juridique, une situation de non droit en ce sens que les textes en
vigueur ne permettaient pas d’user de mesures de rétention à l’encontre de l’étranger
arrivant par bateau et non autorisé à entrer en France ”.
c) Le régime juridique des zones d’attente :
La zone d’attente est installée géographiquement en France, mais juridiquement elle est
considérée comme étant hors du territoire. De plus, l’article 35 quater prévoit que si le
départ de l’étranger du territoire national ne peut être réalisé à partir du port dont dépend
la zone d’attente , il peut être transféré vers toute autre zone d’attente. L’intérêt de la
zone d’attente est que le clandestin peut débarquer sur le port sans pour autant entrer
sur le territoire français.
La question que l’on peut se poser est de savoir si l’article 35 quater donne une
obligation à l’administration de placer les passagers clandestins en zone d’attente.
D’après l’article 35 quater de l’ordonnance, il semble que le placement en zone d’attente
ne soit qu’une possibilité pour l’administration. Mais compte tenu des travaux et des
textes relatifs aux zones d’attente, on comprend que le législateur a entendu créer ces
zones pour combler le vide juridique qui existait en matière de transit des clandestins, et
pour mettre fin aux pratiques discrétionnaires de l’administration qui consignait les
clandestins à bord. Il semble ainsi logique de penser que la possibilité du maintien en
zone d’attente soit en fait une obligation conditionnelle.
Néanmoins ce n’est pas l’avis du Tribunal des Conflits, qui a statué dans son arrêt du
12 mai 1997 que la consignation à bord n’etait pas constitutive de voie de fait, et que
l’administration avait le pouvoir de prendre, en vertu de l’article 5 de l’ordonnance, toutes
les mesures d’exécution forcée en matière de politique d’immigration.
B – L ‘Administration commet-elle une voie de fait ?
a) La notion de la voie de fait 
La voie de fait est constituée quand l’administration prend une décision qui porte
gravement atteinte à une liberté fondamentale et qui est insusceptible de se rattacher à
l’exercice d’un pouvoir lui appartenant. Dans ce cas le juge judiciaire est exclusivement
compétent pour apprécier si la voie de fait est caractérisée.
La voie de fait est l’un des cas où le principe de la séparation des autorités judiciaires et
administratives s’efface. Les pouvoirs du juge judiciaire dans l’activité de l’administration
sont largement développés. En effet, ce dernier a la possibilité d’apprécier la légalité de
la décision de l’administration et le pouvoir d’y reconnaître les éléments constitutifs de la
voie de fait. Il a ensuite le pouvoir d’enjoindre à l’administration d’y mettre fin et de la
condamner à réparer le préjudice occasionné.
b)Les fondements de la compétence du juge judiciaire
La compétence du juge judiciaire en matière de voie de fait trouve son fondement dans
des textes d’origines diverses.
D’abord, l’article 136 du Code de Procédure Pénale prévoit que les tribunaux judiciaires
peuvent faire obstacle à l’exécution des décisions de l’administration en cas de voie de
fait et dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, les tribunaux de l’ordre
judiciaire sont toujours exclusivement compétents.
Ensuite, l’article 66 de la Constitution prévoit lui aussi que “ le juge judiciaire est gardien
des libertés individuelles ”, et d’après la jurisprudence du Conseil Constitutionnel sur la
répartition des compétences juridictionnelles, seul le juge judiciaire peut connaître d’une
mesure de nature à affecter la liberté individuelle (fût-elle prise pour l’exécution d’une
décision relevant de l’exercice d’une prérogative de puissance publique), et seul le juge
administratif peut connaître d’une décision administrative telle un refus d’entrée sur le
territoire qui relève de l’exercice d’une prérogative de puissance publique. D’après cette
jurisprudence, seul le juge judiciaire serait compétent pour contrôler sur la forme et le
fond des mesures administratives qui portent atteinte aux libertés individuelles.
Enfin, d’après le Tribunal des Conflits, il appartient à l’autorité judiciaire de statuer sur
les conséquences de tout ordre sur les atteintes arbitraires aux libertés individuelles,
celles-ci ayant le caractère de la voie de fait.
D’après ces textes, nous pouvons dire que le juge judiciaire est compétent pour
constater si l’administration qui ordonne la consignation à bord, alors que cette décision
ne se rattache à aucun texte et qu’elle porte atteinte à une liberté individuelle, a commis
une voie de fait.
Maintenant que nous connaissons les conditions de la voie de fait et la juridiction
compétente en la matière, nous allons essayer d’analyser si la décision de
l’administration qui ordonne la consignation à bord des clandestins est constitutive d’une
voie de fait.
La jurisprudence antérieure à l’arrêt du Tribunal des Conflits du 12 mai
1997 : des pratiques illégales et constantes condamnées par les tribunaux 
Saisis en référé à plusieurs reprises depuis juin 1994 sur des affaires de ce type, les
tribunaux ont systématiquement constaté que l’administration, prise en la personne du
Ministre de l’Intérieur ou du préfet, se rendait coupable de voie de fait, et qu’il convenait
d’ordonner que les passagers clandestins soient immédiatement autorisés à débarquer.
Par exemple dans l’affaire du clandestin “ Zito ” du 29 juin 1994, le TGI de Paris a jugé
que “ l’autorité administrative ne peut priver temporairement un individu de la liberté
d’aller et venir… qu’ainsi l’administration a gravement porté atteinte à la liberté de
l’intéressé sans que son action puisse se rattacher à l’application d’un texte législatif ou
à l’exercice d’un pouvoir lui appartenant, et a ainsi commis une voie de fait ”
De même, dans l’affaire des clandestins “ Osas.Ojo ” du 15 février 1995, le TGI de
Paris a retenu que “ l’autorité administrative ne pouvait priver un individu de la liberté
d’aller et venir que suivant les modalités définies par la loi et s’agissant des étrangers
arrivant par voie maritime, en respectant les dispositions de l’article 35 quater de
l’ordonnance du 2 novembre 1945… que la consignation à bord du navire a eu pour
effet de porter atteinte à leur liberté d’aller et venir hors des prescriptions légales, et de
priver les demandeurs de l’exercice de tous les droits qui leur sont reconnus par l’article
35 quater ; dans ces conditions, le maintien à bord constituait une voie de fait à laquelle
il fallait mettre fin ”.
L’inexistence juridique de la consignation à bord :
Lorsqu’un étranger arrive à une frontière française par bateau, qu’il soit passager
régulier ou clandestin, qu’il soit demandeur d’asile ou non, la seule alternative légale
pour le ministère de l’intérieur consiste soit à l’admettre sur le territoire, soit à le placer
sans délai en zone d’attente. L’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945
semble clair, lorsque l’étranger ne remplit pas les conditions d’admission il est mis en
zone d’attente le temps strictement nécessaire à son départ. En effet aucun texte ne
permet à une autorité autre que judiciaire de retenir un individu sur un navire, alors que
l’article 35 quater de l’ordonnance prévoit une possibilité de maintenir le clandestin en
zone d’attente. Toute autre voie ne peut être imposée par l’administration alors même
que le rapatriement de l’étranger est pris en charge par l’entreprise de transport.
D’ailleurs le ministère de l’Intérieur n’a jamais fait appel des ordonnances prononcées
par les juges des référés invoquant la voie de fait, craignant sans doute que la Cour
d’appel ne les confirme. Il reconnaît ainsi que les arguments juridiques qu’il développait
pour justifier ses pratiques n’étaient pas fondés.
La thèse de l’avocat du Ministère de l’Intérieur se fondait sur deux arguments. Le
premier concernait la théorie de “ l’extra- territorialité ” du navire où se trouvait
l’étranger. Selon cette théorie, “ tant que le clandestin restait à bord, l’administration
considérait qu’il n’était pas entré sur le territoire français, mais qu’il demeurait sur le
territoire du pavillon du navire.
Or une telle analyse doit être fermement rejetée car elle s’avère foncièrement inexacte
Dans le principe, il faut considérer que le navire étranger qui pénètre dans les eaux
territoriales françaises, entre sur le territoire français, et avec lui toutes les personnes
présentent à bord. Dès lors, chacun est pleinement soumis aux dispositions de
l’ordonnance du 2 novembre 1945. En l’absence d’autorisation d’entrée sur le territoire,
le passager clandestin doit être mis en zone d’attente pendant le temps strictement
nécessaire à son départ. Aucune autre solution ne peut lui être imposée par
l’administration, sauf pour celle-ci à entacher sa décision d’une illégalité évidente. ”
Le second argument avancé était celui de “ la coutume maritime ”. Toujours dans
l’affaire “ Zito ”, l’avocat du Ministère de l’Intérieur plaida devant le juge des référés que
“ la coutume maritime prévoyait le maintien du passager à bord ”. Mais cet argument fut
rejeté par le juge qui statua que “ seules les dispositions de l’ordonnance de 1945
s’appliquait en l’espèce à l’exclusion de toute coutume maritime alléguée. ”
La pratique de la séquestration à bord passe donc pour un excellant exemple de voie
de fait. A plusieurs reprises les juges des référés de la région parisienne ont constaté
que l’administration avait porté atteinte à la liberté individuelle des intéressés et que
cette atteinte, qui ne trouvait de fondement dans aucun texte, était insusceptible de se
rattacher à l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’administration. En usant de cette
pratique, l’administration fait usage d’un pouvoir arbitraire et sort de ses attributions en
portant atteinte à la liberté d’aller et venir et en privant l’intéressé de l’éventail de droits et
de garanties que la loi a spécialement aménagés à son profit.
En effet, comme le souligne la décision du tribunal administratif de Poitiers du 9 juillet
1997, qui marque un revirement en la matière : “ le placement en zone d’attente est la
seule possibilité offerte à l’administration lorsqu’elle décide, comme le lui permet l’article
5 de l’ordonnance, d’exécuter d’office une décision de refus d’entrée sur le territoire…
que le maintien forcé à bord constituerait, en tout état de cause, un degré bien supérieur
à celui résultant d’un placement en zone d’attente. ”
Dans une affaire similaire à celles précédemment citées, le Ministère de l’Intérieur a
contesté l’existence de la voie de fait et a gelé la procédure en élevant le conflit devant
le Tribunal des conflits. Ce dernier à rendu, le 12 mai 1997, un arrêt très controversé,
dans lequel il nie l’existence de la voie de fait et rejette la compétence du juge judiciaire
en refusant d’appliquer l’article 136 du CPP qui interdit à l’administration d’élever le
conflit de compétence en matière d’atteinte à des libertés individuelles.
2)La jurisprudence du tribunal des Conflits du 12 mai 1997
Présentation des faits 
Le navire “ FELIX ” appartenant à la société de droit allemand “ Baume & Co Gmbh ” est
arrivé dans le port d’escale d’Honfleur dans la nuit du 8 au 9 août ; il devait repartir le 10
vers l’Angleterre. A son bord, il y avait deux clandestins marocains qui avaient
embarqué à Ceuta.
Le 9 août, les services de la DICCILEC ont pris contre les deux clandestins une
décision de refus d’entée sur le territoire français en application de l’article 5 de
l’ordonnance. En outre, ils ont fait l’objet d’une décision des autorités locales de
l’immigration d’interdiction de débarquement.
L’entreprise de transport a assigné en référés d’heure à heure, le TGI de Paris, en
invoquant une voie de fait, résultant de l’atteinte à la liberté individuelle des passagers
clandestins et du refus de faire bénéficier des droits et des garanties de l’article 35
quater.
Le préfet de police de Paris à déposé le même jour un déclinatoire de compétence
fondé sur la non application en l’espèce de l’article 136 du CPP dès lors qu’il n’y avait
pas atteinte à la liberté individuelle, et sur l’absence de la voie de fait.
Le juge des référés a rendu son ordonnance le 9 août estimant : “ qu’en refusant de
satisfaire aux prescriptions de l’article 35 quater instituant une procédure spécifique de
contrôle des étrangers arrivant par bateau, l’autorité administrative locale qui relève
hiérarchiquement du Ministère de l’Intérieur a commis un acte insusceptible de se
rattacher à l’exercice d’un pouvoir lui appartenant. ”
Le Préfet a déposé un déclinatoire de compétence et saisi le Tribunal des Conflits au
motif de l’absence de voie de fait. Le Tribunal des Conflits composé à parité égale de
conseillers à la Cour de Cassation et au Conseil d’Etat n’a pas pu se départager et ce
n’est que présidé du Garde des Sceaux, J.TOUBON, que le tribunal a rendu son arrêt
le 12 mai 1997, en retenant le même raisonnement que le Ministre de l’Intérieur, en
contestant la compétence du juge judiciaire pour l’attribuer aux juridictions
administratives.
Analyse de cet arrêt 
Le Tribunal des Conflits à pris la même position sur le fond que le Ministère de l’Intérieur
en niant la voie de fait.
Le Tribunal des Conflits se fonde sur l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre
1945 pour nier l’existence de la voie de fait
Le Tribunal considère que la décision de l’administration est une mesure prise dans le
cadre des pouvoirs qui lui sont donnés par l’article 5 de l’ordonnance. Selon ces
dispositions, le législateur à attribué à l’administration le pouvoir de procéder à
l’exécution forcée des décisions d’éloignement et de celles prononçant un refus d’entrée
qu’elle est amenée à prendre au titre de la police des étrangers, “ que par suite et à les
supposer même illégales, les mesures prises en l’espèce à l’égard des deux marocains
n’est pas manifestement insusceptible d’être rattaché à un pouvoir appartenant à
l’administration, que ces actes ne sauraient dés lors être regardés comme constitutifs
de voie de fait. ”
La motivation fondée sur l’article 5 paraît critiquable. Si cet article permet à
l’administration d’exécuter d’office ses décisions, elle doit tenir compte du cadre légal
qui existe en matière de privation de liberté des passagers clandestins. En effet, la
consignation à bord jusqu’au départ du navire est de nature à compromettre le principe
posé par l’article 35 quater qui prévoit de placer les passagers clandestins en zone
d’attente. Cet article prend la précaution de définir le cadre légal de la zone d’attente de
façon à ne pas compromettre les droits et les garanties dont jouissent les étrangers.
Elle met aussi en cause le principe posé par l’article 35 ter de l’ordonnance suivant
lequel “ l’entreprise de transport est tenue de ramener sans délai l’étranger au point où il
a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ”. 
De plus, en refusant de qualifier le maintien à bord de voie de fait, le Tribunal rejette la
compétence du juge judiciaire en la matière et confie au juge administratif le pouvoir
d’apprécier si son acte est légal ou pas. En fermant le recours au juge des référés
judiciaire, qui aurait pu prononcer une injonction à l’administration, il ferme la possibilité
aux intéressés d’avoir recours à une justice rapide. Aussi, en l’absence de cette voie de
recours qui permettait au juge judiciaire de donner des injonctions à l’administration
dans des brefs délais, il ne reste plus grand choix au plaideur si ce n’est d’attendre la
condamnation de ce genre de comportement par un tribunal administratif, ce qui peut
prendre beaucoup plus de temps.
Le Tribunal des Conflits rejette la compétence du juge judiciaire en refusant d’appliquer
l’article 136 du CPP
Le Tribunal considère que “ les dispositions du Code de Procédure Pénale, donnant
compétence au juge judiciaire dans tous les cas d’atteinte aux libertés fondamentales,
ne sauraient être interprétées comme autorisant les tribunaux judiciaires à faire
obstacle à des décisions prises par l’administration en dehors des cas de voie de fait ”.
Les dispositions de l’article 136 du CPP sont pourtant très claires, elles stipulent que
dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé
par l’autorité administrative, les tribunaux de l’ordre judiciaire étant toujours
exclusivement compétents.
En refusant d’appliquer cet article, le Tribunal des Conflits écrase littéralement la
compétence du juge judiciaire en matière d’appréciation de voie de fait. Mais le Tribunal
des Conflits a toujours réduit la portée de cet article, en effet “ ni les termes absolus de
l’article 136 du CPP, ni son esprit, n’ont empêché le Tribunal des conflits de limiter
l’étendue de la compétence judiciaire ”.
Comme le fait d’ailleurs remarquer le Conseiller à la Cour de Cassation M. Pierre
SARGOS dans son rapport, “ peu d’articles d’un code ont été aussi ouvertement réduit
dans leur portée, si ce n’est délibérément dénaturés, par la juridiction qui doit en assurer
l’application, c’est à dire le Tribunal des Conflits, que l’article 136 du CP ”
De toute évidence, il existe un conflit d’interprétation de l’article 136 du CPP entre le
Tribunal de conflits et la Cour de Cassation, laquelle interprète largement la compétence
du juge judiciaire en matière de liberté individuelle, notamment concernant la législation
des étrangers. On peut le comprendre, car l’article 136 du CPP empiète sur la frontière
de la séparation des autorités administratives et judiciaires.
Sur le non-respect de l’article 66 de la Constitution de 1958.
En fermant les voies de recours au juge des référés judiciaires en matière de Libertés
Individuelles, le Tribunal des Conflits tourne le dos à l’article 66 de la Constitution. En
effet, comme le fait remarquer le conseiller M. Pierre SARGOS dans son rapport :
“ selon l’article 66 de la Constitution, seul le juge judiciaire est compétent pour toutes les
questions relatives à la liberté individuelle. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs montré
qu’il existait une  ligne de fracture entre les deux autorités ; d’un côté le juge
administratif a compétence pour les décisions de refus d’entrée en France, et de l’autre,
seul le juge judiciaire à compétence pour connaître des mesures de contrainte affectant
la liberté individuelle pour assurer l’exécution du refus d’entrée ” .
En conclusion
Ces observations amènent à penser que la consignation à bord est non seulement
illégale mais encore insusceptible de se rattacher aux pouvoirs conférés par la loi à
l’administration. La voie de fait est bien caractérisée ! ! !
En effet, si le capitaine du navire a le pouvoir d’incarcérer le passager clandestin
pendant la traversée, c’est parce qu’il à obligation d’assurer la sécurité de l’expédition
maritime, des biens et des personnes à bord. Cependant, le pouvoir de priver le
clandestin de sa liberté d’aller et venir est limité dans le temps et dans l’espace et se
borne à assurer la sécurité pendant la traversée lorsque l’individu est en situation
infractionnelle. D’ailleurs, l’atteinte à la liberté individuelle est passible de poursuites
pénales, et l’article 432-4 du NCP pourrait être utilisé pour faire évoluer les pratiques de
l’administration.
Cet article prévoit également des peines de prison et d’amende à l’encontre de la
personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service
publique qui, ayant connaissance d’une privation de liberté illégale, “ s’abstient
volontairement soit d’y mettre fin si elle en a le pouvoir, soit, dans le cas contraire, de
provoquer l’intervention d’une autorité compétente ”.
Dans le milieu judiciaire, cet arrêt à fait beaucoup de bruit : en effet lors de l’étude de cet
arrêt au Tribunal des Conflits, le conseiller à la Cour de Cassation, P. SARGOS à
démissionné de la juridiction paritaire en réclamant qu’elle soit dorénavant présidée par
le Président du Conseil Constitutionnel. Dans une lettre qu’il a adressée au premier
président de la Cour de Cassation, Pierre TRUCHE, il explique que pour mettre fin à ce
qu’il appelle “ une survivance d’une forme de justice retenue ”, le Tribunal de Conflits
devraient être plus impartial.
SECTION II : LE TRANSPORTEUR RESPONSABLE DES DOMMAGES ET DES
CONSEQUENCES FINANCIERES.
La responsabilité du transporteur maritime qui amène à son bord des passagers
clandestins signifie non seulement qu’il est tenu de les rapatrier sans délai, mais aussi
qu’il est tenu d’assumer toutes les conséquences de leur présence à bord. Pendant la
traversée, les passagers clandestins peuvent endommager la marchandise, le navire
peut prendre du retard. Tous ces désagréments se chiffrent vite en millions de dollars.
C’est ce que nous allons étudier, d’une part en envisageant la responsabilité du
transporteur à l’égard de ses cocontractants, et d’autres part en examinant toutes les
conséquences financières qui sont à la charge du transporteur.
PARAGRAPHE I : LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR A L’EGARD DE
SES COCONTRACTANTS
A) Dommages causés à la marchandise
Quand le passager clandestin cause un dommage à la marchandise, il appartient au
transporteur d’en réparer l’entier dommage, car sa responsabilité est engagée de plein
droit. Ces dommages peuvent être causés volontairement quand les passagers
clandestins détruisent la marchandise pour se nourrir, se chauffer, ou involontairement
quand malheureusement ces derniers décèdent pendant la traversée et que leur corps
restent au contact de la marchandise jusqu’au débarquement.
En effet, ce fut le cas dans une affaire rapportée par la Chambre Arbitrale de Paris, du
24 octobre 1997, où les dommages à la marchandise avait été causés par les corps
décomposés de deux clandestins qui se trouvaient avec la cargaison.
“ Le navire D était arrivé au port de Casablanca avec une cargaison de son en pellets
en vrac qu’il avait chargé dans les ports de Cotonou. A l’ouverture de la cale n°1, “ les
corps décomposés de deux passagers clandestins étaient découverts au sommet de la
marchandise ”. Les clandestins étaient morts asphyxiés suite à la fumigation de la
marchandise. L’Administration marocaine ordonna alors de stopper le déchargement et
ordonna le rembarquement de la marchandise qui venait d’être déchargée depuis la
cale n°2, le scellement des cales, la mise en bière des deux corps et le départ immédiat
du navire.
Le navire s’est rendu à Gibraltar où la marchandise fût déchargé et la partie contaminée
fût détruite. Le restant fut revendu à perte par son destinataire, lequel engagea une
action en responsabilité contre le transporteur aux motifs que le transporteur avait
commis une faute dans la surveillance de son navire, ce qui a permis au clandestin de
monter à bord.
Le transporteur pour sa défense a retenu que le comportement des autorités
marocaines caractérisait pour lui “ un fait du prince ”, qui est un cas excepté prévu par
la Convention de Bruxelles de 1924.
Le tribunal a retenu le fait du prince, mais ce cas ne permet d’exonérer le transporteur
que s’il est la seule cause du dommage. Or pour ce transport ce n’était pas le cas, car
la présence des passagers clandestins à bord était du à une mauvaise surveillance du
capitaine.
La question posée aux arbitres était la suivante : lorsque le dommage est la
conséquence d’un fait du prince, cas excepté prévu par la convention de 1924, et d’une
faute du transporteur, faut-il pleinement exonérer le transporteur ou faut il procéder à un
partage de responsabilité ?
Ici le tribunal a statué sur la responsabilité totale du transporteur : considérant que c’est
parce que le transporteur avait “  d’abord commis une faute de surveillance dans son
navire, que l’administration marocaine avait interdit le déchargement de la marchandise.
Le cas excepté n’était que la conséquence du manque de diligence du transporteur,
raison de plus pour le déclarer complètement responsable.
B : Le partage de responsabilité en cas de charte partie
L’utilisation de la charte-partie permet de partager les responsabilités entre les deux
parties cocontractantes en fonction de leurs obligations. En effet, on sait que dans les
contrats d’affrètements, le fréteur et l’affréteur se partagent les responsabilités. Par
exemple dans la charte-partie à temps, l’affréteur conserve en général toutes les
responsabilités liées à l’exploitation commerciale du navire et l’armateur toutes les
responsabilités liées à l’exploitation nautique du navire.
Il existe des chartes-parties à temps qui déterminent les responsabilités entre
l’armateur et l’affréteur suivant qui à la charge des opérations qui ont permis aux
clandestins de monter à bord. Ces clauses ont été insérées dans les chartes-parties
pour protéger l’armateur des réclamations pouvant lui être opposées pour des
dommages causés par des passagers clandestins et dont il n’était pas responsable. En
effet un armateur s’était vu réclamé une réparation pour des dommages causés par un
feu que des passagers clandestins colombiens avaient allumé pour se réchauffer, car
ils voyageaient dans une cale réfrigérée transportant des bananes. La Cour Américaine
refusa de condamner l’affréteur et le juge statua que si l’armateur voulait que l’affréteur
puisse être tenu responsable pour une mauvaise surveillance pendant le chargement, il
lui appartenait de faire inclure une telle clause dans la charte-partie.
Ainsi, on peut insérer des clauses concernant les clandestins dans différentes chartes-
parties ; comme par exemple dans la SIVOMAR ou la NEW YORK PRODUCE
EXCHANGE. Selon ces clauses, l’affréteur sera tenu de surveiller les marchandises
qu’il transporte (conteneurs, remorques..), et sera responsable des clandestins qui se
seront servis de la marchandise pour monter à bord. Quant à l’armateur, il sera tenu
responsable des clandestins qui se seront servis de son navire et de tous les éléments
qui le composent pour monter à bord (puits de chaîne, grues…).
Charte Partie SIVOMAR
Dans cette charte partie, on trouve une clause concernant les passagers clandestins, il
s’agit d’une clause nommée “ stoaways clause for time charter ”. Celle-ci déclare
l’affréteur responsable des passagers clandestins qui ont accédé au navire en se
cachant dans la marchandise et /ou dans les conteneurs transportés par l’affréteur.
On considère que si les clandestins ont réussi à monter à bord, c’est que l’affréteur a
commis une faute dans l’exécution de son obligation de diligence.
La clause va même jusqu’à prévoir que le propriétaire du navire pourra être indemnisé
par l’affréteur pour des dommages causés par les passagers clandestins, alors qu’il
n’était pas responsable de leur présence à bord. Il pourra même demander à l’affréteur
de lui rembourser les dépenses occasionnées par la perte d’exploitation due au retard
qu’a pris du navire.
Quant à l’armateur, il sera responsable lorsque les passagers clandestins sont montés
à bord en utilisant un autre moyen que la marchandise.
Charte Partie NYPE 1993
La New York Produce Exchange version 1993, est une charte partie à temps qui
prévoit dans sa clause n°41 des dispositions relatives aux passagers clandestins.
Cette clause dispose que l’affréteur est responsable de l’amarrage et des actions des
dockers.
Ainsi dans une affaire qui s’est déroulée aux Etats-Unis, les passagers clandestins
s’étaient caché dans un cargo transportant des fèves de cacao. Ils étaient montés à
bord avec l’aide des dockers, et pendant la traversée ils avaient endommagé la
cargaison. La Cour Américaine du District de l’est de la Louisiane à considéré qu’en
vertu de cette clause, l’affréteur été entièrement responsable des dommages subis par
la marchandise et qu’il devait rembourser le destinataire. En effet, selon cette clause,
l’affréteur était responsable du travail des dockers, et dans la mesure où ces derniers
avaient aidé les passagers clandestins a monter à bord, il devait endosser la
responsabilité.
Il existe d’autre chartes-parties qui prévoient le même genre de clause avec quelques
variantes.
PARAGRAPHE II : LES CONSEQUENCES FINANCIERES SUPPORTEES PAR LE
TRANSPORTEUR
La présence des passagers clandestins entraîne des conséquences financières très
lourdes pour le transporteur. Les frais engagés par le transporteur peuvent être la
conséquence directe de leur présence mais aussi la conséquence indirecte.
A : l’assistance P&I CLUB
Le Club de Protection de l’armateur, ou le Protecting and Indemnity Club (P&I CLUB),
par son système mutualiste garantit l’ensemble des risques encourus par le navire.
Il couvre par conséquent les risques des passagers clandestins ; il suffit pour cela de
lire les règles des différents clubs, qui prévoient chacun de rembourser l’armateur pour
les fais raisonnablement engagés pour les passagers clandestins.
Chaque P&I Club travaille avec une multitude de correspondants, qui ont le statut
d’agent mandaté par le Club. Les correspondants de Clubs permettent de représenter
et de défendre les intérêts des Clubs et de leurs clients dans tous les ports du monde.
A Marseille, il y a trois correspondants. Le plus réputé est la société Eltvedt &
O’Sullivan.
En principe se sont les agents locaux des P&I Clubs qui se chargent de la procédure de
rapatriement des passagers clandestins. Cette procédure prend beaucoup de temps en
déplacement, et en négociations avec les différents intervenants (autorités
administratives locales, ambassades ou consulat, agences de voyages).
Il faudra rémunérer l’agent pour son assistance et notamment pour le temps qu’il lui
aura fallu pour établir les laissez-passer. De même, il faudra lui rembourser les frais
occasionnés par ses déplacements. L’ambassade voudra vérifier l’identité  des
ressortissants et demandera à l’agent d’organiser un rendez-vous avec un diplomate
ou de se rendre à l’ambassade pour venir chercher les documents.
La note de l’assistance du P&I Club et celle de son correspondant dépendra du nombre
d’heures passées sur chaque dossier.
B : Les frais de refoulement
Outre les frais d’assistance du P&I Club, le transporteur devra prendre à sa charge
tous les frais engagés pour le refoulement des passagers clandestins. On peut classer
ces frais en différentes catégories. Comme les frais principaux liés aux démarches du
correspondant, ou comme les frais occasionnés pour les passagers clandestins.
En ce qui concerne les frais principaux, ils sont liés aux démarches du correspondant.
Il faudra lui rembourser toutes les dépenses qu’il aura engagées, comme les
rémunérations du traducteur, les frais de communications diverses (téléphone avec
l’étranger, télex, fax avec le bord…), les frais d’établissement du dossier de
rapatriement (photos, passeports), les billets d’avion pour les déplacements d’agents à
l’ambassade, les billets de retour pour les clandestins et leurs escortes.
De même, le correspondant engagera des dépenses pour les clandestins. Il s’agira des
frais d’escorte depuis le début de la durée d’escale jusqu’au rapatriement des
passagers clandestins (le transfert à l’aéroport, surveillance durant le trajet). Des frais
vestimentaires, car les compagnies aériennes ne les accepteront que s’ils sont habillés
correctement. Des frais d’hébergement et de nourriture, des frais médicaux pouvant
aller de la simple visite chez le médecin aux frais d’hospitalisation ou de rééducation.
Par exemple ; un clandestin qui souffrait de troubles mentaux dû à sa détention et à sa
toxicomanie avait subi un traitement dans un hôpital psychiatrique. Le transporteur avait
dû payer son hospitalisation et l’ensemble des frais prescrits par le médecin. Le
clandestin à été ramené tout frais payés et en bonne santé.
Ensuite, le transporteur devra payer les amendes infligées par l’Etat du port d’escale où
il se trouve. Le montant de ces pénalités est variable selon le pays où le transporteur
fait escale.
En France si le transporteur laisse débarquer le clandestin ou si ce dernier s’évade la
DICCILEC établira un procès verbal au transporteur lui ordonnant de payer une
amende de 10.000 francs par passager clandestin débarqué.
A l’étranger, par exemple en Grèce, le capitaine doit déposer aux autorités portuaires
une garantie bancaire de USD 2.000 par clandestin qui pourrait quitter le navire et vont
même jusqu’à interdire au navire d’appareiller tant que les mentions de la lettre de
garantie n’ont pas été produites.
En Espagne, les autorités prévoient une lourde amende (USD 250.000) en cas
d’évasion et en cas de complicité avec le capitaine.
En Australie, lorsque le transporteur a un passager clandestin à bord et qu’il entre dans
le port il doit en informer le département de l’immigration, à défaut le capitaine commet
un délit. Si le transporteur a prévenu la police du port et qu’il ne commet pas de
négligence il aura rarement d’amende.
Aux USA, les autorités imposent au transporteur de rapatrier sans délais le passager
clandestin. Si le transporteur ne rapatrie pas le passager clandestin alors que l’INS
(immigration and naturalisation service) lui en donne l’ordre il aura une amende USD
3.000.
Enfin, en ce qui concerne les frais annexes, il faudra payer les heures supplémentaires
de travail effectué par l’équipage (fouille à bord, garde pendant la traversée, repas
supplémentaires à préparer). Les achats d’équipements de sauvetage quand le nombre
de passager est important . La réparation du matériel endommagé par les clandestins,
l’hébergement à terre, les frais dû au déroutement volontaire du navire en vue de
provoquer le débarquement anticipé des clandestins qui se trouvent coincés dans des
containers en fond de cale. Les frais d’exploitation commerciale suite à une saisie du
navire.
C : Les frais résultant de l’immobilisation du navire
Lorsque les autorités refusent de laisser débarquer les passagers clandestins, il arrive
que le navire reste à quai le temps que l’agent régularise la situation.
Lorsque les passagers clandestins sont rapatriés par avion, les autorités imposent au
navire de rester à quai tant que les clandestins n’ont pas quitté le sol français. Cela pour
s’assurer que le navire puisse récupérer ses passagers en cas de problème.
En effet, les passagers clandestins qui sont rapatriés par avion font tout pour retarder
leur départ : ils créaient des émeutes à l’aéroport afin que les compagnies aériennes ne
les acceptent pas. Il est arrivé que les clandestins se déshabillent, qu’ils fassent leur
besoins dans la salle d’embarquement devant tous les passagers. Pour éviter ce genre
de situation, les agents du P&I Club leur proposent de leur donner de l’argent pour qu’ils
se tiennent bien (les agents font en sorte de choisir des petites compagnies aériennes
qui sont moins exigeantes que les grosses, comme par exemple Air France ).
Tous ses désagréments font perdre beaucoup de temps au transporteur, lequel doit
respecter des impératifs économiques. Ces retards auront des répercussions
importantes sur les pertes d’exploitation commerciale (frais portuaires, frais de
combustibles en cas de détour, frais d’immobilisation du navire, retard à la livraison de
la marchandise, ou du navire en cas d’affrètement au voyage ou à temps), la facture se
chiffre vite en million de dollars.
Chaque frais ainsi énuméré doit être multiplié par le nombre de passager clandestin, ce
qui représente des sommes énormes, d’autant plus que la garantie Club prévoit en
général une somme forfaitaire, environ 25.000 francs par passager clandestin, et le
supplément sera payé par le transporteur.
Nous citerons comme exemple la facture concernant les clandestins du UK P&I Club
pour l’année 1996-97 qui s’élève à 1,6 million de Dollars.
Trouver des solutions aux problèmes des passagers clandestins semble un peu
utopique. A vrai dire il n’y a pas de solution radicale, si ce n’est trouver un moyen de
fixer les populations chez elles en aidant les pays en voie de développement à sortir de
leur misère. Mais en vertu du principe de non-ingérence, il ne nous appartient pas de
résoudre leurs conflits civils, religieux ou ethniques.
Ceux ne sont pas de véritables solutions dont nous allons parler dans cette partie, mais
plutôt des méthodes qui peuvent permettre de mieux gérer les problèmes liés aux
passagers clandestins. Dans un premier temps, nous étudierons les textes
internationaux qui existent pour le moment sur le débarquement des passagers
clandestins et sur les responsabilités des divers intervenants. Puis, nous étudierons les
moyens juridiques et les mesures préventives qu’il nous faudrait exploiter afin de
résorber le problème à la source.
Deuxième Partie :
Des solutions à la Clandestinité
Maritime
CHAPITRE I - L’URGENCE D’UNE CONVENTION INTERNATIONALE
Les armateurs de navire ne font que subir des réalités politiques et économiques sur
lesquelles ils n’ont plus de prises. Il semblerait donc plus cohérent et surtout moins
injuste, de confier aux Etats le soin et la charge d’assumer une partie de ce problème.
L’adoption d’une Convention internationale sur cette question mériterait une attention
particulière. Il existe déjà un texte international du 10 octobre 1957 sur le statut des
passagers clandestins, mais cette Convention était trop contraignante à l’égard des
Etats, et n’est jamais entrée en vigueur. En effet, elle avait surtout mis l’accent sur le
côté humanitaire et permettait d’éviter les pratiques abominables perpétuées sur
certains navires contre “ ces passagers de la misère ”. Elle avait en revanche
l’inconvénient de déresponsabiliser les navigants.
L’élaboration d’une nouvelle Convention établissant un statut “ réaliste ” serait un
progrès pour tous, et surtout pour les navigants, les armateurs et les clandestins.
Nous espérons ainsi que le “ code de conduite ” élaboré en 1992 par l’Organisation
Maritime Internationale puisse aboutir sur une Convention Internationale.
SECTION I : LA CONVENTION DE BRUXELLES DU 10 OCTOBRE 1957
Cette Convention dite de Bruxelles réunit neuf Etats, la Belgique, la Finlande, la Suède,
le Danemark, la Grèce, l’Italie, la Norvège, le Pérou, la Suisse. Mais elle n’est jamais
entrée en vigueur et ne le sera jamais. Ses objectifs humanitaires l’ont rendue irréaliste,
en obligeant les Etats à accueillir, sauf dans quelques cas très limités, tout passager
clandestins. Ce texte entrait alors en conflit avec les législations nationales sur
l’immigration.
PARAGRAPHE I : UNE CONVENTION MORT NEE
A : Présentation de cette Convention
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  • 1. UNIVERSITE DE DROIT D’ECONOMIE ET DES SCIENCES D’AIX - MARSEILLE FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES D’AIX – MARSEILLE CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS LA CLANDESTINITE MARITIME D.E.S.S. DE DROIT DES TRANSPORTS OPTION DROIT DES TRANSPORTS MARITIME Mémoire présenté par Aurore DIAZ /Année 1997/98 Directeurs de recherches : Monsieur le Professeur Pierre BONASSIES et Monsieur le Professeur Christian SCAPEL INTRODUCTION
  • 2. Le clandestin peut être défini comme un délinquant qui voyage sans titre de transport et qui est en contravention avec les lois nationales puisqu’il n’est pas autorisé à entrer sur le territoire. L’article premier de la Convention de Bruxelles de 1957 sur les passagers clandestins donne une très bonne définition puisqu’elle les définit comme : “ Une personne qui en un port quelconque ou un lieu en sa proximité, se dissimule dans un navire sans le consentement du propriétaire du navire ou du capitaine ou de toute autre personne ayant la responsabilité du navire et qui est à bord après que le navire a quitté ce port ou lieu ”. La clandestinité maritime n’est pas un phénomène nouveau, elle a toujours existé. Déjà au XVIII siècle, on a retrouvé des traces de ces passagers dans les rôles de bord des navires de commerce. A cette époque, les clandestins étaient pour la plupart des français qui fuyaient la France pour aller tenter leur chance aux Indes. Aujourd’hui ce sont davantage des étrangers qui fuient leur pays pour aller s’installer dans des pays développés. Depuis quelques années, ce phénomène a pris de plus en plus d’ampleur et il devient une préoccupation grandissante pour les armateurs qui sont tenus de rapatrier ces voyageurs indésirables et qui doivent faire face aux multiples dépenses occasionnées par leur découverte à bord. Ce phénomène est “ Humainement ” dramatique, car ces clandestins n’ont qu’un objectif en tête, celui de quitter leur pays. Ils sont prêts à mourir pour “ l’Eldorado européen ” et utilisent tous les moyens pour y arriver. Mais au-delà du problème humain posé par la situation de ces clandestins, l’immigration clandestine par voie maritime a de nombreuses répercussions dans les domaines juridique, économique, politique et social, et place toutes les personnes concernées, armateurs, capitaines, équipages, ainsi que les pouvoirs publics et les P&I Clubs dans une situation très complexe. En effet, depuis quelques années, les autorités administratives françaises refusent de laisser débarquer les passagers clandestins sur le territoire sous prétexte que les textes en vigueur imposent à l’armateur de ramener le clandestin par le même moyen de transport qui l’a amené. Ce raisonnement amène les autorités administratives à consigner les clandestins à bord des navires, empêchant ainsi l’armateur de pouvoir les rapatrier par un moyen de transport plus rapide, alors que les lois de 1992 et 1994 ont mis en place des zones d’attente destinées à recevoir les clandestins en transit. Depuis 1994, les tribunaux ont jugé à plusieurs reprises que l’administration commettait ainsi une voie de fait, et lui ont ordonné de mettre fin à ces consignations arbitraires. Cependant le Tribunal des Conflits, dans un arrêt très controversé du 12 mai 1997, a considéré que ces pratiques administratives ne constituaient pas une voie de fait. En
  • 3. écartant la compétence des juges judiciaires, le Tribunal des Conflits prive ainsi les intéressés du seul recours efficace pour y mettre fin. Les intérêts des différentes personnes concernées imposent une solution rapide à cette situation, surtout lorsque de nombreux clandestins sont présents à bord et constituent un danger pour la sécurité de l’équipage. Ce phénomène a soulevé l’intérêt des autorités publiques de chaque Etat, qui ont tenté de trouver des solutions au niveau international en adoptant une convention, mais cette dernière n’est jamais entrée en vigueur. Au plan national, les sources juridiques sont d’origines diverses, Droit Pénal Maritime, Droit Administratif, mais il serait aisé de croire qu’il existe “ un vide juridique ” en la matière. C’est pourquoi il serait astucieux de trouver au-delà des réflexions juridiques, des solutions pratiques basées d’avantage sur la coopération inter étatique ou encore sur la politique préventive. Nous étudierons donc ces questions dans deux parties. La première partie constituera une tentative de regroupement et d’analyse des différents problèmes humains, juridiques et économiques posés par la présence des passagers clandestins sur les navires de commerce. Dans la deuxième partie, nous tenterons d’exposer et d’analyser les solutions juridiques et techniques qui existent et qu’il faudrait développer tant au niveau national qu’international Première Partie :
  • 4. Les problèmes posés par la Clandestinité Maritime CHAPITRE I : LE PROBLEME HUMAIN POSE PAR LA CLANDESTINITE MARITIME De tout temps les hommes ont pensé à utiliser les navires de commerce pour fuir leur pays pour quelques raisons que ce soit. A notre époque, la clandestinité maritime est un phénomène très préoccupant pour les transporteurs, mais nous ne pouvons fermer les yeux sur les raisons qui poussent ces populations à fuir leur pays. Le malaise social, politique et économique qui règne dans beaucoup de pays d’Afrique ou d’Europe de l’Est pousse ces populations à quitter leur pays coûte que coûte. En principe, ces populations sont très attirées par l’Europe Centrale, le Canada ou les Etats-Unis. Leurs motivations pour atteindre “ l’Eldorado ” sont très fortes. On peut se demander pourquoi ces individus prennent de tels risques pour des
  • 5. espérances qui sont rarement satisfaites. Dans tous les cas, les passagers clandestins ont très vite appris à s’adapter au voyage maritime clandestin et sont très astucieux, ce qui rend de plus en plus difficile leur découverte par l’équipage au moment de l’embarquement. SECTION I : LE VISAGE HUMAIN DU PASSAGER CLANDESTIN Cette volonté migratoire est due en grande partie aux disparités de développement économique qui caractérisent notre monde actuel. En effet, les populations d’Afrique et d’Europe de l’Est souffrent du retard économique et politique qui s’est installé dans leur pays. Face à ce désarroi total, des populations souhaitent fuir leur pays et le plus souvent clandestinement. Le moyen le plus facile est d’utiliser les navires de commerce qui font des rotations régulières avec l’Europe centrale, les Etats-Unis ou le Canada. La surveillance dans les ports africains est très laxiste et il n’est pas difficile de se cacher à bord des navires. De plus, en Europe de l’Est, il s’est formé des organisations qui aident les clandestins à se dissimuler à bord des navires de commerce. Dans tous les cas, les passagers clandestins ne veulent pas retourner dans leur pays et dans leur misère et pour cela ils feront tous pour éviter qu’on les renvoie d’où ils viennent, surtout si près du but ! ! ! PARAGRAPHE I : LE PROFIL MISERABLE DU PASSAGER CLANDESTIN Comme tout délinquant, on peut tracer un portrait type des passagers clandestins et de leurs motivations. A - Présentation des clandestins et de leurs motivations 1) Les clandestins : En général, les passagers clandestins sont des hommes âgés de 13 à 35 ans, ce sont rarement des femmes et des enfants. Il faut en effet être très résistant, insouciant et n’avoir rien à perdre pour passer plusieurs jours sans boire ni manger dans un conteneur ou au fond d’une cale de navire bercé par un roulis incessant. Ces individus fuient les pays en voie de développement pour le mirage des pays riches où ils espèrent trouver du travail et se construire un meilleur avenir. La plupart du temps, les passagers clandestins que l’on trouve sur les navires de commerce sont des récidivistes.
  • 6. En fonction de la nationalité du clandestin, on pourra savoir s’il a un comportement violent ou calme. En général, les clandestins roumains sont calmes, et les clandestins venant du Zaïre peuvent se montrer violents. Dans le cas où les passagers clandestins seraient plus nombreux que l’équipage, un climat de tension et de peur peut s’installer à bord et compromettre la sécurité de l’expédition maritime. 2) Leurs motivations : Les raisons qui poussent les clandestins à fuir leur pays peuvent être classées en plusieurs catégories. Ce peut être pour des raisons économiques, politiques ou par idéologie religieuse. Mais aussi, les clandestins peuvent être des repris de justice évadés ou des passeurs de drogue. En général, ils quittent leur pays pour des raisons économiques, les clandestins fuient la misère de leur pays où il n’y a pas de travail donc pas d’espoir. Ils cherchent une terre où ils pourront améliorer leur qualité de vie, et ils sont persuadés que dans les pays riches, ils pourront trouver du travail, et cela vaut la peine de risquer leur vie. C’est pour cela qu’il est rare de voir des femmes et des enfants immigrer clandestinement, car dans l’esprit des clandestins, l’homme part pour travailler et gagner de l’argent pour pouvoir ensuite faire venir sa famille ou rentrer chez lui avec des économies. Il peut aussi s’agir de personnes qui fuient car elles sont pourchassées à cause de leurs idées politiques, religieuses ou parce qu’elles appartiennent à un autre groupe social ou une autre ethnie. La catégorie la plus redoutée de toutes, est celle des repris de justice évadés cherchant à fuir leur pays dans lequel ils étaient détenus. Ils sont généralement les plus violents car ils savent que s’ils retournent dans leur pays leur peine sera plus qu’aggravée. Il existe aussi des filières exploitées par les trafiquants de drogue ou d’esclaves. Elles sont organisées pour la traite des blanches et les organisations prenant en charge les passagers clandestins leur demandent parfois de transporter un peu de drogue sur eux. Les autorités françaises n’arrivent pas à infiltrer et à démanteler ces organisations, même si elles en connaissent l’existence. Dernièrement la chute d’anciens empires et l’émergence de nouvelles entités indépendantes ont entraîné l’accroissement de guerres civiles provoquant un flot continu d’immigration. Seulement les besoins d’argent pour le voyage et la nécessité d’un visa sont des handicaps infranchissables pour les individus qui veulent s’enfuir et en désespoir de cause ils optent pour la clandestinité. B : D’où viennent–ils ? Les pays traditionnels d’origine sont principalement l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique du Sud, le Maroc, la Tanzanie et le Zaïre. Les ports les plus touchés sont : Lagos (Nigeria),
  • 7. Takoradi et Accra (Ghana), Monrovia (Liberia), Dakar (Sénégal), Abidjan (Côte d’Ivoire), Casablanca et Safi (Maroc), Matadi (Zaïre), Durban (Afrique du Sud), Mombasa (Kenya), Maputo (Mozambique), Dar Es-Salaam (Tanzanie). Il existe une clandestinité venant d’Amérique du Sud, mais nous traiterons essentiellement de la clandestinité provenant d’Afrique et d’Europe de l’Est. On a constaté qu’il existait deux flux migratoires dans les pays développés d’occident touchés par ce problème. Un flux sud-nord et un flux est-ouest, chacun touchant des ports différents en France. Par exemple, le port du Havre est très concerné par l’afflux de roumains qui tentent de s’embarquer en se cachant principalement dans des conteneurs pour aller au Canada ou aux Etats-Unis. Alors que le port de Bordeaux ou de Nantes sont uniquement concernés par des clandestins venant d’Afrique. 1) Le continent africain : En raison d’une population africaine très importante et qui se déplace, la nationalité des clandestins et les ports où ils embarquent n’ont parfois aucun rapport. Par exemple, le Rwanda et le Burundi connaissent des conflits ethniques très violents depuis trente ans, ce qui amène leurs ressortissants à se réfugier en Tanzanie. Et le plus souvent, ces réfugiés s’embarquent clandestinement sur des navires à partir des ports de Maputo ou Mombasa. Les régions les plus touchées par la clandestinité maritime sont l’Afrique du sud, de l’Est (Tanzanie) et de l’Ouest (Congo). En effet, ces pays sont très touchés par la famine, la guerre, la sécheresse, la mort et la misère. Parmi ces pays, ce sont évidemment les pays qui connaissent d’importants troubles politiques et sociaux qui “ exportent ” le plus de clandestins (le Rwanda, le Congo, l’Angola). Il faut aussi ajouter que le contrôle à l’entrée des ports africains est très laxiste, l’accès aux navires ne pose aucune difficulté. Nous rappellerons pour le plaisir cette anecdote d’un clochard sénégalais nommé “ César ”, qui avait installé sa maison dans le port de Dakar et qui s’est réveillé un beau matin dans le port de Conakry, alors qu’il s’etait endormi la veille dans un conteneur. Il était, sans le vouloir, un passager clandestin. Le phénomène des clandestins croît et varie en fonction de la situation politique et économique dans les différentes régions du monde. En ce moment la situation en Angola est très critique, et il ne serait pas étonnant que le nombre de passagers clandestins Angolais augmente. 2) L’Europe de l’Est : Depuis la modification de l’équilibre mondial par la chute des régimes dits “ communistes ”, un nouveau vent d’immigration souffle d’Est en Ouest. En effet depuis l’éclatement de l’Union Soviétique et la faillite des régimes de l’Est, on a vu une pénurie générale s’installer dans ces pays. Ce phénomène a eu pour conséquence directe un flux migratoire de Roumains, de Croates, de Russes, de Tchèques et de Polonais vers l’Europe de l’Ouest. D’ailleurs on a relevé un nombre croissant de passagers clandestins Roumains sur les lignes transatlantiques au départ
  • 8. de l’Europe. Ainsi pour chaque clandestin arrivant aux Etats-Unis par voie maritime, le P&I Club de l’armateur doit déposer une garantie bancaire de USD 1.000 et de USD 5.000 pour le Canada. A l’heure actuelle, le port du Havre est une plaque tournante du trafic de passagers clandestins Roumains. Ils arrivent, en général, par train, route ou auto stop et une fois en France ils demandent en toute légalité le droit d’asile politique. Si leur demande n’est pas manifestement infondée, ils auront droit à une autorisation de séjour d’un mois, ce qui leur laisse toute liberté de voyager sur le territoire et d’embarquer clandestinement sur un navire en partance pour le Canada ou les Etats-Unis. PARAGRAPHE 2 : LES RISQUES COURUS PAR LES PASSAGERS CLANDESTINS On peut se demander pourquoi ces personnes risquent ainsi leur vie, alors que leurs espérances sont rarement satisfaites. Non seulement ils risquent leur vie en s’engageant sur un navire sans savoir si l’équipage les respectera ou en se cachant dans des endroits dangereux, mais ils risquent aussi d’être rapatrier, sans avoir pu poser le pied sur un autre territoire. A – Les risques à bord du navire Quand ils montent à bord d’un navire, les clandestins prennent le risque de tomber sur un équipage inhumain qui pourrait les maltraiter. De plus, ils ne réalisent pas toujours que leur cachette peut se révéler très dangereuse pendant la traversée. 1) Le risque de tomber sur un équipage féroce : Au vu des faits divers qui alimentent la presse, on sait qu’il arrive que l’équipage manifeste souvent sa haine contre les passagers clandestins en les massacrant ou en les jetant à l’eau. D’ailleurs il est connu que les clandestins évitent d’office certains équipages qu’ils savent sans pitié à leur égard (équipages chypriotes, marocains, grecs, russes). Il est vrai que leur présence à bord est nuisible pour la sécurité de l’expédition maritime, d’ailleurs certaines compagnies maritimes pénalisent les marins si des clandestins sont trouvés sur le navire. Et pour éviter ces conséquences nuisibles, certains équipages préféreront les jeter à l’eau. On se souvient qu’il y a encore peu de temps, une partie de l’équipage du navire “ MC RUBY ”, cargo battant pavillon des Bahamas, avait dévalisé puis massacré et jeté à l’eau huit clandestins ghanéens et camerounais. Mais cette affaire n’est malheureusement pas isolée et “ des éléments laissent penser que de tels actes le plus souvent impunis sont de moins en moins rares, simplement pour éviter les lourdes amendes qu’infligent aux armements les autorités des pays occidentaux ”.
  • 9. L’histoire qui rappelle le plus le “ MC RUBY ” est celle du navire “ GAROUFALIA ”. Dans cette affaire, le cargo “ GAROUFALIA ” quittait le port de Mombasa (Kenya) avec onze clandestins à bord dont six adolescents. Le capitaine grec entra dans une colère folle et fit enfermer les neuf clandestins en fond de cale. Les deux qui restèrent sur le pont furent passés à tabac et jetés à la mer. Alors qu’ils avaient réussi à s’accrocher au bastingage, le capitaine leur écrasa les mains et les repoussa dans la mer infestée de requins. Le commandant exigea alors qu’on fasse monter les autres, qui refusèrent dans un premier temps, mais ils y furent contraints par des émanations de mort aux rats qui montaient des cales. Le commandant aidé d’un marin les jeta à l’eau. Dans cette affaire, le capitaine qui plaida la légitime défense, a été condamné à dix ans de prison et n’a pas prononcé la moindre phrase de repentir. Il a même été étonné de l’importance qu’on donnait à cette affaire. “  Je pensais, a-t-il simplement expliqué, que les requins ne mangeaient pas les noirs ”. Heureusement l’équipage n’agit pas toujours ainsi. Mais nous sommes quand même conscients des risques que prennent les clandestins pour une maigre épopée. Cependant, même si ils tombent sur un équipage relativement humain, ils tombent parfois dans leur propre piège ! ! ! 2) Le risque que leur cachette se transforme en tombeau : L’embarquement s’opère en général dans des conditions rocambolesques et dangereuses. Les passagers clandestins se cachent dans des endroits inimaginables, si bien qu’il est arrivé de trouver des clandestins dans des tuyaux, des soutes, des bouches d’aération, des faux plafonds, entre des grumes de bois ou dans les puits de chaînes au risque d’être écrasés, dans les cheminées du navire, dans les salles des machines sous les grilles des planchers car à cet endroit se forme une marre d’huile où l’on peut se cacher. On a même vu des clandestins se dissimuler dans une cargaison d’huile et respirer à l’aide d’une paille. Il est certain que les passagers clandestins ne réalisent pas tous les dangers qu’ils courent et il arrive qu’ils ne résistent pas à la traversée. On a retrouvé des cadavres de clandestins décomposés au déchargement d’une cargaison de son en vrac car ils n’avaient pas résisté à la fumigation de la marchandise. De même, on a retrouvé le corps d’un clandestin dans les cales d’un cargo autrichien transportant du minerai de Zinc, son décès pourrait avoir été provoqué par des émanations de minerai. Les deux autres clandestins marocains qui se trouvaient à bord ont été hospitalisés car ils étaient sous alimentés. Lorsque les clandestins se cachent à l’intérieur d’un conteneur, ils ne savent pas si celui-ci sera arrimé en fond de cale ou bien en pontée. Dans le premier cas ils peuvent rester coincés dans le conteneur, condamnés à y rester jusqu’au dépotage. Dans le second, ils prennent le risque qu’un conteneur mal arrimé tombe à la mer par mauvais temps, entraînant avec lui ses passagers.
  • 10. Cette énumération, non exhaustive, démontre que les clandestins sont complètement inconscients et désespérés. Et les risques qu’ils prennent sont à la hauteur de leur inventivité ! ! B - Le risque de refoulement Il faut savoir que le passager clandestin représente “ une menace ” à la fois pour l’armateur, qui est entièrement responsable de sa présence à bord, mais aussi pour les autorités publiques, qui tentent par tous les moyens de faire respecter leur politique d’immigration. 1) La volonté de l’armateur de se débarrasser au plus vite du passager clandestin : Pour l’armateur le passager clandestin représente une charge financière et une responsabilité très lourde. En principe si l'équipage ne l’a pas jeté à l’eau pendant le voyage, il fait son possible pour qu’à la première escale, le clandestin soit débarqué puis rapatrié. Dés que le capitaine a connaissance de la présence des passagers clandestins à bord, il les enferme dans une cabine ou dans la cale du bateau, et poste un membre d’équipage à leur porte afin que ceux-ci ne s’échappent pas. Ensuite, il tente de les identifier afin que son P&I Club leur procure rapidement des laissez-passer temporaires, pour qu'on puisse les débarquer à la première escale. En principe, l’obstination de l’armateur à rapatrier le passager clandestin n'a d'égale que la motivation du clandestin pour quitter son pays. 2) Le refoulement du clandestin à la frontière : Pour les autorités publiques, le clandestin représente une menace à l’égard de sa politique de lutte contre l’immigration. A l’arrivée du navire au port, les autorités françaises, au nom du Ministère de l’Intérieur, refuseront au clandestin l’entrée sur le territoire en notifiant au capitaine une décision de refus d’admission sur le territoire français. Si le passager clandestin réclame l'asile politique, sa demande sera examinée par le ministère de l'intérieur, mais le plus souvent il rejettera leur demande. Par crainte de voir son seuil d’immigration augmenté, les autorités vont même jusqu’à adopter un comportement “ pousse au crime ”, en interdisant au transporteur de débarquer les clandestins dans les zones de transit légalement prévues à cet effet. La rigidité et l’obstination de ces autorités créent des situations qui ne sont à l’avantage de personne. Mais dans tous les cas, la politique française en matière d’immigration clandestine est très rigoureuse, et les demandeurs d’asile voient rarement leur demande aboutir.
  • 11. SECTION 2 : LE CLANDESTIN : UN PERSONNAGE ASTUCIEUX Les clandestins ont su s’adapter aux évolutions du transport maritime et ont notamment appris à utiliser le conteneur pour monter à bord clandestinement. Ils ont aussi appris à contourner les pièges que pouvaient leur poser les armateurs et leur équipage qui tentent par tous les moyens de les découvrir au moment de l’embarquement. De même, leur motivation pour atteindre “ l’Eldorado européen ” est tellement forte, qu’ils refusent d’être coopératifs durant la procédure d’identification. PARAGRAPHE 1 – LES METHODES EMPLOYEES Il est de plus en plus difficile pour les équipages de découvrir les passagers clandestins lors de l'embarquement. Certains d'entre eux sont déjà cachés dans la marchandise avant qu'elle soit amenée au port, d'autres se mélangent avec le personnel des entreprises de manutention. La plupart du temps il est impossible à l'équipage de les détecter, car ils n'ont pas le temps ou le droit d'ouvrir tous les conteneurs ou toutes les remorques. Pour une meilleure surveillance, il faudrait que l'armateur emploie des gardes privés qui contrôleraient toutes les opérations d'embarquement. A : Des cachettes astucieuses Pour éviter d’être découverts lors d’une fouille à l’embarquement, certains passagers clandestins ont l'idée de se cacher dans les remorques que l'on charge à bord des Ro- Ro. En général, ils s'y dissimulent au moment de l’empotage dans les champs ou dans l’usine. La remorque arrive au port fermée et les clandestins sont déjà à l’intérieur. Il est impossible pour l’équipage de vérifier chaque remorque. De même, il arrive souvent que les clandestins se fassent engager occasionnellement comme acconier ou stevedore. Après un mois de travail, ils connaissent toutes les rotations, tous les navires ainsi que le personnel du port. Ils peuvent monter à bord sans se faire remarquer en se dissimulant dans une remorque, dans un conteneur ou dans un coin du bateau. Lorsque les clandestins sont extérieurs au port, ils profitent du roulement du personnel de nuit et de jour pour passer inaperçus et grimper à bord sans se faire remarquer. B : L’utilisation de complices Quand les clandestins veulent se faire aider par un complice ou par des passeurs professionnels, ils feront appel à une organisation spécialisée de passeurs qui, moyennant un droit de passage, aide les clandestins à se dissimuler à bord des
  • 12. navires. Les clandestins leur donnent toutes leurs économies, et si leur expédition échoue, ils retournent à la case départ sans un sou en poche. Le plus souvent ces passeurs achètent le personnel du port, quand ce ne sont pas les acconiers eux même qui agissent. On a décelé dans le port de Monrovia (Liberia), une organisation qui impliquait non seulement les stevedores mais aussi la sécurité du port. Ceux-ci aidaient les clandestins à se cacher dans les cargos en les dissimulant entre les grumes de bois. Ces pratiques étaient très dangereuses pour les clandestins qui risquaient de se faire écraser. La mission des complices consiste aussi à aider les clandestins à se dissimuler à l’intérieur du conteneur. Quand celui est plombé, ils font sauter le plomb avec des outils, ils font rentrer le groupe de clandestins à l’intérieur, et ensuite, le complice referme le conteneur en apposant un nouveau plomb ou en recollant le premier. Ce travail est tellement bien fait, que cela passe inaperçu. Ensuite, les clandestins apportent avec eux suffisamment de nourriture et d’eau pour survivre pendant quelques jours. Ils pensent même parfois à apporter des toilettes chimiques et des outils pour faire des trous dans les conteneurs. PARAGRAPHE II – LE BUT DU PASSAGER CLANDESTIN Le but du passager clandestin est d’entrer frauduleusement sur le territoire qu’il désire atteindre. Il a donc vocation à devenir un immigré potentiel, et c’est pour cette raison que les autorités refuseront de le laisser débarquer sur le territoire français. En ce qui concerne le clandestin, celui-ci est dans un tel état de misère qu’il n’a rien à perdre. Au mieux il arrive à destination sain et sauf, au pire il est nourrit, logé, voire habillé et soigné, par le transporteur pendant plusieurs mois. C’est pour ces raisons, qu’une fois découverts par le capitaine, les passagers clandestins font le maximum pour rester à bord le plus longtemps possible afin de retarder la procédure de rapatriement. A – Rester le plus longtemps à bord 1 ) Pour le meilleur :
  • 13. Le traitement des passagers clandestins est différent à chaque traversée et la vie à bord est parfois plus agréable que dans leur pays. En effet, même si leur périple échoue à l’arrivée, ils auront toujours eu la chance d’être nourris pendant quelques mois. Certains passagers clandestins préféreront rester dans leur cachette le plus longtemps possible afin d’éviter que l’équipage ne les découvre et les enferme. Ainsi, ils auront la possibilité de s’enfuir à l’arrivée du navire en rade ou au port. D’autres passagers clandestins s’embarqueront à bord sans vouloir atteindre une destination précise. Ils voudront simplement se faire employer à bord pour un temps, sachant qu’au pire ils seront renvoyés chez eux. Ils ne sortiront de leur cachette qu’une fois le bateau loin des côtes pour ne pas risquer d’être ramenés. Une fois découverts, le capitaine devra les garder à bord et les nourrir. Si les clandestins se montrent très calmes et travailleurs, ils pourront être embauchés le temps du voyage en échange d’un peu d’argent et de nourriture. Mais ces pratiques ne sont pas valables pour toutes les nationalités car on évite de faire travailler certains passagers clandestins qui pourraient compliquer leur rapatriement, c’est le cas des clandestins zaïrois. Et en général, ce genre de situation est assez rare car l’équipage ne veut pas intégrer le clandestin et préfère le garder à l’écart afin d’éviter d’éventuelles tensions. Dans tous les cas, les passagers clandestins sont pendant quelques temps “ le centre d’intérêt ” de plusieurs personnes ce qui leur donne, pour une fois dans leur vie, beaucoup d’importance. 2) Pour le pire : On a constaté qu’une fois découverts par l’équipage, les passagers clandestins feront tout pour ne pas être rapatriés, et leur manque de coopération retardera la procédure de rapatriement car il faudra plus de temps pour établir leur véritable nationalité. En général, ils auront de faux papiers, ils apprendront une autre langue, ils refuseront de parler (on a vu des cas où le clandestin s’était coupé la langue), et ils pourront parfois se montrer agressifs. Le plus souvent, ils cacheront leur véritable identité et déclareront provenir de pays connaissant actuellement de graves conflits afin de bénéficier du statut de réfugié politique. Par exemple, ils vont prétendre être ressortissant du Rwanda, du Burundi, du Congo ou encore de l’Angola, alors que le plus souvent ils seront originaires de la Côte Est Africaine. En effet, des statistiques ont montré que sur 75 % des passagers clandestins qui viennent d’Afrique de l’Est, la plupart sont Tanzaniens, et sur les 17% qui viennent d’Afrique de l’Ouest la plupart sont Nigériens ou Ghanéens. Le but de leur comportement est de gagner du temps. Ainsi ils pensent qu’ils réussiront à s’échapper à la moindre occasion. En effet, on a vu des clandestins détenus dans des cabines et qui arrivaient à les détruire pour trouver une sortie ou qui arrivaient à détacher les meubles de la cabine pour en défoncer la porte, ou réussir à sortir par le hublot, trouer les murs des cabines, ou tenter de se suicider avec un capuchon de stylo bic afin de se faire hospitaliser.
  • 14. Aussi certains armateurs ont installé dans leur navire des cabines blindées comportant le strict minimum et qui sont destinées à les recevoir. Mais parfois, les clandestins arriveront à s'échapper grâce à la complicité d'un des membres de l'équipage. B –Eviter d’être rapatrié 1) Ils veulent éviter un retour douloureux : En principe, les passagers clandestins n’ont qu’une crainte, celle d’être rapatrié et cela pour plusieurs raisons : Si le clandestin est un réfugié politique ou religieux, il sait qu’à son retour il risque fort de se faire massacrer par son peuple. Si le clandestin est un repris de justice évadé, à son retour il sera attendu par des forces armées et il risque d’être condamné à mort. Certains pays, comme le Maroc, considèrent que le clandestin est une insulte pour son peuple et lui réserve un sort assez dur. D’ailleurs quand les clandestins montent à bord de navires marocains, ils restent cachés le plus longtemps possible car en général les capitaines marocains ne sont pas très complaisants. Dans le meilleur des cas, ils ont juste une amende à payer et écopent de quelques mois de prison, mais après ils retrouvent leur vie misérable. 2) Le cas exceptionnel du rescapé du “ MC RUBY ” Exceptionnellement, le retour du passager clandestin se passera bien, et nous citerons comme exemple le cas de Kingsley Ofusu, le seul clandestin rescapé du massacre du “ MC RUBY ” qui a eu un retour dans son pays plutôt glorieux. En effet, dans son malheur il a su tirer bénéfice de sa situation et se préparer un meilleur avenir. “Bien que traumatisé à vie, le jeune Ghanéen a quitté le territoire français dès que possible. Après avoir vendu ses droits de récits à la BBC, il a alterné séjours dans son pays et en Grande-Bretagne. La chaîne de télévision britannique a d’ailleurs déjà diffusé “ Deadly voyage ” (le voyage de la mort), en novembre dernier, sur les écrans anglais, américains, ukrainiens.. Kingsley participe d’ailleurs activement à la promotion commerciale de ce film tourné en grande partie à Takoradi, le port ghanéen où le drame s’est noué. Cette tournée promotionnelle l’a amené à New York. La cassette vidéo, largement inspirée de l’affaire, devrait être disponible en France dès la fin de cette année ”. Avec son pécule, Kingsley a acheté deux taxis au Ghana. Il a également commencé à se faire construire une maison et il envisage de créer une société d’import-export de voitures d’occasion.”
  • 15. Maintenant que nous avons exposé le drame humain que représentait le phénomène de la clandestinité maritime, nous allons exposer le drame juridique et financier subit régulièrement par les transporteurs maritimes dûs à la présence des passagers clandestins sur leur navire. CHAPITRE II : Un problème Juridique LIE A LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR En raison de la situation misérable des passagers clandestins, c’est le transporteur maritime qui sera responsable de leur présence à bord et qui aura l’obligation de les rapatrier. Mais cette obligation est souvent difficile à mettre en œuvre en raison de l’attitude de l’administration qui interdit au transporteur de débarquer les clandestins. Le transporteur devra aussi rapatrier les passagers clandestins à ses frais et devra supporter toutes les conséquences financières et tous les dommages causés par leur présence à bord. SECTION I : LE TRANSPORTEUR RESPONSABLE DE LA PRESENCE DU CLANDESTIN A BORD A partir du moment où les passagers clandestins sont découverts à bord du navire, ils sont sous l’entière responsabilité du transporteur maritime. En effet vu le statut malheureux du passager clandestin, aucune peine répressive ne lui est applicable, si ce n’est le refoulement immédiat dans son pays d’origine. Le transporteur aura l’obligation d’organiser au plus vite le refoulement de ce “ passager indésirable ” à ses frais, et devra faire en sorte que ce dernier ne s’échappe pas au port d’escale, sinon les autorités locales lui adresseront une amende de 10.000 francs par passager clandestin. En principe, le transporteur assume cette fatalité qu’il doit affronter de plus en plus souvent, mais il se heurte à l’attitude draconienne des autorités portuaires qui consiste presque systématiquement à refuser que le transporteur débarque le clandestin, l’obligeant ainsi à consigner ce dernier à bord au mépris des règles impératives de sécurité et du respect de la dignité humaine.
  • 16. PARAGRAPHE I : LES OBLIGATIONS QUI PESENT SUR LE TRANSPORTEUR En France, ce sont principalement les dispositions du Code Disciplinaire et Pénal de la Marine Marchande et de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, qui appréhendent cette situation. Ces textes condamnent pénalement les passagers clandestins et leurs complices, et font peser sur l’armateur tous les frais de refoulement hors du territoire. De plus, ces textes prévoient que l’armateur, qui débarque sur le territoire français un étranger démuni de titre de transport et de visa, peut se voir infliger une amende de 10.000 francs par passager clandestin. L’application de ces mesures montre que les sanctions principalement financières sont axées sur le transporteur. A - Le clandestin : un délinquant responsable mais pas coupable Il existe plusieurs textes qui traitent de la situation juridique du passager clandestin maritime et les sources légales sont d’origines diverses car le clandestin à un double statut. D’une part c’est un “ délinquant ” à l’égard du bord du navire, car il s’est introduit frauduleusement à bord sans autorisation et sans avoir payé le prix du billet. Et d’autre part, c’est “ un immigré potentiel ”, car son but est d’entrer sur le territoire de façon irrégulière. 1)Le clandestin est “ un délinquant ” à l’égard du bord : Selon le Doyen RODIERE, “ le délit d’embarquement clandestin est constitué par le fait de s’introduire frauduleusement sur un navire pour accomplir une traversée sans conclure de contrat de transport et payer le prix du passage ”. Ce délit est prévu et réprimé par l’article 74 du CDPMM qui dispose que : “ Toute personne qui s’introduit frauduleusement sur un navire avec l’intention de faire une traversée de long cours ou de cabotage international, est punie d’une peine d’amende de 60 à 15.000 francs et d’un emprisonnement de six jours à six mois ou de l’une de ces deux peines seulement. En cas de récidive, l’amende sera de 1.800 francs à 16.000 francs et l’emprisonnement de six mois à deux ans…Les frais de refoulement hors du territoire des passagers clandestins de nationalité étrangère sont imputés au navire à bord duquel le délit a été commis ”. Aux termes de cet article, le clandestin risque une peine principale d’emprisonnement de six jours à six mois et une amende de 60 à 15.000 francs. De plus il est passible
  • 17. d’une peine complémentaire qui consiste au refoulement du clandestin vers son port d’embarquement aux frais de l’armateur. Mais dans la situation des clandestins, l’application de la peine principale paraît utopique. Prononcer une amende envers une personne qui est totalement insolvable ne sert à rien. Quant à la peine d’emprisonnement, elle est trop courte pour être dissuasive, et trop dangereuse pour les autorités, car pendant le temps d’incarcération, les clandestins feront vite des connaissances qui pourront les aider à sortir ou qui les aideront à demander le droit d’asile (comme les associations humanitaires). 2)Le clandestin est un “ immigré potentiel ” à l’égard de l’Etat : Selon l’ordonnance du 2 novembre 1945, “ l’étranger qui pénètre en France sans remplir les conditions prévues à l’article 5 de ladite ordonnance commet l’infraction d’entrée frauduleuse sur le territoire français prévu par l’article 19 de la même ordonnance ”. Aux termes de cet article, le clandestin qui entre sur le territoire français par voie maritime commet l’infraction prévue à l’article 19 de l’ordonnance. Cette infraction est entamée dès que le navire sur lequel il se trouve pénètre dans les eaux territoriales françaises. Mais les autorités françaises ont inventé une “ fiction juridique ” qui consiste à dire que le clandestin qui reste à bord d’un navire battant pavillon étranger, même dans les eaux territoriales françaises, est hors du territoire français. En quelque sorte, le clandestin qui reste à bord du navire, n’entre pas sur le territoire français et ne commet jamais l’infraction prévue à l’article 19 de l’ordonnance du 2 novembre 1945. Cependant, le clandestin reste “ un immigré potentiel ” et sa situation doit être rapidement réglée. C’est pourquoi les autorités imposent au transporteur de refouler au plus vite le clandestin vers son port d’embarquement. B – Le transporteur, un responsable désigné de plein droit Le législateur considère que le transporteur a commis une faute dans l’exécution de son obligation de surveillance à l’embarquement, par conséquent il est pleinement responsable de son “ passager indésirable ”. En effet, selon l’ article 74 du CDPMM, “ les frais de refoulement hors du territoire des passagers clandestins de nationalité étrangère seront imputés au navire à bord duquel le délit a été commis ”.
  • 18. L’article 35ter de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ajoute que “  l’entreprise de transport qui l’a acheminé est tenue de ramener à ses frais cet étranger au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ”. De plus l’article 20 bis de l’ordonnance, prévoit que “ l’entreprise de transport sera tenu de payer une amende de 10.000 francs par passager clandestin, si elle laisse débarquer sur le territoire français un étranger qui ne remplit pas les conditions d’admission ”. D’après ces articles, le transporteur devra donc prendre en charge son passager afin de pouvoir le débarquer au prochain port d’escale en vue de son rapatriement. La responsabilité du transporteur maritime conduit également à mettre à sa charge les frais de rapatriement des clandestins. Mais comme nous le verrons, les autorités du port d’escale refusent de laisser débarquer le clandestin, même avec des papiers en bonne et due forme. Cette attitude oblige les transporteurs à consigner les clandestins à bord et continuer leur voyage au mépris de toutes les règles de sécurité et du respect de la dignité humaine. 1) La faute implicite du transporteur Le capitaine, c’est à dire le préposé de l’armateur, est responsable de tout ce qui se passe sur son navire et doit veiller à la circulation des personnes. Donc si un clandestin arrive à se cacher à bord du navire, c’est que le capitaine a commis une faute dans l’exercice de son obligation de surveillance et qu’il n’a pas pris toutes les précautions pour empêcher la présence du clandestin à son bord. D’ailleurs, le ministère de l’intérieur, ainsi que les P&I Clubs qui couvrent les risques clandestins, demandent au capitaine d’être très vigilant et d’effectuer une ronde afin de détecter si des clandestins se sont caché à bord. Cependant la responsabilité du transporteur ne sera engagée qu’à l’arrivée du navire dans un port, et selon le pays, ces mesures seront plus ou moins sévères. Dans les ports français, le capitaine en tant que gardien de son navire doit veiller à ce que le clandestin ne s’échappe pas du bateau. Les autorités portuaires françaises infligeront une amende au transporteur uniquement si le clandestin a réussi à s’échapper. En revanche dans beaucoup d’autres pays, les autorités publiques font peser sur le capitaine une obligation de résultat ; tout navire qui entre au port avec un clandestin à bord sera sanctionné d’office. Par exemple en Grande Bretagne, le transporteur devra payer une amende de 2.000 Livres. En Grèce, le transporteur devra déposer une garantie bancaire de USD 2.000 par clandestin. Si les autorités publiques font peser toute la responsabilité du clandestin sur les épaules de l’armateur, c’est qu’elles veulent l’inciter à renforcer les contrôles au moment de l’embarquement. Mais cette politique répressive est un peu dure, car elle sanctionne
  • 19. l’armateur qui n’a pas pris toutes les précautions pour éviter que les clandestins montent à bord, or “ quand on connaît les conditions de sécurité et de surveillance dans les ports du tiers monde, on impose au transporteur une tâche surhumaine ”. 2) L’obligation de refouler le passager clandestin Il appartient au transporteur de s’occuper du rapatriement de son clandestin. Il devra pour cela mettre très rapidement en marche la procédure de refoulement qui consiste dans un premier temps à connaître les origines du clandestin pour que les autorités diplomatiques de son pays lui fournissent un laissez- passer temporaire, et dans un deuxième temps à débarquer le clandestin pour le rapatrier par avion ou par bateau. Etablir l’identité du passager clandestin : Dès que le capitaine a connaissance de la présence des passagers clandestins à bord, il en informera l’armateur, lequel contactera son P&I Club afin que celui-ci demande à ses correspondants locaux d’intervenir. Pour que le rapatriement soit possible, il faut identifier le passager clandestin, et s’assurer qu’il est ressortissant du pays vers lequel on le renvoie. Cette étape n’est pas la plus facile, et peut prendre du temps car le plus souvent les clandestins n’ont pas de papiers sur eux et ne sont pas très coopératifs. Cette procédure d’identification peut se faire en deux phases : soit pendant la traversée, soit si la première phase n’est pas satisfaisante, à l’arrivée du navire au port. Pendant la traversée, c’est le capitaine qui est chargé de réunir le plus d’informations sur les clandestins, il doit les interroger, les fouiller et leur faire remplir un questionnaire très détaillé sur leur origine. Si le navire est équipé d’un telex, d’un fax ou d’un téléphone, le capitaine pourra interroger les passagers clandestins en liaison téléphonique avec différents consulats. A l’arrivée du navire au port, c’est le correspondant local du P&I Club qui montera à bord et qui procèdera à un interrogatoire précis pour déterminer la nationalité du passager clandestin. Une fois établie, l’ambassade ou le consulat voudra vérifier la nationalité de son ressortissant. Pour cela, le consulat pourra envoyer un agent diplomatique à bord pour interroger lui même les clandestins, sinon le correspondant local du P&I Club organisera un entretien téléphonique entre le clandestin et le consulat. On lui posera des questions très précises sur son pays, comme des noms de rues ou le dialecte parlé dans son pays. Souvent le consulat vérifiera si le clandestin connaît une seconde langue, comme l’anglais, le portugais ou le français, car avant l’indépendance, les colonies Africaines était partagées entre les pays du Commonwealth, le Portugal et la France et les résidants des anciennes colonies sont censés avoir des notions d’une de ces langues. Après cet entretien, si le consul confirme la nationalité du passager clandestin, le consulat ou l’ambassade lui procurera un laissez-passer temporaire.
  • 20. Préparer le rapatriement du passager clandestin Le capitaine devra impérativement informer la police de l’immigration du port vers lequel il se dirige qu’il transporte un passager clandestin. En France, il faudra prévenir la DICCILEC, ancienne Police de l’Air et des Frontières (PAF), qui prendra à l’encontre du clandestin une décision de refus d’entrée sur le territoire. A l’arrivée du navire au port, les officiers de police monteront à bord pour interroger le capitaine afin de savoir comment il a découvert le ou les clandestins. Ensuite, ils fouilleront les clandestins pour trouver des papiers d’identité et ils inspecteront les lieux de détention des passagers les clandestins. Pendant la durée de l’escale, les officiers de police exigeront la présence de gardes devant le local où sont enfermés les clandestins et ils auront l’interdiction de sortir. Ainsi la police de l’immigration veut limiter les tentatives d’évasion ou tout contact avec le public, la presse ou les associations humanitaires qui inciteraient les clandestins à demander l’asile politique car dans ce cas la police devra les prendre charge et l’armateur serait libéré. Le rapatriement qui implique le passage du clandestin en transit dans l’Etat du port pose des problèmes en France, et nécessite la coopération des pouvoirs publics. C’est le cas des rapatriements par avion, qui ne sont pas utilisés par tous les pays. En France, les autorités acceptent de moins en moins souvent ce genre de rapatriement, pour limiter les risques d’évasion. Le rapatriement par bateau est le moyen le plus couramment utilisé, ce peut être le même bateau qui a amené le clandestin, ou un bateau appartenant à un armement différent. On constate un mouvement de solidarité entre armateurs et capitaines, car le problème des clandestins a pris tellement d’ampleur qu’il concerne tout le monde. C’est pourquoi les armateurs acceptent de récupérer quelques passagers clandestins même d’un autre armement. Pendant longtemps, les professionnels et les pouvoirs publics avaient établi une pratique qui permettait le rapatriement des clandestins. Mais depuis quelque temps cette situation est remise en cause par l'attitude de l'administration française qui refuse de façon presque systématique le débarquement des clandestins, même en transit. En effet il y a quelques années, la police permettait au transporteur de débarquer le clandestin et de le placer dans un centre de détention. A Marseille, par exemple, on plaçait les clandestins dans le centre de détention d’ARENC, le temps de trouver le moyen de transport qui pourrait les rapatrier. Aujourd’hui, ces centres ne servent plus qu’aux individus en situation irrégulière qui attendent leur expulsion, car la DICCILEC refuse de laisser débarquer les clandestins et exige leur refoulement par le même navire prétextant d’une part, que l’article 35 ter de
  • 21. l’ordonnance impose au transporteur de ramener sans délai le clandestin par le même navire, et d’autre part, que l’article 20 bis de la même ordonnance inflige au transporteur une amende de 10.000 francs par passager clandestin qui débarquerait du navire. Certes le refoulement est à la charge du transporteur, mais l’article 35 ter de l’ordonnance de 1945 n’impose nullement un moyen de transport pour l’exécution de cette obligation. Pour des raisons logiques, le rapatriement ne peut pas toujours se faire par le même navire (sauf si le navire retourne le lendemain dans le même port). D’ailleurs, l’article 35 quater de l’ordonnance prévoit la mise en place de zones d’attente pour accueillir les “ étrangers non admis à entrer sur le territoire français, en attendant son départ pour un autre pays.  Ces zones sont géographiquement en France, mais juridiquement considérées comme étant hors du territoire français ”. D’après ce texte, le législateur permet au clandestin de débarquer à certaines conditions. Néanmoins, comme très peu de zones d’attentes ont été crées à ce jour et que les pouvoirs publics refusent de voir débarquer les clandestins, ceux-ci sont consignés à bord des navires dans des conditions qui ne sont pas toujours humaines. On se demande pourquoi les autorités se bornent à refuser de créer les zones d’attentes prévues par la loi du 6 juillet 1992. Le Ministère de l’Intérieur à fait savoir que ces dispositions ne changeraient en rien le statut des passagers clandestins, et qu’ils resteraient consignés à bord. Pourtant ces zones ont un statut international, et les étrangers qu’on pourrait y placer ne seraient pas considérés comme des immigrés. Les armateurs sont conscients des difficultés que posent les clandestins aux Etats, et acceptent de refouler le passager clandestin au plus vite, d’autant plus que l’entreprise de transport doit respecter ses impératifs économiques, et les retards causés par la présence de clandestins se chiffrent vite en millions de francs. Cependant les transporteurs ne peuvent plus accepter la rigidité administrative qui consiste à exiger le refoulement du passager clandestin par le même navire, et à lui interdire de débarquer le clandestin dans une zone d’attente. PARAGRAPHE II  : DES OBLIGATIONS DIFFICILES A METTRE EN OEUVRE Il existe une situation complètement paradoxale : d’une part, le transporteur est condamné pour s’être sauvagement débarrassé des clandestins, et d’autre part, quand celui-ci les ramène sains et saufs, les autorités françaises leur interdisent tout débarquement sur le territoire national à des fins de rapatriement.
  • 22. Pourquoi l’administration adopte t’elle une situation si paradoxale et si “ Pousse-au- Crime ”. En effet, c’est ce qu’a déclaré le président de l’AFCAN dans un journal suite à l’affaire du “ SAAR BREDA ”: “ En refusant ainsi toute aide aux navigants,  on pousse les esprits faibles à des décisions plus radicales et plus dramatiques. Il s’agit en fait d’une véritable attitude pousse-au-crime ”. Dans cette affaire le navire “ SAAR BREDA ”, porte-conteneurs battant pavillon d’Antigua, en provenance de Casablanca, se dirigeait vers le port d’Anvers, lorsque l’équipage (composé de sept hommes) a été alerté par des appels provenant d’un conteneur vide qui était arrimé en fond de cale. Eprouvés par le mauvais temps, les cinq clandestins Marocains avaient décidé de se manifester. Tout accès au conteneur étant impossible, le commandant décida, pour des raisons humanitaires, de se dérouter sur Brest, port le plus proche équipé de moyens de manutention appropriés, pour y décharger ses passagers clandestins. Pris en mains par la DICCILEC, les cinq clandestins se sont vus consignés à bord, avec interdiction de débarquer, alors que le commandant était prêt à les rapatrier à ses frais. Les Affaires Maritimes ont ordonné au commandant d’appareiller, alors que le navire n’était pourvu que de neuf combinaisons de survie pour douze passagers. Le commandant s’est révolté car les autorités l’obligeaient à appareiller avec cinq passagers de trop, alors qu’avec une seule bouée en moins, on l’aurait empêché de partir. Finalement, avec l’aide des avocats de l’ANAFE les autorités françaises ont laissé le commandant rapatrier les Marocains. Ce qui a coûté à l’armateur la coquette somme de 300.000 francs entre les frais de déroutement, les frais portuaires et les billets d’avion. On comprend aisément que le transporteur soit tenu de rapatrier le clandestin qu’il a amené, mais l’administration doit l’aider afin que sa tâche soit accomplie au plus vite, plutôt que de retarder cette procédure pénible et coûteuse pour tout le monde. A – L’attitude critiquée et critiquable de l’Administration 1) La situation avant l’affaire de “ L’ALTAÏR ” Jusqu’en 1994, il arrivait à la police de laisser des passagers clandestins débarquer sous certaines conditions très strictes, pour qu’ils soient rapatriés par voie aérienne avec la certitude que le rapatriement se passerait sans difficulté. Ainsi il fallait que l’étranger ait expressément accepté son rapatriement, que le consulat ait délivré un laissez-passer, que l’agent de l’armateur ait organisé le retour, c’est à dire qu’il ait réservé les billets d’avion nécessaires, et que le vol parte pendant la durée de l’escale du navire, pour pouvoir y remettre l’étranger en cas de problème. L’étranger était débarqué au dernier moment pour être transféré. Ceci se passait hors de tout cadre légal, comme l’a montré l’affaire de l’Altaïr en avril 1994 à Dunkerque. En effet, l’affaire des clandestins de Dunkerque reste dans les mémoires, vu l’importance médiatique
  • 23. qu’elle a prise. “ L’Altaïr, cargo battant pavillon d’Antigua, accoste à Dunkerque, avec à son bord huit Africains embarqués clandestinement à Douala (Cameroun). Le capitaine du navire refuse d’appareiller avec les clandestins à bord, jugeant leur présence trop dangereuse pour l’expédition maritime. Les huit passagers, originaires de l’Angola, du Zaïre, d’Afrique du Sud, du Liberia et du Cameroun demandent l’asile politique. Deux sont hospitalisés, l’un pour l’appendicite, l’autre pour tentative de suicide. Bloqués au fond de la cale du cargo, les six autres reçoivent notification du rejet de leur demande d’asile et du refus d’entrée en France. Les membres du GIGN interviennent et les six passagers sont débarqués pour être hébergés pour le week-end dans la maison des gens de mer à Dunkerque sous la surveillance d’une société de gardiennage privée. L’Altaïr quitte le port le soir même, un accord étant intervenu entre les autorités françaises et l’armateur , aux termes duquel ce dernier s’engage à organiser et à assurer le rapatriement à ces frais. Le lendemain, quatre représentants du SAF ( syndicat des avocats de France), de la Cimade et du Gisti viennent rencontrer les clandestins. Constatant qu’ils sont retenus en dehors de toute mesure légale, dans un lieu privé et sous surveillance privée, ils proposent aux Africains de les suivre et les emmènent à Lille. La presse évoque, dès le lendemain, le “ commando humanitaire ” venu enlever les clandestins. Devant le scandale provoqué par la succession de pratiques illégales initiées par le préfet, le ministère de l’Intérieur annonce, par un communiqué, que tous les Africains sont admis provisoirement à séjourner en France et qu’ils pourront, s’ils le souhaitent, solliciter le statut de réfugié. Le Ministère justifia après coup sa conduite en expliquant qu’il n’y a pas de zone d’attente dans le port de commerce de Dunkerque, que la zone d’attente la plus proche est située à 20 km et que, l’état de la législation ne le permettant pas, le transfert jusqu’à la zone d’attente n’avait pu être réalisé. Le ministère en profita pour annoncer une modification législative qui allait se concrétiser par la loi du 27 décembre 1994. Depuis lors, un arrêté préfectoral a institué une zone d’attente dans le port de Dunkerque, ce qui n’a pas modifié pour autant les pratiques consistant à consigner à bord des navires les passagers clandestins ”. 2) La situation après l’affaire de “ L’ALTAÏR ” Depuis 1994, les consignes du ministère de l’intérieur sont devenues plus strictes, plus de débarquement ! ! Cette pratique concerne plusieurs centaines de personnes chaque année : 502 à Marseille en 1995 d’après les chiffres de la DICCILEC. Il n’y a qu’à Dunkerque que les passagers clandestins sont désormais systématiquement débarqués et placés en zone d’attente le temps d’escale. Des formes illégales de privation de liberté  Les juges des référés ont jugé à plusieurs reprises que cette pratique représentait une voie de fait, car elle était attentatoire à la liberté individuelle des étrangers et qu’elle n’etait prévue par aucun texte. Surtout que les législateurs de 1992 et de 1994, ont élaboré un cadre juridique permettant au transporteur de transférer et de débarquer les clandestins dans les zones d’attente.
  • 24. Des formes légales de privation de liberté : En créant les zones d’attente, le législateur a voulu éviter les consignations sauvages à bord et permettre aux navires qui effectuent un long trajet de ne pas à interrompre leur périple pour ramener un “ passager indésirable ” à son port d’embarquement. Ces zones d’attente permettent d’accueillir tous ceux qui se voient opposer les cas de l’article 5 et suivant de l’ordonnance de 1945, c’est à dire tous les étrangers qui arrivent en France et qui ne sont pas autorisés à entrer sur le territoire français. Ces étrangers non admis seront maintenus en zone d’attente le temps strictement nécessaire à leur départ, et les demandeurs d’asile seront maintenus le temps nécessaire à l’examen tendant à déterminer si “ leur demande est manifestement infondée ”. Par la mise en place des zones d’attente, le législateur pensait solutionner les conflits entre l’administration et les entreprises de transport liés au débarquement des clandestins. D’ailleurs, lors des débats devant l’Assemblée Nationale, le secrétaire d’Etat de l’époque, MJ SUEUR a précisé que ces zones d’attente avaient pour objet de “ combler un vide juridique, une situation de non droit en ce sens que les textes en vigueur ne permettaient pas d’user de mesures de rétention à l’encontre de l’étranger arrivant par bateau et non autorisé à entrer en France ”. c) Le régime juridique des zones d’attente : La zone d’attente est installée géographiquement en France, mais juridiquement elle est considérée comme étant hors du territoire. De plus, l’article 35 quater prévoit que si le départ de l’étranger du territoire national ne peut être réalisé à partir du port dont dépend la zone d’attente , il peut être transféré vers toute autre zone d’attente. L’intérêt de la zone d’attente est que le clandestin peut débarquer sur le port sans pour autant entrer sur le territoire français. La question que l’on peut se poser est de savoir si l’article 35 quater donne une obligation à l’administration de placer les passagers clandestins en zone d’attente. D’après l’article 35 quater de l’ordonnance, il semble que le placement en zone d’attente ne soit qu’une possibilité pour l’administration. Mais compte tenu des travaux et des textes relatifs aux zones d’attente, on comprend que le législateur a entendu créer ces zones pour combler le vide juridique qui existait en matière de transit des clandestins, et pour mettre fin aux pratiques discrétionnaires de l’administration qui consignait les clandestins à bord. Il semble ainsi logique de penser que la possibilité du maintien en zone d’attente soit en fait une obligation conditionnelle. Néanmoins ce n’est pas l’avis du Tribunal des Conflits, qui a statué dans son arrêt du 12 mai 1997 que la consignation à bord n’etait pas constitutive de voie de fait, et que l’administration avait le pouvoir de prendre, en vertu de l’article 5 de l’ordonnance, toutes les mesures d’exécution forcée en matière de politique d’immigration. B – L ‘Administration commet-elle une voie de fait ?
  • 25. a) La notion de la voie de fait  La voie de fait est constituée quand l’administration prend une décision qui porte gravement atteinte à une liberté fondamentale et qui est insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir lui appartenant. Dans ce cas le juge judiciaire est exclusivement compétent pour apprécier si la voie de fait est caractérisée. La voie de fait est l’un des cas où le principe de la séparation des autorités judiciaires et administratives s’efface. Les pouvoirs du juge judiciaire dans l’activité de l’administration sont largement développés. En effet, ce dernier a la possibilité d’apprécier la légalité de la décision de l’administration et le pouvoir d’y reconnaître les éléments constitutifs de la voie de fait. Il a ensuite le pouvoir d’enjoindre à l’administration d’y mettre fin et de la condamner à réparer le préjudice occasionné. b)Les fondements de la compétence du juge judiciaire La compétence du juge judiciaire en matière de voie de fait trouve son fondement dans des textes d’origines diverses. D’abord, l’article 136 du Code de Procédure Pénale prévoit que les tribunaux judiciaires peuvent faire obstacle à l’exécution des décisions de l’administration en cas de voie de fait et dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, les tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents. Ensuite, l’article 66 de la Constitution prévoit lui aussi que “ le juge judiciaire est gardien des libertés individuelles ”, et d’après la jurisprudence du Conseil Constitutionnel sur la répartition des compétences juridictionnelles, seul le juge judiciaire peut connaître d’une mesure de nature à affecter la liberté individuelle (fût-elle prise pour l’exécution d’une décision relevant de l’exercice d’une prérogative de puissance publique), et seul le juge administratif peut connaître d’une décision administrative telle un refus d’entrée sur le territoire qui relève de l’exercice d’une prérogative de puissance publique. D’après cette jurisprudence, seul le juge judiciaire serait compétent pour contrôler sur la forme et le fond des mesures administratives qui portent atteinte aux libertés individuelles. Enfin, d’après le Tribunal des Conflits, il appartient à l’autorité judiciaire de statuer sur les conséquences de tout ordre sur les atteintes arbitraires aux libertés individuelles, celles-ci ayant le caractère de la voie de fait. D’après ces textes, nous pouvons dire que le juge judiciaire est compétent pour constater si l’administration qui ordonne la consignation à bord, alors que cette décision ne se rattache à aucun texte et qu’elle porte atteinte à une liberté individuelle, a commis une voie de fait. Maintenant que nous connaissons les conditions de la voie de fait et la juridiction compétente en la matière, nous allons essayer d’analyser si la décision de l’administration qui ordonne la consignation à bord des clandestins est constitutive d’une voie de fait.
  • 26. La jurisprudence antérieure à l’arrêt du Tribunal des Conflits du 12 mai 1997 : des pratiques illégales et constantes condamnées par les tribunaux  Saisis en référé à plusieurs reprises depuis juin 1994 sur des affaires de ce type, les tribunaux ont systématiquement constaté que l’administration, prise en la personne du Ministre de l’Intérieur ou du préfet, se rendait coupable de voie de fait, et qu’il convenait d’ordonner que les passagers clandestins soient immédiatement autorisés à débarquer. Par exemple dans l’affaire du clandestin “ Zito ” du 29 juin 1994, le TGI de Paris a jugé que “ l’autorité administrative ne peut priver temporairement un individu de la liberté d’aller et venir… qu’ainsi l’administration a gravement porté atteinte à la liberté de l’intéressé sans que son action puisse se rattacher à l’application d’un texte législatif ou à l’exercice d’un pouvoir lui appartenant, et a ainsi commis une voie de fait ” De même, dans l’affaire des clandestins “ Osas.Ojo ” du 15 février 1995, le TGI de Paris a retenu que “ l’autorité administrative ne pouvait priver un individu de la liberté d’aller et venir que suivant les modalités définies par la loi et s’agissant des étrangers arrivant par voie maritime, en respectant les dispositions de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945… que la consignation à bord du navire a eu pour effet de porter atteinte à leur liberté d’aller et venir hors des prescriptions légales, et de priver les demandeurs de l’exercice de tous les droits qui leur sont reconnus par l’article 35 quater ; dans ces conditions, le maintien à bord constituait une voie de fait à laquelle il fallait mettre fin ”. L’inexistence juridique de la consignation à bord : Lorsqu’un étranger arrive à une frontière française par bateau, qu’il soit passager régulier ou clandestin, qu’il soit demandeur d’asile ou non, la seule alternative légale pour le ministère de l’intérieur consiste soit à l’admettre sur le territoire, soit à le placer sans délai en zone d’attente. L’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 semble clair, lorsque l’étranger ne remplit pas les conditions d’admission il est mis en zone d’attente le temps strictement nécessaire à son départ. En effet aucun texte ne permet à une autorité autre que judiciaire de retenir un individu sur un navire, alors que l’article 35 quater de l’ordonnance prévoit une possibilité de maintenir le clandestin en zone d’attente. Toute autre voie ne peut être imposée par l’administration alors même que le rapatriement de l’étranger est pris en charge par l’entreprise de transport. D’ailleurs le ministère de l’Intérieur n’a jamais fait appel des ordonnances prononcées par les juges des référés invoquant la voie de fait, craignant sans doute que la Cour d’appel ne les confirme. Il reconnaît ainsi que les arguments juridiques qu’il développait pour justifier ses pratiques n’étaient pas fondés. La thèse de l’avocat du Ministère de l’Intérieur se fondait sur deux arguments. Le premier concernait la théorie de “ l’extra- territorialité ” du navire où se trouvait l’étranger. Selon cette théorie, “ tant que le clandestin restait à bord, l’administration considérait qu’il n’était pas entré sur le territoire français, mais qu’il demeurait sur le territoire du pavillon du navire.
  • 27. Or une telle analyse doit être fermement rejetée car elle s’avère foncièrement inexacte Dans le principe, il faut considérer que le navire étranger qui pénètre dans les eaux territoriales françaises, entre sur le territoire français, et avec lui toutes les personnes présentent à bord. Dès lors, chacun est pleinement soumis aux dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945. En l’absence d’autorisation d’entrée sur le territoire, le passager clandestin doit être mis en zone d’attente pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Aucune autre solution ne peut lui être imposée par l’administration, sauf pour celle-ci à entacher sa décision d’une illégalité évidente. ” Le second argument avancé était celui de “ la coutume maritime ”. Toujours dans l’affaire “ Zito ”, l’avocat du Ministère de l’Intérieur plaida devant le juge des référés que “ la coutume maritime prévoyait le maintien du passager à bord ”. Mais cet argument fut rejeté par le juge qui statua que “ seules les dispositions de l’ordonnance de 1945 s’appliquait en l’espèce à l’exclusion de toute coutume maritime alléguée. ” La pratique de la séquestration à bord passe donc pour un excellant exemple de voie de fait. A plusieurs reprises les juges des référés de la région parisienne ont constaté que l’administration avait porté atteinte à la liberté individuelle des intéressés et que cette atteinte, qui ne trouvait de fondement dans aucun texte, était insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’administration. En usant de cette pratique, l’administration fait usage d’un pouvoir arbitraire et sort de ses attributions en portant atteinte à la liberté d’aller et venir et en privant l’intéressé de l’éventail de droits et de garanties que la loi a spécialement aménagés à son profit. En effet, comme le souligne la décision du tribunal administratif de Poitiers du 9 juillet 1997, qui marque un revirement en la matière : “ le placement en zone d’attente est la seule possibilité offerte à l’administration lorsqu’elle décide, comme le lui permet l’article 5 de l’ordonnance, d’exécuter d’office une décision de refus d’entrée sur le territoire… que le maintien forcé à bord constituerait, en tout état de cause, un degré bien supérieur à celui résultant d’un placement en zone d’attente. ” Dans une affaire similaire à celles précédemment citées, le Ministère de l’Intérieur a contesté l’existence de la voie de fait et a gelé la procédure en élevant le conflit devant le Tribunal des conflits. Ce dernier à rendu, le 12 mai 1997, un arrêt très controversé, dans lequel il nie l’existence de la voie de fait et rejette la compétence du juge judiciaire en refusant d’appliquer l’article 136 du CPP qui interdit à l’administration d’élever le conflit de compétence en matière d’atteinte à des libertés individuelles. 2)La jurisprudence du tribunal des Conflits du 12 mai 1997 Présentation des faits  Le navire “ FELIX ” appartenant à la société de droit allemand “ Baume & Co Gmbh ” est arrivé dans le port d’escale d’Honfleur dans la nuit du 8 au 9 août ; il devait repartir le 10 vers l’Angleterre. A son bord, il y avait deux clandestins marocains qui avaient embarqué à Ceuta. Le 9 août, les services de la DICCILEC ont pris contre les deux clandestins une
  • 28. décision de refus d’entée sur le territoire français en application de l’article 5 de l’ordonnance. En outre, ils ont fait l’objet d’une décision des autorités locales de l’immigration d’interdiction de débarquement. L’entreprise de transport a assigné en référés d’heure à heure, le TGI de Paris, en invoquant une voie de fait, résultant de l’atteinte à la liberté individuelle des passagers clandestins et du refus de faire bénéficier des droits et des garanties de l’article 35 quater. Le préfet de police de Paris à déposé le même jour un déclinatoire de compétence fondé sur la non application en l’espèce de l’article 136 du CPP dès lors qu’il n’y avait pas atteinte à la liberté individuelle, et sur l’absence de la voie de fait. Le juge des référés a rendu son ordonnance le 9 août estimant : “ qu’en refusant de satisfaire aux prescriptions de l’article 35 quater instituant une procédure spécifique de contrôle des étrangers arrivant par bateau, l’autorité administrative locale qui relève hiérarchiquement du Ministère de l’Intérieur a commis un acte insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir lui appartenant. ” Le Préfet a déposé un déclinatoire de compétence et saisi le Tribunal des Conflits au motif de l’absence de voie de fait. Le Tribunal des Conflits composé à parité égale de conseillers à la Cour de Cassation et au Conseil d’Etat n’a pas pu se départager et ce n’est que présidé du Garde des Sceaux, J.TOUBON, que le tribunal a rendu son arrêt le 12 mai 1997, en retenant le même raisonnement que le Ministre de l’Intérieur, en contestant la compétence du juge judiciaire pour l’attribuer aux juridictions administratives. Analyse de cet arrêt  Le Tribunal des Conflits à pris la même position sur le fond que le Ministère de l’Intérieur en niant la voie de fait. Le Tribunal des Conflits se fonde sur l’article 5 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 pour nier l’existence de la voie de fait Le Tribunal considère que la décision de l’administration est une mesure prise dans le cadre des pouvoirs qui lui sont donnés par l’article 5 de l’ordonnance. Selon ces dispositions, le législateur à attribué à l’administration le pouvoir de procéder à l’exécution forcée des décisions d’éloignement et de celles prononçant un refus d’entrée qu’elle est amenée à prendre au titre de la police des étrangers, “ que par suite et à les supposer même illégales, les mesures prises en l’espèce à l’égard des deux marocains n’est pas manifestement insusceptible d’être rattaché à un pouvoir appartenant à l’administration, que ces actes ne sauraient dés lors être regardés comme constitutifs de voie de fait. ” La motivation fondée sur l’article 5 paraît critiquable. Si cet article permet à l’administration d’exécuter d’office ses décisions, elle doit tenir compte du cadre légal qui existe en matière de privation de liberté des passagers clandestins. En effet, la consignation à bord jusqu’au départ du navire est de nature à compromettre le principe posé par l’article 35 quater qui prévoit de placer les passagers clandestins en zone d’attente. Cet article prend la précaution de définir le cadre légal de la zone d’attente de
  • 29. façon à ne pas compromettre les droits et les garanties dont jouissent les étrangers. Elle met aussi en cause le principe posé par l’article 35 ter de l’ordonnance suivant lequel “ l’entreprise de transport est tenue de ramener sans délai l’étranger au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ”.  De plus, en refusant de qualifier le maintien à bord de voie de fait, le Tribunal rejette la compétence du juge judiciaire en la matière et confie au juge administratif le pouvoir d’apprécier si son acte est légal ou pas. En fermant le recours au juge des référés judiciaire, qui aurait pu prononcer une injonction à l’administration, il ferme la possibilité aux intéressés d’avoir recours à une justice rapide. Aussi, en l’absence de cette voie de recours qui permettait au juge judiciaire de donner des injonctions à l’administration dans des brefs délais, il ne reste plus grand choix au plaideur si ce n’est d’attendre la condamnation de ce genre de comportement par un tribunal administratif, ce qui peut prendre beaucoup plus de temps. Le Tribunal des Conflits rejette la compétence du juge judiciaire en refusant d’appliquer l’article 136 du CPP Le Tribunal considère que “ les dispositions du Code de Procédure Pénale, donnant compétence au juge judiciaire dans tous les cas d’atteinte aux libertés fondamentales, ne sauraient être interprétées comme autorisant les tribunaux judiciaires à faire obstacle à des décisions prises par l’administration en dehors des cas de voie de fait ”. Les dispositions de l’article 136 du CPP sont pourtant très claires, elles stipulent que dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l’autorité administrative, les tribunaux de l’ordre judiciaire étant toujours exclusivement compétents. En refusant d’appliquer cet article, le Tribunal des Conflits écrase littéralement la compétence du juge judiciaire en matière d’appréciation de voie de fait. Mais le Tribunal des Conflits a toujours réduit la portée de cet article, en effet “ ni les termes absolus de l’article 136 du CPP, ni son esprit, n’ont empêché le Tribunal des conflits de limiter l’étendue de la compétence judiciaire ”. Comme le fait d’ailleurs remarquer le Conseiller à la Cour de Cassation M. Pierre SARGOS dans son rapport, “ peu d’articles d’un code ont été aussi ouvertement réduit dans leur portée, si ce n’est délibérément dénaturés, par la juridiction qui doit en assurer l’application, c’est à dire le Tribunal des Conflits, que l’article 136 du CP ” De toute évidence, il existe un conflit d’interprétation de l’article 136 du CPP entre le Tribunal de conflits et la Cour de Cassation, laquelle interprète largement la compétence du juge judiciaire en matière de liberté individuelle, notamment concernant la législation des étrangers. On peut le comprendre, car l’article 136 du CPP empiète sur la frontière de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Sur le non-respect de l’article 66 de la Constitution de 1958. En fermant les voies de recours au juge des référés judiciaires en matière de Libertés Individuelles, le Tribunal des Conflits tourne le dos à l’article 66 de la Constitution. En effet, comme le fait remarquer le conseiller M. Pierre SARGOS dans son rapport :
  • 30. “ selon l’article 66 de la Constitution, seul le juge judiciaire est compétent pour toutes les questions relatives à la liberté individuelle. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs montré qu’il existait une  ligne de fracture entre les deux autorités ; d’un côté le juge administratif a compétence pour les décisions de refus d’entrée en France, et de l’autre, seul le juge judiciaire à compétence pour connaître des mesures de contrainte affectant la liberté individuelle pour assurer l’exécution du refus d’entrée ” . En conclusion Ces observations amènent à penser que la consignation à bord est non seulement illégale mais encore insusceptible de se rattacher aux pouvoirs conférés par la loi à l’administration. La voie de fait est bien caractérisée ! ! ! En effet, si le capitaine du navire a le pouvoir d’incarcérer le passager clandestin pendant la traversée, c’est parce qu’il à obligation d’assurer la sécurité de l’expédition maritime, des biens et des personnes à bord. Cependant, le pouvoir de priver le clandestin de sa liberté d’aller et venir est limité dans le temps et dans l’espace et se borne à assurer la sécurité pendant la traversée lorsque l’individu est en situation infractionnelle. D’ailleurs, l’atteinte à la liberté individuelle est passible de poursuites pénales, et l’article 432-4 du NCP pourrait être utilisé pour faire évoluer les pratiques de l’administration. Cet article prévoit également des peines de prison et d’amende à l’encontre de la personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service publique qui, ayant connaissance d’une privation de liberté illégale, “ s’abstient volontairement soit d’y mettre fin si elle en a le pouvoir, soit, dans le cas contraire, de provoquer l’intervention d’une autorité compétente ”. Dans le milieu judiciaire, cet arrêt à fait beaucoup de bruit : en effet lors de l’étude de cet arrêt au Tribunal des Conflits, le conseiller à la Cour de Cassation, P. SARGOS à démissionné de la juridiction paritaire en réclamant qu’elle soit dorénavant présidée par le Président du Conseil Constitutionnel. Dans une lettre qu’il a adressée au premier président de la Cour de Cassation, Pierre TRUCHE, il explique que pour mettre fin à ce qu’il appelle “ une survivance d’une forme de justice retenue ”, le Tribunal de Conflits devraient être plus impartial.
  • 31. SECTION II : LE TRANSPORTEUR RESPONSABLE DES DOMMAGES ET DES CONSEQUENCES FINANCIERES. La responsabilité du transporteur maritime qui amène à son bord des passagers clandestins signifie non seulement qu’il est tenu de les rapatrier sans délai, mais aussi qu’il est tenu d’assumer toutes les conséquences de leur présence à bord. Pendant la traversée, les passagers clandestins peuvent endommager la marchandise, le navire peut prendre du retard. Tous ces désagréments se chiffrent vite en millions de dollars. C’est ce que nous allons étudier, d’une part en envisageant la responsabilité du transporteur à l’égard de ses cocontractants, et d’autres part en examinant toutes les conséquences financières qui sont à la charge du transporteur. PARAGRAPHE I : LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR A L’EGARD DE SES COCONTRACTANTS A) Dommages causés à la marchandise Quand le passager clandestin cause un dommage à la marchandise, il appartient au transporteur d’en réparer l’entier dommage, car sa responsabilité est engagée de plein droit. Ces dommages peuvent être causés volontairement quand les passagers clandestins détruisent la marchandise pour se nourrir, se chauffer, ou involontairement quand malheureusement ces derniers décèdent pendant la traversée et que leur corps restent au contact de la marchandise jusqu’au débarquement. En effet, ce fut le cas dans une affaire rapportée par la Chambre Arbitrale de Paris, du 24 octobre 1997, où les dommages à la marchandise avait été causés par les corps décomposés de deux clandestins qui se trouvaient avec la cargaison. “ Le navire D était arrivé au port de Casablanca avec une cargaison de son en pellets en vrac qu’il avait chargé dans les ports de Cotonou. A l’ouverture de la cale n°1, “ les corps décomposés de deux passagers clandestins étaient découverts au sommet de la marchandise ”. Les clandestins étaient morts asphyxiés suite à la fumigation de la marchandise. L’Administration marocaine ordonna alors de stopper le déchargement et ordonna le rembarquement de la marchandise qui venait d’être déchargée depuis la cale n°2, le scellement des cales, la mise en bière des deux corps et le départ immédiat du navire. Le navire s’est rendu à Gibraltar où la marchandise fût déchargé et la partie contaminée fût détruite. Le restant fut revendu à perte par son destinataire, lequel engagea une action en responsabilité contre le transporteur aux motifs que le transporteur avait commis une faute dans la surveillance de son navire, ce qui a permis au clandestin de monter à bord.
  • 32. Le transporteur pour sa défense a retenu que le comportement des autorités marocaines caractérisait pour lui “ un fait du prince ”, qui est un cas excepté prévu par la Convention de Bruxelles de 1924. Le tribunal a retenu le fait du prince, mais ce cas ne permet d’exonérer le transporteur que s’il est la seule cause du dommage. Or pour ce transport ce n’était pas le cas, car la présence des passagers clandestins à bord était du à une mauvaise surveillance du capitaine. La question posée aux arbitres était la suivante : lorsque le dommage est la conséquence d’un fait du prince, cas excepté prévu par la convention de 1924, et d’une faute du transporteur, faut-il pleinement exonérer le transporteur ou faut il procéder à un partage de responsabilité ? Ici le tribunal a statué sur la responsabilité totale du transporteur : considérant que c’est parce que le transporteur avait “  d’abord commis une faute de surveillance dans son navire, que l’administration marocaine avait interdit le déchargement de la marchandise. Le cas excepté n’était que la conséquence du manque de diligence du transporteur, raison de plus pour le déclarer complètement responsable. B : Le partage de responsabilité en cas de charte partie L’utilisation de la charte-partie permet de partager les responsabilités entre les deux parties cocontractantes en fonction de leurs obligations. En effet, on sait que dans les contrats d’affrètements, le fréteur et l’affréteur se partagent les responsabilités. Par exemple dans la charte-partie à temps, l’affréteur conserve en général toutes les responsabilités liées à l’exploitation commerciale du navire et l’armateur toutes les responsabilités liées à l’exploitation nautique du navire. Il existe des chartes-parties à temps qui déterminent les responsabilités entre l’armateur et l’affréteur suivant qui à la charge des opérations qui ont permis aux clandestins de monter à bord. Ces clauses ont été insérées dans les chartes-parties pour protéger l’armateur des réclamations pouvant lui être opposées pour des dommages causés par des passagers clandestins et dont il n’était pas responsable. En effet un armateur s’était vu réclamé une réparation pour des dommages causés par un feu que des passagers clandestins colombiens avaient allumé pour se réchauffer, car ils voyageaient dans une cale réfrigérée transportant des bananes. La Cour Américaine refusa de condamner l’affréteur et le juge statua que si l’armateur voulait que l’affréteur puisse être tenu responsable pour une mauvaise surveillance pendant le chargement, il lui appartenait de faire inclure une telle clause dans la charte-partie. Ainsi, on peut insérer des clauses concernant les clandestins dans différentes chartes- parties ; comme par exemple dans la SIVOMAR ou la NEW YORK PRODUCE EXCHANGE. Selon ces clauses, l’affréteur sera tenu de surveiller les marchandises qu’il transporte (conteneurs, remorques..), et sera responsable des clandestins qui se seront servis de la marchandise pour monter à bord. Quant à l’armateur, il sera tenu
  • 33. responsable des clandestins qui se seront servis de son navire et de tous les éléments qui le composent pour monter à bord (puits de chaîne, grues…). Charte Partie SIVOMAR Dans cette charte partie, on trouve une clause concernant les passagers clandestins, il s’agit d’une clause nommée “ stoaways clause for time charter ”. Celle-ci déclare l’affréteur responsable des passagers clandestins qui ont accédé au navire en se cachant dans la marchandise et /ou dans les conteneurs transportés par l’affréteur. On considère que si les clandestins ont réussi à monter à bord, c’est que l’affréteur a commis une faute dans l’exécution de son obligation de diligence. La clause va même jusqu’à prévoir que le propriétaire du navire pourra être indemnisé par l’affréteur pour des dommages causés par les passagers clandestins, alors qu’il n’était pas responsable de leur présence à bord. Il pourra même demander à l’affréteur de lui rembourser les dépenses occasionnées par la perte d’exploitation due au retard qu’a pris du navire. Quant à l’armateur, il sera responsable lorsque les passagers clandestins sont montés à bord en utilisant un autre moyen que la marchandise. Charte Partie NYPE 1993 La New York Produce Exchange version 1993, est une charte partie à temps qui prévoit dans sa clause n°41 des dispositions relatives aux passagers clandestins. Cette clause dispose que l’affréteur est responsable de l’amarrage et des actions des dockers. Ainsi dans une affaire qui s’est déroulée aux Etats-Unis, les passagers clandestins s’étaient caché dans un cargo transportant des fèves de cacao. Ils étaient montés à bord avec l’aide des dockers, et pendant la traversée ils avaient endommagé la cargaison. La Cour Américaine du District de l’est de la Louisiane à considéré qu’en vertu de cette clause, l’affréteur été entièrement responsable des dommages subis par la marchandise et qu’il devait rembourser le destinataire. En effet, selon cette clause, l’affréteur était responsable du travail des dockers, et dans la mesure où ces derniers avaient aidé les passagers clandestins a monter à bord, il devait endosser la responsabilité. Il existe d’autre chartes-parties qui prévoient le même genre de clause avec quelques variantes. PARAGRAPHE II : LES CONSEQUENCES FINANCIERES SUPPORTEES PAR LE TRANSPORTEUR
  • 34. La présence des passagers clandestins entraîne des conséquences financières très lourdes pour le transporteur. Les frais engagés par le transporteur peuvent être la conséquence directe de leur présence mais aussi la conséquence indirecte. A : l’assistance P&I CLUB Le Club de Protection de l’armateur, ou le Protecting and Indemnity Club (P&I CLUB), par son système mutualiste garantit l’ensemble des risques encourus par le navire. Il couvre par conséquent les risques des passagers clandestins ; il suffit pour cela de lire les règles des différents clubs, qui prévoient chacun de rembourser l’armateur pour les fais raisonnablement engagés pour les passagers clandestins. Chaque P&I Club travaille avec une multitude de correspondants, qui ont le statut d’agent mandaté par le Club. Les correspondants de Clubs permettent de représenter et de défendre les intérêts des Clubs et de leurs clients dans tous les ports du monde. A Marseille, il y a trois correspondants. Le plus réputé est la société Eltvedt & O’Sullivan. En principe se sont les agents locaux des P&I Clubs qui se chargent de la procédure de rapatriement des passagers clandestins. Cette procédure prend beaucoup de temps en déplacement, et en négociations avec les différents intervenants (autorités administratives locales, ambassades ou consulat, agences de voyages). Il faudra rémunérer l’agent pour son assistance et notamment pour le temps qu’il lui aura fallu pour établir les laissez-passer. De même, il faudra lui rembourser les frais occasionnés par ses déplacements. L’ambassade voudra vérifier l’identité  des ressortissants et demandera à l’agent d’organiser un rendez-vous avec un diplomate ou de se rendre à l’ambassade pour venir chercher les documents. La note de l’assistance du P&I Club et celle de son correspondant dépendra du nombre d’heures passées sur chaque dossier. B : Les frais de refoulement Outre les frais d’assistance du P&I Club, le transporteur devra prendre à sa charge tous les frais engagés pour le refoulement des passagers clandestins. On peut classer ces frais en différentes catégories. Comme les frais principaux liés aux démarches du correspondant, ou comme les frais occasionnés pour les passagers clandestins. En ce qui concerne les frais principaux, ils sont liés aux démarches du correspondant. Il faudra lui rembourser toutes les dépenses qu’il aura engagées, comme les rémunérations du traducteur, les frais de communications diverses (téléphone avec l’étranger, télex, fax avec le bord…), les frais d’établissement du dossier de rapatriement (photos, passeports), les billets d’avion pour les déplacements d’agents à l’ambassade, les billets de retour pour les clandestins et leurs escortes.
  • 35. De même, le correspondant engagera des dépenses pour les clandestins. Il s’agira des frais d’escorte depuis le début de la durée d’escale jusqu’au rapatriement des passagers clandestins (le transfert à l’aéroport, surveillance durant le trajet). Des frais vestimentaires, car les compagnies aériennes ne les accepteront que s’ils sont habillés correctement. Des frais d’hébergement et de nourriture, des frais médicaux pouvant aller de la simple visite chez le médecin aux frais d’hospitalisation ou de rééducation. Par exemple ; un clandestin qui souffrait de troubles mentaux dû à sa détention et à sa toxicomanie avait subi un traitement dans un hôpital psychiatrique. Le transporteur avait dû payer son hospitalisation et l’ensemble des frais prescrits par le médecin. Le clandestin à été ramené tout frais payés et en bonne santé. Ensuite, le transporteur devra payer les amendes infligées par l’Etat du port d’escale où il se trouve. Le montant de ces pénalités est variable selon le pays où le transporteur fait escale. En France si le transporteur laisse débarquer le clandestin ou si ce dernier s’évade la DICCILEC établira un procès verbal au transporteur lui ordonnant de payer une amende de 10.000 francs par passager clandestin débarqué. A l’étranger, par exemple en Grèce, le capitaine doit déposer aux autorités portuaires une garantie bancaire de USD 2.000 par clandestin qui pourrait quitter le navire et vont même jusqu’à interdire au navire d’appareiller tant que les mentions de la lettre de garantie n’ont pas été produites. En Espagne, les autorités prévoient une lourde amende (USD 250.000) en cas d’évasion et en cas de complicité avec le capitaine. En Australie, lorsque le transporteur a un passager clandestin à bord et qu’il entre dans le port il doit en informer le département de l’immigration, à défaut le capitaine commet un délit. Si le transporteur a prévenu la police du port et qu’il ne commet pas de négligence il aura rarement d’amende. Aux USA, les autorités imposent au transporteur de rapatrier sans délais le passager clandestin. Si le transporteur ne rapatrie pas le passager clandestin alors que l’INS (immigration and naturalisation service) lui en donne l’ordre il aura une amende USD 3.000. Enfin, en ce qui concerne les frais annexes, il faudra payer les heures supplémentaires de travail effectué par l’équipage (fouille à bord, garde pendant la traversée, repas supplémentaires à préparer). Les achats d’équipements de sauvetage quand le nombre de passager est important . La réparation du matériel endommagé par les clandestins, l’hébergement à terre, les frais dû au déroutement volontaire du navire en vue de provoquer le débarquement anticipé des clandestins qui se trouvent coincés dans des containers en fond de cale. Les frais d’exploitation commerciale suite à une saisie du navire. C : Les frais résultant de l’immobilisation du navire Lorsque les autorités refusent de laisser débarquer les passagers clandestins, il arrive que le navire reste à quai le temps que l’agent régularise la situation.
  • 36. Lorsque les passagers clandestins sont rapatriés par avion, les autorités imposent au navire de rester à quai tant que les clandestins n’ont pas quitté le sol français. Cela pour s’assurer que le navire puisse récupérer ses passagers en cas de problème. En effet, les passagers clandestins qui sont rapatriés par avion font tout pour retarder leur départ : ils créaient des émeutes à l’aéroport afin que les compagnies aériennes ne les acceptent pas. Il est arrivé que les clandestins se déshabillent, qu’ils fassent leur besoins dans la salle d’embarquement devant tous les passagers. Pour éviter ce genre de situation, les agents du P&I Club leur proposent de leur donner de l’argent pour qu’ils se tiennent bien (les agents font en sorte de choisir des petites compagnies aériennes qui sont moins exigeantes que les grosses, comme par exemple Air France ). Tous ses désagréments font perdre beaucoup de temps au transporteur, lequel doit respecter des impératifs économiques. Ces retards auront des répercussions importantes sur les pertes d’exploitation commerciale (frais portuaires, frais de combustibles en cas de détour, frais d’immobilisation du navire, retard à la livraison de la marchandise, ou du navire en cas d’affrètement au voyage ou à temps), la facture se chiffre vite en million de dollars. Chaque frais ainsi énuméré doit être multiplié par le nombre de passager clandestin, ce qui représente des sommes énormes, d’autant plus que la garantie Club prévoit en général une somme forfaitaire, environ 25.000 francs par passager clandestin, et le supplément sera payé par le transporteur. Nous citerons comme exemple la facture concernant les clandestins du UK P&I Club pour l’année 1996-97 qui s’élève à 1,6 million de Dollars. Trouver des solutions aux problèmes des passagers clandestins semble un peu utopique. A vrai dire il n’y a pas de solution radicale, si ce n’est trouver un moyen de fixer les populations chez elles en aidant les pays en voie de développement à sortir de leur misère. Mais en vertu du principe de non-ingérence, il ne nous appartient pas de résoudre leurs conflits civils, religieux ou ethniques. Ceux ne sont pas de véritables solutions dont nous allons parler dans cette partie, mais plutôt des méthodes qui peuvent permettre de mieux gérer les problèmes liés aux passagers clandestins. Dans un premier temps, nous étudierons les textes internationaux qui existent pour le moment sur le débarquement des passagers clandestins et sur les responsabilités des divers intervenants. Puis, nous étudierons les moyens juridiques et les mesures préventives qu’il nous faudrait exploiter afin de résorber le problème à la source.
  • 37. Deuxième Partie : Des solutions à la Clandestinité Maritime
  • 38. CHAPITRE I - L’URGENCE D’UNE CONVENTION INTERNATIONALE Les armateurs de navire ne font que subir des réalités politiques et économiques sur lesquelles ils n’ont plus de prises. Il semblerait donc plus cohérent et surtout moins injuste, de confier aux Etats le soin et la charge d’assumer une partie de ce problème. L’adoption d’une Convention internationale sur cette question mériterait une attention particulière. Il existe déjà un texte international du 10 octobre 1957 sur le statut des passagers clandestins, mais cette Convention était trop contraignante à l’égard des Etats, et n’est jamais entrée en vigueur. En effet, elle avait surtout mis l’accent sur le côté humanitaire et permettait d’éviter les pratiques abominables perpétuées sur certains navires contre “ ces passagers de la misère ”. Elle avait en revanche l’inconvénient de déresponsabiliser les navigants. L’élaboration d’une nouvelle Convention établissant un statut “ réaliste ” serait un progrès pour tous, et surtout pour les navigants, les armateurs et les clandestins. Nous espérons ainsi que le “ code de conduite ” élaboré en 1992 par l’Organisation Maritime Internationale puisse aboutir sur une Convention Internationale. SECTION I : LA CONVENTION DE BRUXELLES DU 10 OCTOBRE 1957 Cette Convention dite de Bruxelles réunit neuf Etats, la Belgique, la Finlande, la Suède, le Danemark, la Grèce, l’Italie, la Norvège, le Pérou, la Suisse. Mais elle n’est jamais entrée en vigueur et ne le sera jamais. Ses objectifs humanitaires l’ont rendue irréaliste, en obligeant les Etats à accueillir, sauf dans quelques cas très limités, tout passager clandestins. Ce texte entrait alors en conflit avec les législations nationales sur l’immigration. PARAGRAPHE I : UNE CONVENTION MORT NEE A : Présentation de cette Convention