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Les « pères grues », adeptes des actions
coup de poing... et du masculinisme ?
PAR JULIETTE CHAPALAIN
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 7 AOÛT 2013
« La justice nous prend de haut, alors on prend de la
hauteur pour être à son niveau », expliquait Michaël,
juché sur le pylône du rond-point de Saint-Brieuc,
début juillet, où se sont succédé une dizaine de pères
pendant plus d’un mois. Leurs tentes, démontées
par la police et remontées par leurs soins, ont servi
de bureau et de lieu de repos. Ceux qui « souffrent
d’être privés de leurs enfants cet été » ont menacé de
rester perchés durant la période des grandes vacances.
Déplorant le silence de « Mme Taubira », Éric avait
renchéri : « S’il faut rester trois mois sur le rond-point,
on a la logistique pour tenir. L’été sera très très chaud,
les papas en ont plus que marre. Moi je ne suis pas un
terroriste, mais il y en a qui menacent de faire péter les
tribunaux ! » Après 34 jours de roulement, les pères de
Saint-Brieuc ont achevé leur action le 24 juillet, mais
d'autres pères ont pris le relais en haut de cathédrales
à Évreux la semaine dernière, et plus récemment, à
Quimper, ce matin. Grimper sur une grue (en février),
dans une cathédrale (déjà, à Orléans, en mai), sur un
échafaudage de cheminée (à Grenoble, début juillet),
ou sur un Mont-Saint-Michel en pleins travaux pour le
passage du Tour de France (mi-juillet) : un nouveau
mode non conventionnel de participation politique ?
Serge Charnay, monté sur une grue en février et reçu
quatre jours plus tard par la garde des Sceaux, en
est devenu le symbole vivant. Et depuis, les coups
d’éclat de ces pères qui réclament la garde alternée
prolifèrent.
Serge Charnay, monté sur une grue en février, a été reçu
par Christiane Taubira quatre jours plus tard. © Reuters
« Ils m’ont appelé à deux heures du matin pour me
dire : “C’est bon, BFMTV est arrivé !” », avait relaté
épuisé, début juillet, Philippe Veysset, porte-parole
du collectif La Grue jaune créé le 20 février dernier
et fonctionnant comme un outil de médiatisation. En
véritable toile d’araignée, cette organisation sans statut
juridique tisse des liens entre ces pères divorcés qui
n'ont pas obtenu la garde de leurs enfants. La Grue
jaune regroupe aujourd’hui 500 personnes, selon leurs
estimations, soit une quinzaine d’associations de
défense de la cause paternelle. Ses trois objectifs
premiers sont « l’inscription de l’égalité parentale
dans la loi, la résidence alternée de plein droit si
les deux parents demandent la garde (loi 2002) et la
déjudiciarisation des conflits familiaux ». Si Philippe
Veysset insiste vivement sur la « souffrance réelle
de ces papas », il reconnaît que « certains ont des
problèmes avec la justice », mais le collectif se soucie
peu du linge sale de ses adhérents. « On s’occupe assez
peu du dossier des uns et des autres, je ne demande
pas plus de renseignements que ça », précise-t-il. Lui-
même avoue s’être barricadé avec ses enfants dans les
années 1980.
[[lire_aussi]]La colère de ces pères englobe deux
niveaux de revendication. Monter sur une grue est
d’abord l’occasion de faire resurgir la situation
personnelle de ces pères divorcés. Ils déploient des
banderoles au nom de leur enfant, affirment être des
« pères modernes qui savent faire la cuisine et le
ménage, et changer les couches », exigent de voir
leurs enfants « plus d’un week-end sur deux et la
moitié des vacances », insistent aussi sur la détresse
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de « toute une famille », faisant allusion aux grands-
parents paternels. Le sentiment d’injustice résonne
comme un leitmotiv. Ensuite, leurs revendications
ont vocation à interpeller la justice. Ils demandent
l’application systématique de la médiation familiale,
voire la déjudiciarisation du partage de la garde
des enfants. Comme Jean, aujourd'hui en haut de la
cathédrale de Quimper, qui réclame que les juges aux
affaires familiales fassent en sorte « que les droits
de visites soient respectés, et que les autres pères
ne vivent pas ce que j'ai vécu ». Jean raconte que
sa fille, aujourd'hui majeure, a décidé de « ne plus
avoir de papa ». Pour lui, la raison de cette rupture
familiale est due à l'État, qui ne fait pas respecter la
médiation familiale. À la mi-juillet, ce dernier était
présent à l'action avortée du Mont-Saint-Michel et
regrettait déjà que « la décision à défaut consiste
à fixer la résidence chez la mère ». Le collectif
La Grue jaune a rassemblé ses membres le 9 juin
dernier pour déposer « huit propositions pour l’égalité
parentale et la résidence alternée » au ministère de
la justice et de la famille, parmi lesquelles figurent,
outre « la déjudiciarisation des séparations », « la
création d’une autorité pour la reconnaissance et la
réhabilitation des parents évincés », et, « d’office, la
résidence alternée et l’autorité parentale conjointe ».
Des mères, comme Sophie qui a participé à la
tentative ratée du Mont-Saint-Michel, se sont jointes
au mouvement, insatisfaites « qu’aucune loi n’oblige
un père à prendre ses responsabilités », et ayant espoir
que la garde alternée soit imposée grâce à ces actions.
De même, participant à l'action de Quimper ce matin,
Sophie a déployé une banderole “résidence alternée =
femme libérée” sur la cathédrale de Quimper.
Sur mediapart.fr, une vidéo est disponible à cet endroit.
Dans cette vidéo réalisée afin de médiatiser la
mobilisation des pères à Saint-Brieuc, au milieu de la
galaxie, tel un clin d'œil au cinéaste de La Guerre des
étoiles George Lucas, la phrase suivante est déroulée :
« Il y a des forces sur terre trop cachées pour
être décelées, des complots trop vastes pour être
découverts. » Contactée par notre rédaction, l’auteur
de la vidéo s’explique : « Ce complot, c’est la volonté
délibérée de nuire au droit des pères. Il y a des
arrangements entre avocats avant les procédures car
les avocats des pères refusent de prouver qu’on a
raison. C’est tout un système : il y a une connivence
entre les avocats et les juges. » La théorie semble
diffuse parmi les pères, et la vidéo a été rapidement
relayée par un membre de La Grue jaune vers une
association européenne.
D’autres ardents protecteurs du droit des pères
enrichissent leur discours d'une tonalité anti-féministe.
Si les pères n’ont pas obtenu la garde de leurs
enfants, c’est en raison d’un complot « bien organisé »
internationalement. Nadine, de l’association Père
Enfant Mère et attachée à la communication de La
Grue jaune, amenait du ravitaillement au pied de
la cheminée occupée de Grenoble. « On s’est bien
relayés tout le week-end, ça leur fait du bien de voir
des gens en bas », explique cette maman divorcée
et engagée, avant de donner sa propre version des
faits : « Comme on octroie plus de droits aux mamans,
certaines se sentent toutes-puissantes et se servent des
enfants comme d’une arme de chantage. »
L’étiquette masculiniste
Philippe Veysset, de La Grue jaune, porte des
accusations plus précises : « On ne veut plus que les
conflits soient réglés par des magistrates. » Un usage
volontaire du genre féminin. Même schème de pensée
pour Éric, l’un des organisateurs du mouvement de
Saint-Brieuc : « Historiquement, quand on regarde la
magistrature, on est à plus de 60 % de femmes. Elles
viennent des ligues féministes radicales des années
1960, c’est pas un hasard si elles se sont retrouvées là,
c’est un endroit stratégique, et on ressent un sentiment
anti-masculin. La maman, elle, a le droit de tout dire,
tout demander, le papa doit tout justifier. »
Les propos d’Éric, Nadine, Philippe, et bien d’autres,
se ressemblent, et ils évoquent tous le principe
du SAP, le « syndrome aliénation parentale »,
inventé par l’Américain Richard Gardner en 1985.
Une des propositions déposées le 9 juin par La
Grue jaune l’évoque comme un « délit d’emprise
et/ou d'aliénation parentale déjà reconnu par la
jurisprudence ». Or les thèses de Gardner ne sont
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ni validées par la communauté scientifique, ni
inscrites au registre du DSM (Manuel diagnostique
et statistique des troubles mentaux) – soit la bible
des médecins –, ni reconnues par la jurisprudence
française. Personnage trouble, assurant faussement
être salarié de Columbia, et qui plus est accusé de
diffusion de thèses pro-pédophiles, Richard Gardner
n’a jamais reçu l’appui de scientifiques pour
publier ses “ouvrages”. En France, il n’existe donc
pas de délit d’aliénation parentale, mais l’article
373-2-11 du code civil « prévoit précisément que
l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits
de l'autre constitue l'un des critères sur lesquels se
fonde le juge aux affaires familiales pour prendre les
décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale
».
Malgré des propos ressemblants, les pères interrogés
se défendent de toute idéologie collective. « Ces
déductions, je les ai tirées moi-même : les féministes
sont aujourd’hui à des postes stratégiques. On voit
bien que ce sont vraiment des extrémistes, vu leur
image du père », précise Éric, qui se targue d’être
un « électron libre » loin du dispositif associatif, mais
bénéficiant pourtant de coups de pouce médiatique.
Le porte-parole de La Grue jaune, lui, qualifie le
collectif « d’apolitique », de structure « naissante »,
réfute tout parallèle avec la Manif pour tous et ses
Pères en colère (il aurait exclu quelques homophobes),
et décline l’étiquette de masculiniste, pourtant accolée
à plusieurs reprises au collectif ou à ses associations
(lire ici). Sur France Inter, en juin dernier, le
sociologue français Érik Neveu définissait « le
masculinisme comme le fait qu'un certain nombre
d'hommes s'organisent pour revendiquer (...) ce
qu'ils jugent être un rétablissement de l'équilibre, en
considérant que les conquêtes des femmes ont été
trop loin et qu'on n'est pas dans l'égalité, on est dans
une inégalité (...). Le masculinisme qui se développe,
actuellement tout au moins, a souvent une connotation
péjorative. Il est suggéré que c'est excessif, (...)
et il y a effectivement un côté machiste dans ces
mouvements masculinistes, d'où l'intérêt de faire une
distinction entre des mouvements masculinistes qui
revendiqueraient, au fond, une forme d'organisation
patriarcale ou une suprématie masculine, et le fait
qu'il puisse y avoir d'autres organisations, et/ou
d'autres dimensions de réflexion conduites par des
hommes en groupe, qui s'interrogent sur ce que c'est
qu'être un homme, qu'être un père, qu'être un conjoint,
dans un monde où les déséquilibres hommes/femmes
se sont sensiblement réduits depuis une trentaine
d'années ».
Patric Jean, réalisateur du documentaire La
Domination masculine (2009), affirme avec vigueur
que le complot (celui des masculinistes) est bien
réel : « En France, ces pères ont copié dans
les moindres détails les Fathers for Justice, ils
s’échangent des idées et des infos. Les associations
québécoises masculinistes leur ont conseillé de
travailler sur la question des pères car ça passerait
bien avec les médias, avant d’embrayer sur d’autres
thématiques comme l’inutilité des lois encadrant les
violences envers les femmes. Comme au Printemps
des pères, où les affiches appelaient à la violence
physique. »
L'une des affiches du Printemps des Pères © Printemps des pères
Le Printemps des pères, le 20 mars dernier, visait à
attirer l’attention sur la souffrance des pères privés
de leurs enfants et réunissait à la fois des papas avec
des t-shirts affublés de cœur et des hommes plus
virulents. En témoigne l’affiche d’Adopteunmec.com,
détournée subtilement pour « smash une débile ».
Tandis que Philippe Veysset affirme à plusieurs
reprises que le collectif de La Grue jaune n’a pas mis
les pieds au Printemps des pères, le profil Facebook
du collectif (Lagruejaune - Coparentalité pour tous),
lui, affiche « présent » à l’événement (public)
Facebook « Printemps des Pères, 21 mars 2013 ».
On peut d’ailleurs voir les photos de cet événement
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sur le blog de Patric Jean, et La Grue jaune y est
présente. On y retrouve aussi Éric (l’électron libre) et
quelques associations du collectif, ainsi que Nicolas
Moreno (monté avec Serge Charnay sur une grue) et
Philippe Louvet, les organisateurs du Printemps des
pères, que Philippe Veysset affirme pourtant ne pas
connaître.
La défense du droit des pères à l'étranger
La Grue jaune n’a que cinq mois d’existence, mais
d’autres formations de défense du droit des pères qui
n’ont pas la garde de leurs enfants se sont illustrées
bien avant à l’étranger. Premiers dans leur genre,
les Fathers for Justice Canada ont pour vocation,
depuis le début des années 2000, de « défendre et
promouvoir la famille traditionnelle » et « briser
l’omerta sur la situation d’injustice que vivent les
pères ». Officiellement, ils « militent contre les
politiques d’accès à l’égalité » et dénoncent également
un complot : « le plan orchestré de destruction
massive de la famille naturelle qui prévaut au
Québec ». Véhéments, ils militent « contre les
réformes sur le harcèlement sexuel » en dénonçant « la
politique d’intervention en matière de violence
conjugale, basée sur des mensonges et des statistiques
farfelues ». Eux sont largement établis comme des
masculinistes. Jean, de la section québécoise des
Fathers, se réjouit des actions françaises récentes : « Il
y a des choses qui bougent chez vous, on voit ça
d’un très bon œil. La seule façon de faire, c’est des
coups d’éclat. SOS Papa quand je les lis, sincèrement
on vit la même chose. » D’une question rhétorique,
il poursuit : « Y a-t-il un puissant lobbying qui
tente d’empêcher l’égalité père/mère ? C’est pas
l’égalité qu’elles veulent, les féministes cherchent la
suprématie depuis le début. »
Les techniques d’action des Fathers for Justice (F4J)
sont cependant plus originales. Durant leur « âge
d’or » (entre 2004 et 2005), un grand nombre de leurs
actions consistait à parader en tenue de père Noël,
comme à Ottawa en 2005, où cinquante membres des
Fathers se sont rendus au Parlement, déguisés en père
Noël. Aujourd’hui, Jean n’a plus vraiment de poste
au sein des Fathers for Justice Québec : « Moi ? Je
décroche le téléphone. » Leur hiérarchie vient d’être
démantelée afin de brouiller les pistes et « d'éviter
les enquêtes judiciaires », avoue Jean. Le mouvement
bat gravement de l’aile. En cause : le manque de
financements, de bénévoles et de notoriété. Le fait
d’avoir bloqué les populations en ayant investi la
structure d’un pont, en 2006, aura valu à l’association
un désamour presque mortel.
En Grande-Bretagne, les Fathers for Justice
britanniques (autrefois alliés à leurs homonymes
d’Amérique du Nord) sont, eux, en phase de réveil.
Très actifs au début des années 2000, ils enchaînaient
les actions coup de poing, se déguisant en père Noël,
Batman ou Spiderman, ou en grimpant sur des grues et
la grande roue de Londres. L’arrivée de Tony Blair et
ses incitations au dialogue les avaient calmés pendant
un temps… jusqu'en juin dernier. Déçu par cette
phase de concertation avec l’État, Matt O’Connor,
chef de file des F4J d’Angleterre, a accordé le 7 juillet
dernier une interview au journal The Independent,
qui n’est pas sans rappeler le ras-le-bol des pères
français. « Nos groupes seront plus extrêmes, et
certains d’entre nous iront en prison cette année,
nous sommes à bout », menaçait-il. Aujourd’hui, ils
délaissent leurs accoutrements héroïques pour s’en
prendre aux œuvres d’art. Au début du mois, l’un
d’entre eux collait une photo de son fils sur une célèbre
peinture de John Constable. Le mois précédent un
autre écrivait « Au secours » sur un portrait de la reine,
à l’abbaye de Westminster. « Le mois dernier (juin),
le groupe, qui fait campagne pour changer les lois
et pour que les pères aient un accès facilité à leurs
enfants, est revenu vers ses tactiques de guérilla qui
l’ont rendu célèbre à ses débuts », constatait The
Independent. En plus de réclamer un changement de
loi, la garde partagée et la fin de toute discrimination
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envers les pères, leur souhait est de « mettre fin à la
diabolisation et au dénigrement des hommes et des
garçons dans la société ».
Les Fathers for Justice britanniques se déguisent en super-héros. © Reuters
Philippe Veysset, le porte-parole de La Grue jaune,
assure ne pas connaître « de Father for Justice ».
De son côté, la branche québécoise des F4J suit
de près les actions françaises, relaie leurs coups
d’éclat sur son portail Facebook, notamment celles
de SOS Papa, associé à La Grue jaune, et plaint les
pères français : « Les juges français sont pires que
chez nous ! Ils ne sont pas tendres avec les pères.
» S’il dit les connaître, Jean, de F4J Québec, nie
toute organisation internationale, mais avoue : « Avec
les réseaux sociaux, il y a un véritable mouvement
international, chaque pays fait sa grue. »
Comme les Fathers for Justice avant eux, la Grue
jaune a-t-elle d’autres buts que la garde alternée et
l’égalité parentale ? Pour le porte-parole, « le problème
est plus vaste que la garde alternée, qui n’est qu’un
point de passage pour rétablir l’égalité parentale.
Pour l’instant, ce qu’on veut, c’est la division des
responsabilités, mais pour moi, la garde alternée n’est
qu’une étape. »
Le collectif La Grue jaune commence doucement à
s’ouvrir à l’international. Pierre, à la fois membre
du collectif et de l’association, est responsable
du pôle étranger et tient minutieusement la liste
de ses contacts. En première ligne, apparaît Peter
Tromp, chef de la “Plateform for European Fathers”,
résidant aux Pays-bas, qui met en relations toutes les
associations de droit des pères en relayant leurs actions
sur sa page Facebook. Pierre raconte : « Avec eux,
on a des conférences régulières, plein de sujets sur
la violence conjugale. Je leur poste des vidéos de nos
actions à Orléans, Périgueux, etc. »
[[lire_aussi]]La liste, plus ou moins complète, des
contacts à l’étranger de la Grue jaune s’étend donc à
la Suisse, l’Irlande, la Belgique, la Suisse, le Portugal,
l’Autriche, la Norvège, la Hongrie, la Grèce, l’Islande,
l’Allemagne, le Royaume Uni, la Turquie et l’Italie.
Y figurent des associations de pères divorcés, de
droits des pères, des hommes victimes de violences
domestiques, aux revendications tout aussi éparses que
celles du collectif français. « Les femmes se sont super
bien organisées au plan mondial, c’est un peu logique
que les pères le fassent aussi ! » explique Philippe
Veysset.
Directeur de la publication : Edwy Plenel
Directeur éditorial : François Bonnet
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS).
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007.
Capital social : 32 137,60€.
Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des
publications et agences de presse : 1214Y90071.
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Edwy Plenel (Président), Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires directs et
indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Edwy
Plenel, Marie-Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société
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Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris
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Pères grues article 327777

  • 1. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/5 Les « pères grues », adeptes des actions coup de poing... et du masculinisme ? PAR JULIETTE CHAPALAIN ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 7 AOÛT 2013 « La justice nous prend de haut, alors on prend de la hauteur pour être à son niveau », expliquait Michaël, juché sur le pylône du rond-point de Saint-Brieuc, début juillet, où se sont succédé une dizaine de pères pendant plus d’un mois. Leurs tentes, démontées par la police et remontées par leurs soins, ont servi de bureau et de lieu de repos. Ceux qui « souffrent d’être privés de leurs enfants cet été » ont menacé de rester perchés durant la période des grandes vacances. Déplorant le silence de « Mme Taubira », Éric avait renchéri : « S’il faut rester trois mois sur le rond-point, on a la logistique pour tenir. L’été sera très très chaud, les papas en ont plus que marre. Moi je ne suis pas un terroriste, mais il y en a qui menacent de faire péter les tribunaux ! » Après 34 jours de roulement, les pères de Saint-Brieuc ont achevé leur action le 24 juillet, mais d'autres pères ont pris le relais en haut de cathédrales à Évreux la semaine dernière, et plus récemment, à Quimper, ce matin. Grimper sur une grue (en février), dans une cathédrale (déjà, à Orléans, en mai), sur un échafaudage de cheminée (à Grenoble, début juillet), ou sur un Mont-Saint-Michel en pleins travaux pour le passage du Tour de France (mi-juillet) : un nouveau mode non conventionnel de participation politique ? Serge Charnay, monté sur une grue en février et reçu quatre jours plus tard par la garde des Sceaux, en est devenu le symbole vivant. Et depuis, les coups d’éclat de ces pères qui réclament la garde alternée prolifèrent. Serge Charnay, monté sur une grue en février, a été reçu par Christiane Taubira quatre jours plus tard. © Reuters « Ils m’ont appelé à deux heures du matin pour me dire : “C’est bon, BFMTV est arrivé !” », avait relaté épuisé, début juillet, Philippe Veysset, porte-parole du collectif La Grue jaune créé le 20 février dernier et fonctionnant comme un outil de médiatisation. En véritable toile d’araignée, cette organisation sans statut juridique tisse des liens entre ces pères divorcés qui n'ont pas obtenu la garde de leurs enfants. La Grue jaune regroupe aujourd’hui 500 personnes, selon leurs estimations, soit une quinzaine d’associations de défense de la cause paternelle. Ses trois objectifs premiers sont « l’inscription de l’égalité parentale dans la loi, la résidence alternée de plein droit si les deux parents demandent la garde (loi 2002) et la déjudiciarisation des conflits familiaux ». Si Philippe Veysset insiste vivement sur la « souffrance réelle de ces papas », il reconnaît que « certains ont des problèmes avec la justice », mais le collectif se soucie peu du linge sale de ses adhérents. « On s’occupe assez peu du dossier des uns et des autres, je ne demande pas plus de renseignements que ça », précise-t-il. Lui- même avoue s’être barricadé avec ses enfants dans les années 1980. [[lire_aussi]]La colère de ces pères englobe deux niveaux de revendication. Monter sur une grue est d’abord l’occasion de faire resurgir la situation personnelle de ces pères divorcés. Ils déploient des banderoles au nom de leur enfant, affirment être des « pères modernes qui savent faire la cuisine et le ménage, et changer les couches », exigent de voir leurs enfants « plus d’un week-end sur deux et la moitié des vacances », insistent aussi sur la détresse
  • 2. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/5 de « toute une famille », faisant allusion aux grands- parents paternels. Le sentiment d’injustice résonne comme un leitmotiv. Ensuite, leurs revendications ont vocation à interpeller la justice. Ils demandent l’application systématique de la médiation familiale, voire la déjudiciarisation du partage de la garde des enfants. Comme Jean, aujourd'hui en haut de la cathédrale de Quimper, qui réclame que les juges aux affaires familiales fassent en sorte « que les droits de visites soient respectés, et que les autres pères ne vivent pas ce que j'ai vécu ». Jean raconte que sa fille, aujourd'hui majeure, a décidé de « ne plus avoir de papa ». Pour lui, la raison de cette rupture familiale est due à l'État, qui ne fait pas respecter la médiation familiale. À la mi-juillet, ce dernier était présent à l'action avortée du Mont-Saint-Michel et regrettait déjà que « la décision à défaut consiste à fixer la résidence chez la mère ». Le collectif La Grue jaune a rassemblé ses membres le 9 juin dernier pour déposer « huit propositions pour l’égalité parentale et la résidence alternée » au ministère de la justice et de la famille, parmi lesquelles figurent, outre « la déjudiciarisation des séparations », « la création d’une autorité pour la reconnaissance et la réhabilitation des parents évincés », et, « d’office, la résidence alternée et l’autorité parentale conjointe ». Des mères, comme Sophie qui a participé à la tentative ratée du Mont-Saint-Michel, se sont jointes au mouvement, insatisfaites « qu’aucune loi n’oblige un père à prendre ses responsabilités », et ayant espoir que la garde alternée soit imposée grâce à ces actions. De même, participant à l'action de Quimper ce matin, Sophie a déployé une banderole “résidence alternée = femme libérée” sur la cathédrale de Quimper. Sur mediapart.fr, une vidéo est disponible à cet endroit. Dans cette vidéo réalisée afin de médiatiser la mobilisation des pères à Saint-Brieuc, au milieu de la galaxie, tel un clin d'œil au cinéaste de La Guerre des étoiles George Lucas, la phrase suivante est déroulée : « Il y a des forces sur terre trop cachées pour être décelées, des complots trop vastes pour être découverts. » Contactée par notre rédaction, l’auteur de la vidéo s’explique : « Ce complot, c’est la volonté délibérée de nuire au droit des pères. Il y a des arrangements entre avocats avant les procédures car les avocats des pères refusent de prouver qu’on a raison. C’est tout un système : il y a une connivence entre les avocats et les juges. » La théorie semble diffuse parmi les pères, et la vidéo a été rapidement relayée par un membre de La Grue jaune vers une association européenne. D’autres ardents protecteurs du droit des pères enrichissent leur discours d'une tonalité anti-féministe. Si les pères n’ont pas obtenu la garde de leurs enfants, c’est en raison d’un complot « bien organisé » internationalement. Nadine, de l’association Père Enfant Mère et attachée à la communication de La Grue jaune, amenait du ravitaillement au pied de la cheminée occupée de Grenoble. « On s’est bien relayés tout le week-end, ça leur fait du bien de voir des gens en bas », explique cette maman divorcée et engagée, avant de donner sa propre version des faits : « Comme on octroie plus de droits aux mamans, certaines se sentent toutes-puissantes et se servent des enfants comme d’une arme de chantage. » L’étiquette masculiniste Philippe Veysset, de La Grue jaune, porte des accusations plus précises : « On ne veut plus que les conflits soient réglés par des magistrates. » Un usage volontaire du genre féminin. Même schème de pensée pour Éric, l’un des organisateurs du mouvement de Saint-Brieuc : « Historiquement, quand on regarde la magistrature, on est à plus de 60 % de femmes. Elles viennent des ligues féministes radicales des années 1960, c’est pas un hasard si elles se sont retrouvées là, c’est un endroit stratégique, et on ressent un sentiment anti-masculin. La maman, elle, a le droit de tout dire, tout demander, le papa doit tout justifier. » Les propos d’Éric, Nadine, Philippe, et bien d’autres, se ressemblent, et ils évoquent tous le principe du SAP, le « syndrome aliénation parentale », inventé par l’Américain Richard Gardner en 1985. Une des propositions déposées le 9 juin par La Grue jaune l’évoque comme un « délit d’emprise et/ou d'aliénation parentale déjà reconnu par la jurisprudence ». Or les thèses de Gardner ne sont
  • 3. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/5 ni validées par la communauté scientifique, ni inscrites au registre du DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) – soit la bible des médecins –, ni reconnues par la jurisprudence française. Personnage trouble, assurant faussement être salarié de Columbia, et qui plus est accusé de diffusion de thèses pro-pédophiles, Richard Gardner n’a jamais reçu l’appui de scientifiques pour publier ses “ouvrages”. En France, il n’existe donc pas de délit d’aliénation parentale, mais l’article 373-2-11 du code civil « prévoit précisément que l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits de l'autre constitue l'un des critères sur lesquels se fonde le juge aux affaires familiales pour prendre les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale ». Malgré des propos ressemblants, les pères interrogés se défendent de toute idéologie collective. « Ces déductions, je les ai tirées moi-même : les féministes sont aujourd’hui à des postes stratégiques. On voit bien que ce sont vraiment des extrémistes, vu leur image du père », précise Éric, qui se targue d’être un « électron libre » loin du dispositif associatif, mais bénéficiant pourtant de coups de pouce médiatique. Le porte-parole de La Grue jaune, lui, qualifie le collectif « d’apolitique », de structure « naissante », réfute tout parallèle avec la Manif pour tous et ses Pères en colère (il aurait exclu quelques homophobes), et décline l’étiquette de masculiniste, pourtant accolée à plusieurs reprises au collectif ou à ses associations (lire ici). Sur France Inter, en juin dernier, le sociologue français Érik Neveu définissait « le masculinisme comme le fait qu'un certain nombre d'hommes s'organisent pour revendiquer (...) ce qu'ils jugent être un rétablissement de l'équilibre, en considérant que les conquêtes des femmes ont été trop loin et qu'on n'est pas dans l'égalité, on est dans une inégalité (...). Le masculinisme qui se développe, actuellement tout au moins, a souvent une connotation péjorative. Il est suggéré que c'est excessif, (...) et il y a effectivement un côté machiste dans ces mouvements masculinistes, d'où l'intérêt de faire une distinction entre des mouvements masculinistes qui revendiqueraient, au fond, une forme d'organisation patriarcale ou une suprématie masculine, et le fait qu'il puisse y avoir d'autres organisations, et/ou d'autres dimensions de réflexion conduites par des hommes en groupe, qui s'interrogent sur ce que c'est qu'être un homme, qu'être un père, qu'être un conjoint, dans un monde où les déséquilibres hommes/femmes se sont sensiblement réduits depuis une trentaine d'années ». Patric Jean, réalisateur du documentaire La Domination masculine (2009), affirme avec vigueur que le complot (celui des masculinistes) est bien réel : « En France, ces pères ont copié dans les moindres détails les Fathers for Justice, ils s’échangent des idées et des infos. Les associations québécoises masculinistes leur ont conseillé de travailler sur la question des pères car ça passerait bien avec les médias, avant d’embrayer sur d’autres thématiques comme l’inutilité des lois encadrant les violences envers les femmes. Comme au Printemps des pères, où les affiches appelaient à la violence physique. » L'une des affiches du Printemps des Pères © Printemps des pères Le Printemps des pères, le 20 mars dernier, visait à attirer l’attention sur la souffrance des pères privés de leurs enfants et réunissait à la fois des papas avec des t-shirts affublés de cœur et des hommes plus virulents. En témoigne l’affiche d’Adopteunmec.com, détournée subtilement pour « smash une débile ». Tandis que Philippe Veysset affirme à plusieurs reprises que le collectif de La Grue jaune n’a pas mis les pieds au Printemps des pères, le profil Facebook du collectif (Lagruejaune - Coparentalité pour tous), lui, affiche « présent » à l’événement (public) Facebook « Printemps des Pères, 21 mars 2013 ». On peut d’ailleurs voir les photos de cet événement
  • 4. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 4 4/5 sur le blog de Patric Jean, et La Grue jaune y est présente. On y retrouve aussi Éric (l’électron libre) et quelques associations du collectif, ainsi que Nicolas Moreno (monté avec Serge Charnay sur une grue) et Philippe Louvet, les organisateurs du Printemps des pères, que Philippe Veysset affirme pourtant ne pas connaître. La défense du droit des pères à l'étranger La Grue jaune n’a que cinq mois d’existence, mais d’autres formations de défense du droit des pères qui n’ont pas la garde de leurs enfants se sont illustrées bien avant à l’étranger. Premiers dans leur genre, les Fathers for Justice Canada ont pour vocation, depuis le début des années 2000, de « défendre et promouvoir la famille traditionnelle » et « briser l’omerta sur la situation d’injustice que vivent les pères ». Officiellement, ils « militent contre les politiques d’accès à l’égalité » et dénoncent également un complot : « le plan orchestré de destruction massive de la famille naturelle qui prévaut au Québec ». Véhéments, ils militent « contre les réformes sur le harcèlement sexuel » en dénonçant « la politique d’intervention en matière de violence conjugale, basée sur des mensonges et des statistiques farfelues ». Eux sont largement établis comme des masculinistes. Jean, de la section québécoise des Fathers, se réjouit des actions françaises récentes : « Il y a des choses qui bougent chez vous, on voit ça d’un très bon œil. La seule façon de faire, c’est des coups d’éclat. SOS Papa quand je les lis, sincèrement on vit la même chose. » D’une question rhétorique, il poursuit : « Y a-t-il un puissant lobbying qui tente d’empêcher l’égalité père/mère ? C’est pas l’égalité qu’elles veulent, les féministes cherchent la suprématie depuis le début. » Les techniques d’action des Fathers for Justice (F4J) sont cependant plus originales. Durant leur « âge d’or » (entre 2004 et 2005), un grand nombre de leurs actions consistait à parader en tenue de père Noël, comme à Ottawa en 2005, où cinquante membres des Fathers se sont rendus au Parlement, déguisés en père Noël. Aujourd’hui, Jean n’a plus vraiment de poste au sein des Fathers for Justice Québec : « Moi ? Je décroche le téléphone. » Leur hiérarchie vient d’être démantelée afin de brouiller les pistes et « d'éviter les enquêtes judiciaires », avoue Jean. Le mouvement bat gravement de l’aile. En cause : le manque de financements, de bénévoles et de notoriété. Le fait d’avoir bloqué les populations en ayant investi la structure d’un pont, en 2006, aura valu à l’association un désamour presque mortel. En Grande-Bretagne, les Fathers for Justice britanniques (autrefois alliés à leurs homonymes d’Amérique du Nord) sont, eux, en phase de réveil. Très actifs au début des années 2000, ils enchaînaient les actions coup de poing, se déguisant en père Noël, Batman ou Spiderman, ou en grimpant sur des grues et la grande roue de Londres. L’arrivée de Tony Blair et ses incitations au dialogue les avaient calmés pendant un temps… jusqu'en juin dernier. Déçu par cette phase de concertation avec l’État, Matt O’Connor, chef de file des F4J d’Angleterre, a accordé le 7 juillet dernier une interview au journal The Independent, qui n’est pas sans rappeler le ras-le-bol des pères français. « Nos groupes seront plus extrêmes, et certains d’entre nous iront en prison cette année, nous sommes à bout », menaçait-il. Aujourd’hui, ils délaissent leurs accoutrements héroïques pour s’en prendre aux œuvres d’art. Au début du mois, l’un d’entre eux collait une photo de son fils sur une célèbre peinture de John Constable. Le mois précédent un autre écrivait « Au secours » sur un portrait de la reine, à l’abbaye de Westminster. « Le mois dernier (juin), le groupe, qui fait campagne pour changer les lois et pour que les pères aient un accès facilité à leurs enfants, est revenu vers ses tactiques de guérilla qui l’ont rendu célèbre à ses débuts », constatait The Independent. En plus de réclamer un changement de loi, la garde partagée et la fin de toute discrimination
  • 5. Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 5 5/5 envers les pères, leur souhait est de « mettre fin à la diabolisation et au dénigrement des hommes et des garçons dans la société ». Les Fathers for Justice britanniques se déguisent en super-héros. © Reuters Philippe Veysset, le porte-parole de La Grue jaune, assure ne pas connaître « de Father for Justice ». De son côté, la branche québécoise des F4J suit de près les actions françaises, relaie leurs coups d’éclat sur son portail Facebook, notamment celles de SOS Papa, associé à La Grue jaune, et plaint les pères français : « Les juges français sont pires que chez nous ! Ils ne sont pas tendres avec les pères. » S’il dit les connaître, Jean, de F4J Québec, nie toute organisation internationale, mais avoue : « Avec les réseaux sociaux, il y a un véritable mouvement international, chaque pays fait sa grue. » Comme les Fathers for Justice avant eux, la Grue jaune a-t-elle d’autres buts que la garde alternée et l’égalité parentale ? Pour le porte-parole, « le problème est plus vaste que la garde alternée, qui n’est qu’un point de passage pour rétablir l’égalité parentale. Pour l’instant, ce qu’on veut, c’est la division des responsabilités, mais pour moi, la garde alternée n’est qu’une étape. » Le collectif La Grue jaune commence doucement à s’ouvrir à l’international. Pierre, à la fois membre du collectif et de l’association, est responsable du pôle étranger et tient minutieusement la liste de ses contacts. En première ligne, apparaît Peter Tromp, chef de la “Plateform for European Fathers”, résidant aux Pays-bas, qui met en relations toutes les associations de droit des pères en relayant leurs actions sur sa page Facebook. Pierre raconte : « Avec eux, on a des conférences régulières, plein de sujets sur la violence conjugale. Je leur poste des vidéos de nos actions à Orléans, Périgueux, etc. » [[lire_aussi]]La liste, plus ou moins complète, des contacts à l’étranger de la Grue jaune s’étend donc à la Suisse, l’Irlande, la Belgique, la Suisse, le Portugal, l’Autriche, la Norvège, la Hongrie, la Grèce, l’Islande, l’Allemagne, le Royaume Uni, la Turquie et l’Italie. Y figurent des associations de pères divorcés, de droits des pères, des hommes victimes de violences domestiques, aux revendications tout aussi éparses que celles du collectif français. « Les femmes se sont super bien organisées au plan mondial, c’est un peu logique que les pères le fassent aussi ! » explique Philippe Veysset. Directeur de la publication : Edwy Plenel Directeur éditorial : François Bonnet Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 32 137,60€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des publications et agences de presse : 1214Y90071. Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Gérard Cicurel, Laurent Mauduit, Edwy Plenel (Président), Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, Marie-Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, Société des Amis de Mediapart. Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris Courriel : contact@mediapart.fr Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08 Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90 Propriétaire, éditeur, imprimeur et prestataire des services proposés : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions simplifiée au capital de 32 137,60€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS, dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris. Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. Vous pouvez également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012 Paris.