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La banque islamique
La banque islamique
UNE BANQUE ORIGINALE
LA BANQUE ISLAMIQUE
La banque islamique
Malika KETTANI
UNE BANQUE ORIGINALE
LA BANQUE ISLAMIQUE
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lm édition 2002
C Tous droits réservés
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DEDIE
A LA MEMOIRE DE MON PERE
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PRESENTATION
Le travail sur les banques islamiques effechlé par Malika El Kettani a
été présenté en tant que mémoire de DES en droit privé et a obtenu une
note excellente lors de sa soutenance à la FaClùté de Droit de Rabat.
C'est un travail accompli avec foi et passion.
Un travail très documenté, rédigé avec un style direct concis et agréable
à lire. Il est remarquable par sa clarté et son approche méthodologique.
Ce travail opte pour une approche de droit comparé. Il analyse les
points de concordances et les points de discordances entre les règles de
gestion de la société en Droit musulman et les règles de gestion des sociétés
anonymes en droit marocain. Ces règles régissent successivement les stat.lts
des banques islamiques et celles des banques marocaines. Cette comparaison
extrêmement utile montre la nécessité, le cas échéant, d'adapter pour
certaines prédispositions, le droit des sociétés au Maroc à celui du Droit
Musulman, en cas de création de banques islamiques. Elle montre, par
ailleurs, les quelques spécificités réglementaires qui figurent dans quelques
banques islamiques arabes, malgré l'existence depuis 1981 d'une loi islamique
modèle portant sur la réglementation bancaire.
L'auteur a analysé les principales opérations pratiquées par les banques
islamiques sous l'angle de la Charia, en puisant souvent dans les profon-
deurs du Fikh,les justifications ou non, de chacune d'elles.
L'auteur présente une série de thèses marginales en économie islamique.
Il procède systématiquement au démantèlement de ces thèses, en s'appuyant
souvent sur des sources de première main du Fikh Al Mouélmalat.
Dans un souci de rigueur scientifique, l'auteur relève quelques anomalies
juridiques pratiquées par certaines banques islamiques et particulièrement
par la Banque Islamique de Développement.
L'auteur termine son travail par un aperçu des activités économiques
menées dans les pays islamiques par cet organisme financier islamique
international.
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Même si le sujet revêt un caractère éminemment juridique, ce travail
intègre d'une manière subtile et fluide la dimension économique, en appuyant
chaque technique pratiquée par les banques islamiques, par sa légitimité
légale, sa justification logique et son efficience économique prévisible.
Nous avons l'intime conviction que ce travail n'aurait pu connaître tm
tel aboutissement si l'auteur n'était pas en mesure de maîtriser deux
langues, voire deux cultures, profondément différentes.
Malika El Kettani nous a quittés très jetme, que Dieu ait son âme dans
sa miséricorde. Elle restera toujours présente parmi nous par sa générosité
et à travers ce remarquable travail.
Omar EL KErrANI
Professeur à l'Université
Mohamed V - Rabat
Faculté de Droit
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APPRECIATIONS
La regrettée Malika KETTANI a insisté le long de son ouvrage "La Banque
Islamique" sur la prohibition du prêt à intérêt aussi bien par le coran, la
sunna, que par l'unanimité. Ceci appelle quelques appréciations :
Le verset coranique qui dit: «ô vous qui croyez, ne mangez pas l'usure
en doublant et en redoublant...» n'implique pas l'autorisation de l'usure
si elle n'est pas doublée et redoublée. En fait l'intérêt reste interdit par l'islam
aussi faible soit-il. Ici la règle du concept «Al Mokhalafa» connue en Droit
musulman ne s'applique pas. L'expression «en doublant et en redoublant»
renvoie à une pratique antéislamique.
De même, la règle jurisprudentielle «la nécessité tolère ce qui est prohibé»
est inapplicable dans le cas de l'usure. La dite règle est définie par le
prophète dans un hadith où il dit : «La nécessité c'est quand du matin au
soir, on ne trouve pas de quoi se nourrir». Le Cheikh Kardaoui n'a nullement
raison quand il s'appuie sur cette règle pour légaliser l'usure.
Dans le même sens, et citant les bienfaits de la prohibition de l'usure,
l'Imam Chiite Jaâfar Assadek a dit que Dieu a interdit l'usure pour que les
gens ne s'abstiennent pas de faire du bien.
Cette attihlde de l'Islam hostile à l'usure a conduit l'auteur à présenter
ses thèses sur la banque islamique, une banque dont les règles de fonction-
nement constituent une solution de rechange au problème de l'usure.
Est-il nécessaire d'évoquer la difficulté du sujet si ce n'est pour souligner
le mérite de l'auteur ?
Ce travail qui accède à la publication à titre posthume est une invitation
faite aux chercheurs en Droit Musulman de se pencher sur ce thème pour
faire bénéficier aussi bien les banques islamiques que les banques traditionnelles
des fruits de leurs recherches.
Nous implorons Dieu d'avoir la défunte en sa sainte miséricorde.
Badreddine EL KErrANI
Professeur à l'Université
Hassan II - Casablanca
Faculté des Lettres
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Introduction
Avec la création de la banque Islamique de Dubaï, dans l'Etat des Emirats
Arabes Unis en 1975, l'idée de banques Islamiques, s'est concrétisée sur la
scène Internationale.
Ces Institutions sont apparues comme une forme originale de Banque.
Elles se sont établies dans plusieurs régions du monde, aussi bien dans les
pays Islamiques, que dans les grands centres financiers d'Occident.
Leur apparition a été dans une conjoncture caractérisée par un
mouvement de renaissance de l'Islam et de mise en évidence de ses règles
économiques.
L'Islam, à la fois religion et communauté, recouvre aussi bien les aspects
spirihtels que les aspects temporels de la vie humaine. Le Coran, source
par excellence du Droit Musulman, en même temps qu'il indique les
obligations spirituelles de l'homme telles que, la Prière, la Zakat, le Jeûne
du Ramadan, le Pélerinage, traite aussi les aspects de la vie économique
que ces aspects soient relatifs à la thésaurisation, à l'investissement, aux
dépenses ou à l'épargne. Dans ce sens, on peut dire que la théorie
économique Islamique s'articule sur les notions suivantes:
1) Interdiction du Prêt à intérêt.
2) Encouragement de la participation aux bénéfices et aux pertes dans
les investissements.
3) Condamnation de la thésaurisation.
4) Valorisation du travail.
1) Pour l'Islam, le prêt à intérêt est strictement interdit. Le terme "riba",
qui signifie augmentation, accroissement(1), englobe tout profit, sans
contrepartie, stipulé par les contractants lors d'tme opération de prêt et ce,
(1) Voir dictionnaire arabe: Al Mounjid. voir également Lisân Al Arab (y."JI iJU).
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différemment du système capitaliste, qui fait la distinction entre l'intérêt et
l'usure, et pour qui l'usure est l'intérêt excessif(l).
L'Islam, définit l'intérêt à partir des composantes suivantes(2).
* Un profit sur le montant prêté.
* Une clause qui prédétermine le montant à rembourser.
* Une échéance.
Ainsi, toute augmentation de capital, qui ne provient pas du travail et
n'est pas soumise aux conditions de l'investissement est considérée par le
Droit Musulman comme illicite. Le Coran contient plusieurs versets relatifs à
la question du "riba". Aussi, pouvons-nous lire: "Ce que vous donnez
comme usure pour accroitre les biens des hommes, ne croitra pas chez
Dieu."(3). "Ceux qui mangent l'usure ne se léveront (le jour de la ressurection),
que comme ceux que le démon agite,,(4). "Dieu a permis la vente et a interdit
l'usure"(5).
Cette attitude de l'islam, converge avec celle de toutes les religions.
Aussi bien le christianisme que le Judaïsme interdisent le prêt à intérêt:
"Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple -dit l'ancien testament-,
au pauvre qui est avec toi, ne sois point à son égard comme un créancier.
N'exige point de lui des intérêts"(6).
"N'exige point d'intérêts de ton frère -affirme la Deutéronome- ni intérêt
pour argent, ni intérêt pour demées ou pour toute autre chose susceptible
d'accroissement. A l'étranger, tu peux prêter à intérêt, tu ne le dois pas à
l'égard de ton frère, si tu veux que l'éternel, ton Dieu, bénisse les divers
travaux, dans le pays où hl vas entrer pour en prendre possession"(7).
Ce verset, plus large quant à l'objet du prêt, et plus restreint quant aux
personnes, interdit l'intérêt entre Juifs, tout en le permettant vis à vis des
étrangers.
(1) Voir dictionnaire Larousse.
(2) Abdeladim Al Moundiri : "ATIARIB WA TARHIB" ~.;-.:JI) ~.r-=:l' (en arabe)
T3 P297 ed 500 (1325h -1933).
(3) Sourate ARROUM verset 39.
(4) Sourate AL BAQARA verset 275.
(5) idem
(6) Chapitre 22 de l'Exode verset 24 et s.
(7) Chapitre 23 de la Deutéronome verset 20.
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L'ancien testament pomsuit : "Si vous prêtez à ceux dont vous espérez
recevoir, quel gré vous en aura t'on... au contraire, aimez vos ennemis,
faites du bien, et prêtez sans rien attendre en retour, votre récompense
sera alors grande, et vous serez les fils du très haut"(l).
Contrairement au Judaïsme, qui n'interdit le prêt à intérêt qu'entre
Juifs, le Christianisme, ne contient aucune distinction relative aux personnes,
mais aussi bien le Judaïsme que le Christianisme, ont vu dans l'intérêt, tme
technique incompatible avec l'esprit de fraternité qtÙ doit exister entre les
membres d'tme société.
Pour le Droit Musulman, l'interdiction de l'intérêt est formelle et rigoureuse.
Elle puise ses fondements dans les notions de justice et d'égalité entre les
parties contractantes, notions qui constituent les deux aspects d'tme finalité
supérieure, exprimée par le Coran dans la Sourate"AL HASHR", verset 6 :
Eviter que les biens ne circulent exclusivement entre les riches.
La technique de l'intérêt, considérée comme la plus répréhensible des
péchés (}L.:5J) (2), a été largement étendue par le droit Musulman, pour
englober tout profit sans contrepartie, stimulé lors d'une opération de prêt,
de vente, ou d'échange de métaux (or, argent), ou de produits alimentaires
(blé, orge).
La doctrine classique a par la suite assimilé à ces produits alimentaires,
d'autres produits ayant la même fonction.
2) L'interdiction par le Droit Musulman de tout rendement fixe du capital,
ne veut pas dire que le capital ne doit pas être rémunéré. La formule de
rechange au taux d'intérêt fixe est la participation aux profits et le partage
des pertes.
La notion de base est celle du risque. Le créancier, dont les fonds sont
utilisés à des fins d'investissement, doit tirer une partie appropriée des bé-
néfices, plutôt que le montant préétabli de revenus que représentent les in-
térêts. Et si l'entreprise subit des pertes, il doit également assumer ces
pertes; mais en aucun cas, le détenteur du capital argent ne doit s'assmer
des bénéfices sans risques ru peines, en prêtant simplement ses fonds.
C'est là une application de la règle idéaliste d'égalité et de justice entre les
contractants.
(I)L'EvangHe selon saint Luc verset 34 et suivants. _
(2) IBN JARIR TABAR!: commentaire du Coran (~I iJl,}J~) (en Arabe) T3 P. 83.
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3) La condamnation de la thésaurisation est lme conséquence de l'idée
qui constitue le support de la théorie économique du Droit Musulman, à
savoir que toutes les richesses appartiennent à Dieu et doivent être utilisées
par ses créatures, conformément à ses préceptes. Il est donc interdit
d'immobiliser des richesses. Dans le Coran, il est dit: "A ceux qui thésaurisent
or et argent, sans les dépenser dans la voie de Dieu, fais l'annonce d'un
supplice douloureux. Un jour, ces métaux rendus incandescents au feu de
l'enfer, leur seront appliqués sur leurs fronts, leurs flancs, et leurs dos -et
on leur dira- voici ce que vous amassiez, pour vous même, savourez donc ce
que vous avez thésaurisé"(l).
Il est aussi interdit de dilapider les richesses. "Ceux qui gaspillent les
richesses -dit le coran-, sont les frères de satan,,(2). Les richesses doivent
circuler continuellement dans le cadre du "licite" pour assurer le bien-être
de la société et doivent être valorisées par le travail.
4) La valorisation du travail: seul le travail et l'éffort humain méritent
une récompense matérielle. Le Droit Musulman condamne toute forhme
qui naîtrait de l'usurpation, de la corruption, des jeux du hasard, du prêt à
intérêt..., et encourage les individus à s'adonner à des activités rentables :
"Dis, agissez ! -dit le coran- Dieu observera vos actions, ainsi que le
prophète et les croyants. Vous ferez ensuite retour à celui qui connaît toute
chose, invisible ou apparente, vous serez par lui informés de toutes vos
oeuvres,,(3).
Le Droit Musulman rejette donc la rémunération fixe du capital, tout en
encourageant le bénéfice véritable comme rémunération de l'éffort des
entrepreneurs et du capital.
Cette doctrine, relative à l'interdiction de tout rendement fixe du capital,
a cependant été tempérée vers le début du siècle, par certains auteurs
modernes, se pliant aux exigences de l'activité économique moderne et à
certaines pratiques visant à détourner la prohibition(4). Mais le prêt à intérêt
(1) Sourate ATIAWBA (~.rl) Verset 34.
(2) Sourate AL I5RAE (~I.r''YI) verset 27
(3) Sourate ATIAWBA (~.rl) Verset 106.
(4) Cf Fatima Cheikh Md Abdou sur l'intérêt servi par les caisses d'épargne en Egypte :
ouvrage de Mr Chaouqui Ibrahim Chehata "Les banques islamiques (en arabe), éd. Dar
Chourouq - Jedda ) oct. 77 P 13.
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est resté aussi décrié par d'autres, chez qui la ferveur et l'indignation
religieuse constituaient un frein0).
A travers les périodes coloniales et post-coloniales du monde Musulman,
les concepts économiques occidentaux furent introduits dans ces pays
avec leur structure de soutien financier. Le prêt à intérêt entre particuliers
a reculé au profit des banques. TI fut par la suite légalisé par la quasi-
totalité des pays musulmans: Egypte, Syrie, Irak, Algérie, Maroc, Soudan...
L'activité des institutions bancaires a pris avec l'économie moderne une
proportion de plus en plus étendue. Ces institutions sont devenues
dispensateurs du crédit qui a pris avec l'économie moderne lme place
prépondérante, à tel point que la banque est devenue "l'auxiliaire véritable
inévitable de l'entreprise moderne"(2). Leur domaine d'activité ne cesse de
se développer et de s'étendre au point où on a commencé à parler de
"bancarisation de la société,,(3).
La légalisation de l'intérêt par les codes des pays musulmans n'était
cependant pas de nature à clore le débat. Les banques, en tant qu'institutions
pratiquant l'intérêt, continuent toujours de susciter des attitudes diverses,
variant entre l'approbation pure et simple, la méfiance plus ou moins
poussée et l'hostilité absolue.
Dans ce contexte, un retour aux préceptes Islamiques, semble s'annoncer.
Des mesures visant à "islamiser" le système financier, ont été adoptées.
Cette "islamisation" s'est traduite principalement par la création de banques
Islamiques(4).
L'originalité de ces institutions tient lieu au respect de la règle formulée
par le Coran, à savoir l'interdiction de tout rendement fixe du capital.
(1) Cf discours Cheikh Md Bakir El Kettani lors du 2è congrés de la ligue des oulamas du
Maroc qui a eu lieu à Casablanca en 1964 Gournal Al Mitaq nO 58 du 25 Juillet 1964). Cf
également Abou AALA AL MAWOOUNI : "L'usure" (en arabe) Dar Al Fikr Al Islami,
éd. Dar Al Ourouba DAMAS 1958. Voir aussi Md Bakir Sadr "IKTASAOOUNA" (notre
économie) en arabe. éd. Dar Al Fikr.
(2)" J. C Bousquet: "L'entreprise et les banques" Pl
.. Ripert : "traité de droit commercial".
(3) Mohamed El Mernissi : "La banque, une Profession qui bouge". Revue marocaine de
Droit d'économie et de développement nO 16 -1988.
(4) Ce retour semble général. ex : projet de code de statut personnel et de Droit pénal (ligue
Arabe) très discutés.
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L'idée de banques Islamiques est née vers les années 60 en Egypte, dans
le village de Mit Ghamir. La première expérience, fût celle des caisses
d'épargne en EgYRte, qui ont montré leur efficacité dans la collecte de
l'épargne ~rivée( ). L'expérience n' a pas survécu pour des raisons
politiques( ). Elles ouvrirent la voie à la "Nasser islamic Bank".
L'activité bancaire islamique a commencé avec la création de la banque
de Dubaï en 1975. Ce fût une initiative populaire qui a été suivie par la
création de la Banque Islamique de développement à Jedda, établissement
international, groupant les pays membres de l'organisation de la conférence
islamique(3).
Quelques autres banques Islamiques virent le jour durant la décennie
70 qui ne s'est pas achevée, sans la création du premier groupe financier
islamique "DAR AL MAL AL ISLAMI" en Suisse, qui est une société
holding, traitant avec 22 banques, et sociétés diverses. Le second groupe
Islamique"AL BARAKA" voit le jour en 1983. Cette décennie voit s'accélérer
le rythme de création des banques Islamiques dans les pays suivants :
Koweït, Bahrein, Qatar, Jordanie, Arabie Séoudite... La volonté de plier la
vie des affaires aux disciplines Islamiques a gagné durant cette décennie la
Malaisie, le Bangladesh, les Phillipines, l'Angleterre, le Luxembourg, le
Danemark... On voit naître également pendant cette décennie les premiers
guichets d'opérations bancaires Islamiques ouverts au sein de banques
traditionnelles.
C'est le cas de Bank MISR et de la banque nationale de développement
en Egypte, et aussi d'autres banques ou caisses aux Etats Unis, à Viennes,
et en Suisse(4).
C'est lors de cette décennie également que la première expérience
d'Islamisation totale d'un système bancaire est entreprise. Il s'agit de l'Iran et
du Pakistan qui ont adopté intégralement un programme de restructuration
de leurs institutions dans le sens Islamique(5). En Août 1983, une loi fût
(1) Cf ouvrage: "100 questions et 100 réponses sur les banques Islamiques" Union Internationale
des banques Islamiques 1ère édition 1978 (en Arabe).
(2) Abderrahman Mahmoud Hamdi : "Formes d'investissement dans les banques Islamiques".
Journal ARRISALA (en Arabe) du 24 Sept. 1981.
(3) Jusqu'en Avril 1999, la banque compte 53 pays membres contre 22 membres à sa création
en 1975.
(4) Abderrahman Lahlou : "La banque Islamique à la recherche de l'excellence". Journal
l'opinion du 11 Juillet 1990.
(5) Allocution de Mr Abderrahim Hamdi Directeur Général adjoint d'AL BARAKA Bank
au Soudan, lors de la journée des banques et institutions financières organisée par la
chambre de commerce Franco Arabe à Paris avec le concours de la banque Islamique de
développement le 25 Avril 1984.
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promulguée en Iran, interdisant expréssément aux banques de percevoir
ou de verser des intérêts, et précise les conditions applicables aux
dépôts qui leur sont confiés(l). Au Pakistan, toute la législation bancaire a
été remodelée(2). La banque Centrale Pakistanaise elle même a été remaniée
et insiste sur le modèle Islamique(3).
Enfin, le Maghreb se voit doter de banques Islamiques dès 1984, date de
la création de "BEIT ETTAMOUIL SAOUDI TOUNSI" en Tlmisie, suivie
de la création de la "BADOR" en Mauritanie.
Au Maroc, d'après une tettre du ministre des finances(4), "les autorités
monétaires, n'envisagent pas dans les circonstances présentes la création
de banques Islamiques", ce qui n'a cependant pas empêché le Maroc
d'abriter en février 1989, juillet 1991 et janvier 2000 plusieurs rélmions de
la banque Islamique de développement et de l'union internationale des
banques Islamiques, ainsi que des séminaires sur les instruments financiers
Islamiques. Cette attitude ne témoigne t'elle pas de la volonté de créer de telles
institutions dans l'avenir?
Il existe jusqu'en février 1989 dans le monde Islamique et ailleurs, 90
banques Islamiques(5). Ces institutions co-existent avec les banques au sens
occidental. Elles ont connu lme prospérité croissante, une rapide extention
et tme prolifération des sièges et agences, ce qui témoigne de l'intérêt que
manifeste la population musulmane à l'égard de ces institutions, et de l'accueil
enthousiaste réservé à ces institutions par cette population représentant plus
de 20% de la population du globe. Cet accueil s'est concrétisé notamment
par tme augmentation de plus en plus croissante de leurs dépôts. A titre
d'exemple, de 1979 à 1984, les dépôts de la banque Islamique du Bahrein
sont passés de 4.799.070 Dinars à 52.914.395 Dinars, enregistrant une
augmentation de 1020%. Pendant la même période, les dépôts de la Banque
Islamique de Dubaï, sont passés de 7044 millions DH à 41.997 millions DH,
(1) Bulletin du FMI du 16 Mars 1987, P 68.
(2) Allocation du Directeur Général de l'international institute of Islamic économie au Pakistan,
lors de la journée des banques Islamiques, tenue à Paris le 25 Avril1984.
(3) Le Soudan a également pris l'engagement au plus haut niveau de restructurer le secteur
bancaire y compris la banque centrale conformément à la charià (Allocation de M~
Abderrahim Hamdi Directeur adjoint d'AL BARAKA Bank au Soudan, lors de la journée
des banques et institutions Islamiques du 25 Avril 1984 à Paris.
(4) Lettre du ministre des finances n° 3 - 2066 du 13 Mars 1990.
(5) Conférence de Mr Ahmed Annajar, président de l'association professionnelle des
Banques Islamiques à l'hôtel "HASSAN" à Rabat le 23 février 1989.
17
réalisant une augmentation de près de 500%. Ceux de la Banque Islamique
de Jordanie sont passés de 11.642.104 Dinars Jordaniens en 1980 à
127.613.952 Dinars jordaniens en 1986. De 1980 à 1984, les dépôts de Beït
Tamouil Saoudi Attouni ont augmenté de 14,5% passant de 17,116,792 $ à
19.554.900 $. Les dépôts en devises convertibles ont totalisé 15.784.364 $
contre 13.564.788 $ en 1984.
Le total de leur actif, qui était de 10,5 milliards $ en 1985(1), a atteint en
1990,17 Milliards $(2).
Les institutions Islamiques ont également procuré à leurs déposants des
bénéfices substantiels. Le rendement de leurs fonds propres varie entre 5 et
20%(3). A titre d'exemple, la banque Islamique de Bahrein a dégagé, dès sa
première année d'exploitation, un bénéfice net de 545.574 Dinars en 1979.
Ce bénéfice a atteint 2.697.540 de Dinars en 1984. Les revenus servis par
cette banque pendant la même année équivalent à 6 et 12% d'intérêts,
quand les autres banques Bahreiniennes servaient 3,5% d'intérêts(4).
Les bénéfices de BEIT TAMOUIL SAOUDI TOUNSI se sont élevés dès
la première année d'exploitation 1984 à 1.478.712 $. De même, la banque
Islamique de Dubai a réalisé en 1979 6 millions de DH qui se sont élevés
en 1984 à 49 Millions de DH.
Ces bénéfices ont attiré un nombre de plus en plus important de déposants
augmentant par là la capacité financière de ces institutions. Ils ont aussi
encouragé les titulaires des comptes de placement à procéder au renouvel-
lement de la durée de leurs dépôts(5).
Observons aussi, que ces institutions remplissent essentiellement les
mêmes fonctions que les établissements d'un système plus traditionnel. Elles
assurent l'intermédiation financière et administrent le système de paiement de
l'économie(6). Elles courent cependant moins de risques d'insolvabilité, et
de défaut de liquidité que dans les contextes plus traditionnels.
(1) Journal le "monde" du 28 Février 1985.
(2) Journal "L'opinion" du 11 Juillet 1990.
(3) Idem.
(4) Revue "Proche Orient" n° 476 du 8Mars 1985.
(5) A titre d'exemple en 1981, à la suite des résultats enregistrés par la banque Islamique du
Bahrein, les titulaires des comptes de placement ont procédé en totalité au renouvellement
de l'échéance de leurs dépôts.
(6) Bulletin du FMI du 16 Mars 1987 P 68.
18
Les dépôts auprès des banques Islamiques peuvent revêtir la forme de
dépôts à vue ou de dépôts d'investissement. Les dépôts à vue ne comportent
pas d'intérêts. Les dépôts d'investissement permettent à leurs titulaires de
participer aux bénéfices et pertes des projets dans lesquels ils sont investis.
Le système de crédit des banques Islamiques est soumis à des règles an-
alogues. Les banques islamiques apportent les fonds aux entrepreneurs
Sur la base de participation aux bénéfices et pertes. Cette participation
peut prendre la forme de:
* MOUDARABA : Accord en vertu duquel les banques Islamiques
fournissent le capital financier, les autres partenaires, le capital humain.
* MOUCHARAKA : Régime en verhl duquel les banques Islamiques et
l'entrepreneur mettent en commlm leur ressources financières, afin
de fournir le capital nécessaire au démarrage d'tme activité.
Ces institutions utilisent également des mécanismes de crédit associé à
la vente, telle que l'opération de Mourabaha.
Les opérations de l'Ijara (équivalent du crédit bail) sont aussi utilisées
par les banques Islamiques à côté du prêt gratuit.
Ces institutions, offrent également des prestations de service comprenant
la plupart de celles offertes par les banques traditionnelles (ouverhlre de
comptes, paiements, encaissements, opérations de change, octroi de garantie,
ainsi que des opérations annexes...).
Ces opérations n'impliquent pas le paiement d'intérêts, mais sont
soumises à la perception de commissions.
Les opérations des banques Islamiques sont supervisées par un conseil
religieux (pour lm contrôle continu de l'orthodoxie des activités).
L'activité des banques Islamiques, en tant que modèle économique
nouveau qui n'est le produit ni du système capitaliste ni du système
Socialiste, est très intéréssante à étudier.
Cet intérêt s'explique d'abord par une certaine curiosité. Ces institutions
sont en effet guidées par des règles de quatorze siècles d'histoire. Elles
sont aussi destinées à attirer les dépôts d'une communauté représentant
plus de 20% de la population du globe, ce qui pose des interrogations
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Ces institutions, qui ont comme siège au Maroc, le decret Royal portant
loi du 21 Avril 1967 et tout recemment le dahir portant loi du 6 juillet 1993.
A la différence des lois Françaises de Décembre 1945 et Janvier 1966, qui
ont classifié les banques inscrites en trois catégories à savoir, les banques de
dépôt qui ne peuvent recevoir de dépôts pour une durée supérieure à 2
ans(l), les banques de crédit à moyen et long terme, dont l'activité principale
consiste à octroyer des crédits dont le terme est au moins égal à 2 ans(2) et
qui ne peuvent recevoir des dépôts inférieurs à cette durée, les banques
d'affaires, dont l'activité principale est outre l'octroi de crédits, la prise et
la gestion de participations dans les entreprises existantes ou en formation
avec des fonds qu'elles se procurent du public, la loi bancaire marocaine
n'a prévu qu'une seule catégorie, à savoir les banques de dépôts(3). Cette
législation qui réglemente au bénéfice exclusif des banques l'accès et
l'exercice de la profession, se caractérise par une protection efficace et lme
indulgence à l'égard de ces institutions, confirmée par la rareté des obligations
qui en découlent. Ces dernières ne peuvent que rarement être poursuivies(4).
Les exigences de notre choix, tendant à apprécier le sujet à la lumière
du Droit Musulman et du droit bancaire occidental, nous amènent à prendre
comme référence le décret Royal susvisé, ainsi que le dahir susvisé qui
tend à adapter la loi bancaire aux nouvelles données de siècle. Le sujet sera
examiné également à la lumière des textes législatifs marocains, notamment
le dahir des obligations et contrats, le code de commerce et le code pénal,
ce qui nous conduira à le présenter à la lumière des deux axes qui animent le
système bancaire, à savoir le crédit et les services complémentaires.
Nous examinerons dans une première partie: La Conception du Crédit.
Dans une seconde partie: La Mise en Oeuvre.
(1) Répertoire Dalloz nO 491.
(2) Répertoire Dalloz nO 492.
(3) L'année 1989, a été marquée par la création d'une institution importante, dénommée
"BANK AL AAMAL", autorisée à recueillir des dépôts supérieurs à 1 an, et à consentir
des prêts participatifs aux personnes morales et physiques, notamment aux ressortissants
marocains travailleurs et commerçants exerçant, ou ayant exercé leur activité à l'étranger.
Les demandes de prêt sont assortis d'un cautionnement mutuel, que pourra accorder
DAR ADDAMAN, créée à cet effet.
(4) M. AMZAZI:"Le privilége pénal des banques" RMDED n° 16 -1988. P 49.
22
PREMIERE PARTIE
LA CONCEPTION DU CREDIT
La banque islamique
Le crédit est la préoccupation inhérente à la notion de banque. L'activité
de cette institution est en effet liée au crédit, à tel point que certains auteurs
l'ont assimilée à cette notion(l).
L'octroi du crédit par les banques occidentales a lieu avec l'intérêt qui
constitue le loyer de l'argent. Or, l'intérêt est strictement interdit par le
Droit Musulman qui a défini un concept Islamique du crédit, tout à fait
différent du concept occidental.
Ce concept constitue le cadre de l'institutionnalisation retenue.
L'étude du concept occidental rejeté par le Droit Musulman est néces-
saire. Elle fera l'objet de notre premier chapitre.
Dans un deuxième chapitre, nous définirons le concept Islamique de
référence.
Le troisième chapitre sera consacré à l'institutionnalisation retenue.
(1) A. Berrada :Techniques de Banque et crédit au Maroc, éd. SECCA 1985 P 44.
25
3- Conditions d'octroi
L'octroi d'un crédit par lme banque obéit à des conditions purement
objectives, bien qu'il repose sur la notion subjective de confiance. En effet,
la banque est une instihltion qui détient des capitaux, mais ces capitaux
appartiennent pour leur quasi totalité à des déposants et non pas à la
banque. Une politique imprudente de crédit pourrait entraîner pour la
banque des conséquences dangereuses.
Parmi les opérations pour lesquelles elle est sollicitée, la banque procède à
un choix minutieux. Elle déclenche tout lm processus d'investigations, qui
part de la situation financière du client, à sa compétence, en passant par sa
moralité.
* Situation financière.
La banque attache une importante primordiale à la situation financière
du client, à la consistance de son avoir. Un client endetté, ou une entreprise
qui a un fond de roulement insuffisant, des frais généraux excessifs, ou une
production de mauvaise qualité, inspire au banquier une certaine réticence.
Il en est de même d'une entreprise travaillant avec lm matériel ancien, ou
dont la capacité de production est faible, et dont les ventes, ainsi que les
bénéfices, connaissent une régression sensible(I). La banque procède également
à un examen attentif des bilans au moins des trois dernières années, en
s'intéressant à la valeur de rendement pour les éléments destinés à produire
et à leur valeur d'échange pour ceux destinés à être vendus(2).
* La moralité.
La banque attache un grand intérêt à la moralité du client, à son honnêteté.
Elle cherche également à connaitre ses antécédents et ce, à travers des
conversations, des indications recueillies auprès des tiers(3).
Le suivi de la marche du compte et le contrôle du respect des engagements
sont à postériori, de précieux indicateurs de la moralité du client.
(1) J. Ferronnière: Les opérations de banque 4è édition 1963.
(2) G. Petit Dutaillis "Le crédit et les banques" P 110.
(3) A. Berrada "Techniques de Banque et de Crédit au Maroc" P 272.
28
* La compétence technique.
La compétence en affaires, disent Messieurs Boudinot et Frabot(l), est un
point à considérer, autant que la moralité. Ainsi, l'aptitude professionnelle
du client, la qualité des dirigeants d'une entreprise, font l'objet d'un examen
attentif de la part de la banque, car la défaillance d'un débiteur constitue
pour la banque qui travaille avec des fonds appartenant à autrui, une
perte insupportable, qui pourrait avoir pour elle des conséquences graves.
Malgré toutes ces investigations, et après l'octoi du crédit, le banquier
se réserve le droit de "couper le crédit", même sans préavis dans certains
cas, et même si le contrat d'ouverhue du crédit a une durée déterminée.
C'est le cas des banques marocaines. C'est également le cas des banques en
Italie et en Suisse(2). La législation Française du 24 Janvier 1984 a même
précisé que le banquier "engagerait sa responsabilité, s'il ne coupait pas le
crédit au client qui viole ses obligations, ou dont la situation financière est
compromise,,(3).
La loi bancaire marocaine de 1993, s'efforce cependant d'apporter
quelques assouplissements à cet égard, notamment les crédits ne peuvent
être révoqués qu'à l'expiration d'un délai de préavis, fixé lors de l'octroi du
concours et sur notification écrite (article 63).
Obtenir un crédit par une banque, n'est par conséquent pas à la portée
du premier venu, c'est pourquoi, chez l'opinion publique, la banque n'a
pas du tout bonne presse. On éprouve une désaffection à son égard, allant
jusqu'à une méfiance, voire une hostilité(4).
Le simple client reproche à la banque sa méfiance injustifiée, et sa
répugnance à lui accorder la moindre avance en cas de besoin, ou à le
protéger en cas d'émission d'un chèque sans provision. "Si par négligence
excusable -dit on- vous tirez un chèque à découvert, vous encourez les
(1) Op cité.
(2) Articles 1845 du code civil Italien et 316 du rode Suisse des obligations.
(3) A. Kettani "La responsabilité du banquier dépositaire" revue marocaine de Droit et
d'Economie du développement nO 16 année 1988.
(4) J. Berthoud : l'image du banquier dans l'opinion publique "Revue Banques" nO 289 Oct.
1970 P 832. Cf également Mr Benothmane"La profession bancaire au Maroc".
29
pires remontrances... bien heureux encore, si on ne vous traite pas en
correctionnel, pour émission de chèque sans provision,,(l).
L'article 543 du code pénal marocain préscrit en effet à cet égard une
peine d'emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 50 DH à 5000 DH
pour toute personne qui émet un chèque sans provision, ou lm chèque
dont la provision est insuffisante. Avec la nouvelle réforme du chèque,
l'auteur de l'infraction sera intérdit d'émettre un chèque pendant une année.
En cas de récidive, l'interdiction est perpétuelle.
Quant aux milieux des affaires, ceux ci estiment que les crédits sont très
chers, parcimonieusement accordés. La banque ne constitue pas en cas de
difficultés, ou lorsque la situation du client est compromise, un secours sûr(2).
Ainsi, certaines idées ont-elles cours. Elles sont exprimées par des axiomes
du genre: "la banque vous offre son parapluie quand il fait beau et vous le
retire dès qu'il commence à pleuvoir" ; ou bien, "la banque est une institution
où vous pouvez emprunter de l'argent, si vous apportez la preuve que
vous n'en avez pas besoin".
Tout cet argent -dit on- ne peut être prêté qu'aux riches, et avec l'argent
des pauvres(3).
La loi bancaire de 1993 s'éfforce cependant d'améliorer les relations
entre les deux parties, par un assouplissement de la réglementation
bancaire. De leur part, pour réfuter ces allégations peu flatteuses, les
banques déploient de plus en plus d'éfforts pour améliorer leur image de
marque. Elles essayent de coller avec plus ou moins de succès aux
changements socio-économiques, surtout par une diversification des crédits
et une gestion plus moderne de leurs ressources(4). Chacune d'elles vante
à sa manière les différents services qu'elle rend à sa clientèle et ne lésine
sur aucun moyen pour faire connaitre ses services. Mais leur image ne
s'est guère améliorée.
(1) J. Berthoud "L'image du banquier dans l'opinion publique" Revue Banque Oct. 70 P 833.
(2) J. Berthoud "L'image du banquier dans l'opinion publique" Revue Banque Oct. 70 P 833.
(3) B. V. TROEYEN. D. Peynot : "Banques et banquiers" I. E. P. Paris Fasc 1P 3.
(4) Pour plus de précisions, cf Md Memissi : "La banque, une profession en pleine mutation
RM. D. E. D. n° 16 1988 P 9 et S.
30
Ce qui est cependant paradoxale, c'est que ces institutions, même
dépersonnalisées et déshumanisées gardent tout leur prestige et toute leur
puissance. Elles ont réussi même à gagner en ampleur, en attirant vers
elles des milieux traditionnels qui, pour des considérations religieuses, se
passaient des services de la banque et éprouvaient une résonnance amorale,
sinon immorale à la profession.
A travers cet exposé, il ne s'agit pas d'annoncer lm réquisitoire contre
les banques, ni de critiquer leur attitude. La banque est liée aujourd'hui au
concept même de civilisation. Elle .constitue par conséquent un fait
d'importance considérable, non seulement dans le système capitaliste,
mais aussi dans le système socialiste et même en Chine. La banque est liée
à l'économie, à l'industrie, à l'agrlculure, au finances, à la monnaie. Mais,
ce qui est reproché aux banques, c'est d'être les complices d'un système
qui perpétue les privilèges et accentue les injustices qu'on veut détruire(l),
C'est pourquoi on réclame de temps en temps, la nationalisation de ces
institutions, afin de doter les pouvoirs publics de moyens appropriés, leur
permettant d'orienter la politique économique dans le sens le plus favorable
à l'intérêt général(2).
Quoi qu'il en soit, il y a lieu de remarquer que le crédit octroyé par ces
Institutions connait différentes formes, qui sont soumises à des règles
différentes. Celui ci s'est développé à partir de valeurs fournies par les
prêteurs et matérialisées par des titres de créance.
Par ailleurs, le crédit obéit à des conditions que nous nous proposons
de déterminer.
Nous examinerons ainsi, successivement, les modalités du crédit, ses
instruments et ses conditions d'octroi.
(1) J. Berthoud P 834. Revue Banque n° 289 Oct 70 P 832.
(2) Au Maroc, en France, en Espagne, les partis politiques ne cessent de réclamer la nationalisation
du secteur bancaire. V. à cet égard, les différentes recommandations de la ligue des oulamas
du Maroc, à la suite de ses différents conrgès annuels depuis 1962.
31
Section 1: Les modalités du crédit
Les crédits octroyés par les établissements bancaires, revêtent plusieurs
modalités. On distingue ceux qui se traduisent par un décaissement, ceux
qui se traduisent par une signature et certaines autres crédits spéciaux.
§ 1- Les crédits par décaissement
Ces crédits se traduisent pour la banque par un versement de fonds.
La question essentielle demeure par conséquent la sortie du crédit. Ce qui
revient à penser à la fin de l'opération, au moment même où elle vient de
naître. Cet écart de temps est à la base d'une distinction essentielle en
matière de crédit, celle du terme. Le crédit peut être octroyé à court terme,
moyen, ou long terme.
A) Les crédits à court terme.
Ces crédits sont destinés à répondre à des besoins passagers des entreprises
ou des particuliers. Leur objet est de favoriser toujours la création ou la
circulation d'un bien.
Les crédits à court terme prennent la forme d'escompte d'effets de
commerce, de crédits par caisse, ou de crédits de mobilisation des créances
commerciales.
11 L'escompte.
L'escompte est une forme de crédit par laquelle une banque met à la
disposition du porteur d'un effet de commerce, non échu, le produit net de
cet effet(1).
Autrement dit, l'escompte permet à un fournisseur ou cédant de vendre
au comptant, un effet de commerce dont l'échéance est à terme. La propriété
de l'effet est transférée à la banque, en même temps que les avantages du
droit cambiaire.
Le réescompte permet à la banque de recourir de la même façon à Bank
Al Maghreb, pour mobiliser à son tour les effets déjà escomptés afin de
reconstituer sa trésorerie.
(1) A. Berrada "Techniques de Banque et de Crédit au Maroc" P 484.
32
L'opération, tout en permettant au client de disposer des fonds avant
terme, offre à la banque les moyens de faire valoir ses capitaux, sans les
immobiliser et en ne courant que des risques minimes(1).
En principe, les banques au Maroc n'escomptent que des traites ne
dépassant pas 120 jours d'échéance. La banque est donc sûre de récupérer
ses fonds dans lm délai maximum de 4 mois. Si elle a besoin de liquidités
plus rapidement, elle procède au réescompte de ses effets auprès de Bank
Al Maghreb.
A L'échéance, si le débiteur ne paie pas, la banque a la possibilité, non
seulement de se retourner contre lui, mais contre tous ceux dont la signature
figure sur la traite: tireur, endosseurs, avalistes...
Pour atténuer ce risque, les banques marocaines tiennent des fiches
d'escompte où elle enregistrent tous les incidents relatifs à l'escompte, ce
qui leur permet d'apprécier la personnalité et la solvabilité de ceux qui
apportent les effets à l'escompte. Le plafond de cette fiche est déterminé
par le banquier, en tenant compte des besoins théoriques maximums du
client, calculés par rapport au chiffre d'affaires et à l'usance pratiquée au
sein de la profession de l'entreprise, ainsi que des corrections qui pet"vent
y être apportées.
L'escompte constitue au Maroc, le crédit le plus utilisé par la clientèle et
par les banques.
L'escompte du papier commercial sur le Maroc a représenté près de 11%
du total des crédits à l'économie distribués par les banques en décembre 1988.
2/ Les crédits par caisse ou avances en comptes courants.
Par ce genre de crédit, la banque autorise le client à rendre son compte
débiteur dans la limite d'un maximum, sous réserve du respect de la
destination du crédit, ainsi que du délai de remboursement.
D'après Monsieur Sdùogel, il s'agit du moyen le plus simple
qu'utilisent les banques, lorsquelles décident de mettre à la disposition de
leur clientèle les capitaux qu'elle sollicite(2).
(1) M. DOGHMI "Rôle de la banque du Maroc dans le système monétaire et bancaire".
(2) Boudinot et Frabot: "Techniques et pratiques bancaires", édition Sirey, P 307
33
Dans ce crédit, on distingue principalement les facilités de caisse et les
découverts.
Les facilités de caisse sont des avances de très courte durée, permettant
aux entreprises de pallier à leur besoins intermitents de fin de mois, dans
l'attente de recettes, les quelques jours qui suivent le crédit(1).
Leur plafond est déterminé en fonction des besoins de l'entreprise, mais
n'excédent généralement pas tm mois de son chiffre d'affaires. Lorsque
cette facilité de caisse commence à accuser une certaine lourdeur, les
banques interviennent auprès de leur clientèle(2),
Le découvert est destiné à suppléer aux moyens de financement de
l'entreprise pendant tm certain temps, en vue de lui permettre de couvrir
des besoins immédiats, par anticipation à des recettes futures certaines.
Le montant du découvert est déterminé en fonction des besoins propres à
chaque entreprise ou à chaque opération. La durée de son utilisation peut
s'étaler sur plusieurs mois. Ce crédit peut parfois se présenter sous la
forme d'avances de fonds, matérialisées par des billets à ordre.
Les crédit par caisse pèsent lourdement sur la trésorerie des banques
qui les consentent. Aussi se montrent elles très vigilantes pour leur octroi.
3/ Le crédit de mobilisation des créances.
Ce crédit consiste d'après Mr Marshall, en l'escompte par tme banque,
d'un billet à ordre, émis par un industriel ou commerçant, en représentation
de créances que ce dernier détient sur ses clients(3).
En tirant des traites sur ses clients et en les portant à l'escompte d'une
banque, un industriel ou commerçant se procure un crédit qui alimente sa
trésorerie et se décharge en même temps sur la banque du souci d'assurer
le recouvrement de sa créance.
Les avantages du droit cambiaire sont transférés à la banque.
(1) A. Berrada : "Techniques de Banque et de Crédit au Maroc", éd. 5ECCA Casablanca, P 472.
(2) Idem.
(3) Marshall: Monnaie et crédit P 350.
34
Au Maroc, les entreprises, autres que bancaires et financières, ont été
récemment autorisées par Bank Al Maghreb(l) à emettre un nou~~au type
de titre commercial, appelé billet de trésorerie, négociable et à ordre, au
profit de personnes physiques ou morales, ayant mis à leur disposition
leurs liquidités excédentaires. Ces billets, soumis à l'accord préalable de la
banque centrale, sont émis pour une durée de 10 jours à 9 mois, pour un
nominal supérieur ou égal à un million de dirhams(2).
La mobilisation de ces crédits qui possèdent les caractéristiques des effets
de commerce, permet aux entreprises d'une certaine surface financière(3),
d'accéder au marché de l'argent à des conditions peut être plus avantageuses,
que celles du crédit bancaire(4).
Sont qualifiés mobilisables en pratique, les crédits réescomptables
auprès de Bank Al Maghrib. Il s'agit en fait d'effets admis comme supports
de refinancements qu'elle accorde.
Selon son règlement, Bank Al Maghrib subordonne l'admission des
effets commerciaux à son portefeuille à un certain nombre d'usances
particulières(5). En modifiant ces règles, l'Institut d'émission, peut en
principe agir d'une manière selective sur les concours distribués par les
établissements de crédit.
Certains effets sont dits réescomptables sans formalités particulières,
d'autres devant être soumis à certaines formalités. Certains autres sont
refusés.
Ainsi, le papier commercial matérialisant une opération conclue entre
commerçants, portant sur une marchandise ou une prestation de service,
n'a pas besoin d'accord de réescompte, sauf dans le cas où il ne répond pas
aux conditions fixées par Bank Al Maghrib, ou lorsqu'il s'agit de papier de
complaisance ou de cavalerie(6).
(1) Par décision dite réglementaire selon l'usage en vigueur dans cette institution. La légalité
de l'introduction de ces titres par décision réglementaire a été critiquée. Cf Mr Md Larbi
Ben Otmane: l'introduction au Maroc des billets de trésorerie RMDED 1988 nO 16 P 103.
(2) Mr Benotmane : "L'introduction au Maroc des billets de trésorerie RMDED 1988 n°
16 P 104. Cf également: A. Berrada. op. cit page 35.
(3) Benotmane : op. cit page 104.
(4) Le volume des transactions sur ces billets s'est fixé en fin 90 à 7,1 Mds DH, en augmentation
sensible de 1,3 Mds DH par rapport à 89 (rapport de Bank Al Maghrib 1990 P 118).
(5) Bank Al Maghrib: études et statistiques.
(6) M. IX)(;HMI : Rôle de la banque du Maroc dans le système monétaire et bancaire P 186.
Cf également, A Berrada : Techniques de banque et de crédit au Maroc P 482, et Md Larbi
Benotmane : La profession bancaire au Maroc P 202, voir aussi rapport de Bank Al
Maghrib, exercice 90. .
35
Inversement, pour le papier financier et le papier représentatif de crédits
à moyen terme, l'accord de réescompte est toujours requis.
Bank Al Maghrib exige cependant la signature d'un organisme spécialisé.
Le bénéfice du réescompte peut enfin être refusé au papier correspondant
à des transactions non commerciales telles que les prêts personnels.
Les effets pouvant accéder au portefeuille de Bank Al Maghrib doivent
être à 120 jours, de la date de création, à la date d'échéance, mais suivant
les branches d'activité, les tirages émis en règlement de certaines opérations,
doivent compter un terme inférieur (cas de certaines denrées alimentaires
ou produits pétroliers), ou au contraire bénéficier d'un terme plus long
(secteurs dont l'activité est saisonnière).
Le banquier qui accorde tm crédit excédent 4 mois doit souscrire à son
client des billets de 120 jours renouvelables, et ainsi de suite.
Les possibilités de recours de chaque établissement au réescompte
auprès de l'Institut d'émission sont déterminées en fonction de ses autres
ressources, et notamment de l'importance des dépôts de sa clientèle. Un
plafond de réescompte est fixé pour chaque établissement bancaire, mais
certains effets peuvent être mobilisés hors plafond(l).
Depuis Janvier 1988, les plafonds de réescompte ont été supprimés et
les banques doivent recourir aujourd'hui directement à un refinancement
auprès du marché monétaire, où seuls les effets de commerce réescomptables
sans formalités particulières sont admis(2).
Le recours des banques à Bank Al Maghrib s'est élevé en 1990 à 10,5
Mds de dirhams contre 11,5 Mds DH en 1989(3).
Le total des crédits à court terme octroyés par les banques marocaines
de dépôts s'est élevé en 1990 à 43.872 millions Dirhams. Leur part dans le
volume global des crédits est de 57,9%(4). .
(1) Cas des effets garantis partiellement ou totalement par l'état, des effets assortis de l'aval
de la caisse marocaine des marchés.
(2) Rapport de Bank Al Maghrib exercice 1990 P 106.
(3) Rapport de Bank Al Maghrib exercice 1990 P 106.
(4) Rapport de Bank Al Maghrib exercice 1990 P 106.
36
B) Les crédits à moyen terme mobilisables.
Ce sont des crédits destinés à faciliter le développement des moyens de
production de l'entreprise à financer les opérations de commerce extérieur et
la construction immobilière.
Leur durée varie de 25 mois à 7 ans. Ces crédits possèdent la caractéristique
d'être réescomptables auprès de Bank Al Maghrib.
La mobilisation de ces crédits permet aux banques de faire face aux
demandes de remboursement des déposants, étant donné qu'ils sont octroyés
à partir de dépôts à vue et à court terme(1).
Les banques ne s'engagent généralement à les accorder que dans la mesure
où elles sont secondées par des institutions spécialisées de crédit(2).
Ces crédits sont matérialisés par des traites renouvelables à 120 jours
d'échéance et sont réescomptables en première position(3) auprès d'organismes
financiers spécialisés(4). Ils ne sont présentés au réescompte de Bank Al
Maghrib que lorsqu'ils sont assortis de la garantie de la Caisse marocaine
des marchés ou de la Caisse centrale de garantie.
Selon l'objet de ces crédits, l'organisme spécialisé en cause est la B.ND.E,
principalement dans le domaine industriel et accessoirement dans le secteur
du tourisme, artisanat, agriculture modeme(5), la CN.CA. dans le domaine
agricole, pêche côtière.,,<6).
Par ailleurs, les organismes financiers spécialisés accordent directement
des crédits à moyen terme mobilisables auprès de Bank Al Maghrib après
Son accord préalable.
(1) M. DOGHMI: Rôle de la Banque du Maroc dans le système monétaire et bancaire P 180.
(2) Idem P 187.
(3) Article 31 du statut de Bank AI Maghrib.
(4) En 1988, une nouvelle forme de crédit à moyen terme réescomptable en faveur des petites
et moyennes entreprises est accordée directement par les banques sans intervention
d'O.F.S. dans le réescompte.
(5) Depuis 1986, au Maroc, la B.N.D.E. intervient de plus en plus dans le secteur de l'agriculture
moderne et du tourisme.
(6) Depuis 1987, la C.N.C.A. a élargit son intervention au financement de l'accéssion à la
propriété à la pêche côtière aux activités artisanales, forestières...
37
C) Les crédits à moyen et long terme non mobilisables.
Ce sont des crédits destinés également àfinancer des projets d'investissement,
mais dont la durée peut atteindre 15 ans, voire plus dans certains cas.
Ces crédits ne comportent aucune possibilité de mobilisation, ce qui
signifie qu'ils ne sont pas matérialisés par des effets réescomptables auprès
de Bank Al Maghrib ou auprès d'un organisme financier spécialisé. Les
banques les consentent généralement en faveur de personnes ou d'entreprises,
présentant un intérêt de clientèle important.
Ces crédits, où l'intérêt de clientèle prime sur les considérations relatives
à l'immobilisation de fonds sur une longue période, sont en pratique rares.
Les banques sont d'autant plus sévères pour leur octroi que les montants
de ceux ci sont importants et que la période de leur remboursement est
longue(l).
Le total des prêts à moyen et long terme, octroyé par les banques et
institutions financières spécialiséès, a atteint en 1990 31,856 millions de
dirhams. Leur part dans le total des crédits, est passée de 40% en 1989, à
42% en 1990. La part des banques dans cette catégorie de crédits s'est
élevée de 26% en 1989, à 29% en 1990(2).
Les crédits à court terme finançant les besoins courants des affaires sont
dévolus aux banques de dépôt. Ceux finançant les besoins de consommation
des particuliers font partie des attributions des sociétés de crédit à la
consommation, alors que les crédits à moyen et long terme sont octroyés
principalement par les organismes financiers spécialisés, en l'occurrence,
au Maroc, la B.N.D.E, la CN.CA, le CI.H.
Cette spécialisation est cependant nuancée dans la mesure où les banques
de dépôt accordent également des crédits à court terme aux particuliers et
des crédits à moyen terme à l'équipement des différentes entreprises(3).
§ II- Les crédits par signature.
Dans cette forme de crédit, la banque n'avance pas de fonds, elle prête
simplement sa signature, la confiance qu'elle inspire aux tiers(4).
(1) (1) Berrada : Techniques de banque et de crédit au Maroc P 441.
(2) Rapport de Bank Al Maghrib exercice 1990 P 106.
(3) Berrada :Techniques de banque et de crédit au Maroc P 256.
(4) Berrada : op cité P 256.
38
Cette combinaison présente un avantage pour la banque, parce qu'elle ne
l'oblige pas à verser des fonds, d'autant plus qu'elle se fait payer sa signature
aussi chère qu'en cas de prêt. Cependant, comme le fait remarquer Mr
Philips Simon(1) : "Dans tous les cas, l'intervention du banquier procure
aux trésoreries des avantages comparables à ceux d'une avance de fonds.
Elle comporte d'ailleurs le même risque pour la banque qui devra faire
honneur à sa signature en cas de défaillance du débiteur".
Ainsi, lors de l'octroi de ce genre de crédit, la banque se livre à une
étude très minutieuse, comme d'ailleurs dans n'importe quel autre concours
bancaire.
Dans ce genre de crédit, on distingue: l'acceptation de cautionnement
et l'aval.
A) L'acceptation.
Dans un crédit d'acceptation, la banque prête simplement sa signahlre,
sans avoir l'intention d'avancer des fonds. L'établissement bancaire
accèpte une traite de l'emprunteur ou de personnes désignées par celui ci.
Le détenteur de la traite peut alors se procurer de l'argent en la négociant
à d'autres banquiers.
Le crédit par acceptation apparait peu dans le commerce intérieur, il est
utilisé surtout dans le commerce extérieur.
B) Le cautionnement.
D'après l'article 1117 du Doc, le cautionnement est un contrat par lequel
une personne s'oblige envers le créancier à satisfaire à une obligation du
débiteur si celui ci n'y satisfait pas lui même.
Les banques sont souvent amenées à cautionner leurs clien~s. Le banquier
prête son propre standing au client.
La caution peut avoir lieu vis à vis des administrations publiques, en
faveur des titulaires de marchés avec ces administrations, ou de bénéficiaires
de certaines facilités douanières, comme elle peut avoir lieu au profit des
particuliers.
(1) Cf Mr Frabot op cité P 312.
39
Les cautions délivrées par les banques établissent une solidarité entre le
débiteur et la caution c'est à dire la possibilité pour le créancier de poursuivre
à la fois le débiteur principal et la caution, ou seulement l'un d'entre eux. Les
banques prennent généralement soin de demander la stipulation expresse de
la solidarité de la caution et la précision de la somme cautionnée.
Cette stipulation reflète leur intention de n'invoquer ni bénéfice de
discussion ni bénéfice de révision.
La discussion, est le droit que possède la caution d'exiger que soient
réalisés au préalable les biens meubles et immeubles du débiteur principal,
avant d'être poursuivie elle même(1).
La division rend possible la répartition des charges de l'obligation dans
une proportion donnée, entre le débiteur principal et la caution.
La précision de la somme cautionnée permet d'éviter les interprétations
qui peuvent s'avérer par la suite défavorables à la banque ou à la caùtion(2).
L'article 1118 du Doc précise à cet égard que "celui qui charge une autre
personne de faire crédit à un tiers en s'engageant à répondre pour ce dernier,
répond en qualité de caution et dans la limite de la somme indiquée par
lui, des obligations contractées par les tiers... S'il n'a pas été fixé de limites,
la caution ne répond que jusqu'à concurrence de ce qui est raisonnable,
selon la personne à qui le crédit est ouvert".
C) L'aval.
Il constitue un cautionnement particulier, lié au droit de change(3). C'est
l'engagement fourni par le tireur, ou le signataire de l'effet, qui se porte
garant du paiement.
La banque est souvent amenée à avaliser les traites tirées ou acceptées
par ses clients.
La loi précise que l'aval a pour effet d'engager l'avaliste de la même
manière que celui dont il s'est porté garant (art 147. 7è al du code de
commerce).
(1) Art. 1136 du Doc.
(2) A. Berrada op cité.
(3) A. Berrada. Op. cité P 315.
40
L'aval peut être donné sur l'effet de commerce, sur acte séparé, ou sur
une allonge(l), il est exprimé par la mention "Bon pour aval" ou toute
formule équivalente, accompagnée de la signature du donneur d'aval.
Le donneur d'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné, à
défaut de cette indication, il est stipulé être donné pour le compte du tireur,
s'il s'agit d'une lettre de change (art 147, 6è al), et du souscripteur, s'il
s'agit d'un billet à ordre (art 194 du Doc).
§ III- Crédits spéciaux.
On distingue à cet égard le leasing ou crédit bail, ainsi que le forfaiting,
et le factoring.
A) Le leasing ou crédit bail
Il s'agit d'une forme nouvelle de crédit par location. Fort développé aux
Etats Unis où il a fait son apparition(2), il s'est répandu ensuite dans les pays
européens et plus récemment au Maroc, où il a été introduit en 1965(3).
Le leasing s'apparente à la fois à une opération de financement et à une
opération de location. Il met en présence trois parties: le constructeur, la
société de financement et le locataire. Ce dernier choisit son matériel. La
commande est ensuite passée au constructeur par la société de leasing, qui
reste propriétaire du matériel pendant toute la durée de location(4).
A l'expiration du contrat, le locataire peut ou bien rendre le matériel, ou
l'acquérir pour sa valeur résiduelle fixée par barème (2 à 7% du prix
d'achat au Maroc), ou bien procéder au renouvellement du contrat de location
avec un loyer minime.
Au moment de la conclusion du contrat, les sociétés de leasing prévoient
dans la plupart des cas le versement d'une garantie par le client. Celle ci
représente en fait, la part du financement incombant au locataire et peut
être assimilée à un loyer payé d'avance(5).
(1) Art. 147 3è al. du Doc.
(2) Boudinot et Frabot "Techniques et pratiques bancaires" P 247, voir aussi M. A. Mekouar
R.M.D.E.D 1988, nO 16 P 55.
(3) A. Berrada op cit P 100.
(4) Henri Guitton précis Dalloz P 54.
(5) A. Berrada : op cité P 462.
41
Cette nouvelle forme de crédit par location permet à l'entreprise, au
lieu d'immobiliser au départ des fonds propres, ou des capitaux empruntés,
et de pratiquer chaque année des amortissements, de disposer du matériel
et mobilier préalablement choisi, en déboursant simplement des annuités
correspondant au prix de location du matériel.
On a souvent reproché à ce mode de financement d'être trop cher et de
favoriser le matériel standard, au détriment du matériel hautement technique,
susceptible de diversifier la production et de contribuer au développement
économique.
B) Le forfaiting et le factoring.
Ce sont des techniques nouvelles de financement des exportations. Très
développées aux Etats Unis et en Europe(1), elles ont été introduites au
Maroc à la fin des années 80(2).
Ces techniques constituent des formules d'escompte sans recours qui
permettent à tm exportateur de mobiliser à l'étranger ses créances à court
terme, après avoir vendu sa marchandise à l'étranger.
Le forfaiting consiste pour tm organisme à.acheter sans recours tme
créance cédée par tm exportateur, sur la base d'tm effet escompté par le
tiré (client de l'exportateur).
Le factoring s'apparente au forfaiting avec cette différence que l'organisme
achète la créance qui est matérialisée par tme ou des factures accompagnées
de quittances subrogatives établies en sa faveur.
Section Il : Les instruments de crédit.
Le crédit se développe à partir de valeurs fournies par le prêteur. Ces
valeurs sont matérialisées par des effets de commerce qui sont des moyens
de paiement représentant une créance d'argent payable à court terme,
conformément aux usages commerciaux. Les effets de commerce sont
négociables, c'est à dire transmissibles par les prodédés rapides de droit
commercial.
(1) Boudinot et Frabot : op cité P 415.
(2) A. Berrada :Techniques de banque et de crédit au Maroc P 606.
42
Répondent à ces caractéristiques, la lettre de change, le billet à ordre, le
warrant et le chèque que nous excluons, car il ne constitue pas un instrument
de crédit.
§ 1- La lettre de change
Définition:
La lettre de change ou traite est un écrit aux termes duquel le créancier
(tireur) ordonne au débiteur (tiré), de payer une somme d'argent à une
échéance convenue, à une tièrce personne (le bénéficiaire), qtli est le créancier
du tireur, ou à son ordre(l).
Elle est régie au Maroc par le Dahir du 13 Août 1913, modifiée par le
Dahir du 19 Janvier 1939, formant titre 9è du chapitre 1er du code de
commerce.
A- Création et circulation de la lettre de change.
La création et la circulation de la lettre de change supposent son acceptation
par le tiré.
V L'acceptation.
C'est l'engagement que prend le tiré sur la lettre de change de la payer
à l'échéance et qui transforme le tiré en débiteur cambiaire.
Elle suppose de sa part une obligation préexistente, qualitiée en droit
cambiaire de "rapport fondamental,,(2).
Lors de l'émission de la lettre de change, le tiré remet la lettre au
bénéficiaire, parce que celui ci lui fournira un bien ou un service. L'acceptation a
pour but de confirmer l'existence de la provision ainsi que l'accord du tiré,
relatif à son intention de régler la lettre de change à l'échéance.
L'article 146 du DCC précise, que "par l'acceptation, le tiré s'oblige à
payer la lettre de change à l'échéance". Cependant, doit avoir lieu entre les
mains du porteur.
(1) J. Ferronière : Les opérations de banque 4è éd. P 113, cf également M. Guitton Précis Dalloz
TIl, 4è éd. P 29 er P. Camboue: Monnaie crédit Banque P 31.
(2) A. Mikou "Le principe de l'inopposabilité des exceptions entre le droit et la pratique
bancaire", RMDED Casablanca n° 16 -1988 P 88. Cf également Roblot: "Traité élémentaire
de droit commercial",
43
La Cour Suprême a affirmé1) à cet égard, "Qu'en acceptant la lettre de
change, le tiré s'engage cambiairement à régler son montant au porteur
légitime..., et tout paiement de la lettre de change entre les mains d'une
personne autre que le porteur, ne libère nullement le tiré à l'égard du
porteur légitime".
L'article 138 du DCC, précise que "le détenteur d'une lettre de change
est considéré comme le porteur légitime, s'il justifie de son droit par une
suite inintérrompue d'endossements, même si le dernier endossement est
en blanc".
L'acceptation se traduit par la signature du tiré au recto de la lettre de
change. Cette signature est nécessaire pour la circulation de la lettre de
change et sa négociabilité.
21 L'endossement
Il consiste en l'insertion d'une mention au dos du titre.
L'article 135 du DCC précise que "toute lettre de change, même non
expréssement tirée à ordre, est transmissible par endossement.
L'endosseur remet la lettre de change au porteur, en réglement d'une
dette dont il est tenu à son égard. Celui ci peut endosser la lettre à nouveau
et toute condition à laquelle est subordonné l'endossement est réputée non
écrite. (art 135 al3 du DCC).
D'après l'article 137, l'endosseur est sauf clause contraire, garant de
l'acceptation et du paiement. Il peut interdire un nouvel endossement,
auquel cas il n'est pas tenu à la garantie envers les personnes auxquelles la
lettre est ultérieurement endossée.
L'endossement peut revêtir 3 modalités:
- L'endossement pignoratif qui implique le nantissement de la lettre de
change à titre de gage. Cet endossement est rare dans la pratique, il est
utilisé surtout par les banquiers pour les traites d'une grande valeur, afin
de garantir une ouverture de crédit(2).
(1) CS 21 Avril 1976 nO 219 recueil des arrêts de la CS de 1962 à 1982 publication de l'association
de développement des recherches et des études juridiques 1985 (en arabe).
(2) Roblot : Traité élémentaire de droit commercial nO 2056 P 180.
44
- L'endossement par procuration ne confère à l'endossataire qu'un simple
mandat de recouvrement(l), le bénéficiaire de l'endossement doit exécuter
son mandat suivant les instructions qui ont été données à l'endosseur.
- L'endossement translatif est le mode de transmission le plus utilisé.
Conformément à l'article 136 du OCC, il transmet à l'endossataire tous les
droits résultant de la lettre de change, dont notamment la propriété de la
provision conformément à l'article 134 al3 du OCc.
Le bénéficiaire qui reçoit la lettre de change à la suite de l'endossement
devient le véritable propriétaire.
B) Prérogatives inhérentes à la lettre de change.
La lettre de change confère à son détenteur certaines prérogatives. On
peut citer notamment le principe de l'inopposabilité des exceptions et
celui de la solidarité des signataires.
a- Le principe de l'inopposabilité des exceptions.
Conformément à l'article 139 du code de commerce, "les p'~rsonnes
actionnées en vertu d'une lettre de change ne peuvent opposer au porteur
les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou les
porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre de
change, n'ait agit sciemment au détriment du débiteur".
L'acceptation de la lettre de change, puis son endossement, purgent par
conséquent, en faveur du bénéficiaire, les moyens de défense que le tiré
aurait pu invoquer contre le tireur et les porteurs successifs et ce, à la
différence de la cession civile de créance, au sujet de laquelle l'article 207
du Doc précise que : "le débiteur peut opposer au cessionnaire toutes les
exceptions qu'il aurait pu opposer au cédant, si elles étaient déjà fondées
au moment de la cession ou de la signification".
Cette règle est basée sur l'idée que la lettre de change est une monnaie
fiduciaire qui doit circuler rapidement, en pleine sécurité pour son bénéficiaire.
(1) A. Mikou op cité P 95. Cf également A. Berrada Op cité P 244.
45
La jurispmdence a fait du principe de l'inopposabilité des exceptions
une application très rigoureuse. C'est ainsi que la Cour Suprême(1) a infirmé
un arrêt de la chambre d'appel de Tanger (qui relevait à l'époque de la C.A
de Fès). Cet arrêt avait donné droit au tiré, qui avait déjà réglé au tireur le
montant d'lme lettre de change. La Cour Suprême a infirmé cette décision
et a condamné le tiré à régler le montant de la lettre de change au banquier
porteur.
Après avoir rappelé que l'endossement de la lettre de change, transfère
à l'endossataire tous les droits qui s'y attachent, la Cour Suprême a conclu
"que le paiement entre les mains d'une personne autre que le porteur de la
lettre de change ne libère nullement le tiré à l'égard du porteur légitime".
Les tribunaux vont encore plus loin et ne procèdent à aucune recherche
sur la condition d'application de ce principe, à savoir la bonne foi du porteur.
C'est ainsi que le tribunal de 1ère instance de Casablanca avait condamné
une société qui a accepté une lettre en paiement d'une marchandise qui ne
lui a pas été livrée, à payer à la banque le montant de cette lettre de
change, en plus de dommages et intérêts bien que, sur requête d'une tierce
société, la marchandise ait été immobilisée au départ et n'ait pu être livrée
à la société en question et bien que le vendeur ait avisé le banquier par let-
tre, que les effets étaient sans provision et donc nuls(2).
Ce principe de l'inopposabilité des exceptions se renforce par un autre
principe qui est celui de l'obligation solidaire de tous les signataires au
paiement de la lettre de change.
b- L'obligation solidaire des signataires.
D'après l'article 151 du DCC, "le porteur de la lettre de change doit la
présenter au paiement, soit le jour où elle est payable, soit l'un des deux
jours ouvrables qui suivent".
En principe, il n'est admis d'opposition au paiement, conformément à
l'article 156, qu'en cas de perte de la lettre de change, ou en cas de faillite
du porteur.
(1) Arrêt de la CS du 21 Avril 76 nO 219, recueil des arrêts de la CS de 1962 à 1982.
(2) Tribunal de 1ère instance de Casablanca 30 Août 1979 Banque Générale du Commerce,
contre Société Bocatex et Société Record de Paris. R.M.D. nO 1955 P 144 et 5 note de F. P
Blanc P 147.
46
Lorsque le tiré refuse de payer la lettre de change, le bénéficiaire se
retourne contre les différents endosseurs, le tireur et les autres obligés.
Toutes ces personnes, lui doivent la garantie de paiement. Le porteur peut
les assigner toutes ou séparément, en même temps ou successivment(l).
Ce recours contre les différents signataires n'est cependant possible,
que si le porteur avait présenté la lettre de change au paiement dans les
conditions légales. Il doit en outre faire dresser lm protêt, qui est un acte
authentique fait par un agent du greffe, qui doit être établi conformément
à l'article 161 du DCC, l'un des 2 jours qui suivent le jour où elle est payable.
§ II- Le billet à ordre.
Le billet à ordre est un écrit par lequel le souscripteur s'engage à payer
une somme déterminée au bénéficiaire, à une certaine échéance(2).
Le billet à ordre est couramment utilisé par les établissements de crédit
(banques, établissements financiers, sociétés de crédit) pour la mobilisation
et le remboursement de leur concours.
Deux noms seulement y figurent lors de la rédaction: le nom du débiteur
qui promet de payer une somme d'argent et celui du créancier à l'ordre de
qui la somme sera payée.
L'article 194 du DCC précise que les dispositions relatives à la lettre de
change sont applicables au billet à ordre.
L'article 195 du Dahir précité précise que le souscripteur d'un billet à
ordre est obligé de la même manière, que l'accepteur d'une lettre de
change.
Le porteur d'un billet à ordre impayé bénéficie également des recours
du droit de change et des règles juridiques liées à ce droit notamment en
ce qui concerne l'inopposabilité des exceptions.
(1) Cf à cet égard Md Fassi Fihri : "Les moyens de preuve des créances du banquier et les
procédures de recouvrement". nO 16 - 1988, P 140.
(2) Ferronnière: Les opérations de banque 4è éd. P 127. Cf également H. Guitton précis Dalloz
TIl, 4è éd. P 31 et A. Berrada : Techniques de banque et de crédit au Maroc P 248.
47
§ III- Le warrant.
Le warrant est un effet de commerce annexé à un récépissé, cerfitiant le
dépôt de marchandises dans les magasins généraux. Il est assimilé
généralement à un billet à ordre où le souscripteur procure en garantie de
son engagement des marchandises en gage.
Il est régi au Maroc par le Dahir du 3 Juillet 1915, instituant et réglementant
les magasins généraux, modifié par les dahirs des 25 juin 1973 et 15 juin
1954.
L'article 15 du Dahir en question précise que le warrant donne la possibilité
de mettre en nantissement la marchandise.
Comme la lettre de change et le billet à ordre, le warrant est transmissible
par endossement.
L'article 25 du Dahir du 6 juin 1915 précise que: "les établissements
publics de crédit peuvent recevoir les warrants comme effets de commerce,
avec dispense d'une des signatures exigées par leur statut.
Les avances bancaires qui sont consentis sur un warrant n'excédent
généralement pas 80% de sa valeur.
Au moment de l'avance, le client endosse le warrant, séparé du récépissé,
au profit du banquier bailleur de fonds. Cet endossement équivaut au
nantissement de la marchandise(l).
Aux termes de l'article 17 du Dahir précité, le premier cessionnaire du
warrant doit immédiatement faire transcrire l'endossement sur les registres
du magasin.
L'intérêt de cette transcription est de rendre opposable aux tiers, notamment
au détenteur du récépissé, les sommes avancées sur les marchandises
warrantées en dépôt.
Le warrant est payable à la date d'échéance indiquée sur l'endossement et
au domicile du magasin général.
En cas de non paiement, le détenteur peut établir un protêt constatant la
défaillance du débiteur et procéder à la vente de la marchandise engagée
sans aucune formalité de justice, 8 jours après le protêt.
(1) Cf à cet égard A. Berrada op cité P 503.
48
Section III : les conditions de crédit.
On entend par conditions de crédit, aussi bien le prix du crédit, que les
garanties qui lui sont liées.
§ 1- Le prix du crédit
Lors de l'octroi d'un crédit ou à l'occation d'une prestation de service,
le banquier perçoit des intérêts et des commissions qui constituent le prix
du crédit et par conséquent, la charge par excéllence qui vient gréver les
opérations de prêt. Leur montant est indu dans le prix des entreprises qui
recourent au crédit.
La réglementation de ces charges contribue à maîtriser le développement
du crédit(l). Leur diminution entraine une incitation à emprunter, tandis
que la réduction des demandes de crédit est liée à leur augmentation.
A) L'intérêt.
JI constitue une somme calculée en pourcentage du capital prêté ou dû
à verser annuellement au créancier, en rémunération de la privation ou de
l'attente du capital(2).
Economiquement parlant, l'intérêt constitue la rémunération de celui
qui renonce à la liquidité et la met à la disposition d'autrui(3).
Autrement dit, l'intérêt constitue le loyer de l'argent. Il est directement
proportionnel au montant du capital emprunté, à la durée de l'emprunt et
au taux d'intérêt convenu entre le prêteur et l'emprunteur(4).
Au Maroc, l'organisation professionnelle des banques avait reçu
délégation permanente du comité des banques, pour régler toutes les
questions relatives aux tarifs bancaires. Ces dernières étaient considérées,
en vertu de la réglementation bancaire de 1943, comme faisant partie de la
profession bancaire(5). La réglementation élaborée prévoyait des taux
maxima d'intérêt servis aux comptes créditeurs, et des taux minima,
(1) Cf "Bank Al Maghrib" Etudes et statistiques 1975. P 52.
(2) Dictionnaire de Droit.
(3) Dictionnaire de gestion.
(4) Dictionnaire de gestion.
(5) Md Larbi Benotmane : La profession bancaire au Maroc P 204
49
applicables aux comptes débiteurs (découvert...) et aux opérations de
banque (escompte).
Ces tarifs étaient souvent violés par les banques, en raison notamment
de la liberté dont elles jouissaient, ce qui représentait un facteur considérable
d'enchérissement des opérations de banque(1).
Cette situation s'est prolongée même après la promulgation de la loi
bancaire de 1967. Ce n'est qu'en 1974, date du premier choc pétrolier, que
les préoccupations monétaires ont pris le pas dans divers pays, sur le souci
économique proprement dit(2).
La remise en cause de la croissance dans le monde a rendu nécéssaire,
la priorité donnée à la lutte contre l'inflation et à la surveillance de la
masse monétaire, afin de défendre la valeur de la monnaie(3).
Au Maroc, la réforme des taux d'intérêts a COnstihlé par conséquent, un
élément de la politique financière générale, élaborée conformément aux
orientations tracées par le plan 73 - 77 qui visent d'une part à faciliter la
formation et la consolidation de l'épargne et d'autre part, à donner aux
autorités monétaires, la possibilité de mieux maîtriser le volume des
concours distribués à l'économie, tout en favorisant certains secteurs(4).
Cette réforme s'est traduite par plusieurs arrêtés ministériels(5) complétés
par des décisions réglementaires(6) et enfin par des circulaires(7).
Les commissions bancaires ont continué à relever de la réglementation
bancaire et étendues comme usages applicables par la profession tout en
lui étant opposables(8).
1/ Les intérêt créditeurs.
Ils sont versés aux déposants, en vue de"les inciter à placer leurs fonds
en dépôts. Leur structure a été hiérarchisée, afin de permettre une extention
et une consolidation de l'épargne.
(1) Idem P 204.
(2) A. Berrada : op cité P 344.
(3) Idem
(4) Banque du Maroc "Etudes et statistiques" 1975 P 62.
(5) 26 Juin 1974, 30 Juin 1975.
(6) décisions nO 15 -16 -17.
(7) n° 123/74,97/75, 102/75,63/75.
(8) Md Larbi Benotmane op cité P 205.
50
Selon le premier plan de réforme lancé au Maroc en 1974, ainsi que
l'arrêté du 22 septembre 1950, des dépôts ne peuvent être rémlmérés à
l'exception de ceux des entreprises d'assurance, de réassurance et des
organismes de prévoyance sociale qui sont rémunérés à 5% par an(1).
Cette interdiction de la rémlmération des dépôts à vue est maintenue
dans la loi bancaire de 1993.
La rémlmération des dépôts à terme est subordonnée actuellement à
une échéance de 3 mois, au lieu d'un mois. L'ouverture du compte résulte
d'une convention entre le déposant et le banquier, précisant les modalités
de fonctionnement et de rémunération dudit compte, ainsi que les conditions
de récupération des fonds avant l'échéance(2).
La rémlmération minimum servie au dépôts à 3 mois d'échéance est de
8,5%. Ce taux a été maintenu dans la loi bancaire de 93. Au delà de 3 mois,
les taux sont libres(3).
Les remboursements anticipés ne sont autorisés que dans des circonstances
exceptionnelles. Les avances consenties supportent des intérêts débiteurs
décomptés à un taux supérieur à 2 points au taux d'intérêt créditeur,
préalablement utilisé<4).
21 Les intérêts débiteurs.
La réforme de ces taux a été entreprise en Juillet 1975. La grille nouvelle
des taux a été simplifiée et mieux hiérarchisée.
La simplification a été faite dans le sens de la limitation des catégories de
crédit. La hiérarchisation s'est traduite par une certaine gradation des taux,
en fonction de la durée du crédit et pour chaque catégorie de concours(5).
Les taux débiteurs s'expriment en taux maxima et minima.
L'article 873 du Doc précise que "les intérêts ne peuvent être calculés
que sur la base d'une année", il ajoute, "qu'en matière commerciale les
intérêts peuvent être calculés au mois".
(1) Décision réglementaire de Bank Al Maghrib nO 68 du 8 octobre 1990.
(2) Annexe nO 1 à la décision de Bank Al Maghrib du 1/7/74.
(3) Décision réglementaire de Bank Al Maghrib nO 68 du 8 octobre 1990.
(4) Décision réglementaire du Bank Al Maghrib nO 68 du 8 oct 90.
(5) Banque du Maroc: "Etudes et statistiques".
51
En cas d'escompte de papier commercial ou de rnnbili::;ation de papier
de trésorerie, les intérêts sont calculés sur le nombre de jours s'écoulant
entre, d'une part, la date de remise ou de la mobilisation, et d'autre part le
jour de l'échéance (ou le jour du réglement effectif, en cas de report
d'échéance). Le jour de la remise ou de la mobilisation, et le jour de
l'échéance, sont l'un et l'autre décomptés dans le calcul des agios(l).
Les effets escomptés et réclamés avant leur échéance ne donnent lieu à
aucune ristourne d'intérêts. De plus, quelque soit la durée du crédit, un
minimum est perçu selon la nature de l'effet. Il est fixé entre 10 et 15 jours
de calendrier.
Les taux débiteurs s'expriment en taux maxima et minima. Les banques
ont tendance à plafonner autour des maximums prévus, sauf pour
quelques grandes affaires, ou sociétés d'envergure et à quelques rares
exceptions prés(2).
Les crédits à moyen terme et les crédits de financement des marchés
publics, avec intervention de la caisse marocaine des marchés, s'expriment
en taux lmiques.
Ainsi, les crédits à court terme mobilisables sont assujettis à des taux
minimums fixés entre 5 à 9,5% et des taux maximums allant jusqu'à 13%,
lorsqu'ils ne sont pas mobilisables(3).
Les taux des crédits à moyen et long terme varient entre 9 et 14% pour
les crédits mobilisables et 12 à 14% pour les crédits non mobilisables(4'.
A compter du 1er Avril 1985, les autorités monétaires ont supprimé
les taux minimums prévus pour les différents catégories de crédit. Cette
suppression s'est identifiée au sein des établissements de crédit par la
politique du "Prime Rate", que l'on peut traduire ainsi: aux meilleurs
clients les meilleurs taux.
Cette politique a c<mduit les institutions bancaires à favoriser plus les
grandes entreprises à prix de revient faible et qui peuvent supporter des
frais financiers élevés, que les petitres et moyennes entreprises, qui sont
plus vulnérables en la matière(5J.
(1) Décision réglementaire de Bank Al Maghrib n° 87 du la Mars 1992.
(2) A. Berrada :op cit P 345.
(3) Décision réglementaire de Banque Al Maghrib nO 69 du 8 octobre 1990.
(4) A ces taux s'ajoutent des commissions frais et taxes exposés par la banque.
(5) A. Berrada op cité P 346.
52
A compter du 1er octobre 1990, pour les crédits à court terme et 1er
Janvier 1991, pour les crédits à moyen et long terme, les taux d'intérêts
sont devenus libres. Ils ne peuvent cependant dépasser de plus du tiers le
taux moyen des adjudications des bons de trésor à un an du trimestre
précédent, tel que communiqué par Bank Al ~~~ghrib(1).
Les demandeurs de prêt à moyen et long terme peuvent en accord avec
les banques ou les organismes financiers spécialisés prêteurs opter, soit pour
la fixité, soit pour la variabilité des taux d'intérêts qui leur seront appliqués(2).
Les taux d'intérêts ne doivent pas excéder de plus du tiers, le taux
d'intérêt moyen pondéré, servi sur les dépôts à 6 mois et un an durant le
mois précédent, tel que communiqué par Bank Al Maghrib.
La variabilité des taux d'intérêts est basée sur l'évolution d'un taux de
référence, COnstihlé par le coùt moyen des dépôts et bons de caisse à 6
mois et à un an, calculé sur une période de 12 mois (de 1-: date de départ
du prêt à sa date anniversaire). Il est égal à la moyenne arithmétique des
coûts des dépôts et bons de caisse à 6 mois et à lm an tels que diffusés
mensuellement par Bank Al Maghrib au titre de la période considérée(3).
La variation des taux d'intérêt peut être répercutée totalement ou
partiellement une fois par an, à la date anniversaire du prêt, dans la limite
de 2 points maximums par an et 5 points maximums, pendant toute la durée
du prêt d'un terme égal ou inférieur à 7 ans, et 7 points maximums, quand
la durée du prêt dépasse 7 ans(4).
Lorsque le débiteur ne paie pas les intérêts aux échéances convenues,
les intérêts deviennent à leur tour productifs d'intérêts.
Cette capitalisation des intérêts est appelée anatocisme (cf P. 58).
L'application des taux d'intérêts débiteurs appelle une remarque quant
à leur légalité. En effet, l'article 875 du Doc énonce :
liEn matière civile et commerciale, le taux légal des intérêts et le maximum
des intérêts conventionnels sont fixés par un Dahir spécial".
(l) A titre indicatif le taux moyen des adjudications des bons du trésor au cours du 3è trimestre
90, était de 10,75% entrainant un taux maximum pour le 4è trimestre de 10,75 +3,58 = 14,33%.
(2) Circulaire de Bank Al Maghrib nO 2 du 23 Janvier 92.
(3) Circulaire de Bank Al Maghrib nO 2 du 23 Janvier 92.
(4) Circulaire de Banque Al Maghrib nO 2 du 23 Janvier 92.
53
§ II- Les garanties liées au crédit
Ces garanties sont destinées à assurer le paiement des créances bancaires
et à prémunir les banques contre les conséqueces d'tme éventuelle insolvabilité
du débiteur. Elles ont connu de nos jours tm important développement, au
point où certains promoteurs les considèrent comme des handicaps à leurs
initiatives et au développement de leur entreprise(1).
On distingue classiquement les garanties réelles, les garanties personnelles,
en plus de la garantie indirecte: l'anatocisme.
A) Les garanties personnelles
Ces garanties consistent en l'engagement d'une ou de plusieurs personnes
à se substituer au débiteur dans le paiement d'une dette, si celui ci ne paie
pas à l'échéance.
Ces garanties se réalisent sous forme de cautionnement, ou d'aval
(cf. 39 et S).
B) Les garanties réelles.
Ces garanties portent sur le nantissement de biens meubles ou immeubles.
Aux termes de l'article 1170 du Doc, flle nantissement est un contrat par
lequel le débiteur, ou un tiers, agissant dans son intérêt, affecte une chose
mobilière ou immobilière, ou un droit incorporel, à la garantie d'une
obligation et confère au créancier le droit de se payer sur cette chose, par
préférence à tous autres créanciers, au cas où le débiteur manquerait à la
satisfaire".
Les biens les plus divers peuvent être constitués en garantie d'une
dette.
L'article 1174 du Doc précise que "tout ce qui peut être valablement
vendu, peut être objet de nantissement". C'est le cas par exemple des
immeubles, du fonds de commerce, du matériel, des marchandises, des
valeurs mobilières...
(1) A. Berrada : op cit P 286.
56
Les prérogatives inhérentes à ces garanties, notamment leur consistance,
expliquent qu'elles soient d'une utilisation très répandue dans la profession
bancaire(l).
Les banques se préoccupent toujours de l'évaluation des biens qui leur
sont donnés en nantissement, en vue de connaitre leur valeur réelle et
veillent à la régularité des actes constituant la base de leur garantie.
Les garanties immobilières sont constituées généralement sous forme
d'hypothèque.
Aux termes de l'article 157 du dahir du 12 Août 1913 sur l'immatriculation
des immeubles : "l'hypothèque est un droit réel immobiler sur les immeubles,
affecté à l'acquittement d'une obligation. Elle est de sa nature indivisible et
subsiste en entier sur les immeubles. Elle les suit dans quelques mains
qu'ils passent".
Sans déposséder le propriétaire de l'immeuble grévé, l'hypothèque
confère au créancier un droit réel immobilier qui lui permet, s'il n'est pas
payé à l'échéance, de faire vendre le bien en quelque mains où il se trouve
(droit de suite) est d'être payé sur le prix de vente avant les autres créanciers
(droit de préférence)(2).
Le nantissement mobilier ou gage est réservé aux biens meubles.
Aux termes de l'article 1184 du Doc : "le gage confère au créancier le
droit de retenir la chose jusqu'à parfait acquittement de la dette, de la vendre
si l'obligation n'est pas acquittée et d'être payé sur le prix en cas de vente
par privilége à tout autre créancier".
Le créancier doit veiller à la garde et à la conservation de la chose, ainsi
qu'au droit dont il est nanti, avec la diligence avec laquelle il conserve les
choses qui lui appartiennent (art 1204 du Doc).
Le gage garantit le principal de la dette et ses accessoires, ainsi que les
dépenses et les frais nécéssités pour sa conservation et pour parvenir à sa
réalisation.
(1) A. Berrada : op cit P 319.
(2) Decroux: "Le droit foncier marocain", éd. La Porte P 388.
57
En cas d'inéxécution même partielle de l'obligation, l'article 1281 du
DOC, permet au créancier dont la créance est exigible, "sept jours, après
tme simple signification faite au débiteur et au tiers bailleur du gage, s'il y
en a un, de faire procéder à la vente publique des objets donnés en gage".
La vente est effectuée dans les formes prévues sur saisie exécution, par
dahir sur la procédure civile.
C) L'anatocisme.
Il constitue une garantie indirecte liée à l'opération de crédit. Lorsque le
débiteur ne paie que les intérêts convenus aux échéances fixées, les intérêts
deviennent à leur tour productifs d'intérêts. Cette capitalisation des intérêts
est appelée anatocisme.
En vertu de l'article 874 du DOC: "est nulle entre les parties, la stipulation
que les intérêts non payés, seront à la fin de chaque année capitalisés avec
la somme principale, et seront productifs eux même d'intérêts"(l).
En vertu de cet article, l'anatocisme se trouve interdit. Cependant, l'article
873, après avoir précisé que les intérêts ne peuvent être calculés que sur la
base d'tme année, ajoute:
"En matière commerciale, les intérêts peuvent être calculés au mois. Il
énonce ensuite que les intérêts ne peuvent être capitalisés, même en
matière de compte courant, si ce n'est à la fin de chaque semestre".
Cet alinéa, permet donc la capitalisation des intérêts en matière
commerciale(2), à la fin de chaque semestre, ce qui fait échec à l'interdiction
de l'anatocisme édictée à l'article 874.
La pratique bancaire marocaine est de capitaliser à la fin de chaque
trimestre(3).
Cette pratique est en contradiction avec les dispositions de l'article 873
du DOC qui ne permettent Iâ capitalisation en matière commerciale qu'à
la fin de chaque semestre.
(1) Cf arrêt de la Cour de Cassation du 17 oct. 1934. Recueil marocain Penant 1939 II P 85.
(2) Cours de cassation 17 oct. 1934 GTM 1934 P 340; Tribunal de 1ère instance de Casablanca
5 février 1934 GTM 1934 P 67.
(3) Decroux : Le droit des sociétés, éd. La Porte 1988, P 46.
58
CHAPITRE II
Définition du concept Islamique
de référence
L'activité des banques occidentales est basée sur l'intérêt. Or, l'intérêt
est formellement interdit par le Droit Musulman, pour des raisons d'égalité
et de justice entre les parties contractantes .à un triple point de vue, religieux
social et économique.
Cette interdiction se justifie, car elle trouve sa source dans le Coran et la
Sounna. Ces deux sources ne se limitent point à poser l'interdiction; elles
pénalisent la violation de la préscription, lui donnant un véritable concept
d'infraction sévèrement sanctionnée.
Ainsi, les fondements de l'interdiction de l'intérêt feront l'objet de notre
première section.
La deuxième section sera consacrée à la pénalisation de l'usage de
l'intérêt.
59
Section 1: Les fondements de l'interdiction
Pour le droit Musulman, l'intérêt est formellement interdit, aussi bien
par le Coran que par la Sounna. Ces deux sources par excellence du Droit
Musulman ont consacré une réaction très virulente à cette conduite.
Pourquoi cette réaction virulente?
Suivant la plupart des auteurs, l'intérêt constitue un bénéfice sans
contrepartie. Percevoir deux dirhams à terme, contre un dirhams, que l'on
a versé au comptant, constitue un bénéfice tiré au détriment du débiteur,
ce qui va à l'encontre des principes d'égalité et de justice entre les parties
contractantes.
Aussi, la prohibition de l'intérêt, a t-elle pour objectif de consacrer les
deux règles idéalistes, d'égalité et de justice entre les parties contractantes,
du point de vue religieux, social et économique.
Justice et égalité, ne sont que les deux aspects de la même idée qui
résulte d'une finalité supérieure exprimée par le Coran dans Sourate Al
Hashr "Le rassemblement", verset 6 :
~U) u--l:.::ll) lS).l1 <.,>.l.l) J.".-)J) dl; ,~).lJ-Î,J .0.".-J Js- ~ ~üÎ L.)
.«(~ ~~:YI0:: ~).) 0~ ':J J J::-JI 01)
Ce verset se rapporte à la distribution du butin et énumère à peu près
les mêmes bénéficiares que ceux de la zakat et expose la raison d'être ou la
finalité supérieure qui préside à la répartition des biens entre les hommes:
éviter qu'ils ne circulent exclusivement entre les riches. Il nous semble que
la même (~..l$:), raison d'être, justifie amplement, ou fonde largement
l'interdiction du riba.
§ 1- Principe d'Egalité.
L'interdiction de l'intérêt vise à réaliser ente les parties contractantes
une égalité des points de vue religieux, social et économique.
A- Egalité du point de vue religieux.
Au regard de la chariâ, tous les croyants sont égaux. Ils sont liés par un
sentiment de fraternité: "Les croyants sont égaux", dit le Prophète. L'égalité
et la sincérité doivent régner dans leurs rapports contractuels. Un musulman
60
doit coopérer avec son frère et s'éloigner de l'égoïsme. "Nul ne peut se
prévaloir d'être croyant -dit le Prophète- s'il n'aime pas pour son frère ce
qu'il aime pour soi même". L'usure a été considérée par l'Islam comme
un moyen qui favorise l'égoïsme. Les versets relatifs à son interdiction
dans le Coran sont précédés par plusieurs versets qui incitent les individus à
la coopération mutuelle, à la solidarité et à la chârité.
De nos jours, l'attachement à ces principes se fait malheureusement de
moins en moins sentir, beaucoup de musulmans font fructifier leurs capitaux,
sans se soucier des principes inhérents à leur religion.
J. Birier énonce à ce propos(l) : "Le progès techno-économique anonce
la prolétarisation, la dégradation des valeurs et l'apparition des misères
individuelles. Ce progrès en d'autres termes laisse au niveau des relations
inter-personnelles l'homme indifférent à l'homme. Si l'Islam, en
s'industrialisant, devait garder la substance des principes coraniques, il
donnerait au monde une leçon retentissante".
B) Egalité du point de vue social
L'interdiction de l'intérêt vise à empêcher le favoritisme du capital, en
établissant au sein de la société une égalité entre celui qui détient le r:apital et
celui qui le fructifie. La richesse doit être exploitée dans l'intérêt de tous
les membres de la société. Le capital doit par conséquent profiter à celui
qui le détient et aussi qui le fructifie. Reconnaître un surplus au détenteur
du capital, sans qu'il en soit reconnu également à l'utilisateur, constitue un
privilège reconnu au capital par rapport au travail. Le capital devient ainsi
une source d'inégalité sociale, un moyen pour aliéner l'individu et canaliser
les richesses entre les mains d'une minorité. Cette situation constitue un
préalable vers l'orientation d'une société de classe. Or, en Droit Musulman,
la richesse ne peut en aucun cas être une source d'inégalité sociale. Elle
n'est qu'un moyen pour réaliser une fin, à savoir le bien être de la société
toute entière. Elle est valorisée en fonction de sa finalité sociale, ceux qui la
possèdent devront en rendre compte à Dieu dans la même mesure: "et
vous rendrez compte alors de vos jouissances éphémères" dit le Coran(2)
(~.:.r~~).
(1) Cité par J. Laurans dans sa thèse de doctorat "Etude sur le prêt à intérêt" édition Arthur
Rousseau. Grenoble 1883.
(2) Sourate ATIAKATOUR Verset 8.
61
C) Egalité du point du vue économique.
L'Isbm a réglementé également l'aspect économique de la vie humaine.
50n but est la création d'une société égalitaire. A cet égard, la prohibition
de l'intérêt puise ses fondements dans l'idée qui consititue le support de la
théorie économique en Islam, à savoir quc les richesses appartiennent à
Dicu, les individus n'en sont que les détenteurs: "A Dieu -dit le Coran-
tout ce qui est dans les cieux et tout ce qui est sur la terre"(1l. La richesse
n'est par conséquent pas destinée à constituer une source de puissance
économique, elle doit circuler continuellement dans le cadre de ce qui est
permis par la charià et doit être dépensée dans le sens indiqué par Dieu
pour aider les pauvres et leur permettre également de gagner: "Recherche -
dit le coran- en ce que Dieu t'a apporté la demeure dernière et n'oublie
pas ta quote part en cette vie et soi bienfaisant comme Dieu t'a été bien-
faisant(2)".
Les voies qu'empruntera l'homme dans cette recherche sont, soit un
moyen d'assurer son salut, soit un moyen d'assurer sa perdition.
L'activité économique en Islam ne peut être exercée qu'en conformité
avec les préceptes religieux et moraux, ces préceptes constituent une
composante de la vie économique. Le sprituel et le temporel en Islam sont liés.
L'interdiction de l'intérêt vise par conséquent à préserver l'égalité entre
les parties contractantes. Le contrat de prêt en Islam doit être rigoureusement
gratuit, tout intérêt aussi minime soit-il, perçu en termes de loyer d'argent
est considéré sans contrepartie. De même, lm échange doit avoir lieu avec
une stricte équivalence. Il y a usure, toutes les fois que l'lme des parties
perçoit lm bénéfice quelconque aux dépens d'lme autre.
Cette notion d'équilibre des prestations entre les parties contractantes a
conduit certains auteurs modemes(3) à donner à la théorie de l'usure lme
grande ampleur. Ce n'est pas seulement le prêt à intérêt que l'on vise, ni
les opérations mercantiles qui donnent tm grand profit à lme personne au
détriment d'tme autre, mais tout contrat dans lequel il y a exploitation de
l'une des parties, toute opération par laquelle, tme personne exploite la
(1) Sourate Al BAQARA Verset 284.
(2) Sourate AL KASAS (~) Verset 77.
(3) Farouk ANNABHAN : "La notion de l'usure à la lumière des développement économique
et sociaux contemporains" (en Arabe) Rabat 1987, P 107 et S.
62
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  • 6. , ~. ' ~'' XlI• 1 ~. ;"J ) .! ) lm édition 2002 C Tous droits réservés 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
  • 7. DEDIE A LA MEMOIRE DE MON PERE
  • 9. PRESENTATION Le travail sur les banques islamiques effechlé par Malika El Kettani a été présenté en tant que mémoire de DES en droit privé et a obtenu une note excellente lors de sa soutenance à la FaClùté de Droit de Rabat. C'est un travail accompli avec foi et passion. Un travail très documenté, rédigé avec un style direct concis et agréable à lire. Il est remarquable par sa clarté et son approche méthodologique. Ce travail opte pour une approche de droit comparé. Il analyse les points de concordances et les points de discordances entre les règles de gestion de la société en Droit musulman et les règles de gestion des sociétés anonymes en droit marocain. Ces règles régissent successivement les stat.lts des banques islamiques et celles des banques marocaines. Cette comparaison extrêmement utile montre la nécessité, le cas échéant, d'adapter pour certaines prédispositions, le droit des sociétés au Maroc à celui du Droit Musulman, en cas de création de banques islamiques. Elle montre, par ailleurs, les quelques spécificités réglementaires qui figurent dans quelques banques islamiques arabes, malgré l'existence depuis 1981 d'une loi islamique modèle portant sur la réglementation bancaire. L'auteur a analysé les principales opérations pratiquées par les banques islamiques sous l'angle de la Charia, en puisant souvent dans les profon- deurs du Fikh,les justifications ou non, de chacune d'elles. L'auteur présente une série de thèses marginales en économie islamique. Il procède systématiquement au démantèlement de ces thèses, en s'appuyant souvent sur des sources de première main du Fikh Al Mouélmalat. Dans un souci de rigueur scientifique, l'auteur relève quelques anomalies juridiques pratiquées par certaines banques islamiques et particulièrement par la Banque Islamique de Développement. L'auteur termine son travail par un aperçu des activités économiques menées dans les pays islamiques par cet organisme financier islamique international. 7
  • 10. Même si le sujet revêt un caractère éminemment juridique, ce travail intègre d'une manière subtile et fluide la dimension économique, en appuyant chaque technique pratiquée par les banques islamiques, par sa légitimité légale, sa justification logique et son efficience économique prévisible. Nous avons l'intime conviction que ce travail n'aurait pu connaître tm tel aboutissement si l'auteur n'était pas en mesure de maîtriser deux langues, voire deux cultures, profondément différentes. Malika El Kettani nous a quittés très jetme, que Dieu ait son âme dans sa miséricorde. Elle restera toujours présente parmi nous par sa générosité et à travers ce remarquable travail. Omar EL KErrANI Professeur à l'Université Mohamed V - Rabat Faculté de Droit 8
  • 11. APPRECIATIONS La regrettée Malika KETTANI a insisté le long de son ouvrage "La Banque Islamique" sur la prohibition du prêt à intérêt aussi bien par le coran, la sunna, que par l'unanimité. Ceci appelle quelques appréciations : Le verset coranique qui dit: «ô vous qui croyez, ne mangez pas l'usure en doublant et en redoublant...» n'implique pas l'autorisation de l'usure si elle n'est pas doublée et redoublée. En fait l'intérêt reste interdit par l'islam aussi faible soit-il. Ici la règle du concept «Al Mokhalafa» connue en Droit musulman ne s'applique pas. L'expression «en doublant et en redoublant» renvoie à une pratique antéislamique. De même, la règle jurisprudentielle «la nécessité tolère ce qui est prohibé» est inapplicable dans le cas de l'usure. La dite règle est définie par le prophète dans un hadith où il dit : «La nécessité c'est quand du matin au soir, on ne trouve pas de quoi se nourrir». Le Cheikh Kardaoui n'a nullement raison quand il s'appuie sur cette règle pour légaliser l'usure. Dans le même sens, et citant les bienfaits de la prohibition de l'usure, l'Imam Chiite Jaâfar Assadek a dit que Dieu a interdit l'usure pour que les gens ne s'abstiennent pas de faire du bien. Cette attihlde de l'Islam hostile à l'usure a conduit l'auteur à présenter ses thèses sur la banque islamique, une banque dont les règles de fonction- nement constituent une solution de rechange au problème de l'usure. Est-il nécessaire d'évoquer la difficulté du sujet si ce n'est pour souligner le mérite de l'auteur ? Ce travail qui accède à la publication à titre posthume est une invitation faite aux chercheurs en Droit Musulman de se pencher sur ce thème pour faire bénéficier aussi bien les banques islamiques que les banques traditionnelles des fruits de leurs recherches. Nous implorons Dieu d'avoir la défunte en sa sainte miséricorde. Badreddine EL KErrANI Professeur à l'Université Hassan II - Casablanca Faculté des Lettres 9
  • 13. Introduction Avec la création de la banque Islamique de Dubaï, dans l'Etat des Emirats Arabes Unis en 1975, l'idée de banques Islamiques, s'est concrétisée sur la scène Internationale. Ces Institutions sont apparues comme une forme originale de Banque. Elles se sont établies dans plusieurs régions du monde, aussi bien dans les pays Islamiques, que dans les grands centres financiers d'Occident. Leur apparition a été dans une conjoncture caractérisée par un mouvement de renaissance de l'Islam et de mise en évidence de ses règles économiques. L'Islam, à la fois religion et communauté, recouvre aussi bien les aspects spirihtels que les aspects temporels de la vie humaine. Le Coran, source par excellence du Droit Musulman, en même temps qu'il indique les obligations spirituelles de l'homme telles que, la Prière, la Zakat, le Jeûne du Ramadan, le Pélerinage, traite aussi les aspects de la vie économique que ces aspects soient relatifs à la thésaurisation, à l'investissement, aux dépenses ou à l'épargne. Dans ce sens, on peut dire que la théorie économique Islamique s'articule sur les notions suivantes: 1) Interdiction du Prêt à intérêt. 2) Encouragement de la participation aux bénéfices et aux pertes dans les investissements. 3) Condamnation de la thésaurisation. 4) Valorisation du travail. 1) Pour l'Islam, le prêt à intérêt est strictement interdit. Le terme "riba", qui signifie augmentation, accroissement(1), englobe tout profit, sans contrepartie, stipulé par les contractants lors d'tme opération de prêt et ce, (1) Voir dictionnaire arabe: Al Mounjid. voir également Lisân Al Arab (y."JI iJU). 11
  • 14. différemment du système capitaliste, qui fait la distinction entre l'intérêt et l'usure, et pour qui l'usure est l'intérêt excessif(l). L'Islam, définit l'intérêt à partir des composantes suivantes(2). * Un profit sur le montant prêté. * Une clause qui prédétermine le montant à rembourser. * Une échéance. Ainsi, toute augmentation de capital, qui ne provient pas du travail et n'est pas soumise aux conditions de l'investissement est considérée par le Droit Musulman comme illicite. Le Coran contient plusieurs versets relatifs à la question du "riba". Aussi, pouvons-nous lire: "Ce que vous donnez comme usure pour accroitre les biens des hommes, ne croitra pas chez Dieu."(3). "Ceux qui mangent l'usure ne se léveront (le jour de la ressurection), que comme ceux que le démon agite,,(4). "Dieu a permis la vente et a interdit l'usure"(5). Cette attitude de l'islam, converge avec celle de toutes les religions. Aussi bien le christianisme que le Judaïsme interdisent le prêt à intérêt: "Si tu prêtes de l'argent à quelqu'un de mon peuple -dit l'ancien testament-, au pauvre qui est avec toi, ne sois point à son égard comme un créancier. N'exige point de lui des intérêts"(6). "N'exige point d'intérêts de ton frère -affirme la Deutéronome- ni intérêt pour argent, ni intérêt pour demées ou pour toute autre chose susceptible d'accroissement. A l'étranger, tu peux prêter à intérêt, tu ne le dois pas à l'égard de ton frère, si tu veux que l'éternel, ton Dieu, bénisse les divers travaux, dans le pays où hl vas entrer pour en prendre possession"(7). Ce verset, plus large quant à l'objet du prêt, et plus restreint quant aux personnes, interdit l'intérêt entre Juifs, tout en le permettant vis à vis des étrangers. (1) Voir dictionnaire Larousse. (2) Abdeladim Al Moundiri : "ATIARIB WA TARHIB" ~.;-.:JI) ~.r-=:l' (en arabe) T3 P297 ed 500 (1325h -1933). (3) Sourate ARROUM verset 39. (4) Sourate AL BAQARA verset 275. (5) idem (6) Chapitre 22 de l'Exode verset 24 et s. (7) Chapitre 23 de la Deutéronome verset 20. 12
  • 15. L'ancien testament pomsuit : "Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir, quel gré vous en aura t'on... au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien attendre en retour, votre récompense sera alors grande, et vous serez les fils du très haut"(l). Contrairement au Judaïsme, qui n'interdit le prêt à intérêt qu'entre Juifs, le Christianisme, ne contient aucune distinction relative aux personnes, mais aussi bien le Judaïsme que le Christianisme, ont vu dans l'intérêt, tme technique incompatible avec l'esprit de fraternité qtÙ doit exister entre les membres d'tme société. Pour le Droit Musulman, l'interdiction de l'intérêt est formelle et rigoureuse. Elle puise ses fondements dans les notions de justice et d'égalité entre les parties contractantes, notions qui constituent les deux aspects d'tme finalité supérieure, exprimée par le Coran dans la Sourate"AL HASHR", verset 6 : Eviter que les biens ne circulent exclusivement entre les riches. La technique de l'intérêt, considérée comme la plus répréhensible des péchés (}L.:5J) (2), a été largement étendue par le droit Musulman, pour englober tout profit sans contrepartie, stimulé lors d'une opération de prêt, de vente, ou d'échange de métaux (or, argent), ou de produits alimentaires (blé, orge). La doctrine classique a par la suite assimilé à ces produits alimentaires, d'autres produits ayant la même fonction. 2) L'interdiction par le Droit Musulman de tout rendement fixe du capital, ne veut pas dire que le capital ne doit pas être rémunéré. La formule de rechange au taux d'intérêt fixe est la participation aux profits et le partage des pertes. La notion de base est celle du risque. Le créancier, dont les fonds sont utilisés à des fins d'investissement, doit tirer une partie appropriée des bé- néfices, plutôt que le montant préétabli de revenus que représentent les in- térêts. Et si l'entreprise subit des pertes, il doit également assumer ces pertes; mais en aucun cas, le détenteur du capital argent ne doit s'assmer des bénéfices sans risques ru peines, en prêtant simplement ses fonds. C'est là une application de la règle idéaliste d'égalité et de justice entre les contractants. (I)L'EvangHe selon saint Luc verset 34 et suivants. _ (2) IBN JARIR TABAR!: commentaire du Coran (~I iJl,}J~) (en Arabe) T3 P. 83. 13
  • 16. 3) La condamnation de la thésaurisation est lme conséquence de l'idée qui constitue le support de la théorie économique du Droit Musulman, à savoir que toutes les richesses appartiennent à Dieu et doivent être utilisées par ses créatures, conformément à ses préceptes. Il est donc interdit d'immobiliser des richesses. Dans le Coran, il est dit: "A ceux qui thésaurisent or et argent, sans les dépenser dans la voie de Dieu, fais l'annonce d'un supplice douloureux. Un jour, ces métaux rendus incandescents au feu de l'enfer, leur seront appliqués sur leurs fronts, leurs flancs, et leurs dos -et on leur dira- voici ce que vous amassiez, pour vous même, savourez donc ce que vous avez thésaurisé"(l). Il est aussi interdit de dilapider les richesses. "Ceux qui gaspillent les richesses -dit le coran-, sont les frères de satan,,(2). Les richesses doivent circuler continuellement dans le cadre du "licite" pour assurer le bien-être de la société et doivent être valorisées par le travail. 4) La valorisation du travail: seul le travail et l'éffort humain méritent une récompense matérielle. Le Droit Musulman condamne toute forhme qui naîtrait de l'usurpation, de la corruption, des jeux du hasard, du prêt à intérêt..., et encourage les individus à s'adonner à des activités rentables : "Dis, agissez ! -dit le coran- Dieu observera vos actions, ainsi que le prophète et les croyants. Vous ferez ensuite retour à celui qui connaît toute chose, invisible ou apparente, vous serez par lui informés de toutes vos oeuvres,,(3). Le Droit Musulman rejette donc la rémunération fixe du capital, tout en encourageant le bénéfice véritable comme rémunération de l'éffort des entrepreneurs et du capital. Cette doctrine, relative à l'interdiction de tout rendement fixe du capital, a cependant été tempérée vers le début du siècle, par certains auteurs modernes, se pliant aux exigences de l'activité économique moderne et à certaines pratiques visant à détourner la prohibition(4). Mais le prêt à intérêt (1) Sourate ATIAWBA (~.rl) Verset 34. (2) Sourate AL I5RAE (~I.r''YI) verset 27 (3) Sourate ATIAWBA (~.rl) Verset 106. (4) Cf Fatima Cheikh Md Abdou sur l'intérêt servi par les caisses d'épargne en Egypte : ouvrage de Mr Chaouqui Ibrahim Chehata "Les banques islamiques (en arabe), éd. Dar Chourouq - Jedda ) oct. 77 P 13. 14
  • 17. est resté aussi décrié par d'autres, chez qui la ferveur et l'indignation religieuse constituaient un frein0). A travers les périodes coloniales et post-coloniales du monde Musulman, les concepts économiques occidentaux furent introduits dans ces pays avec leur structure de soutien financier. Le prêt à intérêt entre particuliers a reculé au profit des banques. TI fut par la suite légalisé par la quasi- totalité des pays musulmans: Egypte, Syrie, Irak, Algérie, Maroc, Soudan... L'activité des institutions bancaires a pris avec l'économie moderne une proportion de plus en plus étendue. Ces institutions sont devenues dispensateurs du crédit qui a pris avec l'économie moderne lme place prépondérante, à tel point que la banque est devenue "l'auxiliaire véritable inévitable de l'entreprise moderne"(2). Leur domaine d'activité ne cesse de se développer et de s'étendre au point où on a commencé à parler de "bancarisation de la société,,(3). La légalisation de l'intérêt par les codes des pays musulmans n'était cependant pas de nature à clore le débat. Les banques, en tant qu'institutions pratiquant l'intérêt, continuent toujours de susciter des attitudes diverses, variant entre l'approbation pure et simple, la méfiance plus ou moins poussée et l'hostilité absolue. Dans ce contexte, un retour aux préceptes Islamiques, semble s'annoncer. Des mesures visant à "islamiser" le système financier, ont été adoptées. Cette "islamisation" s'est traduite principalement par la création de banques Islamiques(4). L'originalité de ces institutions tient lieu au respect de la règle formulée par le Coran, à savoir l'interdiction de tout rendement fixe du capital. (1) Cf discours Cheikh Md Bakir El Kettani lors du 2è congrés de la ligue des oulamas du Maroc qui a eu lieu à Casablanca en 1964 Gournal Al Mitaq nO 58 du 25 Juillet 1964). Cf également Abou AALA AL MAWOOUNI : "L'usure" (en arabe) Dar Al Fikr Al Islami, éd. Dar Al Ourouba DAMAS 1958. Voir aussi Md Bakir Sadr "IKTASAOOUNA" (notre économie) en arabe. éd. Dar Al Fikr. (2)" J. C Bousquet: "L'entreprise et les banques" Pl .. Ripert : "traité de droit commercial". (3) Mohamed El Mernissi : "La banque, une Profession qui bouge". Revue marocaine de Droit d'économie et de développement nO 16 -1988. (4) Ce retour semble général. ex : projet de code de statut personnel et de Droit pénal (ligue Arabe) très discutés. 15
  • 18. L'idée de banques Islamiques est née vers les années 60 en Egypte, dans le village de Mit Ghamir. La première expérience, fût celle des caisses d'épargne en EgYRte, qui ont montré leur efficacité dans la collecte de l'épargne ~rivée( ). L'expérience n' a pas survécu pour des raisons politiques( ). Elles ouvrirent la voie à la "Nasser islamic Bank". L'activité bancaire islamique a commencé avec la création de la banque de Dubaï en 1975. Ce fût une initiative populaire qui a été suivie par la création de la Banque Islamique de développement à Jedda, établissement international, groupant les pays membres de l'organisation de la conférence islamique(3). Quelques autres banques Islamiques virent le jour durant la décennie 70 qui ne s'est pas achevée, sans la création du premier groupe financier islamique "DAR AL MAL AL ISLAMI" en Suisse, qui est une société holding, traitant avec 22 banques, et sociétés diverses. Le second groupe Islamique"AL BARAKA" voit le jour en 1983. Cette décennie voit s'accélérer le rythme de création des banques Islamiques dans les pays suivants : Koweït, Bahrein, Qatar, Jordanie, Arabie Séoudite... La volonté de plier la vie des affaires aux disciplines Islamiques a gagné durant cette décennie la Malaisie, le Bangladesh, les Phillipines, l'Angleterre, le Luxembourg, le Danemark... On voit naître également pendant cette décennie les premiers guichets d'opérations bancaires Islamiques ouverts au sein de banques traditionnelles. C'est le cas de Bank MISR et de la banque nationale de développement en Egypte, et aussi d'autres banques ou caisses aux Etats Unis, à Viennes, et en Suisse(4). C'est lors de cette décennie également que la première expérience d'Islamisation totale d'un système bancaire est entreprise. Il s'agit de l'Iran et du Pakistan qui ont adopté intégralement un programme de restructuration de leurs institutions dans le sens Islamique(5). En Août 1983, une loi fût (1) Cf ouvrage: "100 questions et 100 réponses sur les banques Islamiques" Union Internationale des banques Islamiques 1ère édition 1978 (en Arabe). (2) Abderrahman Mahmoud Hamdi : "Formes d'investissement dans les banques Islamiques". Journal ARRISALA (en Arabe) du 24 Sept. 1981. (3) Jusqu'en Avril 1999, la banque compte 53 pays membres contre 22 membres à sa création en 1975. (4) Abderrahman Lahlou : "La banque Islamique à la recherche de l'excellence". Journal l'opinion du 11 Juillet 1990. (5) Allocution de Mr Abderrahim Hamdi Directeur Général adjoint d'AL BARAKA Bank au Soudan, lors de la journée des banques et institutions financières organisée par la chambre de commerce Franco Arabe à Paris avec le concours de la banque Islamique de développement le 25 Avril 1984. 16
  • 19. promulguée en Iran, interdisant expréssément aux banques de percevoir ou de verser des intérêts, et précise les conditions applicables aux dépôts qui leur sont confiés(l). Au Pakistan, toute la législation bancaire a été remodelée(2). La banque Centrale Pakistanaise elle même a été remaniée et insiste sur le modèle Islamique(3). Enfin, le Maghreb se voit doter de banques Islamiques dès 1984, date de la création de "BEIT ETTAMOUIL SAOUDI TOUNSI" en Tlmisie, suivie de la création de la "BADOR" en Mauritanie. Au Maroc, d'après une tettre du ministre des finances(4), "les autorités monétaires, n'envisagent pas dans les circonstances présentes la création de banques Islamiques", ce qui n'a cependant pas empêché le Maroc d'abriter en février 1989, juillet 1991 et janvier 2000 plusieurs rélmions de la banque Islamique de développement et de l'union internationale des banques Islamiques, ainsi que des séminaires sur les instruments financiers Islamiques. Cette attitude ne témoigne t'elle pas de la volonté de créer de telles institutions dans l'avenir? Il existe jusqu'en février 1989 dans le monde Islamique et ailleurs, 90 banques Islamiques(5). Ces institutions co-existent avec les banques au sens occidental. Elles ont connu lme prospérité croissante, une rapide extention et tme prolifération des sièges et agences, ce qui témoigne de l'intérêt que manifeste la population musulmane à l'égard de ces institutions, et de l'accueil enthousiaste réservé à ces institutions par cette population représentant plus de 20% de la population du globe. Cet accueil s'est concrétisé notamment par tme augmentation de plus en plus croissante de leurs dépôts. A titre d'exemple, de 1979 à 1984, les dépôts de la banque Islamique du Bahrein sont passés de 4.799.070 Dinars à 52.914.395 Dinars, enregistrant une augmentation de 1020%. Pendant la même période, les dépôts de la Banque Islamique de Dubaï, sont passés de 7044 millions DH à 41.997 millions DH, (1) Bulletin du FMI du 16 Mars 1987, P 68. (2) Allocation du Directeur Général de l'international institute of Islamic économie au Pakistan, lors de la journée des banques Islamiques, tenue à Paris le 25 Avril1984. (3) Le Soudan a également pris l'engagement au plus haut niveau de restructurer le secteur bancaire y compris la banque centrale conformément à la charià (Allocation de M~ Abderrahim Hamdi Directeur adjoint d'AL BARAKA Bank au Soudan, lors de la journée des banques et institutions Islamiques du 25 Avril 1984 à Paris. (4) Lettre du ministre des finances n° 3 - 2066 du 13 Mars 1990. (5) Conférence de Mr Ahmed Annajar, président de l'association professionnelle des Banques Islamiques à l'hôtel "HASSAN" à Rabat le 23 février 1989. 17
  • 20. réalisant une augmentation de près de 500%. Ceux de la Banque Islamique de Jordanie sont passés de 11.642.104 Dinars Jordaniens en 1980 à 127.613.952 Dinars jordaniens en 1986. De 1980 à 1984, les dépôts de Beït Tamouil Saoudi Attouni ont augmenté de 14,5% passant de 17,116,792 $ à 19.554.900 $. Les dépôts en devises convertibles ont totalisé 15.784.364 $ contre 13.564.788 $ en 1984. Le total de leur actif, qui était de 10,5 milliards $ en 1985(1), a atteint en 1990,17 Milliards $(2). Les institutions Islamiques ont également procuré à leurs déposants des bénéfices substantiels. Le rendement de leurs fonds propres varie entre 5 et 20%(3). A titre d'exemple, la banque Islamique de Bahrein a dégagé, dès sa première année d'exploitation, un bénéfice net de 545.574 Dinars en 1979. Ce bénéfice a atteint 2.697.540 de Dinars en 1984. Les revenus servis par cette banque pendant la même année équivalent à 6 et 12% d'intérêts, quand les autres banques Bahreiniennes servaient 3,5% d'intérêts(4). Les bénéfices de BEIT TAMOUIL SAOUDI TOUNSI se sont élevés dès la première année d'exploitation 1984 à 1.478.712 $. De même, la banque Islamique de Dubai a réalisé en 1979 6 millions de DH qui se sont élevés en 1984 à 49 Millions de DH. Ces bénéfices ont attiré un nombre de plus en plus important de déposants augmentant par là la capacité financière de ces institutions. Ils ont aussi encouragé les titulaires des comptes de placement à procéder au renouvel- lement de la durée de leurs dépôts(5). Observons aussi, que ces institutions remplissent essentiellement les mêmes fonctions que les établissements d'un système plus traditionnel. Elles assurent l'intermédiation financière et administrent le système de paiement de l'économie(6). Elles courent cependant moins de risques d'insolvabilité, et de défaut de liquidité que dans les contextes plus traditionnels. (1) Journal le "monde" du 28 Février 1985. (2) Journal "L'opinion" du 11 Juillet 1990. (3) Idem. (4) Revue "Proche Orient" n° 476 du 8Mars 1985. (5) A titre d'exemple en 1981, à la suite des résultats enregistrés par la banque Islamique du Bahrein, les titulaires des comptes de placement ont procédé en totalité au renouvellement de l'échéance de leurs dépôts. (6) Bulletin du FMI du 16 Mars 1987 P 68. 18
  • 21. Les dépôts auprès des banques Islamiques peuvent revêtir la forme de dépôts à vue ou de dépôts d'investissement. Les dépôts à vue ne comportent pas d'intérêts. Les dépôts d'investissement permettent à leurs titulaires de participer aux bénéfices et pertes des projets dans lesquels ils sont investis. Le système de crédit des banques Islamiques est soumis à des règles an- alogues. Les banques islamiques apportent les fonds aux entrepreneurs Sur la base de participation aux bénéfices et pertes. Cette participation peut prendre la forme de: * MOUDARABA : Accord en vertu duquel les banques Islamiques fournissent le capital financier, les autres partenaires, le capital humain. * MOUCHARAKA : Régime en verhl duquel les banques Islamiques et l'entrepreneur mettent en commlm leur ressources financières, afin de fournir le capital nécessaire au démarrage d'tme activité. Ces institutions utilisent également des mécanismes de crédit associé à la vente, telle que l'opération de Mourabaha. Les opérations de l'Ijara (équivalent du crédit bail) sont aussi utilisées par les banques Islamiques à côté du prêt gratuit. Ces institutions, offrent également des prestations de service comprenant la plupart de celles offertes par les banques traditionnelles (ouverhlre de comptes, paiements, encaissements, opérations de change, octroi de garantie, ainsi que des opérations annexes...). Ces opérations n'impliquent pas le paiement d'intérêts, mais sont soumises à la perception de commissions. Les opérations des banques Islamiques sont supervisées par un conseil religieux (pour lm contrôle continu de l'orthodoxie des activités). L'activité des banques Islamiques, en tant que modèle économique nouveau qui n'est le produit ni du système capitaliste ni du système Socialiste, est très intéréssante à étudier. Cet intérêt s'explique d'abord par une certaine curiosité. Ces institutions sont en effet guidées par des règles de quatorze siècles d'histoire. Elles sont aussi destinées à attirer les dépôts d'une communauté représentant plus de 20% de la population du globe, ce qui pose des interrogations 19
  • 22. Ces institutions, qui ont comme siège au Maroc, le decret Royal portant loi du 21 Avril 1967 et tout recemment le dahir portant loi du 6 juillet 1993. A la différence des lois Françaises de Décembre 1945 et Janvier 1966, qui ont classifié les banques inscrites en trois catégories à savoir, les banques de dépôt qui ne peuvent recevoir de dépôts pour une durée supérieure à 2 ans(l), les banques de crédit à moyen et long terme, dont l'activité principale consiste à octroyer des crédits dont le terme est au moins égal à 2 ans(2) et qui ne peuvent recevoir des dépôts inférieurs à cette durée, les banques d'affaires, dont l'activité principale est outre l'octroi de crédits, la prise et la gestion de participations dans les entreprises existantes ou en formation avec des fonds qu'elles se procurent du public, la loi bancaire marocaine n'a prévu qu'une seule catégorie, à savoir les banques de dépôts(3). Cette législation qui réglemente au bénéfice exclusif des banques l'accès et l'exercice de la profession, se caractérise par une protection efficace et lme indulgence à l'égard de ces institutions, confirmée par la rareté des obligations qui en découlent. Ces dernières ne peuvent que rarement être poursuivies(4). Les exigences de notre choix, tendant à apprécier le sujet à la lumière du Droit Musulman et du droit bancaire occidental, nous amènent à prendre comme référence le décret Royal susvisé, ainsi que le dahir susvisé qui tend à adapter la loi bancaire aux nouvelles données de siècle. Le sujet sera examiné également à la lumière des textes législatifs marocains, notamment le dahir des obligations et contrats, le code de commerce et le code pénal, ce qui nous conduira à le présenter à la lumière des deux axes qui animent le système bancaire, à savoir le crédit et les services complémentaires. Nous examinerons dans une première partie: La Conception du Crédit. Dans une seconde partie: La Mise en Oeuvre. (1) Répertoire Dalloz nO 491. (2) Répertoire Dalloz nO 492. (3) L'année 1989, a été marquée par la création d'une institution importante, dénommée "BANK AL AAMAL", autorisée à recueillir des dépôts supérieurs à 1 an, et à consentir des prêts participatifs aux personnes morales et physiques, notamment aux ressortissants marocains travailleurs et commerçants exerçant, ou ayant exercé leur activité à l'étranger. Les demandes de prêt sont assortis d'un cautionnement mutuel, que pourra accorder DAR ADDAMAN, créée à cet effet. (4) M. AMZAZI:"Le privilége pénal des banques" RMDED n° 16 -1988. P 49. 22
  • 25. Le crédit est la préoccupation inhérente à la notion de banque. L'activité de cette institution est en effet liée au crédit, à tel point que certains auteurs l'ont assimilée à cette notion(l). L'octroi du crédit par les banques occidentales a lieu avec l'intérêt qui constitue le loyer de l'argent. Or, l'intérêt est strictement interdit par le Droit Musulman qui a défini un concept Islamique du crédit, tout à fait différent du concept occidental. Ce concept constitue le cadre de l'institutionnalisation retenue. L'étude du concept occidental rejeté par le Droit Musulman est néces- saire. Elle fera l'objet de notre premier chapitre. Dans un deuxième chapitre, nous définirons le concept Islamique de référence. Le troisième chapitre sera consacré à l'institutionnalisation retenue. (1) A. Berrada :Techniques de Banque et crédit au Maroc, éd. SECCA 1985 P 44. 25
  • 26. 3- Conditions d'octroi L'octroi d'un crédit par lme banque obéit à des conditions purement objectives, bien qu'il repose sur la notion subjective de confiance. En effet, la banque est une instihltion qui détient des capitaux, mais ces capitaux appartiennent pour leur quasi totalité à des déposants et non pas à la banque. Une politique imprudente de crédit pourrait entraîner pour la banque des conséquences dangereuses. Parmi les opérations pour lesquelles elle est sollicitée, la banque procède à un choix minutieux. Elle déclenche tout lm processus d'investigations, qui part de la situation financière du client, à sa compétence, en passant par sa moralité. * Situation financière. La banque attache une importante primordiale à la situation financière du client, à la consistance de son avoir. Un client endetté, ou une entreprise qui a un fond de roulement insuffisant, des frais généraux excessifs, ou une production de mauvaise qualité, inspire au banquier une certaine réticence. Il en est de même d'une entreprise travaillant avec lm matériel ancien, ou dont la capacité de production est faible, et dont les ventes, ainsi que les bénéfices, connaissent une régression sensible(I). La banque procède également à un examen attentif des bilans au moins des trois dernières années, en s'intéressant à la valeur de rendement pour les éléments destinés à produire et à leur valeur d'échange pour ceux destinés à être vendus(2). * La moralité. La banque attache un grand intérêt à la moralité du client, à son honnêteté. Elle cherche également à connaitre ses antécédents et ce, à travers des conversations, des indications recueillies auprès des tiers(3). Le suivi de la marche du compte et le contrôle du respect des engagements sont à postériori, de précieux indicateurs de la moralité du client. (1) J. Ferronnière: Les opérations de banque 4è édition 1963. (2) G. Petit Dutaillis "Le crédit et les banques" P 110. (3) A. Berrada "Techniques de Banque et de Crédit au Maroc" P 272. 28
  • 27. * La compétence technique. La compétence en affaires, disent Messieurs Boudinot et Frabot(l), est un point à considérer, autant que la moralité. Ainsi, l'aptitude professionnelle du client, la qualité des dirigeants d'une entreprise, font l'objet d'un examen attentif de la part de la banque, car la défaillance d'un débiteur constitue pour la banque qui travaille avec des fonds appartenant à autrui, une perte insupportable, qui pourrait avoir pour elle des conséquences graves. Malgré toutes ces investigations, et après l'octoi du crédit, le banquier se réserve le droit de "couper le crédit", même sans préavis dans certains cas, et même si le contrat d'ouverhue du crédit a une durée déterminée. C'est le cas des banques marocaines. C'est également le cas des banques en Italie et en Suisse(2). La législation Française du 24 Janvier 1984 a même précisé que le banquier "engagerait sa responsabilité, s'il ne coupait pas le crédit au client qui viole ses obligations, ou dont la situation financière est compromise,,(3). La loi bancaire marocaine de 1993, s'efforce cependant d'apporter quelques assouplissements à cet égard, notamment les crédits ne peuvent être révoqués qu'à l'expiration d'un délai de préavis, fixé lors de l'octroi du concours et sur notification écrite (article 63). Obtenir un crédit par une banque, n'est par conséquent pas à la portée du premier venu, c'est pourquoi, chez l'opinion publique, la banque n'a pas du tout bonne presse. On éprouve une désaffection à son égard, allant jusqu'à une méfiance, voire une hostilité(4). Le simple client reproche à la banque sa méfiance injustifiée, et sa répugnance à lui accorder la moindre avance en cas de besoin, ou à le protéger en cas d'émission d'un chèque sans provision. "Si par négligence excusable -dit on- vous tirez un chèque à découvert, vous encourez les (1) Op cité. (2) Articles 1845 du code civil Italien et 316 du rode Suisse des obligations. (3) A. Kettani "La responsabilité du banquier dépositaire" revue marocaine de Droit et d'Economie du développement nO 16 année 1988. (4) J. Berthoud : l'image du banquier dans l'opinion publique "Revue Banques" nO 289 Oct. 1970 P 832. Cf également Mr Benothmane"La profession bancaire au Maroc". 29
  • 28. pires remontrances... bien heureux encore, si on ne vous traite pas en correctionnel, pour émission de chèque sans provision,,(l). L'article 543 du code pénal marocain préscrit en effet à cet égard une peine d'emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 50 DH à 5000 DH pour toute personne qui émet un chèque sans provision, ou lm chèque dont la provision est insuffisante. Avec la nouvelle réforme du chèque, l'auteur de l'infraction sera intérdit d'émettre un chèque pendant une année. En cas de récidive, l'interdiction est perpétuelle. Quant aux milieux des affaires, ceux ci estiment que les crédits sont très chers, parcimonieusement accordés. La banque ne constitue pas en cas de difficultés, ou lorsque la situation du client est compromise, un secours sûr(2). Ainsi, certaines idées ont-elles cours. Elles sont exprimées par des axiomes du genre: "la banque vous offre son parapluie quand il fait beau et vous le retire dès qu'il commence à pleuvoir" ; ou bien, "la banque est une institution où vous pouvez emprunter de l'argent, si vous apportez la preuve que vous n'en avez pas besoin". Tout cet argent -dit on- ne peut être prêté qu'aux riches, et avec l'argent des pauvres(3). La loi bancaire de 1993 s'éfforce cependant d'améliorer les relations entre les deux parties, par un assouplissement de la réglementation bancaire. De leur part, pour réfuter ces allégations peu flatteuses, les banques déploient de plus en plus d'éfforts pour améliorer leur image de marque. Elles essayent de coller avec plus ou moins de succès aux changements socio-économiques, surtout par une diversification des crédits et une gestion plus moderne de leurs ressources(4). Chacune d'elles vante à sa manière les différents services qu'elle rend à sa clientèle et ne lésine sur aucun moyen pour faire connaitre ses services. Mais leur image ne s'est guère améliorée. (1) J. Berthoud "L'image du banquier dans l'opinion publique" Revue Banque Oct. 70 P 833. (2) J. Berthoud "L'image du banquier dans l'opinion publique" Revue Banque Oct. 70 P 833. (3) B. V. TROEYEN. D. Peynot : "Banques et banquiers" I. E. P. Paris Fasc 1P 3. (4) Pour plus de précisions, cf Md Memissi : "La banque, une profession en pleine mutation RM. D. E. D. n° 16 1988 P 9 et S. 30
  • 29. Ce qui est cependant paradoxale, c'est que ces institutions, même dépersonnalisées et déshumanisées gardent tout leur prestige et toute leur puissance. Elles ont réussi même à gagner en ampleur, en attirant vers elles des milieux traditionnels qui, pour des considérations religieuses, se passaient des services de la banque et éprouvaient une résonnance amorale, sinon immorale à la profession. A travers cet exposé, il ne s'agit pas d'annoncer lm réquisitoire contre les banques, ni de critiquer leur attitude. La banque est liée aujourd'hui au concept même de civilisation. Elle .constitue par conséquent un fait d'importance considérable, non seulement dans le système capitaliste, mais aussi dans le système socialiste et même en Chine. La banque est liée à l'économie, à l'industrie, à l'agrlculure, au finances, à la monnaie. Mais, ce qui est reproché aux banques, c'est d'être les complices d'un système qui perpétue les privilèges et accentue les injustices qu'on veut détruire(l), C'est pourquoi on réclame de temps en temps, la nationalisation de ces institutions, afin de doter les pouvoirs publics de moyens appropriés, leur permettant d'orienter la politique économique dans le sens le plus favorable à l'intérêt général(2). Quoi qu'il en soit, il y a lieu de remarquer que le crédit octroyé par ces Institutions connait différentes formes, qui sont soumises à des règles différentes. Celui ci s'est développé à partir de valeurs fournies par les prêteurs et matérialisées par des titres de créance. Par ailleurs, le crédit obéit à des conditions que nous nous proposons de déterminer. Nous examinerons ainsi, successivement, les modalités du crédit, ses instruments et ses conditions d'octroi. (1) J. Berthoud P 834. Revue Banque n° 289 Oct 70 P 832. (2) Au Maroc, en France, en Espagne, les partis politiques ne cessent de réclamer la nationalisation du secteur bancaire. V. à cet égard, les différentes recommandations de la ligue des oulamas du Maroc, à la suite de ses différents conrgès annuels depuis 1962. 31
  • 30. Section 1: Les modalités du crédit Les crédits octroyés par les établissements bancaires, revêtent plusieurs modalités. On distingue ceux qui se traduisent par un décaissement, ceux qui se traduisent par une signature et certaines autres crédits spéciaux. § 1- Les crédits par décaissement Ces crédits se traduisent pour la banque par un versement de fonds. La question essentielle demeure par conséquent la sortie du crédit. Ce qui revient à penser à la fin de l'opération, au moment même où elle vient de naître. Cet écart de temps est à la base d'une distinction essentielle en matière de crédit, celle du terme. Le crédit peut être octroyé à court terme, moyen, ou long terme. A) Les crédits à court terme. Ces crédits sont destinés à répondre à des besoins passagers des entreprises ou des particuliers. Leur objet est de favoriser toujours la création ou la circulation d'un bien. Les crédits à court terme prennent la forme d'escompte d'effets de commerce, de crédits par caisse, ou de crédits de mobilisation des créances commerciales. 11 L'escompte. L'escompte est une forme de crédit par laquelle une banque met à la disposition du porteur d'un effet de commerce, non échu, le produit net de cet effet(1). Autrement dit, l'escompte permet à un fournisseur ou cédant de vendre au comptant, un effet de commerce dont l'échéance est à terme. La propriété de l'effet est transférée à la banque, en même temps que les avantages du droit cambiaire. Le réescompte permet à la banque de recourir de la même façon à Bank Al Maghreb, pour mobiliser à son tour les effets déjà escomptés afin de reconstituer sa trésorerie. (1) A. Berrada "Techniques de Banque et de Crédit au Maroc" P 484. 32
  • 31. L'opération, tout en permettant au client de disposer des fonds avant terme, offre à la banque les moyens de faire valoir ses capitaux, sans les immobiliser et en ne courant que des risques minimes(1). En principe, les banques au Maroc n'escomptent que des traites ne dépassant pas 120 jours d'échéance. La banque est donc sûre de récupérer ses fonds dans lm délai maximum de 4 mois. Si elle a besoin de liquidités plus rapidement, elle procède au réescompte de ses effets auprès de Bank Al Maghreb. A L'échéance, si le débiteur ne paie pas, la banque a la possibilité, non seulement de se retourner contre lui, mais contre tous ceux dont la signature figure sur la traite: tireur, endosseurs, avalistes... Pour atténuer ce risque, les banques marocaines tiennent des fiches d'escompte où elle enregistrent tous les incidents relatifs à l'escompte, ce qui leur permet d'apprécier la personnalité et la solvabilité de ceux qui apportent les effets à l'escompte. Le plafond de cette fiche est déterminé par le banquier, en tenant compte des besoins théoriques maximums du client, calculés par rapport au chiffre d'affaires et à l'usance pratiquée au sein de la profession de l'entreprise, ainsi que des corrections qui pet"vent y être apportées. L'escompte constitue au Maroc, le crédit le plus utilisé par la clientèle et par les banques. L'escompte du papier commercial sur le Maroc a représenté près de 11% du total des crédits à l'économie distribués par les banques en décembre 1988. 2/ Les crédits par caisse ou avances en comptes courants. Par ce genre de crédit, la banque autorise le client à rendre son compte débiteur dans la limite d'un maximum, sous réserve du respect de la destination du crédit, ainsi que du délai de remboursement. D'après Monsieur Sdùogel, il s'agit du moyen le plus simple qu'utilisent les banques, lorsquelles décident de mettre à la disposition de leur clientèle les capitaux qu'elle sollicite(2). (1) M. DOGHMI "Rôle de la banque du Maroc dans le système monétaire et bancaire". (2) Boudinot et Frabot: "Techniques et pratiques bancaires", édition Sirey, P 307 33
  • 32. Dans ce crédit, on distingue principalement les facilités de caisse et les découverts. Les facilités de caisse sont des avances de très courte durée, permettant aux entreprises de pallier à leur besoins intermitents de fin de mois, dans l'attente de recettes, les quelques jours qui suivent le crédit(1). Leur plafond est déterminé en fonction des besoins de l'entreprise, mais n'excédent généralement pas tm mois de son chiffre d'affaires. Lorsque cette facilité de caisse commence à accuser une certaine lourdeur, les banques interviennent auprès de leur clientèle(2), Le découvert est destiné à suppléer aux moyens de financement de l'entreprise pendant tm certain temps, en vue de lui permettre de couvrir des besoins immédiats, par anticipation à des recettes futures certaines. Le montant du découvert est déterminé en fonction des besoins propres à chaque entreprise ou à chaque opération. La durée de son utilisation peut s'étaler sur plusieurs mois. Ce crédit peut parfois se présenter sous la forme d'avances de fonds, matérialisées par des billets à ordre. Les crédit par caisse pèsent lourdement sur la trésorerie des banques qui les consentent. Aussi se montrent elles très vigilantes pour leur octroi. 3/ Le crédit de mobilisation des créances. Ce crédit consiste d'après Mr Marshall, en l'escompte par tme banque, d'un billet à ordre, émis par un industriel ou commerçant, en représentation de créances que ce dernier détient sur ses clients(3). En tirant des traites sur ses clients et en les portant à l'escompte d'une banque, un industriel ou commerçant se procure un crédit qui alimente sa trésorerie et se décharge en même temps sur la banque du souci d'assurer le recouvrement de sa créance. Les avantages du droit cambiaire sont transférés à la banque. (1) A. Berrada : "Techniques de Banque et de Crédit au Maroc", éd. 5ECCA Casablanca, P 472. (2) Idem. (3) Marshall: Monnaie et crédit P 350. 34
  • 33. Au Maroc, les entreprises, autres que bancaires et financières, ont été récemment autorisées par Bank Al Maghreb(l) à emettre un nou~~au type de titre commercial, appelé billet de trésorerie, négociable et à ordre, au profit de personnes physiques ou morales, ayant mis à leur disposition leurs liquidités excédentaires. Ces billets, soumis à l'accord préalable de la banque centrale, sont émis pour une durée de 10 jours à 9 mois, pour un nominal supérieur ou égal à un million de dirhams(2). La mobilisation de ces crédits qui possèdent les caractéristiques des effets de commerce, permet aux entreprises d'une certaine surface financière(3), d'accéder au marché de l'argent à des conditions peut être plus avantageuses, que celles du crédit bancaire(4). Sont qualifiés mobilisables en pratique, les crédits réescomptables auprès de Bank Al Maghrib. Il s'agit en fait d'effets admis comme supports de refinancements qu'elle accorde. Selon son règlement, Bank Al Maghrib subordonne l'admission des effets commerciaux à son portefeuille à un certain nombre d'usances particulières(5). En modifiant ces règles, l'Institut d'émission, peut en principe agir d'une manière selective sur les concours distribués par les établissements de crédit. Certains effets sont dits réescomptables sans formalités particulières, d'autres devant être soumis à certaines formalités. Certains autres sont refusés. Ainsi, le papier commercial matérialisant une opération conclue entre commerçants, portant sur une marchandise ou une prestation de service, n'a pas besoin d'accord de réescompte, sauf dans le cas où il ne répond pas aux conditions fixées par Bank Al Maghrib, ou lorsqu'il s'agit de papier de complaisance ou de cavalerie(6). (1) Par décision dite réglementaire selon l'usage en vigueur dans cette institution. La légalité de l'introduction de ces titres par décision réglementaire a été critiquée. Cf Mr Md Larbi Ben Otmane: l'introduction au Maroc des billets de trésorerie RMDED 1988 nO 16 P 103. (2) Mr Benotmane : "L'introduction au Maroc des billets de trésorerie RMDED 1988 n° 16 P 104. Cf également: A. Berrada. op. cit page 35. (3) Benotmane : op. cit page 104. (4) Le volume des transactions sur ces billets s'est fixé en fin 90 à 7,1 Mds DH, en augmentation sensible de 1,3 Mds DH par rapport à 89 (rapport de Bank Al Maghrib 1990 P 118). (5) Bank Al Maghrib: études et statistiques. (6) M. IX)(;HMI : Rôle de la banque du Maroc dans le système monétaire et bancaire P 186. Cf également, A Berrada : Techniques de banque et de crédit au Maroc P 482, et Md Larbi Benotmane : La profession bancaire au Maroc P 202, voir aussi rapport de Bank Al Maghrib, exercice 90. . 35
  • 34. Inversement, pour le papier financier et le papier représentatif de crédits à moyen terme, l'accord de réescompte est toujours requis. Bank Al Maghrib exige cependant la signature d'un organisme spécialisé. Le bénéfice du réescompte peut enfin être refusé au papier correspondant à des transactions non commerciales telles que les prêts personnels. Les effets pouvant accéder au portefeuille de Bank Al Maghrib doivent être à 120 jours, de la date de création, à la date d'échéance, mais suivant les branches d'activité, les tirages émis en règlement de certaines opérations, doivent compter un terme inférieur (cas de certaines denrées alimentaires ou produits pétroliers), ou au contraire bénéficier d'un terme plus long (secteurs dont l'activité est saisonnière). Le banquier qui accorde tm crédit excédent 4 mois doit souscrire à son client des billets de 120 jours renouvelables, et ainsi de suite. Les possibilités de recours de chaque établissement au réescompte auprès de l'Institut d'émission sont déterminées en fonction de ses autres ressources, et notamment de l'importance des dépôts de sa clientèle. Un plafond de réescompte est fixé pour chaque établissement bancaire, mais certains effets peuvent être mobilisés hors plafond(l). Depuis Janvier 1988, les plafonds de réescompte ont été supprimés et les banques doivent recourir aujourd'hui directement à un refinancement auprès du marché monétaire, où seuls les effets de commerce réescomptables sans formalités particulières sont admis(2). Le recours des banques à Bank Al Maghrib s'est élevé en 1990 à 10,5 Mds de dirhams contre 11,5 Mds DH en 1989(3). Le total des crédits à court terme octroyés par les banques marocaines de dépôts s'est élevé en 1990 à 43.872 millions Dirhams. Leur part dans le volume global des crédits est de 57,9%(4). . (1) Cas des effets garantis partiellement ou totalement par l'état, des effets assortis de l'aval de la caisse marocaine des marchés. (2) Rapport de Bank Al Maghrib exercice 1990 P 106. (3) Rapport de Bank Al Maghrib exercice 1990 P 106. (4) Rapport de Bank Al Maghrib exercice 1990 P 106. 36
  • 35. B) Les crédits à moyen terme mobilisables. Ce sont des crédits destinés à faciliter le développement des moyens de production de l'entreprise à financer les opérations de commerce extérieur et la construction immobilière. Leur durée varie de 25 mois à 7 ans. Ces crédits possèdent la caractéristique d'être réescomptables auprès de Bank Al Maghrib. La mobilisation de ces crédits permet aux banques de faire face aux demandes de remboursement des déposants, étant donné qu'ils sont octroyés à partir de dépôts à vue et à court terme(1). Les banques ne s'engagent généralement à les accorder que dans la mesure où elles sont secondées par des institutions spécialisées de crédit(2). Ces crédits sont matérialisés par des traites renouvelables à 120 jours d'échéance et sont réescomptables en première position(3) auprès d'organismes financiers spécialisés(4). Ils ne sont présentés au réescompte de Bank Al Maghrib que lorsqu'ils sont assortis de la garantie de la Caisse marocaine des marchés ou de la Caisse centrale de garantie. Selon l'objet de ces crédits, l'organisme spécialisé en cause est la B.ND.E, principalement dans le domaine industriel et accessoirement dans le secteur du tourisme, artisanat, agriculture modeme(5), la CN.CA. dans le domaine agricole, pêche côtière.,,<6). Par ailleurs, les organismes financiers spécialisés accordent directement des crédits à moyen terme mobilisables auprès de Bank Al Maghrib après Son accord préalable. (1) M. DOGHMI: Rôle de la Banque du Maroc dans le système monétaire et bancaire P 180. (2) Idem P 187. (3) Article 31 du statut de Bank AI Maghrib. (4) En 1988, une nouvelle forme de crédit à moyen terme réescomptable en faveur des petites et moyennes entreprises est accordée directement par les banques sans intervention d'O.F.S. dans le réescompte. (5) Depuis 1986, au Maroc, la B.N.D.E. intervient de plus en plus dans le secteur de l'agriculture moderne et du tourisme. (6) Depuis 1987, la C.N.C.A. a élargit son intervention au financement de l'accéssion à la propriété à la pêche côtière aux activités artisanales, forestières... 37
  • 36. C) Les crédits à moyen et long terme non mobilisables. Ce sont des crédits destinés également àfinancer des projets d'investissement, mais dont la durée peut atteindre 15 ans, voire plus dans certains cas. Ces crédits ne comportent aucune possibilité de mobilisation, ce qui signifie qu'ils ne sont pas matérialisés par des effets réescomptables auprès de Bank Al Maghrib ou auprès d'un organisme financier spécialisé. Les banques les consentent généralement en faveur de personnes ou d'entreprises, présentant un intérêt de clientèle important. Ces crédits, où l'intérêt de clientèle prime sur les considérations relatives à l'immobilisation de fonds sur une longue période, sont en pratique rares. Les banques sont d'autant plus sévères pour leur octroi que les montants de ceux ci sont importants et que la période de leur remboursement est longue(l). Le total des prêts à moyen et long terme, octroyé par les banques et institutions financières spécialiséès, a atteint en 1990 31,856 millions de dirhams. Leur part dans le total des crédits, est passée de 40% en 1989, à 42% en 1990. La part des banques dans cette catégorie de crédits s'est élevée de 26% en 1989, à 29% en 1990(2). Les crédits à court terme finançant les besoins courants des affaires sont dévolus aux banques de dépôt. Ceux finançant les besoins de consommation des particuliers font partie des attributions des sociétés de crédit à la consommation, alors que les crédits à moyen et long terme sont octroyés principalement par les organismes financiers spécialisés, en l'occurrence, au Maroc, la B.N.D.E, la CN.CA, le CI.H. Cette spécialisation est cependant nuancée dans la mesure où les banques de dépôt accordent également des crédits à court terme aux particuliers et des crédits à moyen terme à l'équipement des différentes entreprises(3). § II- Les crédits par signature. Dans cette forme de crédit, la banque n'avance pas de fonds, elle prête simplement sa signature, la confiance qu'elle inspire aux tiers(4). (1) (1) Berrada : Techniques de banque et de crédit au Maroc P 441. (2) Rapport de Bank Al Maghrib exercice 1990 P 106. (3) Berrada :Techniques de banque et de crédit au Maroc P 256. (4) Berrada : op cité P 256. 38
  • 37. Cette combinaison présente un avantage pour la banque, parce qu'elle ne l'oblige pas à verser des fonds, d'autant plus qu'elle se fait payer sa signature aussi chère qu'en cas de prêt. Cependant, comme le fait remarquer Mr Philips Simon(1) : "Dans tous les cas, l'intervention du banquier procure aux trésoreries des avantages comparables à ceux d'une avance de fonds. Elle comporte d'ailleurs le même risque pour la banque qui devra faire honneur à sa signature en cas de défaillance du débiteur". Ainsi, lors de l'octroi de ce genre de crédit, la banque se livre à une étude très minutieuse, comme d'ailleurs dans n'importe quel autre concours bancaire. Dans ce genre de crédit, on distingue: l'acceptation de cautionnement et l'aval. A) L'acceptation. Dans un crédit d'acceptation, la banque prête simplement sa signahlre, sans avoir l'intention d'avancer des fonds. L'établissement bancaire accèpte une traite de l'emprunteur ou de personnes désignées par celui ci. Le détenteur de la traite peut alors se procurer de l'argent en la négociant à d'autres banquiers. Le crédit par acceptation apparait peu dans le commerce intérieur, il est utilisé surtout dans le commerce extérieur. B) Le cautionnement. D'après l'article 1117 du Doc, le cautionnement est un contrat par lequel une personne s'oblige envers le créancier à satisfaire à une obligation du débiteur si celui ci n'y satisfait pas lui même. Les banques sont souvent amenées à cautionner leurs clien~s. Le banquier prête son propre standing au client. La caution peut avoir lieu vis à vis des administrations publiques, en faveur des titulaires de marchés avec ces administrations, ou de bénéficiaires de certaines facilités douanières, comme elle peut avoir lieu au profit des particuliers. (1) Cf Mr Frabot op cité P 312. 39
  • 38. Les cautions délivrées par les banques établissent une solidarité entre le débiteur et la caution c'est à dire la possibilité pour le créancier de poursuivre à la fois le débiteur principal et la caution, ou seulement l'un d'entre eux. Les banques prennent généralement soin de demander la stipulation expresse de la solidarité de la caution et la précision de la somme cautionnée. Cette stipulation reflète leur intention de n'invoquer ni bénéfice de discussion ni bénéfice de révision. La discussion, est le droit que possède la caution d'exiger que soient réalisés au préalable les biens meubles et immeubles du débiteur principal, avant d'être poursuivie elle même(1). La division rend possible la répartition des charges de l'obligation dans une proportion donnée, entre le débiteur principal et la caution. La précision de la somme cautionnée permet d'éviter les interprétations qui peuvent s'avérer par la suite défavorables à la banque ou à la caùtion(2). L'article 1118 du Doc précise à cet égard que "celui qui charge une autre personne de faire crédit à un tiers en s'engageant à répondre pour ce dernier, répond en qualité de caution et dans la limite de la somme indiquée par lui, des obligations contractées par les tiers... S'il n'a pas été fixé de limites, la caution ne répond que jusqu'à concurrence de ce qui est raisonnable, selon la personne à qui le crédit est ouvert". C) L'aval. Il constitue un cautionnement particulier, lié au droit de change(3). C'est l'engagement fourni par le tireur, ou le signataire de l'effet, qui se porte garant du paiement. La banque est souvent amenée à avaliser les traites tirées ou acceptées par ses clients. La loi précise que l'aval a pour effet d'engager l'avaliste de la même manière que celui dont il s'est porté garant (art 147. 7è al du code de commerce). (1) Art. 1136 du Doc. (2) A. Berrada op cité. (3) A. Berrada. Op. cité P 315. 40
  • 39. L'aval peut être donné sur l'effet de commerce, sur acte séparé, ou sur une allonge(l), il est exprimé par la mention "Bon pour aval" ou toute formule équivalente, accompagnée de la signature du donneur d'aval. Le donneur d'aval doit indiquer pour le compte de qui il est donné, à défaut de cette indication, il est stipulé être donné pour le compte du tireur, s'il s'agit d'une lettre de change (art 147, 6è al), et du souscripteur, s'il s'agit d'un billet à ordre (art 194 du Doc). § III- Crédits spéciaux. On distingue à cet égard le leasing ou crédit bail, ainsi que le forfaiting, et le factoring. A) Le leasing ou crédit bail Il s'agit d'une forme nouvelle de crédit par location. Fort développé aux Etats Unis où il a fait son apparition(2), il s'est répandu ensuite dans les pays européens et plus récemment au Maroc, où il a été introduit en 1965(3). Le leasing s'apparente à la fois à une opération de financement et à une opération de location. Il met en présence trois parties: le constructeur, la société de financement et le locataire. Ce dernier choisit son matériel. La commande est ensuite passée au constructeur par la société de leasing, qui reste propriétaire du matériel pendant toute la durée de location(4). A l'expiration du contrat, le locataire peut ou bien rendre le matériel, ou l'acquérir pour sa valeur résiduelle fixée par barème (2 à 7% du prix d'achat au Maroc), ou bien procéder au renouvellement du contrat de location avec un loyer minime. Au moment de la conclusion du contrat, les sociétés de leasing prévoient dans la plupart des cas le versement d'une garantie par le client. Celle ci représente en fait, la part du financement incombant au locataire et peut être assimilée à un loyer payé d'avance(5). (1) Art. 147 3è al. du Doc. (2) Boudinot et Frabot "Techniques et pratiques bancaires" P 247, voir aussi M. A. Mekouar R.M.D.E.D 1988, nO 16 P 55. (3) A. Berrada op cit P 100. (4) Henri Guitton précis Dalloz P 54. (5) A. Berrada : op cité P 462. 41
  • 40. Cette nouvelle forme de crédit par location permet à l'entreprise, au lieu d'immobiliser au départ des fonds propres, ou des capitaux empruntés, et de pratiquer chaque année des amortissements, de disposer du matériel et mobilier préalablement choisi, en déboursant simplement des annuités correspondant au prix de location du matériel. On a souvent reproché à ce mode de financement d'être trop cher et de favoriser le matériel standard, au détriment du matériel hautement technique, susceptible de diversifier la production et de contribuer au développement économique. B) Le forfaiting et le factoring. Ce sont des techniques nouvelles de financement des exportations. Très développées aux Etats Unis et en Europe(1), elles ont été introduites au Maroc à la fin des années 80(2). Ces techniques constituent des formules d'escompte sans recours qui permettent à tm exportateur de mobiliser à l'étranger ses créances à court terme, après avoir vendu sa marchandise à l'étranger. Le forfaiting consiste pour tm organisme à.acheter sans recours tme créance cédée par tm exportateur, sur la base d'tm effet escompté par le tiré (client de l'exportateur). Le factoring s'apparente au forfaiting avec cette différence que l'organisme achète la créance qui est matérialisée par tme ou des factures accompagnées de quittances subrogatives établies en sa faveur. Section Il : Les instruments de crédit. Le crédit se développe à partir de valeurs fournies par le prêteur. Ces valeurs sont matérialisées par des effets de commerce qui sont des moyens de paiement représentant une créance d'argent payable à court terme, conformément aux usages commerciaux. Les effets de commerce sont négociables, c'est à dire transmissibles par les prodédés rapides de droit commercial. (1) Boudinot et Frabot : op cité P 415. (2) A. Berrada :Techniques de banque et de crédit au Maroc P 606. 42
  • 41. Répondent à ces caractéristiques, la lettre de change, le billet à ordre, le warrant et le chèque que nous excluons, car il ne constitue pas un instrument de crédit. § 1- La lettre de change Définition: La lettre de change ou traite est un écrit aux termes duquel le créancier (tireur) ordonne au débiteur (tiré), de payer une somme d'argent à une échéance convenue, à une tièrce personne (le bénéficiaire), qtli est le créancier du tireur, ou à son ordre(l). Elle est régie au Maroc par le Dahir du 13 Août 1913, modifiée par le Dahir du 19 Janvier 1939, formant titre 9è du chapitre 1er du code de commerce. A- Création et circulation de la lettre de change. La création et la circulation de la lettre de change supposent son acceptation par le tiré. V L'acceptation. C'est l'engagement que prend le tiré sur la lettre de change de la payer à l'échéance et qui transforme le tiré en débiteur cambiaire. Elle suppose de sa part une obligation préexistente, qualitiée en droit cambiaire de "rapport fondamental,,(2). Lors de l'émission de la lettre de change, le tiré remet la lettre au bénéficiaire, parce que celui ci lui fournira un bien ou un service. L'acceptation a pour but de confirmer l'existence de la provision ainsi que l'accord du tiré, relatif à son intention de régler la lettre de change à l'échéance. L'article 146 du DCC précise, que "par l'acceptation, le tiré s'oblige à payer la lettre de change à l'échéance". Cependant, doit avoir lieu entre les mains du porteur. (1) J. Ferronière : Les opérations de banque 4è éd. P 113, cf également M. Guitton Précis Dalloz TIl, 4è éd. P 29 er P. Camboue: Monnaie crédit Banque P 31. (2) A. Mikou "Le principe de l'inopposabilité des exceptions entre le droit et la pratique bancaire", RMDED Casablanca n° 16 -1988 P 88. Cf également Roblot: "Traité élémentaire de droit commercial", 43
  • 42. La Cour Suprême a affirmé1) à cet égard, "Qu'en acceptant la lettre de change, le tiré s'engage cambiairement à régler son montant au porteur légitime..., et tout paiement de la lettre de change entre les mains d'une personne autre que le porteur, ne libère nullement le tiré à l'égard du porteur légitime". L'article 138 du DCC, précise que "le détenteur d'une lettre de change est considéré comme le porteur légitime, s'il justifie de son droit par une suite inintérrompue d'endossements, même si le dernier endossement est en blanc". L'acceptation se traduit par la signature du tiré au recto de la lettre de change. Cette signature est nécessaire pour la circulation de la lettre de change et sa négociabilité. 21 L'endossement Il consiste en l'insertion d'une mention au dos du titre. L'article 135 du DCC précise que "toute lettre de change, même non expréssement tirée à ordre, est transmissible par endossement. L'endosseur remet la lettre de change au porteur, en réglement d'une dette dont il est tenu à son égard. Celui ci peut endosser la lettre à nouveau et toute condition à laquelle est subordonné l'endossement est réputée non écrite. (art 135 al3 du DCC). D'après l'article 137, l'endosseur est sauf clause contraire, garant de l'acceptation et du paiement. Il peut interdire un nouvel endossement, auquel cas il n'est pas tenu à la garantie envers les personnes auxquelles la lettre est ultérieurement endossée. L'endossement peut revêtir 3 modalités: - L'endossement pignoratif qui implique le nantissement de la lettre de change à titre de gage. Cet endossement est rare dans la pratique, il est utilisé surtout par les banquiers pour les traites d'une grande valeur, afin de garantir une ouverture de crédit(2). (1) CS 21 Avril 1976 nO 219 recueil des arrêts de la CS de 1962 à 1982 publication de l'association de développement des recherches et des études juridiques 1985 (en arabe). (2) Roblot : Traité élémentaire de droit commercial nO 2056 P 180. 44
  • 43. - L'endossement par procuration ne confère à l'endossataire qu'un simple mandat de recouvrement(l), le bénéficiaire de l'endossement doit exécuter son mandat suivant les instructions qui ont été données à l'endosseur. - L'endossement translatif est le mode de transmission le plus utilisé. Conformément à l'article 136 du OCC, il transmet à l'endossataire tous les droits résultant de la lettre de change, dont notamment la propriété de la provision conformément à l'article 134 al3 du OCc. Le bénéficiaire qui reçoit la lettre de change à la suite de l'endossement devient le véritable propriétaire. B) Prérogatives inhérentes à la lettre de change. La lettre de change confère à son détenteur certaines prérogatives. On peut citer notamment le principe de l'inopposabilité des exceptions et celui de la solidarité des signataires. a- Le principe de l'inopposabilité des exceptions. Conformément à l'article 139 du code de commerce, "les p'~rsonnes actionnées en vertu d'une lettre de change ne peuvent opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre de change, n'ait agit sciemment au détriment du débiteur". L'acceptation de la lettre de change, puis son endossement, purgent par conséquent, en faveur du bénéficiaire, les moyens de défense que le tiré aurait pu invoquer contre le tireur et les porteurs successifs et ce, à la différence de la cession civile de créance, au sujet de laquelle l'article 207 du Doc précise que : "le débiteur peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu'il aurait pu opposer au cédant, si elles étaient déjà fondées au moment de la cession ou de la signification". Cette règle est basée sur l'idée que la lettre de change est une monnaie fiduciaire qui doit circuler rapidement, en pleine sécurité pour son bénéficiaire. (1) A. Mikou op cité P 95. Cf également A. Berrada Op cité P 244. 45
  • 44. La jurispmdence a fait du principe de l'inopposabilité des exceptions une application très rigoureuse. C'est ainsi que la Cour Suprême(1) a infirmé un arrêt de la chambre d'appel de Tanger (qui relevait à l'époque de la C.A de Fès). Cet arrêt avait donné droit au tiré, qui avait déjà réglé au tireur le montant d'lme lettre de change. La Cour Suprême a infirmé cette décision et a condamné le tiré à régler le montant de la lettre de change au banquier porteur. Après avoir rappelé que l'endossement de la lettre de change, transfère à l'endossataire tous les droits qui s'y attachent, la Cour Suprême a conclu "que le paiement entre les mains d'une personne autre que le porteur de la lettre de change ne libère nullement le tiré à l'égard du porteur légitime". Les tribunaux vont encore plus loin et ne procèdent à aucune recherche sur la condition d'application de ce principe, à savoir la bonne foi du porteur. C'est ainsi que le tribunal de 1ère instance de Casablanca avait condamné une société qui a accepté une lettre en paiement d'une marchandise qui ne lui a pas été livrée, à payer à la banque le montant de cette lettre de change, en plus de dommages et intérêts bien que, sur requête d'une tierce société, la marchandise ait été immobilisée au départ et n'ait pu être livrée à la société en question et bien que le vendeur ait avisé le banquier par let- tre, que les effets étaient sans provision et donc nuls(2). Ce principe de l'inopposabilité des exceptions se renforce par un autre principe qui est celui de l'obligation solidaire de tous les signataires au paiement de la lettre de change. b- L'obligation solidaire des signataires. D'après l'article 151 du DCC, "le porteur de la lettre de change doit la présenter au paiement, soit le jour où elle est payable, soit l'un des deux jours ouvrables qui suivent". En principe, il n'est admis d'opposition au paiement, conformément à l'article 156, qu'en cas de perte de la lettre de change, ou en cas de faillite du porteur. (1) Arrêt de la CS du 21 Avril 76 nO 219, recueil des arrêts de la CS de 1962 à 1982. (2) Tribunal de 1ère instance de Casablanca 30 Août 1979 Banque Générale du Commerce, contre Société Bocatex et Société Record de Paris. R.M.D. nO 1955 P 144 et 5 note de F. P Blanc P 147. 46
  • 45. Lorsque le tiré refuse de payer la lettre de change, le bénéficiaire se retourne contre les différents endosseurs, le tireur et les autres obligés. Toutes ces personnes, lui doivent la garantie de paiement. Le porteur peut les assigner toutes ou séparément, en même temps ou successivment(l). Ce recours contre les différents signataires n'est cependant possible, que si le porteur avait présenté la lettre de change au paiement dans les conditions légales. Il doit en outre faire dresser lm protêt, qui est un acte authentique fait par un agent du greffe, qui doit être établi conformément à l'article 161 du DCC, l'un des 2 jours qui suivent le jour où elle est payable. § II- Le billet à ordre. Le billet à ordre est un écrit par lequel le souscripteur s'engage à payer une somme déterminée au bénéficiaire, à une certaine échéance(2). Le billet à ordre est couramment utilisé par les établissements de crédit (banques, établissements financiers, sociétés de crédit) pour la mobilisation et le remboursement de leur concours. Deux noms seulement y figurent lors de la rédaction: le nom du débiteur qui promet de payer une somme d'argent et celui du créancier à l'ordre de qui la somme sera payée. L'article 194 du DCC précise que les dispositions relatives à la lettre de change sont applicables au billet à ordre. L'article 195 du Dahir précité précise que le souscripteur d'un billet à ordre est obligé de la même manière, que l'accepteur d'une lettre de change. Le porteur d'un billet à ordre impayé bénéficie également des recours du droit de change et des règles juridiques liées à ce droit notamment en ce qui concerne l'inopposabilité des exceptions. (1) Cf à cet égard Md Fassi Fihri : "Les moyens de preuve des créances du banquier et les procédures de recouvrement". nO 16 - 1988, P 140. (2) Ferronnière: Les opérations de banque 4è éd. P 127. Cf également H. Guitton précis Dalloz TIl, 4è éd. P 31 et A. Berrada : Techniques de banque et de crédit au Maroc P 248. 47
  • 46. § III- Le warrant. Le warrant est un effet de commerce annexé à un récépissé, cerfitiant le dépôt de marchandises dans les magasins généraux. Il est assimilé généralement à un billet à ordre où le souscripteur procure en garantie de son engagement des marchandises en gage. Il est régi au Maroc par le Dahir du 3 Juillet 1915, instituant et réglementant les magasins généraux, modifié par les dahirs des 25 juin 1973 et 15 juin 1954. L'article 15 du Dahir en question précise que le warrant donne la possibilité de mettre en nantissement la marchandise. Comme la lettre de change et le billet à ordre, le warrant est transmissible par endossement. L'article 25 du Dahir du 6 juin 1915 précise que: "les établissements publics de crédit peuvent recevoir les warrants comme effets de commerce, avec dispense d'une des signatures exigées par leur statut. Les avances bancaires qui sont consentis sur un warrant n'excédent généralement pas 80% de sa valeur. Au moment de l'avance, le client endosse le warrant, séparé du récépissé, au profit du banquier bailleur de fonds. Cet endossement équivaut au nantissement de la marchandise(l). Aux termes de l'article 17 du Dahir précité, le premier cessionnaire du warrant doit immédiatement faire transcrire l'endossement sur les registres du magasin. L'intérêt de cette transcription est de rendre opposable aux tiers, notamment au détenteur du récépissé, les sommes avancées sur les marchandises warrantées en dépôt. Le warrant est payable à la date d'échéance indiquée sur l'endossement et au domicile du magasin général. En cas de non paiement, le détenteur peut établir un protêt constatant la défaillance du débiteur et procéder à la vente de la marchandise engagée sans aucune formalité de justice, 8 jours après le protêt. (1) Cf à cet égard A. Berrada op cité P 503. 48
  • 47. Section III : les conditions de crédit. On entend par conditions de crédit, aussi bien le prix du crédit, que les garanties qui lui sont liées. § 1- Le prix du crédit Lors de l'octroi d'un crédit ou à l'occation d'une prestation de service, le banquier perçoit des intérêts et des commissions qui constituent le prix du crédit et par conséquent, la charge par excéllence qui vient gréver les opérations de prêt. Leur montant est indu dans le prix des entreprises qui recourent au crédit. La réglementation de ces charges contribue à maîtriser le développement du crédit(l). Leur diminution entraine une incitation à emprunter, tandis que la réduction des demandes de crédit est liée à leur augmentation. A) L'intérêt. JI constitue une somme calculée en pourcentage du capital prêté ou dû à verser annuellement au créancier, en rémunération de la privation ou de l'attente du capital(2). Economiquement parlant, l'intérêt constitue la rémunération de celui qui renonce à la liquidité et la met à la disposition d'autrui(3). Autrement dit, l'intérêt constitue le loyer de l'argent. Il est directement proportionnel au montant du capital emprunté, à la durée de l'emprunt et au taux d'intérêt convenu entre le prêteur et l'emprunteur(4). Au Maroc, l'organisation professionnelle des banques avait reçu délégation permanente du comité des banques, pour régler toutes les questions relatives aux tarifs bancaires. Ces dernières étaient considérées, en vertu de la réglementation bancaire de 1943, comme faisant partie de la profession bancaire(5). La réglementation élaborée prévoyait des taux maxima d'intérêt servis aux comptes créditeurs, et des taux minima, (1) Cf "Bank Al Maghrib" Etudes et statistiques 1975. P 52. (2) Dictionnaire de Droit. (3) Dictionnaire de gestion. (4) Dictionnaire de gestion. (5) Md Larbi Benotmane : La profession bancaire au Maroc P 204 49
  • 48. applicables aux comptes débiteurs (découvert...) et aux opérations de banque (escompte). Ces tarifs étaient souvent violés par les banques, en raison notamment de la liberté dont elles jouissaient, ce qui représentait un facteur considérable d'enchérissement des opérations de banque(1). Cette situation s'est prolongée même après la promulgation de la loi bancaire de 1967. Ce n'est qu'en 1974, date du premier choc pétrolier, que les préoccupations monétaires ont pris le pas dans divers pays, sur le souci économique proprement dit(2). La remise en cause de la croissance dans le monde a rendu nécéssaire, la priorité donnée à la lutte contre l'inflation et à la surveillance de la masse monétaire, afin de défendre la valeur de la monnaie(3). Au Maroc, la réforme des taux d'intérêts a COnstihlé par conséquent, un élément de la politique financière générale, élaborée conformément aux orientations tracées par le plan 73 - 77 qui visent d'une part à faciliter la formation et la consolidation de l'épargne et d'autre part, à donner aux autorités monétaires, la possibilité de mieux maîtriser le volume des concours distribués à l'économie, tout en favorisant certains secteurs(4). Cette réforme s'est traduite par plusieurs arrêtés ministériels(5) complétés par des décisions réglementaires(6) et enfin par des circulaires(7). Les commissions bancaires ont continué à relever de la réglementation bancaire et étendues comme usages applicables par la profession tout en lui étant opposables(8). 1/ Les intérêt créditeurs. Ils sont versés aux déposants, en vue de"les inciter à placer leurs fonds en dépôts. Leur structure a été hiérarchisée, afin de permettre une extention et une consolidation de l'épargne. (1) Idem P 204. (2) A. Berrada : op cité P 344. (3) Idem (4) Banque du Maroc "Etudes et statistiques" 1975 P 62. (5) 26 Juin 1974, 30 Juin 1975. (6) décisions nO 15 -16 -17. (7) n° 123/74,97/75, 102/75,63/75. (8) Md Larbi Benotmane op cité P 205. 50
  • 49. Selon le premier plan de réforme lancé au Maroc en 1974, ainsi que l'arrêté du 22 septembre 1950, des dépôts ne peuvent être rémlmérés à l'exception de ceux des entreprises d'assurance, de réassurance et des organismes de prévoyance sociale qui sont rémunérés à 5% par an(1). Cette interdiction de la rémlmération des dépôts à vue est maintenue dans la loi bancaire de 1993. La rémlmération des dépôts à terme est subordonnée actuellement à une échéance de 3 mois, au lieu d'un mois. L'ouverture du compte résulte d'une convention entre le déposant et le banquier, précisant les modalités de fonctionnement et de rémunération dudit compte, ainsi que les conditions de récupération des fonds avant l'échéance(2). La rémlmération minimum servie au dépôts à 3 mois d'échéance est de 8,5%. Ce taux a été maintenu dans la loi bancaire de 93. Au delà de 3 mois, les taux sont libres(3). Les remboursements anticipés ne sont autorisés que dans des circonstances exceptionnelles. Les avances consenties supportent des intérêts débiteurs décomptés à un taux supérieur à 2 points au taux d'intérêt créditeur, préalablement utilisé<4). 21 Les intérêts débiteurs. La réforme de ces taux a été entreprise en Juillet 1975. La grille nouvelle des taux a été simplifiée et mieux hiérarchisée. La simplification a été faite dans le sens de la limitation des catégories de crédit. La hiérarchisation s'est traduite par une certaine gradation des taux, en fonction de la durée du crédit et pour chaque catégorie de concours(5). Les taux débiteurs s'expriment en taux maxima et minima. L'article 873 du Doc précise que "les intérêts ne peuvent être calculés que sur la base d'une année", il ajoute, "qu'en matière commerciale les intérêts peuvent être calculés au mois". (1) Décision réglementaire de Bank Al Maghrib nO 68 du 8 octobre 1990. (2) Annexe nO 1 à la décision de Bank Al Maghrib du 1/7/74. (3) Décision réglementaire de Bank Al Maghrib nO 68 du 8 octobre 1990. (4) Décision réglementaire du Bank Al Maghrib nO 68 du 8 oct 90. (5) Banque du Maroc: "Etudes et statistiques". 51
  • 50. En cas d'escompte de papier commercial ou de rnnbili::;ation de papier de trésorerie, les intérêts sont calculés sur le nombre de jours s'écoulant entre, d'une part, la date de remise ou de la mobilisation, et d'autre part le jour de l'échéance (ou le jour du réglement effectif, en cas de report d'échéance). Le jour de la remise ou de la mobilisation, et le jour de l'échéance, sont l'un et l'autre décomptés dans le calcul des agios(l). Les effets escomptés et réclamés avant leur échéance ne donnent lieu à aucune ristourne d'intérêts. De plus, quelque soit la durée du crédit, un minimum est perçu selon la nature de l'effet. Il est fixé entre 10 et 15 jours de calendrier. Les taux débiteurs s'expriment en taux maxima et minima. Les banques ont tendance à plafonner autour des maximums prévus, sauf pour quelques grandes affaires, ou sociétés d'envergure et à quelques rares exceptions prés(2). Les crédits à moyen terme et les crédits de financement des marchés publics, avec intervention de la caisse marocaine des marchés, s'expriment en taux lmiques. Ainsi, les crédits à court terme mobilisables sont assujettis à des taux minimums fixés entre 5 à 9,5% et des taux maximums allant jusqu'à 13%, lorsqu'ils ne sont pas mobilisables(3). Les taux des crédits à moyen et long terme varient entre 9 et 14% pour les crédits mobilisables et 12 à 14% pour les crédits non mobilisables(4'. A compter du 1er Avril 1985, les autorités monétaires ont supprimé les taux minimums prévus pour les différents catégories de crédit. Cette suppression s'est identifiée au sein des établissements de crédit par la politique du "Prime Rate", que l'on peut traduire ainsi: aux meilleurs clients les meilleurs taux. Cette politique a c<mduit les institutions bancaires à favoriser plus les grandes entreprises à prix de revient faible et qui peuvent supporter des frais financiers élevés, que les petitres et moyennes entreprises, qui sont plus vulnérables en la matière(5J. (1) Décision réglementaire de Bank Al Maghrib n° 87 du la Mars 1992. (2) A. Berrada :op cit P 345. (3) Décision réglementaire de Banque Al Maghrib nO 69 du 8 octobre 1990. (4) A ces taux s'ajoutent des commissions frais et taxes exposés par la banque. (5) A. Berrada op cité P 346. 52
  • 51. A compter du 1er octobre 1990, pour les crédits à court terme et 1er Janvier 1991, pour les crédits à moyen et long terme, les taux d'intérêts sont devenus libres. Ils ne peuvent cependant dépasser de plus du tiers le taux moyen des adjudications des bons de trésor à un an du trimestre précédent, tel que communiqué par Bank Al ~~~ghrib(1). Les demandeurs de prêt à moyen et long terme peuvent en accord avec les banques ou les organismes financiers spécialisés prêteurs opter, soit pour la fixité, soit pour la variabilité des taux d'intérêts qui leur seront appliqués(2). Les taux d'intérêts ne doivent pas excéder de plus du tiers, le taux d'intérêt moyen pondéré, servi sur les dépôts à 6 mois et un an durant le mois précédent, tel que communiqué par Bank Al Maghrib. La variabilité des taux d'intérêts est basée sur l'évolution d'un taux de référence, COnstihlé par le coùt moyen des dépôts et bons de caisse à 6 mois et à un an, calculé sur une période de 12 mois (de 1-: date de départ du prêt à sa date anniversaire). Il est égal à la moyenne arithmétique des coûts des dépôts et bons de caisse à 6 mois et à lm an tels que diffusés mensuellement par Bank Al Maghrib au titre de la période considérée(3). La variation des taux d'intérêt peut être répercutée totalement ou partiellement une fois par an, à la date anniversaire du prêt, dans la limite de 2 points maximums par an et 5 points maximums, pendant toute la durée du prêt d'un terme égal ou inférieur à 7 ans, et 7 points maximums, quand la durée du prêt dépasse 7 ans(4). Lorsque le débiteur ne paie pas les intérêts aux échéances convenues, les intérêts deviennent à leur tour productifs d'intérêts. Cette capitalisation des intérêts est appelée anatocisme (cf P. 58). L'application des taux d'intérêts débiteurs appelle une remarque quant à leur légalité. En effet, l'article 875 du Doc énonce : liEn matière civile et commerciale, le taux légal des intérêts et le maximum des intérêts conventionnels sont fixés par un Dahir spécial". (l) A titre indicatif le taux moyen des adjudications des bons du trésor au cours du 3è trimestre 90, était de 10,75% entrainant un taux maximum pour le 4è trimestre de 10,75 +3,58 = 14,33%. (2) Circulaire de Bank Al Maghrib nO 2 du 23 Janvier 92. (3) Circulaire de Bank Al Maghrib nO 2 du 23 Janvier 92. (4) Circulaire de Banque Al Maghrib nO 2 du 23 Janvier 92. 53
  • 52. § II- Les garanties liées au crédit Ces garanties sont destinées à assurer le paiement des créances bancaires et à prémunir les banques contre les conséqueces d'tme éventuelle insolvabilité du débiteur. Elles ont connu de nos jours tm important développement, au point où certains promoteurs les considèrent comme des handicaps à leurs initiatives et au développement de leur entreprise(1). On distingue classiquement les garanties réelles, les garanties personnelles, en plus de la garantie indirecte: l'anatocisme. A) Les garanties personnelles Ces garanties consistent en l'engagement d'une ou de plusieurs personnes à se substituer au débiteur dans le paiement d'une dette, si celui ci ne paie pas à l'échéance. Ces garanties se réalisent sous forme de cautionnement, ou d'aval (cf. 39 et S). B) Les garanties réelles. Ces garanties portent sur le nantissement de biens meubles ou immeubles. Aux termes de l'article 1170 du Doc, flle nantissement est un contrat par lequel le débiteur, ou un tiers, agissant dans son intérêt, affecte une chose mobilière ou immobilière, ou un droit incorporel, à la garantie d'une obligation et confère au créancier le droit de se payer sur cette chose, par préférence à tous autres créanciers, au cas où le débiteur manquerait à la satisfaire". Les biens les plus divers peuvent être constitués en garantie d'une dette. L'article 1174 du Doc précise que "tout ce qui peut être valablement vendu, peut être objet de nantissement". C'est le cas par exemple des immeubles, du fonds de commerce, du matériel, des marchandises, des valeurs mobilières... (1) A. Berrada : op cit P 286. 56
  • 53. Les prérogatives inhérentes à ces garanties, notamment leur consistance, expliquent qu'elles soient d'une utilisation très répandue dans la profession bancaire(l). Les banques se préoccupent toujours de l'évaluation des biens qui leur sont donnés en nantissement, en vue de connaitre leur valeur réelle et veillent à la régularité des actes constituant la base de leur garantie. Les garanties immobilières sont constituées généralement sous forme d'hypothèque. Aux termes de l'article 157 du dahir du 12 Août 1913 sur l'immatriculation des immeubles : "l'hypothèque est un droit réel immobiler sur les immeubles, affecté à l'acquittement d'une obligation. Elle est de sa nature indivisible et subsiste en entier sur les immeubles. Elle les suit dans quelques mains qu'ils passent". Sans déposséder le propriétaire de l'immeuble grévé, l'hypothèque confère au créancier un droit réel immobilier qui lui permet, s'il n'est pas payé à l'échéance, de faire vendre le bien en quelque mains où il se trouve (droit de suite) est d'être payé sur le prix de vente avant les autres créanciers (droit de préférence)(2). Le nantissement mobilier ou gage est réservé aux biens meubles. Aux termes de l'article 1184 du Doc : "le gage confère au créancier le droit de retenir la chose jusqu'à parfait acquittement de la dette, de la vendre si l'obligation n'est pas acquittée et d'être payé sur le prix en cas de vente par privilége à tout autre créancier". Le créancier doit veiller à la garde et à la conservation de la chose, ainsi qu'au droit dont il est nanti, avec la diligence avec laquelle il conserve les choses qui lui appartiennent (art 1204 du Doc). Le gage garantit le principal de la dette et ses accessoires, ainsi que les dépenses et les frais nécéssités pour sa conservation et pour parvenir à sa réalisation. (1) A. Berrada : op cit P 319. (2) Decroux: "Le droit foncier marocain", éd. La Porte P 388. 57
  • 54. En cas d'inéxécution même partielle de l'obligation, l'article 1281 du DOC, permet au créancier dont la créance est exigible, "sept jours, après tme simple signification faite au débiteur et au tiers bailleur du gage, s'il y en a un, de faire procéder à la vente publique des objets donnés en gage". La vente est effectuée dans les formes prévues sur saisie exécution, par dahir sur la procédure civile. C) L'anatocisme. Il constitue une garantie indirecte liée à l'opération de crédit. Lorsque le débiteur ne paie que les intérêts convenus aux échéances fixées, les intérêts deviennent à leur tour productifs d'intérêts. Cette capitalisation des intérêts est appelée anatocisme. En vertu de l'article 874 du DOC: "est nulle entre les parties, la stipulation que les intérêts non payés, seront à la fin de chaque année capitalisés avec la somme principale, et seront productifs eux même d'intérêts"(l). En vertu de cet article, l'anatocisme se trouve interdit. Cependant, l'article 873, après avoir précisé que les intérêts ne peuvent être calculés que sur la base d'tme année, ajoute: "En matière commerciale, les intérêts peuvent être calculés au mois. Il énonce ensuite que les intérêts ne peuvent être capitalisés, même en matière de compte courant, si ce n'est à la fin de chaque semestre". Cet alinéa, permet donc la capitalisation des intérêts en matière commerciale(2), à la fin de chaque semestre, ce qui fait échec à l'interdiction de l'anatocisme édictée à l'article 874. La pratique bancaire marocaine est de capitaliser à la fin de chaque trimestre(3). Cette pratique est en contradiction avec les dispositions de l'article 873 du DOC qui ne permettent Iâ capitalisation en matière commerciale qu'à la fin de chaque semestre. (1) Cf arrêt de la Cour de Cassation du 17 oct. 1934. Recueil marocain Penant 1939 II P 85. (2) Cours de cassation 17 oct. 1934 GTM 1934 P 340; Tribunal de 1ère instance de Casablanca 5 février 1934 GTM 1934 P 67. (3) Decroux : Le droit des sociétés, éd. La Porte 1988, P 46. 58
  • 55. CHAPITRE II Définition du concept Islamique de référence L'activité des banques occidentales est basée sur l'intérêt. Or, l'intérêt est formellement interdit par le Droit Musulman, pour des raisons d'égalité et de justice entre les parties contractantes .à un triple point de vue, religieux social et économique. Cette interdiction se justifie, car elle trouve sa source dans le Coran et la Sounna. Ces deux sources ne se limitent point à poser l'interdiction; elles pénalisent la violation de la préscription, lui donnant un véritable concept d'infraction sévèrement sanctionnée. Ainsi, les fondements de l'interdiction de l'intérêt feront l'objet de notre première section. La deuxième section sera consacrée à la pénalisation de l'usage de l'intérêt. 59
  • 56. Section 1: Les fondements de l'interdiction Pour le droit Musulman, l'intérêt est formellement interdit, aussi bien par le Coran que par la Sounna. Ces deux sources par excellence du Droit Musulman ont consacré une réaction très virulente à cette conduite. Pourquoi cette réaction virulente? Suivant la plupart des auteurs, l'intérêt constitue un bénéfice sans contrepartie. Percevoir deux dirhams à terme, contre un dirhams, que l'on a versé au comptant, constitue un bénéfice tiré au détriment du débiteur, ce qui va à l'encontre des principes d'égalité et de justice entre les parties contractantes. Aussi, la prohibition de l'intérêt, a t-elle pour objectif de consacrer les deux règles idéalistes, d'égalité et de justice entre les parties contractantes, du point de vue religieux, social et économique. Justice et égalité, ne sont que les deux aspects de la même idée qui résulte d'une finalité supérieure exprimée par le Coran dans Sourate Al Hashr "Le rassemblement", verset 6 : ~U) u--l:.::ll) lS).l1 <.,>.l.l) J.".-)J) dl; ,~).lJ-Î,J .0.".-J Js- ~ ~üÎ L.) .«(~ ~~:YI0:: ~).) 0~ ':J J J::-JI 01) Ce verset se rapporte à la distribution du butin et énumère à peu près les mêmes bénéficiares que ceux de la zakat et expose la raison d'être ou la finalité supérieure qui préside à la répartition des biens entre les hommes: éviter qu'ils ne circulent exclusivement entre les riches. Il nous semble que la même (~..l$:), raison d'être, justifie amplement, ou fonde largement l'interdiction du riba. § 1- Principe d'Egalité. L'interdiction de l'intérêt vise à réaliser ente les parties contractantes une égalité des points de vue religieux, social et économique. A- Egalité du point de vue religieux. Au regard de la chariâ, tous les croyants sont égaux. Ils sont liés par un sentiment de fraternité: "Les croyants sont égaux", dit le Prophète. L'égalité et la sincérité doivent régner dans leurs rapports contractuels. Un musulman 60
  • 57. doit coopérer avec son frère et s'éloigner de l'égoïsme. "Nul ne peut se prévaloir d'être croyant -dit le Prophète- s'il n'aime pas pour son frère ce qu'il aime pour soi même". L'usure a été considérée par l'Islam comme un moyen qui favorise l'égoïsme. Les versets relatifs à son interdiction dans le Coran sont précédés par plusieurs versets qui incitent les individus à la coopération mutuelle, à la solidarité et à la chârité. De nos jours, l'attachement à ces principes se fait malheureusement de moins en moins sentir, beaucoup de musulmans font fructifier leurs capitaux, sans se soucier des principes inhérents à leur religion. J. Birier énonce à ce propos(l) : "Le progès techno-économique anonce la prolétarisation, la dégradation des valeurs et l'apparition des misères individuelles. Ce progrès en d'autres termes laisse au niveau des relations inter-personnelles l'homme indifférent à l'homme. Si l'Islam, en s'industrialisant, devait garder la substance des principes coraniques, il donnerait au monde une leçon retentissante". B) Egalité du point de vue social L'interdiction de l'intérêt vise à empêcher le favoritisme du capital, en établissant au sein de la société une égalité entre celui qui détient le r:apital et celui qui le fructifie. La richesse doit être exploitée dans l'intérêt de tous les membres de la société. Le capital doit par conséquent profiter à celui qui le détient et aussi qui le fructifie. Reconnaître un surplus au détenteur du capital, sans qu'il en soit reconnu également à l'utilisateur, constitue un privilège reconnu au capital par rapport au travail. Le capital devient ainsi une source d'inégalité sociale, un moyen pour aliéner l'individu et canaliser les richesses entre les mains d'une minorité. Cette situation constitue un préalable vers l'orientation d'une société de classe. Or, en Droit Musulman, la richesse ne peut en aucun cas être une source d'inégalité sociale. Elle n'est qu'un moyen pour réaliser une fin, à savoir le bien être de la société toute entière. Elle est valorisée en fonction de sa finalité sociale, ceux qui la possèdent devront en rendre compte à Dieu dans la même mesure: "et vous rendrez compte alors de vos jouissances éphémères" dit le Coran(2) (~.:.r~~). (1) Cité par J. Laurans dans sa thèse de doctorat "Etude sur le prêt à intérêt" édition Arthur Rousseau. Grenoble 1883. (2) Sourate ATIAKATOUR Verset 8. 61
  • 58. C) Egalité du point du vue économique. L'Isbm a réglementé également l'aspect économique de la vie humaine. 50n but est la création d'une société égalitaire. A cet égard, la prohibition de l'intérêt puise ses fondements dans l'idée qui consititue le support de la théorie économique en Islam, à savoir quc les richesses appartiennent à Dicu, les individus n'en sont que les détenteurs: "A Dieu -dit le Coran- tout ce qui est dans les cieux et tout ce qui est sur la terre"(1l. La richesse n'est par conséquent pas destinée à constituer une source de puissance économique, elle doit circuler continuellement dans le cadre de ce qui est permis par la charià et doit être dépensée dans le sens indiqué par Dieu pour aider les pauvres et leur permettre également de gagner: "Recherche - dit le coran- en ce que Dieu t'a apporté la demeure dernière et n'oublie pas ta quote part en cette vie et soi bienfaisant comme Dieu t'a été bien- faisant(2)". Les voies qu'empruntera l'homme dans cette recherche sont, soit un moyen d'assurer son salut, soit un moyen d'assurer sa perdition. L'activité économique en Islam ne peut être exercée qu'en conformité avec les préceptes religieux et moraux, ces préceptes constituent une composante de la vie économique. Le sprituel et le temporel en Islam sont liés. L'interdiction de l'intérêt vise par conséquent à préserver l'égalité entre les parties contractantes. Le contrat de prêt en Islam doit être rigoureusement gratuit, tout intérêt aussi minime soit-il, perçu en termes de loyer d'argent est considéré sans contrepartie. De même, lm échange doit avoir lieu avec une stricte équivalence. Il y a usure, toutes les fois que l'lme des parties perçoit lm bénéfice quelconque aux dépens d'lme autre. Cette notion d'équilibre des prestations entre les parties contractantes a conduit certains auteurs modemes(3) à donner à la théorie de l'usure lme grande ampleur. Ce n'est pas seulement le prêt à intérêt que l'on vise, ni les opérations mercantiles qui donnent tm grand profit à lme personne au détriment d'tme autre, mais tout contrat dans lequel il y a exploitation de l'une des parties, toute opération par laquelle, tme personne exploite la (1) Sourate Al BAQARA Verset 284. (2) Sourate AL KASAS (~) Verset 77. (3) Farouk ANNABHAN : "La notion de l'usure à la lumière des développement économique et sociaux contemporains" (en Arabe) Rabat 1987, P 107 et S. 62