2004 evolution de la perception sociale du risque alimentaire
1. Évolution sociologique de la
perception du risque
alimentaire
Un outil pour prévoir et gérer une crise sociale alimentaire
Virginie Masdoua
Socio - anthropologue de l’alimentation
2004
2. Sommaire
Définitions et historique
La perception du risque est sociale
L’acceptation ou le refus d’un risque est social
Perception des scientifiques et des politiques sur les risques alimentaires
Perception des consommateurs sur ces risques
Les nouveaux risques alimentaires perçus ?
Place de la perception des risques dans la gestion de la crise
Conclusions
3. Définitions et Historique
Les risques alimentaires : Les contaminants représentent les dangers
L’enjeu est la santé et la vie de l’homme
La vulnérabilité dépend de chacun et du groupe
« La notion de risque renvoie aux catastrophes ou aux dangers dont les
hommes entendent se prémunir ou porter remède. [..]
C’est un danger éventuel plus ou moins prévisible par un jugement de valeur
( Kourilsky et Viney, 1999).
[..] c’est une construction sociale où s’imbriquent étroitement le naturel, la technique, le
politique et le social, et où la rationalité scientifique s’inscrit dans l’espace
politique. »*
• * Debia M., Zayed J., groupe de recherche en toxicologie humaine et département de santé environnementale et santé au travail
• faculté de médecine, Université de Montréal.
4. Définitions et Historique
En Europe, jusque dans les années 60, le risque était
l’insuffisance alimentaire
Lois d’orientation agricole en France :
l’autosuffisance
Dés les années 70, recherche d’une alternative : agricultures
« durables », « paysannes » et « biologiques »**
Actuellement :
Accroissement de l’industrialisation de notre alimentation
Denrées alimentaires nationales et internationales
L’anxiété alimentaire***
*** Poulain J.-P, Sociologies de l’alimentation, Ed. PUF, 2002
**Dupont Y., Dictionnaire des risques, Ed. A.Colin, 2004.
5. Définitions et Historique
Depuis 1990, succession de risques : listeria, salmonelles,
dioxine dans le poulet , prions dans le bœuf avec des crises
déclarées et des rappels
Création d’institutions sanitaires alimentaires :
AFSSA en 1999
EASA en 2002
AFSSET en 2005
Dans les pays développés : prévalence de la recherche de
sécurité sanitaire
La perception des risques et de la sécurité alimentaire est
dans d’autres sociétés différentes.
6. La perception du risque est sociale
L’anxiété alimentaire en France :
L’assiette est le reflet de toute la chaîne alimentaire, elle y
concentre tous les risques de chaque secteur.
L’espace social
alimentaire
L’élevage : Que mange l’animal ? Comment est-il soigné?
L’abattoir : L’éviscération, les déchets ?
L’atelier de transformation : Comment est-elle ( la viande) manipulée et
conditionnée ?
L’entreposage dans la magasin : La chaîne du froid est-elle respectée?
En cuisine : Comment faire cuire la viande pour éliminer les risques ?
8. La perception du risque est sociale
De la fatalité divine où l’homme ne peut agir à la maîtrise des risques sociétaux
Droit à la sécurité
L’ère du « risque alimentaire » avec des acteurs qui ont leur propre perception
Les experts : « La protection alimentaire est de plus en plus efficace. »****
Les politiques : Mise en place d’agences pour l’évaluation des risques
et des services pour la gestion.
Les médias : rôle d’ informateurs et d’amplificateurs des risques.****
Les consommateurs : Une représentation paroxystique de leur alimentation.
« Ils ne sont que 20% à considérer que se nourrir présente moins de risques qu’auparavant alors que 60% estiment qu’il y a plus de risques pour la santé
liés à la consommation de produits alimentaires Par rapport à il y a 10 ans »****
Les industriels : Des barrières culturelles° dans la commercialisation européenne
….
****P.Feillet, Le bon vivant une alimentation sans peur et sans reproche, Ed. INRA, 2002.
° Conseil Régional Midi-Pyrénées, Actes du colloque du 19 sept. 2000, Sécurité des aliments, les enjeux de la demande sociale.
9. La perception du risque est sociale
Des risques naturels, on est arrivé à des risques artificiels.
« L’homme est à la merci de la folie de l’homme »
Les risques internes à notre société sont générés par des processus de
modernisation qui sont censés les contrôler.*** :
L’introduction des farines animales dans l’alimentation des herbivores constitue une transgression culturelle inacceptable!
La société du risque Une société défensive
Cette légitimité de défense ne doit pas faire accepter toutes les mesures.1
*** Beck U., The politics of risk society, in Franklin J., Ed. Polity Press, 1998.
1.Monroy M., la société défensive, Ed. PUF, 2003.
10. La perception du risque est
sociale
La longévité est un acquis social
Les valeurs sociétales actuelles dominantes sont
sanitaires
« Le souci de la santé et de la forme
deviennent les clefs de voûte de la
modernité »
David Lebreton
11. La perception du risque est sociale
La culture est un élément de régulation de l’anxiété alimentaire : au Japon
le Fugu permet de baiser la mort du bout des lèvres.
L’aliment est le marqueur d’une identité bio-culturelle,
« On gomme cette identité en la naturalisant »
Jean Pierre Poulain
Il n’y a pas de contradiction dans notre relation particulière aux risques
alimentaires car il s’agit d’un apprentissage culturel
Le risque alimentaire est bio-culturel
12. La perception du risque est sociale
Le Vegemite et le Marmite : deux épaisses pâtes marron foncé très salées, fabriquées à
partir d'extrait de levure issue des déchets de brasserie, et que l'on tartine sur du pain grillé en
Australie, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Des œufs chinois vieux de 1000 ans : des œufs de canard badigeonnés et enterrés
pendant une centaine de jours, qui deviennent bleu-vert, lisses et crémeux, et dont le goût très fort
rappelle celui du fromage.
La soupe anglaise à base d'orties. Ce sont les minuscules poils presque invisibles des
orties sauvages qui piquent lorsqu'on les touche, mais une fois cuites, on peut consommer sans
problème les orties.
Les fleurs de courgettes - de délicates fleurs jaunes, que les Grecs et les Italiens mangent
farcies, sous forme de beignets cuits à la grande friture.
De croustillantes fourmis frites, vendues dans un cornet de papier, que les
Colombiens grignotent avec plaisir lorsqu'ils sont au cinéma.
Des pattes de poulet au vinaigre, qu'on apprécie dans le sud des Etats-Unis.
………….
www.ourplanet.com
13. La perception du risque est sociale
Les goûts et les préférences qui prévalent dans un pays
peuvent sembler barbares et à risques…culturels
Assortiment de bouchées à base d'insectes
Bon appétit !
Des cocons et des chrysalides de ver à soie. Derrière, des
bouteilles de vin de fourmi chinois et des conserves de chrysalides de ver à soie
14. L’acceptation ou le refus d’un
risque est social
Certains comportements mènent à une prise de risque contradictoire :
Comment expliquer le rejet ou l’acceptation de certains risques ?
Les caractéristiques du danger influencent.
Avantage attendu : Bénéfice vs Risque
Exposition involontaire : Victime
Risque nouveau ou inconnu : La grippe aviaire
Conséquences redoutées : « statistiques », « catastrophiques »
Manque de prise sur la situation : risque est maîtrisé ou subi
Équitablement distribué
« Naturel »
De source sûre
Familier vs exotique
Enfants
D’après Fischhoff et al., 1981
15. Slovic, 1987
Non observable
Inconnu des personnes exposées
Effet différé
Nouveau risque
Risque inconnu de la science
Incontrolables
Appréhendé
Catastrophique
Conséquences
Non équitable
Collectif
Risque élevé pour les
générations futures
Pas facilement
réductible
Risque croissant
Involontaire
Effet sur moi
Contrôlable
Non appréhendé
Non catastrophique
Conséquences non
fatales
Equitable
Individuel
Facteur 1
Appréhension
Faible risque pour les
générations futures
Facilement réductible
Risque décroissant
Volontaire
Sans effet sur moi
Observable
Connu des personnes exposées
Effet immédiat
Vieux risque
Risque connu de la science
1 Aspirine
Vaccins
Contraceptifs
oraux
2 Déchets
radioactifs
Mercure
Pesticides
Tabagisme
Ski
Natation
3
Armes à feu
Smog
Accidents
automobiles
4
Facteur 2 (connaissance)
Les travaux de Slovic, ont développé une taxonomie des risque (des dangers)
16. Acceptation ou refus d’un risque
est social
L’aliment marqueur identitaire est jugé selon la forme que revêt la menace dans la réalité où
dans l’imaginaire de l’ homme.2
La perte de la vie
La disparition de la santé
« L’usure » de la santé
La condamnation
Implication
L’accusation
La dévalorisation
+
__
18. Les perceptions sont des réalités et ce qui est perçu comme étant réel,
même si ce n’est pas le cas, est réel pour la personne et réel aussi
pour les conséquences.3
Capital pour les décideurs et gestionnaires d’être sensibles aux
préoccupations du public afin que leurs décisions soient jugées
acceptables.
« Les taux limites ouvrent la voie à une ration durable d’intoxication
collective normale » 4
Le respect des normes = absence de dangers
3. Covello, Communication and risk perception, Canadian J. Public Health, 1995.
4. Beck U.,Acceptabilité du risque, in Dupont Y., Op.-Cit, 2004.
L’acceptation ou le refus d’un
risque est social
19. Perception des risques
alimentaires par les scientifiques
La cacophonie scientifique de la grippe aviaire :
Est-il nécessaire de s’alarmer, exclure des causes
probables ? Qu’est ce qui est rationnel ?
Ces « incertitudes fabriquées » sont la résultantes de
l’accroissement de nos connaissances.
« Ainsi produire une connaissance conflictuelle sur le
risque est une affaire de bon et non de mauvais expert »
U.
Beck 5
5. Beck U., Op.-Cit., 1998.
20. Perception des risques
alimentaires par les politiques
Une mobilisation du monde politique
S’ils mettent en œuvre les conseils scientifiques
Incertitudes
S’ils ne préviennent pas « l’explosivité sociale
du danger »..
Délégitimation de l’état responsable
de la sécurité. 6
Responsables ?
6. Beck U., Op.-Cit., 1998.
21. Perception des risques par les
politiques
Le système est mis sur la sellette par des organisations telles Greenpeace
La perception des risques par les producteurs et l’ensemble des acteurs de
l’espace social alimentaire est aussi essentielle à connaître !
22. Perception des risques alimentaires
par les consommateurs
Baromètre IRSN, octobre 2004.
"En France, parmi les problèmes actuels
suivants, lequel est pour vous le plus
préoccupant ?"
0%
5%
10%
15%
20%
25%
Ne sait pas Risques
alim
Risques
Nucl
Dégrad
envirt
chômage
échantillon de 1008 personnes, BVA institut
oct-04
23. Perception des risques alimentaires
par les consommateurs
Baromètre IRSN, octobre 2004.
Les risques alimentaires sont moins préoccupants
en 2004
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
Ne sait pas
Risques alim
Risques Nucl
Dégrad envirt
chômage
"En France, parmi les problèmes actuels, lequel
est pour vous le plus préoccupant ?"
cumul oct 04
cumul oct 99
Le premier et
second choix
Sont cumulés
24. Perception des risques alimentaires
par les consommateurs
Baromètre IRSN, octobre 2004.
"Dans chacun des domaines suivants, considérez-vous que
les risques pour les français en général sont"
0%
20%
40%
60%
80%
Pollution lacs..
O
bésité
j.
Pesticides
O
GM
PdtsAlim
.
oct.2004
Elevés
Moyent élevés
Faibles
25. Perception des risques alimentaires
par les consommateurs
Évolution des risques pour les français d’oct. 1999
à oct. 2004
La pollution des lacs, des rivières, et des mers
Les produits alimentaires :
risque élevé en 1999 pour 40% et en 2004 seulement 20%
Depuis novembre 2002 plus de 5% déclarent maintenant
que le risque est faible.
Les manipulations génétiques puis après 2002 : les OGM
risque élevé
risque moyennement élevé
26. Opinions des consommateurs sur
les vérités dites par les autorités
"Pour chacun des domaines suivants, estimez-vous
que l'on dit la vérité sur les dangers qu'ils
représentent pour la population ?"
0%
20%
40%
60%
80%
Pollution la...
Obésité j.
Pesticides
OGM
Pdts Alim.
Oct 2004, Baromètre IRSN
OUI
Plus ou Moins
NON
27. Opinions des consommateurs sur
l’expertise scientifique
Évolution des opinions d’octobre 98 à octobre 2004 : les résultats sont idem.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
"De manière globale avez-vous une bonne
ou une mauvaise opinion des experts scientifiques ?"
Bonne
Ni bonne Ni mauvaise
Mauvaise
28. Les nouveaux risques
alimentaires perçus
Dans l’actualité :
« Je peux être atteint de la peste aviaire en mangeant du poulet.»« il n’y a qu’à
vacciner toutes les volailles contre la peste des oiseaux. »7
Les risques en France sont nutritionnels et engendrent la Nutrivigilance : trop de
sucre, trop de gras, trop de sel !
L’évaluation de l’innocuité d’un nouvel aliment associe une approche toxicologique et
nutritionnelle.8
Et maintenant Socio-anthropologique aussi !9
7. Verbatims recueillis sur www.securitealimentaire.org
8. Wal J.M., Pascal G., Médecine et Nutrition, vol. 35, N°5, 1999.
9. Le CNA dans l’avis N°50 fait des propositions pour la mise en place d’une expertise socio-économique dans le cadre de l’analyse
des risques alimentaires, février 2005.
29. Place de la perception des risques dans
la gestion de la crise alimentaire
Il n’est pas logique de ne pas considérer les craintes alimentaires non
fondées
« On découvre [..] que les peurs et les angoisses
alimentaires ne sont pas seulement des
manifestations d’ignorance, d’idéologie ou
d’irrationalité : ce sont aussi les signes d’un besoin
profond du mangeur de s’approprier ( ou de se
réapproprier pleinement) ses aliments. »
C. Fischler
30. Place de la perception des risques
dans la gestion de la crise alimentaire
De la perception sociale des risques alimentaires
va découler des politiques pour gérer et prévenir :
1. Politique de recherche : quels sont les modèles alimentaires européens ?
2. Politique réglementaire : des champs énormes à préciser dans les divers
domaines ( toxicologiques, bactériologiques, nutritionnels et étiquetage)
3. Politique des contrôles officiels nécessaire pour l’efficacité de la réglementation
4. Politique utilisant le principe de précaution avec une expertise socio-
économique
5. Politique de qualité alimentaire responsabilisant les acteurs de la chaîne
alimentaire :
Les professionnels
Les consommateurs
31. Conclusions
Évaluer la perception du risque va servir à gérer l’anxiété alimentaire.
La socio - anthropologie de l’alimentation travaille sur la perception des
risques alimentaires, sert d’avertisseur et d’outils d’enregistrement des
crises
Elle met à jour les différentes perceptions du risque en fonction des diverses
catégories d’acteurs et peut évaluer l’impact d’une décision sur cette
perception
Elle prépare ainsi une expertise en second cercle et fourni des éléments
pour servir une politique de la qualité alimentaire
32. Conclusions
«Tout projet de changement (alimentaire)
exige une analyse approfondie du
fonctionnement tel qu’il est, puis une étude
de compatibilités structuro fonctionnelles,
et une prévision des répercussions sur tous les
éléments du système ( alimentaire)».