JOURNAL DU LYCEE IMMACULÉE CONCEPTION
février 2017
Rédacteurs : Louis Dréano, Coline Lappeman, Jennifer Collin, Anne Dubouch, P-A Gallouet
Éditorial par Louis Dréano
Si le terme fait peur, il faut être
lucide : nous sommes en crise
politique car tous les repères
sautent : implosion du PS,
affaire polémique pour le
candidat des Républicains,
réorganisation dynamique
autour du Front de Gauche,
montée en force du FN dans
les statistiques, la nébuleuse
« En Marche » qui floute le
clivage gauche-droite.
Phénomène des faux-
semblants ? En ce début de
février, il y a ce dangereux
sentiment d’être bouleversé à
trois mois des élections.
Comme si tout se renversait et
allait continuer à se renverser.
Outre Atlantique, notre ami
Donald continue de faire
trembler le monde : retour sur
la loi de régulation financière
Dodd-Franck, l’ancien de la
Goldman Sachs Steven
Mnuchin au Trésor, le fervent
libre-échangiste Sean Spicer en
tant que porte-parole de la
Maison Blanche… Quelle
incohérence ! Les Américains
ont voulu combattre les
« élites » technocrates, c’est
plutôt les grands banquiers
qu’ils protègent, ceux qui ont
fait sauté la finance en 2007 !
Le 27 janvier, Trump signe un
décret interdisant aux
ressortissants de sept pays
musulmans jugés dangereux
d’entrer sur le territoire
américain. La réaction a eu une
ampleur considérable (en
photo ci-dessus, des hommes
en prière à l’aéroport de
Dallas).
Lors de l’éditorial d’octobre
2016, on soutenait que le
journal était un « mur
d’expression », un lieu de
confrontation où chacun
pouvait écrire. Pour ce
numéro, l’effectif est
excessivement réduit. Ainsi on
ne peut assumer à la fois la
quantité et la qualité du
journal. Cela suppose une
question peu sympathique : les
lycéens de l’Immac ont-ils des
choses à dire ? De ciel et terre,
on vous attend au tournant
pour la prochaine publication.
1
Source : Dallas Morning News
Le Manifeste des quatre commandements du journaliste libre par Albert Camus
Les extraits que nous publions sont issus d’un article qui devait paraître le 25 novembre 1939 dans
« Le Soir républicain », un quotidien limité à une feuille recto verso qu’Albert Camus codirigeait à
Alger. Camus dénonce ici la désinformation qui gangrène déjà la France en 1939, mais son
manifeste va plus loin. Il est une réflexion sur le journalisme en temps de guerre, et plus largement,
sur le choix de chacun, plus que celui de la collectivité, de se construire en homme libre. Tombant
dessus, nous ne pensions pas qu’il pouvait sonner, à bien des égards, toujours aussi juste.
« Ce qu'il nous plairait de
définir ici, ce sont les
conditions et les moyens par
lesquels, au sein même de la
guerre et de ses servitudes, la
liberté peut être, non seulement
préservée, mais encore
manifestée. Ces moyens sont
au nombre de quatre : la
lucidité, le refus, l'ironie et
l'obstination. La lucidité
suppose la résistance aux
entraînements de la haine et au
culte de la fatalité. Dans le
monde de notre expérience, il
est certain que tout peut être
évité. La guerre elle-même, qui
est un phénomène humain,
peut être à tous les moments
évitée ou arrêtée par des
moyens humains. Il suffit de
connaître l'histoire des
dernières années de la
politique européenne pour être
certains que la guerre, quelle
qu'elle soit, a des causes
évidentes. Cette vue claire des
choses exclut la haine aveugle
et le désespoir qui laisse faire.
Un journaliste libre, en 1939,
ne désespère pas et lutte pour
ce qu'il croit vrai comme si son
action pouvait influer sur le
cours des événements. Il ne
publie rien qui puisse exciter à
la haine ou provoquer le
désespoir. Tout cela est en son
pouvoir. […] En face de la
marée montante de la bêtise, il
est nécessaire également
d'opposer quelques refus.
Toutes les contraintes du
monde ne feront pas qu'un
esprit un peu propre accepte
d'être malhonnête. » (...)
« On peut poser en principe
qu'un esprit qui a le goût et les
moyens d'imposer la contrainte
est imperméable à l'ironie. On
ne voit pas Hitler, pour ne
prendre qu'un exemple parmi
d'autres, utiliser l'ironie
socratique. Il reste donc que
l'ironie demeure une arme sans
précédent contre les trop
puissants. Elle complète le
refus en ce sens qu'elle permet,
non plus de rejeter ce qui est
faux, mais de dire souvent ce
qui est vrai. […] La vérité et la
liberté sont des maîtresses
exigeantes puisqu'elles ont peu
d'amants. »
(...)
« Cette attitude d'esprit
brièvement définie, il est
évident qu'elle ne saurait se
soutenir efficacement sans un
minimum d'obstination. Bien
des obstacles sont mis à la
liberté d'expression. Ce ne sont
pas les plus sévères qui
peuvent décourager un esprit.
Car les menaces, les
suspensions, les poursuites
obtiennent généralement en
France l'effet contraire à celui
qu'on se propose. Mais il faut
convenir qu'il est des obstacles
décourageants : la constance
dans la sottise, la veulerie
organisée, l'inintelligence
agressive, et nous en passons.
Là est le grand obstacle dont il
faut triompher. L'obstination
est ici vertu cardinale. Par un
paradoxe curieux mais évident,
elle se met alors au service de
l'objectivité et de la
tolérance. » (...)
« Voici donc un ensemble de
règles pour préserver la liberté
jusqu'au sein de la servitude.
Et après ? dira-t-on. Après ?
Ne soyons pas trop pressés. Si
seulement chaque Français
voulait bien maintenir dans sa
sphère tout ce qu'il croit vrai et
juste, s'il voulait aider pour sa
faible part au maintien de la
liberté, résister à l'abandon et
faire connaître sa volonté, alors
et alors seulement cette guerre
serait gagnée, au sens profond
du mot. » (...)
« Oui, c'est souvent à son corps
défendant qu'un esprit libre de
ce siècle fait sentir son ironie.
Que trouver de plaisant dans ce
monde enflammé ? Mais la
vertu de l'homme est de se
maintenir en face de tout ce
qui le nie. Personne ne veut
recommencer dans vingt-cinq
ans la double expérience de
1914 et de 1939. Il faut donc
essayer une méthode encore
toute nouvelle qui serait la
justice et la générosité. Mais
celles-ci ne s'expriment que
dans des cœurs déjà libres et
dans les esprits encore
clairvoyants. Former ces cœurs
et ces esprits, les réveiller
plutôt, c'est la tâche à la fois
modeste et ambitieuse qui
revient à l'homme indépendant.
Il faut s'y tenir sans voir plus
avant. L'histoire tiendra ou ne
tiendra pas compte de ces
efforts. Mais ils auront été
faits. »
2
INTERNATIONAL
À travers l’Asie par Louis Dréano – selon Le Monde et Asialyst
Chine
Le président chinois Xi Jinping
(en photo ci-contre) a frappé
un grand coup lors de son
discours d’entrée à la
conférence de Davos. En
profitant du profil bas des
dirigeants américains, en
pleine transition entre deux
administrations, et du désarroi
actuel du camp occidental, il a
volé la vedette à tout le monde
en se présentant comme le
champion toutes catégories de
la mondialisation et du libre-
échange. C’est bien le monde à
l’envers que présente cette
édition 2017 de Davos : dans
les démocraties du monde
occidental développé, la
mondialisation et le libre-
échange sont la cible des
attaques d’un puissant courant
politique, incarné par Donald
Trump. Et c’est le président
chinois, héritier de Mao, qui
vient rassurer les élites du
monde des affaires sur le bien-
fondé de ce concept qui a
révolutionné l’économie
mondiale depuis la fin du XXe
siècle. Pour exposer les
solutions possibles, Xi Jinping
n’a pas reculé devant des
accents quasi sociaux-
démocrates : il faut « amortir »
les chocs de la mondialisation
« de telle sorte qu’elle
bénéficie à tous », «
rééquilibrer le processus », le
rendre « plus inclusif et
durable », « trouver un
équilibre entre efficacité et
égalité ». Il s’est même fait
applaudir lorsqu’il a assuré que
c’était là « une responsabilité
que doivent endosser les
dirigeants de notre temps :
c’est ce que les peuples
attendent de nous ». Cela,
semblerait-il, marque un
tournant qui affirme la Chine
comme pouvoir rayonnant
dans le monde. Face à Trump,
Xi Jinping annonce une
véritable guerre commerciale.
Corée du Sud
Annoncé comme le favori de la
présidentielle sud-coréenne,
Ban Ki-moon a brusquement
annoncé son retrait de la
course ce mercredi 1er février,
et même de la politique en
général. Depuis son retour en
Corée du Sud le 12 janvier
dernier après dix ans passés à
New York, le diplomate avait
pourtant sérieusement envisagé
de se présenter à la
présidentielle sud-coréenne.
Bien qu’il n’ait jamais
officiellement déclaré être en
course, il avait organisé une
série d’apparitions publiques et
était largement attendu pour
rejoindre le parti au pouvoir
Saenuri de la présidente Park
Geun-hye. Probablement, les
espoirs présidentiels de Ban
ont vacillé à cause des attaques
politiques continuelles des
partis d’opposition et des
médias progressistes, sans
oublier les accusations de
corruption impliquant ses
proches et lui-même. Deux
affaires ont terni son image. La
première concerne 230,000
dollars de pots-de-vin touchés
par l’ex-patron de l’ONU des
mains de l’homme d’affaire
sud-coréen Park Yeon-cha. Ce
que Ban a nié en bloc.
Deuxième affaire gênante : le
bureau du procureur général
des Etats-Unis à New York
accuse le frère et le neveu du
haut diplomate d’avoir tenté de
corrompre un fonctionnaire du
Moyen-Orient pour faciliter la
vente d’un bâtiment au
Vietnam. « Mon patriotisme
pur et ma fierté ont été souillés
par des calomnies et de fausses
informations. Mon objectif
d’un changement fondamental
de la politique a perdu de son
sens », a ainsi déclaré Ban Ki-
moon (en photo ci-dessous).
États-Unis
En se rendant à Séoul le jeudi
2 février et à Tokyo le
lendemain, le nouveau
secrétaire à la défense, James
Mattis, a insisté sur la solidité
de l’engagement américain
auprès de ces alliés. Ce
message est bien nécessaire
pour les rassurer. Pas
seulement parce que le voisin
nord-coréen dit s’approcher de
son premier essai de missile
balistique de longue portée.
Mais surtout parce que, durant
sa campagne, Donald Trump a
menacé de retirer une partie
des 28 500 soldats américains
3
stationnés au sud du 38e
parallèle si Séoul n’acceptait
pas de payer davantage pour
leur présence. Il est allé
jusqu’à ne pas s’opposer à
l’idée que Japonais ou Sud-
Coréens développent, à leur
tour, l’arme nucléaire pour
assurer leur propre défense de
manière autonome.
Pareillement, l’abandon par les
Etats-Unis de l’accord
commercial TPP (Partenariat
Transpacifique) entre treize
États, sans la Chine, a été acté
dès le premier lundi de Donald
Trump dans le bureau Ovale, le
23 janvier. Faute d’avoir
avancé un plan B, ce retrait
laisse toute la région dans le
doute. La ministre des affaires
étrangères australienne, Julie
Bishop, a exhorté vendredi 27
janvier l’Amérique à ne pas
reculer dans la région : « Nous
pensons que les États-Unis
sont la puissance indispensable
dans tout l’Indo-Pacifique. »
Japon
Akihito (en photo ci-contre),
âgé de 83 ans, souhaite se
retirer, ce qui devrait être réglé
par une loi spéciale. La
commission chargée par le
premier ministre Shinzo Abe
d’examiner la question
d’abdication, a rendu ses
recommandations, lundi 23
janvier. Deux hypothèses sont
envisagées : une révision du
code de la Maison impériale ou
bien une loi spéciale autorisant
Akihito, et lui seul, à abdiquer.
Cette dernière option est
privilégiée par la commission.
Ces scénarios doivent servir de
base au débat entre les
dirigeants des partis afin de
parvenir à la rédaction d’un
projet de loi qui sera soumis
aux parlementaires en avril.
L’abdication pourrait intervenir
fin 2017.
Il paraît raisonnable qu’en
raison de son âge, l’empereur
Akihito envisage de se retirer.
Son attachement aux valeurs
libérales incite aussi à penser
qu’il pourrait souhaiter mettre
la monarchie japonaise en
accord avec son temps. En
abdiquant, il « humaniserait »
la figure impériale.
Philippines
Le président Rodrigo Duterte a
temporairement suspendu les
raids antidrogues menés par la
police, le temps d’épurer ses
rangs corrompus, mais il a
promis que la lutte contre les
narcotrafiquants se
poursuivrait jusqu’en 2022.
Cette annonce fait suite à la
mort de l’homme d’affaires
sud-coréen Jee Ick-joo, enlevé
à l’automne par la brigade des
stupéfiants, puis assassiné au
siège même de la PNP à
Quezon City, au nord de
Manille. Dans un discours aux
accents comminatoires, le
président Rodrigo Duterte (en
photo ci-contre) n’a pas hésité
à jeter l’opprobre sur les forces
de l’ordre : « Vous, les
policiers, vous êtes corrompus
jusqu’à la moelle. C’est dans
votre sang » ; estimant que 40
% d’entre eux se livraient à des
activités illégales. Plus de 7
000 personnes ont été tuées
dans cette lutte antidrogue
qu’Amnesty International
condamne de « crime contre
l’humanité ».
Taïwan
L’avènement de Donald Trump
à la Maison-Blanche ouvre à
Taïwan une période
d’incertitude à l’aube de
l’année du coq. Alors que le
gouvernement de Tsai Ing-wen
semble miser sur un
resserrement des relations avec
la nouvelle administration
républicaine, l’opinion
publique taïwanaise a peur des
représailles économiques de la
Chine. Effectivement, début
janvier, Tsai Ing-wen s’est non
seulement rendue en Amérique
centrale (Honduras, Nicaragua,
El Salvador et Guatemala),
mais lors de son voyage par
Houston, elle s’est entretenue
avec plusieurs responsables
républicains de premier plan
comme le sénateur Ted Cruz.
Autant de gestes qui
mobilisèrent les habituels
contre-feux de la fière
République Populaire. Un
degré supérieur dans la tension
diplomatique sino-taïwanaise ?
Envie de vous exprimer ?
Envoyez-vos articles à l’adresse : louis.dreano@sfr.fr
4
La construction démocratique birmane toujours sous le joug du Tatmadaw par Louis Dréano
Depuis le 1er novembre 2016,
près de trente mille Rohingyas,
victimes d’exactions, ont fui le
Myanmar. Si Aung San Suu
Kyi a instauré une conférence
de paix avec tous les groupes
armés en septembre dernier,
des divisions ethniques
demeurent. Un an après son
élection, toujours tributaire des
généraux, elle doit aussi faire
face aux problèmes
économiques intérieurs.
Démocratie sous obéissance
Il subsiste encore ce sentiment
paradoxal parmi les
parlementaires birmans.
L’armée, dite « Tatmadaw »,
reste effectivement une
menace consciente sur cette
démocratie naissante. « À tout
moment, nous pourrions être
emmenés en prison », ironise
le député Win Htein, fidèle
d’Aung San Suu Kyi. Sous
différentes formes, une junte
militaire dirigeait le pays
depuis 1962. Aujourd’hui elle
encadre encore le nouveau
régime : « Les généraux ont
pris l’initiative du changement,
et ils sont incontournables »
admet le journaliste Myint
Zaw. Certes, la dictature n’est
plus, mais ce premier
gouvernement civil, opéré par
Htin Kyaw mais
principalement mené par Mme
Suu Kyi, doit se satisfaire
d’une Constitution écrite en
2008 par et pour l’armée. Et
tant que cette dernière ne sera
pas amendée, on ne pourra pas
parler de véritable démocratie
au Myanmar car il faut avant
tout relever le défi de la
cohésion nationale.
« L’obéissance est absolument
nécessaire. C’est pour le bien
de la construction
démocratique et de la
réconciliation nationale. La
situation demeure très fragile.
Il nous faut assurer la cohésion
face aux militaires » assume
Win Htein.
Volontariste, Mme Suu Kyi
(ci-dessus) a convoqué, du 31
août au 4 septembre 2016, une
conférence dite de « Panglong
du XXIe » – en référence à
celle organisée par son père en
1947, dessinant à l’époque les
contours d’une Union birmane.
« Sans la paix, nous ne
pouvons répondre aux besoins
des citoyens » affirme-t-elle.
Or, comment établir la paix
quand le pays n’a connu que la
guerre depuis l’indépendance
en 1948 ? Ainsi négocier avec
la Tatmadaw reste essentiel :
« par le passé, note l’analyste
Min Zin, on voyait la junte
militaire comme l’ennemi
commun. Désormais la
Tatmadaw travaille en
collaboration avec le
gouvernement sur le processus
de paix ». Lors de la
conférence de septembre 2016,
il était difficile de s’entendre et
d’ouvrir les négociations. De
surcroît, il y avait de grands
absents : notons l’armée Wa,
l’armée Ta’ang de libération –
sur lequel le cinéaste chinois
Wang Bing a réalisé un
saisissant documentaire en
2016 – l’armée de l’Arakan et
l’armée de l’alliance
démocratique nationale du
Myanmar. Le projet de
fédéralisme, autrefois écarté
par l’armée, est aujourd’hui à
l’ordre du jour et garant de la
cohésion du pays. Toutefois,
« on risque de voir apparaître
une fédération d’États dessinée
sur des bases ethniques »,
explique Carine Jaquet,
spécialiste du Myanmar. En
somme, « une reproduction de
ce que la majorité Bamar a
imposé durant des décennies
aux minorités ».
Une icône démocratique
Pourtant, les Birmans
comptent sur Aung San Suu
Kyi, opposante historique,
adulée et prix Nobel de la paix
en 1991. Son portrait est vendu
sur les trottoirs aux côtés de
celui de son père, le général
Aung San, héros de
l’indépendance assassiné
quand elle avait 2 ans. Les
mêmes phrases reviennent en
boucle : « Aung San Suu Kyi
notre mère » ; « Je lui fais
confiance » ; « Elle lutte pour
notre pays ». Certains
dénoncent un culte de la
personnalité autour d’une
femme réputée peu conciliante.
Elle doit aujourd’hui se
montrer à la hauteur de ces
espoirs. Toutefois, « les
problèmes ne peuvent être
résolus par un seul cerveau »
alerte Lut Latt Soe, directrice
du journal The People’s Age.
Le peuple a aussi sa part à
jouer.
5
Prisonniers politiques oubliés
Le sort des prisonniers
politiques restant en détention
reste un sujet piquant, en dépit
du nombre important de
prisonniers libérés à la fin de la
mandature précédente. La
LND – Ligue Nationale pour la
Démocratie, parti d’Aung San
Suu Kyi – avait effectivement
promis de libérer. Dès avril
2016, 180 auraient été libérés
mais rien d’autre n'aurait
abouti après le printemps. Le
passé de ces habitants réprimés
demeure une chape de plomb
latente au Myanmar. Ils
seraient 200 à avoir succombé
à la torture ou aux mauvais
traitements entre 1962 et 2011,
pour la plupart lors de la
répression du mouvement
démocratique de 1988. Ils
n’auront pas vu le résultat des
combats auxquels ils ont
participé. Selon l’Association
d’assistance aux prisonniers
politiques (AAPP), deux mille
personnes ont été détenues
pour raisons politiques au plus
fort de la répression. « Une
réconciliation ne peut se faire
sans une reconnaissance de ce
qui s’est passé » plaide le
directeur de l’AAPP, M. Bo
Kyi. A ses yeux, un monument
du souvenir ou un travail de
mémoire serait essentiel. Le
gouvernement se montre
malgré tout timide.
Potentiel économique sous
tension
La Birmanie, qui était l’un des
pays les plus riches d’Asie du
Sud-Est dans les années 1950,
est aujourd’hui classée dans la
catégorie des pays les moins
avancés. En 2014 et 2015, elle
a réalisé des taux de croissance
de l’ordre de 7,5 % – 8,3 %
prévus pour 2016 selon la
Banque mondiale – l’un des
plus forts de la région, tiré par
le secteur de la construction,
de l’industrie manufacturière et
le dynamisme des exportations
de gaz. A la suite de la
rencontre avec Obama en
septembre 2016, la levée des
sanctions internationales
doivent en outre accélérer
l’afflux et la diversification des
IDE. Le pays dispose
effectivement d’atouts
importants : des matières
premières abondantes (mines,
bois, gaz et pétrole), un marché
de plus de 51 millions de
consommateurs, une main
d’œuvre bon marché, un
potentiel touristique encore
largement sous-exploité et une
intégration régionale forte, du
fait de son appartenance à
l’ASEAN depuis 1997 et de
ses liens étroits avec la Chine
et l’Inde.
Cependant, l’ouverture aux
marchés extérieures ne profite
pas véritablement aux paysans
qui correspondent à 70 % de la
population. En effet, la
confiscation des terres pour
des projets de développement
par l’armée ou par des
entreprises cronies augmente le
nombre de paysans sans
ressources. Durant des années,
l’armée a assuré
l’enrichissement des hauts
gradés en développant des
consortiums impliqués dans
tous les secteurs de
l’économie. Un véritable État
dans l’État. L’extraction du
gaz, des pierres précieuses et
des ressources naturelles dans
des zones où vivent les
minorités ethniques a servi de
manne. Ce faisant, le
gouvernement de Mme Suu
Kyi souhaite remettre à plat les
licences octroyées pour
l’extraction minier dans l’État
kachin notamment. De même,
il a promis de redonner les
terres aux propriétaires spoliés
d’ici à avril 2017. « Nous
devons offrir des emplois, et
également former notre main
d’œuvre, déclare M. Ki Ki
Gyi, l’un des dirigeants de
Génération 88, mouvement de
la jeunesse pour la démocratie.
Je crains que les entreprises
étrangères ou les organisations
non gouvernementales qui
s’installent, attirées par les
évolutions récentes de notre
pays, ne monopolisent les
ressources humaines au
détriment des investisseurs et
des projets locaux ».
Intolérance religieuse face
aux Rohingyas
« La peur, l’angoisse, la
violence sont enracinées dans
notre société » rappelle
l’écrivaine et directrice du Pen
Club Ma Thida. Ainsi, les
6
violences exercées depuis 2012
contre la minorité musulmane,
en particulier les Rohingyas,
sont à ses yeux des
conséquences du passé : « On
opprime le plus faible par
crainte du plus fort. La fureur
qui ne pouvait s’exprimer
autrefois par peur de la junte se
libère sans retenue ? Elle est
attisée par les rumeurs qui se
répandent sur les réseaux
sociaux ». Par ailleurs, Aung
San Suu Kiy se montre très
circonspecte et creuse face à
l’intolérance religieuse
grandissante. Alors que
l’armée est accusée de
nettoyage ethnique dans
l’Arakan, elle s’agace des
critiques récurrentes de la
communauté internationale sur
le sort des Rohingyas : des
centaines de personnes ont
ainsi défilé à Kuala Lumpur, à
Jakarta, à Bangkok devant
l’ambassade de Birmanie en
demandant l’arrêt du
« génocide » en décembre
dernier. Cependant, le
gouvernement birman rejette
avec force les accusations de
massacres et a annoncé la mise
en place d’un comité national
en charge d’enquêter sur la
situation dans cet État.
Sous le précédent
gouvernement, les extrémistes
bouddhistes invoquaient
régulièrement un prétendu
boom démographique
musulman qui risquait de
diluer la culture et les
traditions bouddhistes. Ils
estimaient que la porosité de la
frontière avec le Bangladesh
permettait à de nombreux
immigrés musulmans de
s’infiltrer. Ils expliquaient que
la polygamie pratiquée par
certains hommes musulmans,
faisait galoper la natalité dans
les régions proches du
Bangladesh. L’Arakan semble
aujourd’hui faire face à une
autre menace liée à ces
restrictions : la radicalisation
de certains d’entre eux et
l’utilisation des tensions par
les réseaux djihadistes. Le
gouvernement a attribué la
responsabilité des attaques au
groupe Aqa Mul Mujahidin, lié
au RSO, un mouvement
rohingya fondé dans les années
1980 pourtant considéré
dissous. Financé par l’extérieur
et dirigé par un Bangladais
entraîné par les Talibans
pakistanais, le groupe de 400
militants aurait armé et
persuadé des jeunes de recourir
à la violence. En septembre
2014, Al-Qaïda avait déjà
annoncé la création d’une
branche qui « hisserait le
drapeau du djihad » en Inde, au
Bangladesh et en Birmanie, au
moment où l’État islamique
tentait d’étendre son pouvoir
en Afghanistan, au Pakistan et
au Cachemire.
Une Commission consultative
sur l’Arakan, dirigée par Kofi
Annan, ancien secrétaire
général de l’ONU, a été mise
en place le 23 août 2016. D’ici
un an, elle a pour objectif de
proposer à la conseillère d’État
Aung San Suu Kyi des
solutions pour la prévention
des conflits, la protection des
droits fondamentaux,
l’assistance humanitaire, la
mise en place d’institutions et
le développement de l’État
d’Arakan.
À la fin janvier, Ko Ni,
conseiller juridique musulman
d’Aung San Suu Kyi, a été tué
par balle à l’aéroport de
Rangoun. Cet homicide
constitue un reflet des lourdes
tensions interconfessionnelles
du pays auxquelles le
gouvernement du LND doit
résolument faire face.
« L’icône de la démocratie birmane ménage les militaires » par Christine Chaumeau – Le Monde
Diplomatique, Janvier 2017, n°754
« Les prisonniers politiques oubliés » par Christine Chaumeau – Le Monde Diplomatique, Janvier
2017, n°754
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/01/31/la-birmanie-rongee-par-l-intolerance-
religieuse_5071973_3216.html#tqYu60rVjT02u1bU.99
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/birmanie/presentation-de-la-birmanie/
http://www.info-birmanie.org/wp-content/uploads/2007/03/La-Birmanie-un-nouvel-eldorado_-10-id
%C3%A9es-re%C3%A7ues_Info-Birmanie_-Janvier-2014.pdf
https://asialyst.com/fr/2016/11/25/birmanie-armee-accusee-nettoyage-ethnique-contre-rohingya/
https://asialyst.com/fr/2016/11/21/birmanie-quelle-appartenance-religieuse-pour-51-millions-
dhabitants-du-pays/
7
Minerais au cœur des groupes armées et des intérêts étrangers en RDC par Louis Dréano
« L’Afrique a la forme d’un
revolver dont la gâchette se
trouve au Congo. » Un demi-
siècle après l’indépendance de
l’ancien Congo belge, en 1960,
le mot de Frantz Fanon – un
des fondateurs du courant
tiers-mondiste – sonne toujours
aussi juste. À Kinshasa –
capitale de la République
démocratique du Congo (RDC)
– l’impéritie politique
accentue les tensions internes
et armées du pays.
Effectivement, le
gouvernement congolais
nommé le 20 décembre, date
de la fin du second et du
dernier mandat du président
Joseph Kabila (en photo ci-
dessous), voit son sort déjà
scellé. Après trois semaines
interminables de dialogue sous
l’égide de l’église catholique,
l’accord entre la majorité
présidentielle et l’opposition a
enfin été signé le 31 décembre
2016, offrant à Joseph Kabila
le temps de la transition d’un
an pour enfin organiser des
élections fin 2017. D’ici-là
demeure le chaos.
En deçà de l’instabilité
politique, le Congo cristallise
des intérêts de ressources tant
pour les groupuscules armés
que les investisseurs étrangers.
À l’est du Congo, la région du
Kivu constitue un lieu de
conflit sans nom qui perdure
depuis vingt ans. La journaliste
Justine Brabant rappelle que
les humanitaires dénombrent
jusqu’à 7 millions de tués –
chiffre contestable car il est
strictement impossible de
pouvoir compter les victimes.
Initialement, le génocide
rwandais aurait provoqué cette
série de conflits par un afflux
de réfugiés et de génocidaires
au Zaïre – ancien nom de RDC
– depuis 1994. Il subsiste
depuis une frontière très
poreuse entre être rebelle et
participer à l’armée, entre être
en guerre et être en paix, dans
la mesure où, dès 1996, le
gouvernement de Kinshasa a
financé ces groupes armés qui
règnent en partie aujourd’hui
et maltraitent la population
congolaise. Toutefois, géant
économique de l’Afrique
centrale, la République
démocratique du Congo détient
les premières réserves
mondiales de coltan et les
quatrièmes de cuivre. Cela fait
d’elle une zone stratégique
pour les industries du monde
entier : australiennes,
chinoises, canadiennes, sud-
africaines ou américaines, ces
sociétés se sont vu qualifier par
l’écrivain In Koli Jean Bofane
de « touristes à but lucratif ».
Depuis 2003, plusieurs
rapports du groupe d’experts
des Nations unies sur les
causes économiques du conflit
dans l’est de la RDC ont mis
en lumière le lien entre les
milices armées et
l’exploitation, pour le compte
de sociétés étrangères, de
minerais stratégiques
indispensables à la fabrication
de certains appareils
électroniques comme les
téléphones portables.
Affichant une volonté de
changer les pratiques,
Washington veille désormais à
effectuer avec diligence toutes
les vérifications concernant
l’origine de ses
approvisionnements en
minerais. Les Etats-Unis ont
même abandonné le Nord-
Kivu après l’adoption en 2010
de la loi Dodd-Frank. Celle-ci
exige que les sociétés cotées en
Bourse outre-Atlantique
rendent publique l’origine de
certaines matières premières –
étain, tantale, tungstène, or –
contenues dans leurs produits,
afin de prouver qu’elles ne
proviennent pas de la RDC ou
de l’un de ses neuf pays
limitrophes. En mai 2016, un
groupe américain, Freeport-
McMoRan, a par ailleurs cédé
à China Molybdenum, pour 2,6
millards de dollars, la plus
grande mine de cuivre et de
cobalt de RDC, Tenke
Fungurume, située dans le
Katanga.
Une mine très lucrative aussi
pour les groupes armés
présents en RDC : le trafic
illégal de charbon décime la
forêt du plus ancien parc
naturel africain dans le Nord-
Kivu. Samedi 7 janvier,
Etienne Kivu Mabwanano, 44
ans et chef traditionnel du
groupement Bishusha, a été
assassiné de trois balles alors
8
qu’il se rendait vers la forêt.
Certains avancent une querelle
de chefferie, les sicaires
auraient pris la fuite. Il est
ainsi aisé de disparaître dans
les collines et les hauts
plateaux de cette région
frontalière du Rwanda et de
l’Ouganda, ravagée par les
guerres et toujours infestée par
une myriade de groupes armés.
Dans la forêt d’où se dégagent
d’épaisses fumées grises, des
bûcherons et des
manutentionnaires s’attellent à
couper les arbres à la hache ou
à la tronçonneuse, à brûler le
bois et à empaqueter les
braises dans des conditions
effroyables, sous la
surveillance d’hommes armés
de kalachnikovs. Qu’importe si
le parc national des Virunga est
classé sur la liste du patrimoine
mondial de l’humanité « en
péril ». Sous pression foncière
et démographique décuplée par
l’arrivée de deux millions de
réfugiés rwandais fuyant le
génocide, les maîtres de ce
business déjà recherchés pour
« crimes de guerre » et visés
par des sanctions des Nations
unies. Nichés dans des poches
du parc naturel le plus ancien
d’Afrique, les rebelles
rwandais des Forces
démocratiques pour la
libération du Rwanda (FDLR)
règnent sur cette industrie
lucrative avec la complaisance
de certains militaires et
politiques congolais, selon
l’ONU. La production illégale
de charbon estimée à 293 000
tonnes par an assure aux
organisations criminelles de la
région un profit net variant
entre 12 et 35 millions de
dollars, selon un rapport
d’avril 2015 du programme
des Nations unies pour
l’environnement. Suffisant
donc pour entretenir des
milliers de combattants,
acquérir armes et munitions et
corrompre des officiels.
Face à cette pétaudière, il n’est
que trop difficile pour la
communauté internationale
d’assurer la stabilité et la
sécurité en RDC. Le bilan de la
MONUSCO – Mission de
l'Organisation des Nations
unies pour la stabilisation en
République démocratique du
Congo créée en 1999 par la
résolution 1279 pour maintenir
la paix – reste particulièrement
contestable dans la mesure où
elle n’a pas dénoncé le rôle
néfaste du Rwanda qui
finançait des mouvements
armés déstabilisants l’est du
Congo. De même, elle n’a pas
remis en question les fraudes
autour des élections de 2011
qui établirent l’arrivée de
Joseph Kabila au pouvoir.
« Omniprésence des intérêts étrangers » par Sébastien Broca – Le Monde Diplomatique, décembre
2016, n°753
https://www.youtube.com/watch?v=O6ODgLCBqX0 – Justine Brabant sur Médiapart
http://lemonde.fr/planete/article/2017/01/14/en-rdc-le-trafic-du-charbon-de-bois-seve-de-la-
guerre_5062692_3244.html
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/01/04/en-rdc-la-crise-est-aussi-economique-5057573-
3212.html#3WMu3gTeHce5f2jB.99
http://lemonde.fr/afrique/article/2016/12/31/en-rdc-pouvoir-et-opposition-sont-pratiquement-
arrives-a-un-accord_5056038_3212.html
Piotr Pavlenski, ennemi de Poutine, demande l’asile en France par Louis Dréano
Le 23 janvier dernier,
Médiapart a organisé une
grande réunion publique
intitulé « Sonnons l’arme ! »
au Théâtre du Rond-Point à
Paris. Parmi les invités qui
partagèrent leurs témoignages
se trouva Piotr Pavlenski.
L’homme aux traits enfoncés
vient effectivement de
demander l’asile en France ce
mois-ci, dans le risque
d’écoper dix ans de prison en
Russie et de perdre la garde de
ses deux enfants.
Piotr Pavlenski est un artiste
politique. Il a pu se faire
entendre par ses performances
de chaire, de souffrance
physique, celles où le corps est
l’unique matériel d’expression.
Pour lui, « l’art est le sens
(existence) et un travail avec
ses sens (corps) ». En 2012, il
se coud la bouche immobile
(ci-contre) devant le tribunal
où les Pussy Riots seront
condamnées à deux ans de
9
prison pour vandalisme et
incitation à la haine religieuse.
Cette performance symbolise
le silence de l’opinion
publique russe face au pouvoir.
Le 10 novembre 2013, il
réalise « fixation »,
performance extraordinaire
dans laquelle il se cloue nu les
testicules sur la Place Rouge
de Moscou – de surcroît le jour
de la fête de la police russe (!).
Résolument politique, Piotr
parle ici d’une métaphore du
fatalisme dans la société russe.
L’année suivante, il se tranche
le lobe de son oreille gauche,
assis sur le mur du centre
psychiatrique Serbsky de
Moscou, dénonçant ainsi
comment l’État russe utilise la
psychiatrie pour des fins
éminemment politiques (en
photo ci-dessous). « Le corps
est un élément que le pouvoir
et l’État essaient de discipliner.
Quand j’utilise mon corps dans
mes performances, je montre
ce que l’État fait à la société.
C’est une métaphore de ce qui
arrive au corps social ».
Lors de la soirée de Médiapart,
Piotr Pavlenski offre un
témoignage de l’intérieure de
la Russie de Poutine. Depuis
l’élection de Poutine en mars
2012, il y a ce sentiment d’être
confronter à un pouvoir
formellement bureaucratique
où les accusations mineures et
administratives deviennent
lourdes et pénales. Le FSB –
service secret de sécurité russe,
ancien KGB – s’est émergée
progressivement dans la
société comme une solide
structure protégeant le pouvoir.
Celui-ci se compose de
groupuscules paramilitaires
cherchant à provoquer la
pagaille – on pense à son
implication en Ukraine lors de
l’annexion de la Crimée à la
Russie (2014). A bien des
égards, cette violence, cette
« terreur rouge » est comme
enracinée dans la culture russe.
La présidence de Poutine
montre bien l’affirmation de la
légitimité du FSB tant il est le
porte-parole même de cette
organisation.
Après 7 mois de prison, la
libération de Piotr Pavlenski en
2016 est instrumentalisée en
un exemple du « bon
traitement » de l’État russe au
regard de ses opposants.
Comme si finalement
l’administration de Poutine
était humaniste et
compréhensible. Pour Piotr,
cette libération s’inscrit plutôt
dans un processus pervers et
volontariste du FSB. En effet,
après sa sortie, des hommes lui
propose des armes pour faire
un attentat contre le Kremlin.
Finement déguisée par le FSB,
cette invitation au terrorisme
est refusée par Piotr, ne
souhaitant pas finir comme
Oleg Sentsov en Ukraine – en
août 2015 ce réalisateur
ukrainien est condamné à 20
ans de prison pour
« préparation d’actes
terroristes » lors de la crise de
Crimée. Plus tard, en
septembre 2016, Piotr fait la
rencontre d’une jeune femme
se disant comédienne dans un
théâtre d’opposition. Celle-ci
dénonça une supposée
invitation de l’artiste russe et
de son amie à une soirée qui
aurait mal tourné chez eux –
évidemment, Piotr révèle ici
encore un coup monté.
Appelée « piège de miel »,
cette pratique de la délation
rappelle les temps sombres du
KGB. En cela, Piotr est
convaincu que « le
totalitarisme, ce n’est pas que
les camps, ce sont des millions
de citoyens qui font de la
délation ».
https://www.youtube.com/watch?v=WyI5nHF-Or4 – Soirée Médiapart « Sonnons l’alarme! »
http://www.courrierinternational.com/video/russie-piotr-pavlenski-lartiste-de-lextreme
10
La politique de l’offre sous François Hollande par Louis Dréano
Le bilan économique de
François Hollande restera
contrasté, à l'image de
l'inversion timide en 2016 de la
courbe du chômage, qui avait
été érigée comme un « enjeu
majeur » de son mandat. Pour
cela, la politique de l’offre
devait contrecarrer la
conjoncture.
Le 31 décembre 2013, le
Président de la République
annonce des futurs allègements
massifs des cotisations sociales
dans le cadre du « Pacte de
responsabilité ». Un an plus
tôt, dans la foulée du rapport
de Louis Gallois, le
gouvernement avait déjà créé
le Crédit d’Impôt pour la
Compétitivité et l’Emploi –
CICE – qui attribuait aux
entreprises un crédit d’impôt
équivalent à 4% de la partie de
leur masse salariale inférieure
à 2,5 fois le SMIC, un taux qui
sera progressivement porté à
7% en 2017. Au total, ce sont
41 milliards d’euros, soit
quasiment deux points de PIB,
qui abonderont les caisses des
entreprises cette année.
L’objectif de cette politique de
l’offre était de baisser le coût
du travail pour que les
entreprises puissent embaucher
plus, réduire leurs prix pour
regagner des parts de marché
et intensifier leurs efforts en
matière de recherche et
développement (R&D) et
d’investissement. Quatre ans
après l’entrée en vigueur du
CICE, les résultats se font
encore attendre : le dernier
rapport du comité de suivi du
projet montre qu’aucun effet
observable sur
l’investissement, la R&D et les
exportations s’est fait sentir. Le
déficit commercial a replongé
au premier semestre de 2016,
seulement entre 50 000 et 100
000 emplois créés ou
sauvegardés selon France
Stratégie. Sur l'année 2016,
100 000 chômeurs ont quitté
les listes de Pôle emploi et le
taux de chômage baisser de 0,4
point, pour se stabiliser à 10 %
au troisième trimestre de 2016.
Cette baisse du coût du travail
s‘est également accompagnés
de contrats aidés, de primes
aux très petites entreprises
(TPE), et d‘une considérable
réforme du code du travail
avec la loi El Khomri (2016)
après la tentative de
libéralisation économique de la
loi Macron (2015). Par
ailleurs, cette dernière n’a pas
tenu ses promesses : la
libéralisation du transport,
symbole de la loi, a fait
exploser l’offre dans un
premier temps, sans pour
autant éviter sa concentration
comme aujourd’hui. Toutefois,
une politique de l’offre ne
porte théoriquement ses fruits
qu’à moyen terme. D’ici-là, il
faudra encore attendre, à moins
que la prochaine élection fasse
renverser la donne.
L’échec de la politique de
l’offre peut s’expliquer par la
mauvaise concentration des
aides sur des secteurs plus
exposés à la concurrence
internationale. En effet, nos
voisins européens et
principaux concurrents ont
également baissé le coût du
travail, ce qui a écarté
l’Hexagone du bénéfice d’une
compétitivité hors-prix. Sans
aucune contrepartie exigée, les
entreprises ont pu gérer à leur
gré ce cadeau et maintenir à
flots leur trésorerie asséchée
par l’austérité. A contrario, les
dépenses publiques ont
sensiblement baissé, déprimant
la demande intérieure et
risquant de dégrader la qualité
des biens publiques
indispensables à la
compétitivité des entreprises.
Finalement, pour l’économiste
Philippe Aghion, François
Hollande ne s’est pas mis en
position de réaliser le défi de
réconcilier innovation et
mobilité sociale. Il ne serait
venu à cette économie de
l’offre que peu à peu, trop tard,
à reculons et de manière trop
indécise. Pour Thomas Piketty,
il faut remettre en question les
critères de convergence
européens. Les États-Unis ont
su faire preuve de plus de
souplesse budgétaire pour
relancer la machine. A
contrario en France, le
chômage a grimpé de 7 à 10%
en dix ans, ce n’est pas à cause
de la rigidité du marché du
travail mais plus probablement
à cause de la rigidité des
critères budgétaires.
« La politique de l’offre fait un flop » par Marc Chevallier – Alternatives Economiques, Janvier
2017, n°364
https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/retour-sur-le-bilan-economique-
duquinquennat-hollande
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle2017/20161202.OBS2080/francois-
11
DOSSIER
L’histoire en question ? entretien réalisé auprès de Loïc Bouillé et Marie-Agathe Schousboë
En septembre 2016 est publié Le Récit du commun de Jocelyn Letourneau et Françoise Lantheaume.
Contre les idées reçues d’un manque de connaissances historiques et de l’absence de tout récit
commun, l’enquête dévoile un rapport enchanté qu’entretiennent des élèves français issus de tout
horizon avec leur « histoire nationale ». Cette étude établit un constat positif de l’enseignement de
l’histoire. Loïc Bouillé et Marie-Agathe Schousboë ont accepté de participer à l’entretien pour nous
donner leur éclairage sur cet enseignement et son évolution, ils ont des choses à dire !
A quoi sert
l’histoire ?
Loïc
Bouillé :
D’abord,
cela permet
d’avoir une
culture
générale pour comprendre le
présent. Sans connaître le
passé, on ne peut pas se situer.
Il permet aussi de prendre du
recul par rapport aux
événements. On n’est pas dans
la réaction immédiate, sans
réflexion. L’histoire doit
également permettre de
développer l’analyse de
manière générale, non pas
seulement par rapport aux
événements mais par rapport à
n’importe quelle situation.
C’est une gymnastique mentale
qui nous permet de prendre un
positionnement argumenté.
Marie-
Agathe
Schousboë :
L’Histoire
est l’étude
du passé.
Sert-elle à
quelque
chose ?
C’est une question délicate qui
appelle à des réponses variées.
Aux uns elle servira à la
construction d’une identité
(stéréotype de l’histoire
comme outil idéologique), aux
autres elle sera un
divertissement parmi d’autres
(stéréotype de l’histoire
anecdotique). Au pire, elle est
perçue comme une longue liste
de dates et personnages.
Chacun doit construire sa
propre relation avec l’Histoire.
A titre personnel, je vois
l’Histoire comme une grille de
lecture incontournable du
monde qui nous entoure et
parfois, aussi, comme un
moyen de lui échapper.
Quels sont les objectifs de
l’enseignement de l’histoire au
lycée ? Diffèrent-ils de ceux
d’il y a vingt ans ?
M-A. S : L’enseignement de
l’Histoire au lycée et les débats
dont il fait l’objet révèle à quel
point c’est un sujet critique
dans notre société. On notera
l’objectif de l’année de
Terminale : « initiation au
monde contemporain ». Le but
est de comprendre notre passé
à différentes échelles mais
aussi de travailler des
compétences intellectuelles
indispensables à tout adulte :
analyse, argumentation,
critique.
L.B. : Pour ce qui est de
l’enseignement, on passe d’un
cours d’histoire au collège où
l’on commence à analyser, à
un cours au lycée où l’on
réalise une réflexion beaucoup
plus complète. Quand on
commence en seconde avec
l’analyse de document, il faut
être sûr que l’élève comprenne
bien ce que l’on lui propose. A
partir cela, il utilise sa culture,
ses connaissances et les
constats qu’il émet, pour se
faire une idée du problème à
régler. Ce n’est plus « 1515
Marignan » ou la connaissance
pour la connaissance, ce qui
était le cas jusqu’aux années
70 et 80 où l’on apprenait les
départements français, les
dates par cœur. Désormais
c’est terminé, l’histoire est un
outil car face à n’importe quel
événement, on a recours aux
connaissances et à une
réflexion pour se positionner.
Trump, par exemple, c’est
l’histoire immédiate auquel on
peut faire des parallèles avec
des anciens présidents
américains. Ce n’est plus
uniquement avoir une opinion
par rapport à sa chevelure. Il
faut prendre du recul.
Quelles sont les nécessités de
la société auxquelles
l’enseignement de l’histoire au
lycée peut répondre ?
M-A. S. : Voici quelques
propos d’historiens célèbres,
dans lesquels je me retrouve
totalement :
- Antoine Prost : « La première
finalité de l'enseignement de
12
l'histoire est de permettre aux
élèves de comprendre le
monde social et politique dans
lequel ils vivent en leur
donnant le vocabulaire et la
syntaxe nécessaires pour
nommer les réalités
(aristocratie vs bourgeoisie,
population agricole vs
population rurale,
gouvernement vs
administration, etc.). Si
l'histoire constitue aujourd'hui
encore le moyen privilégié de
penser la société, c'est parce
que la France s'est pensée elle-
même depuis le milieu du
XIXe siècle à travers
l'histoire »
- Philippe Joutard : « Il est en
effet indispensable de
construire chez les élèves le
sens du temps, en combattant
d'une part le « présentisme »
par lequel notre société
remplace les héros par des
stars éphémères et érige le
zapping au rang de pratique
reine, et l'immobilisme d'autre
part, qui se traduit tant par les
fondamentalismes, qui
souhaitent fixer la société dans
un âge d'or mythique, que par
les excès de la
patrimonialisation, lorsqu'elle
est synonyme d'enfermement
dans le passé et non de
libération par la connaissance
raisonnée de ce passé. Il est
important d'apprendre aux
élèves la bonne gestion du
temps et de ses différents
niveaux ».
L.B. : Il s'agit des nécessités à
la fois de l’histoire et de
l’enseignement civique. On a
besoin de faire comprendre
aux élèves qu’ils doivent être
acteurs, citoyens. Quand on
étudie une période, admettons
l’arrivée d’Hitler au pouvoir en
1933, il est important de savoir
quel a été le rôle du citoyen
pour que l’élève puisse se
demander : pourquoi voter ou
pourquoi ne pas voter ? et si
oui, pour qui ?
Fondamentalement, l'histoire
sert à faire des citoyens qui
réfléchissent. De plus, lorsque
les élèves comparent
différentes périodes ou pays, il
faut qu’ils comprennent que ce
qu’ils auraient pu entendre de
leur environnement personnel
n’est finalement qu’une
manière de considérer les
choses. Par exemple, la Guerre
d’Algérie était taboue pour la
génération qui me précédait.
Aujourd’hui ça ne l’est plus
car on est moins influencé par
les acteurs de cette guerre.
Entre le témoignage et l’étude
scientifique de l’événement, il
faut se faire une idée globale et
non pas « émotionnelle ».
Sinon, on n’est plus citoyen
mais partisan.
Par ailleurs on a toujours
l’impression que ce que l’on
vit est normal et existe depuis
très longtemps. Mais par
exemple, pour arriver à un
système politique convenable,
depuis la Révolution française,
on en a passé des révolutions !
De même que pour le droit de
vote. Aujourd’hui cela paraît
normal de voter dans un
isoloir. Peut-être demain, le
système évoluera, on voudra
voter et faire des référendums
numériquement comme cela a
été proposé en Espagne, sans
passer par des intermédiaires.
Il faudra des citoyens au sens
critique aiguisé dès lors car on
demandera de s'exprimer sur
beaucoup plus de sujets...
Quelle est l’évolution de
l’enseignement de l’histoire en
termes de pédagogie ?
L.B. : Jusqu’aux années 80 et
90, on faisait des cours
magistraux où l’élève devait
uniquement apprendre.
Aujourd’hui on doit faire
réfléchir l’élève qui doit
utiliser ses connaissances pour
répondre de manière organisée
à un sujet problématisé.
Également, les supports vont
être totalement changés, on fait
appel au numérique et au web,
non pas pour obtenir
uniquement des informations
mais pour exercer son esprit
critique. Autre élément, le
professeur va aborder un autre
positionnement. Hier il
apportait son savoir,
aujourd’hui tous les élèves ont
accès aux ressources et aux
connaissances. Le professeur
va donc devenir, de plus en
plus, un « consultant de luxe ».
Il va être là pour confirmer
certains aspects et faire
réfléchir sur la connaissance
que l’élève aura trouvée. On
parle de « pédagogie
inversée », c’est l’élève qui
apporte la connaissance et non
le professeur. Le cours
magistral utilisé seul est une
manière d’enseigner qui
devient complètement
caduque, on est dans une
révolution numérique donc je
crois que cela va encore
changer. C’est d'ailleurs
pourquoi on commence à
repenser différemment nos
infrastructures. Pour 2018,
dans le futur amphithéâtre, on
pourra fonctionner comme à la
fac avec des cours magistraux,
puis à côté, on ajoutera des
heures en petits groupes pour
que l’élève travaille la mise en
action de la réflexion. Pour
l’anecdote en 2004, c’était les
élèves qui montraient au
professeur comment
fonctionnait un ordinateur. Si
on ne s’adapte pas à cette
évolution rapide, on risque
d'être dépassé.
13
M-A. S. : Sous la IIIe
République, l’Histoire est vue
à travers le prisme
Républicain, elle doit servir de
roman national, avec des
héros. Il s’agit surtout de cours
magistral, de faits et dates à
apprendre par cœur. Avec les
guerres mondiales, notre
matière devient le support pour
enseigner les droits de
l’Homme. L’UNESCO
conseille « d’enseigner une
histoire aussi universelle que
possible dans laquelle le passé
des peuples non-européens
serait considéré en lui-même ».
Les programmes ne l’intègrent
toutefois pas tout de suite et
c’est plus les méthodes qui
évoluent : des méthodes plus
actives basées sur la critique
documentaire. Les manuels
multiplient les documents qui
deviennent lentement les
supports de méthodes plus
inductives.
- Les années 1960 et 1970 sont
marquées par de dynamiques
débats sur l’école. Le contexte
est favorable aux pédagogies
actives, souhaitant attiser la
curiosité des enfants et le désir
d’apprendre en décloisonnant
les disciplines. Introduction de
l’histoire économique et
sociale et revendication d’une
« pédagogie par objectifs »
- Les années 80 s’érigent en
période de retour à une histoire
plus traditionnelle. Alain
Decaux, en « Une » du Figaro
magazine lance un cri d’alarme
: « Français, on n’enseigne
plus l’histoire à vos enfants ».
Les nouveaux programmes en
reviennent à une écriture
traditionnelle : continue,
politique, événementielle.
- Les années 90 : la pédagogie
en histoire est basée sur le
document.
- Actuellement, c'est le retour
du récit, un meilleur équilibre
entre magistral, dialogué,
activités à partir de documents,
comme l'explique M. Bouillé.
Quelle est la différence entre
l’histoire enseigné au lycée et
l’histoire enseigné à
l’université ?
L.B. : Face à des professeurs
qui ont réalisé des thèses
pendant toute leur carrière, à la
faculté, on n’est plus du tout
dans le même registre. A mon
époque, le professeur donnait
un cours qui n’était pas
toujours complet, parfois un
peu orienté, on devait lire
d’autres historiens qui
donnaient une version un peu
différente et il fallait, le jour
des examens, répondre avec le
cours du professeur mais
critiquer à l’aune des autres
sources. L’université a dû
changer. Aujourd’hui il y a les
« MOOC », c’est-à-dire des
cours sur internet à distance.
Tout est dématérialisé mais on
garde le besoin d’une présence
humaine car il n’y a pas que le
savoir en tant que tel. En tant
que responsable du lycée, je
pense qu'il ne doit pas y avoir
une trop grande distorsion
entre l’enseignement au lycée,
en terminale, et dans
l’enseignement supérieur.
M-A. S. : Plusieurs éléments
diffèrent tant sur le fond que la
forme : les cours d’Histoire en
université se déroulent en
Cours Magistral et Travaux
Dirigés. Lors des cours
magistraux, le professeur
communique son cours sans
que vous puissiez intervenir, en
particulier dans les grands
amphis. Dans de petites
facultés, cela peut être
différent. Les TDs, en petit
groupes, permettent plus
d’interactions et de travailler la
méthode de critique de
document. Les volumes
horaires consacrés à chaque
sujet sont bien évidemment la
raison pour laquelle on
approfondit beaucoup plus à
l’université : on étudie les faits
historiques mais pas
seulement, nous avons
également le temps de nous
interroger sur les courants
historiques, les interprétations
de tel ou tel événements.
Chaque année, les quatre
périodes historiques sont
étudiées (rappel : Antiquité,
Médiévale, Moderne et
Contemporaine). Les sujets au
sein de ces périodes varient
d’une université à l’autre en
fonction des objectifs de
l’université, des professeurs et
du cursus choisi. Il faut donc
être très autonome en faculté,
savoir prendre des notes et
rapidement, aller consulter de
soi-même les références
bibliographiques. L'accès aux
sources est aussi plus facile
grace au numérique.
Comment devient-on
historien ? Quelle est la
différence entre l’enseignant
d’histoire et l’historien ?
L.B. : L’historien va
rechercher pour produire de
l’histoire. Ecrire un livre, c’est
comme mener une enquête
policière. Il faut trouver les
ressources, les croiser pour les
valider, prendre du recul, lire
des travaux complémentaires
ou précédents. C’est un travail
de synthèse sans pour autant
faire une compilation.
L’historien va prendre des
sources pour les interroger
différemment. L’histoire va
donc être en perpétuelle
14
évolution à laquelle contribue
l’historien. Par exemple, il y a
toute l’histoire sociale qui s’est
considérablement développée
dans les années 70. De même,
on commence à étudier des
thèmes qui semblaient
complètement inintéressants il
y a encore dix ans comme
l’histoire de l’informatique.
Certains disent effectivement
que son ampleur relève de la
découverte de l’imprimerie ou
de l’Amérique en 1492. Avant
l’histoire, c’était de
l’événementiel alors
qu’aujourd’hui, il y a beaucoup
plus d’histoire sociale,
économique, technologique,
les contenus sont largement
différenciés. C’est en croisant
différents pans que l’on crée
une nouvelle branche de
l’histoire, en réactualisant les
sources. A côté, le professeur
est un « porte-parole » qui va
sensibiliser et faire comprendre
l’histoire.
M-A. S. : Pour devenir
historien, le parcours classique
est de suivre une formation
universitaire en Histoire
(Licence, Master puis
Doctorat), voire Histoire de
l’Art ou Archéologie. A partir
du niveau Master – mais même
avant si possible – il ne faut
pas hésiter à faire des stages en
chantiers de fouilles,
laboratoire, musée, pour se
constituer un réseau et surtout,
commencer des publications
d’articles. Les premières
publications sont en général
basées sur les mémoires de
master et doctorat bien
évidemment. Ce parcours peut
toutefois varier en fonction de
la période étudiée. Un historien
de l’Antiquité devra maîtriser
les langues anciennes et peut
ainsi débuter ses études par
l’ENS/prépa littéraires. Il
existe ensuite de nombreuses
passerelles pour rejoindre un
master d’Histoire ou
d’Archéologie. L’essentiel est
d’acquérir des bases
disciplinaires étendues et
solides et d’avoir une rigueur
scientifique de mise.
Etre historien se définit à mon
sens par une activité de
recherche et de publication
scientifique. La recherche est
une activité passionnante ! On
cherche, on enquête, on vit, on
respire les sources ! A ce titre,
être historien et être professeur
d’histoire dans le secondaire
sont deux métiers très
différents. Rares sont les
enseignants du secondaire à
être historien, c’est-à-dire
toujours impliqués dans la
recherche scientifique. La
préoccupation de l’enseignant
est principalement de savoir
comment enseigner tel ou tel
aspect de l’histoire tandis que
l’historien s’interroge sur
l’Histoire elle-même.
Face aux critiques de
«laxisme», dans quelle mesure
peut-on dire que les
programmes d’histoire au
lycée ont été amincis ? Y a-t-il
une vraie baisse quantitative
des connaissances ?
L. B. : Tout dépend de ce que
l’on donne comme objectifs à
l’histoire. Si ce n’est
uniquement que les
connaissances, « c’était mieux
avant ! » car il n’y avait pas cet
accès à l’information. Par
contre, savoir utiliser ses
connaissances, ça devient là
plus intéressant. En
l’occurrence, on ne va pas dire
que les gens connaissaient plus
de choses hier qu’aujourd’hui,
on va utiliser les faits
historiques différemment.
C’est devenu un faux débat
que de traiter l'histoire
quantitativement car les
connaissances utilisées
évoluent comme les
technologies pour les exploiter.
Pour les programmes
« amincis », on croise
maintenant les chapitres au
lieu de les réciter. C’est plus la
réflexion qui prime sur la
connaissance pure.
M-A. S. : Les programmes
sont très vastes. Ce qui est
aminci c’est le volume horaire
pour traiter ces programmes,
qui eux, sont toujours si ce
n’est encore plus chargés ! Les
exigences au bac sont
différentes. A mon époque par
exemple, nous devions
constituer les croquis par nous
même, les sujets tombant au
bac étant différent de ceux-
étudiés dans l'année. L’étude
de documents devait comporter
un tableau de confrontation des
documents puis une synthèse.
Pourquoi le programme de
Terminale s’intéresse-t-il à des
périodes plus longues, plus
vastes et plus actuelles ?
(« Les États-Unis et le monde
depuis 1918 à nos jours »,
« La Chine et le monde depuis
1949 »)
L.B. : Depuis que Fernand
Braudel a étudié le temps long
avec sa fameuse
« Méditerranée », on étudie
avec plusieurs échelles
chronologiques. La difficulté
en histoire est de faire des
analyses d’une histoire
immédiate validée. On va
parler d’événements
importants aujourd’hui, car
très médiatisés, et quand on
prend du recul sur celles plus
anciennes, on se rend compte
que dix ans après les gens qui
15
analysent la situation
immédiatement ont
effectivement fait des erreurs
car ils n'avaient pas tous les
éléments, toutes les archives,
etc. Donc faire la comparaison
entre aujourd’hui et il y a cent
ans nous permet de poser des
questions – procédé que l’on
ne faisait pas il y a cinquante
ans. Etudier des temps longs
permet de réaliser une analyse
de l’histoire immédiate peut-
être plus complète. De plus,
lorsque l’on analyse les
événements, très souvent on
voit que les racines qui
peuvent les provoquer sont très
anciennes, et beaucoup plus
que ce que l’on ne le croit car
la mentalité des gens s’ancre
dans les générations
précédentes. C’est peut-être
moins vrai aujourd’hui grâce
aux différentes sources
d’information, mais il faut s’en
méfier.
M-A. S. : Les programmes
tentent de concilier les
avancées historiographiques et
la demande de la société. Des
questions assez inédites ont
fait leur apparition comme
l’étude des royaumes africains
médiévaux. Des reformulations
témoignent de la volonté
d’intégrer les dynamiques
scientifiques récentes (ex : « la
colonie » appréhendée comme
l’espace géographique de la
rencontre coloniale) ou de
rendre intelligibles des débats
mémoriels (introduction de
l’étude de la traite
transatlantique en 4e). Les
nouveaux programmes de
Lycée sont davantage en
rupture avec les cycles
précédents. Ils zooment sur des
moments historiques
spécifiques ou étudient une
question sur le temps long,
héritage de l'histoire
Braudélienne (Terminale/ex : «
Médias et opinion publique
depuis l’affaire Dreyfus). Cela
dépend aussi fortement des
personnalités présentes dans le
Conseil Supérieur des
Programmes. La commission
chargée des programmes est
contrainte par un cadrage
horaire très strict, contraignant.
Y aurait-il pas un manque de
recul face aux événements
d’hier (élections d’Obama) qui
deviennent très vite des objets
d’études historiographiques ?
L.B. : Le recul est uniquement
possible si on tire expérience
des erreurs d’interprétation
d’hier. C’est d’autant plus
difficile de faire de l’histoire
contemporaine avec des élèves
qui n’ont pas forcément la
culture ou l’intérêt. Il faut que
les événements immédiats
soient des objets d’étude car
sinon, l’histoire serait
déconnectée, on parlerait
toujours de nos amis les
Gaulois et les élèves ne
comprendraient pas dans quel
monde ils vivent, ni le lien
entre le passé qui peut servir
d’expérience et le présent.
M-A. S. : Oui, pour l'historien
il y a clairement un manque de
recul. Toutefois, comme dit
plus haut, c’est aussi un besoin
de la République et des
citoyens. Quelques remarques :
- Les programmes intègrent
des éléments très récents
(jusqu’à la crise économique
de 2007/2008). C'est l'histoire
des temps présents, courant
historique aujourd'hui reconnu.
Si les faits chronologiques
qu’on nous demande
d’enseigner sont
incontestables, il faut faire
attention à leur interprétation
historique, les historiens
n’ayant pas tous les tenants et
aboutissants pour analyser ces
faits. Il faut donc être très
prudent et critique.
- On nous demande de
commenter les événements
actuels (attentats, élections
etc.). Ce n’est pas de l’histoire
mais du journalisme.
Toutefois, c’est là un des
enjeux de notre travail
d’enseignants d’Histoire :
expliquer ces événements à la
lumière de la rigueur
historique et faire comprendre
comment on fait l'histoire de
l'histoire !
Pourquoi étudier des périodes
plus vastes et donc moins
précises ? : « la place des
femmes dans la société au XXe
», « la population active dans
la société française au XXe »
(programme de Première S)
L.B. : Quand on est dans la
précision, on va être dans un
contexte particulier, alors que
comprendre les différentes
crises dans le temps va nous
faire penser que nous sommes
actuellement dans une situation
qui soit loin d’être pérenne.
Également, étudier plusieurs
approches nous permet de
valider le mode de réflexion.
L’histoire, c’est aussi savoir ce
qu’il nous reste comme
explications face aux
événements passés.
M-A. S. : Ces sujets sont en
réalité très intéressants et des
clés de lecture de nos sociétés.
On ne peut pas comprendre
l’évolution de la société
occidentale jusqu’à nos jours
(objectif des programmes) sans
étudier ces deux aspects.
Hélas, ces sujets doivent être
traités en tellement peu
16
d’heures qu’effectivement, ils
perdent toute leur substance et
leur intérêt.
Est-ce la fin des Rois de
France et de Napoléon ? Les
programmes d’histoire de
Première et Terminale
abordent en unique
perspective le XXe (hormis
« la difficile affirmation
républicaine entre 1880 et
1890 »)
M-A. S. : Rois de France et
Napoléon sont traités en
collège, ils font donc partie de
la scolarité obligatoire.
L.B. : Je n’ai jamais vu
Napoléon en histoire à
l’université, et en une ou deux
heures en lycée. On va alors
être dans une manière
d’appréhender les diverses
connaissances plutôt que de
tout connaître en profondeur.
Personnellement, ça ne me
dérange pas de survoler que
des parties de l’histoire de
France dès lors que les élèves
ont les outils pour approfondir.
Ici encore, on est entre
l’histoire quantitative et
l’histoire qui sert d’outil
d’analyse. On a l’impression
de survoler car il n’y a plus ces
repères obligatoires, mais
c’est plus intéressant
aujourd’hui d’avoir les outils
que d’apprendre bêtement.
A partir de quand peut-on
parler d’instrumentalisation
de l’histoire et non plus de
symboles communs ?
L.B. : On peut parler
d’instrumentalisation ou de
tentative d’instrumentalisation,
et cela s’est fait à différentes
époques. Par exemple, à la fin
du XIXe siècle lorsqu’il a fallu
reconquérir l’Alsace-Lorraine.
On a alors utilisé l’histoire
pour cette reconquête et formé
à l'école de bons petits soldats.
De même, on pense au régime
de Vichy en 39-45, qui validait
un certain nombre d’idées qui
leur étaient propres.
Aujourd’hui on peut toujours
avoir cette disposition-là. Par
contre, le fait d’être plus
« éclairé » grâce aux facilités
d'accès à l'information – je
pense par exemple aux prises
de position des intellectuels,
des académiciens, au corps
d’agrégés en histoire qui est
extrêmement puissant – cela
permet de mettre justement en
garde. Quand il était question
de faire un musée de l’histoire
de France il y a quelques
années, ces gens-là se sont
exprimés et cela a évité de
faire peut-être une erreur, il y a
eu des débats intéressants qui
en sont sortis. Ici, je ne parle
pas d’instrumentalisation mais
dans la mesure où l’on veut
faire un musée de l’histoire de
France, on ne part pas avec les
mêmes objectifs pour tout le
monde. L’instrumentalisation
volontaire ou involontaire peut
exister, maintenant l’intérêt est
de laisser les gens qui ont un
avis sur le sujet s’exprimer et
contredire pour avertir des
interprétations possibles.
Peut-on enseigner l’histoire et
rester impartial ?
L.B. : Je peux avoir mon avis
personnel sur une question à
traiter mais je n’ai pas le droit
de le dire en classe. A partir du
moment où il y a une situation
polémique, il faut donner la
parole aux différents
protagonistes, on n’a pas de
jugement à donner. C’est pareil
que lorsque l’on écrit un livre
d’histoire, on ne doit pas être
dérangé par notre
positionnement. Et justement,
je peux me faire l’avocat du
diable dans les débats en EMC
pour faire réagir !
Quels sont les thèmes
controversés et difficiles à
aborder au lycée ?
L.B. : Pour la Guerre
d’Algérie, il aura fallu attendre
le début des années 2000 pour
que l’on puisse faire un cours
sans rencontrer l’animosité de
certains parents d'élèves car
eux avaient vécu cette période-
là. Ce que l’on pouvait
affirmer avec du recul et
l’analyse historique ne
correspondait pas toujours
avec ce qu’ils avaient vécu.
Après cela dépend du lycée où
l’on est. Aborder le conflit
israélo-palestinien dans un
lycée où il y aurait les deux
obédiences revient plus à se
référer aux faits et éviter la
confrontation, sans pour autant
ne pas laisser nécessairement
la parole aux élèves. Un thème
est difficile à aborder lorsque
l’événement a été douloureux
et aura suscité des émotions. Il
faut grossièrement trois
générations pour que l’émotion
commence à s'estomper. Il faut
du temps pour calmer les
esprits. C’est pourquoi c’est
difficile d’être professeur
d’histoire. Il y a la passion, la
soif de connaissance, la
volonté de se positionner et
puis la volonté de transmettre
la possibilité de comprendre le
monde qui nous entoure.
17
AU CŒUR DU LYCÉE
Oscar Wilde or the importance of a theatrical activity: A special interview with the
Secondes E by Coline Lappeman
Last December 2016 Year 11
students had the opportunity to
profit from a drama workshop.
Thanks to this activity,
organized by the English
teachers, they all acted in front
of their classmates throughout
the three-hour-long program.
The editor-in-chief and
journalist, Louis Dréano, and
I, Coline Lappeman, asked one
of the classes to know more
about this experience.
Louis: Hello everyone.
Thank you for having us
here today. As we all know
you participated in a group
activity a few weeks ago. So
to begin with, could you
maybe sum up the content of
the workshop you did? What
did it consist in?
Julian: We had different
activities. For example, we had
to act parts of a play, which
was the major activity. We also
created status in pairs.
Louis: When was it? Did you
do this in “A.P.” or in your
regular English Class?
Gauthier: It happened in the
regular English Class.
Coline: How long did it last?
Julian: About three hours.
Louis: First of all, what was
the first step?
Coline: Did you have to act
out a scene?
Théo H.: For most of us, we
could act with gestures.
Coline: Did you have to
recite lines from the play and
act out some scenes?
Louis: Did you have to learn
it by heart?
Theo G: Yes, indeed, although
we played a scene we had
already studied and learned in
class.
Coline: What is the name of
the play?
Theo G: The Importance of
Being Earnest by Oscar Wilde.
Coline: Well then, did you
learn something about Oscar
Wilde? Who was he?
Gauthier: He was Irish and
born in Dublin. He was
imprisoned because of his
sexual orientation, as he was
homosexual and it was not
accepted at the time. He died
in Paris on 13th November
right at the beginning of the
20th century, in 1900.
Louis: And you did this
acting workshop with an
Australian woman, didn't
you ? Is she Still in France?
Where is she now? How old
is she and what is her name?
Theo H.: Hannah is thirty. But
now she is gone. She has gone
back to Paris a couple weeks
ago.
Louis: What was your
interaction with her?
Obviously, as she is a native
speaker, was it difficult to
understand her? And what
about her accent?
Theo G: We understood most
of what she said quite well and
her accent didn't bother us.
Louis: Actually what did you
learn from this activity? How
do you feel now? Are you
more self-confident when you
speak in English?
Coline: Did it help you to
speak more easily in English
class or in general?
Gauthier: Yes, it has helped usa
lot. We had an English test
about our scenes the day after
so Anna helped us a lot with
the pronunciation and the
emotions.
Louis: Before the activity,
did you have anxiety, stress,
fear? You had indeed to
speak three hours long,
didn't you ?
Gauthier: Not really, because it
seems it went by very quickly
for us.
Coline: Has it been difficult
for some of you? Was it the
first time you act? Or maybe
some of you are part of a
dram club?
Gauthier: It's not been difficult,
because personally last year I
dit drama in class.
Louis: But it was in French,
wasn't it?
Gauthier: No it wasn't. It was
in English.
18
Louis: Now, we are going to
move to another aspect of
this activity, which would be
your point of view about this
experience. For you, what
were the advantages of this?
Did you enjoy it?
[unanimous affirmative
answer!]
Louis: Have you improved
your English?
Martin: Yes, we have and now
we have the ability to act much
better.
Louis: What about the
negative sides?
Julian: According to our
schedule, we normally have
two classes on Tuesday
afternoons.
Alexis: In order to prepare this
activity we had to stay an extra
hour.
Gauthier: Then the day of the
activity, we worked three
hours, which was hard.
Louis: Would you like to do
it again?
Unanimous response:: It was
quite a good experience.
Louis: We would like now to
focus more on the content of
the story. Firstly, do some of
you still have in mind the
text? Can someone say some
words of the play?
Gauthier [quotes the play]:
“Yes, Lady Bracknell, I was
[found] in a handbag – a
somewhat large, black leather
handbag with handles to it – a
[normal] ordinary handbag in
fact.”
Coline: Which character is
it? Is it an important one?
Gauthier: The character Jack
plays a major role in the play.
Louis: Then how many
characters are there?
Simon: Five.
Louis: Could you tell us their
names ?
Simon: We have Jack, Miss
Prism, Algernon, Gwendolen,
Cecily Cardew and Lady
Bracknell.
Louis: What is the story
about?
Simon: Jack deeply loves
Gwendole and Algernon who
falls in love with Cecily.
How does the story end ?
Killian: Jack discovered he
was the cousin of Gwendolyn.
Did you like this story?
Theo H.: I did like it, because
it was quite unexpected.
What surprised you the most
?
Theo H.: The fact that Jack
discovered his identity and that
his name was not actually Jack
but Ernest.
Romain: Jack also discovered
that he is the brother of
Algernon.
[We then asked how many
Jacks, Gwendolens and
Algernons had been played;
each time, four hands were
raised]
For you, what was the most
interesting character to play?
Gauthier: Jack is the most
enjoyable one. He possesses
different personalities and
names. At the beginning, his
name is Jack and Ernest. What
is funny moreover is that
Gwendolyn first liked Earnest
better than Jack.
Louis: So he has to change,
doesn't he ?
Gauthier: And in the end he
finally can be called the name
Ernest because it is originally
his.
Coline: Who was the villain,
the “bad guy” in the story?
Lea: From my point of view,
Algernon and Gwendolyn are
the bad characters, I didn't
really like them.
Gauthier: Personally I think it
is Lady Bracknell because she
doesn't approve the marriage
between Jack and Gwendolyn.
What type of relations are
there between Jack,
Gwendolen and Lady
Bracknell?
Killian: Lady Bracknell is
Jack's aunt at the end of the
story and Gwendolyn is Lady
Bracknell's daughter.
Coline: Before we leave, we
would like to know more
about what you think of your
future. What do you plan on
doing after Seconde? Has the
beginning of the year
influenced you enough to
think about higher
education, later, that would
involve English?
Louis: Do you think English
is important for you?
19
[Editor's note: For some of
them, it is difficult to learn
English, but we clearly saw
they tried their best.]
Julian: After school, I want to
go to Australia, so English
means a lot to me.
Louis: Is it because of the
Australian comedian actress
[Editor's note: Hannah,
formerly mentioned] you've
met?
Julian: No actually it is a
dream.
Louis : What do you plan on
doing there?
Julian: Just to live there.
Louis: Traveling all over the
country? What about work?
Julian: What is the most
essential for me is to travel,
yes. Then I would also like to
work.
Killian: English is very
important for our future jobs
because everybody speaks
English and it is an
international language.
Coline: Do you have
anything else to add?
Theo G: The drama workshop
was very interesting and
important for us, because it can
help us to express more easily
our feelings using body
language. As for me, it has
helped me a lot.
Louis and Coline: Thank you
very much for your attention
and your time, that was a
pleasure meeting you and
talking all together.
We would like to thank the
English teacher Mrs Madelon,
who genuinely offered us the
opportunity to interview her
class and let us discover this
wonderful activity.
Immaculée Conception par Jennifer Colin
Une institution composée d’histoires,
Passée de la guerre à l’éducation
D’un champ d’observation à une salle de classe,
Mais un unique la compose.
L’appréhension d’un devoir ou d’une attaque,
Des élèves ou des soldats non présents,
Peu importe école ou quartier général
Des valeurs avant tout.
Une foi chrétienne transmise,
Des connaissances divulguées,
Des relations partagées,
Des découvertes fascinantes.
Une culture enseignée,
Un savoir-faire exercé,
Bref, une seule organisation
L’Immaculée Conception.
Envoyez vos textes, écrits, poèmes, chansons, articles, etc. à l’adresse :
louis.dreano@sfr.fr
20
EXPRESSION
Top 4 des personnages de Jeux-Vidéos m'ayant marqué par Pierre-Ambroise Gallouet
J'ai plusieurs loisirs au
quotidien. Je lis, je sors, je
dessine, j'écris... Et puis, je
joue à des jeux-vidéos. Une
fois n'est pas coutume, je
voulais vous parler brièvement
de mon expérience avec le
monde vidéoludique ! J'ai donc
choisi 5 personnages qui m'ont
marqué afin d'en parler à
travers eux. Histoire de vous
avertir : je vais spoiler sans
pitié. Alors, si vous désirez
jouer à ces jeux et apprécier
l'histoire qu'ils racontent,
méfiez-vous ! Vous êtes
prêt ? ... AU DERNIER
ÉPISODE DE GAME OF
THRONE, GEORGE
MARTIN ARRIVE ET TUE
TOUT LE MONDE AVANT
DE REPARTIR SUR LE
FAUCON MILLÉNIUM !
Pardon, pour cette frayeur.
C'était tentant ! Bref. Allons-
y !
Sans (Undertale)
Sorti en 2015, Undertale a
beaucoup fait parler de lui sur
la toile ! C'est donc un jeu qui
m'a marqué très récemment
mais assez pour que j'en parle.
Vous incarnez un enfant qui
tomba dans le royaume des
monstres. Votre mission va
donc consister à rentrer chez
vous en atteignant la barrière
magique retenant tous les
monstres sous terre. Tâche
ardue ! Car, au cours de votre
périple, vous rencontrerez une
flopée de personnages
loufoques mais attachants.
Parmi eux : Sans le squelette.
Sans est un squelette grand
comme votre personnage,
fainéant avec un amour pour
les jeux de mots et autres traits
humoristiques.
Paradoxalement, il semble être
l'un des personnages les plus
occupés entre son poste de
sentinelle, de juge,
d'humoriste, de vendeur de
hot-dog etc... Il est le grand
frère de Papyrus, membre de la
garde royale, qui le fait enrager
devant son laisser-aller. Alors,
qu'est-ce que ce personnage a
d'intéressant ? Sans vient d'un
milieu scientifique où il apprit
l'existence d'un moyen de
sauvegarder pour le joueur. A
partir de là, va s'opérer un
déclic chez lui : toutes ses
évolutions, tout ce qu'il se
passe autour de lui n'a aucun
sens. Puisque, sans crier gare,
tout peut se réinitialiser et
redevenir comme avant les
aventures du joueur. À partir
de là, Sans va tomber dans une
espèce de nihilisme où son
sourire et sa fainéantise
masqueront son désespoir. Il va
volontairement refuser de
s'impliquer dans votre aventure
(pour vous arrêter par
exemple). Ce n'est qu'à la toute
fin de la route Génocide,
consistant à massacrer tous les
monstres sans pitié, qu'il va
agir. Car ce n'est bien qu'après
vous avoir vu assassiner tous
ses amis et son frère chéri qu'il
ne va plus pouvoir "n'en avoir
rien à faire". Et comment va-t-
il agir ? En vous faisant vivre
le combat le plus "casse-dents"
de votre vie contre lui. En
bref : « a bad time » !
Le Prince de Perse (Prince of
Persia: la Trilogie des Sables
du Temps)
Tout le monde commet des
erreurs. Mais si vous aviez le
pouvoir de remonter dans le
temps, beaucoup penserait à
les changer pour les fuir.
L'histoire du Prince de Perse
est celle-ci : un jeune prince
veut prouver sa valeur auprès
de son Père. Au cours d'une
guerre contre le Maharadja, il
récupère un artefact magique :
la dague du temps. Celle-ci lui
offre le pouvoir de manipuler
le temps à sa guise. Le
Maharadja vaincu, le père du
prince s'en va chez son ami le
sultan de Azad. Alors, qu'en
signe d'amitié, le roi lui offre le
sablier du temps, son vizir
pousse le prince à l'ouvrir
grâce à la dague.
Malgré lui, le Prince va libérer
les sables du temps
transformant toutes les
personnes du palais en
monstres. Toutes, sauf trois : le
Prince, le Vizir et la fille du
Mahardja : Farah. Au bout de
nombreuses péripéties,
incluant la mort du Roi de
Perse des mains de son fils, le
Prince et Farah vont s'allier et
parvenir à changer le cours de
l'histoire. Ils avertissent le
Maharadja de la traîtrise du
Vizir et tout rentre dans l'ordre.
Seulement, à peine sortit du
guêpier, le Prince se voit
poursuivi par le gardien du
Temps : le Dahaka des mythes
perses. Il parvient à le semer et
à se réfugier sur l'île du Temps.
Parvenant à le vaincre et à
sauver l'Impératrice de l’Île, le
Prince part avec elle pour
Babylone. Seulement, arrivés
là-bas, la ville est mise à sac
par personne d'autre que... Le
21
Vizir qui n'est jamais mort à
cause du retour dans le Temps.
En possession de la dague du
temps, le vieillard se
transforme en divinité et
s'apprête à réduire en
esclavage la ville. Le Prince,
alors partiellement corrompu
par les sables, va partir l'arrêter
et apprendre que son père fut
tué par des monstres. Au début
jeune et orgueilleux, le Prince
va tout au long de son voyage
initiatique s'assagir et
apprendre à ne plus fuir ses
erreurs. Cette série est
véritablement emplie de poésie
et nous plonge dans une
atmosphère orientale
complètement magique. Et
comme on nous le rappelle si
joliment tout au long de
l'intrigue « Certains voient le
Temps comme une rivière, au
cours certain et tranquille.
Mais je peux vous le dire : ils
se trompent ! Le Temps est un
océan en pleine tempête ! »
Jade (Beyond Good & Evil)
S'il y a un truc qui m'agace sur
les réseaux sociaux, ce sont les
personnes sur les pages de
journaux. Il n'y a pas, je crois,
un article sans quelqu'un pour
crier au "complot du grand
méchant système", à de
"l'endoctrinement" ou encore à
"la manipulation des médias
par les grands méchants
politiques/illuminatis/capital/
milliardaires/InsérerUnCroque
mitaineTrèsVilainPasBeau" à
chaque article ne leur faisant
pas plaisir. Car, bien
évidemment, un bon article
doit avant tout être en accord
avec leurs idées. Bon, le sujet
de cet article n'étant ni le
fanatisme ni les complotistes,
je ne vais pas m'étendre
dessus. Toutefois, quel est le
lien avec ce jeu ? Et bien c'est
simple : vous incarnez... une
journaliste en herbe devant
révéler au public un complot
militaire d'envergure. Dans ce
jeu, vous incarnez Jade. C'est
une jeune femme journaliste
qui s'occupe d'orphelin dans le
phare d'Hyllis. La planète est
sous invasion extraterrestre.
Au fil de l'aventure, Jade va
découvrir que cette invasion
est sous complicité de la force
armée locale : les Sections
Alphas. Celles-ci kidnappent
les hyliens afin de les livrer
aux envahisseurs. Le travail de
Jade, aidée par le réseau Iris,
un groupe de résistants, sera de
dévoiler la vérité sur ce
complot à la population. De fil
en aiguille, d'action en action,
d'infiltration en espionnage,
Jade va se révéler être plus
qu'une simple hylienne. Elle
sera à la fois le symbole du
mensonge des militaires et,
littéralement, la source des
pouvoirs du chef des
envahisseurs aliènes : le prêtre
Domz. (D'où son attaque. En
plus, c'est une jolie allégorie de
la Vérité.). Cela va donc la
placer au cœur même de
l'avenir de la planète, elle qui
peut faire se soulever la force
du peuple ou l'avidité des
tueurs. Je crois que c'est grâce
à ce jeu que j'ai acquis du
respect pour le journalisme.
Alors à ceux prêts à insulter de
pauvres gens qui ne font que
vous informer, écoutez mes
sages paroles : arrêtez de rager
chez mon berger.
Le Lion Rouge (The Legend
of Zelda : The Wind
Waker) : Zelda !
Ma franchise préférée de jeu-
vidéo ! Poésie, action,
personnages attachants,
histoire épique... Quoi de
mieux pour me plaire ? Et le
personnage dont je vais vous
parler est tiré du premier jeu
Zelda auquel j'ai joué. Il y a
longtemps, un héros tout de
vert vêtu triomphait du mal.
C'était le héros du Temps
d'Ocarnia of Time, triomphant
de Ganondorf. Depuis, le
monde a été englouti sous les
flots et n'est plus qu'un vaste
océan parsemé d'îles. Pourquoi
? Le héros du temps n'est
jamais revenu. Et Ganondorf,
lui, si. Les dieux, pour
empêcher Ganondorf
fraîchement libéré de nuire (en
mettant la main sur la Triforce,
pouvoir divin), vont engloutir
le royaume. Mais lorsque
Ganon se réveilla, et à
l'impulsion de ses kidnappings
de jeunes filles aux oreilles
pointues, le bateau nommé
"Lion Rouge" va se réveiller.
Le Lion Rouge est le bateau de
Link, le héros principal des
jeux. Il s'agit d'un bateau
parlant à tête de lion est de
couleur... ben rouge. Il est le
compagnon de notre jeune
héros dans sa quête.
Au milieu de l'aventure, il va
révéler sa véritable identité : le
roi défunt du royaume
d'Hyrule. C'est une âme perdue
qui n'a pu se détacher de la
terre par amour de son
royaume. Royaume, dont il ne
reste plus que le château et une
maigre bande de terre
protégées sous les flots par les
dieux. Ce n'est qu'à la toute fin
du jeu qu'il parvient enfin à se
détacher du passé et à accepter
de confier le flambeau à la
nouvelle génération. Il va alors
demander aux dieux de
détruire pour de bon Hyrule et
22
de donner un avenir à Link et
Zelda, qu'il appelle
affectueusement « ses
enfants ». Il est l'exemple de
l'adulte qui refuse de céder la
place, hanté par la gloire du
passé qu'il contemple au
travers d'artefacts sans valeur.
En cela, sa fin est belle. Et elle
est d'autant plus belle qu'elle a
annoncé un souffle nouveau
dans la saga : une renaissance
d'Hyrule débarrassé des cycles
de la haine. Et c'est peut-être
ça qui est beau : ce phœnix
renaissant éternellement de la
cendre.
Opinion par Anne Dubouch
Maman fut choquée lorsqu'elle
l'apprit. Elle dit c'est
l'Apocalypse, et son visage
tout déconfit le confirmait. Je
ne pouvais pas comprendre sa
pensée : rien de grave ne s'était
passé, alors pourquoi penser à
une future éventuelle
catastrophe ? Les médias
avaient donné une mauvaise
image de LUI, et maman se
trouvait influencée par eux.
Elle n'avait pas d'opinion
personnelle, donc elle suivait
juste les idées actuelles. Elle
me décevait. Papa déclara que
c'était une bonne chose. Il dit
que le pays avait besoin d'un
homme énergique et déterminé
pour le guider. Son sourire
traduisait son sentiment
enthousiaste. Je pouvais
comprendre qu'un homme
énergique serait utile à la
nation, qu'il redonnerait du
travail aux chômeurs, qu'il
réduirait l'immigration
clandestine, mais je ne pouvais
pas voir une personne avec un
petit peu d'expérience en
politique prendre le pouvoir.
De plus, IL était raciste...
Quant à moi, je n'étais ni pour
quelqu'un, ni contre qui que ce
soit : j'étais tout simplement
perdue. Je ne pouvais pas
choisir de camp, puisque les
opinions des médias étaient en
contradiction avec les autres,
donc il n'y avait pas de vérité.
Tout cela me fatiguait. Donald
Trump était élu aux
Présidentielles aux États-Unis,
et bientôt il vivrait à la Maison
Blanche.
Quelques conseils autour des élections par Pierre-Ambroise Gallouet
Ça peut paraître évident mais
on consulte les programmes de
chaque candidat avant de voter
pour l'un d'eux. Cela vous
permettra de savoir lequel est
plus en accord avec vos
convictions intimes et la
raison. On ne dirait peut-être
pas ainsi, mais de nombreuses
personnes votent plus pour un
parti ou une tête qu'un
programme. Bien sûr qu'il est
important de voir la
personnalité du candidat !
Toutefois, ce n'est pas parce
qu'un Adolf Hitler paraissait
sympathique en 1933 qu'il
laissa une Allemagne bien
grande à sa sortie... (Et hop! 1
point Godwin facile!)*
Ne consultez pas les réseaux
sociaux pour en apprendre plus
sur un candidat. Les réseaux
sociaux sont souvent un
fourre-tout de ragots, rumeurs,
on-dits etc. Et pour cause : ils
ne sont pas informés et
spécialistes ! Oui oui. C'est dur
à croire mais Internet n'est pas
le refuge de la Vérité. Même si
Antoine Daniel disait que «tout
ce qui est sur Internet est
vrai» ! N'ayez pas peur de
consulter des livres émanant de
des spécialistes ou tout
simplement les sites officiels
des partis afin de tenir pour
sûres vos informations.*
Je sais que c'est une tradition
sur le net, mais ne vous laissez
pas abuser par ceux qui disent
que le grand méchant
«système» est secrètement
dirigé par les banques, les
riches, les européens, les
américains... Et pourquoi pas
les illumatis, les reptiliens ou
les reptilluminazis tant qu'on y
est ? D'abord, il va falloir le
prouver... et c'est généralement
là où les complotistes ont
tendance à perdre patience...
Hein? Quoi? Mais non je ne
suis pas dans le complot
voyons! Quelle question! rire
jaune*
Ne partez pas du principe que
votre vote ne sert à rien. Bien
sûr qu'il sert à quelque chose !
À exprimer son opinion. Ce
serait illusoire de se dire que
son seul vote a peu de pouvoir.
D'abord, car si vous raisonnez
à l'échelle 1 contre 60 millions,
évidemment que vous pèserez
moins que ces millions de
gens. Vous n'êtes pas le
nombril du monde quand
même! Ensuite, si vous
raisonnez sur le principe de «si
on perd ça sert à rien », non car
vous aurez exprimé dans
quelle partie de la population
vous vous trouvez
idéologiquement. Si un (bon)
23
candidat gagne une élection à
51% contre 49%, il aurait tout
intérêt à tendre un peu l'oreille
vers son opposition car il ne
disposerait pas d'une majorité
confortable comme un De
Gaulle.* Plaît-il? Si aucun
candidat ne vous sied que
faire? C'est simple: voter
blanc. Au moins vous aurez
exprimé votre indécision. Car,
dans le cas où vous penserez
qu'il est préférable de
s'abstenir, ne venez pas vous
plaindre après que des
candidats ne vous plaisant pas
soient élus: vous ne pourrez
pas dire grand-chose. Vous
avez refusé de vous exprimer.
Tant pis! «Tant fait pas mon
p'tit loup, c'est la vie ne pleure
pas» comme disait Perret. Vous
me trouvez acide ? Il y a de
quoi : nos ancêtres se sont
battus pour obtenir le pouvoir
de s'exprimer et d'être un poids
dans la vie politique. Si
maintenant, on crache dans la
soupe, nous nous mettons en
danger nous-mêmes : on
accepterait volontairement de
ne plus avoir ce pouvoir de
décision. Et pour des gens qui
haïssent la dictature, cela serait
ironique. Le vote est un droit
de citoyen. Alors, tous aux
urnes !
La Méditerrannée – photo prise par Giorgos Moutafis et publiée dans The Guardian
Mamahba, Guinéen de 17 ans, secouru au large de la Libye par le chalutier Golfo Azzurro
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Envoyez vos écrits à l‘adresse : louis.dreano@sfr.fr
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