1. Politiques Economiques au Maroc.
Zouhair Ait Benhamou
Paris-Ouest Nanterre
27 d´ecembre 2015
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2. L’agriculture dans l’´economie marocaine
L’agriculture contribue `a hauteur de 11% de la formation du PIB en
2014, contre 23% en 1965.
Elle emploie 39% de la population active occup´ee, contre 70% en
1964-1965.
La productivit´e agricole par tˆete reste stagnante en comparaison avec
les autres activit´es ´economiques.
Pourtant, le secteur agricole joue un rˆole dominant dans le reste de
l’´economie pour le meilleur et pour le pire.
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3. Corr´elation & Croissance
-0.6 -0.4 -0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8
Croissance PIB Agricole
-0.1
-0.05
0
0.05
0.1
0.15
CroissancePIB
Corrélation PIB - PIB Agricole
0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35
Croissance PIB non Agricole
-0.1
-0.05
0
0.05
0.1
0.15
Corrélation PIB - PIB Non Agricole
Figure: Corr´elation entre le PIB et ses composantes agricole et non-agricoles.
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4. Qui dit corr´elation ne veut pas forc´ement dire lien de causalit´e : une
corr´elation entre A et B ne veut pas dire que la r´ealisation de A a un
impact sur celle de B. Une corr´elation positive importante (ρ = 0.856) ne
veut pas dire que c’est l’agriculture qui porte la croissance au Maroc. La
preuve :
Table: Contributions sectorielles `a la croissance de PIB.
P´eriodes Agriculture Industrie Services
1965-1973 34.51% 18.32% 47.18%
1973-1982 8.36% 34.87% 51.42%
1983-1992 -43.12% 33.07% 74.36%
1992-1999 -53.78% 26.52% 110.30%
1999-2014 -16.41% 32.66% 74.70%
Moyenne 1964-2014 -6.21% 28.40% 66.07%
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5. Corr´elation & Croissance
La croissance du PIB n’est pas un long fleuve tranquille : elle varie souvent.
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
-0.6
-0.4
-0.2
0
0.2
0.4
0.6
0.8
Croissance annuelle, PIB et PIB Agricole
PIB
Agriculture
Figure: Le PIB agricole fluctue beaucoup plus que le PIB global.
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6. Corr´elation & Croissance
Ces fluctuations de PIB ont un coˆut : une croissance volatile d´ecrit les
symptˆomes d’un secteur (ou d’une ´economie) qui ne peut pas capitaliser
sur la production de l’ann´ee pr´ec´edente. Il ne peut pas y avoir
d’accumulation de richesse produite.
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
21.5
22
22.5
23
23.5
24
24.5
25
25.5
26
Logarithme-PIBAgricole
PIB Agricole potentiel - gains et pertes de croissance
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7. Politiques Sectorielles
Plan Maroc Vert
La strat´egie d´ecid´ee en 2008 se projette sur 10 `a 15 ans en cherchant `a
atteindre les objectifs suivants :
Porter la taille de l’Agriculture de 70 `a 100 Milliards de dirhams.
Cr´eer 1.5 Million d’emplois suppl´ementaires dans le secteur.
Doubler/Tripler le revenu agricole pour la population rurale (soit une
croissance moyenne entre 7.1% et 11.6%)
Augmenter la valeur des exportations en agrumes, ol´eagineux, fruits
et l´egumes `a 44 Milliards dhs.
Un financement total initial de 95 Milliards dhs est augment´e `a 170
Milliards dhs.
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8. Politiques Sectorielles
Plan Maroc Vert
Le financement du PMV est r´eparti en deux piliers :
1 Pilier I : un investissement priv´e qui vise `a d´evelopper une agriculture
moderne, m´ecanis´ee et `a haute productivit´e, sp´ecialis´ee dans les
laitages, viandes rouges et blanches, ainsi que la production c´er´eali`ere.
Ce sont 961 projets d’agr´egation qui concentrent 75 Milliards dhs,
puis 150 Milliards dhs (40% des exploitants disposent de 78% et 88%
du financement global)
2 Pilier II : financement assur´e par le projet MCC (Etats-Unis) et une
intervention directe de l’Etat pour participer de l’accroissement de la
production des fili`eres v´eg´etales et animales des zones d´efavoris´ees en
vue d’am´eliorer le revenu agricole des exploitants.
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9. Politiques Sectorielles
7 ans apr`es
Le PIB agricole s’´elevait `a 70.3 Milliards dhs en 2007, il est d´esormais
`a 107.6 Milliards dhs pour 2014. L’objectif est r´ealis´e d`es 2010.
La population active occup´ee employ´ee dans l’agriculture a entam´e un
d´eclin r´egulier depuis 2007, soit une destruction de 440.000 emplois.
La somme des exportations des secteurs vis´es ne d´epasse pas 6.5
Milliards dhs pour la p´eriode Janvier-Octobre 2015.
La cr´eation de revenus pour la population rurale est en ligne avec les
projections pour 15 ans plutˆot que 10 ans.
Contradiction fondamentale : chercher `a d´evelopper une agriculture
moderne en privil´egiant la concentration des exploitations agricoles
(agr´egation) tout en poussant `a la cr´eation d’emplois. L’agriculture
moderne est hautement capitalistique.
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10. Politiques Sectorielles
2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
1
1.2
1.4
1.6
1.8
2
2.2
2.4
2.6
2.8
3
Augmentation du revenu agricole par tête (Indice 1: 2007)
Réalisé
Objectif 2017
Objectif 2022
Figure: Progression du revenu agricole par tˆete r´ealis´e versus les objectifs de 10
et 15 ans.
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11. Politiques Sectorielles
L’industrie dans l’´economie marocaine
La part de l’industrie manufacturi`ere reste stable dans l’´economie
marocaine : entre 17 et 18% du PIB.
Elle emploie 21% de la population active occup´ee, contre 36% au
d´ebut des ann´ees 1990.
L’industrie manufacturi`ere compte pour pr`es des 2/3 des exportations.
La valeur ajout´ee des activit´es manufacturi`eres reste cependant faible et
concentr´ee sur une certaine gamme de produits : les demi-produits
comptent pour 24% de la valeur des exportations enregistr´ees pour la
p´eriode Janvier-Octobre 2015. L’exportation quadrupl´ee de voitures de
tourisme entre 2014 et 2015 compte pour 11% de l’accroissement des
exportations totales sur la mˆeme p´eriode.
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12. Politiques Sectorielles
Plan d’Emergence Industrielle 2009-2015
Le Plan d’Emergence Industrielle a ´et´e formellement pr´esent´e en 2007, et
comporte les objectifs suivants pour la p´eriode 2009-2015 :
La r´eduction du chˆomage urbain avec la cr´eation de 220.000 emplois
industriels.
L’augmentation du PIB industriel de 50 Milliards dhs (soit une
croissance annuelle moyenne de 6.2%)
Un investissement accru de 50 Milliards dhs additionnels (ce qui porte
la croissance annuelle moyenne de toute la FBCF `a 3%).
Accroissement de 95 Milliards dhs d’exportations. (soit une croissance
annuelle moyenne de 14%)
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13. Politiques Sectorielles
Bilan du Plan Emergence
Le secteur industriel a perdu 100.000 emplois entre 2009 et 2014. Les
chiffres de 2015 ne sont pas plus encourageants.
L’industrie manufacturi`ere doit r´ealiser en 2015 une croissance de
9.8%. Les estimations du HCP placent la croissance du secteur `a
2.3%, soit un manque `a gagner de 11 Milliards dhs.
La FBCF totale a augment´e de 41 Milliards dhs entre 2009 et 2015.
L’accroissement de l’investissement du secteur industriel r´ealis´e entre
2010 et 2014 a ´et´e de 1.5 Milliards dhs, avec un pic en 2012 de 14
Milliards dhs.
Bonne nouvelle : l’accroissement des exportations manufacturi`eres
entre 2009 et 2014 a ´et´e de 91 Milliards dhs, dont 78% ont ´et´e
r´ealis´es par le secteur automobile.
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15. Limites des politiques sectorielles
Syndrome de Tantale
Mythologie grecque : fils de Zeus et de la nymphe Plouto, et roi de
Phrygie (Asie Mineure) qui fut condamn´e `a ˆetre plac´e au milieu d ?un
fleuve et sous des arbres fruitiers, l’eau s’´eloigne quand il se penche pour
en boire, les branches d’arbre quand il souhaite en attraper les fruits.
Le cas du Maroc : les objectifs de d´eveloppement ´enonc´es dans ses plans
sectoriels sont (globalement) `a sa port´ee, mais ´echoue `a les concr´etiser.
Comment ?
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16. Limites des politiques sectorielles
Le d´ephasage entre croissance et emploi n’est pas bien pris en compte
dans la planification des plans sectoriels : la derni`ere synth`ese du HCP
sur le march´e de l’emploi entre 2000 et 2014 montre que l’´economie
marocaine cr´e´e 115.000 emplois en moyenne annuelle, alors qu’au
moins 300.000 ´etaient n´ecessaires pour r´esorber le chˆomage et
accueillir les nouveaux arrivants.
La dispersion des moyens vers des objectifs parfois contradictoires :
l’industrie exportatrice est en concurrence avec le tourisme, les deux
secteurs agricoles en concurrence entre eux, etc.
Les plans sectoriels misent beaucoup sur les effets d’entraˆınement qui
sont mal calcul´es, notamment du cˆot´e de l’emploi : les secteurs
modernes d´etruisent ceux traditionnels sont forc´ement en r´ecup´erer la
main d’œuvre.
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17. Limites des politiques sectorielles
Peut-on faire mieux ?Oui !
L’effet d’annonce cache la question simple qui devrait gouverner toute
politique publique : cette mesure fonctionnera-t-elle ?
Faire appel aux random experiments (exp´eriences al´eatoires) pour des
projets de moyenne envergure (Pilier II du PMV par exemple)
s´electionner au hasard deux r´egions similaires, puis introduire deux
variantes de politique publique : par exemple tester l’efficacit´e du
soutien en nature versus soutien financier pour les petits agriculteurs.
Le coˆut budg´etaire de ces mesures est largement faible : les
exp´eriences men´ees par Banerjee & Duflo coˆutent dans les 100.000 $
contre dix fois plus cher lorsqu’une ´etude est command´ee `a un
cabinet de conseil prestigieux.
Les exp´eriences al´eatoires permettent d’ajuster les objectifs au fur et
`a mesure du d´eroulement du projet.
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18. Limites des politiques sectorielles
Sources
Donn´ees macro´economiques : HCP, Banque Mondiale, Minist`ere des
Finances.
Donn´ees Plan Maroc Vert : Banque Mondiale, Agence de
D´eveloppement Agricole, Office des Changes, Minist`ere de
l’Agriculture.
Donn´ees Plan d’Emergence Industrielle : Minist`ere de L’industrie,
Minist`ere des Finances, Office des Changes, HCP, Bank Al Maghrib.
Banerjee & Duflo : ’Poor Economics’ www.pooreconomics.com.
Merci pour votre attention !
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