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MÉMOIRE DE FIN
D’ÉTUDE
AXEL PEIGNÉ
ESSEC BBA 4ème ANNÉE

La réalisation d’un business model durable et rentable
pour une plateforme de l’économie collaborative
Table des matières
Introduction!

3

Qu’est-ce que l’économie collaborative ?

5

Les bases de l’économie collaborative
La somme de trois aspects

Un mélange de concepts

5
9

14

Le peer-to-peer, la consommation de demain

14

Les nouvelles technologies, catalyseur de l’économie collaborative

17

La régulation de l'économie collaborative

21

Des problèmes de taxation

22

Des problèmes de certification

27

L’auto-régulation pour les assurances

30

Des pistes pour la régulation de l’économie collaborative

32

Un Business Model basé sur la confiance
Quelle est la place de la confiance ?

34
35

Comment créer de la confiance ?

38

La confiance institutionnelle

39

La confiance relationnelle

42

Quelles pistes pour plus de confiance ?

50

Les stratégies de monétisation

51

La stratégie de monétisation

51

Que choisir ?

57

Résumé du business model final

Conclusion!

58

62
2
Introduction!
Dans son livre « l’âge de l’accès », Jeremy Rifkin1 dit « Avoir, posséder et
accumuler n’ont plus guère de sens dans une économie où la seule constante est
le changement ». Cette citation résume parfaitement le changement de mode
de consommation que nous sommes en train de vivre à travers l’émergence de
l’économie collaborative. Reprenant des concepts existants depuis toujours : le
troc, l’échange, le partage, la location, ce secteur florissant représente
aujourd’hui une alternative crédible au capitalisme de surconsommation mis à la
peine par les crises économiques et financières. Mise en avant par des
organisations sociales et environnementales en raison des nombreuses avancées
qu’elle propose dans ces domaines, l’économie collaborative ne se cantonne
pourtant pas à ces mouvements et souhaite réellement s’adresser à tous les
consommateurs, en proposant des solutions simples à mettre en place et à la
valeur ajoutée immédiate. Comme nous le verrons dans ce mémoire, de
nombreuses plateformes collaboratives permettent ainsi de louer ou de partager
des objets non-utilisés ou sous-utilisés en toute simplicité et de générer un
complément de revenu par la même occasion. Si certaines de ces plateformes
ont un succès impressionnant, rassemblent des communautés de plusieurs millions
d’utilisateurs et enregistrent des dizaines de millions de transactions, d’autres ont
moins de réussite et n’arrivent pas à croitre sur leurs marchés. On peut alors se
demander quelles sont les raisons de la réussite de certaines et de l’échec des
autres. Répondre à cette interrogation en mettant en avant les éléments
responsables de cette différence permettra ainsi de mieux comprendre sur quoi
est basée l’économie collaborative et de satisfaire la problématique de ce
mémoire, qui questionne la réalisation d’un business model durable et rentable
pour une plateforme de l’économie collaborative. L’objectif de ce mémoire sera
donc de répondre à cette problématique et de comprendre principalement sur
quoi est basé l’économie collaborative et quelles en sont ses spécificités. Nous
aborderons ainsi le concept général de ce nouveau mode de consommation,
mais aussi les éléments qui, associés à ce concept, permettent aujourd’hui à

1

Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005, p13/393

3
l’économie collaborative d’être aussi florissante. Suite à ce questionnement, nous
pouvons nous interroger sur la régulation de l’économie collaborative, afin de
comprendre quelle est la régulation actuelle, si des utilisateurs de plateformes
collaboratives entrent en concurrence avec des entreprises traditionnelles et
quelles actions le régulateur pourrait effectuer pour encourager l’économie
collaborative et régler les éventuels problèmes. Il conviendra également de se
demander quelle est la place de la confiance sur ces plateformes collaboratives
pour comprendre son rôle et déterminer les différentes méthodes de création de
confiance, qui sont au coeur des business model du secteur. Afin d’expliquer les
dispositifs mis en place par les plateformes collaboratives pour se rémunérer, il
s’agira ensuite d’analyser les stratégies de monétisation disponibles et de
sélectionner la plus adéquate pour une plateforme collaborative. Pour répondre à
cet objectif nous aborderons dans une première partie, dédiée à explorer les
dessous de l’économie collaborative, les bases de l’économie collaborative afin
de comprendre comment la société du XXIème siècle se dirige vers « l’âge de
l’accès », suite à « l’âge de la possession ». Nous aborderons ensuite les différents
concepts associés à l’économie collaborative telle qu’on la connait aujourd’hui
et le rôle des nouvelles technologies de l’information et de la communication
dans le développement de l’économie collaborative ces dernières années, avant
de terminer cette partie sur une analyse de la régulation de l’économie
collaborative par les pouvoirs publics et par les plateformes collaboratives ellemêmes. Dans une deuxième partie, consacrée à l’explication des différentes
stratégies choisies pour le business model, nous évoquerons en premier lieu la
place et le rôle de la confiance dans l’économie collaborative, puis les pistes
accessibles aux plateformes collaboratives pour créer davantage de confiance.
Nous traiterons alors les différentes stratégies de monétisation disponibles et les
avantages et inconvénients de chacune d’entre elles. Suite à cette réflexion
viendra un résumé point par point du business model choisi avant d’aborder des
pistes de réflexion pour approfondir le sujet.

4
I.Qu’est-ce que l’économie collaborative ?
A.Les bases de l’économie collaborative
Le développement des pays occidentaux aux XIXème et XXème siècles a
favorisé l’émergence d’un système hiérarchique, centralisé et vertical. Ce système
a pour but de proposer une organisation efficace où l’ensemble des tâches d’une
entreprise est déléguée à des subordonnés et aux subordonnés et ces
subordonnés comme présenté dans l’organigramme ci-dessous.

Présentant une alternative crédible à ce système vertical, le système
collaboratif propose une répartition horizontale et décentralisée, basée sur le
partage entre les différents acteurs de l’entreprise. Bien que ce type de système
soit plus difficile à adapter à des organisations de grande taille, il permet à des
petites et moyennes entreprises de

réduire l’exclusion sociale en créant des

connections entre les employés et en favorisant l’échange du savoir et la
collaboration. Ce nouveau système est également applicable pour les relations
avec l’extérieur de l’entreprise, permettant de réduire les coûts de l’entreprise en
réalisant certaines collaborations avec des entreprises du même secteur. Ce
5
mouvement, proposant une alternative au capitalisme tel qu’on l’a connu au
XXème siècle et orienté vers des valeurs communautaires, sociales et
environnementales, est rendu possible grâce à l’explosion d’Internet et des
nouvelles technologies de l’information et des communications. Bousculant le
mode de surconsommation actuel l’économie collaborative, aussi appelée
consommation collaborative - sharing economy ou collaborative consumption en
anglais, souhaite développer un système basé sur le partage et dans lequel les
actions de chaque membre d’une communauté permettent à la communauté
toute entière de croitre.
Ebay est souvent considéré comme le premier site de
consommation collaborative sur Internet. Pierre Omidyar, son
fondateur, raconte avoir mis en vente en 1995 un laser
défectueux pour voir les réactions des internautes. Surpris du
nombre de personnes intéressées et du prix final de l’objet (14,85 USD), il a
contacté le gagnant de l’enchère afin de lui demander s’il avait bien compris
que le laser ne marchait pas. Le gagnant lui aurait répondu être un
collectionneur de lasers défectueux. Cette anecdote montre bien la simplicité
et l’énorme potentiel de la création de communautés sur Internet. Durant le
premier trimestre de 2013, eBay a généré un chiffre d’affaires de $3,75 milliards
pour un bénéfice de $875 millions.

L’économie collaborative n’est pas une nouveauté, depuis toujours la
vente, la location et le don d’objets en peer-to-peer a existé via des organisations
comme « De Particuliers à Particuliers » qui propose un magazine et un site internet
de petites annonces immobilières. De même, eBay a été créé en 1995, à une
époque où Internet était encore très peu répandu et où le concept d’acheter un
produit à un inconnu sur Internet semblait presque insensé. Ce qui est nouveau en
revanche, c’est la croissance impressionnante de l’économie collaborative ces
dernières années et surtout les possibilités offertes aujourd’hui grâce à la
démocratisation d’Internet. On assiste en effet à une vraie déferlante de
nouveaux acteurs avec des idées toujours plus novatrices, comme Airbnb, Zipcar
ou encore La machine du voisin (voir encadrés en page suivante). Mais avant
d’étudier comment le développement d’Internet et des nouvelles technologies
contribue à cette expansion de l’économie collaborative, il convient de
comprendre quelles en sont les principales ressources.
6
Airbnb est une des plateformes collaboratives les plus en vue
du
moment, connaissant un taux de croissance
impressionnant.
Fondée en 2008 à San Francisco, elle
permet à n’importe qui
de publier ou de réserver des
logements partout dans le monde. Airbnb est aujourd’hui disponible dans
33.000 villes et 192 pays, a enregistré plus de 4 millions de réservations dont 3
millions seulement en 2012 et a ouvert 11 nouveaux bureaux dans le monde en
2012

! Zipcar est une plateforme collaborative proposant une alternative à
la possession d’une voiture et à la location de voiture traditionnelle.
Zipcar possède plusieurs voitures dans de nombreuses grandes villes
et propose à ses abonnés d’y avoir accès 24h/24 et 7j/7 avec
simplement une carte magnétique (Zipcard) et une réservation via internet.
Depuis son lancement, les voitures Zipcar ont parcouru plus de 600 millions de
kilomètres et sont disponibles aux États-Unis, au Canada et dans certaines villes
européenne. Zipcar a récemment été racheté par le loueur américain Avis.

La machine du voisin est un site français proposant de
répondre à une problématique très simple : « trouver une
machine à laver près de chez soi ». Très tourné vers
l’économie collaborative et disposant d’un business model
particulier, la plateforme ne faisant pas transiter les transactions elle ne se
rémunère que via des levées de fonds en crowdfunding, ce projet original et
disponible uniquement en France rencontre un certain succès avec près de
2700 machines mises en ligne depuis février 2012.

Tout d’abord, il est important de lier l’économie collaborative avec la
naissance de « l’âge de l’accès », comme définit dans le livre de Jeremy Rifkin2 du
même nom. Ce nouvel âge est censé remplacer le concept de la propriété d’un
produit par celui de l’accès à ce produit. Depuis la fin du XIXème siècle, la
propriété de biens matériels a en effet été non seulement un indicateur de la
fortune d’une personne, mais également un objectif pour la société. Par exemple
pour un jeune adulte, l’achat de sa première voiture qui est un investissement
généralement important, était un moyen de montrer à la société sa sortie de
l’adolescence et son entrée dans le monde actif. Que la personne ait un réel
2

Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005

7
besoin de la voiture ou non n’est finalement pas prioritaire, ce qui compte c’est
de montrer qu’elle en a la propriété et qu’elle est donc suffisamment mature pour
en assumer les conséquences. Ce type de comportement est également
remarquable pour l’achat d’un logement. En général après le mariage, le jeune
couple réalisait un crédit immobilier afin d’acquérir un logement et de montrer à
la société qu’ils étaient prêts à fonder un foyer. Ici encore, le fait que le couple soit
propriétaire du logement avait une importance particulière. Dans la vie de tous les
jours, cette notion de propriété est peut-être encore plus frappante. Par exemple
si une personne a besoin de réaliser un trou dans un mur de son logement, il y a
une très forte probabilité pour qu’elle aille au magasin de bricolage le plus proche
et achète une perceuse. La perceuse va effectivement permettre de réaliser le
trou, mais à moins que cette personne soit très bricoleuse, il est assez peu
probable qu’elle soit réutilisée de façon régulière. Pourtant, selon Rachel
Bostman3 , environ 50 millions de foyers américains possèdent une perceuse et
l’utilisent seulement 12 minutes par an. La possession de cette perceuse est
difficilement justifiable sur le long terme puisque son taux d’utilisation est
négligeable. Dans ce type de situation, il serait bien plus rationnel que la personne
en question loue ou emprunte une perceuse à quelqu’un d’autre chaque fois
qu’elle en aura besoin. La situation serait alors bénéfique pour les deux personnes :
- La personne ayant besoin d’une perceuse pourra réaliser le trou dans son mur,
ce qui est après tout le but final, dans les mêmes conditions qu’en achetant une
perceuse, mais elle dépensera beaucoup moins d’argent voire pas du tout, elle
n’aura pas à se déplacer dans un magasin de bricolage (peut-être même que
son voisin aura la perceuse recherchée), et elle n’aura pas à stocker la perceuse
inutilisée.
- La personne louant ou prêtant la perceuse est également gagnante puisqu’elle
peut éventuellement gagner un peu d’argent et qu’elle à l’occasion de rendre
utile un objet a priori sous-utilisé dans son foyer.
Enfin, et c’est peut-être la partie la plus importante, les deux personnes vont
engager une relation à travers cette location/échange en peer-to-peer. Bien que
la relation puisse paraitre simple et sans intérêt, de nombreuses études démontrent
3

Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011

8
que c’est une des principales raisons qui pousse à la mise à disposition d’objets sur
des systèmes d’économie collaborative. En effet et nous y reviendrons plus tard, la
création d’une relation entre ces deux personnes leur permettra de réaliser un
second échange bien plus facilement dans le futur, ainsi que d’entamer une
nouvelle relation sociale.

La notion de propriété, qui parait si importante aux yeux de certains est
donc difficilement justifiable dans ce types de cas et remet en cause notamment
les théories économiques d’Adam Smith, qui considéraient l’homo economicus
comme une personne dont le comportement est purement rationnel. Comme
nous l’avons vu ici, une personne purement rationnelle aurait plutôt intérêt à louer
ou emprunter des objets dont elle n’aurait pas une utilisation très fréquente. Mais
l’aspect économique, même s’il est important pour de nombreux acteurs de
l’économie collaborative, n’est pas forcément le motif principal et est souvent
rejoint par l’aspect social et environnemental des échanges en peer-to-peer.

La somme de trois aspects

Comme nous l’avons vu plus tôt, la réalisation d’un échange entre deux
personnes apporte, en plus des éventuels aspects financiers, un aspect social qui
est souvent sous-évalué par les études menées sur l’économie collaborative. Tout
d’abord on peut penser que lorsqu’une personne A accepte de partager un
objet avec une personne B, la personne B va apprécier cet échange et sera ainsi
beaucoup plus encline à accepter de partager un de ses objets avec la personne
A. Ce type de comportement, appelé « réciprocité directe », apporte donc une
plus-value sociale à la fois à A et à B et laisse entrevoir de nombreux partages
potentiels sur le long terme entre les deux personnes. Par exemple, si A, en prêtant
sa perceuse à B, s’est rendu compte que B dispose d’une ponceuse électrique
dont il aurait justement besoin, alors une réciprocité directe du premier partage
sera possible. Ainsi, Robert Cialdini 4 dit « Le principe de réciprocité permet à une
personne de donner quelque chose à une autre personne en sachant que ce ne
4

Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011, p132/266

9
sera pas perdu. Ce sens d’obligation future dans ce principe rend possible le
développement de différents types de relations, de transactions ou d’échanges
dans le futur ». Mais grâce au développement de communautés connectées mais
ne se connaissant pas, ce principe de réciprocité directe peut même devenir
indirect. Dans ce cas le principe n’est plus « Je vous aiderai si vous m’aidez », mais
plutôt « Je vais vous aider, quelqu’un d’autre m’aidera ». Par exemple Rachel
Bostman, grande ambassadrice de l’économie collaborative, a connu une
expérience illustrant parfaitement ce principe. Une nuit, son compte Twitter a été
hacké et les hackers ont commencé à envoyer des messages de spam à tous ses
followers. Au matin elle s’est réveillée avec de nombreux mails l’informant de ce
hack et a été très surprise, en contactant le support de Twitter, de découvrir que
d’autres personnes avaient déjà signalées le hack et que le problème était donc
dès maintenant résolu sur son compte ... alors même qu’elle dormait ! Suite à
cette expérience, si Rachel Bostman voyait un autre compte hacké elle serait bien
plus disposée à signaler le problème à Twitter par elle-même, même si ce n’était
pas une des personnes qui l’avait aidée lors de son expérience. L’aspect social issu
d’un partage ou d’un échange de biens en peer-to-peer est donc un grand
catalyseur de nouveaux partages et de nouveaux échanges, à la fois entre les
personnes ayant déjà été en contact, mais aussi entre des personnes ne se
connaissant pas mais connectées via des réseaux en ligne.

L’aspect environnemental de l’économie collaborative est rarement le
plus cité et il est même souvent considéré comme inattendu par les utilisateurs qui
sont avant tout attirés par les aspects économiques et sociaux. Pourtant de
nombreux principes de l’économie collaborative permettent des avancées
environnementales assez importantes. Par exemple, le covoiturage permet de
réduire le nombre de voiture en circulation et d’augmenter le nombre de
personnes dans chaque voiture par trajet. Le fait de louer ou emprunter une
perceuse quand on en a besoin au lieu d’en acheter une a aussi de nombreux
effets bénéfiques sur l’environnement. Non seulement cela fera une perceuse de
moins qu’il faudra recycler quand elle sera cassée, mais cela élimine également
les très nombreuses consommations de matières premières nécessaires pour la
10
fabrication de cette perceuse (l'environnementaliste Paul Hawken estime que
pour la fabrication d’un objet d‘1kg, 32kg de matières premières sont
consommées). L’économie collaborative peut également apporter beaucoup via
des investissements groupés dans les énergies vertes par exemple. Imaginons que
les habitants d’un quartier se mettent d’accord pour installer quelques panneaux
solaires et/ou des éoliennes dans le quartier, cet investissement qui semble
particulièrement lourd sera bien plus facile à réaliser si chaque habitant du
quartier cotise une petite somme. Reprenant ici les principes du crowdfunding, cet
exemple permettrait au quartier de réaliser une avancée environnementale
d’importance tout en proposant un investissement faible à chaque habitant, et
probablement des économies sur les futures factures d’électricité.

La somme de ces trois aspects, économique, social et environnemental,
permet donc de mieux comprendre l’attrait des utilisateurs vers l’économie
collaborative, particulièrement en période de crise du capitalisme financier et de
la surconsommation. De plus en plus de personnes se rendent effectivement
compte des excès de notre société et l’économie collaborative présente donc
une alternative viable et facilement réalisable, en grande partie grâce à la
démocratisation d’Internet. Cependant, l’économie collaborative se tient à
distance des mouvements de décroissance en proposant simplement de
consommer autrement et mieux. Une très récente étude de l’ADEME5 sur les
pratiques collaboratives en France montre d’ailleurs qu’il n’y a pas un type mais
des types de consommateurs collaboratifs possédant quatre caractéristiques les
distinguant des autres consommateurs :
- Une volonté de rencontrer régulièrement de nouvelles personnes
- Une préoccupation relative à l’évolution de la société
- Une propension à la découverte, à l’expérience, voire à la prise de risque
- Une volonté et un plaisir à faire durer les objets.

5

IPSOS, Les français et les pratiques collaboratives. Qui fait quoi ? Et pourquoi ?, ADEME, 2012

11
Une autre étude récente de L’ObSoCo 6 permet de mieux comprendre la
définition donnée par les utilisateurs au concept de « consommer mieux », comme
expliqué dans l’illustration page suivante.

Ce besoin de changer de mode de consommation est une conséquence
importante de la crise économique qui empêche les ménages de garder un
niveau de consommation élevé. Aux États-Unis comme en Europe, de nombreux
ménages ont perdu du pouvoir d’achat et ont donc des difficultés pour
consommer, d’autant plus que les prêts à la consommation sont nettement moins
accessibles. Le mode de consommation proposé par l’économie collaborative est
davantage compatible avec cette baisse de pouvoir d’achat puisqu’elle propose
de rémunérer ces ménages pour certains objets qu’ils possèdent et qui sont sousutilisés et de payer uniquement à l’usage quand ils ont besoin ponctuellement
d’un objet qu’ils ne possèdent pas. On peut donc dire que depuis 2008, la crise
économique facilite la percée de l’économie collaborative dans notre société.
Cependant, la fin de la crise ne signifierai probablement pas la fin de l’économie
collaborative. Le site covoiturage.fr montre en effet que ses pics de croissance
correspondent aux pics du prix de l’essence, mais cela ne signifie pas que la
6

L’ObSoCo, 2012

12
fréquentation du site baisse quand l’essence est moins chère. La crise
économique et la baisse de la consommation incite les consommateurs à
rechercher d’autres modes de consommation, et les pousse donc vers la
consommation collaborative. Mais une fois qu’ils l’ont découverte ils continuent
généralement de l’utiliser, comme le montre une autre étude du même site disant
que 92% des membres de covoiturage.fr affirment vouloir faire plus de
covoiturage à l’avenir 7. Popularisée par la crise économique, l’économie
collaborative n’est cependant pas un mouvement ponctuel et est appelé à
s’amplifier avec le temps, en proposant un mode de consommation plus
économique, plus social et plus environnemental.

Selon Jeremy Rifkin, « l ’âge de la possession » serait donc révolu et « l’âge
de l’accès » correspondrait à la révolution apportée par l’économie collaborative.
Ce nouvel âge peut être résumé dans une célèbre citation d’Aristote : « Il y a plus
de richesse dans l’usage que dans la propriété ».

7

Blablacar.fr, 2012

13
B.Un mélange de concepts
Comme nous l’avons vu précédemment, l’économie collaborative n’est
pas un nouveau concept altermondialiste, mais une nouvelle façon de
consommer et de posséder des objets. Il ne faut donc pas considérer l’économie
collaborative comme un courant de mode mais comme un mouvement durable
visant à remplacer la surconsommation actuelle et la sous-utilisation des objets,
grâce à des outils favorisant le partage d’accès et la réutilisation. Ce mouvement
est en réalité l’association de plusieurs concepts et outils dont certains sont très
anciens, mais qui forment un ensemble particulièrement cohérent et attrayant
pour les consommateurs. Nous allons explorer ces différents concepts dans cette
partie afin de mieux comprendre sur quoi baser un Business Model rentable dans
ce domaine.

Le peer-to-peer, la consommation de demain

Le principal concept sur lequel repose l’économie collaborative est le
concept de peer-to-peer, dont la traduction en français donnerait « pair à pair ».
Ce terme est issu du langage informatique où il désigne un réseau « client-serveur »
dans lequel chaque « client » serait également un « serveur ». Ce type de réseau
est donc généralement décentralisé et repose bien plus sur le nombre de « clients
» que sur la taille et la capacité d’un « serveur » central. L’analogie avec les types
de transaction de l’économie collaborative est extrêmement cohérente, puisque
contrairement au modèle de consommation habituel, où une firme (ici le « serveur
») est reliée à un réseau de consommateurs (ici les « clients »), l’économie
collaborative promeut un réseau où chaque consommateur est à la fois « client »
et « serveur ». Chaque consommateur va être « client » dans le sens où il va
acheter des biens et consommer, mais il va également être « serveur » dans le sens
où il va partager les biens qu’il n’utilise pas, ou sous-utilise, aux autres
consommateurs. Le peer-to-peer permet donc de réaliser les transactions
directement entre les consommateurs et s’adapte parfaitement aux systèmes
collaboratifs comme l’explique Jeremy Rifkin : « L’échange de biens entre
14
acheteurs et vendeurs est remplacé par un système d’accès à court terme
opérant entre des serveurs et des clients organisés en réseaux »8. Bien que le peerto-peer semble assez simple à première vue, ses implications dans le mode de
consommation de l’économie collaborative sont en réalité très profondes.

Lancé en 2009, quirky est une plateforme mettant en relation
des inventeurs (même amateurs) avec une communauté
évaluant les idées et aidant à leur développement. Les revenus du produit une
fois créé sont ensuite répartis entre les différents « influenceurs » dont au moins
42% pour l’inventeur.

Tout d’abord, le peer-to-peer risque de rendre obsolète ou de fragiliser de
nombreuses institutions du consumérisme (grands magasins, certains systèmes de
grande distribution...) en rendant disponible des alternatives plus intéressantes aux
niveaux économique, social et environnemental pour les consommateurs. Ces
entreprises nécessiteront donc une forte révision de leur Business Model pour
s’adapter à ces nouveaux modes de consommation, comme préconisé par Louis
David-Benyayer, fondateur de WhithoutModel ayant réalisé une étude sur les
futurs modèles économiques de la distribution et encourageant ces entreprises à
« développer un modèle économique de plateforme autour du DoItYourself et de
la production décentralisée (...) monétiser l’animation de communautés et de
lieux (...). Faire émerger et progresser des produits conçus et financés par les
consommateurs ». C’est justement le but de la récente association entre Auchan
et l’américain Quirky (voir encadré), appliquant des principes de l’économie
collaborative et du crowdfunding dans le domaine du design industriel. En plus de
générer de la visibilité, ce type d’association permet à Auchan de trouver de
nouvelles sources de revenus à fort potentiel de croissance en donnant la
possibilité à ses clients de proposer des idées de nouveaux produits et de profiter
des capacités de production et de diffusion d’Auchan pour les commercialiser. En
modifiant le Business Model de nombreuses entreprises, la montée des transactions
en peer-to-peer entraine un changement de relation entre les parties réalisant la
transaction. La
8

relation habituelle lors de l’achat d’un objet est une relation

Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005, p11/393

15
classique entre un acheteur et un vendeur, avec un élément au coeur de la
transaction : le prix de l’objet. Mais dans une transaction collaborative en peer-topeer, la relation est entre un prestataire mettant à disposition un service et l’usager
de ce service. Ici, l’élément central de la transaction n’est pas nécessairement le
prix du service - il n’y en a pas forcément, mais plutôt la relation à long terme
entre les deux parties. En effet, lors de l’achat d’un bien la transaction est
généralement unique et ne se répètera pas dans le futur, une fois qu’une
personne a acheté une perceuse elle s’attend à ne pas avoir à en racheter une
dans le futur. Au contraire lors de la prestation d’un service, par exemple la
location d’une voiture, l’usager sait qu’il aura sans doute besoin d’une voiture à
nouveau dans le futur. Le but du prestataire est donc de fidéliser l’usager afin de
s’assurer qu’il reviendra vers lui lors de ses futurs besoins. Le concept du peer-topeer appliqué à l’économie collaborative entraine donc un changement de
relation et un changement d’objectif, particulièrement lorsque la transaction a
lieu entre deux personnes souhaitant engager une relation sociale. Par exemple,
une personne ayant besoin d’une raquette de tennis et en louant une à un de ses
voisins pourrait découvrir que ce voisin a lui aussi une passion pour le tennis - ce qui
semble probable vu qu’il possède une raquette de tennis. Dans ce cas l’élément
central de la transaction ne serait pas le prix, mais la relation à long terme entre les
deux parties. L’usager ne serait pas forcément intéressé par le fait de louer une
raquette de tennis au plus bas prix du marché, mais plutôt par le fait d’avoir un
partenaire sympathique pour partager sa passion du tennis, et inversement pour le
propriétaire de la raquette de tennis. En plus d’une relation sociale, les deux
parties peuvent également être à la recherche de confiance envers l’autre partie.
Comme nous le verrons ultérieurement, la confiance est effectivement un élément
central dans la transaction.

Le concept de peer-to-peer appliqué à l’économie collaborative est très
prometteur pour le partage d’objets sous-utilisés, mais aussi dans d’autres
domaines dont les monnaies complémentaires. Souvent mises en avant
uniquement dans des contexte de crise économique, les monnaies
complémentaires sont prévues pour venir en complément des monnaies officielles
16
et pour apporter un soutien social, souvent au niveau local, en favorisant des
systèmes d’échange ou de partage. En France, ces monnaies sont
particulièrement représentées par les SEL (Système d’Échange Local) où la
monnaie est généralement valorisée en fonction du temps passé pour chaque
transaction. Le SOL est également une monnaie complémentaire créée en France
qui vise à encourager des projets sociaux et environnementaux et profite
largement des nouvelles technologies en étant totalement dématérialisée. Les
monnaies complémentaires représentent un vaste sujet qu’il ne serait pas possible
de traiter entièrement dans ce mémoire, il est en revanche intéressant de mener
une réflexion sur la manière dont des plateformes collaboratives pourraient utiliser
les monnaies complémentaires. Ces monnaies ne sont a priori pas utilisables par
toutes les plateformes puisqu’il est essentiel qu’un aspect local soit fortement
présent dans la plateforme. En revanche, une plateforme communautaire
proposant troc, location et partage de nombreux objets (perceuse, tondeuse,
machine à laver ...) pourrait décider d’utiliser des monnaies complémentaires
dans les transactions au lieu (ou en plus) des monnaies traditionnelles.

Les nouvelles technologies, catalyseur de l’économie collaborative

En plus d’utiliser le concept du peer-to-peer, l’économie collaborative est
fortement basée sur les nouvelles technologies, qui sont en grande partie
responsables de sa montée en puissance ces dernières années. Même si des
acteurs de l’économie collaborative existaient déjà avant la généralisation des
accès à Internet, comme Netflix qui proposait déjà la location de films et de séries
télévisées par envoi postal, ou De Particuliers À Particuliers qui proposait déjà des
catalogues de petites annonces, le nombre d’acteurs de l’économie
collaborative a explosé depuis la démocratisation d’Internet dans les pays
développés. Nous pouvons retenir plusieurs causes à cette forte augmentation,
dont tout d’abord la rapidité de transmission des informations grâce à Internet.
Grâce au web, aux mails et maintenant aux réseaux communautaires, une
information qui pouvait avant mettre plusieurs jours à faire le tour du globe et être
déformée voire se perdre, peut voyager de la même distance en moins d’une
17
seconde et sans risque de perte. Cette capacité de transmission a permis de
mettre à disposition de n’importe quelle personne possédant une connexion à
Internet, une très vaste quantité de données et de connaissances, qu’elle peut
alors utiliser par exemple pour améliorer ses connaissances dans un domaine, ou
bien en enrichissant les données actuellement présente via ses propres
connaissances. Cette libération de l’information a également une importance
toute particulière dans la recherche d’un meilleur mode de consommation. En
effet, Internet rend bien plus simple, du point de vue du consommateur, la
comparaison de plusieurs produits concurrents entre eux afin de définir lequel a le
meilleur rapport qualité/prix. Ce type de pratiques montre à quel point la libre
circulation de l’information est essentielle pour le développement de l’économie
collaborative, comme le prouve l’adage : « celui qui détient l’information, détient
le pouvoir ».

Internet est également essentiel pour l’économie collaborative en raison
des nouveaux moyens de communication qui sont rendus possibles et qui ont
permis la création de vraies communautés virtuelles. Grâce aux réseaux sociaux,
des acteurs de l’économie collaborative ont la possibilité de recommander à leurs
connaissances les sites qu’ils utilisent et d’en faire de nouveaux acteurs. Cette
technique, dérivée de l’ancestrale méthode du bouche à oreille, est néanmoins
bien plus efficace sur Internet et y est mieux connue sous le terme de viralité. La
viralité permet donc de faire connaitre très rapidement une plateforme
collaborative et s’adapte parfaitement au système de l’économie collaborative.
En effet, lorsqu’un usager met en ligne sur une plateforme une demande de
prestation de service, son but est qu’un maximum de personnes regardent son
offre afin d’augmenter ses chances de trouver un prestataire. Il y est donc
probable qu’elle utilise les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Google+...) pour
partager sa demande. En faisant cette action, l’usager va certes augmenter ses
chances de trouver un prestataire, mais il va également donner plus de visibilité à
la plateforme collaborative sur laquelle la demande a été publiée. Les
connaissances de l’usager qui cliqueront pour regarder la demande mise en ligne,
en plus d’être d’éventuels prestataires, sont également d’éventuels nouveaux
18
usagers pour la plateforme collaborative puisqu’ils ne connaissaient peut-être pas
cette plateforme auparavant et le fait qu’une de leur connaissance l’utilise peut
les inciter à utiliser eux-même la plateforme en cas de besoin. Et si cette personne
utilise à nouveau cette plateforme collaborative dans le futur, et qu’elle fait
également l’action de partager via ses réseaux sociaux, l’histoire se renouvellera
de la même façon. Grâce au simple partage du premier usager, la plateforme
collaborative réalise donc une opération de communication à très fort potentiel,
et totalement gratuite. La viralité est donc un catalyseur important de l’économie
collaborative, d’autant plus que les valeurs véhiculées - valeurs sociales et
environnementales principalement, ont une image plutôt positive dans la société
et incitent donc à partager. La création, grâce au concept de viralité, de
véritables réseaux sociaux pouvant générer une forte visibilité est donc essentielle
dans la croissance de l’économie collaborative

Mais la principale raison pour laquelle Internet a un rôle aussi grand dans la
montée en puissance de l’économie collaborative vient des facilitations amenées
par Internet pour la réalisation de plateformes de transaction. Tout d’abord
Internet permet, entre autres grâce aux réseaux sociaux sus-cités, de rapprocher
des populations qui entreraient peu en contact sans ces outils. Par exemple il
existe de nombreuses communautés de passionnés sur Internet, dont certains
membres habitent à des endroits très éloignés. Ces communautés peuvent exister
car Internet leur permet de communiquer comme si elles étaient côte-à-côte mais
ce n’était pas possible sans Internet. Cela permet donc de connecter entre elles
des personnes qui ne se connaitraient pas, ce qui est essentiel pour le
fonctionnement de l’économie collaborative qui a besoin d’une masse critique
d’usagers. Internet permet également de simplifier drastiquement les échanges
monétaires. Bien que toutes les transactions de l’économie collaborative ne soient
pas forcément monétaires, une grande partie l’est et dans ces cas Internet
dispose de nombreux outils permettant de réaliser un paiement peu importe le
pays destinataire ou expéditeur et quelque soit la monnaie utilisée, avec des couts
associés à la transaction qui sont assez faibles (en général, les commissions
bancaires sont d’environ 0,8% du montant de la transaction). Le fait de pouvoir
19
réaliser ces échanges monétaires instantanément et quasiment sans limite est
primordial. Il serait par exemple inimaginable qu’un site comme eBay se soit
autant développé s’il avait fallu envoyer un chèque par voie postale à chaque
achat. Les paiements par carte bancaire en ligne ont donc une grande
importance dans le développement de l’économie collaborative, mais la
facilitation des échanges monétaires permettra peut-être des avancées encore
plus intéressantes à l’avenir, notamment grâce au développement des méthodes
de paiement sans contact comme la NFC9 . En plus de ces facilitations, les
nouvelles technologies permettent de facilement créer des plateformes mettant
en relation l'offre et la demande pour chaque marché. Par exemple pour le
marché du covoiturage, le site BlaBlaCar (voir encadré) s'adresse à la fois aux
offreurs et aux demandeurs. Il permet aux offreurs, c'est-à-dire aux personnes
faisant un trajet en voiture et ayant des places libres, de mettre en ligne une offre
dans laquelle ils expliquent le trajet qui sera réalisé et les différentes modalités et
permet aux demandeurs d'accéder à un moteur de recherche lui donnant la
possibilité de chercher le trajet dont il aurait besoin parmi toutes les offres mises en
ligne par les offreurs. Ce type de plateforme est relativement simple à mettre en
place sur un site internet et requiert principalement une masse critique d'offreurs et
de demandeurs pour fonctionner. Pourtant ce serait extrêmement compliqué,
voire impossible, de réaliser la même chose sans les outils offerts par Internet. Ici
encore, la démocratisation d'Internet joue un rôle prépondérant dans la faisabilité
de ce genre de plateforme.

Blablacar est une entreprise française fondée en 2006 par
Frédéric Mazzella et permettant de mettre en contact les
propriétaires de voiture ayant des places libres et des voyageurs à la recherche
de bons plans et de rencontres. Après avoir misé sur la création de confiance,
la plateforme se développe très rapidement et devient aujourd’hui
incontournable dans le domaine du covoiturage. Blablacar a également
réalisé une étude sur le rôle de la confiance, qui permet de mieux comprendre
l’importance de la confiance pour les plateformes collaboratives.

9

Near Field Communication

20
En simplifiant et en rendant bien plus accessible de nombreux outils, les
nouvelles technologies favorisent largement le développement de l'économie
collaborative. Elles permettent de réduire les coûts liés aux échanges
économiques comme les coûts de prospection, remplacés par la création d’une
plateforme permettant de rencontrer l’offre et la demande. Les coûts de
recherche et d’information sont donc quasi nuls pour les usagers, qui peuvent tout
savoir du marché en quelques clics. Les coûts de négociation et de décision sont
également très faibles étant donné que la transaction se passe la plupart du
temps en ligne et à un prix fixé d’avance. Enfin les coûts de contrôle concernent
majoritairement la publication d’un avis d’usager concernant le prestataire sur la
plateforme en question. Cette publication est a priori très rapide à réaliser et
n’induit aucun coût en particulier. Ces trois catégories de coûts formant les coûts
de transaction on peut dire que les nouvelles technologies permettent de réduire
les coûts de transaction de l'économie collaborative. Cette réduction des coûts
de transaction n’aurait jamais pu être possible sans ces technologies, ce qui en
fait une cause centrale de l’émergence de l’économie collaborative ces
dernières années.

C.La régulation de l'économie collaborative
Actuellement, la régulation de l’économie collaborative est presque
totalement inexistante en France, comme dans le monde. Cette absence de
régulation signifie que les entreprises comme les usagers disposent d’une relative
liberté pour réaliser à peu près ce qu’ils souhaitent. Brian Chesky, fondateur
d’Airbnb, expliquait ainsi qu’à Paris certains hôtes gagnaient 4000 à 5000 dollars
par an en louant leur chambre en moyenne 4 nuits par mois10, fournissant un
revenu complémentaire non-négligeable aux personnes pouvant louer leur
chambre ou un appartement entier à des touristes. Gagner un revenu
complémentaire de cette façon peut sembler intéressant, à la fois pour l’hôte
mais aussi pour les touristes qui ont l’occasion de visiter des endroits nontouristiques qu’ils n’auraient pas pu voir en logeant dans un hôtel classique.
10

Le Web 2012, Paris, Brian Chesky

21
L’absence de régulation est vue d’un oeil plutôt bon par les entreprises de
l’économie collaborative, qui craignent que l’intervention de l’État dans
l’économie ne décourage leurs clients. Mais d’autres acteurs

de l’économie

collaborative demandent davantage de régulation dans ce secteur.

Des problèmes de taxation

Tout d’abord, on peut remarquer que les revenus de l’économie
collaborative ne font pas l’objet d’une taxation spécifique. Par exemple, les hôtes
Airbnb en France ne doivent pas payer de taxes spécifiques sur les revenus de
leurs locations contrairement aux professionnels du secteur. Cette absence de
taxe est sans doute une des raisons pour lesquelles Airbnb est si populaire, en
n’obligeant pas ses usagers à gérer des formalités administratives et en évitant
qu’une partie de leurs revenus soient prélevés par l’État. De plus, selon la loi
française, les hôtes générant un revenu via la location de leur résidence doivent
déclarer ces revenus afin de les imposer selon le barème de l’impôt sur le revenu,
mais il est assez difficile de savoir si cette obligation est respectée ou non dans la
pratique. Le service communication d’Airbnb répond qu’il est « simple de déclarer
les revenus touchés. Il faut cocher la case « location saisonnière » dans sa
déclaration d’impôts ». Si le côté administratif est effectivement simple, les usagers
ne semblent pas très enclins à alourdir leur facture d’impôts sur le revenu avec
leurs revenus de l’économie collaborative. Aucune donnée publique n’est
disponible, mais plusieurs témoignages sur des forums internet semblent montrer
que la plupart des hôtes ne déclarent pas ces revenus dans leur déclaration
d’impôts sur le revenu. Cependant ce phénomène semble surtout présent chez les
hôtes non-réguliers et générant peu de revenus par la location de leur logement.
Ceux qui génèrent un revenu important semblent prendre plus de précautions et
suivent les conseils d’Airbnb qui sont de déclarer ses revenus et de « contacter les
mairies en ce qui concerne les autorisations, car cela peut être différent d’un hôte
à l’autre ». En plus de l’impôt sur le revenu qui n’est pas toujours payé, les hôtes
Airbnb ne collectent pas la taxe de séjour ni la TVA, contrairement aux
professionnels du secteur. Le manque à gagner pour l’État n’est donc pas
22
négligeable, surtout concernant les logements qui ne sont pas loués de façon
ponctuelle mais quasiment toute l’année, par des propriétaires en tirant des
revenus importants. Par exemple, un appartement de 50m2 bien placé dans Paris
peut être loué aux alentours de 700€ par semaine, assurant un revenu confortable
au propriétaire. Si les gouvernements semblent assez peu préoccupés par ce
problème de taxation ce n’est pas le cas des maires de grandes villes touristiques,
qui entendent lutter contre ces « semi-professionnels ». Le mouvement de riposte
légale a commencé avec le maire d’Amsterdam qui a fait inspecter près de 200
logements pour vérifier qu’ils soient aux normes, tant au niveau fiscal
qu’hygiénique. À New-York également, un hôte Airbnb a failli payer une amende
de 40 000$ pour avoir sous-loué son logement et à la mairie de Paris, l’adjoint au
logement, Jean-Yves Mano souhaite particulièrement préoccupé par ce
problème : « Il suffit d’aller sur ces sites pour voir que c’est essentiellement du
meublé touristique qui est proposé. On voit bien que ce sont des professionnels qui
veulent passer entre les gouttes d’une réglementation précise ». En réponse à ces
menaces pour ses utilisateurs, Airbnb a répondu que « La plupart des logements
sont ceux de particuliers qui n’en proposent qu’un seul » tout en continuant dans
la même phrase « mais nous n’avons pas de chiffres précis ». Le problème est
donc de mesurer l’ampleur du phénomène, d’autant plus que les particuliers
louant plusieurs appartements en même temps brouillent la frontière entre le légal
et l’illégal. Les problèmes légaux posés par la location de résidence via Airbnb
sont les plus courants, parce qu’ils sont facilement identifiables et que les mairies
sont assez promptes à réagir. Mais ce ne sont pourtant pas les seuls problèmes
rencontrés par le secteur de l’économie collaborative.
Taskrabbit est une plateforme collaborative
américaine connectant au niveau local
des
personnes très occupées ayant besoin de petits
services (promenade de chien, achat de courses, montage de meubles ...)
avec des personnes ayant du temps disponible et besoin d’argent (étudiants,
chômeurs, retraités ...). Véritable courant de mode aux États-Unis, Taskrabbit
redéfinit la manière dont certains perçoivent leur emploi en permettant à ces
personnes de gagner leur vie en restant indépendants et en faisant valoir leurs
compétences avant tout.

23
Le secteur du jobbing, représenté par le pionnier Taskrabbit (voir encadré
en page précédente) pourrait également poser des problèmes en matière de
régulation. En proposant à ses usagers de nombreux travaux variés en peer-topeer, Taskrabbit permet à des personnes ayant du temps libre et des
compétences de les valoriser et de travailler tout en générant un revenu qu’ils
n’auraient probablement jamais trouvé ailleurs. Il n’est donc pas étonnant que
Taskrabbit soit si populaire auprès des chômeurs, des étudiants ou des jeunes
retraités, qui y trouvent une source financière bienvenue, en plus d’une nouvelle
manière de créer des rencontres sociales avec d’autres personnes qu’ils
n’auraient sinon jamais rencontré. Mais en se contentant de rencontrer l’offre de
jobs avec la demande, Taskrabbit pourrait être perçu comme une plateforme
favorisant une économie parallèle non-déclarée. Pire, en incitant ses usagers à
utiliser leurs jobs comme un vrai travail au lieu de rechercher un emploi sous
contrat de travail classique, Taskrabbit pourrait être perçu comme encourageant
ses usagers à quitter le marché classique du travail, entrainant un important
bouleversement de la régulation, au niveau fiscal mais également au niveau des
droits de l’employé et des cotisations pour la sécurité sociale et les caisses de
retraite, qui sont inexistantes, en France, sans contrat de travail. Tout comme
Airbnb, Taskrabbit se définit comme une simple plateforme de marché et ne se
considère pas comme responsable du statut de ses usagers ni du fait que leurs
revenus soient déclarés ou non. Les membres sont donc fortement encouragés à
déclarer leurs revenus, mais aucune vérification ne peut être faite par la
plateforme. Ici encore, aucune donnée n’est disponible pour en savoir plus sur la
proportion de membres déclarant ses revenus et sous quel type de statut ils sont
répertoriés. En effet, malgré qu’en France des dispositions légales permettent aux
usagers de Taskrabbit de déclarer leurs revenus et leur statut de façon légale et
relativement simple (statut d’autoentrepreneur, chèques emploi-service ...), la
communauté Taskrabbit est surtout active aux États-Unis où les avantages sociaux
pour les individuels sont sans doute bien moindres. Il est donc possible que des
membres disposant déjà d’avantages sociaux n’aient pas envie de changer de
statut et ne déclarent donc pas leurs revenus générés via Taskrabbit. Bien que les
gouvernements ne semblent pas s’en occuper particulièrement pour le moment,
24
Taskrabbit pourrait réellement poser des problèmes juridiques avec la législation
actuelle, qui n’est pas adaptée à ce nouveau marché du travail, dans lequel
chaque individu réalise plusieurs métiers en même temps tout en travaillant en
peer-to-peer et non dans de grands groupes multinationaux.

Ces deux exemples d’Airbnb et de Taskrabbit montrent parfaitement que
le développement récent de l’économie collaborative pose de réels problèmes
de régulation aux États, en créant d’une part un manque à gagner fiscal, mais
aussi en leur faisant perdre le contrôle sur certains points. Mais Airbnb et Taskrabbit
ne sont évidemment pas des cas isolés et ces démonstrations sont également
valables pour de nombreuses autres plateformes de l’économie collaborative, à
commencer par leurs concurrents directs. Par exemple, Blablacar en France doit
se soucier également de problèmes de régulation, tout d’abord sur le prix des
trajets sur lequel les conducteurs n’ont pas le droit d’être bénéficiaires. L’approche
choisie par Blablacar est d’ailleurs assez intéressante, puisqu’au lieu de renvoyer la
responsabilité sur les utilisateurs, le site régule par lui-même le prix maximum des
trajets. Blablacar se base ainsi sur le barème fiscal fixé par l’État, censé représenter
les coûts totaux de déplacement d’un véhicule au kilomètre. Le barème fiscal
moyen étant environ 0,50€/kilomètre, Blablacar fixe le prix maximal d’un passager
de la façon suivante : nombre de kilomètres x 0,50 ÷ nombre de passagers. Ainsi
pour un voyage Paris-Lyon (450 km) avec trois passagers, le prix maximum pour
chaque passager sera de 75€. En ne permettant pas à ses utilisateurs de fixer un
prix par passager supérieur à 75€ pour ce trajet, Blablacar s’assure légalement
qu’aucun utilisateur du site ne pourra faire de profit via le covoiturage et que le
prix payé par chaque passager ne servira qu’à partager les coûts du trajet. Dans
la pratique néanmoins, la loi de l’offre et de la demande s’applique
particulièrement bien et le prix moyen pour un Paris-Lyon serait plutôt autour de
30€ par passage. Le barème fiscal fixé par l’État est donc relativement haut et
permet au marché de s’auto-réguler sans que les utilisateurs ne perçoivent ce
plafonnement des prix effectué par Blablacar. De plus, le site a récemment mis en
place un dispositif pour garantir des prix cohérents sur de nombreux trajets grâce à
un simple code couleur. Lorsqu’un conducteur met en ligne un voyage sur le site
25
et qu’il fixe le prix par passager, une couleur lui indique si son prix est « vert », «
orange » ou « rouge » permettant au conducteur d’identifier les prix « justes ». Ce
dispositif très simple, serait très efficace d’après Laure Wagner, directrice de la
Communication de Blablacar, qui a vu un regroupement des prix après la mise en
place de ce code couleur. Face à la régulation imposée par les gouvernements,
l’exemple de Blablacar montre que les acteurs de l’économie collaborative
peuvent réaliser une partie de la régulation eux-même. S’il ne leur est évidemment
pas possible d’obliger leurs utilisateurs à déclarer leurs revenus, ils ont un pouvoir
total pour agir sur leur place de marché en affectant les prix ou les quantités de
l’offre ou de la demande. En ce qui concerne les problèmes de régulation
soulevés par les pouvoirs publics, je pense que les entreprises du secteur ont tout
intérêt à agir directement et le plus tôt possible pour réguler, dans le champ de
leur capacité, leur place de marché. Ce faisant, ils éviteront en premier lieu à leurs
utilisateurs de se retrouver dans des situations incertaines et attireront nettement
moins l’attention des régulateurs sur leur activité. Concernant les problèmes
légaux sur lesquels ils ne peuvent pas avoir d’influence, comme la déclaration des
revenus pour l’impôt sur le revenu, je recommande tout d’abord d’encourager les
utilisateurs à déclarer leurs revenus en communiquant abondamment sur le sujet,
et de se rapprocher autant que possible des pouvoirs publics pour leur proposer
des solutions. Par exemple, en France, l’État semble de plus en plus favorable à
une numérisation des formalités de paiement des impôts (déclaration des revenus
en ligne, application pour smartphone permettant de payer les impôts ...), il est
donc peut-être possible d’imaginer des simplifications de procédure pour des
acteurs de l’économie collaborative. Imaginons par exemple que l’État mette en
place un système d’API 11 sécurisée à disposition de quelques entreprises comme
Airbnb. Au moment de remplir sa déclaration de revenus, l’utilisateur n’aurait
donc qu’à cliquer sur un bouton dans son profil privé Airbnb pour être redirigé vers
la plateforme de déclaration en ligne et pour intégrer l’ensemble des revenus
dans la bonne rubrique en un clic. Évidemment ce type de système semble
compliqué à mettre en place et devra être particulièrement sécurisé, mais c’est

11

Application Programming Interface, c’est une interface de programmation par laquelle un logiciel offre des services et
des données à d’autres logiciels.

26
dans l’intérêt des entreprises de l’économie collaborative et de l’État de proposer
ce type de solutions.

Des problèmes de certification

Au delà des problèmes de taxation posés par les pouvoirs publics,
l’absence de régulation dans l’économie collaborative entraine d’autres
problèmes, notamment au niveau des certifications. En effet, les entreprises
traditionnelles concurrencées par les places de marché en peer-to-peer de
l’économie collaborative sont soumises à des certifications souvent très strictes au
niveau de la sécurité et de l’hygiène. Ces certifications sont également
spécifiques au secteur concerné. Or les utilisateurs d’entreprises de l’économie
collaborative ne sont pas concernés par ces certifications. Par exemple, un hôte
Airbnb n’a pas de contrôles de qualité ou de sécurité de la même façon qu’un
hôtel, alors que les deux vont accueillir des touristes qui vont payer pour leur séjour.
De la même façon que Blablacar l’a fait pour plafonner le prix des trajets, on peut
remarquer une certaine mobilisation des acteurs de l’économie collaborative qui
souhaitent montrer que leurs offres ne sont pas d’une qualité inférieure à celles des
entreprises traditionnelles. Par exemple, Airbnb propose les services de
photographes professionnels qui sont sous contrat avec Airbnb et viennent
gratuitement chez les hôtes qui le souhaitent pour prendre en photo leur
appartement. L’intérêt est d’avoir des photos de très bonne qualité, mettant en
valeur leur logement et par conséquent leur offre sur la plateforme. Ce type de
service entraine sans doute un coût important, qui peut être supporté par Airbnb
en raison de sa masse critique mais qui n’est pas envisageable pour un nouvel
entrant n’ayant pas de solides bases financières. Il reste donc assez rare de voir
des acteurs de l’économie collaborative réaliser des actions significatives dans le
domaine des certifications. Les pouvoirs publics également semblent commencer
à se saisir du problème et utilisent les nombreuses certifications professionnelles
pour lutter contre une utilisation professionnelle de plateformes de covoiturage ou
de location de résidences. Ainsi à Amsterdam comme à Paris, la mairie a déjà
réalisé plusieurs centaines de visites dans des logements mis en location de courte
27
durée, pour s’assurer que les normes en vigueur sont bien respectées. Cependant
cette « riposte légale » semble cantonnée à Airbnb, probablement en raison de
son succès. Ainsi Blablacar a rencontré quelques problèmes avec des
conducteurs entre Paris et Bruxelles. Profitant des tarifs élevés du TGV et de la
faible distance entre les deux villes, des personnes au chômage ont voulu
répondre à une attente de transport à bas prix sur ce trajet en s’équipant de mini
van et en réalisant de nombreux aller-retours afin d’en faire un business. Cette
pratique est bien entendu illégale, le covoiturage ayant pour principe de partager
les frais et non de faire du profit, et ces personnes étant en situation de travail
dissimulé. Dans ce cas les pouvoirs publics n’ayant rien fait pour régler le
problème, c’est l’entreprise elle-même qui a réagit, en repérant ces comptes
illégaux et en les fermant. Plus tard, l’introduction par Blablacar du service de
réservation et de paiement en ligne a définitivement réglé le problème, puisqu’ils
auraient récupéré leurs revenus du covoiturage sur un compte bancaire et non en
argent liquide. Ces personnes touchant souvent des prestations sociales et
conscientes de l’illégalité de leur activité ne souhaitaient pas que leur business soit
trop visible et ont donc migré vers d’autres plateformes de covoiturage où la
modération est moindre. Cette anecdote montre que les plateformes
collaboratives ont parfois besoin de régulation mais qu’elles sont aussi capables
de la mettre en place elles-mêmes et de bannir les activités illégales. Cependant,
cela ne peut fonctionner que si toutes les plateformes s’auto-régulent de la sorte
et que les personnes agissant illégalement n’aient plus d’alternatives. Or il est peu
probable que cela soit le cas, et seuls les pouvoirs publics semblent en position de
réguler, au niveau global, ce type de pratique.

Régler ces problèmes de certification pour, à la fois assurer aux usagers de
services collaboratifs une qualité de service minimale, et en même temps
permettre aux prestataires de fournir leurs services de façon non contraignante,
n’est pas une tâche facile. Aussi, il faudrait que les entreprises de l’économie
collaborative prennent les devants, même si seules les plateformes ayant déjà
atteint une masse critique pourront probablement le faire, et mettent en place
des dispositifs s’apparentant aux certifications légales. Par exemple, la création de
28
labels internes pour désigner la qualité de certaines offres peut-être une idée
intéressante. En proposant à ses hôtes une échelle de qualité basée sur certains
points objectifs, Airbnb pourrait compter sur ses membres pour attester de la
véracité du label et pourrait même créer un système de clients mystères pour
vérifier la qualité des services offerts. Un tel système permettrait à la plateforme de
réguler l’offre de logements et de retirer de sa base de données les logements
insalubres ou de trop faible qualité. Ce genre des système est également
applicable à d’autres entreprises, par exemple pour la location de voiture ou la
fourniture de divers services. En plus de la mise en place de ce type de système de
vérification, les plateformes de l’économie collaborative pourraient tenter de se
rapprocher des pouvoirs publics pour utiliser certaines données. Imaginons par
exemple, même si ce n’est pas autorisé dans la législation actuelle, que Blablacar
ait la possibilité de collecter des données sur le permis de conduire de ses
conducteurs. L’entreprise pourrait alors sécuriser sa base de donnée d’offres en
s’assurant que tous les conducteurs aient le permis, voire en appliquant un label
pour les conducteurs n’ayant jamais commis d’infraction. Bien entendu, ce genre
de système pourrait poser d’importants problèmes de sécurité et de
confidentialité, et ce n’est qu’une idée à creuser parmi d’autres.

En plus de ces certifications et de la taxation spécifique, les entreprises
traditionnelles ont des obligations légales qui sont plus importantes que les usagers
de plateformes de l’économie collaborative. Par exemple, dans la prestation de
service, une personne proposant ses services de garde d’enfant pourrait accepter
de garder 4 ou 5 enfants en bas âge en même temps, alors que la législation
française impose aux crèches d’avoir au moins un employé pour 4 enfants entre 6
et 13 mois. Cette personne ne respecterait pas les obligations légales qui sont
appliquées aux crèches et entrerait donc en concurrence de manière illégale
avec les crèches. Dans ce type de cas, la régulation peut a priori venir de la
plateforme, même s’il lui est assez difficile de connaitre la législation précise de
chaque pays, mais un dialogue rapproché avec les pouvoirs publics est sans
aucun doute le meilleur moyen d’améliorer l’auto-réglementation de l’économie
collaborative, sans passer par la création d’une loi spécifique.
29
L’auto-régulation pour les assurances

Deways est une entreprise française créée à ESSEC Ventures et
proposant un système de location de voitures nouvelle génération
en connectant les propriétaires de voiture avec des personnes en
ayant besoin ponctuellement. La plateforme mise beaucoup sur les
affinités sociales et propose notamment une garantie de trouver une voiture qui
est assez innovante et intéressante.

Ouicar propose un service de location de voitures entre
particuliers partout en France ainsi que deux programmes
de fidélisation et de parrainage très pertinents. Ouicar a également fait le pari
d’imposer des régulations assez importantes à ses utilisateurs afin d’augmenter
significativement la confiance sur la plateforme.

Au niveau des assurances, il semblerait que les entreprises de l’économie
collaborative se soient saisies assez rapidement du problème puisque la majorité
des entreprises ayant déjà atteint une taille critique proposent des systèmes
d’assurance pour leurs services. Par exemple Airbnb qui assure automatiquement
toutes les locations pour un dommage jusqu’à 700.000€ 12

ou Deways (voir

encadré) qui assure toutes les locations de voiture pour un maximum de 30.000€ 13.
Ouicar (voir encadré) a un système un peu différent et plus contraignant, mais
aussi plus sécurisé14. Ainsi, lorsqu’il met en location sa voiture, le propriétaire peut
fixer le montant de la caution avec un minimum de 800€. Lorsque le propriétaire
accepte de louer sa voiture à un locataire, de nombreux justificatifs doivent être
imprimés et apportés au lieu de rendez-vous par les deux parties, et le propriétaire
doit imprimer et remplir un contrat de location. À la remise des clés, le contrat de
location et les justificatifs sont échangés et le locataire doit verser la caution sous
forme de chèque, qu’il récupèrera à la fin de la location s’il n’y a pas eu de
dommage. Ce type de fonctionnement est beaucoup plus compliqué que la
12

Airbnb.fr, 2013

13

Deways.fr, 2013

14

Ouicar.fr, 2013

30
plupart des autres plateformes collaboratives, mais permet aux deux parties d’être
assuré dans de bonnes conditions. Contrairement à d’autres plateformes qui
semblent avoir fait le choix de la simplicité pour leurs utilisateurs, Ouicar propose
un système délibérément complet et contraignant sur le plan administratif. Ce pari
peut cependant être intéressant étant donné qu’il mettra davantage en
confiance les utilisateurs assez réticents à mettre en ligne leur voiture et qu’il est
sans doute moins couteux pour la plateforme. Le fait que les plateformes aient
commencé par créer des partenariats avec des assureurs avant de s’occuper des
autres aspects légaux est assez facilement compréhensible, comme l’explique
Marion Carette, fondatrice de Zilok (voir encadré) et Ouicar : « quand on sondait
nos utilisateurs, le seul et unique frein était “dans quel était vais-je retrouver mon
objet”, on a donc beaucoup travaillé cela ». Olivier Grémillon, directeur Général
France, Belgique et Maroc d’Airbnb témoigne 15 : « Il y a très peu de sinistres sur les
différentes plateformes, mais avoir une assurance ou une garantie qui couvre les
biens s’il y a des vols ou des dégradations, ça rassure énormément les gens même
si au final il ne se passe pratiquement jamais rien ». Bien que certaines assurances
comme celle de Ouicar soient très complètes, la grande majorité des autres
plateformes ne proposent que des assurances très simples, voire pas du tout
d’assurances pour beaucoup de petites plateformes. En comparaison avec les
assurances qui sont souvent imposées par la loi aux entreprises traditionnelles, il
semble encore une fois que le manque de régulation favorise les plateformes
collaboratives. Néanmoins, il semblerait que les plateformes collaboratives soient
poussées par leurs utilisateurs pour améliorer leurs systèmes d’assurances. Or,
comme nous le verrons plus tard, la confiance est un élément clé de l’économie
collaborative, sur lequel de nombreuses plateformes n’hésitent pas à capitaliser.
Zilok est une plateforme collaborative française proposant la
location entre particuliers pour tous types d’objets de la
perceuse à la remorque de voiture en passant par une tente
de réception. Partant du principe que de nombreux objets
sont sous-utilisés, Zilok permet aux propriétaires de gagner de l’argent en louant
ces objets, et aux usagers d’utiliser les objets sans pour autant les acheter.

15 Startup, DécideursTV, 25/04/2013

31
Des pistes pour la régulation de l’économie collaborative

Bien que les plateformes collaboratives soient particulièrement créatives
pour s’auto-réguler et créer des partenariats notamment avec des assurances, il y
a certains points sur lesquelles elles ont besoin d’une intervention de l’État. C’est
notamment le cas pour définir un cadre légal plus clair pour leur activité, comme
me l’a témoigné Laure Wagner de Blablacar qui souhaiterait que l’État affirme
officiellement que les revenus du covoiturage ne sont pas taxables. D’après la loi
française, les revenus du covoiturage correspondent à un partage de frais et non
à un revenu au sens de l’impôt sur le revenu, donc ils ne devraient pas être
imposables. Mais le simple fait que l’État officialise clairement ce point donnerait
un argument supplémentaire non-négligeable aux plateformes de covoiturage
pour mettre en confiance leurs utilisateurs. Alexandre Grandremy de Deways 16 va
plus loin et aimerait que l’État exempte de l’impôt sur le revenu les revenus des
particuliers générés par des plateformes collaboratives, tant qu’ils restent
secondaires et relativement faible. Par exemple en mettant en place un seuil
plancher en dessous duquel les revenus « collaboratifs » ne seraient pas taxés,
l’État clarifierait la situation, rendrait les contrôles bien plus simples puisqu’il y aurait
nettement moins d’utilisateurs à contrôler, et donnerait un argument
supplémentaire aux plateformes pour leur permettre d’attirer de nouveaux
utilisateurs permettant d’atteindre plus rapidement une masse critique. La mise en
place de ce cadre légal plus parlant et apportant plus de confiance aux
utilisateurs pourrait être couplée à l’introduction d’un label visé par l’État. Ce
dispositif revient fréquemment dans les demandes des professionnels de
l’économie collaborative et pourrait être basée sur un certain nombre de critères
(plateforme ayant un impact positif sur l’environnement, plateforme réalisant une
vérification efficace de l’identité de ses membres, plateforme rappelant leurs
obligations légales aux utilisateurs ...). Néanmoins, d’autres professionnels m’ont
fait part de leur scepticisme quant à la réussite d’un tel dispositif étant donné la
difficulté de réaliser un label à la fois équitable pour toutes les plateformes (celles
qui sont bien connues, comme celles qui débutent) mais aussi suffisamment connu
16

Voir annexe 2

32
des consommateurs pour qu’il permette réellement d’augmenter la confiance
que les utilisateurs donneront à la plateforme labellisée. En plus de ces différentes
mesures, un problème important se pose pour les plateformes collaboratives : la
vérification de l’identité réelle de l’utilisateur afin d’éviter l’anonymat. Nous y
reviendrons plus en détail plus tard, mais en France il est actuellement interdit de
collecter des données comme le numéro de permis de conduire, le numéro de
sécurité sociale, ou encore le numéro d’identité d’une personne, la collecte
n’étant autorisée que par l’État. S’il est évident que ces données sont
particulièrement confidentielles et qu’elles ne doivent pas se retrouver dans les
mains de n’importe qui, ce sont les seules données permettant de vérifier sans
doute possible l’identité d’une personne. Il pourrait donc être très intéressant que
les plateformes de l’économie collaborative puissent avoir accès, d’une manière
directe ou indirecte, à un système de vérification d’identité basé sur ces données,
afin de créer encore plus de confiance et donc d’améliorer sensiblement leur
business model.

Comme nous l’avons vu dans cette première partie, l’économie
collaborative propose une alternative au consumérisme et au capitalisme tel que
nous l’avons connu dans la seconde moitié du XXème siècle et se lie aux théories
de Jeremy Rifkin selon lesquelles nous quittons « l’âge de la possession » pour entrer
dans « l’âge de l’accès ». Utilisant à toutes les sauces les principes du peer-to-peer,
et profitant des nombreuses avancées technologiques de ces dernières années,
l’économie collaborative est en plein boom et voit se développer de très
nombreuses plateformes aux concepts novateurs. Nous pouvons également
retenir quatre piliers récurrents dans les plateformes collaboratives et qui semblent
essentiels pour la construction d’un business model durable 17 : une masse critique,
un produit ou un ensemble de produit souvent sous-utilisés, un aspect
communautaire important, et la construction de confiance entre des utilisateurs
ne se connaissant pas.

17

Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011

33
II.Un Business Model basé sur la confiance
La première partie de ce mémoire nous a montré que l’économie
collaborative repose principalement sur quatre piliers. Mais parmi ces piliers, un
parait particulièrement important et fera l’objet de plus d’investigation, parce qu’il
est essentiel pour la création d’une plateforme collaborative et que sa mise en
place peut également aider à la mise en place des autres piliers. Cet aspect si
essentiel de l’économie collaborative et qui est unanimement mis en avant par les
acteurs du secteur est la construction de confiance entre les membres de la
plateforme. Comme expliqué par Olivier Grémillon d’Airbnb18 « dans tout ce qui
concerne la location entre particuliers, la confiance est clé et elle l’est d’autant
plus quand c’est une voiture dans le cas de Ouicar ou un logement dans le cas
d’Airbnb puisqu’on loue quelque chose auquel on tient énormément. Tout ce qui
peut être fait pour augmenter la confiance est essentiel ». Nous nous intéresserons
donc d’abord à la place réelle de la confiance dans les plateformes
collaboratives, puis au processus de création de cette confiance afin de
comprendre comme la créer. Enfin, nous explorerons les stratégies de
monétisation cohérentes pour le business model recherché et finaliserons ce
dernier avec la stratégie de création de communauté et d’une masse critique.

18

Startup, DécideursTV, 25/04/2013

34
A.Quelle est la place de la confiance ?
L’économie collaborative est en plein boom et les statistiques de son
adoption rapide sont remarquables comme cette infographie montrant
l’augmentation du nombre de nuitées réservées sur Airbnb depuis sa fondation en
2008.

Cette infographie, réalisée par Blablacar, montre cette fois l’évolution du nombre
de sièges de covoiturage disponibles sur la plateforme de janvier 2009 à fin 2012.

35
Ces chiffres sont très impressionnants et montrent que ces plateformes ont
des business model pertinents et durables. Mais on peut se demander comment
les utilisateurs de ces sites internet peuvent se faire autant confiance pour laisser
leur logement à un inconnu ou accepter de faire monter n’importe qui dans sa
voiture pour un trajet de plusieurs heures. La confiance apparait clairement
comme un élément clé du business model de ces entreprises et est une
composante très importante de toute relation sociale entre individus. En
accordant sa confiance en une personne B, la personne A va croire que la
personne B agira exactement comme B l’imagine. Bien que de nombreux
intellectuels aient essayé de définir, sans arriver à une définition officielle le
concept de confiance (Noteboom, en 1996, le considérait comme « subtil, confus
et difficile à saisir ») nous pouvons considérer que la confiance est tout d’abord
influencée par les relations sociales que nous avons. Ainsi nous aurons a priori plus
confiance en l’ami d’un ami qu’en un inconnu, car nous partons du principe que
notre ami, en qui nous faisons confiance, fait également confiance à ses amis.
Mais sur Internet, où il est difficile de réaliser des rencontres en face-à-face, faire
confiance a quelqu’un est plus compliqué. En effet, on considère généralement
que la construction de la confiance entre deux personnes est basée en grande
partie sur ces rencontres et ces échanges. Grâce au développement des
nouvelles technologies de l’information et des communications, il est de plus en
plus simple de simuler ces rencontres en ligne, par exemple via la visioconférence,
mais ces pratiques sont encore compliquées à mettre en place sur un site internet.
Conscient de cette problématique et de l’importance de la compréhension du
fonctionnement de la confiance, Blablacar a profité de la taille importante de sa
communauté pour réaliser une étude complète sur la confiance dans les
communautés en ligne19 . Comme on peut le voir dans les deux graphiques cidessus, les utilisateurs sont a priori assez méfiants à l’égard des inconnus en ligne
(degré de confiance de 1.92/5), plus qu’un étranger dans la rue (degré de
confiance de 2.15). Ce comportement s’explique par le fait qu’on ne peut pas
voir un inconnu sur Internet, il y a donc une frontière matérialisée par l’écran de
chaque inconnu. On remarque dans le deuxième graphique que le simple fait
19

Voir annexe 1

36
d’ajouter sa photo sur son profil augmente de façon importante la confiance
accordée à la personne (de 1.92 à 2.52), autant que le fait d’avoir fait vérifier son
numéro de téléphone (en général, les plateformes envoient un SMS contenant un
code que les utilisateurs doivent ensuite recopier sur le site, ce qui permet
d’attester qu’ils n’ont pas mis un faux numéro de téléphone). Le degré de
confiance à l’égard d’un membre d’une communauté en ligne ayant un profil
complet (photo, numéro de téléphone vérifié et des avis utilisateurs positifs) est au
final de 4.23, pas très loin du degré de confiance accordée à un ami de 4.71 (voir
premier graphique). Un autre point intéressant de ces graphiques est la confiance
37
accordée à ses voisins, qui est située à la moyenne entre celle accordée à un
inconnu et celle accordée à un membre de sa famille, ce qui prouve encore une
fois à quel point l’aspect local est important dans l’économie collaborative.

Comment créer de la confiance ?

T.Loilier et Al dans une étude de 2004, ont également cherché à en savoir
plus sur les déterminants de la confiance et les conditions nécessaires pour
produire de la confiance entre des individus en ligne. Ils ont dégagés neuf
conditions de leur étude :
- La constitution et l’identification claire du groupe autour d’un intérêt commun.
C’est l’étape dans laquelle les usagers de la plateforme vont pouvoir s’identifier
à la communauté qu’ils forment. Le fait de créer des communautés permet aux
usagers de se connaitre et donc de se faire confiance plus facilement.
- La définition des objectifs de la communauté dans le temps. En connaissant ses
objectifs, la communauté pourra s’auto-évaluer en fonction de ces objectifs.
- La création de mécanismes d’apprentissage via des tutoriels vidéos ou des «
how-to ».
- La mise en place de possibilités de contact entre les usagers. Via un système de
messagerie privée et/ou de messagerie instantanée, la plupart des plateformes
disposent déjà de ce type de système qui permettent aux usagers d’échanger et
de se rencontrer.
- Le fait de réaliser, autant que possible, les transactions entre des personnes qui
ont déjà eu une relation sociale. Les usagers ont tendance a déjà faire
confiance à des personnes qu’ils ont déjà vu ou avec qui ils ont déjà eu un
contact sur une autre plateforme. Encourager les transactions récurrentes,
comme par exemple le covoiturage entre deux personnes faisant régulièrement
le même trajet, est également un moyen de créer de la confiance.
- Définir les engagements et les obligations de chacun. Comme expliqué avec
l’exemple de Ouicar, le fait d’avoir un règlement strict et précis, détaillant les
obligations de chaque partie, avec éventuellement la signature d’un contrat
entre les deux parties est essentiel.
38
- La mise en place de procédures de sanctions. Lorsque les utilisateurs savent
qu’une équipe de modération a la possibilité d’exclure un utilisateur
temporairement ou définitivement, ou d’infliger différentes sanctions aux
membres ne respectant pas ses obligations, ils estiment que les membres
respecteront davantage leurs obligations, ce qui augmente la confiance de
toute la communauté.
- La mise en place d’une équipe de modération. Les sanctions mise en places
dans la condition précédente doivent être appliquées par une équipe de
modération qui doit être facilement identifiable et joignable par la communauté.
L’équipe peut-être directement employée par la plateforme collaborative ou
constituée d’usagers bénévoles.
- La création d’une « routine », comme par exemple la mise en ligne d’avis
d’utilisateur suite à la réalisation d’une transaction.

La confiance institutionnelle

Ces neuf conditions sont particulièrement pertinentes dans le cas de
l’économie collaborative et doivent être une composante du business model de
toute plateforme collaborative qui souhaite s’appuyer sur la confiance. Elles sont
d’ailleurs largement mises en place par les plateformes ayant du succès. Comme
nous l’avons vu dans l’étude de Blablacar, le fait d’interagir sur Internet et donc
de ne pas rencontrer en face-à-face les autres utilisateurs du site est un frein
important à la confiance. Notamment pour des individus peu habitués aux
transactions sur Internet, le fait de partager des objets avec des inconnus qu’ils ne
voient pas est loin d’être naturel. Bien que les nouvelles technologies de
l’information et de la communication soient de plus en plus efficaces, la solution la
plus efficace, qui est mise en place par de nombreuses plateformes
collaboratives, est la création d’une communauté. Comme expliqué dans la
première des conditions pour créer de la confiance, une communauté permet
aux usagers de se présenter aux autres usagers et de faire ressortir des objectifs
communs qui vont les fédérer. En plus d’être essentielle pour assurer la fidélité des

39
Le couchsurfing est une pratique qui s’est répandue
grâce au développement des nouvelles technologies
ces dernières années et qui permet à des voyageurs
ayant besoin ponctuellement d’un hébergement de dormir sur le canapé
(d’où le nom, mais le service fonctionne évidemment aussi pour une chambre
d’ami) d’un inconnu rencontré sur la plateforme collaborative
couchsurfing.org. Étant totalement gratuit, le couchsurfing ne repose que sur la
volonté des membres de créer de nouvelles relations sociales avec des
inconnus, c’est d’ailleurs un succès puisque la plateforme regroupe 6 millions
de couchsurfers dans plus de 100.000 villes.
usagers à la plateforme en question, la communauté permet aux usagers de
s’identifier aux valeurs de l’entreprise grâce au logo, au slogan ou à des codes
couleurs. Ce faisant la communauté a pour but de rassurer ses utilisateurs méfiants
en leur présentant d’autres utilisateurs qui font déjà confiance à la plateforme
collaborative. Il va donc y avoir création de confiance de la part de chaque
individu envers la communauté toute entière. C’est un phénomène de confiance
institutionnelle, de la même façon que les citoyens d’un pays doivent avoir
confiance en l’État démocratique qu’ils ont élu. La confiance institutionnelle est
primordiale sur les plateformes collaboratives car une fois créée elle permet
l’adoption de nouveaux utilisateurs de façon nettement plus efficace. Un des
meilleurs exemples de communauté de ce type est le couchsurfing (voir encadré).
Le site couchsurfing.org est presque entièrement axé sur la construction d’une
communauté entre les couchsurfers en incitant les personnes ayant déjà accueilli
des membres chez eux à recommencer, en incitant les personnes ayant déjà été
accueilli à recommencer et à accueillir des couchsurfers, et enfin en incitant de
nouveaux arrivants sur le site à participer eux aussi. Les membres de la
communauté agissent donc comme des ambassadeurs de la plateforme qui vont
même jusqu’à remplacer dans certains cas le service client. Un bon exemple de
ce type de communauté, bien qu’il ne soit pas dans le domaine de l’économie
collaborative, est l’opérateur téléphonique Joe Mobile. Cet opérateur français ne
se démarque pas vraiment de ses concurrents par ses offres qui sont assez
classiques, mais par son services client. Au lieu d’avoir mis en place un service
client classique dans le secteur sous forme d’une « hotline », Joe mobile a pour seul
service client un forum internet. Chaque client dispose d’un compte sur le forum et
peut poster des sujets ou répondre à d’autres messages librement et n’importe qui
40
peut créer un compte pour poser des questions. Ainsi, les questions récurrentes
n’ont pas besoin d’être posées plusieurs fois : lorsqu’un potentiel client a une
question et que cette question a déjà été posée et répondue, une simple
recherche sur le forum lui permet de trouver la réponse. Bien entendu, des
employés de Joe Mobile sont chargés d’animer le forum et de répondre aux
questions auxquelles les membres de la communauté ne sont pas capables de
répondre. Cet exemple montre à quel point Internet peut proposer des solutions
pertinentes pour créer des communautés efficace. Ce genre d’exemple est
parfaitement applicable pour l’économie collaborative et permet de créer de la
confiance institutionnelle à très faibles couts pour la plateforme. Bien entendu, il
faut que cette dernière garde un oeil sur l’efficacité de cette confiance
institutionnelle dans le temps, car elle n’est pas illimité et peut très bien s’estomper
au bout d’un certain temps ou en réponse à certaines actions. Par exemple, un
changement de politique mal compris par la communauté pourrait entrainer des
contestations de la part de la communauté et entrainer une mauvaise image des
« administrateurs », c’est à dire de la société gérant la plateforme. Dans ce cas, le
rôle de la communauté serait à double tranchant car les nouveaux inscrits dans la
communauté, en voyant les messages de contestation, pourraient perdre
directement confiance et quitter la communauté, ou bien avoir une mauvaise
image de la plateforme qui sera difficile à estomper dans le temps. Il est donc
primordial que la plateforme mette en place une équipe de modération pour
gérer la communauté, répondre aux questions des utilisateurs, remonter les
principaux problèmes à la direction de la plateforme et s’assurer que la
communauté remplit son rôle. Si la communauté est bien gérée de cette façon,
une confiance institutionnelle forte devrait se mettre en place et jouer un rôle
important dans le recrutement de nouveaux utilisateurs pour la plateforme. Les
utilisateurs acquerront donc une confiance forte dans la communauté et dans la
plateforme ce qui les encouragera à échanger et partager.

41
La confiance relationnelle

En plus de la confiance institutionnelle qui est très importante, un autre
type de confiance doit être mis en place par la plateforme : la confiance
relationnelle. Ce type de confiance concerne les relations entre les parties lors des
interactions impliquant un échange de biens ou d’informations. La confiance y est
très importante notamment pour la qualité des informations que se transmettent
les deux parties et est souvent influencée par les transactions passées et certains
facteurs sociaux pour connaitre de façon plus ou moins vraie la capacité de
l’autre partie à être « digne de confiance ». Ce type de confiance, qui est au
moins aussi important que la confiance institutionnelle, est plus difficile à créer. En
effet, créer un forum et avoir une équipe capable de la modérer n’est pas une
tâche très compliqué, mais créer de la confiance entre deux utilisateurs d’un site,
a fortiori sur une plateforme collaborative en peer-to-peer, n’est pas une tâche
aisée. Le profil d’un utilisateur est un des premiers point sur lequel agir pour créer
de la confiance. Étant donné que chaque partie de la transaction va sans doute
regarder le profil utilisateur de l’autre partie et que cette page représentera la
principale information qu’il aura à sa disposition pour juger de la confiance qu’il
pourra accorder envers cette personne, il est primordial d’y travailler tout
particulièrement. Comme nous l’avons vu dans l’étude sur la confiance réalisée
par Blablacar, le fait d’avoir un profil utilisateur complet est un important facteur
créateur de confiance. Ainsi, rien qu’en mettant une photo sur son profil, un
utilisateur peut augmenter la confiance qui lui est accordée de 1.92 à 2.52 (sur un
maximum de 5). Les éléments créateurs de confiance peuvent être regroupés en
différentes catégories : les informations générales dont la photo fait parti, les
vérifications, les avis utilisateurs et l’expérience.

Les informations générales sur le profil de l’utilisateur sont les plus
communes : elles sont présentes sur à peu près toutes les plateformes
collaboratives, même celles qui ne sont pas très axées sur la communauté. Cette
catégorie regroupe notamment le nom et l’adresse de l’utilisateur, sa photo, son
sexe, son âge et éventuellement d’autres informations en fonction des
42
plateformes. Toutes ces informations ne sont pas forcément très utiles pour créer
de la confiance, mais en général les plateformes obligent les utilisateurs à en
entrer quelques unes (nom, adresse et âge) et donnent la possibilité à l’utilisateur
de remplir les autres options s’il le souhaite uniquement, également dans le but de
rendre le processus d’inscription à la plateforme moins contraignant. Si certaines
de ces informations n’apportent pas beaucoup de confiance aux autres
utilisateurs, le fait de remplir toutes les informations peut être créateur de
confiance et donner l’impression au reste de la communauté qu’on a soigné son
profil. Comme expliqué dans l’étude de Blablacar, la photo est particulièrement
importante car elle permet aux autres utilisateurs de se rapprocher de la
confiance accordée lors d’un contact en face-à-face. C’est également un
élément visuel qui se voit très rapidement sur le profil des utilisateurs et qui va être
analysé par chaque utilisateur en fonction de ses normes et valeurs. Un utilisateur
souhaitant attirer la confiance des autres membres de la communauté aura donc
intérêt à faire attention à la photo qu’il choisit. C’est généralement aussi dans
cette catégorie que sont demandées des informations de contact comme
l’adresse email ou le numéro de téléphone. Cependant ces informations sont
rarement visibles publiquement sur le profil des utilisateurs pour des raisons de
confidentialité. Cette catégorie des informations générales est assez basique et ne
permet pas d’accorder beaucoup de confiance même si elle est importante pour
créer un premier contact

La catégorie des vérifications est également une catégorie très importante
mais qui n’est pourtant présente que dans assez peu de plateformes
collaboratives. Ici, le but est que la plateforme prouve que l’utilisateur dispose de
certains outils censés lui donner davantage de crédit, sans forcément dévoiler
directement ces données. L’exemple le plus typique est pour l’adresse mail ou le
numéro de téléphone. Même si ces données ont pu être données dans les
informations générales, il est très simple de donner de fausses informations. La
plateforme va donc mettre en place des systèmes pour vérifier ces informations
importantes et afficher sur le profil de l’utilisateur quelles informations ont bien été
vérifiées. Pour une adresse mail, la plateforme enverrait simplement un mail
43
contenant un lien spécifique qui permettrait d’identifier formellement cet
utilisateur. Si l’utilisateur clique sur ce lien, la plateforme pourra ainsi prouver que
l’adresse mail est exacte. De même pour le numéro de téléphone, la plateforme
collaborative peut envoyer un SMS contenant un lien ou un simple code que
l’utilisateur devrait recopier en ligne. Si le code correspond, la plateforme pourra
attester que l’utilisateur est bien propriétaire de la ligne correspondant au numéro
de téléphone qu’il a renseigné. Une fois ces informations certifiées, la plateforme
peut simplement l’afficher sur le profil comme ci-dessous pour Airbnb. Ce type de
vérifications, pouvant également s’effectuer pour la géolocalisation, les comptes
bancaire, ou les profils de réseaux sociaux, est très efficace pour certifier que
l’utilisateur est bien « humain ».

La troisième catégorie d’outils permettants de créer de la confiance sur les
profils des utilisateurs correspond aux avis d’utilisateurs, et c’est probablement la
plus importante. Les avis d’utilisateurs correspondent à des commentaires mis en
44
ligne par d’autres utilisateurs ayant déjà réalisé des transactions avec cet
utilisateur. Ces avis sont donc particulièrement précieux car ils ne peuvent pas (en
théorie) être manipulés par l’utilisateur pour améliorer son profil. Ils représentent
donc un élément objectif. Les avis sont visibles de tous sur la plateforme et sont
considérés comme la principale source de confiance. Ils sont également souvent
associés à une évaluation chiffrée, généralement sous forme d’étoiles et sur une
échelle de 5 maximum. Ces évaluations ont trois principaux avantages : elles sont
très peu contraignantes en terme d’effort pour l’utilisateur, contrairement à la
rédaction d’un commentaire qui demande plus de réflexion ; elles sont visuelles et
ne posent pas de problème sur un site international, où un avis rédigé en français
ne pourra pas être compris par un lecteur non francophone ; elles permettent à la
plateforme de mettre en place une moyenne des évaluations pour chaque
utilisateur, ce qui est difficile à réaliser avec des commentaires écrits. Les
évaluations et avis d’utilisateurs sont donc deux outils très efficaces pour créer de
la confiance sur une plateforme communautaire. Mais ils présentent également
quelques inconvénients. Tout d’abord, rédiger un commentaire pour évaluer la
qualité de la prestation de l’autre partie demande un certain effort à l’utilisateur,
qui n’a pas forcément envie de le réaliser. Pour inciter les utilisateurs à jouer le jeu,
il peut être intéressant de les éduquer à l’importance de ces avis pour la pérennité
de la plateforme mais également pour la qualité des autres offres sur le long
terme. Une autre technique, plus utilisée, est de donner une récompense aux
utilisateurs jouant le jeu. La récompense peut prendre différentes formes, comme
un badge, mais peut également donner droit à des cadeaux sur certaines
plateformes. Dans ce dernier cas, il faut rester attentif au fait que les cadeaux ne
vont pas biaiser la rédaction des avis et que les utilisateurs mettront des avis en
ligne pour évaluer l’autre partie de la transaction et non uniquement pour
recevoir un cadeau. Un autre inconvénient important des avis d’utilisateurs est le
risque de falsification des commentaires. Ce risque s’inspire de techniques
marketing douteuses de certaines marques, qui n’hésitent pas à créer de faux
commentaires en ligne pour rendre leurs produits plus visibles ou pour rendre moins
attrayant des offres de concurrents. Sur certaines plateformes, des utilisateurs
utilisent ces mêmes techniques pour mettre en avant leurs offres par rapport aux
45
autres, ce qui fausse les résultats. Cependant les plateformes collaboratives
semblent bien au fait de ces pratiques et réalisent une modération efficace. De
plus, si tous les utilisateurs jouent le jeu de mettre en ligne un commentaire après
chaque transaction, les quelques commentaires faussés perdront vite leur visibilité
et la communauté modérera elle-même les offres frauduleuses.

La dernière catégorie d’éléments mis en place par les plateformes
collaboratives pour générer de la confiance concerne l’expérience du membre
sur la plateforme. Le but ici est de prouver que l’utilisateur est intégré depuis
longtemps dans la communauté. Si cet utilisateur n’était donc pas fiable, les
autres utilisateurs de la communauté l’auraient déjà signalé. Comme pour les avis
d’utilisateurs, l’avantage de cette catégorie est la difficulté qu’ont les utilisateurs
malhonnêtes à la manipuler. En effet, l’expérience est généralement gérée
automatiquement par la plateforme, en fonction du nombre de transactions
effectuées ou d’autres critères quantitatifs du même genre. Les utilisateurs
malhonnêtes ne peuvent donc pas tromper le calcul, ce qui rend l’ensemble du
système bien plus fiable.

L’expérience est souvent exprimée sous forme de «

grades », par exemple : Débutant, Connaisseur, Confirmé, Habitué, Expert, et
prend tout son sens quand elle est associée aux autres catégories ci-dessus.
Prouver qu’un utilisateur a réalisé un grand nombre de transactions n’est
effectivement pas une preuve absolue de sa fiabilité, par contre si ce même
utilisateur a réalisé autant de transactions avec une note moyenne de 4.5/5, on
peut raisonnablement penser que les chances d’avoir une mauvaise expérience
avec cet utilisateur sont minimes voire nulles.

En plus de ces quatre catégories d’éléments créateurs de confiance,
certaines plateformes mettent en ligne d’autres données qui ne font pas partie de
ces catégories. Par exemple, des données comme la date d’inscription de
l’utilisateur sur la plateforme, ou la date de dernière connexion, sont très
intéressantes pour prouver que l’utilisateur est bien actif et que la transaction
pourra être effectuée dans de brefs délais. Un autre intérêt de ce type de
données est d’inciter les gens à se connecter régulièrement à la plateforme, ce
46
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La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative

  • 1. MÉMOIRE DE FIN D’ÉTUDE AXEL PEIGNÉ ESSEC BBA 4ème ANNÉE La réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative
  • 2. Table des matières Introduction! 3 Qu’est-ce que l’économie collaborative ? 5 Les bases de l’économie collaborative La somme de trois aspects Un mélange de concepts 5 9 14 Le peer-to-peer, la consommation de demain 14 Les nouvelles technologies, catalyseur de l’économie collaborative 17 La régulation de l'économie collaborative 21 Des problèmes de taxation 22 Des problèmes de certification 27 L’auto-régulation pour les assurances 30 Des pistes pour la régulation de l’économie collaborative 32 Un Business Model basé sur la confiance Quelle est la place de la confiance ? 34 35 Comment créer de la confiance ? 38 La confiance institutionnelle 39 La confiance relationnelle 42 Quelles pistes pour plus de confiance ? 50 Les stratégies de monétisation 51 La stratégie de monétisation 51 Que choisir ? 57 Résumé du business model final Conclusion! 58 62 2
  • 3. Introduction! Dans son livre « l’âge de l’accès », Jeremy Rifkin1 dit « Avoir, posséder et accumuler n’ont plus guère de sens dans une économie où la seule constante est le changement ». Cette citation résume parfaitement le changement de mode de consommation que nous sommes en train de vivre à travers l’émergence de l’économie collaborative. Reprenant des concepts existants depuis toujours : le troc, l’échange, le partage, la location, ce secteur florissant représente aujourd’hui une alternative crédible au capitalisme de surconsommation mis à la peine par les crises économiques et financières. Mise en avant par des organisations sociales et environnementales en raison des nombreuses avancées qu’elle propose dans ces domaines, l’économie collaborative ne se cantonne pourtant pas à ces mouvements et souhaite réellement s’adresser à tous les consommateurs, en proposant des solutions simples à mettre en place et à la valeur ajoutée immédiate. Comme nous le verrons dans ce mémoire, de nombreuses plateformes collaboratives permettent ainsi de louer ou de partager des objets non-utilisés ou sous-utilisés en toute simplicité et de générer un complément de revenu par la même occasion. Si certaines de ces plateformes ont un succès impressionnant, rassemblent des communautés de plusieurs millions d’utilisateurs et enregistrent des dizaines de millions de transactions, d’autres ont moins de réussite et n’arrivent pas à croitre sur leurs marchés. On peut alors se demander quelles sont les raisons de la réussite de certaines et de l’échec des autres. Répondre à cette interrogation en mettant en avant les éléments responsables de cette différence permettra ainsi de mieux comprendre sur quoi est basée l’économie collaborative et de satisfaire la problématique de ce mémoire, qui questionne la réalisation d’un business model durable et rentable pour une plateforme de l’économie collaborative. L’objectif de ce mémoire sera donc de répondre à cette problématique et de comprendre principalement sur quoi est basé l’économie collaborative et quelles en sont ses spécificités. Nous aborderons ainsi le concept général de ce nouveau mode de consommation, mais aussi les éléments qui, associés à ce concept, permettent aujourd’hui à 1 Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005, p13/393 3
  • 4. l’économie collaborative d’être aussi florissante. Suite à ce questionnement, nous pouvons nous interroger sur la régulation de l’économie collaborative, afin de comprendre quelle est la régulation actuelle, si des utilisateurs de plateformes collaboratives entrent en concurrence avec des entreprises traditionnelles et quelles actions le régulateur pourrait effectuer pour encourager l’économie collaborative et régler les éventuels problèmes. Il conviendra également de se demander quelle est la place de la confiance sur ces plateformes collaboratives pour comprendre son rôle et déterminer les différentes méthodes de création de confiance, qui sont au coeur des business model du secteur. Afin d’expliquer les dispositifs mis en place par les plateformes collaboratives pour se rémunérer, il s’agira ensuite d’analyser les stratégies de monétisation disponibles et de sélectionner la plus adéquate pour une plateforme collaborative. Pour répondre à cet objectif nous aborderons dans une première partie, dédiée à explorer les dessous de l’économie collaborative, les bases de l’économie collaborative afin de comprendre comment la société du XXIème siècle se dirige vers « l’âge de l’accès », suite à « l’âge de la possession ». Nous aborderons ensuite les différents concepts associés à l’économie collaborative telle qu’on la connait aujourd’hui et le rôle des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le développement de l’économie collaborative ces dernières années, avant de terminer cette partie sur une analyse de la régulation de l’économie collaborative par les pouvoirs publics et par les plateformes collaboratives ellemêmes. Dans une deuxième partie, consacrée à l’explication des différentes stratégies choisies pour le business model, nous évoquerons en premier lieu la place et le rôle de la confiance dans l’économie collaborative, puis les pistes accessibles aux plateformes collaboratives pour créer davantage de confiance. Nous traiterons alors les différentes stratégies de monétisation disponibles et les avantages et inconvénients de chacune d’entre elles. Suite à cette réflexion viendra un résumé point par point du business model choisi avant d’aborder des pistes de réflexion pour approfondir le sujet. 4
  • 5. I.Qu’est-ce que l’économie collaborative ? A.Les bases de l’économie collaborative Le développement des pays occidentaux aux XIXème et XXème siècles a favorisé l’émergence d’un système hiérarchique, centralisé et vertical. Ce système a pour but de proposer une organisation efficace où l’ensemble des tâches d’une entreprise est déléguée à des subordonnés et aux subordonnés et ces subordonnés comme présenté dans l’organigramme ci-dessous. Présentant une alternative crédible à ce système vertical, le système collaboratif propose une répartition horizontale et décentralisée, basée sur le partage entre les différents acteurs de l’entreprise. Bien que ce type de système soit plus difficile à adapter à des organisations de grande taille, il permet à des petites et moyennes entreprises de réduire l’exclusion sociale en créant des connections entre les employés et en favorisant l’échange du savoir et la collaboration. Ce nouveau système est également applicable pour les relations avec l’extérieur de l’entreprise, permettant de réduire les coûts de l’entreprise en réalisant certaines collaborations avec des entreprises du même secteur. Ce 5
  • 6. mouvement, proposant une alternative au capitalisme tel qu’on l’a connu au XXème siècle et orienté vers des valeurs communautaires, sociales et environnementales, est rendu possible grâce à l’explosion d’Internet et des nouvelles technologies de l’information et des communications. Bousculant le mode de surconsommation actuel l’économie collaborative, aussi appelée consommation collaborative - sharing economy ou collaborative consumption en anglais, souhaite développer un système basé sur le partage et dans lequel les actions de chaque membre d’une communauté permettent à la communauté toute entière de croitre. Ebay est souvent considéré comme le premier site de consommation collaborative sur Internet. Pierre Omidyar, son fondateur, raconte avoir mis en vente en 1995 un laser défectueux pour voir les réactions des internautes. Surpris du nombre de personnes intéressées et du prix final de l’objet (14,85 USD), il a contacté le gagnant de l’enchère afin de lui demander s’il avait bien compris que le laser ne marchait pas. Le gagnant lui aurait répondu être un collectionneur de lasers défectueux. Cette anecdote montre bien la simplicité et l’énorme potentiel de la création de communautés sur Internet. Durant le premier trimestre de 2013, eBay a généré un chiffre d’affaires de $3,75 milliards pour un bénéfice de $875 millions. L’économie collaborative n’est pas une nouveauté, depuis toujours la vente, la location et le don d’objets en peer-to-peer a existé via des organisations comme « De Particuliers à Particuliers » qui propose un magazine et un site internet de petites annonces immobilières. De même, eBay a été créé en 1995, à une époque où Internet était encore très peu répandu et où le concept d’acheter un produit à un inconnu sur Internet semblait presque insensé. Ce qui est nouveau en revanche, c’est la croissance impressionnante de l’économie collaborative ces dernières années et surtout les possibilités offertes aujourd’hui grâce à la démocratisation d’Internet. On assiste en effet à une vraie déferlante de nouveaux acteurs avec des idées toujours plus novatrices, comme Airbnb, Zipcar ou encore La machine du voisin (voir encadrés en page suivante). Mais avant d’étudier comment le développement d’Internet et des nouvelles technologies contribue à cette expansion de l’économie collaborative, il convient de comprendre quelles en sont les principales ressources. 6
  • 7. Airbnb est une des plateformes collaboratives les plus en vue du moment, connaissant un taux de croissance impressionnant. Fondée en 2008 à San Francisco, elle permet à n’importe qui de publier ou de réserver des logements partout dans le monde. Airbnb est aujourd’hui disponible dans 33.000 villes et 192 pays, a enregistré plus de 4 millions de réservations dont 3 millions seulement en 2012 et a ouvert 11 nouveaux bureaux dans le monde en 2012 ! Zipcar est une plateforme collaborative proposant une alternative à la possession d’une voiture et à la location de voiture traditionnelle. Zipcar possède plusieurs voitures dans de nombreuses grandes villes et propose à ses abonnés d’y avoir accès 24h/24 et 7j/7 avec simplement une carte magnétique (Zipcard) et une réservation via internet. Depuis son lancement, les voitures Zipcar ont parcouru plus de 600 millions de kilomètres et sont disponibles aux États-Unis, au Canada et dans certaines villes européenne. Zipcar a récemment été racheté par le loueur américain Avis. La machine du voisin est un site français proposant de répondre à une problématique très simple : « trouver une machine à laver près de chez soi ». Très tourné vers l’économie collaborative et disposant d’un business model particulier, la plateforme ne faisant pas transiter les transactions elle ne se rémunère que via des levées de fonds en crowdfunding, ce projet original et disponible uniquement en France rencontre un certain succès avec près de 2700 machines mises en ligne depuis février 2012. Tout d’abord, il est important de lier l’économie collaborative avec la naissance de « l’âge de l’accès », comme définit dans le livre de Jeremy Rifkin2 du même nom. Ce nouvel âge est censé remplacer le concept de la propriété d’un produit par celui de l’accès à ce produit. Depuis la fin du XIXème siècle, la propriété de biens matériels a en effet été non seulement un indicateur de la fortune d’une personne, mais également un objectif pour la société. Par exemple pour un jeune adulte, l’achat de sa première voiture qui est un investissement généralement important, était un moyen de montrer à la société sa sortie de l’adolescence et son entrée dans le monde actif. Que la personne ait un réel 2 Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005 7
  • 8. besoin de la voiture ou non n’est finalement pas prioritaire, ce qui compte c’est de montrer qu’elle en a la propriété et qu’elle est donc suffisamment mature pour en assumer les conséquences. Ce type de comportement est également remarquable pour l’achat d’un logement. En général après le mariage, le jeune couple réalisait un crédit immobilier afin d’acquérir un logement et de montrer à la société qu’ils étaient prêts à fonder un foyer. Ici encore, le fait que le couple soit propriétaire du logement avait une importance particulière. Dans la vie de tous les jours, cette notion de propriété est peut-être encore plus frappante. Par exemple si une personne a besoin de réaliser un trou dans un mur de son logement, il y a une très forte probabilité pour qu’elle aille au magasin de bricolage le plus proche et achète une perceuse. La perceuse va effectivement permettre de réaliser le trou, mais à moins que cette personne soit très bricoleuse, il est assez peu probable qu’elle soit réutilisée de façon régulière. Pourtant, selon Rachel Bostman3 , environ 50 millions de foyers américains possèdent une perceuse et l’utilisent seulement 12 minutes par an. La possession de cette perceuse est difficilement justifiable sur le long terme puisque son taux d’utilisation est négligeable. Dans ce type de situation, il serait bien plus rationnel que la personne en question loue ou emprunte une perceuse à quelqu’un d’autre chaque fois qu’elle en aura besoin. La situation serait alors bénéfique pour les deux personnes : - La personne ayant besoin d’une perceuse pourra réaliser le trou dans son mur, ce qui est après tout le but final, dans les mêmes conditions qu’en achetant une perceuse, mais elle dépensera beaucoup moins d’argent voire pas du tout, elle n’aura pas à se déplacer dans un magasin de bricolage (peut-être même que son voisin aura la perceuse recherchée), et elle n’aura pas à stocker la perceuse inutilisée. - La personne louant ou prêtant la perceuse est également gagnante puisqu’elle peut éventuellement gagner un peu d’argent et qu’elle à l’occasion de rendre utile un objet a priori sous-utilisé dans son foyer. Enfin, et c’est peut-être la partie la plus importante, les deux personnes vont engager une relation à travers cette location/échange en peer-to-peer. Bien que la relation puisse paraitre simple et sans intérêt, de nombreuses études démontrent 3 Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011 8
  • 9. que c’est une des principales raisons qui pousse à la mise à disposition d’objets sur des systèmes d’économie collaborative. En effet et nous y reviendrons plus tard, la création d’une relation entre ces deux personnes leur permettra de réaliser un second échange bien plus facilement dans le futur, ainsi que d’entamer une nouvelle relation sociale. La notion de propriété, qui parait si importante aux yeux de certains est donc difficilement justifiable dans ce types de cas et remet en cause notamment les théories économiques d’Adam Smith, qui considéraient l’homo economicus comme une personne dont le comportement est purement rationnel. Comme nous l’avons vu ici, une personne purement rationnelle aurait plutôt intérêt à louer ou emprunter des objets dont elle n’aurait pas une utilisation très fréquente. Mais l’aspect économique, même s’il est important pour de nombreux acteurs de l’économie collaborative, n’est pas forcément le motif principal et est souvent rejoint par l’aspect social et environnemental des échanges en peer-to-peer. La somme de trois aspects Comme nous l’avons vu plus tôt, la réalisation d’un échange entre deux personnes apporte, en plus des éventuels aspects financiers, un aspect social qui est souvent sous-évalué par les études menées sur l’économie collaborative. Tout d’abord on peut penser que lorsqu’une personne A accepte de partager un objet avec une personne B, la personne B va apprécier cet échange et sera ainsi beaucoup plus encline à accepter de partager un de ses objets avec la personne A. Ce type de comportement, appelé « réciprocité directe », apporte donc une plus-value sociale à la fois à A et à B et laisse entrevoir de nombreux partages potentiels sur le long terme entre les deux personnes. Par exemple, si A, en prêtant sa perceuse à B, s’est rendu compte que B dispose d’une ponceuse électrique dont il aurait justement besoin, alors une réciprocité directe du premier partage sera possible. Ainsi, Robert Cialdini 4 dit « Le principe de réciprocité permet à une personne de donner quelque chose à une autre personne en sachant que ce ne 4 Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011, p132/266 9
  • 10. sera pas perdu. Ce sens d’obligation future dans ce principe rend possible le développement de différents types de relations, de transactions ou d’échanges dans le futur ». Mais grâce au développement de communautés connectées mais ne se connaissant pas, ce principe de réciprocité directe peut même devenir indirect. Dans ce cas le principe n’est plus « Je vous aiderai si vous m’aidez », mais plutôt « Je vais vous aider, quelqu’un d’autre m’aidera ». Par exemple Rachel Bostman, grande ambassadrice de l’économie collaborative, a connu une expérience illustrant parfaitement ce principe. Une nuit, son compte Twitter a été hacké et les hackers ont commencé à envoyer des messages de spam à tous ses followers. Au matin elle s’est réveillée avec de nombreux mails l’informant de ce hack et a été très surprise, en contactant le support de Twitter, de découvrir que d’autres personnes avaient déjà signalées le hack et que le problème était donc dès maintenant résolu sur son compte ... alors même qu’elle dormait ! Suite à cette expérience, si Rachel Bostman voyait un autre compte hacké elle serait bien plus disposée à signaler le problème à Twitter par elle-même, même si ce n’était pas une des personnes qui l’avait aidée lors de son expérience. L’aspect social issu d’un partage ou d’un échange de biens en peer-to-peer est donc un grand catalyseur de nouveaux partages et de nouveaux échanges, à la fois entre les personnes ayant déjà été en contact, mais aussi entre des personnes ne se connaissant pas mais connectées via des réseaux en ligne. L’aspect environnemental de l’économie collaborative est rarement le plus cité et il est même souvent considéré comme inattendu par les utilisateurs qui sont avant tout attirés par les aspects économiques et sociaux. Pourtant de nombreux principes de l’économie collaborative permettent des avancées environnementales assez importantes. Par exemple, le covoiturage permet de réduire le nombre de voiture en circulation et d’augmenter le nombre de personnes dans chaque voiture par trajet. Le fait de louer ou emprunter une perceuse quand on en a besoin au lieu d’en acheter une a aussi de nombreux effets bénéfiques sur l’environnement. Non seulement cela fera une perceuse de moins qu’il faudra recycler quand elle sera cassée, mais cela élimine également les très nombreuses consommations de matières premières nécessaires pour la 10
  • 11. fabrication de cette perceuse (l'environnementaliste Paul Hawken estime que pour la fabrication d’un objet d‘1kg, 32kg de matières premières sont consommées). L’économie collaborative peut également apporter beaucoup via des investissements groupés dans les énergies vertes par exemple. Imaginons que les habitants d’un quartier se mettent d’accord pour installer quelques panneaux solaires et/ou des éoliennes dans le quartier, cet investissement qui semble particulièrement lourd sera bien plus facile à réaliser si chaque habitant du quartier cotise une petite somme. Reprenant ici les principes du crowdfunding, cet exemple permettrait au quartier de réaliser une avancée environnementale d’importance tout en proposant un investissement faible à chaque habitant, et probablement des économies sur les futures factures d’électricité. La somme de ces trois aspects, économique, social et environnemental, permet donc de mieux comprendre l’attrait des utilisateurs vers l’économie collaborative, particulièrement en période de crise du capitalisme financier et de la surconsommation. De plus en plus de personnes se rendent effectivement compte des excès de notre société et l’économie collaborative présente donc une alternative viable et facilement réalisable, en grande partie grâce à la démocratisation d’Internet. Cependant, l’économie collaborative se tient à distance des mouvements de décroissance en proposant simplement de consommer autrement et mieux. Une très récente étude de l’ADEME5 sur les pratiques collaboratives en France montre d’ailleurs qu’il n’y a pas un type mais des types de consommateurs collaboratifs possédant quatre caractéristiques les distinguant des autres consommateurs : - Une volonté de rencontrer régulièrement de nouvelles personnes - Une préoccupation relative à l’évolution de la société - Une propension à la découverte, à l’expérience, voire à la prise de risque - Une volonté et un plaisir à faire durer les objets. 5 IPSOS, Les français et les pratiques collaboratives. Qui fait quoi ? Et pourquoi ?, ADEME, 2012 11
  • 12. Une autre étude récente de L’ObSoCo 6 permet de mieux comprendre la définition donnée par les utilisateurs au concept de « consommer mieux », comme expliqué dans l’illustration page suivante. Ce besoin de changer de mode de consommation est une conséquence importante de la crise économique qui empêche les ménages de garder un niveau de consommation élevé. Aux États-Unis comme en Europe, de nombreux ménages ont perdu du pouvoir d’achat et ont donc des difficultés pour consommer, d’autant plus que les prêts à la consommation sont nettement moins accessibles. Le mode de consommation proposé par l’économie collaborative est davantage compatible avec cette baisse de pouvoir d’achat puisqu’elle propose de rémunérer ces ménages pour certains objets qu’ils possèdent et qui sont sousutilisés et de payer uniquement à l’usage quand ils ont besoin ponctuellement d’un objet qu’ils ne possèdent pas. On peut donc dire que depuis 2008, la crise économique facilite la percée de l’économie collaborative dans notre société. Cependant, la fin de la crise ne signifierai probablement pas la fin de l’économie collaborative. Le site covoiturage.fr montre en effet que ses pics de croissance correspondent aux pics du prix de l’essence, mais cela ne signifie pas que la 6 L’ObSoCo, 2012 12
  • 13. fréquentation du site baisse quand l’essence est moins chère. La crise économique et la baisse de la consommation incite les consommateurs à rechercher d’autres modes de consommation, et les pousse donc vers la consommation collaborative. Mais une fois qu’ils l’ont découverte ils continuent généralement de l’utiliser, comme le montre une autre étude du même site disant que 92% des membres de covoiturage.fr affirment vouloir faire plus de covoiturage à l’avenir 7. Popularisée par la crise économique, l’économie collaborative n’est cependant pas un mouvement ponctuel et est appelé à s’amplifier avec le temps, en proposant un mode de consommation plus économique, plus social et plus environnemental. Selon Jeremy Rifkin, « l ’âge de la possession » serait donc révolu et « l’âge de l’accès » correspondrait à la révolution apportée par l’économie collaborative. Ce nouvel âge peut être résumé dans une célèbre citation d’Aristote : « Il y a plus de richesse dans l’usage que dans la propriété ». 7 Blablacar.fr, 2012 13
  • 14. B.Un mélange de concepts Comme nous l’avons vu précédemment, l’économie collaborative n’est pas un nouveau concept altermondialiste, mais une nouvelle façon de consommer et de posséder des objets. Il ne faut donc pas considérer l’économie collaborative comme un courant de mode mais comme un mouvement durable visant à remplacer la surconsommation actuelle et la sous-utilisation des objets, grâce à des outils favorisant le partage d’accès et la réutilisation. Ce mouvement est en réalité l’association de plusieurs concepts et outils dont certains sont très anciens, mais qui forment un ensemble particulièrement cohérent et attrayant pour les consommateurs. Nous allons explorer ces différents concepts dans cette partie afin de mieux comprendre sur quoi baser un Business Model rentable dans ce domaine. Le peer-to-peer, la consommation de demain Le principal concept sur lequel repose l’économie collaborative est le concept de peer-to-peer, dont la traduction en français donnerait « pair à pair ». Ce terme est issu du langage informatique où il désigne un réseau « client-serveur » dans lequel chaque « client » serait également un « serveur ». Ce type de réseau est donc généralement décentralisé et repose bien plus sur le nombre de « clients » que sur la taille et la capacité d’un « serveur » central. L’analogie avec les types de transaction de l’économie collaborative est extrêmement cohérente, puisque contrairement au modèle de consommation habituel, où une firme (ici le « serveur ») est reliée à un réseau de consommateurs (ici les « clients »), l’économie collaborative promeut un réseau où chaque consommateur est à la fois « client » et « serveur ». Chaque consommateur va être « client » dans le sens où il va acheter des biens et consommer, mais il va également être « serveur » dans le sens où il va partager les biens qu’il n’utilise pas, ou sous-utilise, aux autres consommateurs. Le peer-to-peer permet donc de réaliser les transactions directement entre les consommateurs et s’adapte parfaitement aux systèmes collaboratifs comme l’explique Jeremy Rifkin : « L’échange de biens entre 14
  • 15. acheteurs et vendeurs est remplacé par un système d’accès à court terme opérant entre des serveurs et des clients organisés en réseaux »8. Bien que le peerto-peer semble assez simple à première vue, ses implications dans le mode de consommation de l’économie collaborative sont en réalité très profondes. Lancé en 2009, quirky est une plateforme mettant en relation des inventeurs (même amateurs) avec une communauté évaluant les idées et aidant à leur développement. Les revenus du produit une fois créé sont ensuite répartis entre les différents « influenceurs » dont au moins 42% pour l’inventeur. Tout d’abord, le peer-to-peer risque de rendre obsolète ou de fragiliser de nombreuses institutions du consumérisme (grands magasins, certains systèmes de grande distribution...) en rendant disponible des alternatives plus intéressantes aux niveaux économique, social et environnemental pour les consommateurs. Ces entreprises nécessiteront donc une forte révision de leur Business Model pour s’adapter à ces nouveaux modes de consommation, comme préconisé par Louis David-Benyayer, fondateur de WhithoutModel ayant réalisé une étude sur les futurs modèles économiques de la distribution et encourageant ces entreprises à « développer un modèle économique de plateforme autour du DoItYourself et de la production décentralisée (...) monétiser l’animation de communautés et de lieux (...). Faire émerger et progresser des produits conçus et financés par les consommateurs ». C’est justement le but de la récente association entre Auchan et l’américain Quirky (voir encadré), appliquant des principes de l’économie collaborative et du crowdfunding dans le domaine du design industriel. En plus de générer de la visibilité, ce type d’association permet à Auchan de trouver de nouvelles sources de revenus à fort potentiel de croissance en donnant la possibilité à ses clients de proposer des idées de nouveaux produits et de profiter des capacités de production et de diffusion d’Auchan pour les commercialiser. En modifiant le Business Model de nombreuses entreprises, la montée des transactions en peer-to-peer entraine un changement de relation entre les parties réalisant la transaction. La 8 relation habituelle lors de l’achat d’un objet est une relation Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Éditions La Découverte, 2005, p11/393 15
  • 16. classique entre un acheteur et un vendeur, avec un élément au coeur de la transaction : le prix de l’objet. Mais dans une transaction collaborative en peer-topeer, la relation est entre un prestataire mettant à disposition un service et l’usager de ce service. Ici, l’élément central de la transaction n’est pas nécessairement le prix du service - il n’y en a pas forcément, mais plutôt la relation à long terme entre les deux parties. En effet, lors de l’achat d’un bien la transaction est généralement unique et ne se répètera pas dans le futur, une fois qu’une personne a acheté une perceuse elle s’attend à ne pas avoir à en racheter une dans le futur. Au contraire lors de la prestation d’un service, par exemple la location d’une voiture, l’usager sait qu’il aura sans doute besoin d’une voiture à nouveau dans le futur. Le but du prestataire est donc de fidéliser l’usager afin de s’assurer qu’il reviendra vers lui lors de ses futurs besoins. Le concept du peer-topeer appliqué à l’économie collaborative entraine donc un changement de relation et un changement d’objectif, particulièrement lorsque la transaction a lieu entre deux personnes souhaitant engager une relation sociale. Par exemple, une personne ayant besoin d’une raquette de tennis et en louant une à un de ses voisins pourrait découvrir que ce voisin a lui aussi une passion pour le tennis - ce qui semble probable vu qu’il possède une raquette de tennis. Dans ce cas l’élément central de la transaction ne serait pas le prix, mais la relation à long terme entre les deux parties. L’usager ne serait pas forcément intéressé par le fait de louer une raquette de tennis au plus bas prix du marché, mais plutôt par le fait d’avoir un partenaire sympathique pour partager sa passion du tennis, et inversement pour le propriétaire de la raquette de tennis. En plus d’une relation sociale, les deux parties peuvent également être à la recherche de confiance envers l’autre partie. Comme nous le verrons ultérieurement, la confiance est effectivement un élément central dans la transaction. Le concept de peer-to-peer appliqué à l’économie collaborative est très prometteur pour le partage d’objets sous-utilisés, mais aussi dans d’autres domaines dont les monnaies complémentaires. Souvent mises en avant uniquement dans des contexte de crise économique, les monnaies complémentaires sont prévues pour venir en complément des monnaies officielles 16
  • 17. et pour apporter un soutien social, souvent au niveau local, en favorisant des systèmes d’échange ou de partage. En France, ces monnaies sont particulièrement représentées par les SEL (Système d’Échange Local) où la monnaie est généralement valorisée en fonction du temps passé pour chaque transaction. Le SOL est également une monnaie complémentaire créée en France qui vise à encourager des projets sociaux et environnementaux et profite largement des nouvelles technologies en étant totalement dématérialisée. Les monnaies complémentaires représentent un vaste sujet qu’il ne serait pas possible de traiter entièrement dans ce mémoire, il est en revanche intéressant de mener une réflexion sur la manière dont des plateformes collaboratives pourraient utiliser les monnaies complémentaires. Ces monnaies ne sont a priori pas utilisables par toutes les plateformes puisqu’il est essentiel qu’un aspect local soit fortement présent dans la plateforme. En revanche, une plateforme communautaire proposant troc, location et partage de nombreux objets (perceuse, tondeuse, machine à laver ...) pourrait décider d’utiliser des monnaies complémentaires dans les transactions au lieu (ou en plus) des monnaies traditionnelles. Les nouvelles technologies, catalyseur de l’économie collaborative En plus d’utiliser le concept du peer-to-peer, l’économie collaborative est fortement basée sur les nouvelles technologies, qui sont en grande partie responsables de sa montée en puissance ces dernières années. Même si des acteurs de l’économie collaborative existaient déjà avant la généralisation des accès à Internet, comme Netflix qui proposait déjà la location de films et de séries télévisées par envoi postal, ou De Particuliers À Particuliers qui proposait déjà des catalogues de petites annonces, le nombre d’acteurs de l’économie collaborative a explosé depuis la démocratisation d’Internet dans les pays développés. Nous pouvons retenir plusieurs causes à cette forte augmentation, dont tout d’abord la rapidité de transmission des informations grâce à Internet. Grâce au web, aux mails et maintenant aux réseaux communautaires, une information qui pouvait avant mettre plusieurs jours à faire le tour du globe et être déformée voire se perdre, peut voyager de la même distance en moins d’une 17
  • 18. seconde et sans risque de perte. Cette capacité de transmission a permis de mettre à disposition de n’importe quelle personne possédant une connexion à Internet, une très vaste quantité de données et de connaissances, qu’elle peut alors utiliser par exemple pour améliorer ses connaissances dans un domaine, ou bien en enrichissant les données actuellement présente via ses propres connaissances. Cette libération de l’information a également une importance toute particulière dans la recherche d’un meilleur mode de consommation. En effet, Internet rend bien plus simple, du point de vue du consommateur, la comparaison de plusieurs produits concurrents entre eux afin de définir lequel a le meilleur rapport qualité/prix. Ce type de pratiques montre à quel point la libre circulation de l’information est essentielle pour le développement de l’économie collaborative, comme le prouve l’adage : « celui qui détient l’information, détient le pouvoir ». Internet est également essentiel pour l’économie collaborative en raison des nouveaux moyens de communication qui sont rendus possibles et qui ont permis la création de vraies communautés virtuelles. Grâce aux réseaux sociaux, des acteurs de l’économie collaborative ont la possibilité de recommander à leurs connaissances les sites qu’ils utilisent et d’en faire de nouveaux acteurs. Cette technique, dérivée de l’ancestrale méthode du bouche à oreille, est néanmoins bien plus efficace sur Internet et y est mieux connue sous le terme de viralité. La viralité permet donc de faire connaitre très rapidement une plateforme collaborative et s’adapte parfaitement au système de l’économie collaborative. En effet, lorsqu’un usager met en ligne sur une plateforme une demande de prestation de service, son but est qu’un maximum de personnes regardent son offre afin d’augmenter ses chances de trouver un prestataire. Il y est donc probable qu’elle utilise les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Google+...) pour partager sa demande. En faisant cette action, l’usager va certes augmenter ses chances de trouver un prestataire, mais il va également donner plus de visibilité à la plateforme collaborative sur laquelle la demande a été publiée. Les connaissances de l’usager qui cliqueront pour regarder la demande mise en ligne, en plus d’être d’éventuels prestataires, sont également d’éventuels nouveaux 18
  • 19. usagers pour la plateforme collaborative puisqu’ils ne connaissaient peut-être pas cette plateforme auparavant et le fait qu’une de leur connaissance l’utilise peut les inciter à utiliser eux-même la plateforme en cas de besoin. Et si cette personne utilise à nouveau cette plateforme collaborative dans le futur, et qu’elle fait également l’action de partager via ses réseaux sociaux, l’histoire se renouvellera de la même façon. Grâce au simple partage du premier usager, la plateforme collaborative réalise donc une opération de communication à très fort potentiel, et totalement gratuite. La viralité est donc un catalyseur important de l’économie collaborative, d’autant plus que les valeurs véhiculées - valeurs sociales et environnementales principalement, ont une image plutôt positive dans la société et incitent donc à partager. La création, grâce au concept de viralité, de véritables réseaux sociaux pouvant générer une forte visibilité est donc essentielle dans la croissance de l’économie collaborative Mais la principale raison pour laquelle Internet a un rôle aussi grand dans la montée en puissance de l’économie collaborative vient des facilitations amenées par Internet pour la réalisation de plateformes de transaction. Tout d’abord Internet permet, entre autres grâce aux réseaux sociaux sus-cités, de rapprocher des populations qui entreraient peu en contact sans ces outils. Par exemple il existe de nombreuses communautés de passionnés sur Internet, dont certains membres habitent à des endroits très éloignés. Ces communautés peuvent exister car Internet leur permet de communiquer comme si elles étaient côte-à-côte mais ce n’était pas possible sans Internet. Cela permet donc de connecter entre elles des personnes qui ne se connaitraient pas, ce qui est essentiel pour le fonctionnement de l’économie collaborative qui a besoin d’une masse critique d’usagers. Internet permet également de simplifier drastiquement les échanges monétaires. Bien que toutes les transactions de l’économie collaborative ne soient pas forcément monétaires, une grande partie l’est et dans ces cas Internet dispose de nombreux outils permettant de réaliser un paiement peu importe le pays destinataire ou expéditeur et quelque soit la monnaie utilisée, avec des couts associés à la transaction qui sont assez faibles (en général, les commissions bancaires sont d’environ 0,8% du montant de la transaction). Le fait de pouvoir 19
  • 20. réaliser ces échanges monétaires instantanément et quasiment sans limite est primordial. Il serait par exemple inimaginable qu’un site comme eBay se soit autant développé s’il avait fallu envoyer un chèque par voie postale à chaque achat. Les paiements par carte bancaire en ligne ont donc une grande importance dans le développement de l’économie collaborative, mais la facilitation des échanges monétaires permettra peut-être des avancées encore plus intéressantes à l’avenir, notamment grâce au développement des méthodes de paiement sans contact comme la NFC9 . En plus de ces facilitations, les nouvelles technologies permettent de facilement créer des plateformes mettant en relation l'offre et la demande pour chaque marché. Par exemple pour le marché du covoiturage, le site BlaBlaCar (voir encadré) s'adresse à la fois aux offreurs et aux demandeurs. Il permet aux offreurs, c'est-à-dire aux personnes faisant un trajet en voiture et ayant des places libres, de mettre en ligne une offre dans laquelle ils expliquent le trajet qui sera réalisé et les différentes modalités et permet aux demandeurs d'accéder à un moteur de recherche lui donnant la possibilité de chercher le trajet dont il aurait besoin parmi toutes les offres mises en ligne par les offreurs. Ce type de plateforme est relativement simple à mettre en place sur un site internet et requiert principalement une masse critique d'offreurs et de demandeurs pour fonctionner. Pourtant ce serait extrêmement compliqué, voire impossible, de réaliser la même chose sans les outils offerts par Internet. Ici encore, la démocratisation d'Internet joue un rôle prépondérant dans la faisabilité de ce genre de plateforme. Blablacar est une entreprise française fondée en 2006 par Frédéric Mazzella et permettant de mettre en contact les propriétaires de voiture ayant des places libres et des voyageurs à la recherche de bons plans et de rencontres. Après avoir misé sur la création de confiance, la plateforme se développe très rapidement et devient aujourd’hui incontournable dans le domaine du covoiturage. Blablacar a également réalisé une étude sur le rôle de la confiance, qui permet de mieux comprendre l’importance de la confiance pour les plateformes collaboratives. 9 Near Field Communication 20
  • 21. En simplifiant et en rendant bien plus accessible de nombreux outils, les nouvelles technologies favorisent largement le développement de l'économie collaborative. Elles permettent de réduire les coûts liés aux échanges économiques comme les coûts de prospection, remplacés par la création d’une plateforme permettant de rencontrer l’offre et la demande. Les coûts de recherche et d’information sont donc quasi nuls pour les usagers, qui peuvent tout savoir du marché en quelques clics. Les coûts de négociation et de décision sont également très faibles étant donné que la transaction se passe la plupart du temps en ligne et à un prix fixé d’avance. Enfin les coûts de contrôle concernent majoritairement la publication d’un avis d’usager concernant le prestataire sur la plateforme en question. Cette publication est a priori très rapide à réaliser et n’induit aucun coût en particulier. Ces trois catégories de coûts formant les coûts de transaction on peut dire que les nouvelles technologies permettent de réduire les coûts de transaction de l'économie collaborative. Cette réduction des coûts de transaction n’aurait jamais pu être possible sans ces technologies, ce qui en fait une cause centrale de l’émergence de l’économie collaborative ces dernières années. C.La régulation de l'économie collaborative Actuellement, la régulation de l’économie collaborative est presque totalement inexistante en France, comme dans le monde. Cette absence de régulation signifie que les entreprises comme les usagers disposent d’une relative liberté pour réaliser à peu près ce qu’ils souhaitent. Brian Chesky, fondateur d’Airbnb, expliquait ainsi qu’à Paris certains hôtes gagnaient 4000 à 5000 dollars par an en louant leur chambre en moyenne 4 nuits par mois10, fournissant un revenu complémentaire non-négligeable aux personnes pouvant louer leur chambre ou un appartement entier à des touristes. Gagner un revenu complémentaire de cette façon peut sembler intéressant, à la fois pour l’hôte mais aussi pour les touristes qui ont l’occasion de visiter des endroits nontouristiques qu’ils n’auraient pas pu voir en logeant dans un hôtel classique. 10 Le Web 2012, Paris, Brian Chesky 21
  • 22. L’absence de régulation est vue d’un oeil plutôt bon par les entreprises de l’économie collaborative, qui craignent que l’intervention de l’État dans l’économie ne décourage leurs clients. Mais d’autres acteurs de l’économie collaborative demandent davantage de régulation dans ce secteur. Des problèmes de taxation Tout d’abord, on peut remarquer que les revenus de l’économie collaborative ne font pas l’objet d’une taxation spécifique. Par exemple, les hôtes Airbnb en France ne doivent pas payer de taxes spécifiques sur les revenus de leurs locations contrairement aux professionnels du secteur. Cette absence de taxe est sans doute une des raisons pour lesquelles Airbnb est si populaire, en n’obligeant pas ses usagers à gérer des formalités administratives et en évitant qu’une partie de leurs revenus soient prélevés par l’État. De plus, selon la loi française, les hôtes générant un revenu via la location de leur résidence doivent déclarer ces revenus afin de les imposer selon le barème de l’impôt sur le revenu, mais il est assez difficile de savoir si cette obligation est respectée ou non dans la pratique. Le service communication d’Airbnb répond qu’il est « simple de déclarer les revenus touchés. Il faut cocher la case « location saisonnière » dans sa déclaration d’impôts ». Si le côté administratif est effectivement simple, les usagers ne semblent pas très enclins à alourdir leur facture d’impôts sur le revenu avec leurs revenus de l’économie collaborative. Aucune donnée publique n’est disponible, mais plusieurs témoignages sur des forums internet semblent montrer que la plupart des hôtes ne déclarent pas ces revenus dans leur déclaration d’impôts sur le revenu. Cependant ce phénomène semble surtout présent chez les hôtes non-réguliers et générant peu de revenus par la location de leur logement. Ceux qui génèrent un revenu important semblent prendre plus de précautions et suivent les conseils d’Airbnb qui sont de déclarer ses revenus et de « contacter les mairies en ce qui concerne les autorisations, car cela peut être différent d’un hôte à l’autre ». En plus de l’impôt sur le revenu qui n’est pas toujours payé, les hôtes Airbnb ne collectent pas la taxe de séjour ni la TVA, contrairement aux professionnels du secteur. Le manque à gagner pour l’État n’est donc pas 22
  • 23. négligeable, surtout concernant les logements qui ne sont pas loués de façon ponctuelle mais quasiment toute l’année, par des propriétaires en tirant des revenus importants. Par exemple, un appartement de 50m2 bien placé dans Paris peut être loué aux alentours de 700€ par semaine, assurant un revenu confortable au propriétaire. Si les gouvernements semblent assez peu préoccupés par ce problème de taxation ce n’est pas le cas des maires de grandes villes touristiques, qui entendent lutter contre ces « semi-professionnels ». Le mouvement de riposte légale a commencé avec le maire d’Amsterdam qui a fait inspecter près de 200 logements pour vérifier qu’ils soient aux normes, tant au niveau fiscal qu’hygiénique. À New-York également, un hôte Airbnb a failli payer une amende de 40 000$ pour avoir sous-loué son logement et à la mairie de Paris, l’adjoint au logement, Jean-Yves Mano souhaite particulièrement préoccupé par ce problème : « Il suffit d’aller sur ces sites pour voir que c’est essentiellement du meublé touristique qui est proposé. On voit bien que ce sont des professionnels qui veulent passer entre les gouttes d’une réglementation précise ». En réponse à ces menaces pour ses utilisateurs, Airbnb a répondu que « La plupart des logements sont ceux de particuliers qui n’en proposent qu’un seul » tout en continuant dans la même phrase « mais nous n’avons pas de chiffres précis ». Le problème est donc de mesurer l’ampleur du phénomène, d’autant plus que les particuliers louant plusieurs appartements en même temps brouillent la frontière entre le légal et l’illégal. Les problèmes légaux posés par la location de résidence via Airbnb sont les plus courants, parce qu’ils sont facilement identifiables et que les mairies sont assez promptes à réagir. Mais ce ne sont pourtant pas les seuls problèmes rencontrés par le secteur de l’économie collaborative. Taskrabbit est une plateforme collaborative américaine connectant au niveau local des personnes très occupées ayant besoin de petits services (promenade de chien, achat de courses, montage de meubles ...) avec des personnes ayant du temps disponible et besoin d’argent (étudiants, chômeurs, retraités ...). Véritable courant de mode aux États-Unis, Taskrabbit redéfinit la manière dont certains perçoivent leur emploi en permettant à ces personnes de gagner leur vie en restant indépendants et en faisant valoir leurs compétences avant tout. 23
  • 24. Le secteur du jobbing, représenté par le pionnier Taskrabbit (voir encadré en page précédente) pourrait également poser des problèmes en matière de régulation. En proposant à ses usagers de nombreux travaux variés en peer-topeer, Taskrabbit permet à des personnes ayant du temps libre et des compétences de les valoriser et de travailler tout en générant un revenu qu’ils n’auraient probablement jamais trouvé ailleurs. Il n’est donc pas étonnant que Taskrabbit soit si populaire auprès des chômeurs, des étudiants ou des jeunes retraités, qui y trouvent une source financière bienvenue, en plus d’une nouvelle manière de créer des rencontres sociales avec d’autres personnes qu’ils n’auraient sinon jamais rencontré. Mais en se contentant de rencontrer l’offre de jobs avec la demande, Taskrabbit pourrait être perçu comme une plateforme favorisant une économie parallèle non-déclarée. Pire, en incitant ses usagers à utiliser leurs jobs comme un vrai travail au lieu de rechercher un emploi sous contrat de travail classique, Taskrabbit pourrait être perçu comme encourageant ses usagers à quitter le marché classique du travail, entrainant un important bouleversement de la régulation, au niveau fiscal mais également au niveau des droits de l’employé et des cotisations pour la sécurité sociale et les caisses de retraite, qui sont inexistantes, en France, sans contrat de travail. Tout comme Airbnb, Taskrabbit se définit comme une simple plateforme de marché et ne se considère pas comme responsable du statut de ses usagers ni du fait que leurs revenus soient déclarés ou non. Les membres sont donc fortement encouragés à déclarer leurs revenus, mais aucune vérification ne peut être faite par la plateforme. Ici encore, aucune donnée n’est disponible pour en savoir plus sur la proportion de membres déclarant ses revenus et sous quel type de statut ils sont répertoriés. En effet, malgré qu’en France des dispositions légales permettent aux usagers de Taskrabbit de déclarer leurs revenus et leur statut de façon légale et relativement simple (statut d’autoentrepreneur, chèques emploi-service ...), la communauté Taskrabbit est surtout active aux États-Unis où les avantages sociaux pour les individuels sont sans doute bien moindres. Il est donc possible que des membres disposant déjà d’avantages sociaux n’aient pas envie de changer de statut et ne déclarent donc pas leurs revenus générés via Taskrabbit. Bien que les gouvernements ne semblent pas s’en occuper particulièrement pour le moment, 24
  • 25. Taskrabbit pourrait réellement poser des problèmes juridiques avec la législation actuelle, qui n’est pas adaptée à ce nouveau marché du travail, dans lequel chaque individu réalise plusieurs métiers en même temps tout en travaillant en peer-to-peer et non dans de grands groupes multinationaux. Ces deux exemples d’Airbnb et de Taskrabbit montrent parfaitement que le développement récent de l’économie collaborative pose de réels problèmes de régulation aux États, en créant d’une part un manque à gagner fiscal, mais aussi en leur faisant perdre le contrôle sur certains points. Mais Airbnb et Taskrabbit ne sont évidemment pas des cas isolés et ces démonstrations sont également valables pour de nombreuses autres plateformes de l’économie collaborative, à commencer par leurs concurrents directs. Par exemple, Blablacar en France doit se soucier également de problèmes de régulation, tout d’abord sur le prix des trajets sur lequel les conducteurs n’ont pas le droit d’être bénéficiaires. L’approche choisie par Blablacar est d’ailleurs assez intéressante, puisqu’au lieu de renvoyer la responsabilité sur les utilisateurs, le site régule par lui-même le prix maximum des trajets. Blablacar se base ainsi sur le barème fiscal fixé par l’État, censé représenter les coûts totaux de déplacement d’un véhicule au kilomètre. Le barème fiscal moyen étant environ 0,50€/kilomètre, Blablacar fixe le prix maximal d’un passager de la façon suivante : nombre de kilomètres x 0,50 ÷ nombre de passagers. Ainsi pour un voyage Paris-Lyon (450 km) avec trois passagers, le prix maximum pour chaque passager sera de 75€. En ne permettant pas à ses utilisateurs de fixer un prix par passager supérieur à 75€ pour ce trajet, Blablacar s’assure légalement qu’aucun utilisateur du site ne pourra faire de profit via le covoiturage et que le prix payé par chaque passager ne servira qu’à partager les coûts du trajet. Dans la pratique néanmoins, la loi de l’offre et de la demande s’applique particulièrement bien et le prix moyen pour un Paris-Lyon serait plutôt autour de 30€ par passage. Le barème fiscal fixé par l’État est donc relativement haut et permet au marché de s’auto-réguler sans que les utilisateurs ne perçoivent ce plafonnement des prix effectué par Blablacar. De plus, le site a récemment mis en place un dispositif pour garantir des prix cohérents sur de nombreux trajets grâce à un simple code couleur. Lorsqu’un conducteur met en ligne un voyage sur le site 25
  • 26. et qu’il fixe le prix par passager, une couleur lui indique si son prix est « vert », « orange » ou « rouge » permettant au conducteur d’identifier les prix « justes ». Ce dispositif très simple, serait très efficace d’après Laure Wagner, directrice de la Communication de Blablacar, qui a vu un regroupement des prix après la mise en place de ce code couleur. Face à la régulation imposée par les gouvernements, l’exemple de Blablacar montre que les acteurs de l’économie collaborative peuvent réaliser une partie de la régulation eux-même. S’il ne leur est évidemment pas possible d’obliger leurs utilisateurs à déclarer leurs revenus, ils ont un pouvoir total pour agir sur leur place de marché en affectant les prix ou les quantités de l’offre ou de la demande. En ce qui concerne les problèmes de régulation soulevés par les pouvoirs publics, je pense que les entreprises du secteur ont tout intérêt à agir directement et le plus tôt possible pour réguler, dans le champ de leur capacité, leur place de marché. Ce faisant, ils éviteront en premier lieu à leurs utilisateurs de se retrouver dans des situations incertaines et attireront nettement moins l’attention des régulateurs sur leur activité. Concernant les problèmes légaux sur lesquels ils ne peuvent pas avoir d’influence, comme la déclaration des revenus pour l’impôt sur le revenu, je recommande tout d’abord d’encourager les utilisateurs à déclarer leurs revenus en communiquant abondamment sur le sujet, et de se rapprocher autant que possible des pouvoirs publics pour leur proposer des solutions. Par exemple, en France, l’État semble de plus en plus favorable à une numérisation des formalités de paiement des impôts (déclaration des revenus en ligne, application pour smartphone permettant de payer les impôts ...), il est donc peut-être possible d’imaginer des simplifications de procédure pour des acteurs de l’économie collaborative. Imaginons par exemple que l’État mette en place un système d’API 11 sécurisée à disposition de quelques entreprises comme Airbnb. Au moment de remplir sa déclaration de revenus, l’utilisateur n’aurait donc qu’à cliquer sur un bouton dans son profil privé Airbnb pour être redirigé vers la plateforme de déclaration en ligne et pour intégrer l’ensemble des revenus dans la bonne rubrique en un clic. Évidemment ce type de système semble compliqué à mettre en place et devra être particulièrement sécurisé, mais c’est 11 Application Programming Interface, c’est une interface de programmation par laquelle un logiciel offre des services et des données à d’autres logiciels. 26
  • 27. dans l’intérêt des entreprises de l’économie collaborative et de l’État de proposer ce type de solutions. Des problèmes de certification Au delà des problèmes de taxation posés par les pouvoirs publics, l’absence de régulation dans l’économie collaborative entraine d’autres problèmes, notamment au niveau des certifications. En effet, les entreprises traditionnelles concurrencées par les places de marché en peer-to-peer de l’économie collaborative sont soumises à des certifications souvent très strictes au niveau de la sécurité et de l’hygiène. Ces certifications sont également spécifiques au secteur concerné. Or les utilisateurs d’entreprises de l’économie collaborative ne sont pas concernés par ces certifications. Par exemple, un hôte Airbnb n’a pas de contrôles de qualité ou de sécurité de la même façon qu’un hôtel, alors que les deux vont accueillir des touristes qui vont payer pour leur séjour. De la même façon que Blablacar l’a fait pour plafonner le prix des trajets, on peut remarquer une certaine mobilisation des acteurs de l’économie collaborative qui souhaitent montrer que leurs offres ne sont pas d’une qualité inférieure à celles des entreprises traditionnelles. Par exemple, Airbnb propose les services de photographes professionnels qui sont sous contrat avec Airbnb et viennent gratuitement chez les hôtes qui le souhaitent pour prendre en photo leur appartement. L’intérêt est d’avoir des photos de très bonne qualité, mettant en valeur leur logement et par conséquent leur offre sur la plateforme. Ce type de service entraine sans doute un coût important, qui peut être supporté par Airbnb en raison de sa masse critique mais qui n’est pas envisageable pour un nouvel entrant n’ayant pas de solides bases financières. Il reste donc assez rare de voir des acteurs de l’économie collaborative réaliser des actions significatives dans le domaine des certifications. Les pouvoirs publics également semblent commencer à se saisir du problème et utilisent les nombreuses certifications professionnelles pour lutter contre une utilisation professionnelle de plateformes de covoiturage ou de location de résidences. Ainsi à Amsterdam comme à Paris, la mairie a déjà réalisé plusieurs centaines de visites dans des logements mis en location de courte 27
  • 28. durée, pour s’assurer que les normes en vigueur sont bien respectées. Cependant cette « riposte légale » semble cantonnée à Airbnb, probablement en raison de son succès. Ainsi Blablacar a rencontré quelques problèmes avec des conducteurs entre Paris et Bruxelles. Profitant des tarifs élevés du TGV et de la faible distance entre les deux villes, des personnes au chômage ont voulu répondre à une attente de transport à bas prix sur ce trajet en s’équipant de mini van et en réalisant de nombreux aller-retours afin d’en faire un business. Cette pratique est bien entendu illégale, le covoiturage ayant pour principe de partager les frais et non de faire du profit, et ces personnes étant en situation de travail dissimulé. Dans ce cas les pouvoirs publics n’ayant rien fait pour régler le problème, c’est l’entreprise elle-même qui a réagit, en repérant ces comptes illégaux et en les fermant. Plus tard, l’introduction par Blablacar du service de réservation et de paiement en ligne a définitivement réglé le problème, puisqu’ils auraient récupéré leurs revenus du covoiturage sur un compte bancaire et non en argent liquide. Ces personnes touchant souvent des prestations sociales et conscientes de l’illégalité de leur activité ne souhaitaient pas que leur business soit trop visible et ont donc migré vers d’autres plateformes de covoiturage où la modération est moindre. Cette anecdote montre que les plateformes collaboratives ont parfois besoin de régulation mais qu’elles sont aussi capables de la mettre en place elles-mêmes et de bannir les activités illégales. Cependant, cela ne peut fonctionner que si toutes les plateformes s’auto-régulent de la sorte et que les personnes agissant illégalement n’aient plus d’alternatives. Or il est peu probable que cela soit le cas, et seuls les pouvoirs publics semblent en position de réguler, au niveau global, ce type de pratique. Régler ces problèmes de certification pour, à la fois assurer aux usagers de services collaboratifs une qualité de service minimale, et en même temps permettre aux prestataires de fournir leurs services de façon non contraignante, n’est pas une tâche facile. Aussi, il faudrait que les entreprises de l’économie collaborative prennent les devants, même si seules les plateformes ayant déjà atteint une masse critique pourront probablement le faire, et mettent en place des dispositifs s’apparentant aux certifications légales. Par exemple, la création de 28
  • 29. labels internes pour désigner la qualité de certaines offres peut-être une idée intéressante. En proposant à ses hôtes une échelle de qualité basée sur certains points objectifs, Airbnb pourrait compter sur ses membres pour attester de la véracité du label et pourrait même créer un système de clients mystères pour vérifier la qualité des services offerts. Un tel système permettrait à la plateforme de réguler l’offre de logements et de retirer de sa base de données les logements insalubres ou de trop faible qualité. Ce genre des système est également applicable à d’autres entreprises, par exemple pour la location de voiture ou la fourniture de divers services. En plus de la mise en place de ce type de système de vérification, les plateformes de l’économie collaborative pourraient tenter de se rapprocher des pouvoirs publics pour utiliser certaines données. Imaginons par exemple, même si ce n’est pas autorisé dans la législation actuelle, que Blablacar ait la possibilité de collecter des données sur le permis de conduire de ses conducteurs. L’entreprise pourrait alors sécuriser sa base de donnée d’offres en s’assurant que tous les conducteurs aient le permis, voire en appliquant un label pour les conducteurs n’ayant jamais commis d’infraction. Bien entendu, ce genre de système pourrait poser d’importants problèmes de sécurité et de confidentialité, et ce n’est qu’une idée à creuser parmi d’autres. En plus de ces certifications et de la taxation spécifique, les entreprises traditionnelles ont des obligations légales qui sont plus importantes que les usagers de plateformes de l’économie collaborative. Par exemple, dans la prestation de service, une personne proposant ses services de garde d’enfant pourrait accepter de garder 4 ou 5 enfants en bas âge en même temps, alors que la législation française impose aux crèches d’avoir au moins un employé pour 4 enfants entre 6 et 13 mois. Cette personne ne respecterait pas les obligations légales qui sont appliquées aux crèches et entrerait donc en concurrence de manière illégale avec les crèches. Dans ce type de cas, la régulation peut a priori venir de la plateforme, même s’il lui est assez difficile de connaitre la législation précise de chaque pays, mais un dialogue rapproché avec les pouvoirs publics est sans aucun doute le meilleur moyen d’améliorer l’auto-réglementation de l’économie collaborative, sans passer par la création d’une loi spécifique. 29
  • 30. L’auto-régulation pour les assurances Deways est une entreprise française créée à ESSEC Ventures et proposant un système de location de voitures nouvelle génération en connectant les propriétaires de voiture avec des personnes en ayant besoin ponctuellement. La plateforme mise beaucoup sur les affinités sociales et propose notamment une garantie de trouver une voiture qui est assez innovante et intéressante. Ouicar propose un service de location de voitures entre particuliers partout en France ainsi que deux programmes de fidélisation et de parrainage très pertinents. Ouicar a également fait le pari d’imposer des régulations assez importantes à ses utilisateurs afin d’augmenter significativement la confiance sur la plateforme. Au niveau des assurances, il semblerait que les entreprises de l’économie collaborative se soient saisies assez rapidement du problème puisque la majorité des entreprises ayant déjà atteint une taille critique proposent des systèmes d’assurance pour leurs services. Par exemple Airbnb qui assure automatiquement toutes les locations pour un dommage jusqu’à 700.000€ 12 ou Deways (voir encadré) qui assure toutes les locations de voiture pour un maximum de 30.000€ 13. Ouicar (voir encadré) a un système un peu différent et plus contraignant, mais aussi plus sécurisé14. Ainsi, lorsqu’il met en location sa voiture, le propriétaire peut fixer le montant de la caution avec un minimum de 800€. Lorsque le propriétaire accepte de louer sa voiture à un locataire, de nombreux justificatifs doivent être imprimés et apportés au lieu de rendez-vous par les deux parties, et le propriétaire doit imprimer et remplir un contrat de location. À la remise des clés, le contrat de location et les justificatifs sont échangés et le locataire doit verser la caution sous forme de chèque, qu’il récupèrera à la fin de la location s’il n’y a pas eu de dommage. Ce type de fonctionnement est beaucoup plus compliqué que la 12 Airbnb.fr, 2013 13 Deways.fr, 2013 14 Ouicar.fr, 2013 30
  • 31. plupart des autres plateformes collaboratives, mais permet aux deux parties d’être assuré dans de bonnes conditions. Contrairement à d’autres plateformes qui semblent avoir fait le choix de la simplicité pour leurs utilisateurs, Ouicar propose un système délibérément complet et contraignant sur le plan administratif. Ce pari peut cependant être intéressant étant donné qu’il mettra davantage en confiance les utilisateurs assez réticents à mettre en ligne leur voiture et qu’il est sans doute moins couteux pour la plateforme. Le fait que les plateformes aient commencé par créer des partenariats avec des assureurs avant de s’occuper des autres aspects légaux est assez facilement compréhensible, comme l’explique Marion Carette, fondatrice de Zilok (voir encadré) et Ouicar : « quand on sondait nos utilisateurs, le seul et unique frein était “dans quel était vais-je retrouver mon objet”, on a donc beaucoup travaillé cela ». Olivier Grémillon, directeur Général France, Belgique et Maroc d’Airbnb témoigne 15 : « Il y a très peu de sinistres sur les différentes plateformes, mais avoir une assurance ou une garantie qui couvre les biens s’il y a des vols ou des dégradations, ça rassure énormément les gens même si au final il ne se passe pratiquement jamais rien ». Bien que certaines assurances comme celle de Ouicar soient très complètes, la grande majorité des autres plateformes ne proposent que des assurances très simples, voire pas du tout d’assurances pour beaucoup de petites plateformes. En comparaison avec les assurances qui sont souvent imposées par la loi aux entreprises traditionnelles, il semble encore une fois que le manque de régulation favorise les plateformes collaboratives. Néanmoins, il semblerait que les plateformes collaboratives soient poussées par leurs utilisateurs pour améliorer leurs systèmes d’assurances. Or, comme nous le verrons plus tard, la confiance est un élément clé de l’économie collaborative, sur lequel de nombreuses plateformes n’hésitent pas à capitaliser. Zilok est une plateforme collaborative française proposant la location entre particuliers pour tous types d’objets de la perceuse à la remorque de voiture en passant par une tente de réception. Partant du principe que de nombreux objets sont sous-utilisés, Zilok permet aux propriétaires de gagner de l’argent en louant ces objets, et aux usagers d’utiliser les objets sans pour autant les acheter. 15 Startup, DécideursTV, 25/04/2013 31
  • 32. Des pistes pour la régulation de l’économie collaborative Bien que les plateformes collaboratives soient particulièrement créatives pour s’auto-réguler et créer des partenariats notamment avec des assurances, il y a certains points sur lesquelles elles ont besoin d’une intervention de l’État. C’est notamment le cas pour définir un cadre légal plus clair pour leur activité, comme me l’a témoigné Laure Wagner de Blablacar qui souhaiterait que l’État affirme officiellement que les revenus du covoiturage ne sont pas taxables. D’après la loi française, les revenus du covoiturage correspondent à un partage de frais et non à un revenu au sens de l’impôt sur le revenu, donc ils ne devraient pas être imposables. Mais le simple fait que l’État officialise clairement ce point donnerait un argument supplémentaire non-négligeable aux plateformes de covoiturage pour mettre en confiance leurs utilisateurs. Alexandre Grandremy de Deways 16 va plus loin et aimerait que l’État exempte de l’impôt sur le revenu les revenus des particuliers générés par des plateformes collaboratives, tant qu’ils restent secondaires et relativement faible. Par exemple en mettant en place un seuil plancher en dessous duquel les revenus « collaboratifs » ne seraient pas taxés, l’État clarifierait la situation, rendrait les contrôles bien plus simples puisqu’il y aurait nettement moins d’utilisateurs à contrôler, et donnerait un argument supplémentaire aux plateformes pour leur permettre d’attirer de nouveaux utilisateurs permettant d’atteindre plus rapidement une masse critique. La mise en place de ce cadre légal plus parlant et apportant plus de confiance aux utilisateurs pourrait être couplée à l’introduction d’un label visé par l’État. Ce dispositif revient fréquemment dans les demandes des professionnels de l’économie collaborative et pourrait être basée sur un certain nombre de critères (plateforme ayant un impact positif sur l’environnement, plateforme réalisant une vérification efficace de l’identité de ses membres, plateforme rappelant leurs obligations légales aux utilisateurs ...). Néanmoins, d’autres professionnels m’ont fait part de leur scepticisme quant à la réussite d’un tel dispositif étant donné la difficulté de réaliser un label à la fois équitable pour toutes les plateformes (celles qui sont bien connues, comme celles qui débutent) mais aussi suffisamment connu 16 Voir annexe 2 32
  • 33. des consommateurs pour qu’il permette réellement d’augmenter la confiance que les utilisateurs donneront à la plateforme labellisée. En plus de ces différentes mesures, un problème important se pose pour les plateformes collaboratives : la vérification de l’identité réelle de l’utilisateur afin d’éviter l’anonymat. Nous y reviendrons plus en détail plus tard, mais en France il est actuellement interdit de collecter des données comme le numéro de permis de conduire, le numéro de sécurité sociale, ou encore le numéro d’identité d’une personne, la collecte n’étant autorisée que par l’État. S’il est évident que ces données sont particulièrement confidentielles et qu’elles ne doivent pas se retrouver dans les mains de n’importe qui, ce sont les seules données permettant de vérifier sans doute possible l’identité d’une personne. Il pourrait donc être très intéressant que les plateformes de l’économie collaborative puissent avoir accès, d’une manière directe ou indirecte, à un système de vérification d’identité basé sur ces données, afin de créer encore plus de confiance et donc d’améliorer sensiblement leur business model. Comme nous l’avons vu dans cette première partie, l’économie collaborative propose une alternative au consumérisme et au capitalisme tel que nous l’avons connu dans la seconde moitié du XXème siècle et se lie aux théories de Jeremy Rifkin selon lesquelles nous quittons « l’âge de la possession » pour entrer dans « l’âge de l’accès ». Utilisant à toutes les sauces les principes du peer-to-peer, et profitant des nombreuses avancées technologiques de ces dernières années, l’économie collaborative est en plein boom et voit se développer de très nombreuses plateformes aux concepts novateurs. Nous pouvons également retenir quatre piliers récurrents dans les plateformes collaboratives et qui semblent essentiels pour la construction d’un business model durable 17 : une masse critique, un produit ou un ensemble de produit souvent sous-utilisés, un aspect communautaire important, et la construction de confiance entre des utilisateurs ne se connaissant pas. 17 Rachel Bostman & Roo Rogers, What’s mine is yours, Harper&Collins, 2011 33
  • 34. II.Un Business Model basé sur la confiance La première partie de ce mémoire nous a montré que l’économie collaborative repose principalement sur quatre piliers. Mais parmi ces piliers, un parait particulièrement important et fera l’objet de plus d’investigation, parce qu’il est essentiel pour la création d’une plateforme collaborative et que sa mise en place peut également aider à la mise en place des autres piliers. Cet aspect si essentiel de l’économie collaborative et qui est unanimement mis en avant par les acteurs du secteur est la construction de confiance entre les membres de la plateforme. Comme expliqué par Olivier Grémillon d’Airbnb18 « dans tout ce qui concerne la location entre particuliers, la confiance est clé et elle l’est d’autant plus quand c’est une voiture dans le cas de Ouicar ou un logement dans le cas d’Airbnb puisqu’on loue quelque chose auquel on tient énormément. Tout ce qui peut être fait pour augmenter la confiance est essentiel ». Nous nous intéresserons donc d’abord à la place réelle de la confiance dans les plateformes collaboratives, puis au processus de création de cette confiance afin de comprendre comme la créer. Enfin, nous explorerons les stratégies de monétisation cohérentes pour le business model recherché et finaliserons ce dernier avec la stratégie de création de communauté et d’une masse critique. 18 Startup, DécideursTV, 25/04/2013 34
  • 35. A.Quelle est la place de la confiance ? L’économie collaborative est en plein boom et les statistiques de son adoption rapide sont remarquables comme cette infographie montrant l’augmentation du nombre de nuitées réservées sur Airbnb depuis sa fondation en 2008. Cette infographie, réalisée par Blablacar, montre cette fois l’évolution du nombre de sièges de covoiturage disponibles sur la plateforme de janvier 2009 à fin 2012. 35
  • 36. Ces chiffres sont très impressionnants et montrent que ces plateformes ont des business model pertinents et durables. Mais on peut se demander comment les utilisateurs de ces sites internet peuvent se faire autant confiance pour laisser leur logement à un inconnu ou accepter de faire monter n’importe qui dans sa voiture pour un trajet de plusieurs heures. La confiance apparait clairement comme un élément clé du business model de ces entreprises et est une composante très importante de toute relation sociale entre individus. En accordant sa confiance en une personne B, la personne A va croire que la personne B agira exactement comme B l’imagine. Bien que de nombreux intellectuels aient essayé de définir, sans arriver à une définition officielle le concept de confiance (Noteboom, en 1996, le considérait comme « subtil, confus et difficile à saisir ») nous pouvons considérer que la confiance est tout d’abord influencée par les relations sociales que nous avons. Ainsi nous aurons a priori plus confiance en l’ami d’un ami qu’en un inconnu, car nous partons du principe que notre ami, en qui nous faisons confiance, fait également confiance à ses amis. Mais sur Internet, où il est difficile de réaliser des rencontres en face-à-face, faire confiance a quelqu’un est plus compliqué. En effet, on considère généralement que la construction de la confiance entre deux personnes est basée en grande partie sur ces rencontres et ces échanges. Grâce au développement des nouvelles technologies de l’information et des communications, il est de plus en plus simple de simuler ces rencontres en ligne, par exemple via la visioconférence, mais ces pratiques sont encore compliquées à mettre en place sur un site internet. Conscient de cette problématique et de l’importance de la compréhension du fonctionnement de la confiance, Blablacar a profité de la taille importante de sa communauté pour réaliser une étude complète sur la confiance dans les communautés en ligne19 . Comme on peut le voir dans les deux graphiques cidessus, les utilisateurs sont a priori assez méfiants à l’égard des inconnus en ligne (degré de confiance de 1.92/5), plus qu’un étranger dans la rue (degré de confiance de 2.15). Ce comportement s’explique par le fait qu’on ne peut pas voir un inconnu sur Internet, il y a donc une frontière matérialisée par l’écran de chaque inconnu. On remarque dans le deuxième graphique que le simple fait 19 Voir annexe 1 36
  • 37. d’ajouter sa photo sur son profil augmente de façon importante la confiance accordée à la personne (de 1.92 à 2.52), autant que le fait d’avoir fait vérifier son numéro de téléphone (en général, les plateformes envoient un SMS contenant un code que les utilisateurs doivent ensuite recopier sur le site, ce qui permet d’attester qu’ils n’ont pas mis un faux numéro de téléphone). Le degré de confiance à l’égard d’un membre d’une communauté en ligne ayant un profil complet (photo, numéro de téléphone vérifié et des avis utilisateurs positifs) est au final de 4.23, pas très loin du degré de confiance accordée à un ami de 4.71 (voir premier graphique). Un autre point intéressant de ces graphiques est la confiance 37
  • 38. accordée à ses voisins, qui est située à la moyenne entre celle accordée à un inconnu et celle accordée à un membre de sa famille, ce qui prouve encore une fois à quel point l’aspect local est important dans l’économie collaborative. Comment créer de la confiance ? T.Loilier et Al dans une étude de 2004, ont également cherché à en savoir plus sur les déterminants de la confiance et les conditions nécessaires pour produire de la confiance entre des individus en ligne. Ils ont dégagés neuf conditions de leur étude : - La constitution et l’identification claire du groupe autour d’un intérêt commun. C’est l’étape dans laquelle les usagers de la plateforme vont pouvoir s’identifier à la communauté qu’ils forment. Le fait de créer des communautés permet aux usagers de se connaitre et donc de se faire confiance plus facilement. - La définition des objectifs de la communauté dans le temps. En connaissant ses objectifs, la communauté pourra s’auto-évaluer en fonction de ces objectifs. - La création de mécanismes d’apprentissage via des tutoriels vidéos ou des « how-to ». - La mise en place de possibilités de contact entre les usagers. Via un système de messagerie privée et/ou de messagerie instantanée, la plupart des plateformes disposent déjà de ce type de système qui permettent aux usagers d’échanger et de se rencontrer. - Le fait de réaliser, autant que possible, les transactions entre des personnes qui ont déjà eu une relation sociale. Les usagers ont tendance a déjà faire confiance à des personnes qu’ils ont déjà vu ou avec qui ils ont déjà eu un contact sur une autre plateforme. Encourager les transactions récurrentes, comme par exemple le covoiturage entre deux personnes faisant régulièrement le même trajet, est également un moyen de créer de la confiance. - Définir les engagements et les obligations de chacun. Comme expliqué avec l’exemple de Ouicar, le fait d’avoir un règlement strict et précis, détaillant les obligations de chaque partie, avec éventuellement la signature d’un contrat entre les deux parties est essentiel. 38
  • 39. - La mise en place de procédures de sanctions. Lorsque les utilisateurs savent qu’une équipe de modération a la possibilité d’exclure un utilisateur temporairement ou définitivement, ou d’infliger différentes sanctions aux membres ne respectant pas ses obligations, ils estiment que les membres respecteront davantage leurs obligations, ce qui augmente la confiance de toute la communauté. - La mise en place d’une équipe de modération. Les sanctions mise en places dans la condition précédente doivent être appliquées par une équipe de modération qui doit être facilement identifiable et joignable par la communauté. L’équipe peut-être directement employée par la plateforme collaborative ou constituée d’usagers bénévoles. - La création d’une « routine », comme par exemple la mise en ligne d’avis d’utilisateur suite à la réalisation d’une transaction. La confiance institutionnelle Ces neuf conditions sont particulièrement pertinentes dans le cas de l’économie collaborative et doivent être une composante du business model de toute plateforme collaborative qui souhaite s’appuyer sur la confiance. Elles sont d’ailleurs largement mises en place par les plateformes ayant du succès. Comme nous l’avons vu dans l’étude de Blablacar, le fait d’interagir sur Internet et donc de ne pas rencontrer en face-à-face les autres utilisateurs du site est un frein important à la confiance. Notamment pour des individus peu habitués aux transactions sur Internet, le fait de partager des objets avec des inconnus qu’ils ne voient pas est loin d’être naturel. Bien que les nouvelles technologies de l’information et de la communication soient de plus en plus efficaces, la solution la plus efficace, qui est mise en place par de nombreuses plateformes collaboratives, est la création d’une communauté. Comme expliqué dans la première des conditions pour créer de la confiance, une communauté permet aux usagers de se présenter aux autres usagers et de faire ressortir des objectifs communs qui vont les fédérer. En plus d’être essentielle pour assurer la fidélité des 39
  • 40. Le couchsurfing est une pratique qui s’est répandue grâce au développement des nouvelles technologies ces dernières années et qui permet à des voyageurs ayant besoin ponctuellement d’un hébergement de dormir sur le canapé (d’où le nom, mais le service fonctionne évidemment aussi pour une chambre d’ami) d’un inconnu rencontré sur la plateforme collaborative couchsurfing.org. Étant totalement gratuit, le couchsurfing ne repose que sur la volonté des membres de créer de nouvelles relations sociales avec des inconnus, c’est d’ailleurs un succès puisque la plateforme regroupe 6 millions de couchsurfers dans plus de 100.000 villes. usagers à la plateforme en question, la communauté permet aux usagers de s’identifier aux valeurs de l’entreprise grâce au logo, au slogan ou à des codes couleurs. Ce faisant la communauté a pour but de rassurer ses utilisateurs méfiants en leur présentant d’autres utilisateurs qui font déjà confiance à la plateforme collaborative. Il va donc y avoir création de confiance de la part de chaque individu envers la communauté toute entière. C’est un phénomène de confiance institutionnelle, de la même façon que les citoyens d’un pays doivent avoir confiance en l’État démocratique qu’ils ont élu. La confiance institutionnelle est primordiale sur les plateformes collaboratives car une fois créée elle permet l’adoption de nouveaux utilisateurs de façon nettement plus efficace. Un des meilleurs exemples de communauté de ce type est le couchsurfing (voir encadré). Le site couchsurfing.org est presque entièrement axé sur la construction d’une communauté entre les couchsurfers en incitant les personnes ayant déjà accueilli des membres chez eux à recommencer, en incitant les personnes ayant déjà été accueilli à recommencer et à accueillir des couchsurfers, et enfin en incitant de nouveaux arrivants sur le site à participer eux aussi. Les membres de la communauté agissent donc comme des ambassadeurs de la plateforme qui vont même jusqu’à remplacer dans certains cas le service client. Un bon exemple de ce type de communauté, bien qu’il ne soit pas dans le domaine de l’économie collaborative, est l’opérateur téléphonique Joe Mobile. Cet opérateur français ne se démarque pas vraiment de ses concurrents par ses offres qui sont assez classiques, mais par son services client. Au lieu d’avoir mis en place un service client classique dans le secteur sous forme d’une « hotline », Joe mobile a pour seul service client un forum internet. Chaque client dispose d’un compte sur le forum et peut poster des sujets ou répondre à d’autres messages librement et n’importe qui 40
  • 41. peut créer un compte pour poser des questions. Ainsi, les questions récurrentes n’ont pas besoin d’être posées plusieurs fois : lorsqu’un potentiel client a une question et que cette question a déjà été posée et répondue, une simple recherche sur le forum lui permet de trouver la réponse. Bien entendu, des employés de Joe Mobile sont chargés d’animer le forum et de répondre aux questions auxquelles les membres de la communauté ne sont pas capables de répondre. Cet exemple montre à quel point Internet peut proposer des solutions pertinentes pour créer des communautés efficace. Ce genre d’exemple est parfaitement applicable pour l’économie collaborative et permet de créer de la confiance institutionnelle à très faibles couts pour la plateforme. Bien entendu, il faut que cette dernière garde un oeil sur l’efficacité de cette confiance institutionnelle dans le temps, car elle n’est pas illimité et peut très bien s’estomper au bout d’un certain temps ou en réponse à certaines actions. Par exemple, un changement de politique mal compris par la communauté pourrait entrainer des contestations de la part de la communauté et entrainer une mauvaise image des « administrateurs », c’est à dire de la société gérant la plateforme. Dans ce cas, le rôle de la communauté serait à double tranchant car les nouveaux inscrits dans la communauté, en voyant les messages de contestation, pourraient perdre directement confiance et quitter la communauté, ou bien avoir une mauvaise image de la plateforme qui sera difficile à estomper dans le temps. Il est donc primordial que la plateforme mette en place une équipe de modération pour gérer la communauté, répondre aux questions des utilisateurs, remonter les principaux problèmes à la direction de la plateforme et s’assurer que la communauté remplit son rôle. Si la communauté est bien gérée de cette façon, une confiance institutionnelle forte devrait se mettre en place et jouer un rôle important dans le recrutement de nouveaux utilisateurs pour la plateforme. Les utilisateurs acquerront donc une confiance forte dans la communauté et dans la plateforme ce qui les encouragera à échanger et partager. 41
  • 42. La confiance relationnelle En plus de la confiance institutionnelle qui est très importante, un autre type de confiance doit être mis en place par la plateforme : la confiance relationnelle. Ce type de confiance concerne les relations entre les parties lors des interactions impliquant un échange de biens ou d’informations. La confiance y est très importante notamment pour la qualité des informations que se transmettent les deux parties et est souvent influencée par les transactions passées et certains facteurs sociaux pour connaitre de façon plus ou moins vraie la capacité de l’autre partie à être « digne de confiance ». Ce type de confiance, qui est au moins aussi important que la confiance institutionnelle, est plus difficile à créer. En effet, créer un forum et avoir une équipe capable de la modérer n’est pas une tâche très compliqué, mais créer de la confiance entre deux utilisateurs d’un site, a fortiori sur une plateforme collaborative en peer-to-peer, n’est pas une tâche aisée. Le profil d’un utilisateur est un des premiers point sur lequel agir pour créer de la confiance. Étant donné que chaque partie de la transaction va sans doute regarder le profil utilisateur de l’autre partie et que cette page représentera la principale information qu’il aura à sa disposition pour juger de la confiance qu’il pourra accorder envers cette personne, il est primordial d’y travailler tout particulièrement. Comme nous l’avons vu dans l’étude sur la confiance réalisée par Blablacar, le fait d’avoir un profil utilisateur complet est un important facteur créateur de confiance. Ainsi, rien qu’en mettant une photo sur son profil, un utilisateur peut augmenter la confiance qui lui est accordée de 1.92 à 2.52 (sur un maximum de 5). Les éléments créateurs de confiance peuvent être regroupés en différentes catégories : les informations générales dont la photo fait parti, les vérifications, les avis utilisateurs et l’expérience. Les informations générales sur le profil de l’utilisateur sont les plus communes : elles sont présentes sur à peu près toutes les plateformes collaboratives, même celles qui ne sont pas très axées sur la communauté. Cette catégorie regroupe notamment le nom et l’adresse de l’utilisateur, sa photo, son sexe, son âge et éventuellement d’autres informations en fonction des 42
  • 43. plateformes. Toutes ces informations ne sont pas forcément très utiles pour créer de la confiance, mais en général les plateformes obligent les utilisateurs à en entrer quelques unes (nom, adresse et âge) et donnent la possibilité à l’utilisateur de remplir les autres options s’il le souhaite uniquement, également dans le but de rendre le processus d’inscription à la plateforme moins contraignant. Si certaines de ces informations n’apportent pas beaucoup de confiance aux autres utilisateurs, le fait de remplir toutes les informations peut être créateur de confiance et donner l’impression au reste de la communauté qu’on a soigné son profil. Comme expliqué dans l’étude de Blablacar, la photo est particulièrement importante car elle permet aux autres utilisateurs de se rapprocher de la confiance accordée lors d’un contact en face-à-face. C’est également un élément visuel qui se voit très rapidement sur le profil des utilisateurs et qui va être analysé par chaque utilisateur en fonction de ses normes et valeurs. Un utilisateur souhaitant attirer la confiance des autres membres de la communauté aura donc intérêt à faire attention à la photo qu’il choisit. C’est généralement aussi dans cette catégorie que sont demandées des informations de contact comme l’adresse email ou le numéro de téléphone. Cependant ces informations sont rarement visibles publiquement sur le profil des utilisateurs pour des raisons de confidentialité. Cette catégorie des informations générales est assez basique et ne permet pas d’accorder beaucoup de confiance même si elle est importante pour créer un premier contact La catégorie des vérifications est également une catégorie très importante mais qui n’est pourtant présente que dans assez peu de plateformes collaboratives. Ici, le but est que la plateforme prouve que l’utilisateur dispose de certains outils censés lui donner davantage de crédit, sans forcément dévoiler directement ces données. L’exemple le plus typique est pour l’adresse mail ou le numéro de téléphone. Même si ces données ont pu être données dans les informations générales, il est très simple de donner de fausses informations. La plateforme va donc mettre en place des systèmes pour vérifier ces informations importantes et afficher sur le profil de l’utilisateur quelles informations ont bien été vérifiées. Pour une adresse mail, la plateforme enverrait simplement un mail 43
  • 44. contenant un lien spécifique qui permettrait d’identifier formellement cet utilisateur. Si l’utilisateur clique sur ce lien, la plateforme pourra ainsi prouver que l’adresse mail est exacte. De même pour le numéro de téléphone, la plateforme collaborative peut envoyer un SMS contenant un lien ou un simple code que l’utilisateur devrait recopier en ligne. Si le code correspond, la plateforme pourra attester que l’utilisateur est bien propriétaire de la ligne correspondant au numéro de téléphone qu’il a renseigné. Une fois ces informations certifiées, la plateforme peut simplement l’afficher sur le profil comme ci-dessous pour Airbnb. Ce type de vérifications, pouvant également s’effectuer pour la géolocalisation, les comptes bancaire, ou les profils de réseaux sociaux, est très efficace pour certifier que l’utilisateur est bien « humain ». La troisième catégorie d’outils permettants de créer de la confiance sur les profils des utilisateurs correspond aux avis d’utilisateurs, et c’est probablement la plus importante. Les avis d’utilisateurs correspondent à des commentaires mis en 44
  • 45. ligne par d’autres utilisateurs ayant déjà réalisé des transactions avec cet utilisateur. Ces avis sont donc particulièrement précieux car ils ne peuvent pas (en théorie) être manipulés par l’utilisateur pour améliorer son profil. Ils représentent donc un élément objectif. Les avis sont visibles de tous sur la plateforme et sont considérés comme la principale source de confiance. Ils sont également souvent associés à une évaluation chiffrée, généralement sous forme d’étoiles et sur une échelle de 5 maximum. Ces évaluations ont trois principaux avantages : elles sont très peu contraignantes en terme d’effort pour l’utilisateur, contrairement à la rédaction d’un commentaire qui demande plus de réflexion ; elles sont visuelles et ne posent pas de problème sur un site international, où un avis rédigé en français ne pourra pas être compris par un lecteur non francophone ; elles permettent à la plateforme de mettre en place une moyenne des évaluations pour chaque utilisateur, ce qui est difficile à réaliser avec des commentaires écrits. Les évaluations et avis d’utilisateurs sont donc deux outils très efficaces pour créer de la confiance sur une plateforme communautaire. Mais ils présentent également quelques inconvénients. Tout d’abord, rédiger un commentaire pour évaluer la qualité de la prestation de l’autre partie demande un certain effort à l’utilisateur, qui n’a pas forcément envie de le réaliser. Pour inciter les utilisateurs à jouer le jeu, il peut être intéressant de les éduquer à l’importance de ces avis pour la pérennité de la plateforme mais également pour la qualité des autres offres sur le long terme. Une autre technique, plus utilisée, est de donner une récompense aux utilisateurs jouant le jeu. La récompense peut prendre différentes formes, comme un badge, mais peut également donner droit à des cadeaux sur certaines plateformes. Dans ce dernier cas, il faut rester attentif au fait que les cadeaux ne vont pas biaiser la rédaction des avis et que les utilisateurs mettront des avis en ligne pour évaluer l’autre partie de la transaction et non uniquement pour recevoir un cadeau. Un autre inconvénient important des avis d’utilisateurs est le risque de falsification des commentaires. Ce risque s’inspire de techniques marketing douteuses de certaines marques, qui n’hésitent pas à créer de faux commentaires en ligne pour rendre leurs produits plus visibles ou pour rendre moins attrayant des offres de concurrents. Sur certaines plateformes, des utilisateurs utilisent ces mêmes techniques pour mettre en avant leurs offres par rapport aux 45
  • 46. autres, ce qui fausse les résultats. Cependant les plateformes collaboratives semblent bien au fait de ces pratiques et réalisent une modération efficace. De plus, si tous les utilisateurs jouent le jeu de mettre en ligne un commentaire après chaque transaction, les quelques commentaires faussés perdront vite leur visibilité et la communauté modérera elle-même les offres frauduleuses. La dernière catégorie d’éléments mis en place par les plateformes collaboratives pour générer de la confiance concerne l’expérience du membre sur la plateforme. Le but ici est de prouver que l’utilisateur est intégré depuis longtemps dans la communauté. Si cet utilisateur n’était donc pas fiable, les autres utilisateurs de la communauté l’auraient déjà signalé. Comme pour les avis d’utilisateurs, l’avantage de cette catégorie est la difficulté qu’ont les utilisateurs malhonnêtes à la manipuler. En effet, l’expérience est généralement gérée automatiquement par la plateforme, en fonction du nombre de transactions effectuées ou d’autres critères quantitatifs du même genre. Les utilisateurs malhonnêtes ne peuvent donc pas tromper le calcul, ce qui rend l’ensemble du système bien plus fiable. L’expérience est souvent exprimée sous forme de « grades », par exemple : Débutant, Connaisseur, Confirmé, Habitué, Expert, et prend tout son sens quand elle est associée aux autres catégories ci-dessus. Prouver qu’un utilisateur a réalisé un grand nombre de transactions n’est effectivement pas une preuve absolue de sa fiabilité, par contre si ce même utilisateur a réalisé autant de transactions avec une note moyenne de 4.5/5, on peut raisonnablement penser que les chances d’avoir une mauvaise expérience avec cet utilisateur sont minimes voire nulles. En plus de ces quatre catégories d’éléments créateurs de confiance, certaines plateformes mettent en ligne d’autres données qui ne font pas partie de ces catégories. Par exemple, des données comme la date d’inscription de l’utilisateur sur la plateforme, ou la date de dernière connexion, sont très intéressantes pour prouver que l’utilisateur est bien actif et que la transaction pourra être effectuée dans de brefs délais. Un autre intérêt de ce type de données est d’inciter les gens à se connecter régulièrement à la plateforme, ce 46